Rapport de stage
Organisateur communautaire au Service d’aide communautaire (SAC) Anjou
Travail remis à
Mélanie Doyon – Professeure au département de géographie de l’UQÀM
Rédigé par Jonathan Fleury
Dans le cadre du cours
GÉO 7944 – Stage en milieu professionnel et rapport de stage
Du diplôme d’études supérieures spécialisées en planification territoriale et développement local
Université du Québec à Montréal Janvier 2018
IDENTIFICATION DU STAGE
Titre: Organisateur communautaire – Responsable de l’entraide alimentaire
Nom de l’organisme d’accueil : Service d’aide communautaire (SAC) Anjou– La Maison de la famille
Date du stage : 9 novembre 2015 au 16 avril 2016
Nom de la professeure‐tutrice : Mélanie Doyon
Nom du superviseur de stage : Jean‐Christophe Filosa, coordonnateur des services aux familles
Nom de l’étudiante stagiaire : Jonathan Fleury
REMERCIEMENTS
Je tiens d’abord à remercier ma directrice de stage, Mélanie Doyon, de par sa patience, sa compréhension et tout son bagage de vie beauceron. Ses judicieux conseils, son écoute et sa grande disponibilité tout au long de ce DESS en planification territoriale et développement local m’ont permis de cheminer en tant qu’être humain.
Jean‐Christophe Filosa, mon superviseur de stage, mérite une petite montagne de remerciements. Durant ce stage, qui s’est prolongé en travail, il a fait preuve d’une grande flexibilité, d’un désir de transmettre ses connaissances et d’une grande confiance à mon égard. Son empathie et sa capacité à avoir du recul ont été des qualités qui m’ont permis de progresser énormément dans le cadre de mon travail. Tous ces atouts me démontrent qu’il est possible d’occuper un poste de coordination de façon autant humaine que professionnelle.
J’en profite pour saluer tout le soutien offert par le personnel de la Maison de la famille. Il y a de ces personnes généreuses et dévouées, comme Fatima Badyine et Ghizlane El Mastalqi qui rendent depuis un bout de temps des services incroyables au SAC Anjou. Ces dames réussissent à rendre ce milieu de vie chaleureux et agréable. Je me permets d’embrasser affectueusement Marjolaine Lagacé et Tracy Samantha Petit, qui ont été une bouffée d’air frais, d’enthousiasme, de rigolades et de soutien durant ce stage. Manon Grenier, Sihem Ketir et Cynthia Morgan ont aussi été des collègues de travail généreuses de leur temps, me permettant de m’intégrer adéquatement à cet écosystème fort en émotion.
Finalement, un gros merci à ma famille (le toit et la bouffe du paternel surtout), à mes amis (vous vous reconnaissez) et la sublime Catherine (le coup de pouce à la fin, tié) d’avoir partagé ces moments de joie, de tristesse, de plein air, de justice sociale, de connerie, de rêves, de doutes, de volonté de changement, d’implication citoyenne, de soirées alcoolisées, sans oublier, ces instants d’amitié.
À quand la maîtrise…?
LISTE DES ACRONYMES ET DES SIGLES
AE Avenir d’Enfants
BAC Banques Alimentaires Canada
BAQ Les Banques Alimentaires du Québec
CHORRA Centre humanitaire d'organisation de ressources et de référence d'Anjou DESS Diplôme d’études supérieurs spécialisées
MDF Maison de la famille OSA Opération Sécurité Anjou
PTDL Planification territoriale et développement local QEF Québec en Forme
ROCHA Regroupement des organismes et des citoyens et citoyennes humanitaires d'Anjou
SAC Service d’aide communautaire
TABLE DES MATIÈRES
Contenu
LISTE DES ACRONYMES ET DES SIGLES ... 4
RÉSUMÉ ... 7
MISE EN CONTEXTE ... 8
Définitions et état des lieux ... 8
Historique du concept de sécurité alimentaire ... 8
La sécurité alimentaire en terre canadienne ... 10
Environnement de stage ... 14
Portrait de la population environnante ... 14
Description des lieux de stage ... 16
Les pouvoirs en place et les organismes ... 18
L’avenir et les projets locaux ... 19
Historique de l’organisme d’accueil ... 21
Structure hiérarchique ... 22
Place du développement local au SAC Anjou ... 24
Relations externes et collaborations de l’organisme en lien avec la sécurité alimentaire ... 25
Contexte d’embauche ... 26
RAPPORT TECHNIQUE ... 27
Problématique générale ... 27
Objectifs d’apprentissage professionnels ... 27
Positionnement du stage par rapport au programme ... 29
Échéancier convenu ... 30
Mandats et tâches du stage ... 30
Les résultats ... 35
Le développement futur ... 38
Réflexion personnelle sur le stage ... 43
Conclusion ... 46
BIBLIOGRAPHIE ... 48
ANNEXE 1 ... 51
ANNEXE 2 ... 52
ANNEXE 3 ... 53
ANNEXE 4 ... 54
ANNEXE 5 ... 55
ANNEXE 6 ... 56
RÉSUMÉ
À la fin du parcours théorique du DESS en PTDL, les étudiants doivent réaliser un stage pour conclure leur cursus académique. Cette forme d’apprentissage sur le terrain permet ainsi d’ « appliquer les connaissances acquises dans le cadre du programme de formation à des projets concrets [de transférer] ses aptitudes afin de solutionner des problématiques diversifiées [tout en acquérant] une expérience de travail de grande valeur dans des milieux professionnels stimulants » (UQÀM, 2017, s.p.). Le rapport de stage se veut subséquemment un portrait reflétant la réalité de cette expérience de travail. En tant qu’organisateur communautaire, et plus précisément responsable des dossiers touchant la sécurité alimentaire, il fallait principalement porter une attention particulière aux saines habitudes de vie des citoyens angevins, et ce, en consolidant les initiatives du Service d’aide communautaire (SAC) Anjou.
Tout de même, afin d’avoir une meilleure compréhension de ces mois de stage, les prochaines lignes vont établir une mise en contexte du secteur d’intervention. Ainsi, de par un historique de l’organisme, sa structure hiérarchique, de même que par le profil sociodémographique de l’arrondissement où se déroule le tout, il va être possible de se familiariser avec l’environnement de travail. Par la suite, une description détaillée des tâches, des objectifs et des réalisations attendues permettra au lecteur de bien saisir le mandat associé au stage. Puis, les différentes réalisations, les étapes du stage, l’échéancier prévu apporteront des éléments‐clés à ce rapport technique. Pour terminer, il sera question du développement futur des projets entamés, et ce, en effectuant un rappel des objectifs fixés en début de stage, de même que des compétences qui étaient à développer. Une analyse critique et des réflexions plus personnelles vont ponctuer le bilan afin de bien cerner l’apport de cette expérience de travail au cheminement du stagiaire. Également, tout au long du rapport, des rapprochements seront faits avec le programme d’étude, de façon à bien situer le stage dans son cadre académique.
MISE EN CONTEXTE
Dans un monde où 842 millions d’individus souffrent de faim chronique, où les effets des nouvelles technologies agroalimentaires sur la santé de même que l’innocuité des aliments inquiètent et où la dégradation de l’environnement menace la disponibilité même des ressources alimentaires, le besoin de solutions durables à l’insécurité alimentaire tient de l’urgence (Thériault et Otis, 2003, p. 575).
Définitions et état des lieux
Historique du concept de sécurité alimentaire
Étant donné que le stage se déroule en situation d’intervention en sécurité alimentaire, certains rappels sur le sujet paraissent justifiés. D’abord, le droit à l’alimentation est un thème abordé depuis plusieurs décennies déjà. Dès 1948, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 25 mentionne le droit de toute personne « à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien‐être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (AGNU, 1948, p. 76). Cette disposition a été reprise à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, protégeant alors le « droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle‐même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions » (AGNU, 1966, p. 16). Plus loin dans le même article, le « droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim » y est aussi statué (AGNU, 1966, p. 16).
Ces simples phrases ont eu un effet structurant, le tout permettant de rendre légitime le droit à l’alimentation. Plusieurs instruments régionaux ou internationaux, juridiquement contraignants ou non contraignants, ont de ce fait consacré et reconnu le concept.
Puis, peu à peu, alors que le droit à l’alimentation est abordé au départ comme un droit fondamental, la notion se précise afin d’inclure le concept de sécurité alimentaire. La grave crise alimentaire de 1972‐1973 n’est pas étrangère à ce
phénomène. L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) affirme un an plus tard, lors de la Conférence mondiale de l’alimentation de 1974, le besoin de bâtir un « système de sécurité alimentaire mondiale qui assure à tout moment des disponibilités alimentaires adéquates à des prix raisonnables » (Thériault et Otis, 2003, p. 578). Plusieurs recherches sont alors effectuées afin de mieux cerner ce qu’est véritablement la sécurité alimentaire. C’est ainsi que dans les années 1980, l’accès à la nourriture devient « une condition de la sécurité alimentaire au même titre que sa disponibilité » (Duhaime et Godmaire, 2002, p. 15). Subséquemment, la Banque mondiale statue elle aussi, en 1986, qu’ « une alimentation sécurisée passe par un accès pour toute personne et à tout moment à une alimentation suffisante pour mener une vie active et en pleine santé » (Thériault et Otis, 2003, p. 79). Ces transformations mèneront ultimement à la rédaction, lors du Sommet de l’alimentation en 1996, de l’une des définitions du concept les plus couramment citée. Il est alors énoncé que la sécurité alimentaire existe lorsque « tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Sommet mondial de l’alimentation, 1996). Cette même définition a été reprise textuellement pour le Colloque international sur la sécurité alimentaire et la nutrition à l’heure des changements climatiques, qui s’est déroulée en septembre 2017 à Québec, soit plus de 20 ans plus tard.
Ces précisions vont être reflétées dans les écrits de M. Jean Ziegler, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme sur le droit à l’alimentation. Il conclut en 2000 que :
le droit à l’alimentation est le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne (Thériault et Otis, 2003, p. 583).
Cette dernière définition rassemble donc toutes les notions évoquées plus haut.
Elle laisse d’ailleurs paraître les modifications importantes apportées au concept de droit à l’alimentation au cours du siècle dernier. Au‐delà de l’évolution des définitions, tous ces changements et ces discussions ont aussi permis l’élaboration d’objectifs concrets à atteindre et de mesures à prendre afin d’atteindre la sécurité alimentaire. Sur le plan international, la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation reflètent cette volonté. Ces initiatives ont eu des répercussions jusqu’ici, influençant les politiques canadiennes et québécoises.
La sécurité alimentaire en terre canadienne
En ce qui concerne la politique canadienne, les retombées du Sommet mondial sont évidentes. L’énoncé ne pourrait être plus clair :
Le Plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire constitue la réponse du Canada à l'engagement pris par la communauté internationale, lors du Sommet mondial de l'alimentation (SMA), pour réduire de moitié le nombre de personnes sous‐alimentées, en 2015 au plus tard (Gouvernement du Canada, 1998, p. 7).
C’est ainsi que sont présentées, en 1998, les dix plus grandes priorités, telles que cernées par les membres du groupe consultatif mixte mandaté par le gouvernement canadien :
Le droit à la nourriture;
La réduction de la pauvreté;
La promotion d'un accès à une nourriture salubre et nutritive;
L'innocuité des aliments;
Les méthodes traditionnelles d'obtention de la nourriture des autochtones et des collectivités côtières;
La production alimentaire;
L'emphase sur les pratiques écologiques;
Les échanges commerciaux loyaux;
La reconnaissance de la paix comme condition préalable à la sécurité alimentaire;
Un système de surveillance de l'insécurité alimentaire.
À l’intérieur de ce même document, la participation active du gouvernement québécois est explicitement mentionnée. C’est ainsi que dans le but de :
s'attaquer à la pauvreté et aux inégalités sociales, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de concert avec ses bureaux régionaux, prévoit d'appliquer un ensemble de stratégies et de mesures qui contribueront à l'accessibilité à une nourriture suffisante, nutritive, acceptable et d'un prix raisonnable pour toute la population du Québec, en tout moment et dans le respect intégral de la dignité (Gouvernement du Canada, 1998, p. 17).
Un peu plus tard, dans le même esprit, la Loi québécoise visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale relève l’importance de fortifier le filet de sécurité sociale et économique afin de :
favoriser, pour les personnes et les familles en situation de pauvreté, l’accès en toute dignité, à un approvisionnement alimentaire suffisant et nutritif, à un coût raisonnable, de même qu’à une information simple et fiable qui leur permette de faire des choix alimentaires éclairés (Gouvernement du Québec, 2002, p. 8).
À partir de 2002, les directions de santé publique ont alors été mandatées pour soutenir des projets d’actions concertées en matière de sécurité alimentaire (MSSS, 2008, p. 4).
Ce genre de plans, de grandes priorités et de textes de loi laissent croire qu’une plus grande prise en charge gouvernementale assurera aux citoyens, particulièrement aux plus défavorisés, cette sécurité alimentaire. Il faut rappeler cependant que, depuis la crise de l’État‐providence provoquée par les secousses économiques de la fin des années 1970 et du début des années 1980, les gouvernements provinciaux et les décideurs fédéraux ont préféré confier « au secteur communautaire la tâche de prendre la relève dans les services de proximité du domaine du social » (Robitaille, 2015, p. 33).
Plusieurs pays européens ont aussi adopté cette attitude de décentralisation des services de proximité, renvoyés plutôt vers les organismes communautaires. Jean Louis‐
Laville montre à cet égard « qu’en dépit de leur diversité, ces expériences trouvent
surtout leur origine dans l’incapacité du marché […] à résorber seul, des problèmes sociaux devenus structurels » (Laville, 1992, p. 353). C’est de cette façon qu’ici comme ailleurs dans le monde, une multitude d’acteurs du secteur communautaire se mobilisent pour offrir des services d’aide alimentaire qui répondent aux besoins de la population. Au demeurant, ces organismes offrant des services de proximité dénoncent le manque de subventions, autant dans la province qu’ailleurs au pays (Locas, 2014).
Alors qu’en est‐il de la situation de la sécurité alimentaire en terres canadiennes ?
Divers chiffres et statistiques laissent croire que la bataille de la sécurité alimentaire est en effet loin d’être remportée; les acquis en ce sens sont fragiles. En fait, l’insécurité alimentaire est en hausse au Québec et au Canada (BAQ, 2016). Une personne ou une famille est aux prises avec « l’insécurité alimentaire » lorsqu’elle craint de ne pouvoir s’acheter suffisamment de nourriture, quand elle mange de la nourriture moins qu’optimale parce qu’elle ne peut rien s’offrir de mieux ou si elle saute des repas parce qu’elle ne peut s’acheter suffisamment de nourriture (BAC, 2016). Le dernier recensement de Statistiques Canada sur le sujet établit donc qu’entre 2011 et 2012, ce sont 8,3 % des ménages canadiens qui se trouvaient dans une telle situation de fragilité (Dupéré et Gélineau, 2012). Au Québec plus précisément, le Bilan‐Faim, « une étude transversale qui est réalisée annuellement par le réseau des Banques alimentaires du Québec, démontre l’ampleur de l’insécurité alimentaire et dresse un portrait de l’utilisation des comptoirs alimentaires au Québec » (BAQ, 2016, p. 6). À la lecture de cette étude, il est ainsi possible de relever que pour 2016, ce sont 171 800 personnes différentes (dont 59 187 enfants) qui ont été aidées par les organismes affiliés au BAQ. Il s’agit d’une augmentation notable de 34,5 % depuis 2008. De façon mensuelle, 1 798 609 demandes d’aide alimentaire d’urgence ont été réalisées en 2016. Ainsi, entre 2015 et 2016, les repas, paniers de provisions et collations distribués aux personnes en situation de précarité ont augmenté de 5,3 % (BAQ, 2016).
Le besoin de plus en plus marqué de recourir aux services d’aide alimentaire serait la conséquence directe des diverses perturbations économiques dans le monde et le fait des décisions gouvernementales, qui ne fournissent pas de solutions ambitieuses et pérennes aux Canadiennes et aux Canadiens traversant des périodes difficiles (BAC, 2010). Tout de même, la faiblesse des revenus des ménages est la principale raison qui justifie le recours aux banques alimentaires sur le territoire canadien (BAC, 2010). Il faut ajouter à cela que la source de revenu d’un ménage est aussi étroitement liée à l’insécurité alimentaire. En 2014 seulement, l’insécurité alimentaire touchait 60,9 % des ménages bénéficiant des programmes d’aide sociale et de solidarité sociale ainsi que de mesures de soutien pour les personnes handicapées (Tarasuk et al., 2014).
Subséquemment, divers rapports précisent de plus en plus le lien entre l’insécurité alimentaire au pays et les coûts élevés des services de santé. En effet, un individu victime d’une situation de précarité voit grandement augmenter ses risques de devenir un patient « à coût élevé » pour le système de santé (Tarasuk et al., 2015, p. 1). Toutes ces informations permettent d’établir un constat clair : la faiblesse du revenu des individus a des effets négatifs sur le bien‐être financier et social de la collectivité.
Autrement dit, la pauvreté a un coût non seulement pour les personnes directement touchées par le phénomène, mais elle a aussi des conséquences pour nous tous, de par l’augmentation des dépenses de santé publique, de la diminution de la productivité, et d’autres facteurs divers (BAC, 2010).
Le manque de financement des organismes communautaires et l’absence de plan structurant quant à la pauvreté ont ainsi une incidence sur la sécurité alimentaire des Canadiens. En parallèle, il faut aussi souligner les sources qui mentionnent que ce ne sont pas toutes les personnes souffrant d’insécurité alimentaire qui voudront avoir accès à l’aide alimentaire caritative, qui en auront besoin ou qui seront capables d’y avoir accès. (BAC, 2016). Malgré les efforts sur le terrain, les statistiques actuelles permettent d’avancer que ce serait 80 % de la population canadienne aux prises avec cette insécurité alimentaire qui n’utilise pas les services développés à cet effet
(Statistique Canada, 2001; cité par Hamelin, Mercier et Bédard, 2010). Dans ce contexte, il semble encore plus justifié d’adapter les programmes sociaux et les services alimentaires aux réalités des personnes marginalisées (Hamelin, Mercier et Bédard, 2010). Pour ce faire, une meilleure compréhension de l’environnement d’intervention pourrait permettre de mieux se mouler à la réalité terrain et ainsi offrir des services de proximité plus représentatifs des populations visées.
Environnement de stage
Les prochaines lignes serviront à dresser une ébauche de l’environnement de stage dans un contexte de sécurité alimentaire. Ce portrait viendra expliquer différentes dimensions culturelles, politiques, sociales, tout en incluant la disponibilité alimentaire propre au secteur d’intervention. Ces éléments sont d’ailleurs des axes largement discutés lorsqu’il est question de sécurité alimentaire (Touzard et Temple, 2012). La prise en compte de ces informations permettra ensuite au stagiaire de mieux poser la problématique générale du stage et les mandats affiliés, tout en offrant une perspective d’analyse plus approfondie.
Portrait de la population environnante
Majoritairement composée de Québécois francophones « de souche » depuis sa fondation en 1956, la jeune ville d’Anjou de l’époque, fusionnée à Montréal en 2002, voit son visage se modifier tranquillement. La métropole montréalaise a toujours été une terre d’accueil pour les nouveaux arrivants. Plusieurs vagues d’immigration se sont succédé au cours du dernier siècle à Montréal, confirmant le caractère cosmopolite de cette ville de près de deux millions d’habitants. Les divers arrondissements de son territoire ont vu des groupes de population d’outre‐mer adopter chacun des coins. Ainsi, les Irlandais et les Écossais ont majoritairement habité les secteurs du Sud‐Ouest, la communauté chinoise s’est davantage établie dans l’arrondissement de Ville‐Marie, les diasporas pakistanaise et indienne se sont retrouvées dans le coin de Parc‐Extension
(BANQ, 2012). À la fin des années 1970, le secteur d’Anjou, quant à lui, a été témoin de l’arrivée grandissante d’Italiens, de Portugais, puis, après 1980, d’Haïtiens venus s’établir sur son territoire. D’abord, plus habitués de choisir Rosemont, Saint‐Léonard, Saint‐Michel ou Montréal‐Nord comme terre d’accueil, ces groupes ethniques choisissent de plus en plus le quartier angevin pour installer leur famille. Le tournant des années 1990‐2000 fait apparaître une autre vague d’immigration, composée celle‐là encore d’Italiens et d’Haïtiens, mais surtout maintenant d’Algériens (Apparicio, 2009).
Jusque‐là, les habitants de l’arrondissement s’identifiaient en forte dominance à l’Église chrétienne. Toutefois, au tournant du siècle et des suites de l’importante immigration, la communauté de confession musulmane commence à grossir de plus en plus.
De nos jours, le portrait d'Anjou est encore en mouvance. Il y a ainsi un peu moins de 43 000 habitants qui sont répartis dans cet arrondissement de 13,7 km2. Le quartier continue graduellement à se densifier, passant de 2 989,1 habitants au kilomètre carré en 2006 à 3 128,4 habitants au kilomètre carré 10 ans plus tard (Ville de Montréal, 2014). L’immigration y est certainement pour quelque chose. En fait, 27 % des habitants ont déménagé au Canada et dans le secteur depuis moins de 5 ans. De façon plus précise :
[l]’Algérie est le lieu de naissance de 2 345 immigrants qui habitent dans l’arrondissement. Ils comptent pour 20 % de la population immigrante. Haïti est le deuxième pays d’origine le plus fréquent avec 1 770 personnes qui en sont originaires (15 %). Parmi les cinq principaux pays de naissance des immigrants, on retrouve également l’Italie, le Vietnam et le Maroc qui suivent avec respectivement 1 030 (9 %), 595 (5 %) et 575 personnes (5 %) (Ville de Montréal, 2011, p. 21).
Conséquemment, la situation financière des habitants de l’arrondissement a aussi fluctué. En fait, à Anjou, le revenu médian des personnes nées hors Canada est inférieur de près de 7 500 $ à celui des personnes nées au Canada (19 781 $ contre 27 242 $).
Cette disparité de revenus entre Néo‐Canadiens et Canadiens « natifs » est une tendance observée partout au pays. Anjou ne fait donc pas exception. Bref, effet domino oblige, alors que le revenu médian des citoyens angevins a été pendant un
certain temps plus élevé que celui dans l’ensemble de la ville de Montréal, cette statistique ne s’applique plus depuis une quinzaine d’années. Ces données incitent Marie‐Andrée Élie, organisatrice communautaire pour le CHORRA, à déclarer en 2013 qu’ « Anjou n'est plus le Westmount de l'Est » (Cameron, 2013, p. ?). Ces propos font écho aux statistiques compilées en 2006 par la ville de Montréal, celles‐ci révélant que 30 % des résidents d'Anjou vivent sous le seuil de la pauvreté (Ibid). Au‐delà de toutes ces nouvelles transformations, Anjou reste aussi le territoire avec l’âge médian le plus élevé parmi les 19 arrondissements de la ville de Montréal; c’est‐à‐dire 44,7 ans (en comparaison de 38,6 ans pour le reste de la ville). Plus d’un habitant sur cinq est âgé de plus de 65 ans dans le secteur, alors que la proportion s’établit autour de 15% pour le reste de l’île (Ville de Montréal, 2011).
Description des lieux de stage
Jusqu’au début des années 1950, l’ensemble du territoire d’Anjou est à vocation agricole. Les bâtiments sont clairsemés, peu d’infrastructures sont construites. Dès les années 50 et 60, le développement du quartier se calque sur le modèle de banlieue nord‐américaine. La nouvelle municipalité encourage activement les promoteurs à investir et c’est ainsi qu’un mélange de maisons, de duplex et de jumelés poussent rapidement. La construction du pont‐tunnel Louis‐Hyppolite Lafontaine et de l’échangeur autoroutier subséquent ajoute une impulsion supplémentaire pour démarrer la construction immobilière du secteur (Hudon, 2006). Peu de temps après, la construction des Galeries d’Anjou met officiellement la petite municipalité « sur la carte », cette dernière possédant alors à l’époque l’un des plus grands centres d’achat au Canada (Hudon, 2006). Des centaines de places de stationnements y sont aménagées de même que sont aménagées de hautes tours résidentielles et commerciales. Ce boum de développement foncier va jeter les bases du type de milieu de vie de l’arrondissement pour les années à venir. Les différents pôles urbains (commercial, industriel, résidentiel) sont en grande majorité séparés les uns des autres (Cameron, 2013, s.p). La mixité fonctionnelle n’est alors pas une considération; c’est l’air du temps.
Un demi‐siècle plus tard, les caractéristiques géographiques n’ont pas significativement changé. L’essentiel du secteur commercial se situe au sud de l'autoroute 40 et à l'ouest de l'autoroute 25. Un immense quartier industriel, de même que le golf, se retrouve au nord‐ouest de l’échangeur. Anjou est tout de même parvenu à développer un créneau, se présentant comme :
l’un des pôles économiques majeurs de la Ville de Montréal, particulièrement structurant pour l’est de l’île. D’une part, le parc industriel et d’affaires d’Anjou regroupe plus de 600 entreprises, représentant un bassin de près de 30 000 emplois. D’autre part, le pôle multifonctionnel de l’est, regroupant Les Galeries d’Anjou, des édifices à bureaux et des tours d’habitation, constitue le plus important secteur d’affaires et de commerces de l’est de l’île (Arrondissement Anjou, 2007, p.7).
Sur le plan résidentiel, une très grande part des citoyens habitent le Vieux‐Anjou, dans le secteur nord‐est. C’est aussi là que se retrouvent la plupart des organismes communautaires. Dans ce secteur à forte majorité « classe moyenne », des poches de pauvreté commencent à apparaître graduellement. De plus, on retrouve dans le sud‐ouest ‐ le Haut‐Anjou ‐ un second quartier résidentiel avec des enclaves huppées et industrielles.
Ces legs de construction et de développement immobilier typiques des banlieues a tout de même provoqué quelques problématiques (Annexe 1). Dans l’arrondissement, la canopée est d’abord la plus faible de l’île, le béton et l’asphalte dominant majoritairement. De nombreux ilots de chaleur y sont répertoriés (Annexe 2). Ensuite, le transport entre les différentes parties de l’arrondissement peut être un défi. À dire vrai, comme le remarque Marie‐Michèle Mondor, coordonnatrice en 2013 du Regroupement des organismes et des citoyens et citoyennes humanitaires d'Anjou. «[ça] se fait super bien en voiture, mais pour se rendre du Haut au vieux, où la plupart des organismes sont situés, il faut prendre au moins deux autobus » (Cameron, 2013, s.p). Cause à effet : pour des populations moins fortunées ou qui préfèrent utiliser le transport en commun, l’offre de commerces d’alimentation est alors réduite. Les ressources communautaires peuvent aussi paraître éloignées. Dans le secteur résidentiel du Haut‐
Anjou, il n’y a qu’une seule épicerie. En se fiant à l’étude menée par Rayside Labossière
(Annexe 3) en 2013, plusieurs secteurs de l’arrondissement ont d’ailleurs été déclarés
« à faible accès » ou carrément « désert alimentaire » par rapport aux commerces d’alimentation. L’arrondissement se retrouve donc avec divers défis de planification territoriale qui ont des conséquences socioéconomiques directes.
Les pouvoirs en place et les organismes
Le stage se déroule dans la partie résidentielle de l’arrondissement, le Vieux‐
Anjou, plus précisément à la place Chaumont. C’est là où la majorité des intervenants du secteur associatif et communautaire d’Anjou se partagent un lot de champs d’intervention, étant en quelque sorte des références établies dans leurs domaines respectifs. C’est ainsi que, dans un rayon de moins de 500 m, le Carrefour des femmes d'Anjou, le Centre Humanitaire d’Organisation de Ressources et de Référencement d’Anjou (CHORRA), la maison des jeunes Le Chemin Faisant, Opération Sécurité Anjou (OSA), Concertation Anjou et les Chevaliers de Colomb cohabitent tous ensemble.
Plusieurs des mandats de ces entités s’entrecroisent. C’est de cette façon, par exemple, que le CHORRA s’occupe des services de dépannage alimentaire et de cuisines communautaires, mission partagée avec le SAC Anjou. Le Carrefour des femmes organise lui aussi une activité de cuisine collective. Des activités pour les enfants sont organisées autant par le Carrefour des femmes, l’OSA que par le SAC Anjou. Durant le temps des Fêtes, les Chevaliers de Colomb offrent quant à eux des paniers de Noël, encore une fois comme le fait le SAC Anjou, alors que Concertation Anjou organise un magasin de partage. En gardant en tête que le processus d’attribution des fonds est fait par l’entremise de Concertation Anjou, l’ambiance ressentie dans le milieu est singulière. Les organismes bataillent fort pour garder leurs subventions ainsi que leur financement, et cela donne lieu à des situations inattendues. Par exemple, à trois minutes de marche, deux services de dépannage alimentaire et trois activités différentes de cuisine communautaire sont offerts à la population angevine. Par contre, dans le secteur du Haut‐Anjou, celui des Roseraies et tout près des Galeries d’Anjou, aucune initiative de ce genre n’est proposée aux citoyens.
Du côté politique, le Parti libéral, autant la branche provinciale que fédérale, est au pouvoir. Alors que divers investissements ont été promis dans plusieurs sphères d’intervention du gouvernement fédéral, le gouvernement provincial actuel, de son côté, prône un resserrement des dépenses publiques. Ce climat d’austérité affecte grandement les programmes sociaux et, de ce fait, les organismes communautaires. Les changements déjà effectués et les décisions à venir amènent un lot de questions et d’insécurité dans ce milieu associatif déjà sensible. Pour ce qui est du palier municipal, avec lequel le milieu communautaire travaille souvent conjointement à plusieurs égards, c'est sous le signe de la stabilité qu’évolue le climat politique des trente dernières années. L’administration de M. Miranda axe ses priorités sur la gestion quotidienne, sans apporter de changements drastiques. Le rayonnement des secteurs commercial et industriel d’Anjou est un enjeu majeur de la planification de l’arrondissement. La qualité de vie du coin, le statut de banlieue modèle à Montréal, d’endroit paisible et économiquement dynamique est mentionné au possible (Hudon, 2006). Néanmoins, sur le plan du développement local, l’arrondissement n’est pas reconnu pour entretenir des temps d’échanges et de concertation pour les projets structurants du secteur. De l’avis de la table de quartier d’Anjou, le récent exemple de la revitalisation de la Place Chaumont le démontre bien ; trop peu de place a été laissée à la consultation et au dialogue avec les citoyens et les groupes concernés (Concertation Anjou, 2017). Dans tous les cas, le travail du maire Luis Miranda semble très apprécié de la population angevine; le politicien d’origine portugaise s’est vu octroyer huit mandats consécutifs d’élu sur le territoire d’Anjou.
L’avenir et les projets locaux
Pour bien illustrer les autres projets d’avenir à Anjou, il faut regarder du côté des priorités de l’administration d’Équipe Anjou, avec M. Miranda à sa tête. Celles‐ci sont mentionnées dans diverses entrevues avec les médias. Ainsi, la construction d’une Maison de la culture, « la réfection des parcs Verdelles, Spalding et D’Allone, la gratuité des prêts de locaux et de l’utilisation de l’autobus de l’arrondissement d’Anjou pour les
groupes communautaires et le maintien d’une tarification avantageuse des services pour toute la famille figurent à l’agenda du maire » (Caron, 2017, s.p.). L’arrondissement souhaite aussi revitaliser la Place Chaumont et y développer davantage de commerces de proximité. L’administration veut éventuellement injecter plus d’argent afin de rendre le secteur encore plus attrayant. Un lien entre cette partie de l’arrondissement et le Faubourg Contrecœur fait aussi partie des aspirations des décideurs municipaux d’Anjou (Lambert‐Chan, 2016).
Les organismes communautaires du secteur, par l’entremise de Concertation Anjou, la table de concertation du quartier, ont de leur côté établi quelques priorités en vue des élections municipales de 2017. Celles‐ci invitaient les diverses formations politiques à venir débattre des propositions adoptées par l’ensemble des membres de la table, à savoir :
Une vie démocratique municipale ouverte et transparente;
Une amélioration du transport en commun;
Une sécurité routière renforcée;
Protéger et développer le visage vert de l'Arrondissement;
Un aménagement urbain ambitieux, convivial et innovant;
Une meilleure place pour les jeunes d'Anjou;
Un soutien ferme à nos aînés;
Un appui renouvelé aux familles angevines;
Une action déterminée afin d'assurer la salubrité des logements d'Anjou;
La continuité du soutien aux organismes communautaires;
Défendre une plus grande équité territoriale budgétaire pour Anjou;
Un soutien à la culture et aux activités culturelles;
Le défi du bien‐vivre ensemble.
En regard de ces thématiques, plusieurs projets d’avenir étaient proposés.
L’exercice démocratique s’est déroulé devant une soixantaine de citoyens et de travailleurs du milieu de même que devant les représentants de Projet Montréal et d’Équipe Coderre. Pourtant, M. Miranda, le maire sortant, et des membres de son équipe ont annulé leur présence peu avant l’évènement. De plus, M. Miranda a affirmé que, si ce genre d’initiative se répétait, il ne pourrait garantir sa présence. Il a justifié cette décision en précisant que depuis qu’il était élu, en 28 ans, il n’avait pas eu à faire
des débats de ce genre (Esseghir, 2017). Cette situation laisse planer un doute quant à une éventuelle ouverture envers ces priorités. Qui plus est, au cours des dernières années, outre l’étude cartographique de l’arrondissement mandatée par le Regroupement des organismes et des citoyens et citoyenne humanitaire d’Anjou (ROCHA) et réalisée par Rayside Labossière, peu d’études ou de recherches détaillées ont été menées sur les besoins et les défis (particulièrement en sécurité alimentaire) des résidents de l’arrondissement d’Anjou. Un des projets proposés par la table de quartier, dans le cadre de l’exercice électoral mentionné plus haut, était justement que
« l'arrondissement s'associe aux autres partenaires communautaires et institutionnels afin de dresser un portrait socio‐économique à jour de la population angevine avec ses différentes vulnérabilités » (Concertation Anjou, 2017, p. 10). Un tel exercice permettrait certainement de mieux cibler les besoins de l’arrondissement pour l’avenir.
Finalement, un des projets qui risque d’avoir une incidence sur le milieu de vie angevin reste le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal. Cette perspective est évoquée depuis plusieurs années. La finalisation de ce dossier, tout comme la réalisation des autres projets, seront à suivre.
Historique de l’organisme d’accueil
Le Service d’aide communautaire Anjou est un organisme qui œuvre dans le quartier depuis près de 40 ans, travaillant avec les citoyens du secteur dans différents domaines. Les premiers mandats que se donne le SAC Anjou sont reliés à l’appui et l’accompagnement de diverses entités communautaires. Des services de secrétariat, des conseils en gestion ainsi que de l’aide sur le plan des ressources humaines sont offerts, et ce, dans le but d’épauler de nouveaux organismes communautaires dans leur implantation. Au fil des ans, des tables de concertation et de nouveaux organismes émergent de son sein (Carrefour des femmes d’Anjou, Maison des jeunes) et les activités propres au SAC Anjou se solidifient. Une forte culture de bénévolat s’implante tranquillement afin de répondre aux besoins variés du secteur.
Au tournant des années 2000, le SAC Anjou participe au démarrage du ROCHA.
Cette nouvelle entité s’occupera désormais des différentes tables de concertation du quartier. Cette délégation de pouvoir coïncide avec la volonté du SAC Anjou de mieux se concentrer sur ses propres secteurs d’activités. C’est de cette façon que l’organisme opère maintenant trois programmes distincts : le Courrier blanc (services aux ainés), les Ateliers Mots à Mots (services éducatifs aux adultes et alpha‐francisation) et la Maison de la famille.
De façon officielle, la Maison de la famille regroupe deux volets. Il y a d’abord les services aux familles, où des sessions de couture et de cuisine pour adultes, des ateliers pour les jeunes (tricot, jardinage et cuisine), des services de dépannage alimentaire (paniers hebdomadaires et paniers de Noël) ainsi que divers événements de quartiers sont offerts à la population. Ensuite, on retrouve la partie persévérance scolaire, qui se veut un regroupement d’initiatives pour contrer le décrochage et favoriser la participation des étudiants dans leur milieu de vie académique. Cours de sports, ateliers de danse et de théâtre, tournois et défis variés, accompagnement pour la transition entre le primaire et le secondaire : voilà des exemples de projets qui sont partie intégrante de ce volet.
Structure hiérarchique
Le poste d’organisateur communautaire se voyait superviser par le coordonnateur de la Maison de la famille. Une certaine liberté de décision était accordée à l’employé stagiaire au niveau des décisions courantes. Toutefois, les employés du programme d’aide et d’accompagnement social (PAAS‐Action) qui ont été mobilisés afin d’appuyer le fonctionnement des activités reliées au dépannage alimentaire, relevaient eux, du responsable de la conciergerie. La superviseure immédiate de ce dernier était la cheffe des ressources humaines. Effet domino oblige, si des pépins survenaient avec ces employés PAAS‐Action, le stagiaire devait s’entretenir avec son responsable immédiat (le coordonnateur de la MDF) de même que la cheffe des ressources humaines pour établir la marche à suivre. Dans un autre ordre d’idée, l’organisateur communautaire devait s’assurer de bien gérer les bénévoles sous sa
responsabilité tout en maintenant une ambiance agréable lors des activités. Ces mêmes bénévoles pouvaient aussi faire entendre leur voix lors des comités consultatifs.
À l’intérieur de chacun des programmes, un comité consultatif se rassemblait quatre fois durant l’année afin de discuter des activités en cours, des décisions prises, des budgets, des irritants et des ajustements possibles à apporter. L’objectif de ces rencontres était de prendre le pouls des utilisateurs et de les tenir au courant des différentes décisions et des changements effectués dans l’organisme. Membres du CA, bénéficiaires de services, bénévoles impliqués et coordonnateur du programme étaient au rendez‐vous.
Pour ce qui est des projets de plus grande envergure et des choix plus structurants, le tout était généralement discuté lors des réunions d’équipe dans les programmes respectifs et le coordonnateur dudit programme se rapportait par la suite à la direction générale. Lors du démarchage et du démarrage de toutes nouvelles initiatives, l’aval devait ainsi être donné autant par le coordonnateur du programme et finalement par la direction générale. Les cadres des différents programmes et l’équipe de direction (la directrice générale et son bras droit, la cheffe des ressources humaines), devaient se rencontrer une fois par mois afin de résumer les diverses réunions des comités consultatifs, d’échanger sur les grandes lignes de l’organisme et de se tenir au courant des différents changements. Tout de même, ces rencontres se veulent surtout informatives et consultatives. Le dernier mot revient ultimement à la directrice générale. Ces choix doivent par la suite être entérinés par les membres du CA qui commentent, conseillent et argumentent autour de ces décisions.
Financement des activités de l’organisme
L'organisme reçoit du financement à plusieurs niveaux afin d’accomplir sa mission. D’abord, Centraide contribue pour tout ce qui est relié aux frais fixes, c'est‐à‐
dire une partie des loyers, les montants alloués à l'électricité, les paiements des services téléphoniques et d'Internet. Les salaires des cadres sont aussi épongés en partie par cette grande organisation philanthropique. Pour ce qui est du programme dans lequel le
stagiaire évolue, la Maison de la famille (MDF), d'autres bailleurs de fonds fournissent des montants. L'arrondissement d'Anjou prend la facture des locaux qui sont nécessaires pour réaliser le service de dépannage alimentaire (le sous‐sol de l'église St‐
Conrad). Le gouvernement provincial, à travers le ministère de la Famille, finance complètement le service de halte‐garderie. Les montants demandés aux bénéficiaires (20$ pour une année) et les contributions de 3$ pour les paniers alimentaires permettent de boucler les enveloppes budgétaires. Une activité de financement annuel au profit du service d'entraide alimentaire est organisée annuellement par les Chevaliers de Colomb. Cela donne aussi un petit coup de pouce au SAC Anjou.
Avenir d’Enfants et Québec en Forme, programmes propulsés par la Fondation Lucie et André Chagnon, fournissent eux un pourcentage des salaires des postes d'organisateur communautaires de la MDF. Ces montants sont utilisés dans le cadre de projets ciblés. Ces projets sont acceptés par appel d’offres par la table de quartier, Concertation Anjou, qui travaille en collaboration avec AE et QEF. Des comités d’évaluation de l’organisme chapeautent le processus. Le but est ainsi d’allouer les enveloppes budgétaires selon la qualité des projets, mais aussi en ayant un souci de distribuer les montants entre les différents organismes d’Anjou. Le tout ne se fait pas sans anicroche, la bataille reste rude pour accéder à ces montants. Les organismes d’Anjou, comme partout au Québec, ont de la difficulté à financer adéquatement leurs activités. Ceux‐ci se retrouvent alors, malgré eux, en compétition pour avoir droit à ces sommes.
Place du développement local au SAC Anjou
Le développement local constitue « une forme émancipatrice, où l’on retrouverait les valeurs d’autonomie, de solidarité, de créativité et de nouveaux rapports à la nature » (Calame, 1999, p. 47). Il vise aussi à « réintroduire la dimension humaine dans la logique de développement, tout en favorisant l’épanouissement des personnes » (UQÀM, 2017, s.p.). Le développement local se voit ainsi souvent jumelé avec la notion de développement social qui « se concentre sur la nécessité de placer les
populations au premier plan du processus de développement » (Banque Mondiale, 2017, s.p.). En ce sens :
le développement local social (DLS) est une démarche globale d’intervention sur un territoire mobilisant collectivement les acteurs (bénéficiaires, citoyens, élus, partenaires, institutions) et les ressources afin d’organiser les conditions d’une évolution sociale positive et d’améliorer globalement et individuellement les conditions de vie des habitants (Le Nord, 2014, p. 5).
Là où le stage s’est déroulé, c’est‐à‐dire au programme de services aux familles (Maison de la famille) du SAC Anjou, plusieurs thématiques et enjeux se rattachent à un tel type de développement. Le fait d’accueillir les nouveaux arrivants, de briser l’isolement des populations fragilisées, de favoriser la socialisation des bénéficiaires, de valoriser l’implication citoyenne, de créer un milieu de vie propice à l’apprentissage et au partage de connaissances, d’intervenir pour une amélioration de la sécurité alimentaire et de lutter contre le gaspillage alimentaire, contribue à aider les personnes afin qu’elles puissent progresser vers la voie de l’autosuffisance. À la lumière de ces définitions, tout en ayant en tête la mission du SAC Anjou, il est possible d’affirmer que l’organisme qui a accueilli le stagiaire joue certainement un rôle dans le développement local social du territoire d’Anjou.
Relations externes et collaborations de l’organisme en lien avec la sécurité alimentaire Le SAC Anjou participe à divers regroupements et tables. D’abord, elle siège à la Confédération des organismes familiaux du Québec (COFAQ), le coordonnateur de la Maison de la famille étant même président du conseil d’administration. En ce sens, ce dernier réalise un lot de rencontres avec divers organismes oeuvrant pour l’amélioration de la qualité de vie des familles québécoises. L’organisme est aussi membre du Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD) et participe à ses différentes réunions. Toutefois, ces espaces de concertation ne planchent pas spécifiquement sur les aspects de sécurité alimentaire. Cette problématique est davantage abordée dans l’un des comités de Concertation Anjou (la table de quartier d’Anjou). L’organisme compte actuellement quatre comités de travail auxquelles participent l’un ou l’autre des programmes du SAC Anjou. Il s’agit du comité
de Concertation Aînés, du comité de Concertation Famille 0‐11 ans, du comité de Concertation Jeunesse 12‐25 ans et du comité de Concertation Développement Social.
Les membres de ce dernier comité, qui se réunissent quatre fois dans l’année, proviennent de différents milieux (voir Annexe 5), s’occupent de questions reliées à la pauvreté et à la sécurité alimentaire du secteur. C’est ainsi dans ce comité qu’il est possible pour les acteurs d’Anjou d’échanger des connaissances ainsi que de réfléchir à propos de nouvelles initiatives et de nouveaux projets en lien avec la sécurité alimentaire. Un autre moment où le réseautage a été de mise, c’est lors du séminaire
« L’Évalpop on en fait, les changements on en parle : Regard sur les pratiques en sécurité alimentaire » organisé par le Centre de Formation populaire. Lors de cet évènement, il a donc été possible de cogiter autour des différentes démarches d’évaluation en sécurité alimentaire. C’était une bonne occasion pour le SAC Anjou de discuter avec d’autres acteurs du milieu.
Un constat s’est tout de même imposé, suite à cet évènement. À l’extérieur de l’arrondissement, le SAC Anjou ne siège pas sur les groupes principaux en lien avec la faim ou la sécurité alimentaire. La Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain ne reçoit pas de représentants d’Anjou lors de ses rencontres et aucune association n’est réalisée avec le Regroupement des cuisines collectives du Québec. Conséquemment, l’organisme ne profite pas de ces occasions intéressantes de discuter de façon régulière avec les autres organismes qui travaillent sur cette thématique.
Contexte d’embauche
Le stagiaire a été engagé comme organisateur communautaire ; venant pourvoir un poste qui existait depuis plusieurs années. Le poste voyait se succéder depuis un quelque temps différent organisateur communautaire. En l’espace de deux ans, quatre personnes différentes avaient occupé les fonctions du stagiaire. Plusieurs conflits entre les bénévoles minaient l’ambiance de travail durant le service de dépannage alimentaire. Une problématique de vols fréquents était relevée. Outre cela, une diminution graduelle, mais marquée des participants aux différentes activités liées à la
sécurité alimentaire était observable. L’organisme a donc mentionné clairement son intention de stabiliser la situation et d’améliorer le tout.
RAPPORT TECHNIQUE
Problématique générale
Tel que mentionné plus haut, l’insécurité alimentaire est grandissante au Québec et au Canada. Le secteur d’intervention, l’arrondissement d’Anjou, connaît aussi son lot de difficulté pour rendre accessible une alimentation saine et économique à toutes les tranches de ses citoyens. Entre autres, la configuration du quartier, le manque de commerces d’alimentation, la concentration des organismes communautaires dans le même secteur sont tous des obstacles à la sécurité alimentaire des résidents angevins.
Qui plus est, le quartier subit d’ailleurs d’importantes modifications au niveau de sa population. Celle‐ci est composée de plus en plus de citoyens nouvellement arrivés au Canada et ces derniers ont besoin d’un coup de pouce supplémentaire pour s’acclimater à leur pays d’accueil. Le défi est alors de faire connaître les ressources du secteur (et celles de l’organisme) afin de renverser une tendance aussi observer, soit la non‐
utilisation des ressources par la population en situation d’insécurité alimentaire. Le stagiaire devra donc administrer efficacement les services de sécurité alimentaire à la Maison de la famille du SAC Anjou. Il devra s’assurer d’adapter les pratiques aux besoins de cette population changeante, ce qui est un défi approprié dans le cadre d’un stage au DESS en PTDL.
Objectifs d’apprentissage professionnels
Le stagiaire doit avoir en tête de développer ces aptitudes en gestion de projet.
Une grande part du mandat, expliquée plus loin, consiste à la fois à démarrer des initiatives en sécurité alimentaire et à appuyer la gestion des événements du quartier.
Le respect des échéanciers et des coûts ainsi que l’atteinte d’un bon niveau de participation et de satisfaction des populations ciblées seront tous des considérations
importantes. Pour arriver à ces fins, le stagiaire devra aussi concentrer son attention sur deux autres aspects importants.
Tout au long du mandat, un autre but sera de pratiquer un type d'animation/gestion axé vers l'empowerment citoyen aussi appelé au Québec l’autonomisation. En fait, l’Office québécois de la langue française caractérise l’autonomisation comme un « [p]rocessus par lequel une personne, ou un groupe social, acquiert la maitrise des moyens qui lui permettent de se conscientiser, de renforcer son potentiel et de se transformer dans une perspective de développement, d’amélioration de ses conditions de vie et de son environnement. » (OQLF, 2003). Il serait aussi possible d’utiliser le terme plus récent d’agentivation, proposé par l’étudiant à la maîtrise en linguistique Gabriel Martin et inspiré d’agentivité (issu de travaux de Judith Butler). Il est possible de le résumer en ces mots, soit « l’acquisition d’une capacité ou d’une puissance d’agir sur sa condition » (Martin, 2016, par. 6).
Bref, peu importe le terme utilisé, ce genre de processus n'est pas simple et n’a pas de formule ad hoc (terme particulièrement prisé dans le cours de M. Sylvain Lefebvre en « aménagement et planification territoriale »). La démarche doit reposer sur divers types de recherches, d'actions et de rétroactions. Il faut bien comprendre le milieu d’intervention. L'analyse et la prise en compte des besoins des citoyens sont primordiales. Le tout permet ainsi d'adapter les services afin que ceux‐ci répondent davantage à leurs aspirations et leurs demandes. Même si le stage se déroule à plus petite échelle, beaucoup d’intelligence des situations (savoir‐être), est requise pour remplir ce genre de mandat en développement du territoire (Robitaille, 2015). Bref, tous ces éléments (et plus encore) sont nécessaires afin d'optimiser la prise en charge des citoyens et de préparer le terrain vers une plus grande autonomisation citoyenne.
Le contexte de stage permet donc de travailler sur cet objectif professionnel précis, soit d’intervenir en favorisant l’autonomisation des bénéficiaires de la MDF.
Qui plus est, jamais auparavant le stagiaire n’avait eu des employés ou des bénévoles sous sa charge. Beaucoup plus jeune que les prédécesseurs du poste, le
stagiaire devait être particulièrement diplomate. Il fallait à la fois faire preuve de rigueur, de précisions et parfois un brin de fermeté pour installer son leadership, autant la sensibilité, le doigté, la compréhension et l'écoute devaient être priorisés. Comme l’engagement des bénévoles est une partie structurante pour le bon fonctionnement de tout organisme, réaliser de façon saine la gestion des bénévoles devient un acquis professionnel significatif. Dans ces circonstances, il était normal de l’inclure comme l’un des objectifs d’apprentissage professionnel à travailler.
Positionnement du stage par rapport au programme
L'objectif global du diplôme d’études supérieures spécialisées en planification territoriale et développement local est de « former des professionnels, spécialistes en planification territoriale et développement local, dans une perspective de développement humaniste et durable. Il vise à réintroduire la dimension humaine dans la logique de développement, tout en favorisant l'épanouissement des personnes » (UQÀM, 2017, s.p.). Le programme axe justement son cursus afin de développer chez l’étudiant une aptitude à analyser son environnement d’intervention pour ensuite offrir des diagnostics, des plans d’action, des conseils ainsi que diverses stratégies, et ce, afin d’accompagner les acteurs du milieu dans leurs objectifs de développement (Ibid.).
Le stage se trouve justement dans cette logique de réintroduction de la dimension humaine dans la logique de développement. De façon plus large, afin d’atteindre la sécurité alimentaire des populations, il faut justement se doter d’une approche à échelle humaine, adaptée au milieu et être à l’écoute des citoyens qui habitent le secteur d’intervention. De ce fait, même si le contexte de stage se retrouve à l’échelle d’un arrondissement, l’analyse du territoire, l’animation de celui‐ci, l’expertise technique et l’accompagnement des collectivités feront partie d’une façon ou d’une autre du mandat de l’organisateur communautaire. Ces compétences génériques, typiques des métiers du développement (selon l’analyse de Martin Robitaille), ont été