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Les Dossiers Pédagogiques de l'Educateur n°159-160 : Expression sonore et musique

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Academic year: 2022

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ISSN 0013-113

1 • •

159-160 Supplément au n° 13 du 15 mai 81

54

8

année 15 n°

5

+ 5 dossiers suppléments par an : 118 F

Etranger : 153 FF

(2)

SOMMAIRE Introduction

La réalité institutionnelle (de la réforme Haby aux nouvelles

instructions et programmes 1

La musique ! Quelle musique ? Pour quoi faire 7 4

Les problèmes de bruit 7

Les problèmes de place, les problèmes matériels 8

L'expression libre : quelle pratique ? 10

Comme · nt démarrer? Les problèmes de formation 11

Diverses pratiques : témoignages (maternelle, second degré, éducation spécialisée, rencontres)

pnma1re,

13

La part du maitre {ce qui peut faire évoluer les productions

21

des enfants et des adolescents)

Quand les enfants ont des difficultés pour se lancer,

que faire ? 26

Socialisation 27

Conclusion 32

Réalisations d'outils : par la C.E.L. 1 ce qui est prévu

Des adresses couv . Ill

Photos et illustrations : Guy Loyer /Photimage : en couverture - L. Despaux : p. 1, 2, 7, 9, 10, 12, 20, 23, 26 - J.-L. Mau drin : p. 5, 11 - X. Nicquevert : p. 16 - G. Paris : p. 20, 21, 24, 25 - R. Massicot : p. 29 - L. Corre : p. 31 - R.

Ueberschlag : p. 32- Photo X : p. 13, 15.

Adresse de la rédaction : L'Educateur, I.C.E.M., B.P. 66.

Abonnements : P.E.M.F., B.P. 109. 06322 Cannes. La Bocca Cedex. C.C.P.

1145-30 D Marseille. Prix de l'abonnement (15 numéros

+

5 dossiers) : 118 F.

(3)

Dossier réalisé par la commission <<Musique,, du secteur <<Expression artistiquen de l'I.C.E.M.

INTRODUCTION

Il ne s'agit pas ici d'exposer ce qu'il faut faire mais ce que nous faisons dans l'institution scolaire telle qu'elle est.

Non plus, ce qu'il faut penser, mais de faire état de düférentes réflexions de camarades dans leur pratique.

Montrer ce qui existe quotidiennement, des témoignages parfois contradictoires, voire cri- tiquables, se situant dans des · contextes souvent düficilement restituables, presque toujours contraires à nos objectifs.

- -

LA REALITE INSTITUTIONNELLE

,

IL Y AVAIT DEJA

LA RÉFORME HABY ...

Dessin et musique, en sursis, dans les collèges ?

Voici le bilan de ce qui s'est passé dans nos classes de 6°, lors de ce premier trimestre n-78, en musique et dessin :

Début janvier, nous ne connaissons pas tous les visages, pas tous les prénoms 1

Ce qui sous-entend que nous sommes loin de connaître la personnalité de chacun 1

Quant au travail réalisé : il est dérisoire, superficiel, basé uniquement sur la discipline et l'organisation matérielle dans la crainte de sombrer physiquement et psychologi- quement ; c'est du travail à la chaîne 1

L'an passé, alors que les classes de 68 étaient encore dédoublées,

nous avions par exemple : ·

• Pour 8 h de cours, 4 classes x (16 élèves x 2) = 128 élèves env1ron.

• Cette année, pour 4 heures de cours seulement : 4 clas- ses x 24 élèves = 96 élèves. L'an prochain, en plus des 68, les classes de 5° seront aussi de 24 élèves.

• Cette année, en 5°, pour 8 heures de cours nous avons par exemple : 4 classes x (16 élèves x 2) = 128 élèves.

• L'an prochain, pour 4 heures de cours seulement, nous aurons : 4 classes x 24 élèves = 96 élèves.

Il faut donc envisager l'année 78-79 de la façon suivante : 4 heures en 6° pour 96 élèves

+

4 h en 58 pour 96 élèves, d'où 8 h pour 192 élèves.

Mais un professeur de ces disciplines doit assurer 20 h de cours par semaine ; il restera donc 12 h de cours

à

faire :

- avec des 68 ou des 58 à 24 élèves : 12 h x 24 élèves = 288 élèves ;

- ou avec des 48 ou 38 à 34 élèves : 12 h x 34 élèves - 408 élèves.

Total minimum : 480 alèves:

T otâl.maximum : 600. élèves . .

Comment, dans de telles conditions, faire un travail sérieux adapté aux besoins et a·ux intérêts de chaque enfant 7

Comment apporter un minimum de connaissances sans faire de l' «à-peu-près» et sans les décourager 7

Comment permettre la libre expression 7

Comment développer la personnalité de chacun 7

Comment prendre au sérieux cette réforme alors qu'un professeur de dessin ne dispose en moyenne que de 1,50 F par élève et par an 7

Et... comment, au milieu de cette démence, assurer toutes ces heures et garder son équilibre 7 ...

Commission ffDessin et musiqueJJ second degré (L'Educateur

12, 20-4-78}

... IL Y A MAINTENANT

LES NOUVEAUX PROGRAMMES

Les nouvelles instructions de C.M.

en éducation musicale

(Les passages entre guillemets sont des citations des pro- grammes et instructions de cours moyen.)

Un coup d'œil sur les généralités concernant les activités d'éveil nous fait pressentir un certain .nombrft de restrictions : fdl s'agit d'une pédagogie exigeanteJJ - ffdépasser le stade des seules réactions spontanéesJJ - ffse dégager d'une soumission à l'occasionnehJ - ff... que le maÎtre reste constamment

(4)

2

vigilant

à

l'égard des objectifs poursuivis, et s'attache

à

respecter les progressions qu'il a établies . . .

>> Puis

((Compte tenu de la maturité plus grande des élèves, de leurs acquisitions et de leurs expériences antérieures et de la nécessité d'assurer les bases nécessaires

à

l'entrée au collège, les objectifs et les contenus se précisent et prennent progressivement un caractère plus disciplinaire. »

Voici apparaître l'idée que le C.M. est là pour _ préparer le programme du secondaire, programme écrit antérieurement (réforme Haby) donc, but à atteindre, quoi qu'il arrive. Cette idée est d'ailleurs la seule qui soit formulée dans les objectifs de l'éducation musicale au C.M. :

((AU moment d'aborder l'enseignement du collège l'enfant doit avoir acquis dans le domaine musical, un certain nombre de compétences et de connaJssances ...

»

Dans les contenus et instructions qui suivent on peut distinguer dans les activités où l'enfant émet des sons :

• Chants collectifs ou individuels (on ne parle pas expres- sément d'invention individuelle - emploi du terme indéterminé de «production»). On en tire des formules rythmiques et mélodiques à travailler, et on joue les plus simples sur des instruments. On s'entraîne à les accompagner avec diverses sources sonores (activité mettant l'accent sur la mélodie et les rythmes avec «métrique», cadence régulière). On lit, en chantant le nom des notes, des phrases extraites de ces chants. Puis on se dirige vers le déchiffrage de partitions inconnues des enfants.

• Pratique de !'«improvisation» orientée vers la mélodie («sou-

tenue et alimentée»

par

!'((apprentissage des chants conduit avec ingéniosité... et les séances d'accompagnement»).

L'éventail des sources· sonores citées semble indiquer une ouverture quant aux types d'improvisations praticables. Malheureusement on tombe de haut en lisant un peu plus loin que pour

((passer d'une improvisation individuelle à l'improvi - sation collective, le maÎtre guidera le choix de formules rythmi - ques ou mélodiques, aidant

à

retenir celles qui lui paraÎtront s'imposer par leur charme, leur vigueur, leur pouvoir convain - cant».

C'est vrai, seul l'enseignant sait ce qui est beau. Un enfant n'a pas de sensibilité, par définition !

Après les proclamations ronflantes des cycles préparatoire et élémentaire (C.P. :

((épanouissement des possibilités d'expres- sion comme des pouvoirs de création, développèment de la sensibilité, ouverture au monde de l'imaginaire»... ((Continuer à développer les pouvoirs créateurs de l'enfant ainsi que

t

1

_.J

- ..

-

plusieurs aspects de la fonction d'expression ... »

C.E. : (~préser­

vation et développement des pouvoirs créateurs de l'enfant, stimulation de la fonction d'expression ... )

on ne conserve au

C.M. que ce qui sera directement utilisable pour le pro- gramme de

se.

Quand on nous parle encore d'«improvisation»,

il

s'agit d'un travail tellement orienté, parcellisé, en miettes, qu'il est vidé de tout son sens. Au lieu de développer au C.M. le peu d'improvisation et de créativité préconisées aux cycles préparatoire et élémentaire, on l'oriente vers l'émission de formulettes rythmiques et mélodiques, le maître choisissant ensuite dans ces formulettes celles qui correspondent à ses canons esthétiques ou... à sa progression, en les faisant reprendre en chœur par la classe unanime, ainsi débarrassée des problèmes de communication, de liberté et de dynamique dans un groupe .

Ainsi, jamais, de la maternelle à la troisième on ne deman- dera aux enfants d'inventer un «morceau» complet préparé dans le détail, avec un début et une fin. Jamais on ne se pose, on ne lui pose le problème : comment organiser des sons, seul, ou à plusieurs. On aurait pu proposer aux enfants des activités d'expression réelles, pas des «pièces poubelles» ( 1) comme elisait Alex Lafosse dans le domaine du travail manuel.

Les programmes du secondaire consacrent la dispa- rition de toute activité de création.

En 66 on préconise outre le chant collectif des exercices oraux, généralisation des «pièces poubelles», parcellisation extrême des activités pour tenter d'acquérir un savoir en miettes justifié lui-même par l'apprentissage du solfège. Celui-ci apparaît massivement, non motivé, systématique, séparé de l'expression, abstrait... on connaît, malheureusement. Rien n'a changé.

Dans les objectifs généraux de l'éducation artistique des collèges (6° à 3°) on évacue très consciemment toute activité créative, en la reportant aux activités péri-scolaires (non prises en charge par l'Education ex-nationale). Pourtant on reconnaît que

((/e besoin de créer est une énergie potentielle que chacun porte en lui» ...

que

((la possibilité de s'exprimer par une œuvre peut apporter un équilibre remarquable

à

la personnalité des jeunes».

Mais on invoque pour expliquer cette contradiction,

le manque de temps

((QUi ne peut . être emprunté aux horaires scolaires proprement dits».

D'autre part, comme il faut laisser

1

---~

1

l

...

'

(5)

aux élèves (</a possibilité de choisir tel moyen personnel d'expressiom> et que cela (me s'accommode guère des contraintes collectives d'une classe>> (trop d'élèves, peu de locaux et de moyens matériels sans doute), ce n'est donc pas possible 1 Enfin un dernier passage insiste sur ((Certains excès>> non ((éducatifs>> commis par ceux qui emploient divers modes d'expression ((au petit bonheur (quelle familiarité 1) sans intention, rigueur ou maÎtrise et quel que soit l'âge des enfants>>. On en conclut sans rire que l'éducation artistique de la 68 à la 38 doit ((Créer le besoin de créen>... ailleurs 1

A I'I.C.E.M., il y a longtemps que nous avons une pratique dans les domaines auxquels les instructions tournent le dos à partir du C.M., pratique que nous précisons coopérativement.

Depuis longtemps, les enfants de nos classes pratiquent le chant libre, parallèlement à l'interprétation de chants ; dès l'apparition des premiers 78 tours de musique extra-européenne, Freinet préconisait de les mettre en relation avec les réalisations des enfants. La B.T. sur la construction d'instruments n'est pas d'hier, ni les disques des réalisations de nos classes.

Nous n'avons pas attendu que les instructions évoquent vaguement la fabrication de ((cithares rudimentaires>> pour mettre au point l'Ariel. Nous n'avons pas hésité à promouvoir dans nos classes non seulement des recherches dans le style de notre patrimoine occidental, mais aussi des recherches proches de l'esprit des musiques contemporaines (concrètes, électro- acoustiques, entre autres), recherches tendant à donner aux enfants une définition de la musique plus large que la ((production de formules rythmiques et mélodiques>> et tendant

à fournir aux enfants, un éventail de choix esthétiques dont ils puissent s'emparer en fonction de leurs besoins d'expression.

Notre travail, depuis plusieurs années, nous a permis de tenter d'y voir plus clair dans les domaines : de l'improvisation col- lective ; de la composition (activité totalement absente des instructions) ; de l'interprétation ; des implications individuelles ou collectives dans ces diverses activités et des problèmes de communication que cela pose ; des problèmes de notation en fonction du type d'organisation sonore pratiquée, du problème de la notation traditionnelle (qualifiée d'usuelle dans les ins- tructions).

En ce qui concerne l'improvisation collective en petits groupes (pas uniquement mélodique ou rythmi~ue) nous pe~­

sons que c'est l'occasion au C.M. de découvnr la communi- cation par le son, au sein d'un groupe, communication directe, beaucoup moins «médiatisée» que dans la composition .~ue

l'enfant propose à des auditeurs. En revanche la compos1t1on permettant peut-être mieux, par la possibilité de raturer, la matérialisation d'une intention expressive, et par la possibilité d'analyse des moyens employés, d'acquérir peu à peu du

«métier».

Mais nous nous égarons, tout cela n'a pas grand intérêt puisque ça ne permet pas directement d'aborder les program- mes 1 Par contre le paragraphe ((lecture et écriture musicales>>

de ces programmes, que ni les maîtres, ni les enfants ne sont en mesure d'appliquer par manque de pratique et de formation, est beaucoup plus important pour la liaison avec la 68 (une phrase entière de notions de solfège à acquérir a été purement et simplement recopiée sur les programmes de sixième 1)

Nous en entendons qui vont dire : ((// faut comprendre nos supérieurs, les instructions de

6e

étaient déjà écrites, il fallait bien recoller les morceaux

! ...

>>

Mais est-ce vraiment incohérent

?

Une inspectrice pédagogique régionale de musique dont les militants de I'I.C.E.M. ont entendu parler n'affirmait-elle pas : ((La créativité, je n'y crois pas; en terminale, à la rigueur, et encore, sous forme de clubs que vous dirigerez.>> Ben voyons

1

C'est pas pour la populasse tout ça

1

L'idéologie des dons n'est pas morte. Elle a plutôt tendance à proliférer ces temps-ci (voir Debray-Ritzen et autres).

D'autre part le secondaire n'est-il pas le lieu de matérialisation de la sélection

?

Pour le B.E.P.C. on entend parler de contrôle continu dans toutes les matières et pour ceux qui n'auront pas le niveau on parle d'épreuves à passer (toutes matières) .

( 1) On appelle «pièce poubelle» ou <<pièce d'étude» l'exercice «pédagogique>>

sans autre utilité ou fonction que l'étude d'une difficulté technique, par exemple : la pièce de bois sur laquelle on s'entraîne à creuser une mortaise.

(La Brèche 51, septembre 79, cele dessin technique, fromage pédagogique».)

Question à 1 000 F : ((Quels types d'épreuves seront proposées en musique ?» Facile. Une course d'obstacles à base de

«pièces poubelles» (1) du programme que seuls quelques enfants de bonne famille franchiront peut-être.

Pourtant toutes les notions et acquisitions définies dans ces programmes seraient acquises avec facilité si depuis la mater- nelle les enfants pratiquaient l'expression libre dans une atmosphère de valorisation et de confrontation. Le solfège serait facilement acquis car à un certain niveau de pratique, il devient un besoin. Mais là, il y a des freins importants.

Ils sont idéologiques, donc budgétaires.

En tout cas ce - que nous refuserons toujours, c'est :

de travailler avec des élèves fictifs et de leur appliquer le programme du cycle moyen comme s'ils avaient bénéficié de tout ce qui est défini dans les autres cycles ;

d'aborder des notions, des savoirs «du programme» sans qu'ils soient motivés, nécessités par l'expression et l'évolution des enfants. Combien d'élèves de nos classes primaires, secondaires ou d'écoles normales, combien d'instituteurs (triees) en formation continuée n'ont jamais eu de pratique musicale antérieure ? Inutile de dire que, quel que soit l'âge auquel on s'adresse, nous commençons presque toujours à zéro, et que les premiers essais, les premiers gestes, sont d'un niveau technique de maternelle (même si l'évolution qui suit est plus rapide). C'est comme ça.

C'est toute l'institution Education (Nationale) qui est en cause depuis des années, et elle s'entête.

Une bavure d'I.P.R. trop zélé ou l'exigence de l'application

des nouveaux programmes de musique 7

RAPPORT D'INSPECTION Classe de 66 (25 élèves).

Il est très difficile de décrire la confusion régnant pendant le cours de Madame ...

Après un quart d'heure de culture vocale et chant, sans aucune direction, le professeur procède à l'élaboration de groupes, laissant le choix des instruments aux enfants.

C'est ainsi que six ou sept groupes s'en vont. Un élève avec orgue électrique dans le couloir, d'autres avec cymbales dans une salle polyvalente, d'autres avec des peaux en un troisième lieu, etc.

Aprè!J,. éclipse du professeur dans une petite salle contiguë, il ie9te 'quatre élèves s'essayant à jouer ((Douce nuit)) et ((Le bon roi Dagobert)) (polytonalités inattendues!). Bruits dive;s à l'étage (xylo, tambours, etc.). D(x minutes avant la fin de l'heure, enregistrement par le professeur de ((Au clair de la lune» sur carillon, avec erreur reconnue d'ailleurs et ((dialogue)) de rythmes.

Les recherches que Madame . . . effectue avec ses classes me semblent tout à fait illusoires.

Il est d'abord urgent que les élèves soient avec leur professeur, ne serait-ce que pour une raison de sécurité.

D'autre part, les enseignants d'autres disciplines ne peuvent qu'être gênés par les migrations sonores des élèves qui ne devraient pas quitter la salle de musique.

Bilan négatif au niveau des connaissances ,· qu'il permis d'ajouter mon profond regret de ne pas professeur assumer son rôle.

Date de l'inspection : 19 mars 1979.

me soit vo!f un .

De plus en plus, pèsent des menaces précises de la part de la hiérarchie : cassage d'équipes pédagogiques constituées ; tenta- tives d'intimidations et de mise au pas envers des praticiens de longue date de I'I.C.E.M ...

Le droit à l'expression libre et au tâtonnement expérimental de l'enfant et de l'adolescent dans un cadre de vie coopérative reste à conquérir, même et surtout en expression musicale 1

-

3

(6)

LA MUSIQUE!

QUE · LLE MUSIQUE POUR QUOI FAIRE

?

?

LA MUSIQUE

Quand je voulus toucher à la musique, on m'avertit qu'il fallait d'abord l'apprendre, monter la «dame» do-ré-mi, la descendre do-si-la, enfler et diminuer, filer, mesurer, battre, compter et progresser.

On portait ensuite

à

ma connaissance qu'il y avait de grands musiciens. Ils étaient tous morts d'ailleurs, sauf peut-être un ou deux que l'avenir seulement reconnaîtrait. Il n'en restait donc que des moyens ou des petits. Le centre de cette culture si rare et suprême qui m'ébahissait devait se trouver à Paris car les imprimés de musique, les livres de ceux, poètes et savants qui en parlaient en connaissance de cause et en avaient découvert les lois qu'on enseignait même dans une école, portaient tous écrit : PARIS.

Je me contentais d'œuvres à ma portée, clandestines pour tout un tas de raisons, aussi bonnes les unes que les autres et que j'ai de bonnes raisons de juger détestables. Nous faisions de la musique avec des copains dans une «remise» : Jean, Yéyé, Jeannette, Moineau, une casserole, un sifflet, un harmonica, une boîte de sardines.

L'instrument le plus convoité avec le sifflet modulateur c'était la boîte à gaufres cubique, pièce unique, très difficile à trouver et fascinante par toutes ses possibilités sonores.

Yéyé qui allait au catéchisme en avait profité pour nous rapporter des pages de musique imprimée qu'il distribuait au début des séances auxquelles je fus admis avec une gravité impressionnante. J'en restai muet d'abord, admirant comme les autres déchiffraient la musique. Mais Moineau regardait en l'air trop souvent et je me demandai s'il savait tout ça par cœur ou si. .. Je me lançai, tremblant qu'on ne me repousse, tâtonnant avec timidité et ferveur à la rencontre de mes copains. Yéyé me cria : ((Qui !JJ Je vis que personne ne lisait la musique et qu'on pouvait y aller. On y allait de bon cœur. Je pénétrais dans un cercle supérieur vers un point central et chaud où nous tendions de tous nos gestes, bien au-delà des signes ordinaires. On écoutait jusqu'à deviner, prévenir, donner un écho fulgurant. On écoutait jusqu'à ce que le moindre signe nous devienne sensible et significatif, jusqu'à l'âme.

Vingt-cinq ans après, cela sonne encore à mes oreilles.

Pour sentir la valeur humaine (puisque ainsi il faut parler) de la musique,

il

ne suffira pas d'expliquer aux raffinés de l'Oreille et de la Culture qu'un monde sonore équilibré et dynamique naissait en des lieux réputés déserts, entre la bouteille et la boîte à gaufres... Il faut dire qu'au-delà je retrouve le visage et le sourire oublié de mes copains quand tout ailleurs dit leur indifférence ou leur mort.

J'avais abandonné cela au bazar de l'enfance quand je montai à dix-huit ans, à Paris écouter de la vraie musique vivante que des enregistrements exceptionnels, des émissions radiophoniques et la lecture m'avaient révélée quelques années auparavant.

Je m'assis sagement à l'Opéra-Comique, dans l'obscurité envoûtante qui se tissait autour de la scène de Pel/~as et

M~lisande.

Mais je n'eus pas de chance. Ces gens lisaient la musique sur des grands papiers et ne s'écoutaient que du bout de l'oreille. Ils ne s'écoutaient pas. Il n'écoutaient pas les chanteurs.

Ils n'écoutaient pas cet espace prodigieux où Debussy s'est avancé en ((~coutant beaucoup plusJJ comme dit sa fille à Cortot. Ils dressaient seulement autour de ce monde un mur de sourds.

Ils avaient les voix, les instruments les plus achevés de notre siècle et de notre planète, ils avaient l'art et la science consa- crés, ils savaient lire, ils avaient la scène, le chef-d'œuvre unique, la salle comble tournée vers eux dans l'ombre mais jamais de cette abondance qui éclatait de tous côtés, de cette faveur des circonstances ils ne firent naître un grain de poésie.

Il ne tomba aucune étoile sur Pelléas.

4

Je sais, les soirs se suivent et ne se ressemblent pas. Mais ce n'était pas de la musique et je compris que ce qui me le montrait trop clairement était cette expérience vécue avec mes copains de la remise où nous écoutions jusqu'à ce que vie s'en suive, jusqu'à ce que quelque chose passe entre nous.

Parce que si nous n'avions su cela de toute notre conscience, de tous nos actes, sans en expliquer les principes bien fondés aux pédants, aux philosophes et aux snobs, nous n'aurions pas fait de musique digne d'une oreille de pédagogue, ni d'un autre connaisseur, mais nous aurions fait seulement un peu de bruit pour nous amuser.

P. DELBASTY

LE CL/MAT MUSICAL

1. Le déséquilibre

Je croyais, dans ma naïveté et mon incompétence, que je pourrais apporter aux enfants de ma classe une révélation qui allait tout changer.

J'en avais assez d'entendre ce répertoire de colonie de vacances dont j'étais fier trois ans auparavant. C'était trop ou peu. Je possédais environ 350 fiches, il n'y avait qu'à choisir ...

Mais je savais d'avance ce qui plairait aux enfants : à la croisée de leurs goûts et des miens, il ne resterait qu'une vingtaine de chansons ; j'accompagnais à la guitare et nous recherchions des finesses d'interprétation ; les chants à deux voix étaient appréciés.

Non, je n'étais pas satisfait, bien installé dans le confort de cette «réussite».

Pourquoi chercher ailleurs

?

- Ce n'est déjà pas si mal 1

- Ah 1 Créer un climat musical dans la classe 1

Quand on se sent inconsciemment incompétent, on croit. à la magie des appareils. J'apporte un orgue électronique... Quel choc 1 Oui, mais une fois l'appareil démystifié, c'est fini, chacun est repris par ses occupations.

La belle machine n'a fait que remplacer la guitare dans l'accompagnement des chants. Pouvais-je laisser tâtonner les enfants sur un appareil de ce prix

?

De toute façon, je n'étais pas sensible au tâtonnement expérimental.

Après quelques recherches et quelques échecs, dans ma démarche personnelle vers l'enfant, vers ce qui demeurait, en définitive, en lui, de réalité musicale, vers son contenu musical, j'en suis venu à me rendre compte d'un fait important. Les enfants chantaient aussi quand ils étaient seuls, et non les chansons apprises en classe ou dans les groupes de l'internat, mais des mélopées tristes sur le mode mineur et... non réper- toriées sur mes fiches 1 Oserais-je avouer que je n'ai pas

compris tout de suite qu'il s'agissait de créations 7

Comment prendre au sérieux une mélodie sans structure rythmique nette, s'exprimant sur deux notes distantes d'un ton (par exemple do et ré), quand on a de si belles «réussites»

avec des chansons à ... deux voix

?

J'étais incapable de me montrer . attentif à la richesse des

observations et des découvertes des enfants, à leurs possi- bilités de création. Mon insuffisance m'empêchait de faire entrer la vie à l'école. Il y avait d'un côté ma culture musicale, pauvre parce qu'installée, que j'essayais de transmettre à mes «élèves»

(pour eux c'était surtout la culture de la voix), et de l'autre, la réalité musicale des enfants hors de l'école, pauvre parce que condamnée à s'exprimer dans·la solitude.

2. Le chant libre

Quelques années après, ayant transformé progressivement ma pédagogie, grâce à Freinet dont j'avais «dévoré» les ouvrages,

'

(7)

grâce au groupe départemental de l'Ecole Moderne qui a su m'aider par un esprit critique et valorisant, un souffle novueau régnait dans ma classe. J'apprenais toujours des chansons aux enfants, mais à une seule voix, car je ne voulais pas dépasser leurs possibilités d'intégration. De plus, j'avais fait entrer la

«création» dans l'école. J'avais favorisé une forme nouvelle d'expression : le chant libre.

Ce èhant libre pouvait prendre trois formes. Je leur ai donné des noms : le fredon, la chanson-message, la chanson sur commande.

Le fredon venait pendant une activité dite «manuelle» : dessin, peinture, aluminium, terre, menuiserie, etc. Ce fredon pouvait d'ailleurs se structurer, devenir une vérita.ble chanson, il était malgré tout, une expression «pour rien», une sorte de libération, de reflet de la musicalité intérieure. L'enfant ne ressentait pas le besoin de le communiquer.

La chanson-message venait quand l'enfant cherchait un public.

Elle aussi représentait un moment d'expression, en ce sens qu'elle était la marque de l'inspiration du moment. Elle avait deux possibilités de se manifester :

Le magnétophone, constamment branché

à

cet effet (il n'y avait qu'à ouvrir le micro) dans un coin de la classe, isolé et tranquille.

L'amplificateur. L'auteur devait pour cela, mobiliser l' atten- tion de tous, profiter d'une réunion ou la provoquer.

On a pu assister, ainsi, à de véritables récitals décidés auxquels se joignaient de nouvelles recrues. La ·séance se terminait par l'écoute d'enregistrements. Sur la demande des enfants, je chantais une chanson ou nous écoutions un disque.

La chanson sur commande. Elle a eu ses instants de gloire pendant les réunions dont je parlais à l'instant, pendant la visite de camarades ou de sympathisants de la classe, pendant l'exposition. Hors de son côté désagréable qui est le cabotinage, elle me contentait parce qu'elle correspondait

à

une véritable possession par l'enfant d'une certaine quantité de moyens d'expression chantée, elle m'inquiétait aussi, parce que j'avais peur que l'enfant s'installât dans une forme de communication vocale et qu'il n'en sortît plus.

Quelle était la destination des chansons ainsi créées

7

Certaines chansons enregistrées étaient envoyées aux cor- respondants. Le choix se décidait en conseil. Ceux-ci nous envoyaient leurs meilleures œuvres. Pendant un an, les échanges furent fructueux. Les «idées» de nos correspondants étaient

utilisées et l'expression s'enrichissait de part et d'autre.

L'année suivante, malheureusement, les nouveaux correspon- dants avaient trop de difficultés :

matérielles (mauvais magnétophone, trop différent du nôtre) ; pédagogiques (première expérience de correspondance, Il leur était difficile de nous suivre, d'autant plus que, cette année- là, nous démarrions la musique instrumentale).

Les échanges musicaux ont donc lassé les enfants.

Mais nous avions notre public et l'expression musicale n'a cessé de croître.

Certaines chansons devenaient des succès. Les enfants désiraient apprendre celles qui leur plaisaient, le magnétophone jouait le rôle de répétiteur. Hors de tout esprit de compétition, il s'opérait une sélection naturelle, je devrais dire une orientation des chansons . . Les unes demandaient

à

être écoutées, les autres à être entonnées. Ce fut le cas de la chanson de

Francine : «Le renard et le lapin» qui tint le «hit parade» de la classe pendant plus de deux mois. Elle fut détrônée par une chanson folklorique que j'avais amenée : «Passant par la prairie».

3. La musique libre instrumentale

Je ne vais pas raconter la petite histoire, amusante mais hors de prbpos, qui a amené l'instrument dans la classe. Je dirai simplement que c'est après plus d'un an de chant libre que le besoin s'est fait sentir.

Bien sûr, si je n'avais pas attendu l'événement, je n'aurais pas été sensible à son apparition et le besoin n'aurait pas été suivi d'effet. Mais je l'attendais, je l'espérais, je le guettais.

La lecture des travaux de Delbasty m'y avait préparé. Mais, je ne voulais pas mettre entre les mains des enfants la B.T.

n° 383, comme cela artificiellement, sans qu'elle réponde à un besoin. Finalement elle n'a pas servi, car les enfants, ayant découvert, étaient attachés à leurs découvertes. Plus tard, sOre- ment, elle aurait été appréciée.

Dès l'apparition des premiers instruments, je pensais que la pratique du chant libre avait permis aux enfants de franchir des étapes qu'ils n'auraient pas besoin de parcourir à nouveau.

Je me rendis compte de mon erreur. Ce qui n'avait pas apparu avec des instruments

à

percussion, s'est vite fait remarquer dès qu'un instrument demandait à être accordé. Le xylophone à bouteilles et la «guitare» (fils à pêche tendus sur des cageots) en ont été les premiers témoins.

Les accords ont suivi les tâtonnements déjà écrits à propos du chant libre. Chacun revenant

à

son niveau de départ, mais allant plus vite. Suivant les habitudes acquises lors du chant libre, nous nous réunissions pour écouter les créations directes ou les enregistrements. C'est là qu'apparut un fait nouveau pour la musique : la critique. Elle apparut d'abord sous forme de conseils qui disparurent très rapidement pour laisser la place à ce que les enfants appelaient «la devinette». C'est-à-dire qu'il s'agissait de savoir si l'auteur était triste ou gai. Lui-même ne le savait pas.

Alors on lui posait des questions :

Avec qui as- tu joué

à

la récréation ?

Est-ce que tu t'es battu ?

(J'avais quelques caractériels.)

As-tu fait un beau dessin ?

Est -ce que tu as eu des fdeux vertS)) en travail individuel ? Ton texte a-t-il été choisi? ...

La plupart du temps, il n'était ni triste ni gai, mais simple- ment ~eureux qu'on parle de lui et de son œuvre. Quelquefois, l'auteur nous racontait l'histoire de sa musique, mais le plus souvent, il cherchait la beauté.

- C'est beau ? - C'est beau.

Parfois :

ff0n dirait que ça rit.))

Au mois de juin, les filles dansaient sur la musique et nous comprenions bien mieux qu'avec des mots. Les garçons, qui se sentaient ridicules dans la danse, jouaient aux chefs d'orchestre. Là aussi, on comprenait.

A propos de l'œuvre, de véritables entretiens naissaient :

Pourquoi ta musique est si triste ? Ça pleure tout le temps.

C'est parce que j'ai mal dans mon cœur.

Les coups de tambour, c'est ton cœur?

Non, ça c'est mon père qui me bat, alors je crie i i i i. Je ne pleure pas, parce que je suis un garçon, mais je crie. Moi je suis dur, je ne pleure jamais. La musique, elle, elle est tendre, elle peut pleurer, c'est comme une fille, elle ne demande pas pardon mais elle pleure . . .

>>

(Certains passages étaient presque chantés.)

A cette époque, les enfants n'enregistraient plus leurs œuvres à cause d'une panne de micro. Il a donc fallu que nous nous réunissions pour écouter. La musique devait être préparée, car

\

(

5

(8)

certains enfants étaient capables de· reproduire tel ou tel passage qui nous avait plu.

J'avais continué d'apporter des œuvres d'adultes qui me sem- blaient en rapport avec les œuvres des enfants. Je subissais l'assaut des questions et malheureusement, j'avais du mal à répondre à cause de mon manque de culture musicale. Surtout, les enfants pénétraient très profondément dans l'œuvre, par comparaison avec leur vécu musical. Mes réponses n'allaient pas au fond des choses. Eh 1 je n'étais pas l'auteur 1 Pour répondre plus facilement, j'ai pris l'habitude d'apporter des enregistre- ments de jazz.

D'une part, j'étais plus à l'aise avec Dizzie Gillespie qu'avec Mozart, d'autre part, les questions étaient moins nombreuses comme si les enfants entraient de plain-pied dans l'œuvre, la vivaient. Il fallait les voir scander, vibrer, ressentir, exploser.

La compréhension était corporelle, non plus verbale, mais toujours affective.

Hors des réunions, nous baignions dans la musique. Pendant les travaux ne demandant pas d'écoute, une musique d'ambiance emplissait la classe doucement, comme pour accompagner nos gestes. Musique d'enfant ou musique d'adulte, elle était devenue un besoin. En son absence, les fredons compensaient.

Je l'avais mon climat musical 1

La différence est énorme entre les deux époques que j'ai décrites. Tout a changé. Je me suis mis à écouter les enfants, à prendre en considération leurs œuvres, à apprécier leurs créations musicales.

Oh 1 cela n'a pas été sans mal 1 Je n'ai jamais senti le «coup de foudre», la brusque révélation ou l'illumination. Le texte libre débouchant sur le journal scolaire et la correspondance, la peinture libre, la méthode naturelle de lecture... pratiqués tour à tour, m'ont amené à changer le sentiment que j'avais de la pédagogie, mon attitude et tout le système de relations

«maître-élèves». Les stages et les réunions de l'Ecole Moderne, m'ont informé, formé et ... transformé.

J'en suis venu à considérer l'éducation musicale dispensée dans ma classe et à l'envisager sous un autre angle. Les camarades à qui je confiais mes craintes, me répondaient : (dance-toi, les enfants te montreront le chemin.>> Ils me l'ont

montré, en effet, à partir du moment où j'ai su les écouter et les encourager dans leurs tâtonnements. Nous avons fait des progrès ensemble.

Jean-Pierre LIGNON

LA MUSIQUE A L'I.C.E.M.

Quand on demande : ((Y a-t-il de la musique dans ta classe 1>>, la plupart du temps, la réponse est non. Et quand on demande : ((pourquoi 1>> les réponses sont diverses.

«Ça fait trop de bruit, ça gêne le reste de la classe.»

Le problème ne se pose pas pour le chant libre individuel (ou en petit groupe), activité pas plus sonore que n'importe quelle autre activité orale. Il peut éventuellement se poser lorsqu'on utilise des instruments. C'est là qu'un coin musique extérieur à la classe (débarras, C'Orridor, palier, plein air ... ) devient d'un grand secours. On peut aussi utiliser des instru- ments «silencieux» munis d'écouteurs individuels (voir F. T. C.).

Il y a des choses qui, ainsi, sont dites, chantées et qui ne jailliraient pas si l'on cédait au prétexte du bruit.

«Ça gênerait mes voisins.>>

Il est exact que les bâtiments scolaires (même neufs) sont souvent mal conçus au point de vue acoustique (entre autres).

Mais une simple porte de communication bien insonorisée (capitonnage, boite d'œufs ... ) peut parfois suffire à améliorer la situation. En fait, n'est dérangé que celui qui veut rester

«rangé». Chaque fois que nous nous démarquons des pratiques de nos voisins, nous les dérangeons par les libertés que nous cultivons, par les relations différentes qui s'établissent entre les enfants et nous. L'expression musicale est une de ces libertés qui ne fait pas plus de bruit que les traditionnelles «leçons de musique». Ce qui peut déranger, c'est l'expression propre de l'enfant. (Comme le fait le texte libre, la peinture libre, etc.)

«Je n'ai pas de place ...

»

Un atelier musique n'occupe pas plus de place qu'un atelier peinture ou imprimerie. Le problème est que toutes les classes 6

ne permettent pas leur coexistence permanente. Différents pal- liatifs sont à trouver : recoin extérieur à la classe, carton- musique toujours prêt à être déballé, ou encore des moments dans la semaine réservés à l'expression musicale... Chaque solution présente ses avantages et ses inconvénients.

«Il faut choisir, je ne peux pas tout faire.»

Peut-être est-ce vrai, mais il est symptomatique que l'on dise si souvent cela à propos de la musique.

«Je n'y connais rien.»

S'y connaît-on en peinture, en littérature

? .. .

Les productions d'enfants ont-elles quelque chose à voir avec les académismes dont nous sommes imprégnés

?

Quels sont nos critères de réfé- rence

?

Quels sont-ils pour d'autres activités d'expression

?

Presque toujours, l'adulte a une attitude dubitative face à la production musicale libre : ((Je ne sais pas si c'est intéressant ... >>

et vite on parle de gamme, de solfège.

Le solfège exerce un véritable-pouvoir mystificateur auprès des non-initiés : ((Je n'ai pas l'oreille musicale ... Je ne comprends rien à la musique ... >> Le solfège n'aide pas à ressentir, à recevoir une production sonore.

Dans le passé, seuls quelques créàteurs devenus professionnels au service de l'aristocratie, puis de la bourgeoisie et leurs inter- prêtes utilisaient ce code. Toutes les musiques populaires occidentales l'ignorèrent. Actuellement, les compositeurs contemporains inventent de nouveaux codes dont l'usage est souvent ré~uit à leurs seules œuvres (c'est ce que font souvent les enfants quand ils veulent fixer une réalisation) .

De par une imprégnation socio-culturelle étriquée, condition- nante, nous avons une écoute étriquée qui, souvent, nous

fait percevoir les créations enfantines comme des œuvres «pas

terribles» ou «peu intéressantes». La musique est avant tout un moment de création, d'expression, et par là, un plaisir souvent très grand de jouer, de fabriquer des sons qui pro- longent les gestes et qui prouvent que l'on existe.

La musique enfantine est-elle belle ?

Si beau veut dire conforme à tel style, à tel académisme, alors la musique libre n'est belle que par hasard. Telle recherche peut nous faire penser à du free-jazz , ou à de la musique concrète, mais avant l'arrivée de ces tyles, des enfants de nos classes faisaient déjà de telles recherches.

Si beau veut dire touchant, sensible, pleinement vécu... la musique libre est souvent belle.

Pourquoi l'expression libre

?

S'exprimer, créer, non pour tenter de faire partie d'une soi- disant élite, dont la fonction sociale est de penser, de créer pour les masses jugées ignorantes et incapables de le faire par eJies-mêmes.

Au contraire, s'exprimer pour communiquer parce que c'est un besoin fondamental, quotidien, pour vivre, exister, se connaître, être reconnu.

Pourquoi par la musique

?

C'est certainement un des premiers moyens d'expression.

Donner à l'enfant les moyens de s'exprimer par la musique, c'est lui donner les moyens d'être plus disponible à l'écoute des autres, de développer son esprit critique. Esprit critique vis-à-vis du contenu de certaines musiques qui, à cause de leur pro- duction industrielle se sont vidées de toute originalité, de toute sensibilité, et sont devenues l'un des véhicules favoris de l'idéologie dominante.

Esprit critique vis-à-vis de la fonction de telle ou telle musique dans la société. Car il n'y a pas des musiques, mais bien des usages de la musique.

Favoriser la pratique de l'expression musicale c'est :

• Aujourd'hui, s'opposer à l'usage musical bourgeois qui tend à l'aliénation

en hiérarchisant l'humanité en créateurs spécialistes et en consommateurs ;

en détournant l'expression musicale de sa fonction vitale ; en accentuant le caractère idéologique des marchandises culturelles à destination des classes populaires.

• Demain, en faire un des moyens d'expressions fondamentaux, moyen de communication habituel et quotidien, moyen d'être reconnu par les autres, d'exister pleinement, élément constitutif d'une véritable culture populaire.

LA COMMISSION MUSIQUE

(9)

....

LES PROBLEMES DE BRUIT

L'INSONORISATION DES LOCAUX

Problème crucial pour la pratique de la musique,

il

ne concerne cependant pas seulement celle-ci. De nombreuses salles de classe (et préaux) ont une acoustique très réverbérante, d'où l'inintelligibilité, d'où la fatigue et l'énervement accrus par le phénomène naturel du «ton qui monte» collectivement. Il est nécessaire de sensibiliser nos collègues à ce problème, car ils en souffrent inconsciemment, et les enfants aussi. Les enfants sont plus calmes et détendus dans une salle insonorisée.

L'insonorisation des salles de classe n'est pas une revendication de luxe mais l'exigence de conditions de travail décentes.

En ce qui concerne l'Isolation des salles de classe entre elles : pour toute construction, il faut insister sur l'épaisseur et la qualité des cloisons, et la présence des doubles portes quand on souhaite une communication entre les classes.

Palliatifs dans les écoles actuelles : Certaines écoles réservent une «salle polyvalente» (salle prévue en plus des classes ou ancienne classe fermée grâce à la grille Guichard 1) pour certaines activités. On peut revendiquer l'insonorisation prioritaire de cette salle et l'utiliser pour les activités collectives de mus1que.

QUEL ((BRUITJJ ?

((S'ébruiter dans une école de ville à neuf classes - sans locaux annexes ou insonorisés - n'est pas acte facilement admis. Tous les matins, nous étions embruités par le klaxon retentissant de marchands ambulants, toutes les récréations, par la cloche puis par les cris stridents d'élèves ((décagésJJ ...

Personne ne trouvait rien à dire à cela : la normalité bru-i-tale, le quotidien sonore urbain et scolaire 1 Mais que certains jours, des mioches et leur maÎtre choisissent de s'exprimer

volontairement par le son - corporellement et instrumenta- lement - et non dans le cadre de la radio scolaire-bras croisés,

cela sentait la déraison, l'irresponsabilité, la paresse ...

Oui

à

l'école, il y a bruit et BRUIT: le bruit licite, admis et le bruit singulier, étrange-étranger. Ce bruit-là dérangeait... jus- qu'au jour où, le mépris et la jalousie cédant le pas à la curiosité, nous avons joué /'(wuvertureJJ avec nos voisins.

Depuis notre plaisir est mieux partagé. JJ

P. L.

SE N S IBILISAT ION

((L'an dernier, en conseil coopératif, fut proposée l'idée d'un ((baromètre du bruitJJ. Chaque jour, lors des moments de travail personnel, deux enfants, sans prévenir, s'arrêtaient de travailler pendant dix minutes et notaient la courbe du bruit sur une feuille (autant de traits successifs que de moments parlés à voix haute ou de bruits de déplacement trop gênants).

A la fin de la matinée, cela était discuté, reporté sur un tableau mural et jugé en termes comparaüfs lors du conseil suivant.

Cette expérience dura un mois. JJ

P.

L.

ORGAN I SAT ION SO NORE DU BRU IT

((Le bruit, dans nos classes de ville, est un élément quotidien qu'on ne peut évacuer d'une ((pichenetteJJ répressive (<(Taisez- vous ou ... IJJ), qu'on ne peut pas non plus laisser faire. Lutte écologique, dirait R. Murray Schafer, dans (r/e paysage sonoreJJ.

Nous avons donc tenté de dévier ((Ce bruit pour le bruitJJ - et pour autres choses d'ailleurs - en ((jeux de bruitsJJ. Un début de réflexion, une timide prise de conscience, une réorganisation plus sonore du bruit. Un petit début 1

Voir document f( Bruits libres d'écoliersJJ p. 82. JJ

P.

L.

DES PALLIA TIFS

((Je suis prof dans un C.E. S. à Brive où l'administration tolère plus ou moins bien ((/es nuisances sonoresJJ de mes élèves qui travaillent par petits ou grands groupes dans la salle de cours, mais aussi et surtout dans le couloir, la cantine, les dépendances de cuisine, réduits, W.C., avec des instruments. JJ

E.P.

(fie gros problème, c'est le bruit: 24 gamins dans une salle en train de jouer, c'est terrible 1... Alors on essaie de faire des groupes (fSJ'lencieuxJJ : préparation d'exposés, dans un coin de la classe ou à la documentation (même sans documentaliste, c'est parfaitement légal). J'ai commandé sur les crédits d'équi- pement cinq casques permettant une écoute de disques ((SilencieuseJJ, je les attends encore (l'administration ! ... ). En attendant, on utilise un bricolage à base d'écouteurs de télé- phone, ça marche 1 JJ

A.-M.R.

• Aménagements de l'espace-classe (coin musique (1) ;

• Utilisation des lieux intérieurs et extérieurs (cour, préau ... ) selon le degré d'intensité des activités sonores ;

• Détermination de moments précis dans la journée (pour ne pas gêner les voisins) ;

• Mise en place de règles de fonctionnement du coin musique ;

• Utilisation d'écouteurs (2) ou d'instruments tel l'ariel (mais leur intérêt fondamental ne réside pas à ce niveau-là).

( 1) Cf. fiche technologique, Educateur n° 15, juin 78 (voir futur fichier F.T.C.

musique).

(2) Cf. fiche technologique, Educateur 5, janvier 79 (voir futur fichier F.T.C.

musique).

1

1

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,

7

1

(10)

LES PROBLEMES DE PLACE '

' "'

LES PROBLEMES MATERIELS

PENSER A UTILISER

TOUS LES COINS ET RECOINS

POSSIBLES DE L'ÉTABLISSEMENT

Couloir, vestiaire, salle(s) inoccupée(s), préau, plein-air, escalier (s'arranger si possible à !'«amiable» avec les collègues, les agents).

AMENAGER - L'ESPACE-CLASSE

e En suspendant les objets sonores :

rrDepuis l'an dernier, morceaux de ferraille, plastique, bois, carton, tuyaux.. . s'amoncelaient dans la classe et dans le couloir. De temps à autre, rdes MiocheS)) s'en seNaient directement pour produire des sons, mais aussi les perçaient, les découpaient, les assemblaient, les collaient... leur donnant ainsi une forme instrumentale d'une élaboration et d'une techniciM (non) éprouvées. A chaque fois, un problème se posait : il fallait ranger ; et de déranger, lorsqu'ils décidaient

d'en rejouer. Il fallait trouver une solution.

Un soir de mars, j'assistais à l'évolution sonore d'un per- cussionniste bien connu des rdans)) de la musique contempo- raine - Sylvio Gua/da - entre des portiques métalliques où pendaient gongs, carillons, morceaux de bambou, de métal, cloches ... La solution était là ( 1 ).

Depuis, nous avons fabriqué un portique musical (2) en tasseaux de bois où nous avons vissé des crochets et accroché (3) tout ce qui était accrochable : poêles, casseroles, tubes, tringles, plaques, plaque de machine à laver .. .

Depuis, nous avons perfectionné notre premier modèle : toutes les barres (2 verticales, 3 horizontales) sont vissées entre elles et quatre roulettes ont été ajoutées aux pieds. Ainsi notre portique (4) est devenu dé·montable et mobile, mais aussi poty- fonctionnel : portique sonore ou castelet ou cadre (en enlevant la base horizontale du milieu) de bois sur lequel nous pouvons tendre un drap, le transformant ainsi en écran pour pro- jection de films ou d'ombres chinoises.

Cest ainsi que nous avons gagné de la place en utilisant l'espace dans sa dimension verticale, que nous avons trans- formé un espace occupé «mort» (lieu d'abandon du matériel sonore) en un espace vivant, sonore, toujours à la dispo- sition des uns ou des autres,

à

n'importe quel moment de la journée.»

• En utilisant des coffres ou des cartons pour ranger ; les barils de lessive sont pratiques pour ranger tout ce qui est tubes, bâtons ... sonores et sont eux-mêmes des moyens de rangement peu encombrants, car ils peuvent se glisser sous une table ou dans un recoin de la salle.

• En fabriquant des instruments facilement redémontables.

Exemple : un xylophone composé uniquement de tasseaux (deux comme socle avec de la feutrine collée dessus, les autres étant disposés dessus l'un à côté de l'autre) se range très facilement sans prendre la place d'un xylophone vendu dans le commerce.

• En utilisant un haut meuble de rangement comme cloison entre l'atelier musique (côté portes) et l'atelier dessin (le derrière du meuble peut servir d'appui pour peindre, quitte

à

le transformer un peu) ou le coin affichage-journal mural.

• En rendant mobiles les tables de la classe :

(1) Si, à l'époque, j'avais pris connaissance du dossier «Musique» 91, 92, 93, j'aurais découvert que cela était déjà utilisé dans des classes cc Freinet».

(2) La fiche de construction figurera dans le futur fichier F. T.C. «Musique».

(3) UtiHser des anneaux et du fil nylon (de pêche).

(4) Au Heu d'un seul portique, il est po5$ible d'en fabriquer plusieurs aveo des tailles différentes.

8

Comment rendre mobile une table en tube (pour le magnéto, des instruments, etc.)

Plateau

de fixation

(sur roulement à billes)

i

1

~ - --

' ! j

1

' ' 1

. j

-J

Soudure ou plutôt rrbrasure)) (si tu ne peux le faire,

vois un serrurier) .

-

~~ ....

-~

1. Me,sure le diamètre extérieur des pieds de la. table et de leur embout en caoutchouc.

2. Cherche un morceau de tube en fer de diamètre intérieur légèrement plus grand.

3. Achète en quincaillerie quatre petites roulettes orientables.

4. Braser (rrsouden)) le tube en quatre points sur le plateau de la roulette.

5. Enfile les quatre pieds de table dans leur patin à roulettes.

,

1

(11)

LES ASPECTS FINANCIERS ET MA TÉ RIELS

• Les crédits :

On peut grouper les crédits Barangé ou municipaux de plu- sieurs classes, d'une même école pour acheter des instruments

qu'on ne peut se fabriquer (bonnes cymbales, bâtons sonores ... ) car les instruments ne sont pas forcément utilisés en per- manence et peuvent donc circuler dans plusieurs classes.

On peut faire appel (notamment dans les villes) aux services techniques municipaux pour obtenir des matériaux (bois, métal, chutes de tubes ... ) gratuitement ou à un prix très modéré en vue de construction d'instruments mais aussi de meubles de rangement.

rrDepuis quatre ans, chaque année, en fonction de nos besoins pressants, je communique, à petite dose, des plans précis de meubles, élaborés avec les enfants en classe, aux services techniques municipaux qui les réalisent. Ainsi peu à peu, d'une classe vide de mobilier ou au mobl'lier peu fonctionnel, nous sommes passés à une classe organisée en ateliers-coins répondant davantage, malgré les contraintes architecturales, aux besoins de chacun d'entre nous. JJ

P.

L.

• Quel matériel en musique

?

rrCe que je possède au point de vue matériel :

Matériel du C.E.S. : un piano, un guide-chant électrique, un électrophone, une armoire vide, un tableau, chaises, tables bien parallèles.. . J'ai obtenu pour l'année un magné- tophone à bobines.

Matériel que j'ai amené (par accumulation des années précédentes au lycée d'Abbeville) que j'avais fait ou fait faire (*) : une douzaine de carillons (fer plat), des tam- bours (peau de mouton sur pot de fleur, fibrociment, etc.),

des tambourins du commerce, des xylophones, des fiOtes

avec trous ou sans trous, en plastique ou en bambou, dans le courant de l'année un dulcimer (fait· par mon mari),

( ) Le livre de Gérard Pineau et Jean Mau mené, Construire des instruments

(voir bibliographie) est riche en conseils pratiques.

'

une guitare, des petites percussions diverses, des baguettes pour carillons, xylos, une cymbale, un petit gong, deux jeux de six paires et trois paires d'écouteurs de téléphone soudés et reliés à des fiches, mes disques, des rallonges en quantité ...

Matériel que j'ai fait faire au premier trimestre par les élèves: des mirlitons (chacun le sien en 68 et 58 ) puis des sanzas (instruments à lames fines amplifiées par boÎte de polystyrène), quelques xylophones en 38 aménagée en rela-

tion avec leur professeur de T. M. E.

Matériel que j'ai fait acheter par le C.E. S. : un petit ((Orgue électrique)) Magnus, un deuxième récemment, une guitare, une autre à la rentrée prochaine, deux harmonicas ... Avec une partie des 11 F alloués pour chaque élève

de 66 par la réforme Haby, je pense faire acheter quelques paires de vrais écouteurs pour remplacer peu à peu les miens fragiles et peu pratiques qui ont fait leur temps

!

J'envisage d'installer des pieds assez maniables, y mettre des spots et un drap pour théâtre d'ombres, expression cor- porelle, marionnettes ... JJ

E .P.

• Attention, les instruments c'est fragile 1

rrOuand j'ai débuté, il y avait pas mal de casse dans les instruments, surtout les tambours (les peaux crevaient et les

tambours dont le fOt est en pot de fleur cassaient).

Solutions qui ont fait pratiquement disparaÎtre la casse : des supports d'instruments solides et stables ;

rangement nettement différencié pour les baguettes de tam- bour (baguettes légères sans boules: tourillon de 5

à

6 mm)

et les baguettes de xylophone et métallophone (baguettes à boules plus ou moins lourdes et dures).

D'autre part, au moment du rangement, quand le moment musique est terminé, les enfants veulent souvent émettre une dernière fois des sons sur leur instrument ou celui du voisin (comme on mange gouiOment une dernière cuillerée de confiture avant de ranger le pot), et là, ils prennent tout ce qui tombe sous leur main pour frapper (baguette trop lourde, règle en fer ... ). D'où facilement de la casse pendant ces dernières minutes. On en discute ensemble. JJ

G . P.

9

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