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La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

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Texte intégral

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Texte de la décision

CIV. 1 MY1

COUR DE CASSATION ______________________

Audience publique du 20 avril 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 345 F-D

Pourvoi n° Q 20-14.215

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

La société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, Société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-14.215 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [L],

2°/ à Mme [G] [P], épouse [L], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [L], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller

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référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 09 janvier 2020), suivant offres acceptées les 8 novembre 2009, 3 septembre 2010 et 20 décembre 2010, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre (la banque) a consenti à M.

et Mme [L] (les emprunteurs) trois prêts immobiliers ayant pour objet de financer l'acquisition d'un bien destiné à la location.

2. Soutenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde, les emprunteurs l'ont assignée en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux emprunteurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, alors :

« 1°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie en tenant compte des résultats escomptés de l'opération projetée ; qu'après avoir relevé qu'il convenait de tenir compte des revenus escomptés générés par l'opération immobilière financée par les prêts, la cour d'appel a néanmoins considéré qu'il ressortait des trois contrats de crédit qu'à partir du 1er janvier 2011, les emprunteurs devaient s'acquitter de mensualités d'un montant de 3 337 euros et ce alors que leurs revenus ne s'élevaient qu'à 2 283 euros par mois et qu'ainsi dès le début de l'opération, ils étaient dans l'incapacité d'honorer leurs

engagements ; qu'en refusant ainsi de prendre en compte des revenus locatifs escomptés pour apprécier le risque d'endettement des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres

constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie en tenant compte des résultats escomptés de l'opération projetée ; que le banquier prêteur est en droit de se fier aux informations communiquées par l'emprunteur sauf anomalies apparentes et grossières ; qu'en affirmant, par des motifs adoptés, pour écarter les revenus escomptés de l'opération pour le calcul des ratios d'endettement et du reste à vivre et retenir la responsabilité contractuelle de la banque, que celle-ci ne produisait aux débats aucun élément d'appréciation de la situation des emprunteurs au jour de l'octroi des crédits litigieux, hormis les demandes de prêt et qu'il était manifeste que les revenus escomptés de l'opération financée (3 750 euros par mois) présentaient une anomalie manifeste au regard du démarrage de l'activité, de l'incertitude affectant nécessairement une activité débutante et des revenus fonciers antérieurement perçus par les

emprunteurs sans s'expliquer sur le mail du 8 octobre 2009 adressé par la banque à la compagnie européenne de garantie et de cautions qui faisait état d'une estimation faite par le comptable des gîtes de France, sur la base de la moyenne départementale pour 150 jours de location par an pour 5 chambres, de revenus locatifs escomptés pour l'emprunteur de 3 700 euros par mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147

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du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie au jour du crédit consenti ; que les prêts litigieux ont été conclus le 27 octobre 2009, le 21 août 2010 et le 8 décembre 2010 ; qu'en appréciant la situation des emprunteurs à compter du 1er janvier 2011, soit

postérieurement à la conclusion des prêts litigieux, pour dire que dès le début de l'opération ils étaient dans l'incapacité d'honorer leurs engagements et retenir leur risque d'endettement et la responsabilité de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir estimé que les revenus escomptés de l'opération financée présentaient une anomalie manifeste et ne pouvaient dès lors être pris en considération pour apprécier la capacité financière des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a constaté qu'il existait un risque d'endettement excessif au jour de la

souscription de chacun des prêts litigieux.

6. Abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, elle a ainsi légalement sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse

d'épargne et de prévoyance Loire-Centre et la condamne à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 3 000 euros

;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir été prononcée sans indiquer le nom des magistrats qui en ont délibéré ;

alors que tout jugement doit, à peine de nullité, contenir l'indication du nom des juges qui en ont délibéré ; que ce vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; qu'en omettant d'indiquer le nom des juges qui en ont délibéré, la cour d'appel a entaché sa décision de la nullité prévue aux articles 454 et 458 du code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir condamné la Caisse d'Epargne à payer aux époux [L] la somme de 105 652,14 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice résultant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;

aux motifs propres que « Attendu qu'il est constant que trois prêts ont été consentis aux époux [L] par la Caisse d'épargne :

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- le premier portant le n° 759 89 75 d'un montant en capital de 150 000 € consenti le 27 octobre 2009, - le deuxième portant le n° 777 44 33 d'un montant en capital de 59 895 € consenti le 21 août 2010,

- le troisième portant le n° 784 37 41 d'un montant en capital de 65 874,35 € consenti le 8 décembre 2010 ; Attendu que la demande d'une banque en paiement de sommes restant dues au titre d'un prêt ne peut être accueillie sans rechercher si, conformément au devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur d'un averti, la banque a vérifié si l'engagement de l'emprunteur était adapté à ses capacités financières ou s'il n'existait pas un risque d'endettement né de l'octroi du prêt Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que lors de la conclusion des prêts, les époux [L] étaient tous deux retraités du secteur de l'agriculture, qu'il s'ensuit qu'ils n'avaient pas la qualité d'emprunteurs avertis ;

Attendu que s'il pouvait être tenu compte des revenus escomptés et devant être générés par l'opération immobilière financée par les prêts, il convenait également de prendre en considération les risques inhérents à l'opération, notamment le retard dans les travaux et les loyers impayés ;

Attendu qu'il ressort des fiches intitulées "demandes de crédit habitat" et versées aux débats par la Caisse d'épargne que celles-ci mentionnent pour les époux [L] un revenu mensuel de 7 250 €, ce montant incluant les revenus fonciers de 3 750 € par mois ;

Attendu cependant que ces chiffres sont en contradiction avec les montants figurants sur les avis d'imposition des époux [L], que ces avis mentionnent en effet :

- qu'en 2009, la moyenne mensuelle des revenus des intimés était de 3 296 €, - qu'en 2010, cette moyenne était de 2 014 €,

- qu'en 2011, cette moyenne était de 2 183 € ;

Attendu que la Caisse d'épargne ne rapporte pas la preuve qu'elle ait demandé aux époux [L] leurs avis d'imposition, qu'en outre il n'est pas établi que des études de faisabilité concernant l'opération immobilière envisagée ait été réclamée aux emprunteurs, qu'en effet, eu égard au montant des sommes empruntées , il était nécessaire pour la banque de disposer d'éléments d'information relatifs à la viabilité du projet ;

Attendu qu'il ressort des trois contrats de crédit qu'à partir du 1 janvier 2011, les époux [L] devaient s'acquitter de mensualités d'un montant de 3 337 € et ce alors que leurs revenus ne s'élevaient qu'à 2 283 € par mois ;

Attendu qu'il s'ensuit que dès le début de l'opération, les époux [L] étaient dans l'incapacité d'honorer leurs engagements ;

Attendu par ailleurs que les époux [L] indiquent, sans être contredits, qu'ils n'ont pu honorer le paiement des mensualités qu'en réalisant des biens immeubles leur appartenant ;

Attendu enfin que la Caisse d'Epargne ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle a mis en garde les emprunteurs sur le risque de l'endettement résultant de l'octroi des différents prêts, qu'elle a donc engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre des intimés, que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Attendu que le préjudice résultant du défaut de mise en garde par la banque consiste en une perte de chance de ne pas contracter ;

Attendu qu'en l'espèce la perte de chance doit être mesurée au montant des frais et intérêts engendrés par les trois contrats de prêt, que la Caisse d'épargne n'est donc pas fondée à soutenir que la somme réclamée par les intimés en premier ressort correspondait à une perte de chance à 100 % de ne pas contracter ;

Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande des époux [L]

et ce pour une somme totale de 105 652,14 €, ladite somme représentant le coût total des trois crédits » ;

et aux motifs adoptés que « Attendu qu'il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause compte tenu de la date de conclusion des contrats de prêt litigieux, que la banque est tenue, envers l'emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt, au regard des capacités financières de l'emprunteur (voir par exemple en ce sens : cass. 1ère civ,, 29 mars 2017, n° 15-27.231);

Attendu que les parties sont tout d'abord contraires sur la qualité d'emprunteur non averti de Monsieur et Madame [L] ; qu'il convient donc d'examiner, in concreto, si les emprunteurs disposaient personnellement des connaissances suffisantes pour apprécier les risques nés de leur engagement ;

Que la seule circonstance que l'emprunteur soit un emprunteur professionnel ne suffit pas à exclure la qualité de non averti et, en conséquence, l'existence d'une obligation de mise en garde du banquier à son égard (voir par exemple en ce sens : cass. ch. mixte, 29 juin 2007 n° 05-21.104) ; que la présence au côté de l'emprunteur d'une

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personne avertie, peu important qu'elle soit tiers ou partie, n'est pas de nature à dispenser le banquier

dispensateur de crédit de son devoir de mise en garde (voir en ce sens : cass. 1ère civ., 30 avril 2009, n° 07-18.334) ; Attendu en l'espèce que la banque indique, sans en justifier mais de manière non contestée, que les emprunteurs auraient été, avant de prendre leur retraite, dirigeants de l'EARL dans le cadre de laquelle ils exerçaient leur activité agricole ;

Qu'il ne saurait toutefois être tiré du seul exercice de l'activité agricole dans le cadre d'une EARL que les

emprunteurs disposaient l'un ou l'autre de connaissances spécifiques sur les mécanismes du crédit et techniques financières ; qu'aucun élément n'est rapporté par la banque permettant de caractériser des capacités de l'un ou l'autre des emprunteurs pour apprécier les conséquences économiques de l'opération financière envisagée ; Que par ailleurs, le banque n'explique pas en quoi le seul fait d'avoir souscrit un, puis deux crédit immobiliers, conférait aux époux [L] de connaissance particulière sur les mécanismes de crédit ;

Qu'ainsi que le soutiennent utilement les demandeurs, qui étaient retraités lors de l'octroi des crédits litigieux, qui n'avaient manifestement aucune expérience de la gestion de l'activité de chambre d'hôtes qu'ils débutaient, et dont aucun élément de la procédure n'est en faveur d'une formation ou d'une expérience professionnelle qui leur auraient permis d'acquérir les connaissances suffisantes à l'appréciation des risques nés de leurs engagements, ils avaient, lors de l'octroi de chacun des crédits, la qualité d'emprunteurs profanes ;

Attendu ensuite que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur

l'opportunité ou les risques de l'opération financée (voir par exemple en ce sens : cass. com., 1er mars 2016, n° 14- 22.582) ;

Attendu en l'espèce que la discussion entre les parties porte principalement sur les capacités financières des époux [L] lors de l'octroi des crédits litigieux ;

Attendu qu'il appartient à l'emprunteur qui se prévaut d'un crédit excessif pour pouvoir bénéficier du devoir de mise en garde de produire des documents de nature à établir la réalité de sa situation économique à la date de la souscription du crédit (voir par exemple en ce sens : Cass. 1re civ., 14 janv. 2010, n° 08-18.033) ;

Attendu par ailleurs que, sauf anomalie apparente, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par l'emprunteur (voir par exemple en ce sens : cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-13.128) ;

Attendu en l'espèce que les époux [L] produisent aux débats leurs avis d'imposition sur les revenus 2009 et 2010 ; qu'il en résulte qu'ils ont perçu :

- en 2009 :

revenus salariaux et assimilés de Madame [L] : 12.300 € - pensions de retraite de Monsieur [L] : 11.546 €.

- revenus fonciers nets : 15.710 €

- moyenne mensuelle net imposable des revenus de toute nature du couple : 3.296 €, -en 2010:

- pensions de retraite de Monsieur [L] : 12.148 € - revenus fonciers nets : 12.023 €

- moyenne mensuelle net imposable des revenus de toute nature du couple : 2.014 € ;

Que les demandes de crédit établies par la banque et signées par Monsieur et Madame [L] respectivement les 15 septembre 2009, 21 août 2010 et 16 novembre 2010 sont produites aux débats par la Caisse d'Epargne ; que la première fait état de revenus ou salaires de 3.500 €, outre des revenus fonciers attendus de 3750 €, avec cette précision que les revenus fiscaux justifiés sont de 2637 euros ; que les deux documents suivants font état de revenus du travail pour chacun des emprunteurs de 1.750 € (soit 3.500 € au total) et de revenus fonciers de 1.875

€ chacun (soit 3.750 € au total) ;

Qu'il n'est fait état d'aucune charge autre que celle des emprunts litigieux, ni d'aucun patrimoine de valeur, hormis des liquidités pour un montant limité ;

Attendu que la discussion entre les parties porte essentiellement sur la prise en compte ou non des revenus attendus de l'opération financée dans le cadre de l'appréciation des capacités financières des emprunteurs ; Attendu qu'en principe, la situation doit être appréciée à la date de l'octroi du prêt au regard des capacités de remboursement des emprunteurs, compte tenu de leurs ressources de l'époque et des revenus produits par les locations escomptées du bien acquis au moyen de ce prêt ; qu'ainsi en principe, il convient de tenir compte des

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revenus escomptés de l'opération financée ;

Que, pour autant, le devoir de mise en garde auquel l'établissement de crédit est tenu envers l'emprunteur non averti lui fait obligation de se renseigner sur ses capacités financières, de consentir un prêt adapté à ses facultés de remboursement et de l'alerter sur les risques d'un endettement excessif né de l'octroi de ce prêt ; qu'il s'en déduit que le banquier doit déterminer si le prêt demandé comporte pour son client un risque, en particulier de surendettement, et avertir l'emprunteur sur les risques d'endettement liés au crédit ; qu'il doit, préalablement à l'octroi des crédits, vérifier sérieusement la situation financière de son client et examiner la viabilité du projet qu'il entend financer ;

Qu'ainsi, la banque doit s'être mise en mesure d'apprécier l'adaptation du crédit aux capacités financières après, s'agissant d'un prêt sollicité avant toute activité de l'emprunteur, pour en permettre le démarrage, que lui fussent présentés des éléments comptables prévisionnels (voir par exemple en ce sens : cass. com., 11 avril 2012, n° 10- 25.904) ;

Qu'ainsi, l'établissement de crédit doit, avant d'apporter son concours à l'emprunteur, vérifier les capacités

financières de ceux-ci, emprunteurs profanes, en vertu du devoir de mise en garde auquel il était tenu à leur égard (voir par exemple en ce sens : cass. lere civ., 2 novembre 2005, n° 03-17.443) ;

Qu' en l'espèce, la banque ne produit aux débats aucun élément d'appréciation de la situation des emprunteurs au jour de l'octroi des crédits litigieux, hormis les demandes de prêt précitées ; que les revenus dont font état ces demandes (3.500 €) ne constituent pas des anomalies apparentes, compte tenu de leur correspondance avec les revenus des emprunteurs au cours de l'année 2009 (3.296 €), il est manifeste que les revenus escomptés de l'opération financée (3.750 € par mois) présentent une anomalie manifeste au regard du démarrage de l'activité, de l'incertitude affectant nécessairement une activité débutante et des revenus fonciers antérieurement perçu par les époux [L] (entre 12.023 € et 15.710 € par an, soit mensuellement entre 1.000 € et 1.300 €) ;

Qu'il appartenait donc à la banque de vérifier, au moyen de toute étude projective fournie par les emprunteurs, la viabilité du projet qu'ils lui demandaient de financer ; que la banque reste parfaitement taisante sur ce point et ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer qu'elle a vérifié la cohérence économique du projet financé au moyen des prêts litigieux ; que c'est donc à tort qu'elle a tenu compte des revenus escomptés de l'opération et qu'il convient d'écarter ceux-ci pour le calcul des ratios d'endettement et du reste à vivre ;

Que, pour ce calcul, il convient de se reporter aux échéances initialement prévues par les contrats de prêt, et non aux échéances dues après réaménagements conventionnels des prêts, puisque l'appréciation du risque

d'endettement doit être réalisée à la date d'octroi des crédits ; Qu'ainsi, les calculs de ratios sont les suivants :

- prêt n° 7598975 du 8 novembre 2009 : 1.545,88 x 100 / 3.500 = 44,17 % ; reste à vivre : 1.954,12 €;

-prêt n° 7774433 du 3 septembre 2010 : (1.545,88 + 837,54) x 100 / 3.500 = 68,10 % ; reste à vivre : 1.116,58 € ; - prêt n° 7843741 du 20 décembre 2010 : (1.545,88 + 837,54 + 977,94) x 100 / 3.500 = 96,04 % ; reste à vivre : 138,64 € ;

Attendu qu'au regard du taux d'endettement des époux [L] pour chacun des prêts litigieux et du montant des sommes disponibles pour assumer les charges de la vie courante après règlement des échéances des prêts litigieux, le tribunal estime qu'il apparaissait un risque manifeste d'endettement des emprunteurs au jour de l'octroi de chacun des crédits ;

Que la banque ne peut légitimement se prévaloir du paiement régulier des échéances des prêts pour tenter de démontrer l'absence de risque d'endettement excessif dès lors qu'il résulte des plans de remboursement qu'elle verse aux débats que les époux [L] n'ont pas été en mesure de payer la mensualité contractuelle :

- du prêt n° 7598975 après différé d'amortissement (1.523,59 €) dès le 5 octobre 2012, soit après 8 échéances, - du prêt n° 7774433 après différé d'amortissement (835,67 €) dès le 5 mars 2013, soit après 5 échéances, - du prêt n° 7843741 après différé d'amortissement (985,50 €) dès le 5 mars 2013, soit après 2 échéances ;

Que cette incapacité manifeste des emprunteurs à faire face aux échéances contractuelles, qui s'est manifesté très rapidement après la fin du différé d'amortissement et qui a conduit les parties à adopter un réaménagement conventionnel de chacun des prêts, est au contraire de nature à démontrer l'inadaptation du crédit aux facultés contributives des emprunteurs, de nature à justifier que la banque remplisse à leur égard son devoir de mise en garde ;

Attendu que, dès lors que la vérification des capacités financières de l'emprunteur laisse apparaître des risques résultant de l'endettement, le banquier doit alerter l'emprunteur sur ces risques (Cass. Ire civ., 12 juill. 2006, n° 05-

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12.699) ;

Qu'en l'espèce, la Caisse d'Epargne ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle a mis en garde les emprunteurs sur le risque de l'endettement résultant de l'octroi des différents prêts ; qu'elle engage donc sa responsabilité contractuelle à l'encontre des demandeurs ;

Attendu que le préjudice résultant du défaut de mise en garde par la banque consiste en une perte de chance de ne pas contracter ; qu'en effet, il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;

Attendu toutefois en l'espèce que la banque ne saurait être suivie lorsqu'elle indique que la somme réclamée par les emprunteurs correspondrait à une perte de chance à 100 % de ne pas contracter, puisque la somme réclamée par Monsieur et Madame [L] ne correspond pas à l'intégralité de leurs obligations envers la banque en raison de la souscription des crédit litigieux, soit le capital emprunté augmenté des frais et intérêts, mais simplement au montant de ces frais et intérêts ;

Attendu qu'au regard de l'ampleur du taux d'endettement des défendeurs résultant des calculs ci-avant exposés, et de l'incertitude afférente au succès d'une activité débutante qu'il convenait de dissiper au moyen d'études sérieuses de faisabilité, le tribunal considère que les demandeurs avaient une chance importante de ne pas souscrire les prêts litigieux s'ils avaient été mis en garde par la banque des risques encourus ; que l'appréciation de cette perte de chance à hauteur des intérêts et frais contractuellement prévu et sollicitée par les demandeurs apparaît à la mesure de la chance perdue ; que l'étude des documents contractuel initiaux produits par la banque démontre que le coût total des trois crédits s'élève à la somme de 134.975,28 € (97.525,26 + 22.494,26 +14.955,76)

; que Monsieur et Madame [L] limitent leur demande au coût des crédits sur la période restant à courir après réaménagement conventionnel à partir respectivement des 17 septembre 2012, 11 février 2013 et 18 février 2013

; qu'il convient donc de faire droit en intégralité à leur demande, à hauteur de 105.652,14 €;

Attendu que la Caisse d'Epargne ne revendiquant aucune créance à l'égard des demandeurs dans le cadre de la présente instance, il n'y a pas lieu de prévoir la compensation des dettes réciproques des parties, étant en tout état de cause rappelé qu'en application de l'article 1290 du Code civil, la compensation de dettes réciproques s'opère de plein droit » ;

alors 1°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie en tenant compte des résultats escomptés de l'opération projetée ; qu'après avoir relevé qu'il convenait de tenir compte des revenus escomptés générés par l'opération immobilière financée par les prêts, la cour d'appel a néanmoins considéré qu'il ressortait des trois contrats de crédit qu'à partir du 1er janvier 2011, les époux [L]

devaient s'acquitter de mensualités d'un montant de 3 337 € et ce alors que leurs revenus ne s'élevaient qu'à 2 283 € par mois et qu'ainsi dès le début de l'opération, les époux [L] étaient dans l'incapacité d'honorer leurs engagements ; qu'en refusant ainsi de prendre en compte des revenus locatifs escomptés pour apprécier le risque d'endettement des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres

constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

alors 2°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie en tenant compte des résultats escomptés de l'opération projetée ; que le banquier prêteur est en droit de se fier aux informations communiquées par l'emprunteur sauf anomalies apparentes et grossières ; qu'en affirmant, par des motifs adoptés, pour écarter les revenus escomptés de l'opération pour le calcul des ratios d'endettement et du reste à vivre et retenir la responsabilité contractuelle de la banque, que celle-ci ne produisait aux débats aucun élément d'appréciation de la situation des emprunteurs au jour de l'octroi des crédits litigieux, hormis les demandes de prêt et qu'il était manifeste que les revenus escomptés de l'opération financée (3.750 € par mois) présentaient une anomalie manifeste au regard du démarrage de l'activité, de l'incertitude affectant nécessairement une activité débutante et des revenus fonciers antérieurement perçus par les époux [L] sans s'expliquer sur le mail du 8 octobre 2009 adressé par la banque à la compagnie européenne de garantis et de cautions qui faisait état d'une estimation faite par le comptable des gites de France, sur la base de la moyenne

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départementale pour 150 jours de location par an pour 5 chambres, de revenus locatifs escomptés pour Mme [L]

de 3700 euros par mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

alors 3°/ que le banquier prêteur n'est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur que si l'opération financée expose ce dernier à un risque particulier d'endettement ; que l'existence d'un tel risque s'apprécie au jour du crédit consenti ; que les prêts litigieux ont été conclus le 27 octobre 2009, le 21 août 2010 et le 8 décembre 2010 ; qu'en appréciant la situation des époux [L] à compter du 1er janvier 2011, soit

postérieurement à la conclusion des prêts litigieux, pour dire que dès le début de l'opération ils étaient dans l'incapacité d'honorer leurs engagements et retenir leur risque d'endettement et la responsabilité de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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