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L'appropriation de l'écrit en contexte scolaire multilingue.<br />La situation de Madagascar. Des résultats des élèves en malgache et en français aux pratiques d'enseignement‐apprentissage

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00370482

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00370482

Submitted on 24 Mar 2009

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des élèves en malgache et en français aux pratiques d’enseignement-apprentissage

Muriel Nicot-Guillorel

To cite this version:

Muriel Nicot-Guillorel. L’appropriation de l’écrit en contexte scolaire multilingue.La situation de Madagascar. Des résultats des élèves en malgache et en français aux pratiques d’enseignement- apprentissage. Linguistique. Université Rennes 2, 2009. Français. �tel-00370482�

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UNIVERSITE RENNES 2– HAUTE-BRETAGNE sous le sceau de

L’UNIVERSITE EUROPEENNE DE BRETAGNE Ecole doctorale Sciences Humaines et Sociales

PREFics (EA 3207 / UMR CNRS 8143)

 

L’appropriation de l’écrit en   contexte scolaire multilingue.  

La situation de Madagascar. 

 

Des résultats des élèves en malgache et en français   aux pratiques d’enseignement‐apprentissage. 

THÈSE

Pour l’obtention du grade de

Docteur de l’université Rennes 2 – Haute Bretagne Sciences du langage

Présentée et soutenue publiquement par

Muriel NICOT-GUILLOREL

le 13 février 2009 Sous la direction de

Thierry Bulot

Membres du jury

Philippe BLANCHET, Professeur des Universités, Rennes 2 Haute Bretagne Thierry BULOT, Professeur des Universités, Rennes 2 Haute Bretagne

Véronique CASTELLOTTI, Professeure des Universités, Université François Rabelais, Tours - Rapporteure

Roland GOIGOUX, Professeur des Universités, IUFM d’Auvergne, Clermont-Ferrand - Rapporteur

Brigitte RASOLONIAINA, Maître de conférence, INALCO, Paris

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REMERCIEMENTS

 

Nous tenons tout d’abord à remercier les responsables du Ministère de l’Education Nationale de Madagascar sans qui ce travail n’aurait pas pu avoir lieu, en particulier :

Madame Razafindramary Tahinarinoro, Directrice Générale de l’Education Fondamentale et de l’Alphabétisation, pour nous avoir autorisée à analyser les données du PASEC VII à partir de la base statistique du Ministère de l’Education Nationale et à enquêter dans deux écoles proches d’Antananarivo. Monsieur Ndrianjafy Romain Kléber, Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale, pour les nombreux échanges sur le système éducatif malgache lorsqu’il était Directeur de l’Institut National de Formation Pédagogique (INFP, notre lieu de travail actuel), ainsi que la nouvelle Directrice de l’INFP : Madame Ranorovololona Elmine.

Cette thèse est le fruit d’un long travail personnel qui n’aurait pu voir le jour sans le soutien de nombreuses personnes. Nous remercions en premier lieu Thierry Bulot, notre Directeur de thèse, pour sa confiance, sa disponibilité et ses qualités humaines. La régularité de nos échanges et la liberté de réflexion ont permis d’effectuer ce travail avec détermination. Notre profonde reconnaissance va à Gérard Vigner et à Jean Emile Gombert dont l’écoute attentive et les conseils avisés ont jalonné l’ensemble de ce parcours. Un grand merci également à Sonia Gatin et à Christian Bouquet qui nous ont incitée à partir sur la Grande île et ont suivi de près nos péripéties.

Ce travail n’aurait pu aboutir sans la collaboration active de plusieurs collègues que nous remercions chaleureusement. De nombreux traitements statistiques ont été effectués par Olivier Razafindranovona. Les transcriptions et les traductions, dans leur première version, ont été réalisées par Lucie Raharivololona et sa famille. Zakaria Miara Robison nous a initiée aux logiciels audio et vidéo pour mettre les documents sous format numérique. Clément Razatovo nous a offert son précieux témoignage sur l’Histoire du système éducatif malgache. Roger Razafindrabe et Faramalala Razakamanana ont effectué une relecture scrupuleuse du document tant en français qu’en malgache et ont contribué à l’améliorer. Nous sommes également particulièrement reconnaissante aux enseignants et aux élèves qui nous ont accueillie avec beaucoup de gentillesse dans leur classe, tout au long d’une année scolaire. Les neuf enseignants ont accepté de se prêter à un protocole d’enquête peu habituel à Madagascar et leurs témoignages nous ont été essentiels. Par ailleurs, nous remercions toutes les personnes nous ayant fait parvenir des documents utiles à notre réflexion, documents difficiles à se procurer lorsque l’on est éloignée.

Enfin, bien sûr, nos sentiments se tournent vers notre cercle proche : les amis et les membres de la famille, essentiels à notre construction personnelle par leur soutien indéfectible et cette liberté qu’ils nous ont toujours laissée.

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A mes parents et à ma sœur,

A la joie des voyages d’enfance en camping

sauvage : sous la toile, en caravane, à la belle étoile...

« Une rencontre interculturelle ou interethnique peut servir à éclairer les caractères structuraux de son propre comportement, qui autrement demeureraient cachés, beaucoup plus rapidement que ne le feraient les exigences normales de la vie. »

Edward T. Hall, 1976 : 83-84.

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Cette thèse est basée sur l’intertextualité entre l’auteur et de nombreuses ressources issues de la communauté scientifique. Pour souligner le cheminement de la pensée face à l’objet d’étude, des mises en gras sont effectuées par l’auteur (citations comprises).

 

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INTRODUCTION

 

Cette thèse est un essai de compréhension des facteurs intervenant sur le développement de la littéracie à l’école primaire malgache. Elle se structure en trois volumes.

Le premier volume repose sur deux parties présentant successivement un descriptif des caractéristiques des deux langues en usage à l’école primaire en 2004, le malgache et le français, en y associant une présentation de la situation sociolinguistique de la Grande Ile. Ce premier volume débouche sur une synthèse des points de convergence ou de contraste entre les deux langues de l’école, et place la réflexion sur le fait que la coexistence des langues dans une même société, la complémentarité ou l’opposition de leurs fonctions, peuvent retentir sur leurs didactiques et les options de l’apprentissage scolaire.

Le deuxième volume étudie les résultats des élèves en lecture-écriture, en malgache et en français, lors de l’évaluation PASEC VII (2004-2005) en les croisant, pour le français, avec le niveau des enseignants en français, évalués à l’aide du Test de Connaissance du Français (TCF). Ce volume comporte trois parties. La première partie présente les résultats des enseignants lors du TCF et est l’occasion de décrire les principes du Cadre Européen commun de référence pour les langues. Les deuxième et troisième parties sont consacrées à l’analyse des résultats élèves en lecture, en malgache et en français, d’abord au CP2 (deuxième année du primaire) puis au CM2 (cinquième année). Chaque composante mise en jeu dans la lecture y est alors décrite en regard des données scientifiques internationales (courant social et culturel, psychologie cognitive, données inter- et trans-linguistiques, etc.). De plus, une analyse des productions écrites des élèves y est menée, révélatrice de la psychogénèse de l’écrit dans les deux langues. En fin de volume, les cinq hypothèses de recherche ayant motivé l’analyse sont discutées. On cherche alors à savoir dans quelle mesure les performances en lecture des élèves sont influencées par la variable L1 dialectale / L1 officielle, en quoi leurs productions écrites sont facilitées en L1 par rapport à celles qu’ils produisent en L2, dans quelle mesure leurs compétences de lecture bien établies en L1 se reportent sur leur lecture en L2, si un degré de maîtrise de L2 par l’enseignant peut s’avérer déterminant pour leur apprentissage de l’écrit en L2, et enfin, quelles sont les poches de résistance, malgré un ensemble de facteurs favorables, qui peuvent entraver l’apprentissage de l’écrit en L2.

Après cette approche quantitative et descriptive, le troisième volume adopte une démarche ethnographique centrée sur les interactions enseignant-élèves lors de séances de lecture filmées dans deux écoles des Hauts Plateaux (2005-2006). Ce dernier volume se structure également en

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communication (en particulier scolaire), la variation culturelle des éthos communicatifs interférant sur les pratiques scolaires et débouche sur certains aspects de la sociopragmatique malgache. Il s’agit aussi de tester nos modalités de séquençage des séances de classe par une incursion dans le corpus « Langage en français » et d’ancrer notre analyse des pratiques professionnelles en mobilisant les principes de la psychologie ergonomique pour analyser le travail du maître de lecture. La deuxième partie veut s’inscrire davantage dans la perspective

« historico-culturelle » mise en relief en amont, en menant une analyse des prescriptions en lecture à Madagascar depuis l’époque des missionnaires. Enfin, la troisième partie de ce dernier volume étudie le corpus « Lecture magache et français », en essayant de cerner la « zone de développement professionnel » des enseignants malgaches dans le domaine de l’enseignement de la lecture. En ce sens, nous espérons que cette thèse pourra apporter une contribution à la problématique de « l’alphabétisation universelle » des plans Education Pour Tous mis en place dans les pays pauvres très endettés (PPTE).

 

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VOLUME I 

 

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Pour une approche conjointe du  malgache et du français pour 

l’apprentissage de l’écrit  

 

Le langage des Blancs n’a pas d’oreille. Leur langue n’est pas comme la nôtre. Quand ils parlent, c’est une danse à petits bonds, quand tout le reste demeure immobile. C’est une pluie de petits cailloux qui tombe sur la terre sèche, puis le ruissellement de l’eau sur les feuilles. Quand ceux de chez nous parlent, c’est un serpent aux anneaux d’argent qui glisse entre les joncs. Le kabary a la démarche du camaléon, mais voilà que la libellule est mangée.

Laurence Ink, Chants de corail et d’argent, Robert Laffont, 2005

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PRESENTATION DU VOLUME I

   

COMPARAISON DES LANGUES,   NORMES ET VARIATIONS 

 

E VOLUME est le premier des trois qui structurent la thèse. Il repose sur deux parties respectivement consacrées à la langue malgache et à la langue française. Chaque partie commence par une présentation sociolinguistique de la langue dans le pays, puis présente ses caractéristiques linguistiques formelles. Le postulat de ce volume est que, dans un système d’enseignement reposant sur un contact de langues, une comparaison des langues en présence est incontournale pour étudier le développement des habiletés langagières des apprenants.

Cet éclairage permettra de mieux comprendre, dans les volumes ultérieurs, les processus mis en jeu par les élèves et les maîtres pour l’appropriation de l’écrit, en malgache et en français, au sein de l’école primaire malgache.

1.  Caractéristiques  des  langues  première  et  seconde  dans les recherches sur l’acquisition des langues  

Chercher à comprendre les processus d’appropriation des langues écrites dans l’environnement acquisitionnel qu’est l’école malgache amène obligatoirement à une comparaison des deux systèmes linguistiques que développe l’apprenant : celui de la langue première (le malgache) et celui de la langue seconde (le français), tant au niveau des représentations qu’au niveau du traitement. C’est pourquoi une présentation des statuts des langues et de leurs caractéristiques majeures formelles s’avère nécessaire. Cette posture de recherche, qui vise à identifier les caractéristiques des langues en présence pour mieux comprendre les processus d’acquisition, n’est pas nouvelle. Mais dans le contexte d’étude, et au vu de la littérature consultée, on dispose de peu de synthèse dans ce domaine à Madagascar. Puisqu’ici on s’intéresse aux processus mis en jeu par les élèves pour apprendre à lire et à écrire dans les deux langues, et aux pratiques des maîtres qui encadrent cette activité, mettre en relief les traits saillants des langues en présence permettra d’affiner, dans les volumes n°2 et n°3, les hypothèses de recherche.

C 

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L’idée générale de l’étude est d’alimenter une réflexion pour une didactique mieux « intégrée » de l’apprentissage du malgache et du français à l’école primaire. Les éléments mis en relief dans ce premier volume sur le malgache sont une simple synthèse, effectuée après la consultation d’ouvrages de description de la langue, qu’il conviendrait naturellement d’approfondir par des spécialistes malgachophones.

Beaucoup de travaux de recherche sur l’acquisition des langues (désormais RAL) se sont intéressés à l’influence possible des langues antérieurement acquises sur le développement langagier de l’apprenant. On peut relever différentes périodes caractérisant cette réflexion :

Les années 1940-1950 voient les premières tentatives véritablement organisées pour prendre en compte les relations entre L1 /L2. C’est l’époque de la théorie de l’analyse contrastive, illustrée notamment par les travaux des linguistes Fries et Lado1. « Ils proposent donc de mettre en regard le système de la langue étrangère et celui de la langue première, afin d’en déceler les points de ressemblance et de divergence ; cette manière de procéder conduirait à prévoir ce qui, de la langue première, peut être transféré sans difficulté lors de l’accès à une nouvelle langue et, a contrario, les erreurs qui devraient être inévitablement commises par les apprenants en raison de ces caractéristiques. » (CASTELLOTTI, 2005 : 68-69). Cette approche a été ensuite critiquée en raison de sa focalisation sur les erreurs produites lors de l’apprentissage d’une L2 : observation a posteriori des transferts éventuels de L1 sur L2, centration sur les productions erronées des apprenants.

La période suivante cherche à mieux analyser les erreurs. Les relevés et inventaires produits mettent alors à jour leur diversité et leur complexité potentielles. C’est ainsi que se répand l’idée que les erreurs constituent des indices de l’activité d’apprentissage et, dans ce sens, qu’elles sont naturelles et nécessaires pour l’acquisition.

Dans les années 1970 apparaît la notion d’interlangue, notion aujourd’hui fondamentale dans l’acquisition des langues. « L’interlangue apparaît comme un processus éminemment interactif, au sein duquel les deux langues concernées entretiennent des relations d’imbrication et d’interdépendance qui concourent à la construction de nouvelles compétences, testées puis affirmées par l’apprenant grâce au contexte qui peut s’avérer plus ou moins facilitateur pour l’acquisition . » (CASTELLOTI, 2005 : 72). La langue première apparaît alors comme déterminante pour la construction et l’évolution de l’interlangue et représente un facteur essentiel à prendre en compte. Dans cette logique, la langue première n’est plus considérée comme un obstacle mais devient source et référence.

1 Cités par Castellotti (2005 : 68).

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Présentation du volume I

Cette position a permis une certaine réhabilitation des L1 au sein des classes de langue étrangère. Le recours à L1 n’est plus toujours considéré aujourd’hui comme obstacle à l’acquisition de L2.

Au sein de ce courant se sont développées des recherches s’appuyant sur une

« contrastivité revisitée ». Recentrées autour de stratégies « d’exploration interlinguistique » (Dabène et Degache, 1996), elles ont permis par exemple la mise en place de programmes d’intercompréhension des langues voisines en Europe (en particulier autour des langues romanes, comme l’exemple du programme Galatea).

Dans les années 1980, Kellerman et Sharwood-Smith2 propose le terme d’effet translinguistique pour couvrir les phénomènes d’emprunt, d’interférence, de transfert, d’évitement de transfert et de perte de langue.

Parallèlement à ce courant RAL, situé dans l’héritage des analyses contrastives, les travaux de la sociolinguistique et de la psycholinguistique s’intéressent à la question du bilinguisme et, de manière plus générale, aux phénomènes de contacts de langues, dans une perspective interactionnelle. La notion d’interlangue est alors intégrée à l’intérieur de la compétence bilingue3, jugée plus englobante et générique (Gajo et Mondada, 2000, pour une présentation des travaux de Bernard Py). On parle maintenant de compétence plurilingue et pluriculturelle. Cette compétence est le fruit d’un répertoire verbal unique, qui ne saurait être considéré comme la simple juxtaposition de deux compétences monolingues. Ces orientations ont conduit à analyser les différentes manifestations du parler bilingue, qui s’observent dans la majorité des situations où des langues sont en contact : les locuteurs sont amenés à « jongler » avec plusieurs langues et plusieurs codes dans leurs échanges réguliers, ce qui amène l’apparition de certaines marques transcodiques. Cette notion rappelle celle d’effet translinguistique évoquée précédemment.

Quels que soient ces courants de recherche, il apparaît donc que la question du rôle de L1 dans l’appropriation des langues secondes est toujours d’actualité. S’intéresser aux caractéristiques des langues en présence pour mieux comprendre, par la suite, leurs influences éventuelles sur les processus en jeu dans l’apprentissage de l’écrit à l’école à Madagascar, semble donc nécessaire.

2 Cités par Véronique (2005 : 19).

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2. Normes et variations 

Dans cette entreprise, consistant à vouloir présenter les caractéristiques des langues en présence pour mieux étudier ensuite leur appropriation, se pose alors la question de ce que l’on entend par

« langue malgache » ou « langue française ». En effet, le concept de langue renvoie « à une production tierce, c’est-à-dire :

1) nécessairement sociale : une langue n’existe que parce que des locuteurs intériorisent son existence via des/leurs pratiques linguistiques tant représentées qu’effectives (…)

2) diverse et hétérogène : son usage varie localement, socialement, selon les types d’interaction, le sexe des locuteurs, les genres de discours, etc.

3) constituée par ou pour un système d’interactions entre des locuteurs sur une aire territorialisée, c’est-à-dire un espace de légitimité sociale que les mêmes locuteurs construisent comme étant celui d’une légitimité linguistique. » (BULOT, 2006 a) : 48).

Choisit-on ici de présenter un système d’invariants ou accepte-t-on une constellation de variations et de quels ordres ? Sans entrer dans l’épaisseur épistémologique de ces interrogations, il est à préciser que ce premier volume se limite aux aspects formels des langues en présence, dans la mesure où ce sont eux qui interviennent dans la gestion de l’écrit. En effet, comme dans tout système éducatif, l’écrit utilisé à l’école malgache s’appuie sur les normes linguistiques académiques, attributs des variétés « hautes » des langues, ce qui renvoie à la notion de « langue standard », comme le précise Henri Besse (2002) ici : « Une langue peut d’abord être définie comme un ensemble de variétés langagières à même de permettre, chez ceux qui en ont l’usage, une intercompréhension plus ou moins immédiate. Dans l’ensemble de ces variétés, nous distinguons d’une part les variétés vernaculaires (…) et d’autre part, la variété cultivée (celle qui est orthographiée, normalisée (…) et qui est généralement la seule variété enseignée. (…) Cette variété est souvent dite « norme » de la langue ou « langue standard »…» (BESSE, 2002 : 22-24).

Bien sûr, cela ne veut pas dire que la question de la variation linguistique n’apparaît pas dans notre travail : au contraire, elle se place au cœur du contexte d’étude. Le concept de langue « ne peut être réduit à sa dimension savante ; assurément il renvoie et doit renvoyer à des acceptations très diverses dont aucune ne peut échapper à la prégnance du social… » (BULOT, 2006 a- : 45). Or, l’appropriation des langues à l’école se fait, certes, à travers les discours écrits (manuels, supports didactiques), mais surtout par les discours co-construits au sein des interactions enseignant/élèves.

Par ailleurs, ce volume montrera que la situation sociolinguistique à Madagascar se caractérise par une double diglossie majeure mettant en présence les parlers régionaux malgaches, le malgache officiel et le français. Dans ce contexte, les variations linguistiques y sont donc forcément très fortes.

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Présentation du volume I

A l’école malgache, où le malgache et le français sont à la fois disciplines scolaires mais également langues d’enseignement4, on pourrait s’attendre à ce que ces langues soient simultanément langue de communication entre les acteurs (enseignants, élèves, administration), langue d’apprentissage (explications, consignes, etc.) et langue d’enseignement (contenus, manuels, autres supports).

Pour le français, comme le signale Jean-Louis Chiss (2006), ces présupposés ne conviennent pas à de tels contextes multilingues « parce que, si les savoirs sont tout ou partie construits en français (langue d’enseignement), ils ne sont pas toujours dispensés en français (cette langue n’est pas nécessairement l’unique vecteur des apprentissages et des interactions didactiques orales et écrites), et les interactions didactiques à l’intérieur du cadre scolaire (langue de communication) peuvent aller jusqu’à complètement ignorer le français. (…) Si la langue d’enseignement, de mise en forme des savoirs, a déjà pour les locuteurs francophones natifs une opacité considérable, nul doute que ces effets de non transparence et de cumul des difficultés se trouvent renforcés en contexte multilingue où les éléments de code-switching entre plusieurs langues sont constants. » (CHISS, 2005 : 60). Ces remarques, tout à fait valables pour Madagascar, laissent donc entrevoir une belle place à la variation linguistique dans le quotidien des classes. Ces aspects seront appréhendés dans le volume n°3.

Pour l’instant donc, il s’agit de présenter à la fois la situation sociolinguistique du malgache et du français dans la Grande Ile et de mettre en relief leurs particularités linguistiques sous un angle, ici, assez normatif.

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PARTIE I – VOLUME I 

 

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LA LANGUE MALGACHE   

 

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CHAPITRE 1 

  ORIGINES DU MALGACHE 

 

E MALGACHE,considéré comme langue première de l’école, est classé parmi la famille des langues austronésiennes. Elle se trouve être la langue la plus occidentale de la branche malayo-polynésienne des langues austronésiennes. Plus précisément, elle appartient au groupe dit « barito », dont les langues sont parlées à Kalimantan, la partie indonésienne de l'île de Bornéo, dans l'actuelle région de Banjarmasin. Dans cette région, la langue dominante est aujourd'hui le malais, qui appartient à un autre groupe malayo-polynésien. On estime que les protomalgaches auraient émigré de Bornéo vers Madagascar aux alentours de l’an 400 de l’ère chrétienne.

ILLUSTRATION N° 1 : Généalogie des langues austronésiennes (BELLWOOD, 2001 : 135).

« Jusqu’en 1500 avant notre ère, l’austronésien était la famille de langues la plus répandue sur terre ; cette famille est aujourd’hui parlée par plus de 200 millions de personnes vivant à Taiwan, dans le sud du Viêt-Nam, à Madagascar, en Malaisie, aux Philippines, en Indonésie et dans les îles du Pacifique, jusqu’à Hawaii et l’île de Pâques. Les données archéologiques dont nous disposons suggèrent que les locuteurs de l’austronésien émigrèrent d’abord dans les zones déjà peuplées, de Taïwan jusqu’à la Mélanésie occidentale, puis dans des territoires inhabités, à Madagascar et dans les îles du Pacifique situées à l’Est des îles Salomon. » (BELLWOOD, 2001 : 132).

Si l’origine austronésienne (ou malayo-polynésienne) du malgache est un fait avéré, on discute encore pour savoir où et quand le malgache a puisé dans les trois sources linguistiques que sont le sanskrit, le bantou et l’austronésien commun. Ces trois langues se caractérisent par une importance inégale quant à leur apport lexical et à leur influence sur l’évolution de la langue malgache.

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L’influence du sanskrit semble s’être effectuée avant ou au tout début de la migration. « La présence de mots sanskrits dans le malgache actuel date de l’époque où le malgache ne s’est pas encore détaché de la grande famille des langues austronésiennes, telles que le javanais et le maanjan. » (RABENILAINA R-B, 2004 : 27). L’apport de cette langue se réduit à un vocabulaire plutôt restreint essentiellement lié au commerce. Roger Bruno Rabenilaina (2004) souligne que l’introduction des mots sanskrits n’a pas eu de conséquence sur l’évolution phonologique de la langue et que, en conséquence, ces mots doivent être considérés comme des emprunts et non comme des éléments constitutifs de la langue malgache.

Pour ce qui concerne la langue bantoue, aucune certitude n’existe jusqu’à ce jour pour expliquer l’origine de son influence. « Peu d’éléments textuels nous renseignent sur les migrations bantoues, si bien que de nombreuses suppositions ont été faites : razzias d’esclaves par les Indonésiens sur la côte orientale de l’Afrique (Grandidier, 1908), contact prolongé des deux groupes sur la côte africaine puis installation à Madagascar (Deschamps, 1961), antériorité de la présence des bantous sur l’île fondée sur l’existence d’ancêtres vazimba, premiers occupants de Madagascar (Ferrand, 1908). Aucune de ces hypothèses n’a pu être vérifiée au niveau archéologique, tant à Madagascar que sur la côte africaine. » (BABAULT S., 2006 : 18). Plusieurs linguistes débattent encore autour des phénomènes de contacts entre le bantou et l’austronésien et s’interrogent sur leur apport respectif dans la langue malgache. Ainsi pour Roger-Bruno Rabenilaina (2004) parler de

« substrat bantou », hypothèse soutenue par Otto Christian Dahl (1954 : 105), voudrait dire que l’existence du malgache résulte d’un support préexistant sans lequel cette langue ne saurait subsister. Or, pour lui, il est démontré que « la grande majorité des règles de correspondance phonétique du malgache et des parlers barito du Sud-est de Bornéo sont systématiques. Ce qui implique que le rapport entre le bantou et le malgache ne peut être, au plus, qu’un rapport de contact. (…) Il convient donc de privilégier ici le processus d’emprunt ou d’influence reçue par rapport à celui de substrat.» (RABENILAINA R-B., 2004 : 28).

Cette position rejoint celle de Pierre R. Simon (2006) : «D’énormes différences et des proximités remarquables existent entre le malgache et la langue des habitants du littoral africain. Bien que les influences bantoues aient été importantes, à aucun moment la structure austronésienne du malgache n’aura été remise en cause. C’est essentiellement sur le phonétisme et le lexique du malgache que l’apport africain est notoire. » (SIMON, 2006 : 151). En effet, la langue malgache a intégré des traits phonologiques du bantou dont les éléments les plus nets sont la vocalisation des finales consonantiques, l’apparition des phonèmes affriqués /tr/ et /dr/ totalement absents de la famille austronésienne et la fricatisation des labiales /p/ et /b/.

Concernant l’influence de l’austronésien commun, le travail d’Otto Christian Dahl (1951) sur le malgache et le maanjan met en évidence la parenté entre le malgache et les formes issues de l’indonésien commun, appelé également austronésien commun. La systématicité des

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Chapitre 1 : Origine du malgache

correspondances phonétique et lexicale entre le malgache et les parlers indonésiens en usage dans le sud-est du fleuve Barito (partie indonésienne de Bornéo) est en effet démontrée. Pierre R. Simon (2006) affine la localisation de l’orignine austronésienne du malgache : « Parmi les langues indonésiennes connues, aucune n’a autant de ressemblance avec le malgache que le Sud-Est de Barito, dont le maanyan n’est qu’un dialecte. (…) Le pré-malgache consituait la forme la plus méridionale du proto-centre et sud-est barito, dont le samihim est le plus proche témoin. Le malgache ne provient pas du maanyan, mais du Proto-Sud-Est Barito, dont l’épicentre était le pré-malgache lui-même. » (SIMON, 2006 : 471). Un tableau de synthèse fourni par cet auteur permet d’illustrer l’évolution historique de la langue malgache :

TABLEAU N°1 : Synthèse de la périodisation du malgache (SIMON, 2006 : 278).

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Pour Pierre R. Simon (2006), l’évolution de la langue malgache se caractérise par quatre périodes majeures de transformation :

A l’origine, la phase « pré-malgache » (Ier au Ve siècle) correspondant à celle des parlers Proto-Centre et Sud-Est Barito avant que « la principauté, d’où étaient originaires les proto-malgaches bascula dans l’orbite du Maratam, dont la langue est le javanais, et perdit son indépendance. » (SIMON, 2006 : 265). A noter qu’à cette période, l’influence indienne est également forte dans cette zone.

La seconde phase est celle du « proto-malgache indonésique », sous l’influence du malayo-javan, caractérisée par une forte activité maritime et commerciale (Ve- VIIe) en mer de Java. Cette période est celle d’un enrichissement considérable en vocabulaire et en techniques (travail du fer). « L’impact culturel des parlers malayo-javanais en Mer de Java, indissociable d’une influence indienne déterminante, ne saurait donc être sous- estimé ! » (SIMON, 2006 : 270). C’est aussi la période des traversées vers l’Afrique et l’installation de points d’ancrage sur les côtes ou îles africaines (notamment aux Comores).

La première phase linguistique de contact avec ces populations pourrait avoir donné lieu à la création d’un pidgin au moment des incursions africaines au sud de Zanzibar. A la fin du VIIe siècle, les communautés bantoues, désormais plus denses, obligent les proto- malgaches à renoncer à leurs points d’appui.

Ils s’installent alors plus profondément à Madagascar. « Du VIIè au XIè siècle, une forme créole5 , le paléomalgache, se développe à Madagascar » (SIMON, 2006 : 268). C’est une période d’unité de près de trois cents ans où s’intallent les structures et le fond du vocabulaire commun. Les échanges avec l’extérieur remodèlent profondément le phonétisme de la langue. « A tous égards, cette phase est celle du diasystème de la langue malgache, dont relèvent encore tous les parlers régionaux. (…) C’est au cours de cette période, que sur un continuum proto-dialectal se constituent déjà deux puis trois proto- dialectes : Sud-Ouest, Nord, Est. » (SIMON, 2006 : 273-275). Pour l’auteur, la naissance de ces proto-dialectes serait liée à des modes de vie différents n’offrant pas les mêmes possibilités d’exposition langagière et donc à deux façons d’être paléomalgaches : ceux qui se sont repliés sur les terres et ont eu peu de contact avec l’extérieur (culture vezo- vazimba), ceux maintenant des contacts avec l’influence proto-malgache encore présente aux Comores (culture vezo-boky) et les populations bantoues et, à la fin du XIe siècle, avec la culture swahilie naissante.

5« Un pidgin est une forme simplifiée du langage utilisée pour communiquer entre des populations ne possédant pas de langue commune. (…) Un pidgin n’est jamais la langue maternelle d’un des locuteurs. Le créole se développe lorsqu’un pidgin, même restreint, devient la langue maternelle, apprise en famille, dans l’un des groupes en contact, alors apte à répondre aux besoins linguistiques minimaux des locuteurs. » (SIMON, 2006 : 234).

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Chapitre 1 : Origine du malgache

ILLUSTRATION N° 2 : Schéma du développement culturel paléomalgache (SIMON, 2006 : 247).

Quand, au XIIe siècle, les liens cessent avec l’Indonésie, vient le temps d’une plus grande dispersion dialectale, jusqu’à la constitution au XVIe siècle des grands royaumes, début d’une nouvelle reconstitution de l’unité linguistique.

A partir du XVIe siècle, les Européens arrivent à Madagascar d’abord des Portugais, puis au XVIIe siècle, des Anglais, des Hollandais, des Danois, des Français. Au XIXe siècle, sous le règne du roi Radama 1er, les rapports entre la royauté et les Européens s’intensifient. C’est à cette époque que les membres de la London Missionary Society travaillent à la standardisation de la langue malgache merina (langue de la région des Hauts Plateaux). Les périodes suivantes sont marquées par une succession de conflits entre les Français et les Anglais avec le Royaume merina, jusqu’à ce que la France prenne le pouvoir en 1896. Pendant la colonisation, le malgache est relégué au rang de langue minorée. A noter pourtant que le malgache a été enseigné dans les écoles « indigènes », à la différence de tous les autres parlers d’Afrique Noire à la même époque.

Ce bref rappel historique explique l’important métissage linguistique du malgache, dont « le lexique provient à la fois de l’héritage austronésien et d’emprunts au sanskrit (tsara « bien », trosa

« dette », lapa « palais »), à l’arabe (par exemple pour les jours de la semaine : alatsinaina, talata, alarobia, alakamisy6, etc.), aux langues bantoues, au portugais et au hollandais (dans une moindre mesure), à l’anglais (praiministra « premier ministre », boky « livre », sekoly « école », etc.) et au français. » (BABAULT, 2006 : 21).

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CHAPITRE 2

  VARIANTES DIALECTALES ET 

INTERCOMPREHENSION   

E MALGACHE ACTUEL semble se caractériser par une relativement faible dialectisation. Les parlers7 malgaches sont répartis généralement en deux groupes : occidental et oriental. A l’intersection de ces deux groupes, on en ajoute parfois un troisième, dit « parlers mixtes », présentant des caractéristiques mélangées des autres groupes.

Les principales différences linguistiques relevées entre ces groupes se situent au niveau phonologique. Ainsi, Roger Bruno Rabenilaina (2004) souligne entre les groupes occidental et oriental une triple opposition syllabique : li/di (lily/didy, couper), ti/tsi (tihy/tsihy, natte), -ts° /-tr°

(lagnits°/lagnitr°, ciel) et une double opposition phonétique : y/z (iye/izy, il), e/i après l’accent (rae/ray, père). Les distinctions majeures opérées, au sein de chaque groupe, peuvent être résumées ainsi :

Dans le groupe occidental, on relève trois sous-groupes :

Le premier sous-groupe, constitué par le sakalava, le masikoro, le vezo, le mahafaly, le tandroy et le tanala8, contient sur le plan phonétique toutes les caractéristiques occidentales.

Le second, composé par le bara, le tanosy, et le betsileo arindrano, est mixte avec des caractéristiques à la fois de l’est et de l’ouest. On retrouve dans le bara –li, ti, -ts et y, dans le tanosy li et –ts et dans le betsileo arindrano –ts, y et e.

Le troisième sous-groupe comprend des parlers orientaux avec des caractéristiques du groupe occidental et se compose du tsimihety (ti : tigny, blâme), du vorimo et du betsimisakara sud (y : yaya, enfant), du tesaka et du tankarana (y : aiya, où).

7 « J’ai déjà fait remarquer à propos du remplacement du terme de « dialecte » par celui de « parler » que la délimitation des dialectes repose sur des « critères ethniques hérités de la colonisation » alors que celle de parlers l’est « sur des critères aussi fluctuants que les paramètres socio-économiques ou socioculturels ». Le nombre de parlers est donc autrement plus élevé que celui de dialectes. » (RABENILAINA R-B, 2004 : 38).

L 

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Dans le groupe oriental, les variations phonétiques entre les parlers sont beaucoup plus diversifiées. On peut mettre en relief deux sous-groupes :

Le premier regroupe les parlers aux caractéristiques typiquement orientales : le betsimisakara du nord, le bezanozano, le sihanaka, le merina, le betsileo du nord, le tambahoaka, le tanala, le temoro, le tesaka, le tafasy, le razizoro.

Le second est constitué des parlers mixtes dans lesquels on relève pour le bara et le tanosy (i après l’accent), pour le tanosy et le tankarana (l’évolution du ti de l’austronésien commun en tsi), pour le betsileo arindrano (di et tsi), enfin pour le tsimihety (di).

A ces distinctions majeures s’ajoutent d’autres différences liées aux variations vocaliques en fin de mots qui peuvent engendrer de nouveaux sous-regroupements. En voici quelques caractéristiques : l’existence du phonème [o]9 dans quelques parlers, des parlers n’utilisant que –a en voyelle finale, des parlers utilisant massivement des chuintantes pour [s] ou [z], des parlers transformant les finales -y systématiquement en -e, des parlers utilisant le n vélaire, etc.

Ce résumé des traits distinctifs entre les variations dialectales n’est pas sans interroger leur impact possible sur l’apprentissage de la lecture à l’école. En effet, compte tenu de l’importance des habiletés phonologiques dans la découverte du principe alphabétique de l’écrit, il conviendra ultérieurement de se demander si les différences phonologiques relevées précédemment affectent l’apprentissage de la langue écrite officielle.

Cependant, malgré leurs caractéristiques propres, les variantes dialectales sont souvent présentées comme ne gênant pas l’intercompréhension entre locuteurs. « Quoi qu’il en soit des différences qui permettent de séparer la langue malgache en deux groupes de parlers : le groupe occidental et le groupe oriental, et de répartir ces derniers en sous-groupes plus ou moins homogènes, il est indéniable qu’il y a intercompréhension entre locuteurs malgaches de différents parlers à travers tout Madagascar. Certes cette intercompréhension peut paraître malaisée au premier abord (…) mais les obstacles tombent assez rapidement à mesure que les oreilles s’habituent à certains sons et intonations, peu familiers, ainsi qu’à un certain vocabulaire caractéristique de la région. » (RABENILAINA, 2004 : 42). L’autre argument renforçant l’effectivité historique de cette intercompréhension est le fait qu’il semble qu’aucun document écrit ou de tradition orale n’ait mentionné le recours aux interprètes au temps des royaumes malgaches.

Au niveau lexical, les chercheurs estiment que 70% du vocabulaire de base utilisé par un locuteur moyen sont disponibles dans tous les parlers. Au niveau morphologique, la langue dispose de

9graphié ô

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Chapitre 2 : Variations dialectales et intercompréhension

règles stables communes à tous les parlers, pour construire de nouveaux dérivés, qu’il s’agisse des règles régissant les processus d’attachement des affixes flexionnels ou celles concernant les affixes dérivationnels10. De même, les règles syntaxiques semblent communes à tous les parlers malgaches. C’est pourquoi, pour le linguiste Jacques Dez (1978)11, on peut parler d’une véritable unité linguistique à Madagascar, ce qui en fait un pays inédit au sein des pays de l’Afrique subsaharienne : « En se fondant sur des considérations purement linguistiques, il est possible de définir la constance de la langue malgache grâce à l’observation de traits communs aux différents parlers malgaches :

- éléments communs du système phonologique évolué de façon diverse suivant les régions à partir d’un système indonésien commun ;

- éléments communs de grammaire (morphologie, voix verbales avec l’originalité partout retrouvée de la voix circonstancielle, indifférenciation de la fonction verbale et de la fonction nominale, syntaxe.) ;

- éléments communs de lexique (fond indonésien important, enrichi d’apports provenant du swahili, de l’arabe, des langues indiennes). En revanche, si l’influence européenne (anglais et français) apparaît très importante sur le merina, elle est moins profonde et plus diversifiée sur les autres parlers.

Tous les parlers présentent donc les mêmes caractéristiques fondamentales de structure grammaticale et lexicale et ne diffèrent guère entre eux que par des variantes localisées de vocabulaire et par « l’accent », comme l’écrivait déjà E. de FLACOURT en introduction à son dictionnaire de la langue de Madagascar (1658). L’intercompréhension entre locuteurs de parlers malgaches différents est aisée et ne nécessite qu’un apprentissage extrêmement réduit. » (DEZ, 1978 : 331-332).

Solo Raharinjanahary (2004), tout en reconnaissant l’unité fondamentale de la langue malgache, module cette notion d’intercompréhension. « Dire qu’il y a toujours intercompréhension entre les dialectes malgaches est exagéré. Mais affirmer qu’on ne se comprend pas entre les dialectes malgaches est tout aussi excessif. » (2004 : 43). Il souligne qu’un locuteur merina écoutant des locuteurs antandroy parlant entre eux ne comprendra pas grand-chose si on ne l’introduit pas dans la conversation, et réciproquement. Pour lui, « le principe fondamental d’intercompréhension des dialectes malgaches est d’ordre psychologique et relationnel : on se comprend quand on veut se comprendre, et on ne se comprend pas quand on veut ne pas se comprendre. » (RAHARINJANAHARY, 2004 : 144). L’intercompréhension entre les locuteurs des différentes

10 La langue malgache est souvent considérée comme une langue agglutinante. Nous y reviendrons.

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variétés dialectales est donc possible mais relève de leur volonté à véritablement vouloir communiquer ensemble.

En fait, il semble que par rapport au merina (malgache officiel), les « dialectes » les plus proches soient le betsileo et le sihanaka (à peu près 90% du vocabulaire de base traditionnel est commun).

Les plus dissemblables semblent être les langues de l'extrême-sud de l'île comme l’antandroy et certains dialectes sakalava avec lesquelles le merina ne partage qu’environ 60% de son vocabulaire de base. A noter que « tous les dialectes possèdent plus ou moins le même taux de mots paléomalgaches. » (SIMON, 2006 : 203).

TABLEAU N°2 : Correspondance de vocabulaire entre les différents parlers malgaches

(ENCYLOPÉDIE Wikipédia.mht, adapté de VERIN P., KOTTAK C. P., GORLIN P., 1969 : 58).

Pour Pierre R. Simon (2006), les travaux de Pierre Vérin et de Jacques Dez demeurent des données incontournables qu’il faut cependant moduler. Selon lui, certains parlers que l’on répartit habituellement dans des aires linguistiques distinctes ont en fait une plus grande proximité de vocabulaire qu’il n’y paraît. « Les parlers antemoro, antesàka et zafisoro, donc les plus récents du groupe oriental, connaissent une proximité certaine de vocabulaire avec les parlers occidentaux (Br, Skl, Mfy, Vz, Tdy), dont ils sont censés être les plus lointains. » (SIMON, 2006 : 186).

Le recours aux noms tels que merina, betsileo, etc. n’est ici qu’une simple commodité et n’a pour but que de situer géographiquement les différentes variations. « De tels noms n’ont donc pas de

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Chapitre 2 : Variations dialectales et intercompréhension

valeur linguistique et ne désignent pas respectivement un parler ni, a fortiori, l’ethnie qui en ferait l’usage. » (RABENILAINA, 2004 : 38). Malgré cette réserve, la carte suivante permet de localiser les zones où ces parlers sont les plus fortement en usage.

ILLUSTRATION N°3 : Carte ethnique de Madagascar (BABAULT, 2006 : 311, tiré de Vérin, 1990).

Les variétés dialectales sont par ailleurs vécues comme des marqueurs identitaires. Les visions ethnocentristes sur les différents parlers et sur le malgache officiel (merina) apparaissent fréquemment. Un Betsileo parle vite comme « s’il doit attraper le train de Manakara », les Sakalava parlent fort comme « s’ils sont toujours en train de se disputer », etc. «Ces réflexions et visions sont toutes les unes et les autres ethnocentriques et témoignent des formes de relations interethniques à Madagascar qui peuvent être sans gravité aucune, ou qui servent dans les ziva « relations de

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parenté à plaisanterie », mais qui parfois aussi peuvent entraîner certaines complications. » (RAHARINJANAHARY, 2004 : 145).

On aborde là une vision sociolinguistique de la notion de dialecte et l’on rejoint les analyses de Thierry Bulot (2006) lorsqu’il écrit : « Il faut admettre, à l’instar de ce que la sociolinguistique pose de la langue, une définition socio-linguistique du dialecte. (…) Un dialecte existe tant que des locuteurs posent en discours son existence, affirment un statut qui en relève ; ils sont capables de le mettre en mots, de signifier des marqueurs, des attitudes et des comportements linguistiques et langagiers spécifiques. (…) Ainsi un dialecte est déjà une langue dans la mesure où il donne sens à une appartenance communautaire et donne corps à des pratiques sociales quasi ethniques. » (BULOT, 2006 a- : 27-28)

Enfin, un dernier point pouvant également influencer les apprentissages scolaires concerne l’utilisation de ces dialectes à l’écrit. Certains auteurs, comme Vololona Randriamarotsimba (2005), pensent que les variétés dialectales sont « caractérisées par leur oralité », le merina (malgache officiel) est « la seule à avoir une littérature et à être supportée par l’écrit. » (RANDRIAMAROTSIMBA, 2005 : 204-206). Solo Raharinjanahary (2004) relève au contraire une extension des ressources écrites dialectales, les mettant ainsi à la portée d’un public de plus en plus large. Il signale d’abord que les recueils de textes dialectaux publiés avant et pendant la période coloniale, même s’ils étaient de diffusion restreinte, ont permis de collecter les traditions orales malgaches. Il évoque ensuite les difficultés de fixation des principes de transcription pour les phonèmes n’existant pas dans le malgache standard et pour lesquels des signes diacritiques ont été introduits : [o] en ô, [O] en ö, [E] en ê et la variation de transcription du n vélaire (qui évolue en fonction des possibilités offertes par les machines) transcrit gn puis ñ. Il note que les problèmes de transcriptions entre sifflantes et chuintantes persistent encore actuellement. Enfin, il souligne une réelle évolution des situations de rencontre avec les dialectes écrits. « Diverses situations participent actuellement à l’instrumentalisation des dialectes. Nous avons souligné précédemment l’importance des contacts dialectaux à partir de la diffusion des chansons dans les divers dialectes malgaches. Ce phénomène est accompagné de la transcription des textes en dialecte ; les dépliants qui accompagnent souvent les cassettes mettent à la portée du grand public les textes en dialecte.» (RAHARINJANAHARY, 2004 : 156-157). Mais quoi qu’il en soit des usages écrits des dialectes, à l’école, il demeure que c’est la langue officielle écrite (et donc le merina) que l’on trouve dans les manuels scolaires et avec laquelle on apprend à lire.

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CHAPITRE 3 

  LA STANDARDISATION  

DU MALGACHE OFFICIEL   

ATTARDER un peu sur l’époque où fut effectuée la standardisation du malgache officiel12 est nécessaire car cette période enclenche une mutation décisive dans la société malgache dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.

La standardisation du malgache officiel fut réalisée au début du XIXè siècle sous l’impulsion du roi Radama 1er et des missionnaires protestants de la London Missionary Society (L.M.S). Cette volonté politique d’étude systématique de la langue fut un phénomène nouveau dans l’Imerina13, même si l’élaboration de vocabulaires et de grammaires de la langue, à usage des Européens, avait déjà été réalisée par plusieurs étrangers de passage lors de la rédaction de récits de voyage. Mais ces ouvrages étaient rédigés sans réel souci de transcription homogène des sons14 puisque les mots ou expressions malgaches étaient notés en référence à l’orthographe de la propre langue du voyageur. Cette époque se caractérise par la force de deux logiques imbriquées : d’une part celle des missionnaires pour qui le triomphe de l’écrit face aux cultures orales garantit le triomphe du christianisme et la mission civilisatrice de l’accès à la Parole Sainte, d’autre part celle du pouvoir Hova qui voit dans l’implantation de la culture écrite un effet double : administrer les régions extérieures de l’Imerina et développer au sein de la population merina un groupe de cadres, proche du pouvoir, formé grâce à la scolarisation.

Pendant cette période, l’école, instrument idéologique au service du souverain et des missionnaires, s’ancre profondément dans la société. Après l’ouverture en 1818 de l’école du palais d’Antananarivo pour les enfants de l’aristocratie, l’instruction populaire démarre en 1820 avec la première école d’Ambodin’Andohalo dans la capitale. L’extension des écoles est rapide mais reste centrée essentiellement sur les Hautes Terres de l’Imerina et de façon plus limitée en région

12 A noter que la première écriture utilisée à Madagascar dérivait de l’alphabet arabe : le Sorabe (« grande écriture »). Cette écriture détenue par les groupes Antaimoro et Antambahoaka au Sud-Est de Madagascar les plaçait comme « maîtres de la sagesse et de la stratégie politique » (RAISON-JOURDANE, 1977 : 642). Elle est encore aujourd’hui considérée comme sacrée et est utilisée par les scribes et devins.

13 Hautes terres.

14 « Il en va ainsi des « Aventures de Robert Drucy durant quinze années de captivité dans l’île de Madagascar, avec un vocabulaire de la langue malgache ». Le vocabulaire fait suite au rapport de campagne du traitant ou du pionnier au service d’intérêts militaires. Sous-produit d’une activité d’échange ou d’implantation armée, il ne

S’

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Betsileo. Au total, sous le règne de Radama 1er, on estime de 10 à 15000 le nombre d’élèves scolarisés.

Le livre support pour l’apprentissage de la lecture-écriture dans ces écoles est bien sûr la Bible mais également des messages de glorification de la puissance royale, comme le montre cet extrait d’un récit de voyage de Carayon : « Dans le voyage à Ankova (chez les « Hova ») entrepris en 1826 par M. Arnoux et moi, nous logeâmes dans un village où s’était établie une école. Le missionnaire qui la dirigeait était absent, ses élèves… voulurent nous donner une idée de leur savoir-faire et s’empressèrent de tracer sur le tableau des phrases décousues : « Radama n’a point d’égal parmi les princes. Il est au dessus de tous les chefs de l’île ; il est le maître de tout. Toute la terre de Madagascar lui appartient, n’appartient qu’à lui seul. »15

La traduction de la Bible s’effectua en quatre ans par deux hommes, Jones et Griffiths, en collaboration avec l’équipe de leurs premiers élèves. La traduction de l’Ecriture Sainte obligea à l’établissement de conventions linguistiques permettant la transcription des sons en caractères latins. Si l’on en croit Rainisoa-Ratsimandisa, c’est sur initiative du roi que se mit en place la fixation de l’orthographe, suite à une inspection des écoliers du palais en 1823. « Le roi nous dit : « Ecrivez le nom de Rakoto », alors nous écrivîmes tous les douze et notre écriture fut très variée ; quelques-uns écrivirent ainsi : « Raccotoo » ou « Racwootoo » ou « Raquootwoo » ; alors Radama dit : « Réunissez vos deux groupes, unifiez vos écritures pour qu’elles soient l’écriture malgache conforme à notre langue. Si vos écritures ne sont pas identiques, c’est comme si mon royaume n’appartenait pas à moi seul mais à de nombreux maîtres.»16 Le 26 mars 1823, le roi trancha pour l’association des consonnes anglaises et des voyelles françaises. Radama aurait ensuite demandé à la Mission d’imprimer aussitôt l’alphabet malgache et d’en faire une distribution très large « pour assurer, selon les directives du roi, l’uniformité dans la graphie de la langue ».

(ELLIS, 1977 : 644)17.

Cette époque s’illustre aussi par l’élaboration d’un dictionnaire pendant le règne de la reine Ranavalona 1ère. Ainsi en 1829, « la reine propose de faire composer un dictionnaire anglais- malgache et malgache-anglais contenant les mots en usage dans l’île. Deux à trois cents jeunes (soldats et écoliers) seront employés à la collecte des mots et à leur classement alphabétique. Les listes seront soumises à une société qu’elle entend établir, composée d’officiers, de soldats, de juges et de Blancs en compagnie des plus hautes intelligences des différentes contrées de l’île, qui examineront les mots, lesquels, une fois approuvés, seront enregistrés en ordre alphabétique par

15Cité par Raison-Jourde (1977 : 642).

16 Cité par Raison-Jourde (1977 : 644).

17 Cité par Raison-Jourde (1977 : 644).

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