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12.1 Nouvelle vision de la problématique

En raison du délit commis par les prisonniers, aborder le sujet d’un accompagnement social et d’une forme d’éducation est pour l’instant selon les débats politiques peu envisageables. En effet, le professeur Fink explique que la société ne souhaite pas allouer davantage d’argent pour des personnes qui ont commis un acte criminel. Notre société est donc peu informée sur les bienfaits d’un accompagnement social qui aurait pour conséquence une diminution de la récidive à long terme. Selon Daniel Fink, qui enseigne à l’Université de Lausanne et à l’Université de Lucerne, les statistiques de la criminalité ainsi que les politiques criminelles démontrent effectivement que le milieu carcéral est un thème peu médiatisé excepté lorsqu’il s’agit d’un fait divers dramatique ou un événement frappant comment une fuite ou une récidive. (Fink, 2017 )

À ce jour, nous essayons de rendre notre métier plus professionnalisant. En effet, nous travaillons en interaction avec des individus qui ont des parcours de vie différents. La base de notre métier étant le lien social, le fruit de notre travail se fait alors à long terme. Il est en revanche difficile de convaincre les politiques d’investir plus d’argent dans ce domaine qui est encore perçu comme « invisible ». (Besnard, 2015 )

12.2 Nouveaux questionnements

La recherche que j’ai menée autour de cette thématique était essentiellement axée sur la famille de la personne emprisonnée. Or, toute cette analyse nous amène à la constatation que ce thème est relativement complexe et que plusieurs problématiques peuvent en découler. Le questionnement qui surgit à la fin de ce travail peut se rapporter aux inégalités de culture, de race ou de genre.

En effet, puisque les trois interrogées sont d’origine kosovare, mener une analyse autour de la population étrangère en prison aurait également été approprié. D’autant plus, que ce thème est médiatisé depuis de nombreuses années. Dans cette éventualité, se questionner sur les stéréotypes et les stigmates des hommes kosovars « criminels » aurait pris tout son sens, car cela participe à les renforcer. Par ailleurs, ces derniers souffrent d’une image médiatique relativement négative qui reflète le monde dangereux et violent de la prison. ( (Maillard & Shabani, 2016). En tant que travailleurs sociaux, nous pourrions mettre en place des projets ayant pour but de déconstruire ces stéréotypes.

Dans cette perspective, se questionner sur la manière dont l’emprisonnement est vécu selon la culture dont l’individu est issu aurait ainsi été intéressant. En effet, nous avons pu aborder en partie cette influence culturelle dans ma recherche. En tant que travailleur social, s’interroger sur cet axe permettrait d’ajuster l’accompagnement social. De plus, il y aurait un apport dans les connaissances en ce qui concerne les différences culturelles.

« Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes, mais des points de vue » Erving Goffman (1973, p. 161)

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12.3 Évolution professionnelle et personnelle

L’évaluation de mes objectifs professionnels et personnels qui sont énumérés à la page 7 de mon travail de Bachelor se fait lors de ce bilan. Néanmoins, je me rends compte que je suis dans l’incapacité de différencier les deux puisque dans mon cas ils sont liés.

Tout d’abord, ce travail de Bachelor est l’aboutissement d’un travail de remise en question qui m’a suivie pendant mes trois années de formation. En effet, étant de nature empathique et très émotive, ce travail de recherche m’a permis d’approfondir tout le travail effectué sur ces émotions. En effet, comme expliqué, j’ai choisi ce thème, car j’ai connu des situations similaires dans ma vie personnelle et professionnelle. Cependant, la raison pour laquelle j’ai choisi de mener une recherche autour de la famille des personnes détenues est que j’ai ressenti un « coup de cœur » pour ces femmes et ces enfants. Toutefois, cette formation et tout le travail effectué sur moi-même m’ont appris une chose essentielle : il est important d’« intellectualiser » tous ces ressentis et ces émotions.

En effet, en intellectualisant ce genre de situation, je suis aujourd’hui capable d’argumenter et d’expliquer quels sont la problématique et les enjeux qui en ressortent. Autrefois, il s’agissait uniquement de mes sentiments ainsi que du risque que je réduise ces personnes à leur statut.

Par ailleurs, j’estime avoir fait preuve de mise à distance ce qui représente pour moi une belle réussite. D’autant plus, que pour la participante 1, j’ai été une partie intégrante dans son parcours depuis deux ans. Cette situation m’a demandé un effort supplémentaire d’objectivité, mais qui est d’après moi atteint. De plus, ce travail m’a permis d’acquérir des connaissances théoriques dans ce domaine. Les enjeux sociétaux ainsi que familiaux qui touchent ces familles sont également bien assimilés. Par ailleurs, ce travail m’a permis de prendre conscience de mes failles personnelles comme la rédaction et la syntaxe d’un document écrit. À ce jour, ayant déjà fait beaucoup de progrès, je pense que ceci reste néanmoins encore une de mes plus grandes faiblesses sur laquelle je dois travailler. Or, un travail écrit m’a permis de construire une pensée et de la structurer. En effet, je suis plus compétente lorsque je prends de la distance avec mes émotions. Ce travail m’a permis de déconstruire ces émotions et de les argumenter.

La gestion de mon stress durant tout le processus a été un élément sur lequel j’ai dû travailler. Bien entendu, je ne me suis pas laissée emporter par ce dernier grâce entre autres à la mise en place d’outils qui m’ont aidée à le gérer. De plus, en ayant pris la décision de réaliser mon travail de Bachelor de manière individuelle, j’ai dû faire preuve de discipline seule pour effectuer un travail régulier.

12.4 Bilan méthodologique

Sur le plan méthodologique, j’ai rencontré quelques difficultés. En effet, lors de l’élaboration de cette recherche, maintenir le fil rouge et garder en vue ma problématique a été difficile. En effet, en parcourant des ouvrages ainsi qu’en menant les entretiens, j’avais tendance à vouloir faire ressortir des éléments qui n’étaient a priori pas pertinents à ma recherche.

Par ailleurs, comme déjà mentionné, il m’a été difficile de trouver des personnes acceptant de témoigner. La situation actuelle relative au Covid-19 a rendu la tâche encore plus difficile. Cependant, étant originaire du Kosovo, lorsque j’ai contacté les personnes, un lien « culturel » s’est immédiatement formé. Ce dernier est par ailleurs l’une des principales raisons pour laquelle elles ont accepté de témoigner. En raison de ce lien culturel, mon travail de Bachelor s’est donc orienté vers la population albanaise.

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Or, bien que mon origine m’a permis de réaliser ce travail de Bachelor, il n’a pas été évident pour moi de « questionner » ma culture. En effet, aborder les inégalités de genre dans la population albanaise est tabou, il m’est arrivé que suite aux réponses des trois femmes, cela ait évoqué des éléments personnels et culturels en moi.

Toutefois, si je devais mener à nouveau une recherche de ce type, je me poserais davantage des questions sur l’accessibilité aux témoignages. Je choisirais ainsi un thème où il y aurait moins de contraintes à ce niveau.

12.5 Pistes d’actions

À la suite de cette théorie et analyse, je suis en mesure de proposer deux pistes d’action qui sont à mon sens pertinentes en tant que travailleuse sociale.

1. Grâce à mon travail, j’ai pu mettre en avant les problèmes liés à la stigmatisation de ces familles, il serait donc pour moi important d’agir sur l’ensemble de la société. En effet, il s’agirait pour moi de sensibiliser la population afin de faire reconnaître la souffrance des familles des détenus. Par ailleurs, à l’aide par exemple des médias, je souhaiterais mener une action qui toucherait l’ensemble de la société afin de rendre visible et de sensibiliser le plus grand nombre à ce thème encore « tabou ». Dans cette perspective, j’utiliserai Facebook ou Instagram afin de montrer cette problématique,

2. Dans cette perspective, en tant que travailleuse sociale, j’aimerais déconstruire ce stigmate afin de ne pas réduire une personne à un acte. J’aimerais finalement valoriser les détenus ainsi que leurs proches afin qu’ils ne soient pas uniquement vus comme des « criminels ». J’aimerais donc mettre en avant leurs compétences personnelles et professionnelles afin de changer leur image sociale. De plus, en me concentrant sur leur savoir-faire et savoir-être, ceci développerait leur pouvoir d’agir.

3. Il me semble également intéressant de mettre en place un service d’écoute ou d’aide. Une forme de soutien social et/ou psychologique pour ces femmes. Ainsi, éviter le renforcement de leur exclusion et stigmatisation sociale. Ceci pourrait se réaliser par une ligne téléphonique où elles pourraient poser les questions nécessaires.

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12.6 Conclusion finale

En guise de conclusion, je souhaite clôturer ce Travail de Bachelor avec une citation que j’ai retenue lors de mon module D6. En effet, dans ce contexte une personne est venue témoigner et a cité :

« Soyez les yeux de ceux qui ne peuvent pas voir, soyer la bouche de ceux qui ne peuvent pas parler et soyer les oreilles de ceux qui ne peuvent pas entendre. »

En effet, cette citation reflète exactement le genre de travailleuse sociale que je souhaite devenir. Ce qui est important pour moi est la rencontre et la compréhension de l’autre. En outre, grâce à mon côté humaniste et empathique, je suis dotée d’une posture militante ce qui me permet de défendre les intérêts d’une personne qui se trouve dans une situation de vulnérabilité.

Toutefois, ce travail n’a pas réellement une grande valeur scientifique, car ce dernier n’est basé que sur quatre entretiens. Néanmoins, il reflète mon parcours et mon accomplissement personnel. En effet, grâce à ce travail, j’ai pu rencontrer des femmes exceptionnelles sans lesquelles ce travail n’aurait pas pu avoir lieu. De plus, c’est lors de ces échanges que je me suis rendu compte que ce qui me motive dans mon métier est la rencontre de l’autre. En voyant quelles ressources ou stratégies mettent-elles en place afin de retrouver une vie plus stable me fascine.

Finalement, tout le long de mon travail de Bachelor, je me suis essentiellement concentrée sur le rôle de la femme/mère/épouse. Dès lors, à la fin de ce travail je m’interroge autour des enfants. Il aurait été intéressant de comprendre les enjeux axés sur l’enfant dans ce processus de « prisonniérisation ».

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