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LES RECONVERSIONS PROFESSIONNELLES

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LES RECONVERSIONS PROFESSIONNELLES

CHANGER DE METIER : QUELS ENJEUX ?

QUELS RISQUES ? QUELLES OPPORTUNITES ?

COLLOQUE DU C ONSEIL D ’O RIENTATION POUR L ’E MPLOI

26 SEPTEMBRE 2013

Conseil

d’orientation pour l’

emploi

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2

Synthèse

SECRETARIAT GENERAL DU COE

Octobre 2013

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3

SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 4 

LES RECONVERSIONS PROFESSIONNELLES : PRINCIPAUX FAITS ET CHIFFRES ... 6 

DISCOURS D’OUVERTURE DE MICHEL SAPIN, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (colloque du 26 septembre 2013) ... 14 

SYNTHESE DU COLLOQUE / PREMIERE TABLE RONDE : Enjeux : quelles reconversions professionnelles dans une économie en changement ? ... 19 

SYNTHESE DE L’ENQUETE COE‐OPINIONWAY : « Opinions et attitudes des employeurs face aux reconversions professionnelles » ... 23 

SYNTHESE DU COLLOQUE / DEUXIEME TABLE RONDE : Perceptions : quels regards les salariés et les employeurs portent‐ils sur les reconversions professionnelles ? ... 40 

SYNTHESE DU COLLOQUE / TROISIEME TABLE RONDE : Solutions : pour des reconversions professionnelles plus volontaires et mieux sécurisées ... 44 

Le colloque du COE du 26 septembre 2013 en images ... 48 

ANNEXE 1 : PROGRAMME DU COLLOQUE ... 50 

ANNEXE 2 : BIBLIOGRAPHIE ... 52 

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INTRODUCTION

Après avoir travaillé à plusieurs reprises sur la question des mobilités professionnelles (par exemple dans ses rapports « Mutations économiques, reclassement, revitalisation » ou « Les trajectoires et mobilités professionnelles »), le Conseil d’Orientation pour l’Emploi a choisi d’apporter un éclairage sur les reconversions professionnelles, en organisant son colloque annuel sur ce thème, en partenariat avec Europe1 et Les Echos.

Les transitions professionnelles font aujourd’hui partie intégrante de la vie professionnelle, qu’il s’agisse de changements d’entreprise, d’évolutions au sein d’une entreprise ou de mobilités géographiques. Rares sont les personnes qui exercent toute leur vie la même profession dans la même entreprise et au même endroit.

Les reconversions professionnelles sont plus que des évolutions : elles impliquent un changement important, voire dans certains cas une rupture dans une trajectoire professionnelle.

En dépit des mouvements de plus en plus nombreux sur le marché du travail, peu d’intérêt a jusqu’ici été porté à la manière dont ces mouvements, notamment en cas de reconversion, sont vécus et perçus par les personnes ‐ salariés ou employeurs. Or, si changer de métier est un rêve pour certains salariés, cela peut à l’inverse constituer dans certaines circonstances, une véritable épreuve.

Qu’elles soient volontaires ou non, la fréquence des reconversions professionnelles et la façon dont elles se déroulent nous en apprennent beaucoup sur le fonctionnement du marché du travail et plus largement sur la société.

D’un côté, elles mettent en évidence la place qu’occupe le travail dans nos vies et dans la société. Le travail est un élément de notre identité, à la fois facteur d’épanouissement personnel et d’intégration sociale. Il doit donc correspondre, dans l’idéal, à un choix de la personne. Lorsqu’elle n’est plus satisfaite du métier qu’elle exerce, elle peut choisir librement d’en changer. On voit même des personnes quitter un emploi stable et bien rémunéré pour commencer une nouvelle carrière répondant davantage à leurs aspirations personnelles.

D’un autre côté, les personnes n’ont pas toujours le choix en matière d’emploi et peuvent être contraintes de s’adapter, voire subissent des situations non souhaitées.

De fait, l’augmentation des transitions sur le marché du travail depuis trente ans est essentiellement due à la hausse des passages par le chômage. Dans ce contexte où les ruptures sont de plus en plus fréquentes, la reconversion professionnelle est donc également une option, voire un passage obligé, face au risque de chômage ou lorsque celui‐ci survient.

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5 Entre ces deux dimensions – mise en œuvre d’un projet de vie et adaptation aux mutations économiques et technologiques sur le marché du travail ‐, les questions autour des reconversions professionnelles sont nombreuses : quelle est leur fréquence ? Comment vont‐elles évoluer ? Comment sont‐elles perçues ? Quels sont les obstacles aux reconversions professionnelles ? Sur quelles aides les salariés peuvent‐

ils – ou non – compter ? Comment les salariés préparent‐ils et vivent‐ils ce changement si important, qu’il soit voulu ou subi ? Sur quels outils peuvent‐ils s’appuyer ? Alors que la mobilité est de plus en plus valorisée dans le débat public, quel regard portent les employeurs – c’est‐à‐dire ceux qui recrutent, ou non ‐ sur ces changements de trajectoire professionnelle ?

* * *

Le 26 septembre 2013, lors du colloque annuel du Conseil d’Orientation pour l’Emploi, les membres du Conseil mais aussi des experts ‐ économistes, sociologues, psychologues – ainsi que des praticiens des ressources humaines se sont penchés sur ces questions.

Une enquête COE/OpinionWay a été réalisée à cette occasion afin d’analyser la perception des DRH et des entreprises sur ces changements de métier (« Opinions et attitudes des employeurs face aux reconversions professionnelles »).

Le Conseil a volontairement retenu une approche très large des reconversions professionnelles, en s’intéressant aux enjeux macroéconomiques soulevés par ce sujet, et en abordant de manière concrète les trajectoires des personnes sur le marché du travail (voir le programme détaillé en annexe 1).

Le présent document rend compte des interventions et des échanges qui ont eu lieu lors du colloque du 26 septembre 2013 et les complète de certains éléments techniques relatifs au sujet traité, afin d’en éclairer le contexte et les enjeux. Des éléments plus détaillés sont également disponibles sur le site Internet du Conseil (www.coe.gouv.fr/).

Ayant été élaboré par le Secrétariat général du Conseil, il n’engage évidemment pas le Conseil lui‐même ni aucun de ses membres au‐delà des propos tenus par les intervenants.

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6

LES RECONVERSIONS PROFESSIONNELLES : PRINCIPAUX FAITS ET CHIFFRES

Dans son rapport sur « Les trajectoires et mobilités professionnelles »1, le Conseil d’orientation pour l’emploi a mis en évidence la grande variété des réalités, parfois liées, que recouvre la notion de mobilité sur le marché du travail.

La mobilité sur le marché du travail peut d’abord être « verticale ». Elle se décompose alors en au moins deux sous‐ensembles : la mobilité salariale et le changement de catégorie socio‐professionnelle en cours de carrière.

Elle peut également être « horizontale ». Elle peut être géographique, impliquer un changement de statut (emploi public, emploi privé, indépendant), un changement d’établissement (s’accompagnant ou non d’un changement d’employeur) ou encore un changement de métier.

C’est à cette dernière catégorie de mobilité professionnelle que nous nous intéressons ici. Avec 56 % des actifs ayant déjà changé de métier ou de secteur d’activité au cours de leur carrière (Enquête IPSOS/ AFPA 2012), le phénomène des reconversions professionnelles est largement répandu sur le marché du travail. Les principaux faits et chiffres présentés ci‐dessous permettent de décrire l’état de ces reconversions professionnelles en France.

Des reconversions professionnelles en augmentation et correspondant à un choix personnel volontaire pour une majorité de personnes

En moyenne, sur la période 1982‐2009, environ 7,4 % des salariés employés exercent un métier2 qui diffère de celui exercé dans le cadre de leur dernier emploi3 (graphique 1).

Ce taux de mobilité, extrêmement variable et sensible aux cycles économiques, est particulièrement élevé dans les phases de croissance rapide mais n’a pas connu d’évolution tendancielle à la hausse ou à la baisse. Une fois prise en compte la modification de la répartition des salariés selon leur âge, on constate toutefois une augmentation tendancielle des changements de métiers depuis les années 1980. En effet, la mobilité professionnelle diminuant avec l’âge, l’élévation de l’âge moyen des salariés entre 1982 et 2009 a diminué de façon mécanique le taux de mobilité sur cette période.

1 Conseil d’orientation pour l’emploi (2009), « Les trajectoires et mobilités professionnelles », septembre.

2La nomenclature des professions utilisée est celle des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) qui possède quatre niveaux d’agrégation. Le chiffre de 7,4 % correspond au taux de mobilité dans la nomenclature à 3 chiffres qui compte 434 professions. En utilisant les nomenclatures de niveau 1 (7 professions) et 2 (28 professions), les taux de mobilité sont respectivement de 3,8 % et 4,7 %.

3 E. Lalé (2012), Trends in occupational mobility in France : 1982‐2009, Labour economics, 19 (2012) 373–387, mars.

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7 Graphique 1 : Evolution de la mobilité professionnelle en France entre 1982 et 2009 

 sans prise en compte des effets de structure démographique,    

en prenant en compte les effets de structure démographique  Source : E. Lalé (2012), op cit. 

Les reconversions professionnelles en France se font principalement à l’occasion d’une rupture de contrat : sur la période 2004‐2011, 22,3 % des reconversions professionnelles ont eu lieu à la suite d’un licenciement économique ou personnel, 25,3 % à la suite d’une fin de CDD et 34,3 % à la suite d’une démission ou d’une rupture conventionnelle (graphique 2).

Graphique 2 : Situations préalables à la reconversion professionnelle  

Sources : présentation de S. Scarpetta pour le COE le 26 septembre 2013. Calculs OCDE à partir de    l’enquête emploi INSEE (2004‐2011). Secteur d’origine des actifs occupés du secteur du privé. 

Situation observée 4 trimestres après la première interrogation. 

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8 En 2012, pour plus de la moitié des personnes ayant déjà changé d’orientation professionnelle au cours de leur vie, il s’agissait d’un choix personnel volontaire (graphique 3). Cette proportion est d’autant plus importante que le niveau de qualification est élevé, les cadres étant bien plus concernés (76 %) par les reconversions volontaires que les ouvriers (45 %).

Graphique 3 : Motifs à l’origine de la dernière reconversion professionnelle 

 

*item non suggéré 

Source : Enquête IPSOS/ AFPA, octobre 2012 

Des reconversions professionnelles très dépendantes du métier exercé initialement Les changements de métier dépendent beaucoup du domaine professionnel dans lequel exerce la personne.

Il existe des domaines professionnels4 où les changements de métiers sont rares.

Il s’agit notamment de domaines professionnels dont l’accès est réglementé, comme ceux de la santé ou de la fonction publique5 (tableau 1). C’est également le cas de professions très qualifiées généralement accessibles par la voie de la promotion interne (cadres de la banque et des assurances), de métiers stables d’indépendants (agriculteurs, patrons et cadres d’hôtels, cafés et restaurant) ou encore de métiers aux compétences très spécifiques comme les métiers de bouche (boulangers, bouchers, charcutiers) ou encore d’ouvriers qualifiés du bâtiment ou de l’industrie. Cela ne signifie pas pour autant que, pour certains de ces métiers (notamment ceux requérant une compétence très spécifique), la mobilité n’est pas importante : les personnes peuvent changer fréquemment d’employeurs mais sans changer de métier, relevant d’une logique de « marché professionnel ».

4 Les besoins d’analyse de l’emploi et du chômage par métier ont conduit à la création de nomenclatures spécifiques des métiers qui regroupent les différents métiers en « familles professionnelles », elles‐

mêmes regroupées en « domaines professionnels ».

5 Simonnet V. et Ulrich V. (2009), La mobilité entre métiers : 30 % des personnes en emploi en 1998 avaient changé de métier en 2003, Premières synthèses, DARES, n°05.3, janvier.

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9 Tableau 1 : Les familles professionnelles à faible mobilité 

  Source : V. Simonnet et V. Ulrich (2009), calculs Dares à partir de l’enquête FQP 2003, Insee. 

Lecture : parmi les médecins et assimilés en 1998, 4 % sont au chômage ou en inactivité et 96 % sont encore  en emploi en 2003. Lorsqu'ils sont en emploi aux deux dates, 98 % exercent toujours le même métier. Ils ont  occupés 1,3 emploi en moyenne entre 1998 et 2003. 7 % d'entre eux ont changé au moins une fois de  fonction ou de poste sans promotion en 5 ans et 3 % ont eu une promotion. Ils ont passé 40 % de leur temps  en emploi en CDI, 7 % en CDD ou en intérim et 53 % à leur compte. 

Champ personnes en emploi en 1998 dans les 20 familles professionnelles où la proportion de personnes  étant restées dans le même métier entre 1998 et 2003 est la plus élevée. France métropolitaine. 

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10 Au contraire, dans certains domaines professionnels, les changements de métiers sont fréquents, même s’ils ont généralement lieu au sein du même domaine professionnel. C’est notamment le cas des domaines professionnels de la gestion et de l’administration des entreprises ou encore de l’informatique où les mouvements entre métiers au sein du même domaine professionnel sont très fréquents6.

Tableau 2 : Les familles professionnelles à forte mobilité  au sein du même domaine professionnelle 

  Source : V. Simonnet et V. Ulrich (2009), calculs Dares à partir de l’enquête FQP 2003, Insee, 

Champ personnes en emploi en 1998 dans les 20 familles professionnelles où la proportion de personnes  ayant changé de métier dans le même domaine professionnel entre 1998 et 2003 est la plus élevée. France  métropolitaine. 

6 Simonnet V. et Ulrich V. (2009), op cit.

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11 Enfin, d’autres métiers sont caractérisés par une forte mobilité vers des métiers dans d’autres domaines professionnels. C’est notamment le cas des ingénieurs et cadres de l’industrie ou encore de métiers de l’électricité et de l’électronique7.

Tableau 3 : Les familles professionnelles ouvrant fréquemment  vers d’autres domaines professionnelles 

  Source : Simonnet V. et Ulrich V. (2009), La mobilité entre métiers : 30 % des personnes en emploi en 1998  avaient changé de métier en 2003, Premières synthèses, DARES, n°05.3, janvier. 

Champ personnes en emploi en 1998 dans les 20 familles professionnelles où la proportion de personnes  ayant changé de domaine professionnel entre 1998 et 2003 est la plus élevée. France métropolitaine. 

7 Simonnet V. et Ulrich V. (2009), op cit.

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12 En adoptant une autre grille de lecture, on peut souligner que les changements de métier peuvent s’accompagner ou non d’un changement d’employeur.

Dans certains cas, les changements de métier s’opèrent sans changer d’employeur. Cela concerne notamment les métiers à « marché interne » : personnels administratifs des fonctions publiques, employés et techniciens administratifs des entreprises privées, employés et cadres de la banque et de l’assurance, agents de maîtrise de l’industrie.

Dans beaucoup d’autres cas, les changements de métiers s’accompagnent de changements d’employeurs, parfois fréquents : parmi les personnes en emploi en 1998 exerçant un autre métier dans un domaine différent en 2003, près de la moitié ont connu trois employeurs ou plus8. Ces mobilités externes s’observent particulièrement dans les métiers peu qualifiés, où les individus alternent souvent des contrats courts avec des périodes d’inactivité ou de chômage : ouvriers non qualifiés (industrie, bâtiment, manutention), employés de maison, agents d’entretien, aides à domicile, vendeurs et employés de l’hôtellerie et de la restauration.

Au total, le bilan est assez contrasté. Pour les mobilités internes (c’est‐à‐dire en conservant le même employeur) et les transitions de l’emploi vers l’emploi (soit environ 9 % des emplois et les deux tiers des transitions), on peut penser qu’il s’agit plutôt de mobilités choisies et plutôt favorables à la carrière professionnelle des individus9. Au contraire, pour les transitions via le chômage, un tiers des transitions au début des années 2000, mais les plus dynamiques, ce sont des mobilités subies, parfois défavorables10.

Les reconversions professionnelles sont plus fréquentes pour les jeunes et pour les hommes.

Les jeunes évoluent plus souvent vers un autre métier que leurs aînés : entre 1998 et 2003, 31 % des 20‐29 ans ont changé de domaine professionnel, contre 21 % pour les 30‐39 ans et 15 % pour les 40‐51 ans (Tableau 3).

Si les hommes changent plus fréquemment de domaine professionnel que les femmes, on observe peu de différences selon le genre s’agissant des changements de métier au sein du même domaine professionnel. Entre 1998 et 2003 près d’un quart des hommes avait changé de domaine professionnel, contre moins d’un cinquième des femmes. Les changements de métiers au sein du même domaine professionnel avaient concerné respectivement 8 % des femmes et 7 % des hommes sur la même période.

8 Simonnet V. et Ulrich V. (2009), op cit.

9 Balathier Lantage H. (de), Klein T., (2011), Le travail et l’emploi dans vingt ans, Centre d’analyse stratégique (juillet). Rapport du groupe de travail présidé par Odile Quintin.

10 Dans 70% des cas, les changements de métiers après un passage par Pôle emploi correspondent à des métiers différents de celui qui était recherché par les demandeurs d’emploi. Par ailleurs, un quart de ces sorties du chômage se traduisent par une mobilité descendante (baisse du niveau de qualification de l’emploi retrouvé), cf. Prokovas N., Poujouly C. (2009), « Mobilités professionnelles. Un tiers des personnes qui retrouvent un emploi changent de métier et de qualification », Repères & Analyses, Etudes, n°3, Pôle emploi, avril.

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13 Tableau 4 : Situation socioprofessionnelle en 2003 des personnes en emploi en 1998 selon leurs 

caractéristiques individuelles et leur parcours professionnel 

Source : V. Simonnet et V. Ulrich (2009), calculs Dares à partir de l’enquête FQP 2003, Insee,   

Lecture parmi les personnes en emploi en 1998, 55 sont des hommes. Parmi eux, 93 % sont encore en  emploi en 2003, dont 69 % dans le même métier, 7 % dans un métier différent mais dans le même domaine  professionnel et 24 % dans un domaine différent. 

Champ : personnes en emploi en 1998. France métropolitaine. 

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DISCOURS D’OUVERTURE DE MICHEL SAPIN,

ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (colloque du 26 septembre 2013)

Madame la présidente du COE, chère Marie‐Claire, Mesdames, messieurs,

Je vous remercie tout d’abord pour l’invitation que vous m’avez faite à venir introduire votre colloque et à partager avec vous quelques réflexions sur les enjeux des changements de métier, votre sujet du jour.

Ces moments, et les lieux comme le vôtre, sont importants pour poser une analyse structurante et de long terme. Certes, l’actualité n’est jamais très loin, et celle du jour – pour être précis celle d’hier ‐ n’est pas mauvaise avec « la forte baisse du chômage qui n’est pas encore une inversion » … mais, il faut aussi pouvoir s’en défaire et prendre de la hauteur. Ne jamais le faire serait manquer à notre rôle aux uns et aux autres – gouvernants, responsables patronaux ou syndicaux, experts.

C’est ainsi que, voici quelques mois, le Gouvernement a décidé de créer –j’allais dire de recréer‐ un instrument nouveau : le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP).

L’initiative était venue des partenaires sociaux lors de la Grande Conférence Sociale de juillet 2012. Je sais que le Commissaire Jean Pisani‐Ferry a déjà rencontré les partenaires sociaux pour fixer avec eux les modalités d’un renouveau de la concertation sur les perspectives économiques et sociales.

Le Commissariat s’est mis au travail et a déjà produit, à la demande du Président de la République, un document d’un ton plus vif que ceux auxquels nous étions habitués jusqu’ici. Ce document a fourni la matière d’une réflexion stimulante lors du séminaire gouvernemental du 19 août sur la vision de la France en 2025, un travail qui se poursuit dans la concertation. Nous avons besoin, sur les problèmes de notre économie et de notre société, de diagnostics précis et acérés.

Justement, la question que vous posez aujourd’hui participe de cette réflexion :

« changer de métier ». Je vous remercie de la poser en ces termes – plus intéressants que la seule mobilité – qui permettent d’envisager la globalité du sujet.

Cela dénote de la pertinence et de l’expertise du COE, qui n’est plus à démontrer, et qui trouvera dans une articulation plus étroite avec le CGSP une plus‐value encore accrue.

NB : Seul le prononcé fait foi

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15 On peut prendre la question du changement de métier en différents sens :

 Celui de l’évolution professionnelle, de la construction réussie d’une carrière faite d’opportunités différentes et de bifurcations enrichissantes ;

 mais changer de métier n’est pas toujours voulu, c’est aussi une violence, celle de l’emploi détruit, de la reconversion contrainte.

Je sais qu’il est nécessaire de penser en termes de parcours et de mobilité, mais il faut bien mesurer le caractère parfois insécurisant de cela, notamment pour les plus bas niveaux de qualification.

Gare donc aux constructions théoriques, à l’idéal abstrait d’une société de la fluidité sans obstacle. Cela est bien étranger à la réalité de millions de vies de travailleurs dont on ne peut ignorer la matérialité, l’ancrage géographique, l’attachement à son savoir‐

faire, etc…

Dans ces conditions, un enjeu s’impose de manière primordiale, celui de la sécurisation.

Pourquoi ? Pour convertir le risque du mouvement en une chance et conjurer la vulnérabilité qu’il induit.

Permettez‐moi, dans cette enceinte d’analyse et de réflexion, avant d’être plus concret, de poser d’abord une analyse de société.

L’expérience de la modernité est que « tout va de plus en plus vite » ; à la fois l’accélération technique mais aussi l’augmentation des rythmes de vie. Or, par le passé, le changement se faisait dans des structures relativement stables – le commissariat au plan, dont le CGSP prend la suite, était l'une de ces structures stables qui faisaient naître le changement. Il prenait alors le nom de progrès.

La nature du changement est aujourd'hui fondamentalement différente, très loin de la prévisibilité. Il est devenu synonyme d'incertitude fondamentale et potentiellement chaotique. De sorte qu’il est de plus en plus difficile de dire de quoi demain sera fait. Pour beaucoup, l’impression qui domine est celle d’une pente glissante orientée vers le bas. Cette pression de l’accélération s’exprime par la peur de manquer (manquer d'emploi, par exemple) et par la contrainte permanente d’adaptation (c’est la flexibilité).

S'il fallait oser une image, je dirais que la modernité est devenue liquide. Rien ne doit s’opposer à la vitesse de l’économie (pas même l’interdiction de l’ouverture des magasins la nuit !).

Mais cela a des conséquences : ce qui est abandonné, sous la contrainte de la société de l’accélération ‐qui va du direct permanent à la télévision jusqu’à la production « juste à temps »‐ c’est l’idée d’un projet identitaire de long terme – individuel comme collectif –, avec son autonomie, ses objectifs, ses valeurs.

Dès lors comment se projeter ? Comment prendre le risque du changement, à commencer par le changement de métier ?

Nous sommes face à cette situation. Elle impose des réponses nouvelles en termes de politique sociale et d’emploi pour les rendre capables de prendre en charge l’accélération.

Je m’explique.

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16 Là où la protection sociale et la protection de l’emploi étaient statiques (protection sociale attachée au contrat et au poste de travail, lutte contre la destruction de l’emploi existant…), nous devons inventer une sécurité dynamique.

C’est bien ce que dit le terme de « sécurisation » : pas un « état » mais un processus, un mouvement, une adaptation chemin faisant.

Qu’est‐ce que cela veut dire ? Que les salariés doivent savoir que la politique d’emploi est appelée à se reconfigurer pour trouver des parades à l’instabilité de l’emploi, du chômage – non pour fixer mais pour sécuriser le mouvement.

Car le prix à payer de l’instabilité est trop fort :

‐ la multiplication de trimestres non cotisés pour la retraite,

‐ l’absence de continuité dans les droits attachés au contrat de travail,

‐ la perte de garanties sociales liées au changement d’espace conventionnel ou au manque de coordination des régimes de protection sociale,

‐ mais aussi la dégradation de la santé qui est largement corrélée aux trajectoires précaires et instables.

Je pourrais multiplier ces exemples.

L’enjeu, c’est de protéger les transitions. Alors, changer d’emploi sera davantage positif – non plus seulement pour les cadres qui sont déjà pour beaucoup dans cette dynamique, parfois même dans un espace de mobilité international – mais aussi pour les plus bas niveaux de qualification pour qui la menace du changement est ressentie de manière très forte, la flexibilité largement subie et l’instabilité, une donnée quotidienne.

Dès lors, il nous faudra être particulièrement attentif au couplage entre formation et emploi; entre chômage et formation, et au début de la vie professionnelle entre école et entreprise. Partout, nous aurons à imaginer les maillons juridiques, sociaux, économiques qui conjureront l’insécurité sociale.

Voilà ce qu’est la « sécurisation », une politique moderne de l’emploi.

La question qui se pose pour envisager sérieusement la fluidification du marché du travail est : comment faire du « parcours » ou des « transitions » la situation de référence et d’ancrage des protections plutôt que d’attacher chacune de ces protections à un état statique ? Et comment rendre les droits consommables en dehors de la référence au cadre de l’entreprise ?

Je voudrais vous livrer mon approche, comme matière à votre réflexion.

Si la loi de sécurisation de l’emploi (ANI du 11 janvier et loi du 14 juin) vise d’abord à maintenir l’emploi là où il est – par les accords de maintien de l’emploi ou par l’activité partielle – elle porte en elle l’ambition de transitions davantage sécurisées, en ouvrant de véritables pistes dans ce sens. Je pense notamment à la création d’un compte personnel de formation ayant vocation à être portable et à suivre le salarié où qu’il aille. Elle ajoute un conseil en évolution professionnelle pour permettre au salarié de construire son parcours, indépendamment de la formation prescrite par l’entreprise elle‐même qui réfléchit (légitimement) par rapport à ses besoins. Et l’on peut lire les nouvelles dispositions liées au PSE comme un moyen d’organiser de manière plus satisfaisante et plus sécurisée la transition vers d’autres emplois et d’autres compétences pour les salariés dont l’emploi est détruit.

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17 Mais cette thématique de la sécurisation de l’emploi et des transitions ne s’arrête pas à l’entreprise.

Elle doit être portée à l’échelle de la filière. La reconstruction du conseil national de l’industrie l’incarne parfaitement, en incluant un volet emploi – compétences dans l’organisation des filières. C’est désormais dans un dialogue social et stratégique nouveau entre les différentes composantes de la filière que des transitions vont pouvoir s’organiser, permettant les passages d’un emploi à un autre, d’une compétence à une autre, d’un métier à l’autre.

Dans cet édifice, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences aura le rôle majeur de faire le lien entre les différentes composantes. Et, à ce titre, elle devra changer de registre, ne plus intervenir seulement au moment des restructurations, mais au contraire devenir un vrai outil de dialogue social sur la gestion des ressources humaines, donc de sécurisation autant que de compétitivité, l’un n’allant pas sans l’autre pour moi.

Au‐delà de la filière, la problématique de la sécurisation s’étend au territoire. Là encore, la sécurisation de l’emploi a ouvert la brèche en associant davantage le donneur d’ordres et le sous‐traitant, bien souvent à l’échelle d’un même territoire. Ici, la GPEC se fait territoriale et il appartient et appartiendra à la politique de l’emploi d’identifier les bassins qui mutent pour faire porter l’effort sur ceux‐ci.

Faire porter l’effort, qu’est‐ce que cela veut dire quand on fait de la transition le point d’ancrage de la logique de sécurisation ? Cela veut dire mettre en place comme nous l’avons fait des plateformes d’adaptation aux mutations économiques pour organiser en douceur la transition d’un secteur à un autre et donc permettre à des gens de changer de métier, de se reconvertir en évitant par‐dessus tout le passage par la case chômage. Je prends un exemple : l’une de ces plateformes concerne la LGV vers Bordeaux. C’est un immense chantier qui mobilise beaucoup de salariés, mais il aura une fin. D’ores et déjà, nous construisons les actions de reconversion pour que ces salariés ne soient pas sans solution une fois le chantier fini.

Derrière cela, il y a une idée forte : si on ne peut contrer le mouvement de l’économie, on peut le devancer, l’organiser et faire en sorte que de moins en moins de salariés passent par la case chômage entre différents emplois. A froid, c’est la GPEC d’entreprise, de branche, de territoire, c’est le bilan de compétences, la VAE, le congé de mobilité. A chaud, ce sont les cellules de reclassement, le contrat de sécurisation professionnelle qui sont autant de pièces d’une sécurité sociale professionnelle en gestation.

Mais on peut réfléchir encore au‐delà. L’organisation des filières et des territoires pour produire des formes sécurisées de transition n’épuisent le sujet. Je pourrais le pousser plus loin en regardant du côté des nouvelles formes d’emploi. Elles sont nombreuses et variables, de l’hypothèse du contrat‐cadre type « contrat d’activité » réparti entre plusieurs employeurs (les groupements d’employeurs, par exemple), jusqu’à

« l’employeur de transition » (coopératives d’activité et d’emploi et autres incubateurs et pépinières) en passant par le portage salarial. Ces formes existent et doivent désormais produire avec notre aide les effets escomptés de sécurisation.

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18 Enfin, en dernier lieu, les droits universels et portables, indispensable bagage de toute transition sécurisée que sont le compte personnel de formation – pierre angulaire de la future réforme de la formation professionnelle, dont la négociation vient de s’engager mardi dernier. Je compte particulièrement sur la formation professionnelle pour contribuer massivement à la sécurisation des transitions, tant en permettant aux demandeurs d’emplois de revenir dans l’emploi, qu’aux salariés d’évoluer.

Autre compte universel et portable : le compte de pénibilité qui parachèvera l’édifice d’une sécurité dynamique, en attendant pourquoi pas un jour un éventuel compte social personnel, compte de tous les comptes... Mais là je regarde encore plus loin…

Vous me direz que beaucoup de ce que je viens d’évoquer n’est pas opérationnel et renvoie à l’avenir.

En réalité tout a déjà commencé !

Et vous êtes bien placés, ici au COE, pour le savoir. Vous publierez par exemple dans quelques jours un rapport sur les emplois non pourvus, qui montre que l’un des enjeux de transitions réussies était d’être capable d’identifier territoire par territoire des besoins et des demandeurs d’emploi, et de les rapprocher par le biais de la formation professionnelle.

Je pense également à la renégociation de la convention d’assurance chômage qui débutera d’ici la fin de l’année. Cette renégociation devrait être l’occasion d’améliorer le rôle de l’assurance chômage en tant qu’institution du marché du travail dont l’objectif, au‐delà de l’indemnisation chômage, doit être également la sécurisation des parcours et le retour à l’emploi. C’est dans cette logique, je l’espère, que les partenaires sociaux aborderont cette négociation. Ils en ont déjà pleinement pris conscience en inscrivant les « droits rechargeables » à leur agenda de réforme.

En somme, en économie, on parle souvent de « stabilisateurs automatiques », en l’occurrence, c’est de « dispositifs de transitions automatiques » dont il s’agira de parler, capables d’agir à tout moment et partout, non seulement en cas de crise.

C’est ainsi que je voulais introduire votre colloque, par cette approche globale des changements de métier, donc des transitions.

Globale, car, il s’agit de mobilité professionnelle donc sociale, géographique autant que juridique, c’est à dire des déterminations essentielles dans la vie des gens, aujourd’hui encore trop seuls face à l’accélération du temps.

Bon travail tout au long de cette journée très dense.

Je vous remercie.

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SYNTHESE DU COLLOQUE / PREMIERE TABLE RONDE : Enjeux : quelles reconversions professionnelles

dans une économie en changement ?

Dans cette table ronde animée par Etienne Lefebvre, chef du service économie générale des Echos, sont intervenus :

Francis KRAMARZ, directeur du Centre de recherche en économie et statistique (CREST), professeur à l’Ensae et à l’Ecole Polytechnique Jean PISANI‐FERRY, commissaire général à la stratégie et à la prospective

Stefano SCARPETTA, directeur de la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales, OCDE

Philippe TRAINAR, directeur des risques du groupe Scor, membre du Cercle des économistes

 

Francis KRAMARZ indique que la mobilité est restée relativement stable en France depuis trente ans. Son faible niveau la rend toutefois susceptible d’être affectée par des effets de composition : les personnes plus jeunes sont plus mobiles, or les jeunes entrent de plus en plus tard sur le marché du travail, alors que l’on travaille de plus en plus vieux.

Une étude menée sur la situation professionnelle en 2003 des personnes en emploi en 1998 montre que 29 % des personnes ont changé de métier. 8 % sont restées dans le même domaine et 21 % travaillent dans un domaine différent. Certains métiers, comme les médecins ou les assistantes maternelles, sont peu affectés par la mobilité.

Les métiers à forte mobilité au sein du même domaine professionnel concernent les personnes travaillant dans des domaines suffisamment larges pour progresser au sein de leur entreprise ou de leur secteur. Il n’existe pas de raison de penser que ces résultats, un peu anciens, soient très différents aujourd’hui.

L’exemple des Etats‐Unis montre que mobilité et inégalités vont de pair. Kambourov met en évidence que les freins aux réallocations et reconversions sont mauvais pour les salariés : mieux vaut quitter rapidement l’entreprise quand l’emploi est menacé.

Stefano SCARPETTA souligne que la France connaît, à l’instar des autres pays de l’OCDE, une mobilité professionnelle significative. Cette mobilité joue un rôle important d’allocation des travailleurs vers des opportunités de travail plus productives et plus rémunératrices. Une partie de ces transitions sont néanmoins subies et ne débouchent pas forcément sur des situations meilleures. En France, une partie de la mobilité s’explique également par le passage d’un CDD à l’autre, parfois en passant par une période de chômage.

La structure de l’emploi a connu une polarisation en France et en Europe : les pertes d’emploi dues à la crise se sont concentrées sur les quantiles intermédiaires de rémunération. La demande de travail s’est également polarisée : les activités non répétitives sont de plus en plus demandées alors que les activités répétitives régressent. Une projection à 2020 fait ainsi apparaître des pertes d’emploi en Europe dans les professions intermédiaires, alors que les professions supérieures et les professions moins qualifiées progressent.

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20 Les reconversions professionnelles se font principalement à la suite d’une rupture de contrat (licenciement économique ou personnel, fin de CDD ou démission). Parmi les travailleurs victimes de licenciement qui retrouvent un travail sous un délai d’un an, près de 50 % en France changent de profession. Certains trouvent après un licenciement un emploi qui exploite mieux leurs compétences, mais d’autres font face à une dégradation de leur statut professionnel.

La crise économique a entraîné des changements structurels : beaucoup des emplois détruits ne seront pas recréés lors de la reprise. Les compétences génériques prennent une importance croissante au détriment des compétences spécifiques. Ces conclusions sont toutefois tirées de typologies conceptuelles et non de données empiriques. La participation de la France à une vaste étude de l’OCDE devrait y remédier.

Pour conclure, les reconversions professionnelles nécessitent d’être préparées très en amont, ce qui implique de mettre l’accent sur le système de formation professionnelle.

La France est l’un des pays qui investit le moins en la matière. Par ailleurs, la formation professionnelle accroît les inégalités au lieu de les réduire : ceux qui ont des compétences les plus élevées sont également ceux qui en bénéficient le plus.

Philippe TRAINAR rappelle que l’attente est double vis‐à‐vis de la reconversion professionnelle. Elle est censée à la fois rattraper une qualification qu’on n’a pas eu la chance d’acquérir étant jeune et donner au marché du travail plus de fluidité pour s’adapter aux évolutions de la demande et des processus de production. Mais cette dernière vision reste assez utopique et porteuse de déconvenues.

L’expérience de Philippe TRAINAR montre que la demande de reconversion professionnelle est faible dans les pays où le marché du travail est relativement fluide, comme en Suisse, aux Etats‐Unis ou en Asie. Elle est plus importante dans les pays où le marché du travail est plus rigide, comme en France, en Espagne ou en Allemagne. La reconversion professionnelle permettrait donc d’améliorer à la marge le fonctionnement du marché du travail. Le résultat des actions de reconversion s’avère souvent décevant, en dépit des nombreux instruments mis en place par les réformes, sans doute par méconnaissance de cette réalité.

Les entreprises qui procèdent à des licenciements sont dans l’ensemble peu intéressées par des actions de reconversion. Les salariés tendent ainsi à préférer des paiements comptants à des actions de reconversion : au‐delà des considérations financières de court terme, ils ont conscience d’une faible capacité à sélectionner les nouvelles activités et les nouvelles compétences porteuses. Au contraire, les entreprises qui recrutent sont très intéressées par les reconversions qui leur permettent de mobiliser plus rapidement une main‐d’œuvre disponible localement.

La reconversion professionnelle intéresse également les plus qualifiés. La main‐

d’œuvre de la banque, fortement qualifiée, connaît ainsi un redéploiement massif vers l’assurance.

Philippe TRAINAR conclut que la reconversion professionnelle ne saurait être le remède d’un marché du travail défaillant : elle ne peut apporter ce que seules des réformes structurelles peuvent produire. Elle est en revanche un adjuvant qui peut s’avérer très efficace. Cela implique de lui fixer des objectifs et des ambitions raisonnables. Elle doit s’appliquer aux entreprises d’avenir et non à celles qui perdent pied. Il lui faut être très proche des salariés et des entreprises créatrices d’emploi : le lien avec les entreprises qui licencient ne peut être qu’ancillaire. Enfin, une évaluation ex post rigoureuse est nécessaire, en particulier quand l’argent public est mobilisé, avec concurrence systématique entre les différents offreurs en reconversion.

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21 Jean PISANI‐FERRY indique que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective effectue régulièrement, en collaboration avec la DARES, des projections sur les compétences d’avenir (« Prospective des métiers et des qualifications »).

Certains facteurs sont structurels : le vieillissement de la population induira nécessairement une croissance de la demande en services à la personne. D’autres facteurs restent largement imprévisibles : concurrence internationale, évolutions technologiques, effets conjoncturels, etc.

Il faut donc éviter que le système éducatif s’inscrive dans un cadre déterministe et se concentre sur des débouchés de court terme, au détriment des compétences transférables.

Par ailleurs, la mobilité et les reconversions peuvent se trouver entravées par une structure par branches professionnelles ancienne et peu vivante : la France compte 700 branches dont seules 300 sont réellement actives. Un toilettage du système des branches constituerait un moyen peu coûteux de faciliter les reconversions. Les filières constituent une ébauche de réponse.

Enfin, Jean PISANI‐FERRY évoque les travaux de Ricardo Hausmann étudiant le cas d’entreprises qui s’installent dans un bassin d’emploi ne possédant pas d’autres entreprises de même profil de production. Deux approches sont envisageables et substituables : la mobilité géographique et la mobilité professionnelle. La première est limitée en France pour des raisons structurelles. La seconde est donc davantage à favoriser, sous réserve qu’elle soit sécurisée.

Stefano SCARPETTA souligne que les compétences importent davantage que le métier dans le processus d’évolution professionnelle. L’étude récente de l’OCDE sur les compétences des adultes montre que les soft skills sont aussi importantes que les compétences acquises dans le cadre du système éducatif.

Francis KRAMARZ confirme qu’il est important de pousser rapidement les salariés hors des entreprises qui se portent mal, pour les diriger vers celles qui recrutent. Par ailleurs, la formation professionnelle est trop laissée aux mains des entreprises en France, alors que les pays scandinaves permettent aux salariés de décider par eux‐

mêmes de leur formation. Enfin, Francis KRAMARZ conteste les études sur la polarisation des tâches : les entreprises sont tout à fait capables d’adapter les métiers en fonction des personnes qui les occupent.

Un membre de l’assistance observe que les débats se concentrent sur le périmètre français, alors que beaucoup de jeunes Français envisagent de passer une partie de leur carrière à l’étranger. Beaucoup se rendent par exemple en Asie hors du cadre classique de l’expatriation et recherchent avant tout de la liberté, et non de la sécurité d’emploi.

Un membre de l’assistance estime pour sa part que le débat se cristallise trop sur la formation. Au‐delà des compétences sanctionnées par des diplômes, le changement de métier dépend de l’état de santé, des conditions dans lesquelles on a pu développer ses compétences dans son précédent poste, de l’organisation du travail et des modalités d’accueil dans les entreprises.

Un membre de l’assistance met en avant le fait que les salariés qui changent d’emploi connaissent souvent une perte importante de rémunération en quittant un emploi à 35 heures payées 39 heures et en abandonnant leur prime d’ancienneté.

Un membre de l’assistance remarque que les débats se tiennent à modèle économique constant, or la transition énergétique débouchera sur un changement de paradigme.

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22 Philippe TRAINAR convient que la mobilité professionnelle implique plusieurs conditions sans lesquelles elle risque de déboucher sur un échec. L’entreprise doit permettre le lien avec un nouveau milieu social.

Stefano SCARPETTA confirme que la mobilité internationale est très importante pour les jeunes. Beaucoup d’emplois sont également liés à la filière internationale. S’agissant de la deuxième remarque, l’étude citée montre en effet que les compétences acquises sur le lieu de travail sont plus importantes que les qualifications initiales. Il importe alors de pouvoir les prendre en compte.

Jean PISANI‐FERRY estime que la mobilité internationale a été fortement sous‐estimée au moment de l’ouverture de l’Union européenne aux pays d’Europe de l’Est, et que cela a été aussi le cas au moment du boom espagnol. En sens inverse, beaucoup de jeunes d’Europe du Sud n’attendent pas aujourd’hui que l’emploi vienne à eux et préfèrent aller le chercher ailleurs. Deuxièmement, le changement de modèle économique et la transition écologique ne sont pas non plus un univers certain, comme l’a montré la bulle des panneaux photovoltaïques.

Un membre de l’assistance évoque la virtualisation des processus de production, qu’on a pu qualifier d’« industrie 4.0 ». Ensuite, il estime que les compétences transversales s’exercent dans un territoire. Enfin, la technologie « verte » entraîne une révolution inévitable.

Francis KRAMARZ estime que l’Etat n’a pas vocation à déterminer ce que les entreprises doivent faire, mais se doter de règles de gouvernance telles qu’elles puissent se développer. En l’occurrence, les entreprises se sont mal spécialisées. De même, les dysfonctionnements du marché du travail expliquent que les jeunes partent travailler à l’étranger : ils subissent une discrimination massive et ne peuvent pas se déplacer en France. Cet immobilisme structurel a été organisé collectivement.

Jean PISANI‐FERRY rappelle que l’Etat exerce des responsabilités en matière de formation, recherche, fiscalité et infrastructures, ce qui concourt à la spécialisation du pays et au succès de ses entreprises.

Les supports de présentation de plusieurs intervenants sont consultables sur le site www.coe.gouv.fr.

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SYNTHESE DE L’ENQUETE COE‐OPINIONWAY :

« Opinions et attitudes des employeurs face aux reconversions professionnelles »

Avant-propos

Dans le débat public, les enjeux de la reconversion professionnelle sont le plus souvent évoqués du point de vue du salarié : une reconversion pour quoi faire ? pour travailler dans quel secteur ? dans quelle région ? quels sont les risques ? quelles opportunités au cours d’une carrière ?

Mais un salarié qui s’est engagé dans une démarche de reconversion doit aussi franchir l’étape du recrutement et donc se confronter à un employeur.

Dans le cadre de son colloque « Changer de métier : quels enjeux ? quels risques ? quelles opportunités ? », le Conseil d’orientation pour l’emploi a souhaité consulter les chefs d’entreprise et les DRH sur leurs perceptions à l’égard des salariés qui ont choisi de se reconvertir ou ont été conduits à le faire.

Cette étude, confiée à OpinionWay, a pour objectifs :

d’identifier les grandes représentations et opinions associées à la reconversion à travers l’expérience et le vécu des chefs d’entreprise et des DRH ;

d’évaluer la présence et la fréquence des démarches de reconversion dans l’entreprise ;

de décrire les pratiques des employeurs face à ces démarches ;

de mesurer le degré de satisfaction à l’égard des différents outils facilitant la reconversion.

993 chefs d’entreprise et DRH ayant eu un contact avec des candidats qui se sont reconvertis ou des salariés ayant un projet de reconversion ont été interrogés en ligne du 18 avril au 14 mai 2013. Cet échantillon a été extrait d’un échantillon de 1165 chefs d’entreprise et DRH représentatif des entreprises françaises de 1 salarié et plus, constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de taille et de secteur d’activité.

Cette synthèse présente les principaux résultats de l’enquête.

   

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Les chiffres clés

La reconversion professionnelle : un phénomène rencontré par la majorité des chefs d’entreprise/DRH

85% des chefs d’entreprise et/ou DRH ont déjà rencontré des situations de reconversion.

70% ont déjà reçu des candidats en reconversion et 62% ont déjà recruté des personnes en reconversion.

30% ont géré des reconversions internes. Pour 46% de ces chefs d’entreprise/DRH, il est fréquent que l’entreprise souhaite de telles reconversions et pour 43% la reconversion interne fait partie de leur politique de gestion des fins de carrière.

51% ont vu des salariés quitter leur entreprise pour se reconvertir.

Une démarche perçue le plus souvent comme subie ou « défensive »…

53% des répondants estiment que, le plus souvent, la reconversion est subie.

Par ailleurs, selon les chefs d’entreprise/DRH ayant reçu ou recruté des candidats en reconversion, parmi les motifs évoqués par les candidats :

72% relèvent d’une logique « défensive », notamment retrouver un emploi (49 %) ou sortir d’un secteur sinistré (36%) ;

65% relèvent de l’amélioration de la qualité de vie et 44% de celle du « statut professionnel » (perspectives d’évolution, catégorie professionnelle, rémunération, etc.).

Sans surprise, ces proportions s’inversent dans le cas des départs volontaires en reconversion. D’après les chefs d’entreprise/DRH ayant déjà été confrontés à ce cas de figure, les motifs de ces départs relèveraient dans 71 % des cas de l’amélioration de la qualité de vie, dans 61%

de celle du « statut professionnel » et dans seulement 47 % des cas d’une logique « défensive ».

…mais qui bénéficie malgré tout d’une image positive chez les recruteurs

75% des chefs d’entreprise/DRH qui ont reçu ou recruté des candidats en reconversion considèrent que les reconversions constituent davantage un atout qu’un inconvénient dans un processus de recrutement. Parmi eux :

64% soulignent la motivation forte de ces candidats,

55% mettent en avant la diversité qu’ils apportent au sein de l’équipe,

52% insistent sur l’apport que constitue leur regard neuf sur le métier.

86% des chefs d’entreprise/DRH qui ont fait confiance à des personnes en reconversion sont satisfaits de la plupart de ces recrutements.

De fait (par comparaison avec des candidats directement issus de la filière) :

60% estiment que les salariés en reconversion sont plus motivés (vs. 4% pour lesquels ce sont des salariés moins motivés),

30% qu’ils sont plus à même de s’adapter aux évolutions du métier (vs. 12% pour lesquels ils sont moins adaptables),

et 25% qu’ils sont plus aptes à s’intégrer au sein de l’entreprise (vs. 5% pour lesquels ils sont moins en mesure de bien s’intégrer).

Enfin, 77% des chefs d’entreprise et DRH estiment que les projets de reconversion volontaires méritent d’être tentés.

Par ailleurs, les chefs d’entreprise et DRH soulignent l’importance de la genèse du projet de reconversion dans le succès de ces démarches : le fait que la reconversion ait été choisie, et non subie, optimiserait, selon eux, les chances de succès (82% contre 49%).

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25 Les chiffres clés

De nombreux facteurs interviennent dans le bon déroulement de la démarche et conditionnent son succès

Les chefs d’entreprise/DRH identifient de nombreux freins,

…au niveau des candidats

propres au profil des candidats : se reconvertir à plus de 50 ans constitue une entreprise plus risquée selon 56% des répondants

propres au déroulement de la démarche : sa complexité administrative (évaluée comme l’une des principales difficultés de cette démarche pour 40% des répondants), le manque d’information sur les possibilités de reconversion et les outils à disposition (35%) ou encore le manque de fonds en soutien aux reconversions (34%)

propres à la prise de risque que cela représente : pertes des avantages acquis jusque‐là, précarité liée à la période d’essai (37%)

…au niveau des entreprises

Avec, pour certains chefs d’entreprise/DRH, le sentiment que le temps d’appropriation du métier sera plus lent et le niveau de compétence plus faible que pour les autres candidats.

Les chefs d’entreprise/DRH mobilisent assez fortement les outils existants pour faciliter les différents types de reconversion, mais n’en sont que peu satisfaits

78% des chefs d’entreprise/DRH ayant recruté des personnes en reconversion mobilisent des outils pour faciliter l’intégration dans l’entreprise des salariés en reconversion et leur appropriation du métier. Le principal dispositif utilisé est le tutorat avec 40% des chefs d’entreprise/DRH qui le mettent en place. Viennent ensuite les stages (29%) et le « tuilage », c’est‐à‐dire le fait que le nouveau salarié est formé par la personne qu’il remplace (23%).

Dans une situation de reconversion externe volontaire, 77% des chefs d’entreprise/DRH (dont 20%

systématiquement) fournissent un accompagnement (conseil, entretien, etc.) au salarié concerné.

74% (dont 16% systématiquement) leur proposent d’utiliser leur DIF et 60% (dont 13%

systématiquement) leur communiquent un kit d’information sur les aides à la reconversion.

Dans le cas des reconversions internes individuelles, 61% des chefs d’entreprise/DRH concernés mobilisent un bilan de compétences, 54% du tutorat, 53% un bilan professionnel et 48% le DIF.

Pourtant, seuls 48% des chefs d’entreprise/DRH se disent satisfaits des outils existants pour accompagner les projets de reconversion. Les chefs d’entreprise souhaiteraient un accompagnement renforcé des personnes, tout au long du processus de reconversion, davantage d’aides financières pour les entreprises recrutant des salariés en reconversion et une simplification des démarches administratives et de l’information disponible.

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26 L’image de la reconversion professionnelle

La reconversion professionnelle : un phénomène rencontré par la majorité des chefs d’entreprise et DRH

Si la reconversion professionnelle est encore loin d’être systématique pour les actifs, elle fait aujourd’hui partie intégrante de la gestion des ressources humaines.

85% des chefs d’entreprise/DRH français ont déjà été en contact avec des personnes en cours de reconversion : 70 % ont reçu des candidats en reconversion et 62 % en ont recruté.

Une moindre proportion de chefs d’entreprise (51%) a vu des salariés quitter son entreprise dans une perspective de reconversion et une minorité (30 %) a géré des reconversions internes.

Pour les chefs d'entreprise et DRH de grandes entreprises (250 salariés et plus), ces différentes configurations sont nettement plus répandues. Autour de 90% d’entre eux ont déjà vécu ces situations et autour de 30% les vivent fréquemment.

Une démarche qui bénéficie d’une image positive

Les chefs d’entreprise/DRH ont une bonne image de la reconversion. Ainsi, 75% des chefs d’entreprise/DRH ayant reçu en entretien ou recruté des candidats en reconversion professionnelle, estiment qu’être en reconversion constitue un atout. Les chefs d'entreprise/DRH des entreprises de 250 salariés et plus sont les plus convaincus, 82%

d’entre eux déclarant qu’il s’agit d’un atout.

C’est au sein du secteur industriel que l’on trouve le plus de réticences. Près d’un tiers des chefs d’entreprise de ce secteur envisage la reconversion plutôt comme un frein au recrutement (31%).

Pour chacune des situations suivantes, merci de nous indiquer si vous les avez déjà vécues :

% Oui

30%

51%

62%

70%

Oui, fréquemment Oui, parfois Non, jamais

15%

12%

7%

6%

55%

50%

44%

24%

30%

38%

49%

70%

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