CONSIDÉRATIONS BIOLOGIQUES EN REGARD DE LA CONSTRUCTION D'UNE ROUTE FORESTIERE LE LONG D'UN SECTEUR
DE LA RIVIÉRE DU GOUFFRE, COMTÉ DE CHARLEVOIX par
Gilles Paquet
Groupe de recherche d'impact sur la faune
Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche Québec
Novembre 1981
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CONSIDÉRATIONS BIOLOGIQUES EN REGARD DE LA CONSTRUCTION D'UNE ROUTE FORESTIERE LE LONG D'UN SECTEUR
DE LA RIVI1RE DU GOUFFRE, COMTÉ DE CHARLEVOIX par
Gilles Paquet
A- Mise en situation
Il existe présentement un projet de construction d'une route forestière à circulation intense et rapide devant se réaliser entre le lac des Pas Perdus (bassin, riv. Pikauba et parc des Laurentides) et la ville de Clermont (bassin de la Malbaie) dans le comté de Charlevoix.
Le 17 septembre 1981, nous avons été invités par le S.A.E.F. de Québec à visiter et à observer une partie ou section de la vallée du Gouffre où un tracé de chemin est proposé pour relier les endroits précé- demment cités.
Dans ce document nous présentons les résultats des considérations, des impressions et des observations d'ordre biologiques qui se dégagent de cette visite.
B- Généralités
Du point de vue biophysique le bassin versant de la rivière du Gouffre peut se diviser dans des grandes lignes en trois zones assez distinctes
à savoir: la zone agricole, la zone mixte et la zone à forte densité forestière (figure 1).
a) La zone agricole
Une zone agricole de l'estuaire à Saint-Urbain assez fragile, très instable, sujette à des crues considérables et parfois très subites de l'ensemble des cours d'eau qui la sillonnent.
Ces crues ont des conséquences néfastes sur les habitats aquatiques en général:
Erosion consid<lrable des berges et des lits de cours d'eau instabilité du milieu en général;
instabilité de la productivité primaire des cours d'eau;
turbidité de l'eau, pollution chimique et organique, etc.
Toutefois, l'ensemble des richesses fauniques de cette zone est loin d'être négligeable (qualité et quantité) et dépend également de la qualité globale de l'ensemble des divers habitats.
ZONE À FORTE
DENSITÉ FORESTIÈRE
11..»IlimMilml•••• Mill•MMUMM.• 11••••••
ZONE MIXTE
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Clermont••••••••1010 gla•misam•Miro
ZONE AGRICOLE
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0 IO km
Figure 1. Bassin versant de la rivière du Gouffre.
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b) La zone mixte
De Saint-Urbain à la confluence de la rivière des Ilets et de la rivière du Gouffre. Du côté ouest, on retrouve les terres du Séminaire
où une exploitation forestière assez importante se pratique dans des endroits éloignés de la rivière du Gouffre. Du côté est l'exploitation forestière est plus limitée, mais se rapproche d'avantage de la rivière du Gouffre.
On y retrouve également un peu d'agriculture et des sites de villégiature.
Dans son ensemble cette zone est plus fragile à la moindre pertur- bation du milieu par l'homme. On y retrouve les meilleures fosses à saumon, les bonnes zones de reproduction pour le saumon et la truite mouchetée.
Cette zone est tout de même sujette à des crues importantes mais dont les effets sont amoindris par la présence d'une forêt et d'un tapis végétal indispensable à la meilleure stabilité et la meilleure qualité d'h..bitat que l'on y retrouve. Par contre on y, observe déjà d'importantes coupes à blanc à flanc de montagne.
Dans l'ensemble des cours d'eau de cette zone, la productivité primaire et les autres facteurs nécessaires à la survie des salmonidés s'y retrouvent. D'ailleurs, la présence en abondance de jeunes salmonidés témoigne de cette situation. Dans les affluents de ce secteur de la rivière du Gouffre, la fragilité des habitats est d'autant plus sensible aux
perturbations du ou des milieux.
Les habitats "ripariens" (riverains) de cette zone prennent toute leur importance tant vis-à-vis la faune aquatique, semi-aquatique, avienne et terrestre.
Les ressources fauniques y sont abondantes et très variées.
c) La zone à forte densité forestière
Tout le reste du bassin versant vers l'amont et plus particulièrement les petites vallées qui sont encore densément boisées.
Ces vallées sont en général étroites et les montagnes très abruptes.
Les dépôts de surface sont de faible épaisseur en montagne et de nature très meuble (sable, gravier, galets) près des cours d'eau.
Nous sommes dans la zone la plus nordique, la plus fragile et où l'équilibre des divers facteurs écologiques est d'une précarité extrême devant les moindres interventions de l'homme.
La productivité et la stabilité relative des habitats aquatiques et ripariens y sont de première importance.
On projette la construction d'un chemin le long de la rivière du Gouffre dans sa partie la plus fragile, c'est-à-dire entre le lac Nice (bassin de la rivière du Gouffre) et le lac Boivin (bassin de la Malbaie).
Ce chemin en sera un d'envergure considérable à circulation lourde, intense et rapide.
Le terrain et la topographie se présentent à plusieurs endroits de façon telle que pour la construction d'un chemin par exemple, on ne pourra même pas respecter la limite des trois chaînes prescrites dans la loi pour la protection des rivières à saumon sur les terres de la couronne.
De plus, dans ce cas-ci, on ne peut même pas considérer cette protection comme étant un strict minimum requis, compte tenu de l'extréme sensibilité des habitats aquatiques et ripariens.
Il n'y a aucun doute que tous les affluents de cette zone ne pourront être approchés qu'avec la plus grande précaution parce que tout ce que l'on peut retrouver près ou en bordure (arbustes, arbres, arbres tombés, roches, etc.) de ces ruisseaux. ont une: importance capitale sur le maintien de leur morphologie, leur équilibre et leur productivité biolo- gique (Sedeil et aï., 1977).
Les cours d'eau de premier et second ordre se doivent d'être laissés le plus intacts possibles à cause de la nature particulière et de la
fragilité des chaînes alimentaires que l'on y retrouve (Cumins, 1974 et 1977) ainsi que de l'importance que peuvent avoir ces cours d'eau comme lieu
d'abri des jeunes poissons lors des crues (Sheridan et al., 1976).
Ce que l'on vient de mentionner ne s'applique pas seulement dans le cas de la construction d'un chemin mais également pour l'ensemble des coupes de bois qui seront effectuées en même temps dans cette partie du bassin versant. Autrement dit les coupes de bois proprement dites devront être soumises à des prescriptions très particulières.
Si l'on veut éviter le lessivage considérable appréhendé des dépôts de surface vers la rivière du Gouffre et ses affluents on verra alors augmenter considérablement la turbidité de l'eau, le colmatage des frayères, le colmatage des espaces (abris) entre le gravier et les roches entre autres. Comme conséquences il y aura entre autres diminution et changement de la qualité de nourriture (benthos), la diminution des possibilités et du succès de la reproduction naturelle (Paquet et al., 1975).
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Ces mêmes phénomènes se répercuteront jsuqu'à la zone agricole selon l'ampleur des crues.
Les principaux chercheurs des 10 dernières années considèrent et admettent la grande richesse faunique des milieux ripariens et l'indis- pensabilité d'y maintenir une qualité écologique de premier ordre pour conserver cette richesse et l'utilisation considérable qui en est faite par la faune en général (Anonyme, U.S.D.A, 1977; Anonyme, U.S.D.A., 1979; Riparian Habitat Subcommittee of the Oregon/Washington Interagency Wildlife Committee, 1979; Thomas et al., 197 ; Kelley et al., 1975).
On attache pas moins d:importance à l'influence directe et indirecte que peut avoir la qualité de ces habitats sur le milieu aquatique (Meehan et al., 1977).
Comme exemple d'influence indirecte extrêmement importante
mentionnons que les insectes vivant dans la végétation des zones riveraines peuvent constituer une part très considérable du régime alimentaire des poissons.
Pour les cours d'eau de 15 mètres et moins de largeur, la végé- tation riveraine et la topographie du terrain ont un rôle ou une influence extrêmement importante sur le maintien de la température de l'eau à un niveau viable pour les salmonidés (Riparian Habitat Subcommittee of the Oregon/Washington Interagency Wildlife Committee, 1979).
La construction d'un chemin tel, que projeté causera énormément de bruit, des vibrations, soulèvera des quantités considérables de poussière, changera la qualité de l'air, entraînera de l'érosion sur le chemin et dans les fossés et un transport considérable de sédiments lors des pluies et des crues.
Ces facteurs entraîneront alors un appauvrissement pour ne pas dire une destruction biotique, partielle ou totale et irréversible des
milieux ripariens et des milieux aquatiques. En fait, toute la productivité et le comportement de l'ensemble de la faune qui dépend hautement de la
qualité des milieux ripariens sera affecté de façon drastique par les facteurs cités précédemment. Donc, plus les zones de rrotection près des cours d'eau ou de tout autre point sensible seront étroites ou de peu d'envergure, plus les phénomènes d'appauvrissement biotique seront apparents, rapides et drastiques.
Conclusion
La rivière du Gouffre particulièrement dans sa zone la plus nordique (en amont du lac Nice) renferme .ou présente les facteurs de qualité et
de sensibilité sur lesquels dépendent le maintien de l'ensemble de la
"qualité faunique" du bassin versant.
Les salmonidés sont parmi les ressources fauniques les plus suscep- tibles ou les plus sensibles de cet ensemble. Leur survie est directement reliée à la nature et l'ampleur des interventions ou des manipulations que l'homme accomplira dans ce territoire.
Même en se surpassant dans l'art de la mitigation extensive, intensive et même méticuleuse, les ressources halieutiques du bassin
hydrographique de la rivière du Gouffre seront considérablement affectées.
Il est donc bien clair dans notre esprit qu'un tracé de route dans la zone nord de la vallée du Gouffre, amènera des conséquences désastreuses sur la faune et ses habitats.
Noussuggéronsdonc d'étudier d'autres possibilités ou alternatives de tracé de route. Toutefois, s'il existait par hasard d'autres propo- sitions de tracé déjà connues ou envisagées, il serait souhaitable que nous puissions en prendre connaissance.
Références
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Department of Agriculture Fort Collins, Colorado, 80521, 217 pages.
ANONYME. 1979. The Mitigation Symposium: A National Workshop on Mitigating Losses of Fish and Wildlife habitats. July 16-20, 1979 Colorado
State University Fort Collins, Colorado General Technical Report RM-65, Rocky Mountain and Range Experiment Station Forest Service, U.S. Department of Agriculture, Fort Collins, Colorado. 684 pages.
CUMMINS, K. W. 1974. Structure and Function of Stream Ecocystems.
Bioscience, Vol. 24, No. 11. November 1974. Pages 631-641.
KELLEY, W., R. HUBBELL, S., S. LOE and L. SHIKANY. 1975. Management of Riparian Habitats, Coordination Guidelines for Wildlife Habitats Number 9, U.S.D.A., Forest Service-California Region. 9 pages.
MEEHAN, W. R., F. J. SWANSON and J. R. SEDELL. 1977. Influences of Riparian Vegetation on Aquatic Ecosystems with Particular Reference to Salmonid Fishes and Their Food Supply. In Importance,
Prescrivation and Management of Riparian Habitat: A Symposium, U.S.D.A. Forest Service, General Technical Report RM-43. pages 137- 145.
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20 pages, 1 tableau, 6 appendices.
RIPARIAN HABITAT SUBCOMMITTEE OF THE OREGON/WASHINGTON INTERAGENCY WILDLIFE COMMITTEE. 1979. Interagency Wildlife Committee, 1979. Managing Riparian Ecosystem (Zones) for Fish and Wildlife in Eastern Oregon and Eastern Washington, March 1979. 44 pages.
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SEDELL, J. R., and F. J. TRISKA. 1977. Biological conséquences of large organic debris in Northwest Streams. Logging debris in Stream Workshop, Oregon State Univ. Corvallis, March 21-22, 1977. 10 pages.
SHERIDAN, W. L., M. E. NUSS, G . T. COCHLAN, A. TAYLOR, R. H. ARMSTRONG, R. D. REED and A. W. PEKOVICH. 1976. Logging and Fish Habitat.
U.S.D.A. Forest Service, Alaska Department of Fish and Game Alaska Department of Natural Resources Pamphlet de 21 pages.
THOMAS, T. W, C. MASER and J. E. RODIEK. 197?. Wildlife habitats In
Managed Rangelands. The Great Basin of Southeastern Oregon. Riparian Zones. Pacifie Northwest Forest and Range Experiment Station, Forest Service U.S. Department of Agriculture. General Technical Report PNW-80, 18 pages.
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Gilles Paquet
