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LA ZONE EURO POURRAIT- ELLE ÉCLATER?

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Academic year: 2022

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LA ZONE EURO POURRAIT- ELLE ÉCLATER ?

ANNICK STETA

e vent mauvais qui souffle sur l’économie mondiale pourrait- il emporter l’euro ? Jusqu’aux premières semaines de l’année 2009, la monnaie unique européenne semblait suffisamment solide pour freiner la descente aux enfers des pays membres (1).

En faisant planer l’ombre de la récession, l’aggravation de la crise a mis en évidence les faiblesses constitutives du processus d’unifi- cation économique et monétaire européen : jadis bouclier, l’euro pourrait devenir notre talon d’Achille.

Depuis quelque temps, les marchés s’inquiètent d’un possi- ble retrait de certains pays de l’union monétaire. La crise écono- mique s’est traduite par une détérioration des finances publiques des pays membres de la zone euro. Dans certains d’entre eux, la montée de l’endettement public est telle que se pose la question de sa soutenabilité : en termes moins barbares, il s’agit de savoir si les États sont capables de supporter le poids de leur dette. Deux types d’indicateur permettent de mesurer l’angoisse qui s’est emparée des opérateurs. Les écarts de rendements sur la dette souveraine se sont considérablement élargis au sein de la zone euro : les marchés ont pris en compte l’impact sur les finances

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publiques des plans de relance annoncés par les gouvernements et ont exigé des « primes de risque » d’autant plus importantes que l’endettement des pays considérés était élevé (2). Cinq pays se trouvent à ce titre dans une situation inquiétante : l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande et la Grèce. Les notes de solvabilité de plusieurs d’entre eux ont été soit abaissées (cas de l’Espagne et de la Grèce), soit mises sous surveillance avec implication négative (cas de l’Irlande et de l’Italie).

D’autres menaces viennent de l’extérieur de la zone euro.

Les pays d’Europe centrale et orientale sont, eux aussi, confrontés à un sévère ralentissement de l’activité économique. Les flux de capitaux dont dépendent leurs économies se sont taris, contri- buant de la sorte à mettre à mal des systèmes bancaires déjà fragilisés. La conjonction de ces phénomènes a provoqué la dégringolade de leurs devises au cours des six derniers mois. Or nombre d’entre eux sont aux portes de la monnaie unique. La Pologne, la République tchèque, la Hongrie et les pays baltes (3) devraient faire leur entrée dans la zone euro en 2012 ou 2013 ; ils devraient être suivis par la Bulgarie et la Roumanie. La proximité géographique de ces pays ainsi que la promesse d’une rapide accession à la monnaie unique ont incité les banques d’Europe de l’Ouest à s’implanter sur ces marchés : leurs engagements à l’Est sont estimés à 1 600 milliards d’euros. Si elles venaient à s’effon - drer, les économies d’Europe centrale et orientale entraîneraient dans leur chute celles de la zone euro et contribueraient de la sorte à rogner l’assise de la monnaie unique.

Il est peu probable qu’un État demande à sortir de la zone euro. Les coûts associés au retour à la monnaie nationale seraient excessivement importants pour le pays considéré. Il lui faudrait offrir des rendements élevés pour trouver à placer ses titres de dette. Le risque de change réapparaîtrait et compliquerait les opérations des agents économiques. L’augmentation des prix à l’importation provoquée par la renonciation à l’euro entraînerait une recrudescence de l’inflation. La dépréciation de la devise du pays sortant se traduirait enfin par une forte hausse de la charge de sa dette libellée en euros.

La sortie d’un ou plusieurs pays membres serait préjudicia- ble à l’ensemble de la zone euro : elle viendrait appuyer la thèse

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de ceux qui, tel Milton Friedman, doutaient de la viabilité d’une monnaie unique européenne (4). En laissant planer le doute sur l’avenir de l’euro, de tels mouvements de retrait affaibliraient la monnaie unique et ruineraient les efforts qui, en une dizaine d’an- nées, ont permis de créer la seule devise susceptible de rivaliser avec le dollar. Les pays ayant choisi de partager un même destin monétaire ont donc collectivement intérêt à assurer la cohésion de leur union. Il ne s’agit pas seulement de sauver la monnaie unique : la construction européenne se remettrait difficilement d’un échec de l’euro.

Préserver l’intégrité de la zone euro exige de mettre en place des mécanismes de solidarité afin de venir en aide aux États menacés de défaillance. Rien n’a été prévu par les traités euro- péens successifs. Et pour cause : si les États fondateurs de l’euro ont accepté de renoncer à leurs instruments monétaires nationaux, ils ont défendu bec et ongles leur autonomie budgétaire. Les traités en vigueur portent la marque de cette obsession : ils interdi- sent aux États d’assumer ou de garantir les engagements d’une collectivité publique tierce (5). La Banque centrale européenne pourrait toutefois pallier cette incapacité juridique des États mem - bres en achetant sur le marché secondaire des titres de dette émis par un État en difficulté (6). Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a par ailleurs proposé qu’une partie de la dette des États de la zone euro soit gérée en commun, ce afin d’obtenir de meilleures conditions de financement. Le lancement d’un emprunt européen présenterait toutefois l’inconvénient d’éli- miner la prime accordée par les marchés à l’Allemagne, ce qui rend délicate l’adoption d’un tel projet (7).

Les États les plus vertueux n’ont en effet guère de raisons de porter secours à leurs voisins insouciants. Trop de pays ne se sont pliés que temporairement au jeu de la discipline budgétaire. Quant au corset du pacte de stabilité et de croissance, ses baleines se sont révélées bien flexibles : les sanctions qui pouvaient être infli- gées aux contrevenants n’étaient guère dissuasives. La probable aggravation de la crise économique aura une vertu : elle condam- nera la zone euro à progresser sur la voie du fédéralisme budgé- taire (8). L’union économique et monétaire y gagnera en cohérence et en efficacité. Mais cette naissance au forceps risque fort de

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rendre la construction européenne un peu plus impopulaire parmi ceux qui auront eu le sentiment, non dénué de fondement, de payer pour des bêtises qu’ils n’avaient pas commises.

L’expérience de la crise pourrait en outre conduire à durcir les conditions d’accès à la zone euro. La monnaie unique euro- péenne a souvent été utilisée comme un instrument de politique étrangère : l’Union européenne n’a pas hésité à agiter ce hochet pour arrimer à l’Ouest les États d’Europe centrale et orientale. Les difficultés que rencontrent aujourd’hui des pays qui, hier encore, semblaient appelés à prendre rapidement part à l’aventure moné- taire européenne, devraient inciter à davantage de prudence.

L’avenir de l’euro se joue aujourd’hui. Les menaces qui pèsent sur lui nous rappellent ce que, tout à la joie de ses pre- miers succès, nous avions oublié – et ce que la Banque centrale européenne, si souvent dénigrée par les responsables politiques nationaux, n’a jamais cessé de marteler : pour produire les bénéfi- ces que l’on attend de lui, l’euro doit être géré avec une absolue rigueur.

1. La zone euro comprend actuellement seize membres. Onze pays ont adopté la monnaie unique européenne le 1erjanvier 1999 : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal. Ils ont été rejoints par la Grèce (1erjanvier 2001), la Slovénie (1erjanvier 2007), Chypre et Malte (1er janvier 2008). La Slovaquie est entrée dans la zone euro le 1erjanvier 2009.

2. Voir sur ce point : « A tricky balancing act », The Economist, 7 février 2009. Cet article ainsi qu’un graphique mettant en évidence la corrélation entre la hausse des rendements exigés sur la dette souveraine et l’alourdissement de l’endettement public sont disponibles à l’adresse suivante :

http://www.economist.com/world/europe/displaystory.cfm?story_id=13062174.

3. Estonie, Lettonie, Lituanie.

4. Voir sur ce point : Milton Friedman, entretien avec Robert Lozada, « Un entête- ment suicidaire », Géopolitique, printemps 1996.

5. L’article 103 du traité instituant la Communauté européenne (version consoli- dée) prévoit que : « La Communauté ne répond pas des engagements des admi- nistrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des

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autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. »

6. La Banque centrale européenne ne peut souscrire de dette publique à l’émission (article 101 du traité instituant la Communauté européenne, version consolidée).

7. Rompant avec l’orthodoxie budgétaire chère à son pays, le ministre des Finances allemand Peer Steinbrück a déclaré en février 2009 que « les traités de la zone euro ne prévoient aucune aide en faveur de pays devenus insolvables, mais en réalité les autres États seraient obligés de secourir ceux qui rencontrent des difficul- tés ». Sa position a été critiquée par l’un des membres du directoire de la Banque centrale européenne : la clause de non-intervention « est une base importante du fonctionnement de l’Union monétaire », a estimé Jürgen Stark dans un entretien au magazine Der Spiegel.

8. Voir sur ce point : Paul Krugman, « The pain in Spain… », The New York Times, 19 janvier 2009.

Docteur en sciences économiques, Annick Steta est actuellement visiting scholarà l’université Harvard.

Références

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