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Les multiplets magnétiques, leur mécanisme et leur détermination expérimental
Robert Forrer, J. Martak
To cite this version:
Robert Forrer, J. Martak. Les multiplets magnétiques, leur mécanisme et leur détermination ex-
périmental. J. Phys. Radium, 1932, 3 (9), pp.408-436. �10.1051/jphysrad:0193200309040800�. �jpa-
00233112�
LES MULTIPLETS MAGNÉTIQUES,
LEUR MÉCANISME ET LEUR DÉTERMINATION EXPÉRIMENTALE.
Par Robert FORRER et J. MARTAN.
Sommaire. 2014 Le principal but de ce travail est de déterminer l’espèce du multiplet magnétique pour le fer, le nickel et le cobalt. Pour cela il a fallu discuter à fond les différentes propriétés des cycles d’hystérèse. Les résultats expérimen taux et leur interpré-
tation se trouvent résumés dans les conclusions. (Voir page 435.)
1.
-Le multiplet, sa résultante et sa position normale.
1. Introduction. - Il importe avant tout de connaître les propriétés du porteur
élémentaire du magnétisme. Dans les ferromagnétiques solides on peut déterminer le moment atomique en alignant les moments élémentaires par un champ infini au zéro absolu.
On obtient ainsi leur somme algébrique. Mais l’emploi nécessaire d’un champ intense empêche de reconnaître ce qu’est ce porteur dans des champs plus faibles. Il faut donc recourir aux phénomènes qui se produisent dans les champs faibles et moyens tels que l’aimantation initiale, le cycle d’hystérèse, les discontinuités.
On fait généralement l’hypothèse suivante : Le moment atomique qu’on a déterminé
dans le champ infini conserve sa grandeur dans le champ zéro. M. P. Weiss (1) avait admis,
par analogie avec la pyrrhotine, dans le fer un axe de facile aimantation, une répartition hémisphérique de l’aimantation rémanente et une rotation réversible dans les champs
faibles. Il trouve pour l’aimantation rémanente la somme des projections des moments sur
la direction du champ égale à la moitié de la saturation, et réellement cette valeur 1/2 corres- pond à peu près aux données expérimentales. Mais le fer a un réseau cubique, et il est
impossible d’admettre un axe unique d’aimantation facile. Si l’on admet que dans l’aiman- tation rémanente les moments choisissent l’axe quaternaire le plus proche de la direction du champ, appliqué antérieurement, on trouve en appliquant le calcul de M. Néel (2), pour le rapport de l’aimantation rémanente à la saturation, la valeur de 0,8313. Cette valeur est
évidemment trop grande. Aucune aimantation rémanente déterminée expérimentalement
ne dépasse la valeur de 0,7. D’ailleurs un dépôt de fer électrolytique obtenu dans un champ magnétique devrait donner pour l’aimantation rémanente la valeur même de la saturation,
ce qui n’est pas le cas. Ces deux raisons font apparaître l’insuffisance de l’hypothèse simple
de l’identité du moment dans les champs faibles et dans les champs forts.
2. L’hypothirse du multiplet.
-En 1927 (1) j’ai introduit l’hypothèse du multiplet magnétique. Les vérifications numériques étaient déjà assez bonnes pour confirmer cette
hypothèse. Mais je me propose de mettre ce multiplet en rapport avec le champ moléculaire et la situation du point de Curie. Il me semble donc nécessaire de donner au préalable
autant de solidité que possible à la démonstration de l’existence du multiplet magnétique.
J’ai admis que dans le champ zéro le moment atomique It est subdivisé en nlonlents consti- tuants x. J’appelle l’ensemble de ces moments constituants un multiplet, et je l’attribue aux
atomes. Ici je ne répète pas les raisons de cette attribution. On peut provisoirement consi-
dérer ce multiplet comme résidant dans la couche magnétique de l’atome. J’ai admis un
doublet pour le nickel : 2 moments constituants à angle droit, un triplet, trirectangle, pour le fer. Ce dernier existe sous deux formes, le triplet symétrique et le triplet dissymétrique.
Des relations du multiplet en général avec le point de Curie 0, dont je parlerai dans un
(1) P. WELSS. J. Pfiys., (IV) 6 (1907), p. 6iO.
(2) J. Phys., (VI) 10 (1929), p. 26~.
(3) J. Phys., (VI) 7 (1929), p. 247.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:0193200309040800
travail ultérieur (t) suggèrent un quadruplet pour le cobalt. On peut attribuer à ce quadru- plet des formes différentes suivant le réseau :
1° Dans le cobalt H un moment constituant est parallèle à l’axe hexagonal,et 3 moments
sont situés dans le plan perpendiculaire à cet axe sous des angles de 120°.
2° Dans le cobalt y (cube à faces centrées, t ~ 470°C) les 4 moments constituants sont
parallèles aux 4 axes ternaires.
3. Les résultantes. - J’appelle 11~ le moment magnétique total d’un atome dans le
champ infini. Ce moment li est subdivisé, suivant l’espèce du multiplet, en un certain nombre de constituants x. La somme algébrique de ces constituants est égale à j>.. n x - p., où n est le nombre des constituants; n =: 9- pour le nickel, n = 3 pour le fer n = 4 pour le cobalt.
J’appellerai p la ?.ésultaiite atomique d’un multiplet ; elle dépend du nombre n des constituants ’1.. et de leur position relative. La résultante du mulliplet est l’élément essentiel du mécanisme de l’aimantation dans les champs faibles. Il est commode d’exprimer l’état
du multiplet par le rapport pllp. du moment résultant au moment dans un champ infini, qui
rend les constituants parallèles. On peut admettre que l’un des moments constituants x peut
être renversé, indépendamlnent de la direction des autres moments. Nous obtenons de cette
façon dans certains cas plusieurs résultantes pour le même multiplet (voir les figures 1-9).
Le doublet admis pour le nickel possède deux constituants à angle droit. La grandeur
de la résultante est indépendante de la direction de ces 2 constituants, et son rapport au
P B/2
.moment total du doublet est - = V2 = 0,707 (fig. i).
1L -
La résultante du triplet symétrique du fer, elle aussi, est indépendante de la direc- tion des moments constituants ; -.
Fig. 1. Fig. 2.
Par contre le triplet dissymétrique du fer possède 2 valeurs différentes pour ces résultantes. Le triplet dissymétrique est formé de 2 moments constituants parallèles et
d’un moment à angle droit sur ceux-ci. Si les constituants 1 et 2 sont parallèles et de
même sens et le 3e à angle droit, la résultante aura la valeur particulièrement grande de :
y
fig. 3). Mais il se pourrait que le deuxième fût antiparallèle au premier ;
d
dans ce cas la résultante sera égale au 3e moment :
(1) On en trouvera un exposé dans les 3 notes : R. FoRRBR. Comptes Rendus, t. 194 (4932), p. 699, 1i9 et 868.
Dans le cobalt H il Y a aussi deux résultantes différentes suivant la direction des moments constituants. Si les trois moments dans le plan 1 à l’axe sénaire sont assemblés
sous des angles de 120°, ils se compensent et pour la résultante il ne reste que le 4e consti- tuant :
Cette résultante est particulièrement petite. Si par contre on renverse un des trois constituants situés dans le plan 1 à l’axe sénaire, la résultante aura une grande valeur et
sera égale à :
/-
Fig. o. Fig. 6.
Dans le cobalt y la résultante peut acquérir trois valeurs différentes. Dans la disposi-
tion de la figure 7 les moments constituants se compensent tous et la résultante est égale à
zéro : L - o. Dans la disposition de la figure 8 la résultante a la valeur de : P.
Fig. 8. Fig.9.
Dans la disposition de la figure 9 la résultante a la plus grande valeur :
Il faut recourir à l’expérience pour connaitre la configuration stable dans le champ
zéro.
4. Les positions normales. - Chaque multiplet a une certaine structure et j’ai
admis que ce multiplet est atomique. Et puisque chaque atome possède une certaine posi-
tion bien définie dans le réseau, on peut admettre que le multiplet est soumis à des couples
qui peuvent être attribués à l’action des atomes voisins ou d’un réseau électronique inter-
calé entre les atomes. J’adopte à titre provisoire pour désigner l’action de ces couples le
terme de réticulaire. J’espère que les expérien(,es interprétées par le multiplet magnétique nous renseigneront un jour sur la nature de ce champ réticulaire. Dès à pré-
sent on connaît les conditions de symétrie auxquelles il doit satisfaire. Ce sont celles du réseau cristallin lui-même.
Le multiplet aura donc une certaine orientation par rapport au réseau et j’appellerai
cette orientation réticulaire du multiplet sa position normale. Les forces qui retiennent
le multiplet dans cette position normale peuvent être considérées comme quasi-élastiques.
Il importe de connaitre, pour chaque espèce de multiplPt, le nombre des positions
normales équivalentes. Pour le nickel nous rencontrons tout de suite deux possibilités :
1° Les constituants x sont parallèles à des axes quaternaires : La résultante sera donc
parallèle à un axe binaire.
2° Les constituants sont parallèles à des axes binaires : la résultante sera alors paral-
lèle à l’axe quaternaire. L’aimantation rémanente permettra de choisir parmi les positions ’
normales possibles.
On voit facilement que le doublet du nickel possède dans le premier cas ~.~ positions équivalentes. Dans le deuxième cas on aura six positions équivalentes de la résultante,
mais chacune est obtenue par deux positions différentes du multiplet. Le nombre des posi-
tions normales du multiplet lui même est donc également de douze.
Dans le fer syniétrique la résultante est parallèles à l’axe ternaire. Le nombre des posi-
tions normales est donc égal à 8. Dans le 1 er fer dissymétrique (p,), pour lequel on peut
admettre comme pour le fer symétrique que les constituants sont parallèles aux axes quaternaires, il y a 6 positions possibles pour les 2 constituants parallèles, et pour chacune de ces six positions, 4 positions pour le 3° constituant. Le nombre total des positions
normales possibles est donc de 24. Pour le 2~ fer dissynlétrique (p2), il ~Y a 3 positions pour les 2 constituants antiparallèles et, pour chacune, 4 positions pour le 3e constituant. Le nombre total est donc de 12.
Dans le cobalt H le nombre des positions normales du quadruplet symétrique est égal
à 2, pour le quadruplet dissymétrique il est égal à 12. Dans le cobalt Y la résultante pi est
égale à zéro, mais son multiplet peut être situé dans le réseau de deux façons différentes.
(Voir figure 7). Dans le cas de la résultante p~ celle-ci est parallèle à l’axe ternaire et pos- sède 8 positions équivalentes. Dans le cas de la résultante o, celle-ci est parallèle à l’axe quaternaire et possède 6 positions normales.
II.
-Les mécanismes des multiplets
et les méthodes de leur détermination.
i. Le rôle de l’aimantation rémanente. - La méthode de détermination du
multiplet que j’ai adoptée repose sur la connaissance de l’aimantation rémanente. J’ai admis que le multiplet, qui a été auparavant orienté dans la direction du champ intense,
revient d’une manière réversible à la position normale la plus proche de cette direction. La
projection de tous les moments sur la direction du champ donne alors l’aimantation réma- nente. (Pour le détail de ce mécanisme voir l’article au Journal de Physique t. X, ~9?9,
p. ~~7). M. L. Néel a fait le calcul (1) pour une substance microcristalline isotrope par
compensation.
2. La méthode la plus directe pour la détermination de la résultante est celle
lu dépôt électrolytique dans un champ magnétique. On peut admettre que la résultante reste orientée parallèlement au champ pendant que les ions de fer se déposent. L’aimanta-
tion rémanente sera donc égale à la résultante.
(2) L. NÉEL J. Phys. T, 10, (1929), p. 263..
Il est important que le champ employé soit assez fort pour que l’effet de l’orientation due au champ électrique (1), soit négligeable. D’autre part, le champ appliqué doit être
assez faible pour que le multiplet ne soit pas encore trop déformé. Les expériences ont été
faites par Maurin et par Schmidt. (Voir pour le détail l’article dans le Journal de Physique 1929.) Cette expérience fournit d’ailleurs la raison la plus forte pour l’hypothèse de la
nature atomique du multiplet. L’expérience a été faite pour le fer et a donné avec une
bonne précision la résultarate du triplet Il serait intéressant de répéter cette .expérience pour les autres métaux ferromagnétiques.
Dans le cas où la rotation du mutiplet est supposée réversible, la détermination du
multiplet par l’aimantation rémanente est théoriquement exacte (voir au sujet de l’irréver- sibilité de la rotation le § 7 p. ~26, mais si l’on considère que la courbe d’hystérèse est très
inclinée au voisinage du champ zéro et que le champ démagnétisant structural est souvent mal déterminé, on voit que la détermination expérimentale est facilement erronée.
.
3. La déformation et la fermeture du multiplet.
-J’ai admis que le multiplet
est déformable par le champ magnétique. Si cette déformation est petite, elle peut être
considérée comme proportionnelle au champ. C’est un mécanisme possible pour l’aimantation initiale proportionnelle au champ. Si les champs employés sont intenses, la
déformation peut conduire à la fermeture du multiplet. ’Cette fermeture serait complète
dans le champ infini. La sornme algébrique des moments constituants est, de cette façon,
accessible à la détermination expérimentale. La loi d’approche de M. Weiss cr ~ (700 (1 - a/H)
est seulement valable clans des champs très intenses (H > 1000 g.). L’extrême difficulté
de cette fermeture me semble démontrer d’une manière indépendante la nature atomique
du multiplet.
Il semble que la déformation du multiplet ne soit pas seulement effectuée par un champ magnétique, mais qu’il subisse la même influence par une déformation élastique du métal.
Cette influence est particulièrement grande dans le cas du nickel. Pour être à l’abri de ,cette déformation des multiplets par la déformation élastique dans la détermination du
multiplet par l’aimantation rémanente il est nécessaire de diminuer cet effet par des recuits prolongés.
Pour montrer que la déforftiation élastique agit comme un champ extérieur, je donne quelques exemples.
°
Fig. 10.
L’aimantation rémanente du nickel augmente sous une pression longitudinale/) (d’après
les expériences de Ewing). On peut porter dans un graphique l’aimantation rémanente I
cn fonction de 1/p, comme pour la loi d’approche de M. P. Weiss en 1/H et on trouve réelR
~~) R. GLOCKER und E. Kaupp, Zs. f. Phys. 24, (1924), p. 121,
lement pour les fortes pressions une droite (voir fig. 10) qui fournit pour une pression infinie
I = 503, valeur très proche cle 1 = 500, trouvée par Il infini. La pression longitudinale a
donc comme effet non seulement une orientation de la résultante dans sa direction, mais même la déformation et la fermeture complètes du doublet.
Si l’on fait la même opération pour le nickel sous traction tr, en portant I en fonction
de lltr, on trouve que l’aimantation rémanente devient nulle pour une traction de 25 kg/mm2 (1). Il s’ensuit que dans le nickel tendu la résultante est perpendiculaire à la
direction de la tension.
4. L’inversion d’un constituant x.
-Considérons maintenant le multiplet sous sa
forme habituelle, non déformée, donc dans des champs assez faibles pour que la déforma- tion puisse être négligée. J’ai admis que le multiplet est capable de rotation, mais dans ce paragraphe, j’admets que le est bloqué par une force quelconque. Pour un multi- plet dans la position normale, un semblable blocage peut provenir d’un champ réticulaire anormalement intense. Il pent se produire pour d’autres orientations par la distorsion du réseau, causée par une déformation ou par la présence d’impuretés.
J’admets maintenant qu’un moment constituant "1.. peut être renversé par un champ négatif dirigé comme lui. J’appelle le champ, nécessaire pour d’un constituant, le chaiiip critique her. Si le moment constituant fait l’angle (J. avec le champ, il faut faire
agir, pour produire l’inversion, un cham p h plus grand, donné par ou, p ourde h cos a
petites valeurs de l’angle, h = !ter ( 1 -j- _ ). Si l’on admet une distribution uniforme dans le petit angle solide correspondant, la quantité des moments inversés sera propor-
Fig. 11
tionnelle au carré de a, c’est-à-dire à h - hcr. Le cycle d’inversion complet comporte deux
courbes d’inversion reliées par deux droites horizontales d’aimantation rémanente. Il pré-
sente à l’abscisse h,,, en C, un coude vif entre la droite de l’aimantation rémanente et la
tangente à la courbe d’inversion. La formule complète (2) pour le cycle d’inversion avec une distribution hémisphérique des moments est la suivante et le cycle ainsi obtenu est
représenté par la figure 11.
Tri 1- , 9w
(1) Le nickel durci, courbé et tenu droit contre son élasticité, est, pour une moitié, comprimé, avec
une aimantation rémanente égale à la saturation, eL, pour l’autre moitié, tendu, avec une aimantation rémanente nulle. On observe effectivement une aimantation rémanente égale à la moitié de la saturation.
Cette observation a suggéré l’idée du multiplet, mais son application à ce nickel traité était inexactp. Voir à ce sujet aussi R. FOR£tER. J. de Phys. c 1V.), 7 (l92Y), p. 247, et M. KERSTEN, Z. f. I)hys.. 71 (1931;, p. 553.
(2) Voir P. Wisiss. J. Phys. (IV), 6 (t907), p. 6i0.
On doit rencontrer cette forme du cycle d’hystérèse aux ti-ès basses températures où la
rotation semble devenir très difficile, à la complication près qui provient due ce que l’on a
affaire à des multiplets et non à un moment unique, comme nous l’avons supposé ici.
Si le blocage n’est pas parfait, il subsiste une faible rotation du multiplet et avec elle
une faible inclinaison de la droite de l’aimantation rémanente. (Voir fig. 12).
Fig. 12.
Cette faible inclinaison n’empêche pas une bonne (létermination expérimentale de
l’aimantation rémanente. La détermination du multiplet par la comparaison de l’aimanta- tion rémanente calculée avec l’aimantation rémanente observée est exacte, si le blocage est
effectué par les forces structurales qui déterminent la position normale (voir par exemple
le fer dissymétrique), par contre elle est fausse, si ce blocage est donné par d’autres
forces, par exemple des forces élastiques.
Quant au mécanisnie de l’inversion d’un constituants, il est très probablement de
nature électronique. Je rappelle que j’ai attribué le grand phénomène de discontinuité dans le nickel durci et tenu droit contre sa propre élasticité (1) à l’inversion d’un constituant et que le Point de Curie du champ critique (0 11er) est différent de celui de l’aimantation réma- nente (2). Je reviendrai dans un article spécial sur la variation thermique du champ critique.
Le champ critique n’est probablement pas le champ nécessaire pour l’inversion d’un constituant isolé, mais plutôt pour la continuation de l’inversion, si un autre constituant
au voisinage a déjà été inversé. Si donc ce constituant inversé au voisinage manque, on peut dépasser le champ critique, sans qu’une inversiun se produise. Mais si pour n’importe quelle raison l’inversion a commencé, elle continue dans toute la masse pour laquelle le champ a dépassé le champ critique. Les grands phénomènes de discontinuité se produisent
donc surtout dans les substances avec des multiplets bloqués.
5. La rotation du multiplet. - Nous allons provisoirement considérer la rotation du multiplet comme réversible. Si cette rotation est facile, c’est-à-dire se produit dans les champs faibles, on peut considérer le multiplet comme non déformé. La rotation du
multiplet par le champ se fait donc de la manière suivante : Le champ s’applique à la
résultante du multiplet, le levier est la projection de la résultante sur le plan perpendicu-
laire au champ. Au commencement, cette aimantation va être proportionnelle au champ . 1 = al’ 1~. C’est un deuxième mécanisme possible pour l’aimantation initiale. Nous avons
(1) R. FORRER, J. Phys. (VI), 10 (1929), p, 250.
(2) R. FORRER, J. Phys. (YII), ’1 (1930), p. 54.
rencontré le premier dans la déformation du multiplet. L’aimantation initiale est donc la
somme de celles qui dérivent des deux mécanismes. I - (ar ~-+- a~~) H. Si comme je l’ai supposé, la rotation est plus facile que la déformation du multiplet, le coefficient ar est
plus grand que le coefficient Il se peut même que ad soit négligeable vis-à-vis de ar.
Considérons maintenant des champs plus grands que le champ coercitif. Puisque la
rotation a été considérée comme très facile, le champ va faire tourner la résultante vers la direction du champ. atteindra la valeur de P. Mais plun la résultante s’approche de la
a x
direction du champ, plus le levier que la résultante présente à ce champ, s’approchera de
zéro. L’approche vers la valeur sera donc de plus en plus lente. Dans la même région
u.
s’accomplira la fermeture du multiplet. Ces deux mécanismes se superposeront et je ne
vois aucune possibilité de trouver sur la courbe d’aimantation le point où la résultante est
parallèle au champ.
Quand le champ diminue vers zéro, les multiplets chercheront à occuper, par suite du champ réticulaire, des positions normales, mais dans chaque cristal élémentaire, la position normale la plus proche de la direction du champ appliqué auparavant. La somme
des projections des résultantes sur l’axe du champ fournira une aimantation rérnanente.
Pour indiquer la provenance de cette aimantation rémanente je l’appellerai aimantation rémanen,te normale. C-est celle dont nous avons déjà parlé. Nous avons dit qu’elle est
accessible au calcul.
6. La position instable et le retournement initial.
-Considérons maintenant les champs faibles négatifs. Puisque les leviers que les multiplets présentent au champ augmentent avec la rotation, , c augmentera. La courbe d’hystérèse sera convexe vers le
3
haut. Comme je l’ai déjà dit, il y a entre deux positions normales une position instable du
multiplet. A partir de l’aimantation rémanente jc:squ’à cette position instable, le champ
extérieur travaille contre le champ réticulaire. Si nous augmentons le champ négatif à partir de la position instable, ce champ réticulaire va agir dans le même sens que le champ extérieur; le multiplet va donc se renverser par ?,,otation.
J’appellerai ce renversement irréversible par rotation à partir d’une position instable
a retournerrzent jl du multiplet. L’objet qui subit ce retournement est donc le rnult£plet entier
et dans les champs faibles qui interviennent ici, il se comporte comme s’il était indéfor- mable. A partir de ce point où le renversement commence, point que j’appellerai « point de
retournement initial » P,,; la variation de l’aimantation est plus rapide qu’avant ce point,
et puisque le nombre des multiplets qui se présentent à ce renversement va diminuer, le cycle d’hystérèse présentera une courbe concave vers le haut. Le point de retournement initial P,’i est donc facile à déterminer sur la courbe expérimentale. De l’ensemble de ces
mécanismes résulte donc une courbe d’hystérèse, qui est reproduite dans la figure 13.
L’aimantation, observée au point de retournement initial P,i, correspond donc à la
somme des projections sur l’axe des champs des résultantes déplacées par le champ dont les premières (les plus inclinées sur le champ) viennent d’atteindre la position instable.
On peut en principe calculer cette somme. Mais l’ignorance où nous sommes des pro-
priétés et de la grandeur des champs réticulaires empêche de faire le calcul précis. Nous
nous contenterons donc de constater qualitativement que l’existence de positions normales
entraîne l’existence de positions d’instabilité qui les séparent et nous rechercherons dans les données expérimentales les effets de cette instabilité. Elle a comme conséquence l’irré-
versibilité de retournement du multiplet tout entier.
Si le nombre de positions normales possibles est grand (12 dans le cas du nickel,
8 pour le fer symétrique), la première position instable par laquelle passe le multiplet en
appliquant un champ négatif, sera encore assez voisine de la position normale de l’aiman-
tation rémanente. La projection de la résultante sur l’axe des champs appliqués aupara-
vant aura une valeur positive. Le point de renversement initial P,,; doit être observable.
Par contre, pour un petit nombre de positions normales (2 pour le CoH), le nombre de positions instables est également petit. Le point de renversement initial n’est plus situé
dans l’hémisphère positif, il n’est plus observable.
Fig. l 3.
7. La rotation du multiplet est irréversible. - Nous avions rencontré jusqu’à présent 2 espèces d’irréversibilité. La première était celle de l’inversion d’un constituant d’un multiplet. La seconde était une irréversibilité provoquée par le retournernent cl’un
multiplet par une rotation qui commence à la position instable. Ces 2 espèces de renverse-
ment se produisent uniquement dans un champ négatif et même seulement à partir d’un chantp négatif dé fini : Le champ criticlue dans le premier cas et le champ de retournement initial dans le 2e cas. Ces deux phénomènes sont cause de la plus grande partie de l’irré- versibilité dans les cycles. Mais nous allons rencontrer maintenant une 3e espèce d’irréver-
sibilité. Nous avions admis jusqu’à présent la réversibilité de la rotation du multiplet au voisinage du champ zéro où il n’y a ni inversion ni renversement, et l’on peut en effet
définir en chaque point du cycle un élément de courbe réversible. (Il donne la perméabi-
lité réversible de M. Gans). Mais si la rotation dans le champ zéro était réversible, l’élé-
ment de courbe de la susceptibilité réversible devrait être"Langent à la courbe d’hystérèse.
Or l’expérience montre que ce n’est pas le cas. On détermine en effet facilement, au point
H = 0, 7 - l’élément de courbe réversible (tg a) et la tangente de la courbe d’hysté-
rése (tg ~). Le rapport des tangentes tg 8/t, 2 est en général nettement plus grand que l’unité. L’aimantation est donc essentiellement irréversible même au champ zéro. Le rapport des tangentes de ces 2 angles donne une mesure de l’irréversibilité au point H = 0,
cl - Gr. Le mécanisme de l’aimantation se comporte donc comme si un frottement résistait à la rotation du multiplet. Il est évident que s’il en est ainsi l’aimantation rémanente va
prendre une valeur interrnédi:1ire entre la valeur de la résultante et la valeur de l’aimanta- tion rémanente calculée, ou en d’autres termes : nous devrons trouver des valeurs plus grandes que celles que fournit le calcul.
Nous allons maintenant chercher la forme du cycle d’hytérèse en admettant que le frottement qui résiste à la rotation est très grand. (Voir fig. 14). Dans la région de l’aiman-
tation rémanente la courbe va ressembler à celle que nous avons tracée pour le cas de rota- tion réversible, à cela près que les valeurs de l’aimantation seront plus élevées. Mais si le
multiplet est arrivé dans la région instable le champ réticulaire sera incapable de renver-
ser le multiplet par retournement. Pour faire tourner davantage le multiplet il faut aug- menter encore le champ négatif extérieur. Nous ne trouverons donc aucun coude sur le
cycle d’hystérèse, et puisque le levier que la résultante présente au champ augmente
jusqu’au moment où cette résultante est perpendiculaire au champ, là où l’aimantation
observable est égale à zéro, la variation de l’aimantation sera donc de plus en plus rapide jusqu’à l’axe des champs. La courbe d’hystérèse sera donc convexe jusque dans la région
du champ coercitif. Si le champ négatif augmente encore, ce mécanisme va se produire en
sens inverse, (voir fig 14). Le levier de la résultante diminuera et par suite la variations de l’aimantation va diminuer aussi avec l’augmentation du champ négatif. On voit donc
que lorsque la rotation se fait avec un frottement notable, l’aimantation rémanente est altérée de telle façon qu’elle est inutilisable pour la détermination de l’espèce du multiplet.
.n’
Fig. ~.~.
8. Détermination directe de la résultante.
-Nous avons vu que lorsque le multiplet subit dans sa rotation un frottement très fort, l’aimantation rémanente est
Fig. 15.
erronée par excès. Mais on peut utiliser cette irréversibilité au voisinage du champ zéro
pour en déduire une nouvelle méthode de détermination de la résultante. Le mécanisme du multiplet dans les champs positifs décroissants se décompose en 2 mécanismes distincts : l’un est l’ouverture du multiplet qui a été supposée réversible, l’autre est la rotation consi- dérée ici comme essentiellement irréversible. Je représente dans la figure 15 l’ouverture du
multiplet par la courbe A, B, C. La courbe observable va se détacher de cette courbe au
point B, la rotation du multiplet commence en B et sa continuation fournit la courbe D, E.
Mais on peut prendre aux points Pi, P,, etc., l’élément de courbe donnant la perméabilité
réversible. Tant qu’il tombe dans la courbe observée A B, celle-ci est due uniquement à
l’ouverture du multiplet, mais dès que l’élément de courbe réversible se détache de la courbe d’hystérèse, nous nous trouvons dans la région de la rotation avec frottement (BD).
On peut admettre que les inclinaisons des courbes réversibles sont sensiblement parallèles
à la courbe BC, qui représente l’ouverture du multiplet. On peut donc construire la courbe BC
par la juxtaposition des éléments donnant la perméabilité réversible aux points Pli, etc.
La courbe ABC obtenue ainsi peut être attribuée entièrement à l’ouverture du multiplet et
la grandeur OC représente la résultante. On peut de cette façon déterminer la résultante d’un multiplet même, et surtout dans le cas où la rotation du multiplet est fortement irré- versible. Il est évident que dans ce cas la détermination de la position normale nous échappe.
9. La transformation du multiplet,. -Nous avons considéré le multiplet comme rigide pendant l’opération de sa rotation. Sa résultante est donc restée constante. Il faut maintenant considérer la possibilité de l’inversion d’un constituant pendant l’application
d’un champ. On peut pour cela partager les multiplets en 2 catégories; la première dont
la résultante ne change pas de grandeur par l’inversion d’un constituant. Le doublet du nickel et le triplet symétrique du fer lui appartiennent. Dans la 2e catégorie la résultante
change de grandeur par l’inversion d’un constituant. Tous les autres multiplets en font partie : le triplet dissymétrique du fer, le quadruplet du cobalt H et du cobalt y. On peut
admettre que la disposition des constituants qui donnent la résultante la plus petite est la plus stable dans les champs faibles. Ce serait le triplet dissymétrique du fer avec 2 cons-
tituants antiparallèles, le quadruplet du cobalt H avec les 3 moments constituants dans le
plan hexagonal, sous des angles de I?0°, et le multiplet p, du cobalt gamma (figure î).
Par contre, l’application d’un champ suffisamment grand va renverser des moments constituants de façon qu’il en résulte un multiplet avec la plus grande résultante possible.
Il est possible qu’une déformation élastique agisse dans ce sens comme un champ magnétique. Si l’inversion des constituants se produit dans des champs assez faibles,
on pourrait observer un changement de courbure assez brusque pour la valeur du
champ où 1 inversion est complète. Dans tous les cas considérés jusqu’à présent, la nature
du multiplet n’a pas changé. C’est uniquement la grandeur de la résultante qui a varié,
mais dans le cas où une substance possède 2 espèces différentes de multiplet, et où les
résultantes de ces différentes espèces de multiplets sont différentes, on peut même soup- çonner que le champ magnétique favorise la formation du multiplet avec la plus grande
résultante comme le font les impuretés, le traitement thermique et mécanique (voir plus loin).
Il se peut donc que dans le fer symétrique, dont l’aimantation rémanente, par rapport
à l’aimantation à saturation, est égale à 0,5, un champ faible puisse non seulement faire tourner le multiplet, de sorte que l’aimantation gagne la valeur de la résultante (0,577),
mais qu’un champ transforme ce triplet symétrique dans le triplet dissymétrique avec sa grande résultante (0,745). Effectivement, nous avons observé qu’un fer symétrique avec une
aimantation rémanente égale à 0,49 montre un coude, il est vrai, peu marqué, pour 0,57 (résultante = 0,577). Ensuite l’aimantation relative monte à la valeur de 0,691, déjà voisine
de 0,745 à l’endroit où l’aimantation devient réversible. Ce point est atteint dans un champ
de 10 gauss seulement où les multiplets sont encore ouverts. Il est donc probable que l’accroissement était dû à une apparition partielle de fer dissymétrique.
III.
-La méthode expérimentale et le rôle du champ démagnétisant structural.
Pour la détermination de l’aimantation rémanente, il est avantageux de tracer des
cycles entiers. On se rend compte ainsi en même temps des autres propriétés caractéris-
tiques de la substance. Nous avons employé la méthode du magnétomètre astatique symé- trique (1). Le système a une durée d’oscillation d’environ 1 seconde, la distance des aimants
(1) R. FORRER. (J. Phys., X, 1329, p. 252).
est égale à 10 cm corréspondant à la longueur des fils des substances ferromagnétiques. Le
courant qui parcourt la bobine magnétisante, est mesuré par un ampèremètre horizontal à miroir. De cette façon, on peut obtenir la projection directe d’un cycle sur du papier calque.
On suit le spot lumineux avec le crayon. Ce système a l’avantage d’une grande rapidité d’exécution, d’une assez grande précision, et il permet l’observation de petits détails (phé-
nomènes brusques) qui échappent facilement aux méthodes par points. Le cycle d’hysté-
rèse est parcouru lentement, ce qui a l’avantage de donner réellement l’aimantation
maxima, en d’autres termes, d’éliminer la viscosité s’il y en a. La méthode permet à volonté
de tracer les cycles limites, des cycles dissymétriques, et les éléments de courbes donnant la perméabilité réversible en n’importe quel point.
Je donne ici l’analyse des substances employées.
Le rôle du champ démagnétisant structural. - FORRER et MARTAK (1) ont démontré
l’existence d’un champ démagnétisant structural dans les éléments ferromagnétiques.
L’aimantation rémanente normale comme nous la comprenons, c’est-à-dire la résultante des moments atomiques se trouvant dans la position normale la plus rapprochée du champ,
ne peut être déterminée que dans le champ zéro, donc après correction de ce champ déma- gnétisant structural.
Nous avons montré qu’on peut utiliser deux méthodes (voir le détail dans l’article
mentionné). Une méthode provisoire souvent utilisée, et une méthode expérimentale très
laborieuse et appliquable seulement quand le renversement initial se marque sur la courbe
d’hystérèse par les coudes très nets. L’efficacité de l’emploi de ces méthodes est évidente : ponr le fer, les aimantations rémanentes de valeur exceptionnellement faible 0,5)
sont remplacées par des valeurs de grandeur normale. Il est évident que dans le cas où le
multiplet rencontre un frottement qui s’oppose à sa rotation une détermination du champ démagnétisant structural est impossible. Alors la méthode provisoire n’est pas applicable
et la méthode rigoureuse ne l’est pas davantage parce qu’il ne se produit aucun renverse-
ment spontané observable. On ne sait donc, dans ce cas, dans quel champ on doit chercher l’aimantation rémanente normale.
Les substances à étudier ont été employées le plus souvent sous forme de cylindre (fils
ou bandes). La longueur était toujours égale à 10 cm, la section dans le cas du nickel et du cobalt égale à environ 0,8 mm2, dans le cas du fer de 0,1 à 0,2 mm2. Les recuits ont été effectués dans un four de quartz parcouru par un courant d’hydrogène. Ce four avait une
prolongation froide, de sorte que les substances pouvaient être refroidies brusquement,
sans sortir de l’atmosphère d’hydrogène.
IV.
-Le doublet du nickel.
i. La détermination par l’aimantation rémanente. - Je rappelle ici les coeffi-
cients de la projection d’un moment unitaire sur la direction du champ; A, B et C sont les
trois axes quaternaires dans l’ordre de voisinage à la direction du champ (1). Dans un
(1) J. Phys., 2 (4931), p. i98.
(2) NBEL, loc. cit.
"
polycristal, les projections moyennes d’un moment unitaire sur ces axes sont a, b et ~~. Les
valeurs numériques sont les suivantes :
/-
-J’avais soupçonné un doublet pour le nickel. Ce doublet possède dans le réseau du cube à faces centrées ? positions normales possibles par raison de symétrie. Il faut demander à l’expérienie de décider entre les deux. Il Les constituants peuvent être parallèles à deux
axes quaternaires, la résultante étant parallèle à un axe binaire où 20 ils peuvent être paral-
lèles à deux axes binaires, la résultante étant parallèle à un axe quaternaire.
-