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Quelles problématiques et enjeux pour des épouses albanaises face à l'incarcération de leur époux?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Quelles problématiques et enjeux sociaux pour des épouses albanaises face à

l’incarcération de leur époux ?

T

R A V A I L D E

B

A C H E L O R

Pour l’obtention du diplôme

Bachelor of Arts en travail social

Haute École de Travail Social – HES-SO//Valais – Wallis, Sierre

Réalisé par :

Shera Sejdija

Bach 17, service social, plein temps

Sous la direction de :

Viviane Cretton

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Remerciements

Je tiens particulièrement à exprimer mes remerciements aux personnes qui m’ont aidée à

réaliser mon Travail de Bachelor. Grâce à leurs compétences diverses et leur disponibilité, j’ai

pu achever mon travail de recherche.

v Madame Viviane Cretton qui est ma directive TB. Je la remercie pour toutes les

suggestions et son suivi durant tout ce processus.

v Les 4 participantes qui ont accepté de témoigner. Je les remercie pour leur disponibilité.

v

Une amie à moi, Kenza Kebaili, étudiante en Science Politique à Lausanne, qui a relu

et corrigé ce travail.

Déclaration

« Les opinions émises dans ce travail n'engagent que leur auteure »

« Je certifie avoir personnellement écrit le Travail de Bachelor et ne pas avoir eu recours à

d'autres sources que celles référencées. »

« Tous les emprunts à d’autres auteur·e·s, que ce soit par citation ou paraphrase, sont clairement

indiqués. »

« Le présent travail n’a pas été utilisé dans une forme identique ou similaire dans le cadre de

travaux à rendre durant les études. »

« J’assure avoir respecté les principes éthiques tels que présentés dans le Code éthique de la

recherche. »

« Je certifie également que le nombre de signes de ce document (corps de texte, sans les espaces)

correspond aux normes en vigueur »

Shera Sejdija

Dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au

masculin générique : ils sont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.

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Résumé

En résumé, ce Travail de Bachelor se porte sur une problématique peu connue par la société qui

est la famille des personnes qui purgent une peine de prison à long terme.

Ce travail m’a donc permis de m’intéresser à un thème qui est encore assez « tabou » lié à la

criminalité et de donner la parole à des personnes dont la souffrance reste encore, à ce jour,

méconnue.

En effet, la famille et la personne détenue renvoient communément une image assez péjorative

due au côtoiement du monde carcéral. La personne détenue est vue comme un « criminel » et

sa famille comme « complice ». Ce Travail de Bachelor met en lumière les différentes

problématiques que rencontrent la famille après que le père/époux soit mis en maison d’arrêt.

Afin de mener à bien cette problématique, trois concepts théoriques vous seront présentés: le

milieu carcéral, la famille de la personne détenue ainsi que la stigmatisation.

De plus, grâce aux témoignages effectués par quatre personnes, notamment par trois femmes

d’origine albanaise et une assistante sociale, j’ai pu consolider une analyse à partir du cadre

théorique.

D’une part, nous verrons que la famille fait face à une grand précarité matérielle. D’autre part,

le regard que la famille subit par son entourage l’amène à se retirer et être exclue de la vie

sociale. Pour finir, nous verrons que la culture influence fortement ce processus d’enfermement.

Ici, il sera question de la culture albanaise. En parallèle, les familles évoquent également le fait

que peu d’aide existe et que leur souffrance est minimisée voire invisibilisée.

Mots clefs

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1 Table des matières

2 Choix de la thématique ... 6

3 Motivations ... 6

4 Question de départ et problématique ... 6

5 Objectifs ... 7

5.1.1 Professionnels ... 7

5.1.2 Personnels ... 8

6 Lien avec le travail social ... 8

7 Le cadre théorique ... 9

7.1 La population carcérale ... 9

7.1.1 Le milieu carcéral ... 10

7.2 La famille de la personne détenue ... 11

7.2.1 La famille en crise ... 12

7.3 Stigmatisation des proches des détenus ... 16

7.3.1 Définitions ... 16

7.3.2 L’étiquetage et la stigmatisation ... 17

7.3.3 Le stigmate et la haine de soi ... 18

8 Méthodologie ... 19

8.1 Question de recherche ... 19

8.2 Les hypothèses de compréhension ... 19

8.3 Le terrain d’enquête et échantillon ... 20

8.4 Les personnes interrogées et la prise de contact ... 20

8.5 Les méthodes de collecte ... 21

8.6 Risques méthodologiques ... 22

8.7 Déroulement de l’entretien ... 22

8.8 Impression personnelle ... 23

8.9 Enjeux éthiques ... 23

9 L’analyse ... 24

9.1 État de la famille avant l’emprisonnement ... 24

9.2 La désorganisation familiale ... 27 9.2.1 La crise familiale ... 27 9.3 La réorganisation familiale : ... 30 9.3.1 Le rétablissement ... 30 9.3.2 La réorganisation ... 31 9.4 La stigmatisation et la honte ... 35

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5 9.4.1 L’image sociale ... 35 9.4.2 La honte ... 36 10 Résultats ... 37 10.1 Synthèse de l’hypothèse 1 ... 37 10.2 Synthèse de l’hypothèse 2 ... 38 10.3 Synthèse de l’hypothèse 3 ... 38

10.4 Réponse à ma question de recherche ... 39

11 Réflexion liée à la pratique professionnelle ... 40

12 Partie conclusive ... 41

12.1 Nouvelle vision de la problématique ... 41

12.2 Nouveaux questionnements ... 41

12.3 Évolution professionnelle et personnelle ... 42

12.4 Bilan méthodologique ... 42

12.5 Pistes d’actions ... 43

12.6 Conclusion finale ... 44

13 Bibliographie ... 45

14 Annexes ... 47

14.1 Annexe 2 : canevas des entretiens pour les femmes ... 48

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2 Choix de la thématique

Par ce travail, j’ai dirigé une recherche autour du milieu carcéral. Le monde de la prison est, à ce jour, un sujet encore « tabou ». Je suis arrivée à cette constatation grâce entre autres aux conversations que j’ai pu entretenir avec des amis ou des collègues de travail.

Selon l’Office Fédérale de la statistique, près de 9’000 personnes sont en prison en Suisse. (OFS) Ces personnes sont incarcérées, car elles ont commis un délit ou un crime. Celles-ci sont amenées ensuite, à réintégrer la société une fois leur peine terminée. Durant cette dernière, les familles et proches des détenus subissent également les conséquences de l’emprisonnement. Cette problématique est néanmoins peu connue du grand public. C’est pourquoi je trouve pertinent et intéressant de mener une analyse sur cette thématique dans le cadre de mon Travail de Bachelor.

J’ai moi-même connu des familles qui ont dû faire face à l’emprisonnement d’un proche. Ainsi, cela fait plusieurs années que je m’interroge sur ce sujet. Ces personnes se retrouvent souvent isolées de la société. Par ailleurs, ayant connu des situations de ce genre, je peux dire que j’ai ressenti qu’il y avait une image très négative pour le détenu et sa famille.

3 Motivations

La raison principale qui m’a amenée à m’intéresser au domaine carcéral et élaborer un travail de recherche sur ce sujet est que j’ai moi-même connu des personnes qui ont vécu la prison dans ma vie professionnelle et personnelle. Leurs expériences et leur récit de vie m’ont bouleversée, car j’ignorais en effet l’ampleur des conséquences que cela pouvait engendrer sur une vie.

Le milieu carcéral est très fermé. Ce terme « prison » évoque en moi un monde secret auquel nous n’avons pas accès. Entrer dans une prison est très difficile sans autorisation et dans la société, il s’agit d’un endroit caché.

La sociologue Géraldine Bouchard, définit la détention comme un processus de «prisonniérisation». En d’autres termes, la famille doit inclure la prison dans son quotidien. (Bouchard, 2007)

J’aimerais documenter par ce travail la souffrance que subissent l’épouse et les enfants d’un individu condamné à une peine d’emprisonnement. Par la suite, j’aimerais identifier les ressources que ces femmes et enfants mettent en place afin de retrouver une nouvelle stabilité familiale pendant l’absence du mari. J’ai choisi de traiter le point de vue de l’épouse, car les hommes représentent 95% de la population carcérale en Suisse selon l’OFS. (OFS, 2020)

Je suis intéressée à en apprendre davantage sur la manière dont est vécu un enfermement carcéral pour l’ensemble de la famille.

4 Question de départ et problématique

Le but de mon travail est de mettre en évidence les multiples problématiques que rencontrent les auteurs de délits qui ont été isolés de la société ainsi que les conséquences sur leur famille.

J’ai mené une recherche à partir du moment où le jugement pénal a été prononcé. Comme je m’intéresse aux détenus ainsi qu’à la crise familiale que l’incarcération engendre, ma recherche se porte sur les individus qui purgent une privation de liberté à moyen ou long terme, c’est-à-dire deux ans et plus. Par la suite, je m’intéresserai uniquement aux modèles des familles traditionnelles, c’est-à-dire, un couple et des enfants dont le père est en maison d’arrêt. J’ai choisi de traiter ce sujet, car comme précité, les hommes représentent 95% de la population carcérale en Suisse selon l’OFS.

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Comme il y a davantage de familles concernées par cette problématique, il sera pour moi plus facile de trouver des témoignages pour mon Travail de Bachelor.

Dans le modèle de famille « traditionnelle », l’homme travaille et son épouse reste à la maison. Dans cette conception, le rôle de l’homme et de la femme est bien distinct. C’est pourquoi il est selon moi pertinent d’enquêter sur ce type de famille « traditionnelle », afin d’analyser quelles ressources sont mobilisées par la famille pour combler ce vide important qui est le père de famille.

Lorsque j’ai commencé à chercher mon terrain d’enquête, la première femme à témoigner était d’origine albanaise. Ainsi, plusieurs éléments importants liés à la culture albanaise sont ressortis. Ce qui par conséquent m’a fortement intéressée et motivée à aiguiller cette recherche à questionner uniquement des familles originaires du Kosovo1.

Par ailleurs, je traiterais la question du genre dans mon travail de Bachelor. Comme le mentionne Géraldine Bouchard, la prison est un monde uniquement composé d’hommes, le besoin de se montrer viril est parfois ressenti. (Bouchard, 2007)

Lorsque j’ai pu accompagner une connaissance dans ce processus d’emprisonnement, j’ai relevé, lors de nos visites, que le conjoint interdisait à son épouse de porter certains bijoux ou essayait de lui imposer un style de vie. J’ai donc relevé un besoin de domination masculine de la part de son époux. (Bourdieu, 1990)

Dès lors, comme nous sommes dans une constante évolution sociétale autour de la place de la femme et étant donné l’enjeu du rôle social dans cette thématique, je vais aborder les inégalités de genre ainsi que le poids du patriarcat dans le public étudié.

Ainsi ma question de départ est :

Quelles problématiques et enjeux sociaux pour des épouses albanaises face à

l’incarcération de leur époux ?

5 Objectifs

Pour mener cette recherche autour de la famille des détenus, je me suis fixée les objectifs

ci-dessous

5.1.1 Professionnels

è Approfondir mes connaissances théoriques en lien avec cette thématique ;

è Prendre connaissance de ce qui existe au niveau social et du soutien pour les familles et

les détenus ;

è Acquérir des outils professionnels à appliquer lors de ma future carrière. Analyser la

place du travailleur social dans la société ;

è Comprendre les enjeux sociaux pour le détenu et sa famille ;

è Comprendre les conséquences d’une incarcération sur une famille ;

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5.1.2 Personnels

è Gérer le stress pour la réalisation d’un Travail de Bachelor ;

è Découvrir le ressenti des femmes et des enfants ;

è Acquérir des outils personnels afin de favoriser le lien social dans le monde de la prison ;

è Prendre en compte la dimension émotionnelle dans l’accompagnement en milieu

carcéral ;

6 Lien avec le travail social

À mon sens, la place du travailleur social dans le monde carcéral est très pertinente. En effet, avoir un accompagnement social fait partie des droits2 du détenu.

Du point de vue du prisonnier, avoir un suivi avec un assistant social permet avant tout, de maintenir des relations sociales durant l’incarcération. La personne se retrouve en effet isolée, le travail de l’assistant social peut donc s’orienter et se concentrer sur la réinsertion sociale et professionnelle en vue de la future sortie du détenu. En effet, j’ai eu la chance de visite la prison Crète Longue dans le cadre du module G6, l’assistante sociale a mis en exergue le travail qu’elle effectue.

Par ailleurs, l’assistante sociale de Crète Longue nous a affirmé qu’elle était disponible pour les proches du détenu en cas de besoin et de questions. Elle nous a également indiqué qu’au niveau de la société peu d’éléments étaient à disposition pour ces familles se retrouvant en pleine crise.

Personnellement, en tant que future travailleuse sociale, une sensibilisation ainsi qu’une prévention autour de cette stigmatisation me sera bénéfique.

Enfin, le travail d’un assistant social est pour moi multifonctionnel. En effet, il doit se préoccuper du détenu concernant ses droits ainsi que sa réinsertion. Il doit également se concentrer, au maintien des liens familiaux ainsi qu’essayer de déconstruire le stéréotype « criminel » aux yeux de la société.

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7 Le cadre théorique

Pour problématiser ma recherche, J’ai développé trois principaux concepts. Dans un premier temps, je vais commencer par définir la population carcérale. Dans un deuxième temps, je vais présenter le concept de la famille de la personne détenue. Finalement, je vais exposer la notion de la stigmatisation du détenu et de ses proches.

7.1 La population carcérale

Je vais commencer par vous parler de la population carcérale. Pour comprendre celle-ci, j’ai décidé d’aborder l’organisation de la société ainsi que la notion de la « déviance ».

Dans une société, il y a des normes sociales et des valeurs. Cependant les valeurs sont des interprétations personnelles, le sens qu’on leur donne est différent pour chacun. En revanche, les normes sociales relèvent d’un comportement qui peut être sanctionné socialement si on ne les respecte pas. Bien que les normes ne sont pas des lois, notre système juridique s’est inspiré de ces normes sociales pour élaborer des lois afin de garantir la sécurité des citoyens. (Becker, 1985)

Les normes et les lois ne sont pas « en dehors » de la société, elles sont conçues par des individus au sein de la société, pour son bon fonctionnement. L’auteur explique donc que la criminalité est à la fois une transgression des lois pénales et des normes sociales.

§ Mucchielli nous donne la définition suivante pour la Déviance : « Pour qu’une situation de déviance existe, il faut que soient réunis trois éléments : l’existence d’une norme, un comportement de transgression de cette norme, un processus de stigmatisation de cette transgression ». « Le point commun de tous ces comportements (déviants), c’est le fait qu’ils sont tous condamnés par différentes normes sociales, reconnues ou pas par le droit, partagées à des degrés divers dans les différents groupes sociaux qui composent une société à un moment donné de l’histoire. (Mucchielli, 1999, pp. 20-25)

Selon Howard Becker dans son livre Outsiders, « Les groupes sociaux instituent des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme déviants. De ce point de vue, la déviance n’est pas une qualité de l’acte commis, mais plutôt la conséquence de l’application pour autrui de règles et de sanctions à l’encontre d’un « contrevenant ». Le déviant est un individu auquel cette désignation a été appliquée ; la déviance est une conduite qu’autrui désigne de cette manière ». (Becker, 1985)

En d’autres termes cela veut dire que la déviance n’est pas un comportement en lui-même, mais celui-ci relève d’une interaction entre la personne qui commet l’acte et celle qui réagit à cet acte. Suite à la réaction de la transgression, cela permet de repérer la norme imposée par la société. La déviance est un comportement construit par un groupe social qui définit les normes d’une société. (Becker, 1985). La société impose des modèles de comportements afin de maintenir la cohésion sociale. Toutefois, Durkheim définit le crime comme fait social « normal ». En effet, selon le sociologue, la déviance est révélatrice d’un désordre social. La société n’a pas su intégrer certaines personnes dans la société. Celles-ci sont victimes d’inégalité sociale. Les personnes soumises à des inégalités auront en effet moins de chance d’avoir accès aux prestations proposées par la société. Ce groupe de population va donc transgresser la norme afin de pouvoir y accéder. (Durkheim, 1894, pp. 65-72).

Le sociologue Jean-François Dortier cite la théorie de Robert Merton dans son ouvrage « entre théorie et empirisme », la sociologie de RK. Merton. Celui-ci ajoute un complément à la théorie de Durkheim : chaque société a des buts hiérarchisés et des moyens légitimes pour les atteindre.

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Il nous explique alors que pour les personnes ayant un décalage entre les buts et les moyens, la transgression est une réaction normale pour atteindre les buts fixés si ces personnes n’en ont pas les moyens. Ce comportement découle du manque de ressources, ainsi la classe sociale populaire est particulièrement visée. (Dortier, 2009)

Une inégalité sociale est une différence perçue comme injuste dans la distribution des ressources sociales. Elle inclut des possibilités d’actions sociales telles que politiques, économiques, culturelles et sociales. Les grandes inégalités concernent par exemple l’accès à la formation, l'accès à la culture, l’accès au logement ou encore l’accès à la santé. De plus, ces personnes sont davantage sujettes à des discriminations et aux stigmates en raison de leurs différences. (Bourdieu, 1970 )

Le sociologue français Pierre Bourdieu met en lumière ces différentes inégalités sociales. Selon lui, les différents capitaux économiques, sociaux et culturels expliquent ce phénomène.

• Le capital économique : l’ensemble des biens matériels possédés par un individu et son revenu • Le capital social : le réseau de relations personnelles qu’un individu peut mobiliser. Ce

réseau est en partie hérité par les relations familiales.

• Capital culturel : l’ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu

Selon, Pierre Bourdieu, les trois capitaux sont liés. Si notre capital économique est élevé, notre capital social et culturel le sera aussi. Il est également important de relever que la classe sociale dans laquelle on vit influence nos goûts, nos pratiques ainsi que notre identité. (Bourdieu, 1970 )

Il est important de relever de quelles classes sociales proviennent les personnes incarcérées. Comme je m’intéresse à la crise familiale à la suite d’un emprisonnement, le statut social économique est important, car celui-ci détermine la manière de gérer la situation au sein de toute la famille.

En effet, s

elon Gérard de Coninck qui était professeur à l'École de criminologie de l'Université de Montréal, les conséquences de l’incarcération sur la famille varient en fonction des ressources matérielles, des diplômes, de la participation sociale de l’épouse et si cette dernière exerce une profession ou non. (Coninck, 1982),

7.1.1 Le milieu carcéral

Selon le dictionnaire en ligne Larousse, nous pouvons définir le milieu carcéral comme un : « Établissement où sont détenues les personnes condamnées à une peine privative de liberté ou en instance de jugement ». (Larousse, s.d.)

Le philosophe Michel Foucault, explique que la prison a un but punitif. De ce fait, lorsqu’une personne commet un délit, en d’autres termes, transgresse les normes de la société, elle se retrouve privée de liberté en raison du désordre social qu’elle a engendré. Foucault nous indique également que le but de cette punition n’est pas la réparation du tort, mais l’évitement de la récidive. Il faut donc que la loi prévoie une sanction adaptée par rapport à l’infraction commise pour que l’individu ne recommence plus et que la cohésion sociale soit rétablie. (Foucault, 1975).

7.1.1.1 Sanction pénale moderne

Marc Ancel, auteur d’une théorie de la politique criminelle appelée « la Défense sociale nouvelle », nous invite à voir le système pénal d’un point de vue de la défense de l’humain. « L’humanisme judiciaire caractérise son courant et met sur le devant de la scène la défense sociale, la réhabilitation et la réinsertion du délinquant. Pour lui, la première nécessité est de faire en sorte que socialement réinséré, le délinquant ne commette plus d’infraction. Le but est donc de lutter contre la récidivité. » (Ancel, 1954)

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7.1.1.2 « La récidive comme fondement »

Le centre européen de formation au coaching professionnel nous éclaire également sur les conditions et les conséquences de l’isolement sur un individu suite à un délit. En effet, le centre explique que la peine doit sans doute atteindre l’humain dans sa dignité et son honneur. L’individu qui a enfreint les règles doit être sanctionné afin de réparer le tort qui a été causé à la société. De ce fait, la personne doit alors être privée de sa liberté afin de déclencher une prise de conscience du « mal » dans le but d’éviter toute récidive (coaching, 2016). Comme le dit Foucault, l’objectif est d’arriver à un « vivre ensemble » et de ne représenter plus aucun danger pour la société. L’idée de cette atteinte à la dignité est de décourager l’individu à récidiver à l’aide d’une sanction à la hauteur de son but. (Foucault, 1975)

Selon une étude canadienne sur l’évaluation du risque de récidive, il est impératif de prendre en compte plusieurs facteurs afin de déterminer s’il y a une menace ou non de ce genre de comportement. Ces facteurs sont ainsi liés à des facteurs statiques et dynamiques lors de l’arrestation. (Vacheret, 2005)

• Facteur statique : âge, infraction, peine et incarcérations antérieures

• Facteurs dynamiques : emploi, relations matrimoniales et familiales ainsi que les relations sociales

Nous soulevons donc que le risque de récidive et la réinsertion sociale grâce à l’entourage sont intimement liés

La psychiatre Alexandra Baratta explique également que le risque de récidive est une évaluation de la dangerosité criminelle. Premièrement, l’instabilité professionnelle, la qualité de vie conjugale et les antécédents judiciaires sont des facteurs aggravant le risque. À cela, s’ajoute un comportement antisocial3, en d’autres termes, une personnalité antipathique et/ou impulsive. De plus, une dépendance

liée par exemple à l’alcool ou à une drogue augmente significativement les risques de récidive. Tous ces aspects mis en tension peuvent nous éclairer sur le potentiel niveau de la dangerosité criminelle de l’individu. Globalement, évaluer la capacité de discernement est un enjeu important. En effet, elle nous rend attentifs sur la prise de conscience du délinquant quant à son infraction. Nous pouvons remarquer ce phénomène par le biais du comportement de l’individu : si celui-ci minimise ou banalise par exemple son acte. (Baratta, 2011)

Toutefois, Alexandra Baratta avec son analyse nous explique que même si une personne réunit tous les facteurs à risque, celle-ci ne recommencera pas automatiquement à commettre d’autres délits. Nous ne pouvons donc pas présager avec certitude un avenir judiciaire sous prétexte que l’individu présente un risque accru de récidive.

(Baratta, 2011)

7.2 La famille de la personne détenue

Jusqu’ici, nous avons pris connaissance de la population carcérale. Le point de vue que nous avons abordé était davantage centré sur le détenu ainsi que sur les liens qu’il pouvait entretenir avec sa famille. Par conséquent, dans cette partie du Travail de Bachelor, nous nous pencherons davantage sur les conséquences de l’incarcération sur la famille. Il a été important de bien définir précédemment le milieu carcéral pour comprendre les enjeux familiaux qui se cachent derrière cet emprisonnement. Les premières études concernant les familles des détenus sont apparues vers les années 1975. (Coninck, 1982)

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Maître de conférences à l’Université de Lyon et sociologue, Corinne Rostaing a mené une recherche autour des familles face à l’incarcération. Dans son livre « La famille à l’épreuve de la prison », elle explique les enjeux familiaux lorsqu’il y a un emprisonnement dans la famille. (Touraut, 2012) Corinne Rostaing parle « d’expérience carcérale élargie », c’est-à-dire que le système carcéral condamne également la famille hors de ses murs. (Rostaing, 2012)

7.2.1 La famille en crise

La sociologue Géraldine Bouchard (2007) explique quant à elle que l’incarcération engendre un réel processus d’adaptation au quotidien. Elle définit la détention comme un processus de « prisonniérisation ». En d’autres termes, la famille doit inclure la prison dans son quotidien. Ainsi, l’incarcération du père/époux provoque une précarisation affective, sociale et économique en sein de la famille. Par conséquent ceci provoque des conséquences qui sont décrites ci-dessous :

(Bouchard, 2007)

7.2.1.1 Niveau psychologique

L’arrestation marque le début de cet univers carcéral. En effet, une fois que la personne a été arrêtée et transférée dans un établissement pénitencier, le choc pour la famille intervient. C’est à partir de cet instant que les corps sont physiquement séparés. Pour la sociologue Corinne Rostaing, ce moment est d’une violence extrême pour la famille, car l’équilibre est complètement chamboulé. (Rostaing, 2012) L’arrestation engendre une crise familiale; entre dans le processus de la « prisonniérisation », le monde judiciaire et carcéral s’ouvre. La famille doit alors stabiliser sa vie avec l’absence d’un de ses membres. (Bouchard, 2007)

Dans un premier temps, comme nous l’avons vu, face à l’emprisonnement le choc est une des premières conséquences. Selon Kubler Ross, le choc est « une émotion violente, perturbation causée par un événement brutal ». Les réactions de cet état de choc sont les mêmes que pour un deuil. Celles-ci sont : le déni, la colère, le marchandage, la dépression, et l’acceptation. (Kubler-Ross, 1990)

Dans un 2e temps, la crise familiale est l’autre conséquence immédiate face à l’emprisonnement. Selon Mazade : « la crise devient l’incapacité à assurer le contrôle de son parcours de vie, à maîtriser la contagion à tous les domaines ». (Mazade, 2011, p. 13)

Pour Billé : « la crise est cette période pendant laquelle l’ancienne organisation relationnelle n’est plus adaptée tandis qu’une nouvelle organisation se prépare, mais n’est pas encore advenue. La crise est donc une période d’incertitude pour tous ». (Billé, 2007, p. 75)

En d’autres termes, la crise est une situation qui touche toutes les sphères de la vie. L’organisation de la vie est déséquilibrée. Au fur et à mesure, il faut ainsi trouver un nouveau quotidien. Dès lors, selon Caroline Touraut, c’est à l’épouse d’assurer cette nouvelle réorganisation familiale. (Touraut, 2012)

7.2.1.2 Niveau sociologique

Dans l’ouvrage « Vivre avec la prison », Géraldine Bouchard, nous explique que les familles du détenu vivent une stigmatisation sociale et un repli social. (Bouchard, 2007)

De plus selon Caroline Touraut, les proches font face à une grande stigmatisation sociale. En effet, ils sont perçus dans la société comme des personnes vulgaires et dangereuses. Ils sont donc traités au même niveau que la personne détenue. Ce point sera détaillé plus précisément dans le concept qui est la stigmatisation des proches des détenues. (Touraut, 2012)

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7.2.1.3 Niveau affectif

Selon Corinne Rostaing, la famille est face à un grand dilemme lorsqu’un membre de la famille est incarcéré. En effet, au commencement du processus, la famille doit choisir si elle souhaite ou non continuer d’avoir des liens et soutenir la personne ayant commis un acte illégal. Comme mes cas empiriques sont des familles qui ont décidé de soutenir leur proche, je vais essentiellement orienter ma recherche dans cette direction. (Coninck, 1982)

Par ailleurs, lorsque le père/mari se retrouve en maison d’arrêt, il est privé d’exercer son rôle « d’époux » ou de « père ». Afin qu’il ne soit pas complètement dépossédé de ses deux rôles, son épouse s’investit énormément pour maintenir les liens afin qu’il puisse garder son identité sociale de (père) et (d’époux). (Touraut, 2020)

Maintenir des liens affectifs peut être bénéfique pour les deux parties. Le lien affectif se transforme donc en lien symbolique par les visites dans les parloirs et les échanges épistolaires. De plus les colis et les vêtements apportés sont aussi une façon d’entretenir les liens. (Touraut, 2012)

Nous voyons donc que dans certains cas, la prison ne biaise pas la relation familiale. Celle-ci a plutôt pour effet de les transformer. Les liens peuvent en revanche être fragilisés.

7.2.1.4 Niveau socio-économique

L’aspect social et économique de la famille est dans le cadre de ma problématique lié. Nous allons dans cette partie mettre en tension les différents rôles dans la famille. Selon Rémi Lenoir, qui cite la définition de Durkheim, la « famille sous-tend des liens sociaux importants : c’est un noyau constitué par deux individus de sexe opposé et leurs enfants en bas âge. Elle est une réponse sociale à un besoin biologique découlant de l’extrême dépendance des hommes ». Cette définition est très pertinente pour mon travail de recherche puisque je m’intéresse aux familles traditionnelles. (Lenoir, 2017 , p. 145)

Comme l’affirme Caroline Touraut, les « familles de détenus » font souvent partie d’une classe sociale populaire où le modèle familial traditionnel est encore présent. (Touraut, 2020)

Dans le modèle de famille « traditionnelle », l’homme travaille et son épouse reste à la maison. Dans cette conception, le rôle de l’homme est d’amener un revenu et subvenir aux besoins financiers de la famille. De plus, le père a également un rôle qui représente l’autorité et le contrôle du foyer. Quant à la femme, son rôle consiste principalement à assumer l’éducation des enfants ainsi que les tâches domestiques. En outre, elle entretient également un rôle qui représente l’amour et l’affection. Elle incarne la volonté d’être une « bonne mère » ainsi qu’une « bonne épouse ». Elle est l’emblème de la maternité. (Castelain-Meunier, 2011)

Puisque l’homme détient les ressources financières, lors de son incarcération, sa famille se retrouve sans revenu. C’est pourquoi il me parait pertinent d’enquêter sur ce type de famille « traditionnelle », afin d’analyser quelles ressources sont mobilisées par la famille pour combler ce vide important.

Avec l’arrestation du mari, l’organisation familiale se retrouve déstabilisée. Gérard Conick utilise par ailleurs les termes suivants : interruption des modèles d’interaction habituels » (Coninck, 1982, p. 86). Par conséquent, il y a une rupture des rôles qui a un impact direct sur l’aspect social et économique de la famille, car l’épouse doit trouver les ressources manquantes ailleurs. (Coninck, 1982) En effet, selon l’étude de Caroline Touraut, l’incarcération du mari, entraine une « rupture brutale » des rôles dans le quotidien de la famille. (Touraut, 2020)

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7.2.1.4.1 L’aspect centré sur le genre

Lorsque le père de famille est mis en maison d’arrêt, il est dans l’impossibilité de jouer son rôle et donc de subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi l’homme perd beaucoup d’autonomie contrairement à son épouse qui devient plus indépendante. Ce qui renverse le modèle familial traditionnel qui est encore présent pour les personnes détenues ainsi que sa famille. (Touraut, 2020).En effet, la mère doit se réorganiser afin de stabiliser la situation de crise ainsi son rôle de base s’élargit. En outre, elle doit trouver des stratégies concernant la vie quotidienne et assurer un revenu afin de subvenir aux besoins de sa famille tout en s’occupant parallèlement de l’éducation des enfants (Rostaing, 2012)

Du côté de l’homme, celui-ci peut se sentir affaibli par cette perte de pouvoir social et économique. En effet, cet aspect atteint l’identité genrée de l’homme qui est censé montrer de l’autorité ainsi que le pouvoir du foyer. Par conséquent, comme il ne fait plus partie du quotidien familial et n’est plus une ressource pour la famille, un sentiment d’impuissance peut ressortir. Cette perte d’identité peut conduire à une certaine agressivité et un contrôle excessif sur sa conjointe. Par ailleurs, cette volonté de contrôle s’accroît du fait qu’il se retrouve dans un univers purement masculin qui le pousse à démontrer davantage sa virilité par crainte du jugement des autres détenus. Pour la personne détenue, c’est ainsi qu’il peut encore exercer son rôle « autoritaire » de père de famille, et ainsi garder le contrôle sur sa partenaire et mère de ses enfants. (Touraut, 2020)

C’est pourquoi la juxtaposition du rôle de l’épouse et celui du mari est difficile et devient une nouvelle source de conflit durant l’incarcération. Il en revient en effet à la femme de s’organiser seule à l’extérieur de la prison pour gérer une famille qui est a priori peu favorisée. Ainsi, on peut parler d’une hypertrophie de la masse de charges que doit porter l’épouse (Touraut, 2020).

7.2.1.4.2 Généralités sur la communauté albanaise

En Suisse, la communauté albanaise représente plus de 300'000 personnes. Il s’agit d’une des plus grandes diasporas en Suisse. Les premiers immigrés albanais sont arrivés en Suisse dans les années 1960-1970 en tant que saisonniers. Par ailleurs, vers les années 1990, une deuxième vague est apparue en Suisse pour des raisons de conflits avec l’ex-Yougoslavie (Kajtazi, 2012, p. 11).Toutefois, Barbara Burri Sharani et al. (2010, p. 5)) explique qu’à ce jour, peu d’études en lien avec cette population ont été menées.

7.2.1.4.3 Intégration socio-économique des Albanais en Suisse

Les Albanais qui ont émigré en Suisse ont occupé essentiellement des postes sans qualification nécessaire dans le domaine de l’agriculture, du bâtiment, de l’industrie et de l’hôtellerie. À ce jour, un grand nombre d’hommes albanais travaillent encore dans ces domaines. Cette population est surreprésentée dans la catégorie « sans formation post-obligatoire ». En effet, près de 40 % des hommes albanais n’ont pas de formation post-obligatoire contre 60% de femmes albanaises. (Burri-Sharani, 2010, p. 42)

En ce qui concerne les femmes albanaises, elles sont principalement venues en Suisse grâce à un regroupement familial accordé à leur mari. En arrivant en Suisse, elles ne connaissent pas la langue locale contrairement à leur mari qui a acquis une certaine maîtrise de la langue en raison de leur activité lucrative. Ainsi, le rôle des femmes s’est davantage limité à l’éducation des enfants ainsi qu’à la tenue du ménage. D’après l’étude de Burri-Sharani et al. (2010, p. 42), ceci a eu des conséquences sur l’intégration de ces femmes albanaises en Suisse.

Les femmes albanaises ne sont pas autant représentées sur le marché du travail que les hommes albanais. Pour expliquer ce fait, Burri-Sharani et al. (2010) utilisent le terme de « gardienne de foyer » pour définir le rôle traditionnel des femmes albanaises. De plus, comme nous l’avons vu, 60 % de ces femmes n’auraient pas de formation post-obligatoire. De ce fait, ces dernières sont moins qualifiées que les hommes. (ibid., p. 62)

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Les enfants des immigrés kosovars que l’on nomme les « Secondos4 », sont soit venus enfants soit ils

sont nés en Suisse. L’étude de Burri-Sharani et al. (2010) expose le fait que cette population s’oriente davantage vers une formation type CFC. Par ailleurs, ces derniers se lancent dans une formation souvent tardivement, car ils peuvent être sujets à des discriminations sur le marché du travail. (ibid., p. 88) 7.2.1.4.4 L’identité albanaise :

L’écrivain albanais Pashko Vasa, militant pour une unification des communautés albanophones, cité par Artan Puto, disant : «Feja e shqiptarit është Shqiptarija» (la religion de l’Albanais c’est le fait d’être Albanais). Ainsi leur identité nationale est très importante. (Puto, 1999)

La structure familiale :

« La structure familiale albanaise repose traditionnellement sur quatre piliers. Le premier, la filiation patrilinéaire implique que l’individu appartient au groupe parental consanguin de son père et que les droits se transmettent uniquement par ce dernier. Le deuxième, l’exogamie, désigne l’obligation de se marier à l’extérieur du groupe familial ou du clan. Le principe de résidence patrilocale, qui forme le troisième pilier, impose à la mariée de quitter son foyer d’origine pour rejoindre celui de son mari. Quant au dernier, il s’agit du droit des successions, qui réserve le droit d’héritage aux hommes. Ces structures familiales consacrent la domination de l’homme et la subordination de la femme dans la famille albanaise traditionnelle » (Burri-Sharani et al., 2010, p. 80)

La structure familiale est régie par le « Kanun de Lek Dukagjin», un droit coutumier5 qui réglemente la

vie quotidienne des Albanais depuis le XVe siècle. Il repose sur quatre piliers importants : l’honneur, l’hospitalité, la rectitude ainsi que la loyauté.

Dans ce TB, nous allons nous pencher davantage sur l’honneur et la loyauté. En effet, dans cette législation coutumière on y trouve les rôles sociaux distincts entre l’homme et la femme. Tout d’abord, dans la tradition, lors du mariage, la femme passe de l’autorité paternelle à celle de son époux et de sa belle-famille. Le rôle de la femme albanaise est d’entretenir la maison6 ainsi que de s’occuper de

l’éducation des enfants. Le rôle de l’homme quant à lui est d’apporter le soutien financier et matériel afin de subvenir aux besoins de la famille. Par conséquent, l’honneur est important. En effet, si la femme déshonore son époux, il lui revient de droit de demander des intérêts et des dommages à la famille de son épouse. L’honneur de la femme albanaise commence préalablement dans sa famille. En effet, dès son plus jeune âge on lui apprend à ne pas faire « honte » à la famille au risque de se faire renier ou de se faire assassiner, ce qui permettra à sa famille de retrouver son honneur. (Burri-Sharani et al., 2010, p. 82).

À ce jour, une envie de modernisation inspirée des pays occidentaux est en pleine expansion au Kosovo. Toutefois, ces traditions n’ont pas tout à fait disparu, elles s’avèrent même être encore importantes pour de nombreux foyers albanais. (Burri-Sharani et al., 2010)

Concernant les « Secondos » kosovars, un fait important a été relevé par Burri-Sharani et al. (2010). En effet, dans son étude, elle cite Schif et Fauer qui parlent de « traditionalisation secondaire ». En effet, ces derniers ont relevé le fait qu’il existerait un écart concernant la volonté de pratiquer les traditions entre la population albanophone résidant en Suisse et celle restée au pays. La deuxième génération en Suisse n’assiste pas au processus de modernisation sociétale qui a lieu dans le pays d’origine.

4« En ce qui concerne les migrants kosovars, le terme de « deuxième génération » ou de « secondos » doit être légèrement

adapté en ce sens que le regroupement familial s’est produit pour l’essentiel dans les années 1990 seulement. Dans la présente étude, lorsque nous parlons de la deuxième génération, nous comprenons aussi les enfants et les jeunes qui sont arrivés en Suisse dans leur tendre enfance ou qui y sont nés et dont la mère ne vivait en Suisse que depuis peu ». (Osmani 2009, p. 88)

5 Qui réglemente ; la hiérarchie familiale, succession, litiges – de même que le respect des rituels et des traditions –

célébration des fêtes et des mariages et enterrements.

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Les jeunes Kosovars en Suisse auraient davantage envie de pratiquer les traditions et restent à l’écart de cette nouvelle évolution. Par ailleurs, il est important de relever que lorsqu’une union maritale se forme entre un secondos et une personne vivant au pays, une forte envie du maintien des rôles traditionnels est présente. De plus, il persiste encore de nombreux jeunes immigrés kosovars en Suisse qui font venir leur époux/épouse du Kosovo. (Burri-Sharani et al., 2010, p. 88)

7.3 Stigmatisation des proches des détenus

Dans l’ouvrage « Vivre avec la prison », Géraldine Bouchard, nous explique que les familles du détenu vivent une stigmatisation sociale et un repli social. En effet, la famille doit justifier l’absence du conjoint une fois incarcéré. La sociologue démontre que pour une partie des familles, assumer l’incarcération du mari s’avère difficile. Ainsi, elle explique également le fait que les liens entre le voisinage, le cercle amical et professionnel et la famille du détenu deviennent difficiles à entretenir. En effet, ces derniers peuvent penser que les proches du détenu ne sont pas complètement innocents. Par conséquent, la famille est réduite à une image de criminel au même niveau que la personne qui a commis le délit

.

De ce fait, la famille est considérée à ce moment comme « famille du détenu ». Leur image sociale est péjorée ce qui traduit une disqualification sociale à connotation péjorative qui évoque la violence, la dangerosité et l’immoralité. (Bouchard, 2007)

Les proches sont finalement rejetés par l’entourage. Ainsi, cette exclusion peut amener la famille à devoir éviter la société, car le regard des autres est difficilement supportable. Cette situation peut alors amener à un repli social et à un sentiment de honte, ce qui peut engendrer des conséquences sur l’estime de soi. De plus, ces regards sont souvent d’une extrême violence. Dans ce cas, la famille s’isole complètement et les liens sociaux se limitent à l’intérieur de la famille. (Bouchard, 2007)

La sociologue Gwénola Ricordeau nous invite à prendre connaissance de sa recherche autour de la famille des détenus. Elle nous explique ainsi que suite à ce repli social, la famille peut parfois être atteinte de troubles psychiques liés à l’angoisse et à la tristesse. Cet isolement peut également parfois amener l’épouse à un état dépressif. Pour illustrer ce mal-être, Ricordeau utilise l’expression : « la famille est prisonnière de son propre foyer ». (Ricordeau, 2008)

À mon sens, ces deux auteures nous font prendre conscience de l’importance de la prise en compte de la stigmatisation des proches du détenu. Nous voyons ainsi que la famille est dans une position de vulnérabilité alors qu’elle n’est pas responsable de l’acte illégal de la personne mise en maison d’arrêt. 7.3.1 Définitions

Nous allons parcourir trois définitions différentes qui font l’objet de ma recherche concernant la stigmatisation.

Comme mon développement est autour de la stigmatisation des prisonniers, il me semble pertinent de vous exposer une définition afin que vous appréhendiez mieux mon thème et pourquoi la stigmatisation et la déviance sont liées.

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§ Selon Erving Goffman, un individu stigmatisé « se définit comme n’étant en rien différent d’un

quelconque être humain, alors même qu’il se conçoit (et que les autres le définissent) comme quelqu’un à part. » Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes normatives des autres à propos de son identité. (Goffman, 1973, p. 161)

§ La stigmatisation selon Massé et Brault : il s’agit d’un « processus discriminatoire » qui se caractérise par « une réaction sociétale face à l’individu déviant, lequel à partir du moment où ne se conformant pas à l’ensemble des normes de son milieu, suscite chez les autres un malaise et une tendance à l’étiqueter c’est-à-dire, à lui appliquer une identité négative centrée uniquement sur l’action déviante qu’il a posée, sans tenir compte des autres facteurs de sa personnalité qui eux peuvent être positifs ». (Massé & Brault, 1979, p. 75)

Dans l’ouvrage « le Stigmate », Goffman nous explique que le stigmate existe dans chaque société. En effet, partout dans le monde, dès lors que nous ne nous conformons pas aux règles de la société locale, nous prenons le risque d’être jugés. L’auteur a ainsi repéré deux identités différentes :

§ L’identité sociale virtuelle, en d’autres termes, ce que la société veut que l’on soit : « la norme sociale »

§ L’identité sociale réelle, en d’autres termes, ce que nous sommes réellement

(Goffman, 1973, p. 32)

Il y a donc des interactions appelées « mixtes » entre ces deux groupes d’individus. On les appelle ainsi, car ces derniers ne font pas partie de la même catégorie sociale, d’où le terme mixte. En raison de ces échanges, les individus ne correspondant pas aux normes sociales sont mis à l’écart et sont stigmatisés. Par conséquent, ces personnes sont discréditées aux yeux de la société. En effet, commettre un crime n’est pas la norme . (Goffman, 1973, pp. 30,31)

Selon Goffman, il existe des stigmates tribaux qui peuvent être par exemple la nationalité ou la religion. En l’occurrence, le détenu et sa famille font partie de ce stigmate. (Goffman, 1973, p. 14)

Comme nous évoquons les stigmates, il en existe également pour la population albanaise résidant en Suisse. En effet, selon l’étude de Burri-Sharani et al. (2010), les hommes albanais souffrent d’une représentation médiatique assez négative. En effet, ils sont perçus comme des hommes violents, machistes et souvent impliqués dans des affaires de drogues. Concernant les femmes albanaises, les images plutôt véhiculées sont celle de femmes victimes et soumises.

7.3.2 L’étiquetage et la stigmatisation

La théorie de l’étiquetage selon Becker explique que la criminalité est à la fois une transgression des lois pénales et des normes sociales. Ces normes sont différentes pour chaque société. De ce fait, lorsqu’une personne est mise en maison d’arrêt, elle n’a pas respecté les normes pénales et sociétales. Cette dernière est donc victime d’une étiquette très négative. Pour Becker, la stigmatisation sociale est une « sanction sociale », car les normes sociétales n’ont pas été respectées. Cet aspect punitif a pour objectif de réduire le risque qu’un acte déviant soit commis à nouveau. Paradoxalement, la famille du détenu vit la même chose que la personne déviante, alors qu’elle n’est pas responsable. L’étiquette négative se répand simplement sur toute la famille. Comme précité, Becker affirme également que cette stigmatisation est à l’origine d’une très grande souffrance, les personnes ressentent une grande honte. (Becker, 1985, p. 201-237)

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7.3.3 Le stigmate et la haine de soi

Nous avons vu que la notion de stigmate a des conséquences sur les individus qui la subissent. Nous avons ainsi démontré autour de cette analyse que le stigmate est un problème lié à la société et au psychisme. Alberto Eiguer explique que la stigmatisation est un défaut social, une marque ainsi qu’une souffrance. De ce fait, ce phénomène déclenche une culpabilité et une honte pour ceux qui supportent ce regard lourd. (Eiguer, 2013 )

Alberto Eiguer s’est intéressé aux sentiments de honte que ressentent les stigmatisés. Il énonce le fait que le regard négatif d’autrui est un facteur incontestable pour le bien-être d’une personne. L’auteur nous confirme alors que l’individu va commencer à détester son « moi », car ce dernier est considéré comme un défaut dans la norme. À partir de là, la discrimination commence peu à peu à s’installer. Par conséquent, des vies professionnelles peuvent être brisées, les perspectives d’avenir se rétrécissent et des liens sociaux se perdent. Après tout ce processus, l’individu développe une grande haine de soi et son amour propre commence à diminuer. Cet état d’esprit peut ainsi aller jusqu’à un état dépressif. (Eiguer, 2013 )

« La honte est un sentiment douloureux et sensible que l’on préfère ne pas extérioriser. Elle engendre le silence, le repli sur soi jusqu’à l’inhibition. Il faut des circonstances bien particulières pour enfin oser dire, oser raconter ». (Gaulejac, 1996 )

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8 Méthodologie

8.1 Question de recherche

La question de départ a évolué grâce aux éléments du cadre théorique. En faisant des recherches, j’ai identifié que la culture d’origine d’une personne pouvait influencer ce processus d’emprisonnement. Ma question de recherche est la suivante :

« Comment la famille surmonte-t-elle l’emprisonnement du père, ? Qu’en est-il des dilemmes pour une femme albanaise ? »

De plus, la dimension du « genre » est également relevée dans mon travail de Bachelor, plus précisément pour la population albanaise. Toutefois, par le manque d’études scientifiques sur la population albanaise, j’ai pu me baser principalement sur l’étude collective de Burri-Sharani et al. (2010) dans mon cadre théorique. Par conséquent ceci ne peut pas être représentatif pour toute la communauté albanaise.

8.2 Les hypothèses de compréhension

À partir des éléments évoqués, je propose ainsi de formuler les hypothèses suivantes :

1. L’incarcération de la figure paternelle engendre principalement une perte matérielle Nous avons vu que l’emprisonnement peut avoir des conséquences sur l’aspect financier, l’aspect affectif ainsi que l’aspect social. Nonobstant, à mon sens, la perte matérielle se trouve être la perte la plus conséquente. En effet, la mère se retrouve seule afin de subvenir aux besoins de la famille. De plus, cette dernière se retrouve dans l’obligation d’assumer les frais liés à l’incarcération (les visites, l’argent de poche, les colis, etc.).

2. La famille du détenu ressent de la honte et se sent stigmatisée par la société

Comme la prison évoque « le mal », la famille ressent de la honte et se sent stigmatisée aux yeux de la société. De ce fait, elle ne se sent pas dans la capacité de parler de l’incarcération du membre de la famille en public. Par ailleurs, celle-ci a honte de s’exprimer sur le sujet aux voisins, aux amis ainsi qu’aux collègues par peur de subir des critiques. La famille reste ainsi en exclusion par peur du jugement social.

3. Le statut socio-économique influence fortement la nouvelle organisation familiale. Je présuppose que si la situation se trouve déjà être instable avant l’emprisonnement, l’incarcération accentuera la précarisation de la situation familiale. Par ailleurs, dans le cas où les épouses n’ont pas de diplôme ou d’expérience professionnelle, des complications pour trouver un emploi interviennent. De plus, des enfants en bas âge compliquent certainement la possibilité de trouver un emploi. Toutefois, ces dernières doivent trouver une nouvelle organisation familiale ce qui conduit à un gain en indépendance pour celles-ci. Par conséquent, je pense que la stabilité familiale passe principalement par l’obtention d’emploi pour les épouses.

Afin de vérifier ces hypothèses, j’ai décidé de faire appel à des familles que j’ai rencontrées lors de mes formations pratiques ainsi que dans mon entourage personnel.

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8.3 Le terrain d’enquête et échantillon

Pour mon travail de Bachelor, j’ai questionné7 quatre personnes : trois épouses de détenu et une

assistante sociale qui a accompagné une des épouses rencontrées. N’ayant pas eu les moyens de m’entretenir avec d’autres professionnelles, je me suis basée sur le témoignage de cette travailleuses sociale pour renforcer mon analyse. Toutefois, j’ai bien conscience que ceci ne peut pas être très représentatif

Afin de pouvoir mener cette recherche, j’ai sélectionné des familles qui correspondaient à certains critères d’inclusion.

Les critères d’inclusion pour cette étude étaient : • Être de sexe féminin

• Être domiciliée en Suisse

• Être en possession d’un permis de séjour (B/C) ou être de nationalité suisse • Être majeure

• Être la partenaire d’un individu incarcéré 8

• Avoir au minimum, un enfant avec l’individu incarcéré • Avoir maintenu le lien avec l’individu incarcéré9

8.4 Les personnes interrogées et la prise de contact

Dans un premier temps, j’ai contacté la famille10 que je connaissais personnellement. En effet, j’ai eu

l’occasion d’accompagner cette famille depuis que le père/époux est en prison. Pour ma recherche, j’ai simplement demandé à l’épouse si elle était d’accord que je l’interroge sur son expérience lors d’une de nos rencontres.

Dans un deuxième temps, grâce à mon cercle d’amis principalement dans la communauté albanaise, j’ai été mise en relation avec une femme albanaise ayant son mari en prison. Dès lors, je l’ai contactée par téléphone et lui ai présenté ma demande.

Finalement, j’ai pris contact avec ma praticienne formatrice. D’une part pour lui soumettre mon envie de l’interroger. D’autre part, je lui ai évoqué mon envie de me mettre en contact avec la troisième épouse que je pensais interroger. Néanmoins, nos contacts se sont limités à des entretiens téléphoniques en raison du Covid-19.

7 Canevas des question annexe 2

8 Cet élément comprend le concubinage, les fiançailles et le mariage

9 Le lien caractérisé par, entre autres : des visites sur le lieu d’incarcération, apport d’un soutien financier, échange

épistolaire, envoi de colis,

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§ Échantillon

v Des familles

Âge Origine Durée de l’union Niveau formation de Profession

Exerçant actuellement une activité lucrative Nombre d’enfants Durée de l’incarcération du mari jusqu’à ce jour

Dona 32 Kosovo 8 ans Gymnase

Kosovar Ouvrière Non 2 2 ans

Nora 29 Kosovo 10 ans École

secondaire au Kosovo

Non 1 16 mois

Alba 36 Kosovo 13 ans Universitaire,

Kosovo Ouvrière Non 3 8 mois

v Professionnel

Lieu de travail Expérience AS Nombre dossier suivie (en lien avec ma thématique Profession

Assistante sociale

Valérie De Smet Caritas, dettes Neuchâtel 15 ans 25 dossiers Assistante sociale

8.5 Les méthodes de collecte

La méthode de recherche que j’ai utilisée pour mon Travail de Bachelor est celle des entretiens semi-directifs. En effet, je me suis basée sur une enquête qualitative pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour des raisons de faisabilité, car il m’aurait été difficile de trouver un nombre conséquent de témoignages si j’avais choisi de mener une enquête quantitative. Par ailleurs, les questions que j’ai choisi de poser à mes enquêtées sont ouvertes. Ainsi, l’échantillon se prête mieux grâce à la profondeur et à la qualité des récits.

Ainsi, les éléments importants peuvent davantage ressortir ; le langage non verbal, les émotions sur le visage, le regard ainsi que l’intonation de la voix qui sont des facteurs essentiels. De plus, comme les entretiens semi-directifs se font grâce à un échange de vive voix, j’ai pu utiliser la méthode de reformulation afin de m’assurer d’avoir bien compris ce que la personne en face de moi voulait me communiquer.

Toutefois, durant les entretiens, j’ai dû user de thèmes plus généraux afin que cela ne devienne pas un interrogatoire. Je voulais donc laisser le libre choix à l’enquêtée de me répondre selon son envie, mais sans pour autant s’écarter du sujet. En effet, la question ouverte permet de moins influencer la personne dans ses réponses. Afin, de réussir au mieux le déroulement de mes entretiens, je me suis inspirée du livre « Méthodes de recherches en sciences humaines » de Jones. (Jones, 2000)

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8.6 Risques méthodologiques

Un risque que m’évoque ce travail est la méthode de recherche liée à la tenue des entretiens. Cette expérience m’a en effet rendue attentive à des enjeux que j’ignorais. J’ai ainsi constaté empiriquement que les formulations de mes questions ainsi que le déroulement de l’entretien sont essentiels. Par ailleurs, la signification des mots peut différer, il est donc possible que notre interlocutrice ne comprenne pas le sens de notre question. Il est donc de notre devoir en tant que professionnelle de mener à bien un entretien et de faire en sorte que la personne comprenne le plus clairement possible.

En outre, la posture de non-jugement était indispensable afin que l’entretien se passe bien. En effet, lorsque la personne interrogée nous donne une réponse qui peut être déconcertante, il est important en tant que professionnel de garder une posture de non-jugement afin de ne pas mettre la personne dans une situation inconfortable. Souvent, durant ces échanges, les interviewés nous font part d’éléments personnels et sensibles. Ma thématique est relativement « taboue », il a été de mon devoir de créer une ambiance chaleureuse durant les échanges.

8.7 Déroulement de l’entretien

Les entretiens effectués avec les épouses se sont déroulés dans des lieux où la confidentialité a pu être respectée. Pour Dona, l’entrevue s’est déroulée dans son appartement. Pour Nora, nous avons effectué un entretien par Skype où nous étions à notre domicile. Pour Alba, nous avons effectué un entretien téléphonique où nous étions également toutes les deux à notre domicile. Par ailleurs, l’entretien avec l’assistante sociale s’est déroulé dans son bureau professionnel.

J’ai commencé les entretiens en me présentant et expliquant la raison qui m’a poussée à les contacter. En d’autres termes, j’ai expliqué une seconde fois le sujet de ma recherche. Par la suite, je les ai informées qu’elles étaient tout à fait libres de ne pas répondre aux questions qui pouvaient les heurter d’une manière ou d’une autre.

Dans un deuxième temps, j’ai demandé l’autorisation d’enregistrer la conversation avec un dictaphone afin que je puisse retranscrire les entretiens. J’ai par ailleurs précisé être la seule en droit d’écouter ces vocaux dans le seul but d’élaborer au mieux mon analyse. En outre, j’ai été attentive au fait qu’aucun nom ou description précise ne puisse apparaître dans l’audio afin de respecter au mieux les règles de confidentialité. Ces enregistrements seront alors détruits lorsque je n’en aurai plus l’utilité.

Pour moi, il était important de mettre à l’aise mes enquêtées avant de commencer l’interview afin d’instaurer un climat de respect.

Par ailleurs les entretiens ont eu une durée en moyenne de 45 minutes. Mes questions étaient basées en rapport à mes hypothèses. En effet, j’ai abordé les thèmes de la précarité, du statut socio-économique ainsi que sur la stigmatisation. L’aspect du genre a été relevé en fonction des réponses qu’elles m’ont données.

Finalement, pour l’élaboration de mon analyse, cela s’est principalement fait en deux étapes. Tout d’abord, j’ai retranscrit les entretiens. Par la suite, j’ai souligné les éléments importants qui allaient m’aider a répondre à mes hypothèses. Finalement, j’ai créé des fichiers Word pour les différentes thématiques où j’ai transféré les informations pertinentes.

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8.8 Impression personnelle

Étant de nature émotive et sensible, j’ai essayé de gérer au mieux mes émotions lorsque j’ai rencontré des situations difficiles. Nonobstant, en choisissant ce thème, j’étais consciente que j’allais entendre des choses touchantes qui pouvaient m’affecter. J’ai tout de même décidé de poursuivre ma recherche ce qui m’a permis d’effectuer un travail sur moi-même et de garder une posture professionnelle.

De plus, j’ai tout de même remarqué une différence de qualité entre un échange de vive voix et un échange par téléphone. En effet, ce dernier s’est déroulé plus vite soit 15 minutes de moins que les autres Ainsi la participante est moins entrée dans les détails. Pour ma part, il m’a été plus difficile d’essayer de créer un climat de confiance par téléphone.

Pour mon travail de Travail de Bachelor, l’idéal aurait été de pouvoir m’entretenir avec l’ensemble des parties prenantes. C’est-à-dire, le détenu, sa famille ainsi que l’assistant social qui les a suivis. Ainsi, j’aurais eu l’occasion d’analyser entièrement une situation et il aurait été intéressant d’appréhender les différents points de vue pour une même famille. Ceci m’aurait permis d’effectuer une analyse approfondie. Or, au vu des circonstances du Covid-19, j’ai dû me limiter à m’entretenir avec une seule assistante sociale qui a suivi la participante 3.

8.9 Enjeux éthiques

Tout au long de mon Travail de Bachelor, j’ai travaillé avec des données sensibles. J’ai ainsi traité toutes les données personnelles de manière confidentielle et respectueuse. En effet, nous sommes soumis aux lois sur la protection des données11. C’est pourquoi lors de la rédaction de ma recherche aucun nom n’est

divulgué et il ne contient aucune description qui permet de reconnaître les enquêtées. De plus, j’ai mené mes entretiens dans des lieux non publics afin d’assurer une discrétion totale.

De plus, comme j’aborde le sujet des épouses de personne qui sont en prison, les biais genrés et d’origine peuvent également constituer des enjeux éthiques. En effet, le risque de stigmatisation d’une population qui est déjà stigmatisée en Suisse est possible. Pour ce faire, j’ai décidé de ne pas demander aux épouses l’acte criminel reproché à leurs maris. De plus, aucune description des familles a été faite hormis leur origine a été révélé afin de maintenir l’anonymat.

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9 L’analyse

Dans cette partie, je vais présenter l’analyse des données recueillies à travers les quatre entretiens que j’ai effectués. Ainsi, je vais illustrer mes hypothèses grâce aux témoignages des quatre enquêtées. Par la suite, tout ce bagage me servira à répondre à ma question de recherche. Pour finir, je vais terminer cette partie avec une réflexion liée sur la pratique professionnelle.

9.1 État de la famille avant l’emprisonnement

Afin de bien comprendre les enjeux sur les proches de la personne détenue, il est important de comprendre leur environnement familial avant l’emprisonnement.

La participante 1 : Dona

Dona est arrivée en Suisse il y a sept ans avec un regroupement familial accordé grâce à son mari qui avait un permis d’établissement. Lorsqu’elle est arrivée en Suisse, elle n’a pas pu continuer ses études, car le gymnase du Kosovo n’est pas reconnu en Suisse12. Toutefois, elle a été engagée comme opératrice

en horlogerie où elle a travaillé deux ans. Suite à sa première grossesse, elle a arrêté son activité lucrative pour l’éducation de son enfant. Par la suite, après deux ans de pause, l’entreprise l’a réengagée jusqu’à sa deuxième grossesse. À ce jour, le couple a deux enfants, le premier âgé de cinq ans le second de dix-huit mois. Avant l’emprisonnement, la famille vivait du revenu du mari qui était opérateur dans une usine (sans formation) ainsi que de ses allocations de maternité. En effet, Dona était en congé maternité au moment de l’arrestation. Son mari a été jugé à une peine privative de liberté de trois ans. À ce jour, cela fait deux ans qu’il est emprisonné.

La participante 2 : Nora

Nora est arrivée en Suisse il y a huit ans avec un regroupement familial accordé grâce à son mari qui a un permis d’établissement. Lorsqu’elle est arrivée en Suisse, sa belle-famille l’a accueillie. De plus, elle est tombée rapidement enceinte. Son enfant unique a sept ans. Avant l’emprisonnement, son mari travaillait de manière intérimaire dans une fonderie. Dès lors, la famille vivait dans le foyer des parents de l’époux qui étaient en Suisse depuis trente ans. Le salaire de son époux ne suffisait pas pour subvenir aux besoins de la famille. Ainsi, ils avaient besoin de l’aide des beaux-parents. Son mari a été jugé à une peine privative de liberté de deux ans avec une expulsion du territoire suisse de six ans. À ce jour, il a effectué seize mois de prison en Suisse. Il sera donc expulsé après son emprisonnement.

La participante 3 : Alba

Alba est arrivée en Suisse il y a douze ans avec un regroupement familial également accordé grâce à son mari qui possède la nationalité suisse. Titulaire d’un diplôme universitaire en psychologie au Kosovo, Alba n’a pas pu faire valoir sa Licence en Suisse. En arrivant sur le sol helvétique, Alba a été engagée comme opératrice en horlogerie où elle a travaillé pendant deux ans. En effet, il était difficile pour elle de concilier vie de famille et activité professionnelle. Elle a donc décidé d’arrêter son activité après son deuxième enfant. À ce jour, le couple a trois enfants en bas âge : l’un de dix ans, une de huit ans ainsi que la benjamine de cinq ans qui est atteinte d’un cancer. Avant l’emprisonnement, la famille vivait du revenu du mari qui était manœuvre en maçonnerie sans formation. Son mari a été jugé à une peine privative de liberté de quarante mois (trois ans et quatre mois). À ce jour, cela fait huit mois qu’il en maison de correction.

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25

Profils :

Dona

Albion

Nora

Egzon

Alba

Bashkim

Age 32 ans 38 ans 29 ans 31 ans 36 ans 45 ans

Origine Kosovo Kosovo Kosovo Kosovo Kosovo Kosovo

Age arrivé en Suisse et par quel moyen 25 ans, venu par regroupement familial grâce à son mari Considéré comme « secondos » 21 ans, venue par regroupement familial grâce à son mari Considéré comme « secondos » 25 ans Considéré comme « secondos » Statut Suisse

à ce jour Permis C Permis C Permis B Permis C Permis C

Nationalité Suisse Durée de

l’union 8 ans 9 ans 14 ans

Niveau de formation Gymnase Kosovar Sans formation post-obligatoire Gymnase Kosovar Sans formation post-obligatoire Licence en psychologie, obtenue au Kosovo Sans formation post-obligatoire

Profession Ouvrière Ouvrier - Fondeur

métallique Ouvrière Manœuvre maçon Exerçant

actuellement une activité

lucrative

Non Non Non

Nombre d’enfants 2 1 3 Peine écopée 3 ans 2 ans de prison 6 ans d’expulsion 3 ans et 4 mois Durée de l’incarcération à ce jour

2 ans 16 mois 8 mois

D’un point de vue légal, les trois hommes incarcérés ont été jugés à une peine de plus de trois ans. Selon l’article 10 alinéa 2 du Code pénal suisse, cela signifie qu’ils ont commis un crime. Cela équivaut à une longue peine privative de liberté en raison d’une violation grave de la loi.

Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique, selon Becker, en transgressant les normes pénales, les normes sociales ont également été déviées. Dès lors, la cohésion et la sécurité sociales ont donc été mises en danger par les trois hommes incarcérés. (Becker, 1985)

Afin de ne plus causer un désordre social, Foucault explique que la peine privative de liberté doit atteindre la personne dans sa dignité afin que celle-ci ne récidive pas à la fin de sa peine. (Foucault, 1975)

Ainsi, la cohésion sociale peut être assurée. Selon le centre européen de formation au coaching professionnel, cette privation de liberté doit déclencher une « prise de conscience du mal » pour que l’individu ne commette à nouveau plus de délit. (coaching, 2016)

Dès lors, l’aspect centré sur ces normes sociales et pénales sera analysé dans la partie réservée à la stigmatisation sociale dans cette perspective de « non-récidive ». L’étude de Vacheret (2005), dans le cadre théorique, nous informe que la famille est l’agent primordial quant au risque de récidive lorsque l’individu termine sa peine.

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