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Techniques de vie n°13

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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LES FONDEMENTS PHILOSOPH DES TECHNIQUES FIIEINET

BIMESTRIEL t

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SOMMAIRE

ÉLISE et CÉLESTIN FREINET

Naissance de l'Ecole Freinet... page De la fondation à la guerre... page 7 Le destin d'une école expérimentale... page 11 Appel aux Amis de l'Ecole Freinet... page 26

Comité de Patronage

t M. Ad. FERRI1tRE

M. R. DOTTRENS, Genève

M. CROS, Directeur de l'Institut Pédagogique National M. HART, Ministre de l'Education de la République de Cuba M. CHAGOT, Sous-Directeur de l'Institut Pédagogique National M. BLOCH, Professeur à la Faculté des Lettres de Caen

M. MUCCHIELLI, Professeur de psychologie à la Faculté de Rennes M. NEEL, Professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble

M. MAUCO Directeur du Centre psycho-pédagogique Claude Bernard, à Pari~

M. DELCHÉT, Directeur du Laboratoire de pédagogie expérimentale de l'Uni- versité de Lyon

M. NAZET, Sous-Direction de la Jeunesse et de l'Education Populaire M. LEFEBVRE, Inspecteur primaire à Alger

M. CHEVALIER, Inspecteur primaire à Dunkerque M. UEBERSCHLAG, Inspecteur primaire à la Réunion M. GOAVEC, Inspecteur primaire à Rabat (Maroc)

M. JOUBREL, Délégué général de l'A. NI. des Educateurs de Jeunes Inadaptés M. BARBOTEU, Inspecteur départemental de la Jeunesse et des Sports Dr FRIEDEMANN, Directeur de l'Institut d'Hygiène mentale de Bienne (Suisse) M. ISCHER, Directeur des Etudes pédagogiques à Neuchâtel (Suisse) M. BARBIER, Directeur des Activités culturelles de l'Union Suisse des Coopé-

ratives (Membre de la Commission Suisse pour l'UNESCO)

M. MEYLAN, Professeur honoraire de pédagogie de l'Université de Lausanne (Suisse)

M. GU~NIAT, Directeur de l'E.N. des Instituteurs du Jura à Porrentruy (Suisse) M. BAUDOUIN, Directeur de l'Institut International de Psychagogie de Genève

M. ROLLER, Directeur de l'Institut des Sciences de l'Education à Genève M. SPANOGHE, Inspecteur Principal de l'Enseignement en Belgique, Président

de l'Education Populaire

M. LAPORTA, Directeur de l'Ecole Pestalozzi, à Florence (Italie)

M. VISALBERGHI, Professeur de pédagogie à l'Université de Milan (Italie) M. MAERTZ, Attaché au Ministère de l'Education Nationale, G.-D. Luxembourg M. KRNETA, Conseiller à l'Institut Yougoslave de Recherches Pédagogiques M. CHABAANE, Inspecteur primaire au Secrétariat d'Etat de l'Education Natio-

tionale de Tunisie

Mm. SEMENOWICZ, Membre de l'Institut National de Pédagogie Spéciale, Varsovie (pologne)

Comité de Rédaction

Mm •• Elise FREINET, Madeleine PORQUET.

MM. CHAUCHARD, C. COMBET, G. JAEGLY, J. VUILLET, C. FREINET.

P. LE BOHEC, M.-E. BERTRAND, P. DELBASTY.

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Naissance de l'Ecole Freinet

L'Ecole Freinet a aujourd'hui trente ans,

Elle a reçu, éduqué, vivifié, sauvé des 'rnilliers d'élèves qui sonl aujourd'hui des hommes el des femmes, dont nous n'avons pas toujours pu orienter le destin mais qui se souviennent d'une éducalion qui les a marqués d'une façon bénéfique el qui nous disent encore, à l'occasion, toute leur reconnaissance,

Et surtout des dizaines de milliers d'éducateurs ont fait à l'Ecole Freinel des visites plus ou moins longues ou renouvelées qui ont décidé de leur vocation. Des milliers d'éducateurs y chi fait des stages, y ont participé à des journées de travail, à des colloques et à des Congrès qui ont fait d'eux les fidèles et dévoués militanls du mouvement des Techniques Freinet de l'Ecole Moderne, dont le renom pédagogique est aujourd'hui national et international.

Pour ceux-là, il serait certes superflu de raconler aujourd'hui l'histoire de l'Ecole Freinet, car cette histoire esl inscrite dans leur vie pédagogique, dans leurs pensées et dans leur cœur. Les nouveaux venus, les jeunes surtout, nous demandent par con Ire de leur faire connaÎtre l'aventure unique d'une entreprise téméraire, si téméraire et si osée qu'elle est menacée aujourd'hui de disparaÎtre si la volonté unanime de ceux qui en ont bénéficié n'en assure la permanence et le service,

Cel historique de l'Ecole Freinet est d'ailleurs intimement mêlé à toute la vie de notre mouvement pédagcgique, comme le levain s'incorpore à la pâte qu'il fait lever.

Dans Naissance d'une Pédagogie Populaire (1), Elise Freinel en situe l'origine, dans le processus complexe de notre pédagogie .

En 1928, nous étions nommés à St-Paul de Vence, qui n'était alors qu'une paisible bourgade provençale dont l'étranger n'avait pas encore envahi les rues ni troublé l'austère quiétude de ses remparts.

Nous y avons naturellement transporté nos techniques, nées au village voisin de Bar-sur-Loup. Nous publiions un journal scolaire: Les remparts. Nous avions des correspondants dont nous recevions lettres et colis. Nous faisions des enquê- tes au cours desquelles je filmais avec ma caméra 9 mm la vie des enfants dans leur milieu. A l'Ecole même d'abord, puis dans des locaux annexes était installée la Coopérative de !'Enseignement Lalc naissante. Tout allait pour le mieux dans un village où nous jouissions de la sympathie des parents d'élèves satisfaits du travail scolaire et des succès au Certificat d'Etudes.

(1) Editions de l'Ecole Moderne, Cannes (en réédition).

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Venus de France et de l'étranger, les pédagogues étaient déjà nombreux à visiter notre Ecole, ce « haut lieu de la pédagogie contemporaine». Ad. Ferrière y avait sa dévouée compagne. Le Recteur de l'Académie de Moscou s'y arrêtait pour une longue enquête dans le cadre de la prospection qui était internationalement conduite par l'U.R.S.S. pour décider du choix d'une méthode. La nôtre était encore trop imprécise pour affronter la diffusion à la mesure d'un immense pays en cons- truction. Des disciples de Mme Montessori et de Decroly, des pédagogues roumains, polonais, espagnols, anglais, américains, sud-américains confrontaient nos premiè- res réalisations avec les méthodes qui se partageaient alors l'influence dans le vaste domaine éducatif international.

Nous croyions n'avoir que des amis dans le petit village. Mais, clandestine- ment, une réaction manœuvrée par la royaliste Action Française, de Léon Daudet, manœuvrait, avec toujours les mêmes procédés indélicats un certain nombre de parents dont on exploitait l'ignorance, et des partisans sans enfants qui seront les plus acharnés à nous nuire.

Dans· la nuit du 1er au 2 décembre 1932, des affiches diffamatoires étaient

collées sur les murs du village, au moment même où le journal L'Action Française déclanchait à Paris une campagne de presse calomnieuse, répercutée par toutes les

« Croix» de France et de Navarre.

L'affaire fit grand bruit, d'autant plus que des interpellateurs à la Chambre harcelaient le ministre de Monzie et le sommaient de prendre des sanctions. Mais les démocrates, les syndicats, les laïques furent à nos côtés dans une lutte qui faillit être sanglante. Une grève des élèves fut amorcée et se traduisit à la rentrée de Pâques 1933 par une manifestation d'une extrême violence, avec en tête le curé et la douairière.

Et comme il fallait des sanctions, on déplaça l'Inspecteur d'Académie.

Les péripéties de cette « Affaire de St-Paul» ont été popularisées par le film L'Ecole Buissonnière, de Jean-Paul le Chanois que tous les éducateurs connaissent.

Nos techniques sortaient cependant, malgré les douloureux aléas, triomphantes de la lutte. Elles avaient subi l'épreuve du feu. Les attaques unanimes de la réac- tion avaient incité les progressistes à nous comprendre et à nous guider. Les instituteurs en général, et nos adhérents en particulier avaient assuré avec succès notre défense.

Vous verrez les détails de cette lutte dans le film L'Ecole Buissonnière. (1)

Nous étions sortis de l'aventure avec les honneurs de la guerre, mais nous allions être considérés désormais - et nous le sommes encore - comme des trouble-fête et des gens à histoire dont il fallait se méfier.

Nous nous rendions à l'évidence : nous ne pourrions plus désormais travailler en tirailleurs au sein de l'administration. Il nous fallait ou nous plier ou partir.

Nous sommes partis!

Le hasard nous avait amenés sur une colline avoisinant Vence où une petite colonie espagnole défrichait la forêt. Un simple sentier, bien mal tracé, permettait d'y accéder. Mais le terrain y était bon marché, ce qui nous permit de nous ins- taller provisoirement dans une petite maisonnette de deux pièces qui allait devenir le noyau de la future école.

(1) voir aussi le B.T. nO 100

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L'École Freinet a d'abord été un chantier ...

C'est là que nous ouvrions en octobre 1932 un embryon d'école avec cinq élèves dont notre fille.

L'aventure commençait.

En même temps que nous nous occupions de nos cinq élèves et que nous rodions déjà les bases de notre vie communautaire, je me rendais tous les jours à St-Paul à pied pour y régler les affaires de notre Coopérative où travaillaient deux employées qui nous étaient totalement dévouées. Mais il nous fallait coûte que coûte donner une assise solide à nos projets, ce qui n'était pas pour nous une petite affaire.

Construire une maison reste certes encore aujourd'hui pour ceux qui s'y atta- quent une source de tracas, de permanent et d'obsédant souci financier. Mais ils bénéficient du moins des subventions diverses et de l'appoint d'organismes de crédit qui amortissent les débours. L'entrepreneur produit un devis puis prend la totale responsabilité de la construction.

Il n'en était pas ainsi à notre époque. Faute d'appuis et de crédits, force nous a été de construire nous-mêmes pièce à pièce, selon les responsabilités et l'aide financière de parents et d'amis, et surtout de mettre sans cesse la main à la pâte, piochant, tirant du sable, manœuvrant un concasseur rudimentaire pour la f~brica­

tion d'agglomérés, faisant face à toutes les exigences d'un chantier où la folle

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bonne volonté tenait souvent lieu de compétence. Nous faisions vraiment, dans tous les domaines notre tâtonnement expérimental, et les résultats, ma foi, furent pour- tant à la mesure de nos espoirs,

Pendant vingt ans, l'Ecole Freinet aura été ce chantier. On nous demande parfois pourquoi, pour notre Ecole, nous avons adopté le système pavillonnaire.

C'est bien sOr que nous avions l'intuition que cette répartition en surface de nos

locaux répondrait mieux â nos besoins pédagogiques. Mais c'est aussi que notre

Ecole a pris forme pierre à pierre et toits après terrasses, avec au départ, pour tout éclairage, des lampes à pétrole auxquelles succédait un groupe électrogène avant l'arrivée du réseau électrique. Le résultat n'en est pas moins satisfaisant puisque l'ensemble répond à sa destination, paraît ne point choquer ceux qui aujourd'hui viennent nous visiter et a été copié, en France et à l'étranger par les constructeurs de locaux scolaires.

Mais les pierres sont pesantes à manier, les soucis lourds à supporter et les échéances cruciales.

Cet effort parfois surhumain a eu du moins comme avantage de nous faire prendre corps physiquement, physiologiquement et moralement avec notre Ecole et que nous avons vécu intégralement une aventure qui nous a bien souvent rappelé les dures vicissitudes de cette autre aventure que furent la vie et l'œuvre de notre maître Pestalozzi. Nous avons été tout à la fois, par nécessité, les architectes, les bâtisseurs, les constructeurs, les éducateurs, les administrateurs, les inventeurs et les fabricants de matériel, les conseillers de santé, les artistes ... et les pédagogues Et le soir, quand tout dormait dans la maison des enfants, nous volions encore sur notre sommeil les quelques heures nécessaires pour écrire des brochures et des livres, pour' rédiger nos revues, pour préparer des albums et des expositions, pour entreten>\r avec nos nombreux camarades une correspoiidance qui a grande, ment contribué à souder, puis à élargir notre mouvement.

Du fait des conditions même 'de cette naissance de l'Ecole et de sa vie dif- ficile, nous avons toujours eu une institution essentiellement pauvre - ce qui a certes de graves inconvénients mais aussi quelques avantages qu'il nous faut rap- peler à l'actif de cette réalisation hors série, aujourd'hui apparemment dépassée, techniquement au moins, par les constructions nouvelles à la mesure de notre époque de fer et de béton.

Notre misère, pOLir si paradoxal que cela paraisse, était moins visible en nos débuts à cause ,de'l'exceptionnel de notre œuvre. Il n'y avait pas encore à cette époque de maiso'ns d'enfants puisque n'exista,it pas alors la sécurité sociale qui à procuré les fonds p,our ces institutions, N9uS avions, les premiers, montré ce que pouvait être, ce que devait être une maison d'enfants populaire et lalque, conçue pour servir avant tout l'équilibre, l'harmonie et l'éducation des enfants.

Les Maisons d'enfants abondent aujourd'hui, luxueusement installées dans des châteaux, servies par U[l, personnel abondant sinon toujours efficient. A côté de ce luxe notre Ecole fait évidemment figure d'un parent pauvre à qui on serait t§lnté de faire l'aumône ... Et pourtant nous n'en sommes pas, pour autant, .vqués aù com- plexe d'infériorité,

Cè'rtes, 'si,

no'us·

étions riches, nous apporterions à notre Ecole un certain nombréd'am'éliorations techniques qui faciliteraient l'organisation et le travail. mais nousévitérions autant que possible d'en augmenter le confort, qui, même rudimen- taire chez nous, nous paraît pourtant suffisant.

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Et cela nous amène à une nécessaire révision de notre conception de l'éduca- tion dans ses rapports avec le confort.

Il faut évidemment pour des enfants, et pour l'Ecole qui les accueille, un niveau de propreté, de chauffage, d'éclairage, de nourriture et de beauté absolument indispensables, Nous nous sommes toujours appliqués à y pourvoir. Mais au-delà de ce niveau, nous abordons au superflu qu'est le confort, cet élément nouveau

pas toujours bénéfique, de notre civilisation. '

Or, l'enfant n'aime pas le confort qui est pour lui une inutile limitation.

Il aime - et nous devons lui apprendre à aimer - l'ordre, la propreté, l'harmonie.

Mais il veut surtout pouvoir travailler et créer, aussi bien à l'Ecole que dans les internats, De ce fait, l'Ecole - et les Maisons d'enfants en particulier ~ ne de- vraientjamais être des résidences bourgeoises mais des chantiers vivants où les besoins essentiels des enfants pourront se satisfaire spontanément et naturellement.

Il y a d'ailleurs un autre aspect du problème du confort,

Il faut qu'à l'Ecole les enfants aient la sensation de vivre dans une maison qui est vraiment à eux comme est à eux l'appartement familial dans lequel chaque participant a son coin à lui et participe à l'entretien et au bon ordre des pièces dont il dispose.

Notre Ecole Freinet, par le fait qu'elle a été comme un chantier permanent, a permis aux diverses générations d'enfants qui s'y sont succédées, de partiCiper hardiment aux travaux de construction et à l'aménagement. Ils ont tiré le sable de la carripre, monté des murs, blanchi les façades, peint des volets et des intérieurs, Ils ont réparé le mobilier, replacé des carreaux, et surtout ils ont créé des œuvres artistiques pour l'embellissement de la maison commune. Les jardins ont toujours été à la disposition de leur bonne volonté; ils se sont intéressés chaque année aux semis et aux plantations sous la direction du jardinier, et ils ont toujours dis- posé d'un petit coin de terre à eux, dont ils prennent un soin jaloux, et dont ils portent triomphalement à le. cuisine les premières productions.

Pour que prenne forme une telle œuvre communautaire, il nous faudra une autre conception de l'ordonnancement des locaux, une autre implantation dans le milieu avec des jardins, des bOIs et des animaux, et des petits ouvriers qui s'affè- rent avec un minimum de discipline et d'ordre organique.

Et notre solution est plus économique que les pratiques habituelles. Il faut aux Maisons d'enfants un personnel « d'encadrement» comme dans les casernes.

Nous supprimons, nous, l'Ecole et créons le chantier. Et rien n'est plus formatif que le travail vivant dans un centre coopérateur et communautaire.

C'est cette expérience de Maison d'enfants éducative que nous voudrions continuer à un niveau de fonctionnement qui réponde à nos communes exigences .

Mais n'anticipons pas davantage et revenons à la naissance de notre Ecole.

Un bâtiment central était monté avec, au rez-de-chaussée, la cuisine et les réserves; au premier, la salle à manger et le bureau, au second un dortoir et l'unique pièce qui constituait tout notre logement personnel.

Le bâtiment de l'Ecole lui-même s'achevait et le Fr octobre 1935 nous nous y installions avec quinze enfants, ce qui était un encourageant record si on pense que nous n'avions évidemment fait aucune publicité - les événements l'avaient faite à rebours et que notre réalisation était à l'époque une totale nouveauté.

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Elle fut émouvante, croyez-le, cette première journée de classe, où l'imprimerie, déjà, était à l'honneur.

L'ouverture des écoles privées confessionnelles est d'ordinaire sans histoire.

Nous croyions bénéficier nous-mêmes des avantages légaux indispensables. Nous avions scrupuleusement respecté les conditions prévues par les règlements, notam- ment celle qu i nous faisait une obligation de pouvoir, de la chaire, surveiller les enfants se rendant aux W-c.

J'avais donc fait ma déclaration officielle d'ouverture d'écoie, conformément aux règlements que j'avais étudiés avec soin. Le délai d'affichage étant écoulé et personne ni aucune administration n'ayant fait d'opposition, j'étais régulièrement en droit d'ouvrir mon Ecole,

Or, en février 1936, l'administration m'informe que je suis poursuivi pour oUo verture clandestine d'école, J'étais passible de la correctionnelle. J'alerte encore une fois les camarades et le Syndicat. L'ordre de mon ouverture n'étant pas venu de Paris dans les délais prescrits, j'étais bien en droit de considérer l'Ecole comme légalement ouverte

Rien donc ne fut changé à notre activité scolaire jusqu'au jour où le Conseil Départemental, après une séance dramatique, jugea l'affaire dont il avait été saisi. Malgré la chaleureuse défense de nos camarades, la conclusion fut que je n'avais pas le droit d'ouvrir mon Ecole.

Mais des enfants étaient là que nous ne pouvions renvoyer. Force nous était donc de nous accommoder des données du moment et de fonctionner clandestine- ment La chose nous fut relativement facile. Les inspecteurs-enquêteurs nous étaient signalés avant leur arrivée et les enfants étaient habitués à travailler à peu près seuls après la mise en train du matin. Notre Ecole était déjà équipée avec l'em- bryon de matériel dont nous allions révéler l'usage: textes libres, imprimerie, fi- chiers ... Il advint même que l'Inspecteur venu nous surprendre trouvât les enfants occupés à une enquête, à l'imprimerie, au texte libre ou au dessin et voulut savoir comment se produisait ce miracle.

Le soir, nous faisions le contrôle des travaux et la mise au point des princi- pales activités, tout en préparant le travail pour la journée à venir.

Ainsi les mois passèrent. Les événements auxquels nous avions participé active- ment imposèrent bientôt le Front Populaire et son esprit franchement démocratique,

Dès la formation du nouveau gouvernement un télégramme officiel nous an- nonçait la bonne nouvelle : notre Ecole était ouverte .

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De la fondation

à la guerre de 1939

Entre-temps, l'effectif de l'Ecole s'était subitement accru d'une douzaine d'en- fants instables qui mirent notre expérience à une rude épreuve.

Il s'agissait de cas sociaux venus de Gennevilliers, orphelins ou demi-orphe- lins, enfants des taudis de la cité industrielle naissante, instables et nerveux à un degré extrême, habitués au désordre et marqués dangereusement par une vie en marge de to~te société polluée, retardés au point de vue scolaire. Ils mettaient quotidiennement en effervescence l'atmosphère déjà délicate de la communauté, et il fallut toute notre lucidité éducative et notre dévouement pour éviter les dégâts.

Quand, aujourd'hui, un, deux, cinq éléments perturbateurs nous arrivent en début d'année, ils sont plus ou moins rapidement encadrés par les anciens et par la communauté organisée qui se défend contre les intrus. Là, c'était le groupe des impossibles qui risquait de gagner la partie.

Il fallut, en l'occurence, les bienfaits apaisants de notre régime alimentaire et de notre thérapeutique, le grand air des champs et de la forêt et notre immense patience pour rééduquer des enfants qui ont pu, par la suite, faire leur vie hono- rablement.

Du jour de sa fondation notre Ecole fut naturellement l'Ecole expérimentale de notre mouvement pédagogique.

Dès la fin de 1936, nous y organisons un stage auquel participaient une soixantaine de camarades. Pendant une semaine, ils vécurent notre vie dramatique, cherchèrent avec nous les solutions possibles, et surtout travaillèrent intensément pour la mise au point de notre pédagogie.

Les camarades qui avaient participé à ce stage et ceux qui leur succédè- rent furent, par la suite, dans tous les départements, les piliers actifs et fraternels de notre mouvement. Ceux qui nous restent encore nous sont toujours aussi fidèlement dévoués.

Mais c'est surtout la guerre d'Espagne qui souda définitivement notre Ecole au milieu et à notre Groupe pédagogique.

En 1936, les premiers réfugiés espagnols arrivaient à la frontière française, affamés et désemparés. Les associations de gauche lançaient leurs appels à la solidarité. L'Ecole Freinet répondait naturellement à ces appels comme elle avait répondu en 1933 aux appels divers pour sauver les enfants juifs chassés d'Allemagne.

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Nous recevions d'abord deux enfants, puis cinq, puis douze. Peu à peu notre Ecole devint comme le grand centre d'accueil des petits réfugiés espagnols. Une Ecole Freinet dont nous étions les parrains avait été créée à Barcelonne par notre ami Almendros, alors inspecteur, responsable de notre mouvement cie l'Imprimerie à l'Ecole de Catalogne.

Tous ces enfants nous arrivaient déguenillés, pouilleux et galeux, préoccupés d'une seule chose: Corner! (manger). La plupart d'entre eux avaient erré dans les maisons abandonnées, parmi les fusillades et les morts, et ensuite de camp en camp à travers l'Europe.

Et c'est pourtant avec eux que nous avons, en une rude épreuve, rodé notre Maison d'enfants, où nous avons fait cohabiter, et assez harmonieusement, enfants français et enfants espagnols des deux sexes, où nous avons Intégré le travail sous toutes ses formes à la vie de la communauté qui devait se survivre ; où nous avons aussi, du point de vue scolaire, poursuivi une expérience probante et définitive pour montrer les possibilités exceptionnelles de nos techniques pour l'en- seignement bilingue, avec des instituteurs qui ne parlent pas forcément la langue des enfants à éduquer.

Il me souvient qu'à l'un de nos stages nous avions fait la preuve que la grammaire est inutile en donnant une dictée à l'ensemble des élèves du niveau C.E.P .. Une fillette de douze ans, venue de Madrid et ayant appris le français par notre méthode naturelle, et ne connaissant donc aucune règle de grammaire s'y classa première.

Nous avons essaimé alors, un peu partout dans les familles des environs ces petits réfugiés qui, après une semaine, revenaient au bercail pour se réintégrer au groupe.

Pour maintenir les liens avec tous ceux qui nous aidaient, nos élèves diffu- saient un véritable journal franco-espagnol dont nous gardons dans nos archives de très émouvants spécimen s.

La question financière était évidemment vitale, mais une fraternelle chaîne d'aide fut créée entre les groupes dont quelques-uns adoptèrent alors un filleul attitré, gâté surtout au point de vue vestimentaire par tous les camarades.

Par ailleurs, pour recueillir des fonds, nos enfants jouaient dans les villes voisines des scènes de théâtre libre qui étaient alors une surprise et une nouveau- té. En juillet 1939 une grande fête scolaire 0tait organisée à notre Ecole et à laquelle assistaient de nombreux amis qui gardent encore le souvenir des scènes bouleversantes improvisées par les enfants sur le thème crue! de leur propre drame.

Et pendant ce temps, au cours de mes tournées, je disais l'aventure que nous vivions. Les auditeurs pleuraient et nourrissaient généreusement les quêtes qui nous permettaient de durer jusqu'à la prochaine Impasse .

Avec la guerre de 1939, le drame arrivait d'ailleurs à son dénouement, pour faire place, hélas! à d'autres drames qui ne faisaient que continuer ceux dont a été tissée notre dure vie de pionniers et de lutteurs.

Dès la déclaration de guerre, ordre nous fut donné de renvoyer en hfite tous les petits Espagnols qui nous restaient. Ils partirent, le cœur ÇJrOS, chilrgés de colis et-de valises, les uns vers des parents réfugiés en France, les autr,cs vers l'Espagne marâtre où ils n'étaient pas toujours sûrs de retrouver une famille.

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Une équipe de fillettes espagnoles

Malgré les heures angoissantes de cette fin de 1939, l'Ecole semblait redevenir un havre de paix pour les 35 enfants qui, à la rentrée d'octobre, venaient y faire leur apprentissage de leur métier d'hommes. Mais nous ne pouvions ignorer ceux des nôtres qui étaient partis à l'armée, ou qui souffraient dans les prisons. Nous recevions leurs lettres et nous y répondions, toutes choses qui n'étaient guère compatibles avec la malédiction des temps de guerre,

Après plusieurs descentes de police qui faillirent me mener à la prison, nous fêtions, le 20 mars, le printemps renaissant. Le dimanche des Rameaux fleurissait nos espoirs quand un gendarme surgit dans la salle à manger paisible où nous étions en train de mettre la dernière main aux préparatifs d'une fête scolaire.

- Prenez une cuiller, une assiette, et suivez-moi 1

Ouelques instants après, malgré les pleurs et les cris des enfants bouleversés, j'étais embarqué dans une camionnette qui m'emmenait, sous bonne escorte, à la prison de Vence, d'où je partais pour 21 mois dans les camps de concentration. Elise Freinet gardait courageusement la responsabilité des enfants qui nous restaient et dont je recevais tous les jours les textes libres et les questions d'enquêtes.

Mais cet embryon d'école ne pouvait lui-même survivre. Bientôt un arrêté spécial fermait l'Ecole Freinet où Elise Freinet devait vivre encore quelques mois, avec tous les aléas de l'occupation militaire, afin de sauver les derniers orphelins pour lesquels la préfecture n'avait pu trouver un refuge.

Menacée dans sa vie, Eli se Freinet devait fuir peu après, avec notre fille, laissant l'Ecole abandonnée.

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Nous devions la retrouver en 1945 en un bien piteux état. Mais notre mouve- ment, mûri par les épreuves, avait alors acquis une importance qui témoignait de sa maturité. Nous avions cru, un moment, dans l'euphorie de la Libération, qu'on allait enfin nous donner la possibilité de vivre régulièrement et de continuer notre rôle éminent d'Ecole Expérimentale au service de l'Ecole la'ique,

On verra comment nos espoirs, encore une fois, furent déçus,

Ils jouaient ".

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Le destin

d'une école e ' xpérimentale

Malgré les difficultés donc, notre Ecole remplissait son rôle actif au sein de notre Ecole Moderne.

La chose n'était pas simple à ses débuts.

Nos expériences n'étaient encore qu'expériences. Les premiers résultats obte- nus n'étaient pas encore probants, et nos camarades, même les plus convaincus, ne pouvaient qu'accidentellement se risquer à pratiquer des techniques dont les résultats restaient très controversés.

Et nous ne serions certainement pas allés bien loin dans nos innovations si le mouvement pédagogique à sa naissance n'avait disposé que d'une école hors série, qui avait, de par sa nature et sa constitution, une grande liberté de manœuvre; une école sur laquelle les inspecteurs eux-mêmes n'auraient pas de prise - ou si peu! - ; où les parents, partiellement ou totalement d'accord sur nos principes éducatifs acceptaient quelques délicats tâtonnements, dans l'espoir de faire bénéfi- cier leurs enfants de cette formation humaine, et de cette culture que nous leur laissions entrevoir.

Nous pouvons dire que si nous n'avions pas couru à St-Paul les risques dont les conséquences ont décidé de notre vie; si nous n'avions pas eu ensuite à notre disposition l'Ecole Freinet telle que nous l'avons voulue, nos techniques n'auraient pas évolué comme elles l'ont fait. Le ferment aurait manqué pour la réalisation de notre pédagogie.

C'est dans cette Ecole que nous avons montré le vrai visage du texte libre et de son exploitation, du livre de vie, de la correspondance interscolaire, de la liaison avec la vie et le milieu. C'est là que nous avons, mois après mois donné leur forme définitive à nos plans de travail, au fichier documentaire, aux fichiers auto- correctifs. C'est là que sont nés le dessin libre, les albums et les conférences d'en- fants, qu'ont été mis au point et expérimentés les premières B. T. et le théâtre libre;

que la Coopérative sçolaire a pris son vrai visage avec le journal mural et la réu- nion du samedi. C'est à notre Ecole aussi qu'ont été imaginées et expérimentées les diverses pièces de notre matériel et notamment le limographe automatique, les boites de travail, les divers modèles de presse, la casse Freinet, le four à céramique.

Nous ne disons pas que nous avons tout créé par nous-mêmes. Nous ne sous:estimons pas la grande part qui revient dans le processus d'évolution de notre pédagogie à la masse des chercheurs dévoués qui se sont joints à nous et

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qui ont répercuté dans les Ecoles publiques les résultats des travaux de l'Ecole Freinet. Nous avons profité des conditions exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvions pour faire germer nos idées et celles de nos camarades et faire passer dans la réalité de nos écoles d'abord, de toutes les classes ensuite, les progrès et les rêves des meilleurs d'entre nous.

Une telle Ecole est absolument indispensable à la vitalité de notre mouvement pédagogique. C'est pour essayer de lui procurer la possibilité de se survivre que nous informons aujourd'hui nos amis des conditions déplorables dans lesquelles en est réduite à fonctionner l'Ecole Freinet et de nos propositions pour que les orga- nismes responsables lui donnent enfin les moyens normaux de continuer à remplir sa mission d'Ecole expérimentale.

Cette liberté dont nous avons joui et dont nous disons la nécessité, nous l'avons payée cher. C'est à cause d'elle qu'aucun organisme d'aucune sorte ni aucune administration n'a jamais consenti à nous verser la moindre subvention. Il nous a fallu pendant trente ans vivre dans la gêne, nous priver sans arrêt pour construire les locaux indispensables, les meubler pour la destination que nous vou- lions. La Coopérative de l'Enseignement Laïc elle-même aux prises avec de réelles et permanentes difficultés n'a pu, en dehors de l'équipement, nous apporter une aide que nous aurions eu scrupule d'ailleurs à solliciter. J'ai fait, pendant toute ma vie, un jeu de balance incessant pour les fins de mois aussi bien à l'Ecole qu'à la C.E.L..

Et à distance, ces exercices de corde raide me laissent de bien pénibles souvenirs.

Mais les temps ont changé. Le poids des ans, et les charges toujours accrues que représente la responsabilité de notre mouvement ne nous permettent plus d'assurer en même temps tous les services de l'Ecole. Il nous faut aujourd'hui des aides et des instituteurs pour nous suppléer dans les exigences multiples de nos classes. Pendant de nombreuses années, nous avons payé nous-mêmes nos institu- teurs recrutés par nos soins avec beaucoup de difficulté et sans garantie de compétence.

Il nous fallait trouver une solution .

La Libération semblait nous la procurer.

En effet, dès 1946, le Directeur du Premier Degré prenait un arrêté attribuant à l'Ecole Freinet un directeur et deux instituteurs. Et pendant quelques années des instituteurs furent détachés chez nous de façon normale.

Mais la crise du personnel allait s'accentuant. Les Inspecteurs d'Académie rappelèrent leurs détachés, et comme l'arrêté ministériel n'avait pas prévu les condi- tions de nomination des instituteurs nous nous trouvions Gros-Jean comme devant.

Nous amorcions alors une campagne qui toucha de nombreuses personnalités, et à la date du 18 septembre 1954 nous adressions à M. le Directeur de l'Enseignement du Premier Degré la lettre suivante:

Monsieur le Directeur,

En 1947 vous aviez bien voulu, par lettre du 16 octobre (Réf. 4e Bureau DElA, 6897), autoriser le détachement, à notre Ecole Freinet de VENCE d'un Directeur et de deux instituteurs, payés par l'Etat.

Nous avons eu effectivement, d'abord le détachement de M. BERTRAND, de Seine-et-Oise, puis celui de Mme et M. FLAMANT, de l'Aisne.

12

(15)

La grande fête scolaire de juil/et 1939

Mais, à défaut de statut national de ces instituteurs détachés à l'Ecole Freinet, c'étaient les Inspecteurs d'Académie qui devaient pourvoir à la rétribution d'instituteurs qui quittaient en fait, au moins provisoirement leur département. Or, depuis 1950 aucun Inspecteur d'Académie n'a voulu consentir ce sacrifice. L'autorisation dont vous avez bien voulu nous favoriser est, de ce fait, devenue caduque.

Depuis cette date nous avons vécu et fonctionné avec des moyens de fortune, avec un personnel d'occasion qui n'a certainement pas permis à notre Ecole un ren- dement pédagogique à la hauteur de sa renommée mondiale,

La situation devient aujourd'hui encore plus critique puisque les Inspecteurs d'Académie, à court de personnel, refusent systématiquement les congés pour conve- nance personnelle sollicités par les instituteurs qui viendraient, à nos frais, travail/er avec nous.

Nous ouvrons notre Ecole cette année sans instituteurs compétents susceptibles de nous aider dans notre tâche complexe de directeurs de notre Ecole expérimentale, séminaire de l'Ecole Moderne de plus en plus fréquentée par les stagiaires étrangers, de directeurs de la Coopérative de l'Enseignement Laic à CANNES qui fabrique le

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matériel de l'Ecole Moderne, de directeurs de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne avec ses multiples éditions (Educateur, Gerbe, Albums d'Enfants, Bibliothèque de Travail, Disques et Films).

Le Conseil d'Administration de la Coopérative de l'Enseignement Laic et le Comité Directeur de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne, réunis à CANNES les 5, 6 et 7 sE'ptembre dernier, se sont émus de cette situation qui risque de compromettre le travail pourtant indispensable de leur Ecole expérimentale. Ils ont décidé d'alerter tous nos adhérents ainsi que les personnalités et organisations françaises et étrangères s'Intéressant à notre mouvement pour solliciter de Monsieur le Ministre de l'Education Nationale une décision favorable.'

- Pour que l'Ecole Freinet puisse continuer à jouer son rôle de Laboratoire péda- gogique de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne et de la Coopérative de l'Enseignement Laic,

- Pour que l'Ecole Freinet puisse remplir sa fonction éminente de SEMINAIRE où vont s'initier et se perfectionner les éducateurs français et étrangers,

- Pour que l'Ecole Freinet continue à offrir aux milliers de pédagogues qui la visitent, le spectacle réconfortant d'une réalisation qui honore la culture fran- çaise.

Ils demandent .'

1° - Que l'Ecole Freinet soit reconnue officiellement comme Ecole expérimentale du mouvement de l'Ecole Moderne (Techniques Freinet).

2° - Que lui soit affecté en conséquence le personnel enseignant nécessaire à son fonctionnement normal.

30 - Que soient autorisés les Congés de stage et les congés pour convenanC·9S personnelles aux éducateurs qui désirent faire un séjour à l'Ecole Freinet.

4" - Que l'Ecole Freinet soit placée en conséquence sous le même régime admi-

nistratif que l'Ecole des C.E.M.E.A. de Boulogne-sur-Seine et que l'Ecole Decroly de Paris.

Sans sous-estimer la valeur et la portée de l'appui que ne nous ménageront pas nos très nombreux amis, j'ai pensé qu'il était souhaitable que je m'adresse personnel- lement à vous qui aviez déjà solutionné une fois la question et dont nous connais- sons l'intérêt que vous portez à nos réalisations, pour vous demander s'il ne vous serait pas possible de trouver un modus vivendi qui nous permette de continuer notre œuvre d'une façon efficiente pour mieux servir encore l'Ecole laique pour laquelle nous tenons à vous affirmer à nouveau notre inlassable dévouement.

En 1955, l'administration, soucieuse de trouver une solution à une situation dont elle connaît les difficultés, nous propose la transformation de notre Ecole en Ecole de Plein air en créant deux postes auprès de notre « Institut Freinet ».

C'était évidemment un point d'acquis qui sembla un instant nous satisfaire. Ce n'était hélas 1 qu'une demi-mesure dont nous allions éprouver la fragilité.

Deux postes étaient donc ouverts à notre Ecole mais nous n'avions pas voix au chapitre pour les nominations qui se feraient naturellement au barême, c'est-à- dire au hasard des demandes et du nombre de points entrant officiellement en compte pour les nominations et les promotions.

Pendant un an, on nous envoya des suppléants. dont quelques-uns avaient curiosité et désir de s'initier mais dont le travail n'en nécessitait pas moins notre présence à peu près constante. Fonctionner avec des suppléants n'est guère évi- demment une condition normale pour une Ecole expérimentale, ni même pour une Eco!e tout

court

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Au cours d'un des premiers stages à l'Ecole Freinet

On nous disait: « Vous pourriez avoir la nomination d'éducateurs munis du

c.A.

pour l,?s Ecoles Plein Air», Une demande s'est présentée, que nous n'avions le loisir ni d'accepter ni de refuser, Un ménage s'installa donc à notre Ecole à la rentrée de 1957, Lui, ayant sans doute pratiqué vaguement des Techniques Freinet déformées par la scolastique; elle, appliquait la lecture globale avec les exercices prévus par ceux qui ont scolastisé la méthode Decroly.

Nous subissions, dans notre Ecole même, une détérioration permanente de nos techniques qui était absolument incompatible avec tous les sacrifices que nous avions faits dans le passé, dans le présent, et pour le futur de notre Ecole.

Mais comme le ménage n'était pas sous mon autorité, j'étai s contraint de le subir ou de fermer l'Ecole.

(18)

Au 1er janvier 1958 je priais le ménage de s'en aller et nous reprenions nous- mêmes nos classes.

Paris enregistra cet acte d'autorité comme une atteinte directe aux préroga- tives de l'administration. Comment nommer à l'Ecole Freinet de nouveaux institu- teurs si je les renvoyais à nouveau quand ils ne me plairaient pas!

L'Académie accepta cependant encore de nous envoyer des suppléânts pour les mois qui suivirent, mais il vous sera facile d'imaginer combien de telles tribu- lations et de tels démêlés compromettaient un sacerdoce qui aurait nécessité paix et bonne volonté de tous.

Il nous fallait, encore une fois, chercher d'autres solutions.

Une possibilité se présentait.

Voici le communiqué officiel qui avait été donné à la presse par le ministère pour annoncer cette création:

PARIS. - Un arrêté du ministre de l'Education Nationale décide la création d'écoles et de classes primaires « destinées à permettre l'étude et la mise en applica- tion de techniques pédagogiques )J.

Ces écoles et ces classes expérimentales seront créées sur décision du ministre, à la suite d'une proposition des autorités académiques ou d'une requête des autorités locales ou « à la demande d'organismes ayant des liens étroits avec l'Ecole publique.

tels, par exemple, que ceux qui sont affiliés à la Confédération Générale des Œuvres Lalques )J.

Dans l'exposé des motifs, le ministre rappelle l'existence de classes expérimentales dans l'enseignement primaire, comme les Ecoles FREINET, {)ECROLY, l'Ecole de Boulogne-sur-Mer, celle de Vanves, qui sont les initiatrices des « mi-temps pédagogi- ques )J. Mais, ajoute-t-il, leur création a été presque clandestine et leur « existence est précaire et contestée ».

L'arrêté « permettra de les faire rentrer dans la légalité et de leur donner un statut

».

Nous demandons aussitôt à bénéficier de ces dispositions. La chose nous paraissait simple et automatique puisque les arrêtés nommaient notre tcole parmi les instituteurs qui devaient les premiers en profiter.

Nous nous trompions encore une fois.

Une enquête avait été menée par l'Inspecteur d'Académie qui envoya à Paris un rapport favorable en même temps que, dans sa séance du 22 octobre 1958, le Conseil Départemental de l'Enseignement Primaire des Alpes-Maritimes prenait la décision suivante:

RECONNAISSANCE DE L'INSTITUT FREINET DE VENCE COMME ÉCOLE EXPÉRIMENTALE:

M. l'Inspecteur d'Académie donne lecture d'un rapport proposant la reconnais- sance comme Ecole expérimentale de l'Institut Freinet de Vence, école privée dans laquelle sont. ouvertes depuis le 1er octobre 1955, deux classes officielles de Plein Air.

Le Conseil approuve entièrement les dispositions essentielles du projet de M.

l'Inspecteur d'Académie:

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La réunion de la Coopérative dans les nouveaux locaux de l'Ecole

10 - La gestion de l'internat de l'Ecole Freinet et le fonctionnement de la Coopé- rative Pédagogique doivent garder leur caractère privé et rester complètement distincts de l'Ecole expérimentale.

20 - La direction pédagogique de l'Ecole expérimentale doit être placée sous l'entière responsabilité de M. Freinet.

30 - Les maUres chargés de l'enseignement dans les trois classes de l'Ecole expérimentale seront des instituteurs volontaires, nommés sur le plan national: après un an de fonction dans cette école, ils pourront demander à retourner dans leur département d'origine.

Dans ces conditions, le Conseil Départemental décide, sous réserve de l'approba- tion ministérielle, la création de l'Ecole expérimentale à trois classes Freinet à Vence.

Dans le même temps, nos amis alertés intervenaient auprès des parlementaires.

Sur l'initiative de notre ami Palmero (ex-Directeur d'Ecole Normale de l'Aube et actuellement Inspecteur Primaire à Paris), de Mme Rachel-Lempereur et des membres du groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, le projet de résolution suivant était déposé:

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SESSION ORDINAIRE DE 1957-1958.

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mars 1958 PROPOSITION DE RESOLUTION

tendant à inviter le Gouvernement à reconnaitre d'urgence L'ECOLE FREINET,de VENCE (Alpes-Maritimes), comme Ecole expérimentale et à la doter du personnel

enseignant nécessaire à la poursuite de son fonctionnement, (Renvoyée à la Commission de l'Education Nationale)

, ' PRESENTEE

par M, PALMER 0 , Mme LEMPEREUR, MM BINOT, GUIBERT, LE STRAT et les membres du groupe socialiste

Députés .

Mesdames, Messieurs,

La pédagogie française connaÎt aujourd'hui une renommée mondiale grâce à sa qualité d'ensemble, à la compétence de ses maitres, aux recherches des psycho-péda- gogues, aux innovations nombreuses qu'on lui doit et notamment à l'action de l'insti·

tuteur Freinet comme à celle du groupe de plusieurs dizaines de milliers d'éducateurs qu'il anime.

Un certain nombre de réalisations de Freinet et de l'Ecole Moderne sont aujour- d'hui passées dans la pratique officielle de nos classes: l'expression libre des enfants, le texte libre, le journal scolaire, la correspondance interscolaire, les fichiers auto- correctifs, les peintures d'enfants, etc ...

La pédagogie de Freinet est adoptée par des nombreux pays étrangers: l'Italie, la Belgique, la Hollande, l'Amérique du Sud, le Mexique et Cuba, .l'Union française, les pays arabes, la Grèce, etc ...

Toutes ces nouveautés ont pris naissance à l'Ecole Freinet, à Vence, que Freinet a fondée en 1935, et qui est devenue, aux dires des plus qualifiés parmi les pédago- gues contemporains, un des hauts lieux de la pédagogie nouvelle.

C'est cette Ecole qui est, aujourd'hui, menacée de disparition du fait que les conditions nouvelles et les charges croissantes de l'Ecole Freinet ne permettent plus le fonctionnement autonome, possible il y a dix ou vingt ans.

Un premier pas semblait être fait pour trouver une solution: par l'arrêté du 1er août 1957, le ministre de l'Education Nationale créait le principe d'écoles expérimen- tales qui devait faire sortir de la clandestinité, oû elles ont mené une vie misérable, L'Ecole Freinet, l'Ecole Decroly, etc ...

L'arrêté fixant les statuts de ces écoles expérimentales tarde à paraÎtre. Nous pensons d'ailleurs que l'Ecole Freinet doit bénéficier de conditions particulières et qu'une décision spéciale doit sans retard fixer son sort.

La situation actuellement créée aboutirait, si elle se prolongeait, à la disparition d'un centre pédagogique dont la valeur n'est contestée par personne et auquèl M.

le Ministre de l'Education Nationale a bien voulu rendre particulièrement hommage.

'C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter la proposition de résolution

suivante:

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale invite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que l'école de Vence, dite « Ecole Freinet », soit rattachée au Ministère de L'Education Nationale dans les conditions prévues par l'arrêté du 1er août 1957 et, qu'en conséquence, elle soit dotée du personnel enseignant nécessaire à son bon fonctionnement, et que soient également organisées des stages pour le personnel enseignant désireux de s'initier aux techniques nouvelles, dont la valeur a été officiel- lement reconnue.

(21)

L'Ecole Freinet vue d'avion

Mais ça accrochait quelque part, et l'Administration était réticente, Le syndicat National des Instituteurs s'opposait lui-même à toutes nominations hors barème, ce qui ne facilitait pas les possibilités d'arrangement pour la nomination des instituteurs,

Cette année-là, en 1958, notre Congrès de l'Ecole Moderne se tenait à Paris.

La veille du Congrès, M, Beslais, directeur de l'Enseignement du Premier Degré avait bien voulu nous recevoir, M, le député Palmero et moi,

M, Beslais chercha très loyalement une solution définitive, Mais l'administra- tion rechignait à prendre une mesure spéciale pour l'Ecole Freinet La législation des écoles expérimentales était en panne et surtout l'autorité de Freinet était diffi- cile à définir et à situer,

En définitive, il s'avéra que c'était bien la question du contrôle qui était la plus délicate.

Je venais d'avoir quelque temps auparavant la visite d'un Inspecteur Primaire qui procéda à une inspection 100

%

traditionnelle. Et depuis j'ai eu la visite d'un Inspecteur général qui ne s'y est pas pris autrement.

Or, il va de soi que rien ne sera possible dans une école expérimentale Ecole Moderne si elle est contrôlée par des inspecteurs Ecole traditionnelie qui

(22)

ne connaissent pas nos techniques. C'est comme si on faisait inspecter une usine électronique par un contrôleur des chemins de fer.

A la date du 3 juin 1958, le Directeur général de l'Enseignement du Premier Degré nous adressait la lettre suivante:

Le Directeur Général de l'Enseignement du Premier Degré Par lettre du Il avril 1958 vous m'avez indiqué les noms des deux instituteurs que vous seriez désireux d'employer dans les classes créées auprès de l'Institut Freinet.

J'ai l'honneur de vous faire connaÎtre que j'ai prescrit l'étude, pour les classes de l'Institut Coopératif, d'un projet de Statut d'Ecole Expérimentale. Dès qu'il aura été établi, et qu'auront été fixées les conditions d'affectation des maÎtres de cette Ecole expérimentale, je ne manquerai pas de procéder aux nominations dans les meilleurs délais.

Je vous soumettrai prochainement un projet de statut pour lequel j'espère recueil- lir votre accord.

Toutefois, compte-tenu de vos difficultés, j'ai décidé, pour vous apporter une aide immédiate, d'affecter à l'Institut Freinet, un instituteur, sans attendre la publication de l'arrêté instituant l'Ecole Freinet Ecole expérimentale.

I! ne m'est pas possible de désigner Mme BELL/NA, institutrice du Nord qui appartient à un département très déficitaire.

Par contre, je suis disposé à autoriser sans délai l'affectation de M. PONS, instituteur du Lot-et-Garonne. Monsieur l'Inspecteur d'Académie le mettra donc à votre disposition dès que seront terminées dans le canton, les épreuves du certificat d'études.

Je vous précise qu'il ne peut s'agir que d'une nomination à titre provisoire et essentiellement révocable.

Hélas 1 encore une fois, nous n'obtenions qu'une demi-mesure.

D'abord l'Inspecteur d'Académie du Lot-et-Garonne ne voulait pas libérer M. Pons. II fallut encore un échange difficile de correspondance pour que la pro- messe du Directeur du 1er Degré soit exécutée. Et la nomination n'était que provi- soire, ce qui signifiait que nous nous trouverions devant les mêmes difficultés quand il plairait à l'Inspecteur d'Académie du Lot-et-Garonne de rappeler son administré,

Une institutrice du Tarn-et-Garonne s'était proposée pour le deuxième poste.

Sa nomination fut plus difficile encore que celle de M. Pons. L'Inspecteur d'Aca- démie du Tarn-et-Garonne s'obstinait dans son opposition malgré les ordres formels venus de Paris. L'institutrice en question, tardivement nommée, dut inter- rompre son séjour.

II ne nous restait qu'une solution: faire appel à l'Administration départemen- taie.

Après une visite des élèves de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Nice, Mlle Bonsignore, élève-maîtresse très intéressée par nos travaux, s'offrait pour occuper un des postes vacants où elle est encore, à notre grande satisfaction.

Mais, après le départ de M. Pons qui dirige actuellement la Coopérative de l'Enseignement Laïc à Cannes, une des classes reste toujours tenue par des suppléants qui se succèdent au gré de la fantaisie administrative.

(23)

En 1960-61, j'obtenais avec beaucoup de mal le détachement d'un instituteur du Pas-de-Calais qui repartait en fin d'année scolaire vers un autre détachement jugé par lui plus avantageux.

Nous arrêterons là cette succession hallucinante et désespérante d'ordres et de contre-ordres, de décisions que nul ne veut exécuter, d'instituteurs et de sup- pléants qui défilent à un rythme qui rendrait impossible tout travail sérieux si nous n'étions en permanence au cœur de l'Ecole, tant dans les classes ~u'à l'internat, pour y créer l'esprit de libre initiative et de travail qui décide de l'har- monie efficiente d'une communauté.

Nous ne vous surprendrons pas en vous disant que, pour les exigences de notre santé, pour le renom national et international de l'Ecole Freinet, pour l'effi- cience de notre enseignement, de telles pratiques ne peuvent plus durer. Ou bien nous parviendrons à rendre plus normal le fonctionnement de notre Ecole ou bien l'Ecole Freinet aura, à brève échéance, cessé d'exister.

Et elle serait en mesure pourtant de remplir pleinement son rôle de Maison d'enfants pilote, et d'Ecole expérimentale pour les Techniques Freinet.

AdmirÇlblement située sur un coteau en face de Vence, dans un site unique de verdure et de fleurs, au milieu d'un petit village paysan sympathique, avec toutes les possibilités d'éducation physique naturelle et de formation intellectuelle expérimentale et humaine pour des enfants en difficulté, l'Ecole pourrait fonctionner d'une façon presque idéale. Les classes y disposent d'un local neuf, spécialement construit pour elles selon nos plans originaux et l'internat reste comme une grande famille à laquelle tous les enfants qui en ont bénéficié restent définitivement attachés.

Equipée pour une quarantaine d'enfants difficiles elle comporte une classe de grands (CM et FE) et une classe de moyens (CP et CE) de 15 à 20 élèves chacune selon les années, les plus petits étant confiés à une jeune monitrice qui a fait ses preuves pour l'apprentissage naturel de la langue, le calcul vivant, le dessin et la peinture.

Les instituteurs sont logés dans des conditions sinon luxueuses, du moins convenables.

Notre Ecole étant aujourd'hui connue et appréciée - il nous serait facile de publier de Icngues et émouvantes attestations de parents - les demandes d'ins- cription sont nombreuses, tellement sont fréquents et dramatiques les cas d'enfants intelligents handicapés par le milieu et par la vie et que nous réadaptons jusqu'à les rendre en mesure de s'engager dans la filière scolaire où ils réussissent d'ordinaire excellemment.

Il n'y faudrait que fort peu de chose pour que l'Ecole Freinet puisse continuer son activité au service de l'Ecole et des enfants, au service de nos techniques aussi dont elle restera le séminaire et le guide: il suffirait que nous puissions y accueillir des instituteurs et des institutrices qui désirent s'initier à nos techniques et qui donc sauront et voudront faire les efforts de base indispensables ; des camarades qui nous aideront en toute fraternité à maintenir dans notre Ecole cette atmosphère de travail vivant, de totale coopération et d'humanité qui en fait l'origi- nale excellence.

Nous ne comptons plus sur la possibilité de notre requête initiale qui nous aurait permis de choisir librement à travers la France, les instituteurs et les insti- tutrices qui s'offriraient pour cette fonction exceptionnelle. Nous y rencontrons trop

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d'obstacles. Mais nous proposons une solution possible. Toutes les années, des instituteurs et des institutrices de divers départements partent pour six mois ou davantage dans les stages divers organisés, à Beaumont notamment. Ces institu- teurs conservent leur traitement et leur poste, et peuvent donc partir librement, sans être arrêtés par des considérations de famille toujours exigeantes.

Nous demandons que notre Ecole soit autorisée à bénéficier des mêmes dispositions. Les camarades intéressés venant y faire des stages de 8 à 10 mois, Il serait souhaitable alors que la liaison inter-stages soit assurée par un institu- teur ou une institutrice permanent, et nous en aurions la possibilité si on accepte de mettre à notre disposition un troisième instituteur.

Ces demandes sont très mesurées. L'administration peut les accepter si elle' a conscience de ce qui est, de ce que fait, et de ce que pourra encore l'Ecole Freinet, Ecole expérimentale de notre Institut Coopératif de l'Ecole Moderne .

Alors nous posons la question à nos nombreux amis.

Devrons-nous accepter notre faillite ou, au contraire tenter un dernier et suprême effort pour que l'Ecole Freinet continue?

Encore une fois nous faisons appel avec confiance à nos adhérents et aux amis innombrables de l'Ecole Freinet, en France et à travers le monde. Nous leur demandons de renouveler le geste d'il y a quelques années:

- En nous témoignant directement leur attachement au destin de l'Ecole;

- en adhérant à l'Association des Amis de l'Ecole Freinet que nous faisons revivre;

- en écrivant au ministre français de l'Education Nationale et aux personnà- lités diverses qui s'intéressent à notre œuvre commune;

- en intervenant auprès des parlementaires qui seraient susceptibles d'appuyer efficacement les décisions à intervenir;

- en demandant aux syndicats d'appuyer notre action.

Les efforts faits par tous dans le passé nous sont garants de l'efficacité de la campagne pour laquelle nous sollicitons votre bonne volonté à tous.

Voici, puisées au hasard d'une volumineuse correspondance, quelques-unes des réponses aux personnalités qui interviennent en notre faveur.

A notre regretté Ad. Ferrière qui avait écrit une lettre 3incère et é:llouvante, le Directeur du 1er Degré répondait au nom du ministre:

PARIS, le 30 janvier 1958.

Monsieur,

Docteur Ad. FERRIERE Docteur en sociologie

22, Avenue Champol, GENEVE (Suisse)

Vous m'avez dit tout l'intérêt et toute l'estime que vous portez à Monsieur FREINET promoteur de méthodes d'éducation moderne qu'il poursuit présentement dan_s sOfl Ecole expérimentale de Vence.

, 'Jé 'he pense pas que l'école de M. Freinet soit menacée, comme vous le crai- gnez vous-même.

,22

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L'Ecole Freinet est toujours un chantier ...

/1 m'est agréable de vous precIser qu'au contraire je me suis efforcé de donner à M. Freinet les moyens susceptibles de lui permettre de mener à bien son expé- rience. Je n'en veux pour preuve que la mise à sa disposition récemment de deux instituteurs des Alpes-Maritimes. Vous constaterez ainsi que je suis, comme vous- même et en toute objectivité, avec grand intérêt et vive curiosité ce qui se passe à Vence dans l'Ecole dirigée par M. Freinet.

Et Ad. Ferrière répondant le 2/2/58 :

« Comme la pratique de l'Ecole Moderne est très délicate et exige beaucoup de doigté, je pense que, sous peine d'y envoyer des incompétents, il serait bon que M.

Freinet ou ses représentants puissent en désigner eux-mêmes à votre haute autorité.

Ainsi l'expérience pédagogique aurait toute sa valeur ».

De M. Médecin, député-maire de Nice, ancien ministre : NICE, le 5 février 1959. Monsieur,

J'ai bien reçu votre communication concernant l'Ecole active due à l'heureuse initiative de M. FREINET.

Inutile de vous dire que dans l'avenir, comme par le passé, je continuerai à m'intéresser à cette méthode pédagogique qui est, hélas, beaucoup plus recommandée à l'étranY,er qu'elle ne l'est en France.

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J'estime qu'au moment où des modifications sont apportées ci nos méthodes d'enseignement, une large part devrait être réservée au secteur de l'Ecole active.

C'est donc avec le plus grand plaisir que j'apporterai mon concours à toute initiative pérmetlant de donner" l'Ecole Freinet le soutien que justifie son action.

Voici la requête récemment remise à M. le Ministre de l'Education Nationale.

Elle résume la situation dans laquelle nous nous débattons pendant vingt ans et présente une demande raisonnable que nous estimons en mesure cependant de permettre' un heureux fonctionnement de l'Ecole Freinet, Ecole expérimentale du mouvement de l'Ecole Moderne et de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne.

REQU~TE A M. LE MINISTRE DE L'~DUCATION NATIONALE.

L'Ecole Freinet sera-t-elle condamnée .! disparaître?

Les Techniquès Freinet constituent, non seulement en France mais dans le monde, le seul mouvement pédagogique cohérent et dynamique existant actuellement. Elles ont influé d'une façon décisive sur l'enseignement maternel et du 1 eT Degré. C'est sur elles qu'on s'appuie pour rendre effectives dans les C.E.G. et au 2e Degré les Ins- tructions Ministérielles préparatoires à la Réforme en cours.

Or, les Techniques Freinet sont nées à l'Ecole Freinet de Vence, et c'est l'Ecole Freinet encore, Ecole expérimentale de notre mouvement qui est à l'origine de toutes les initiatives, inventions et créations nécessitées par la réalisation et l'évolution de nos . Techniques.

LA DISPARITION DE L'ECOLE FREINET SERAIT UN COUP TRES GRAVE PORTE A LA PEDAGOGIE DE NOTRE PAYS.

ET POURTANT NOUS SOMMES CONTRAINTS D'ENVISAGER AUJOURD'HUI CETTE DISPARITION PROCHAINE SI UN MINIMUM DE MESURES ADMINIS- TRATIVES NE VIENNENT PAS EN RENDRE POSSIBLE LE FONCTIONNEMENT REGULIER.

Pendant longtemps, l'Ecole Freinet a fonctionné sans aucun recours aux institu- tions de l'Etat puisque, avec Madame Freinet, nous en assurions tous les services.

If y a une dizaine d'années, gr!ce à l'intervention bienveillante et sympathique de diverses personnalités, deux postes ont été créés à l'Ecole Freinet qui devenait Ecole de Plein Air.

Malheureusement, la mesure favorable dans son esprit n'a pu avoir son plein effet parce qu'aucune disposition n'avait été prévue pour la nomination à l'Ecole Freinet d'instituteurs ou d'institutrices désirant collaborer avec nous pour la pratique des Techniques Freinet.

Les nominations à l'Ecole Freinet se faisant au barème, nous avons eu de très graves difficultés avec des instituteurs et des institutrices qui ne s'intéressaient pas à notre pédagogie et qui compromettaient de ce fait tout notre travail de recherche. Et l'Administration elle-même s'est accommodée difficilement d'une Ecole expérimentale qui ne peut remplir son office que si elfe bénéficie de sa part d'un minimum de confiance et de compréhension.

Les difficultés de fonctionnement de l'Ecole sont actuellement cruciales.

En effet, nous avons 45 élèves difficiles ou retardés pour lesquels l'effectif de 15-17 élèves par classe est considéré officielfement comme normal dans les classes de perfec.tionnement. 1/ nous faudrait donc trois instituteurs, qui avaient d'ailleurs été

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