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Les cultures et les langages formels

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02320997

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02320997v2

Submitted on 22 Dec 2019

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Les cultures et les langages formels

Arnaud Kohler

To cite this version:

Arnaud Kohler. Les cultures et les langages formels. LTML 2019, Nov 2019, Abidjan, Côte d’Ivoire.

�hal-02320997v2�

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Les cultures et les langages formels

Arnaud Kohler

Résumé Postulant que, pour toute phrase f, il existe une pensée c qui porte sa sémantique, je

propose de modéliser la relation entre ces deux notions par c ⊨ f. L’application de cette assertion aux langages formels génère un nouveau formalisme : la logique contextuelle L

c

. Singulièrement monotone et non monotone, elle s’adosse à une sémantique des croyances pour modéliser la richesse contradictoire de la pensés. Nous visiterons ses propriétés comportementales, et le rôle qu’elle prête au langage dans la pérennisation d’une culture.

L’originalité de l’approche ne tient pas dans ces caractéristiques à proprement parler, mais dans le fait qu’elles sont constatées sur un langage formel.

Abstract Assuming that, for every sentence f, there is a thought c that carries its semantics, I

propose to model the relation between these two notions by c ⊨ f. The application of this assertion to formal languages generates a new formalism: the contextual logic L

c

. Singularly monotonous and not monotonous, it is based on a semantic of beliefs to model the contradictory wealth of thought. We will visit its behavioral properties, and the role that it lends to language in the perpetuation of a culture. The originality of the approach does not hold in these characteristics strictly speaking, but in the fact that they are noted on a formal language.

Préambule

Il est un avis souvent entendu : les langages formels obéissent à une syntaxe stricte, permettant d’exposer des énoncés précis et sans ambiguïté. Ils utilisent des règles qui transforment mécaniquement les énoncés, indépendamment de leurs significations. Ce sont des langages universels, adaptés aux disciplines scientifiques – donc a-culturels.

En effet, force est de constater qu’il leur manque un des véhicules privilégiés de l’expression

de la culture, à savoir la pensée. Pour y pallier, je propose d’essayer de l’intégrer dans les

formalismes, et d’analyser les conséquences de cette opération.

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Dans la suite de cet article, j’utilise les connecteurs de négation, de disjonction, de conjonction, d'implication et d'équivalence, notés respectivement ¬, ∨, ∧, → et ↔.

Modéliser une pensée dans un langage formel

Considérons une pensée. Nous la percevons comme un tout, dans le sens défini par R.

Descartes : « Par le nom de pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissant ». Et nous la décrivons par un ensemble de phrases.

Toutefois, quand bien même cette description serait idéalement complète et parfaite, nous sommes immédiatement connaissant du fait qu’elle n'est pas la pensée qu'elle décrit.

Je modélise ce constat en distinguant, pour une pensée donnée, deux notions dans la syntaxe du langage : un signe unitaire c, qui la symbolise, et une combinaison de signes f, qui reproduit les phrases qui la décrivent. Cela conduit à devoir définir une relation entre c et f. Je propose :

Soit L un langage muni de la règle d'interprétation sémantique

⊨. Soit c une pensée,

et f la formule qui exprime c dans L. Alors c est une proposition atomique de L, et la relation dans L entre c et f est donnée par : c ⊨ f.

Selon cet énoncé, l'agent ne mémorise ni la pensée c ni sa modélisation f, mais la conscience qu'il a d’exprimer c par f. Je rejoins ainsi L. Wittgenstein, lorsqu’il affirme : « Nous ne devons pas dire : Le signe complexe aRb dit que a se trouve dans la relation R avec b, mais : Que a se trouve dans une certaine relation R avec b dit que aRb ».

Dans ce cadre, je fais l’hypothèse que, pour toute phrase f, il existe une pensée c qui porte sa

sémantique. L’application de cette assertion à la logique propositionnelle conduit à

l’élaboration d’un nouveau langage, appelé la logique contextuelle, et noté L

c

. Il conserve les

règles syntaxiques de la logique classique. Son apport porte sur la sémantique : la fonction

d’interprétation de L

c

exprime qu’une croyance n’est valide (ou invalide) que par rapport à un

ensemble de pensées (appelé un contexte), et autorise d’interpréter simultanément selon

plusieurs contextes différents (les contextes d’interprétation).

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Je vais présenter L

c

au travers d’un cas d’école en révision des croyances. Son propos est de modéliser la connaissance que, si la plupart des oiseaux volent, certains ne volent pas.

L'objectif est alors de déduire que Tweety, qui est une autruche, ne vole pas, mais que Titi, dont on sait seulement qu'il est un oiseau, vole. Pour cela, plaçons-nous dans le cadre de la logique propositionnelle, et considérons les connaissances suivantes :

A ⊨ ( Oiseau → Voler ) B ⊨ ( Oie → Oiseau ) C ⊨ ( Autruche → Oiseau ) D ⊨ ( Autruche → ¬ Voler )

La première formule, par exemple, se lit : la pensée A dit que les oiseaux volent. A, C et D nous disent que les autruches volent et ne volent pas – donc qu’elles ne sont pas selon les règles de la logique classique (application du principe aristotélicien de non contradiction). Ce n’est pas tout à fait exact. Le problème vient de A : en fait, certains oiseaux volent et d’autres non. Modélisons cette nouvelle connaissance en disant que A est à la fois vrai et faux :

A ⊨ ( Oiseau → Voler ) B ⊨ ( Oie → Oiseau ) C ⊨ ( Autruche → Oiseau ) D ⊨ ( Autruche → ¬ Voler ) A' ⊨ ( A )

B' ⊨ ( ¬ A )

A' et B' suggèrent l'existence de deux contextes d'interprétations, distinguant lorsque A est vrai et lorsque A est faux. Prenons l'hypothèse que Autruche est vrai :

-

si A' est vrai, alors A est vrai, B' est faux, et {C,D} n'est pas interprétable (au moins l’une des deux pensées C ou D est fausse, mais aucune information ne permet de choisir laquelle). Donc {A',A,B} est un contexte crédible, dans le sens où il ne porte aucune contradiction compte tenu de l’hypothèse et des connaissances disponibles,

-

si B' est vrai, alors A' et A sont faux, {C,D} est interprétable (parce que A est faux), et

{B',B,C,D} est le contexte crédible.

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Chacun de ces contextes produit des croyances : le premier que les oies sont des oiseaux qui volent par exemple, et le second que les autruches sont des oiseaux qui ne volent pas. Le cumul des croyances issues de chacun des deux contextes forme un tout cohérent, et produit toutes les informations qu'il est possible d’obtenir de cet ensemble de connaissances. Par contre, la conjonction formelle des deux contextes générerait une incohérence formelle (Autruche et ¬ Autruche par exemple).

Ce petit exemple illustre les mécanismes de modélisation et de raisonnement de la logique contextuelle, en présentant une application d'apprentissage (une nouvelle information est intégrée dans la base initiale), de règle avec exception (certains oiseaux ne volent pas), d'information aléthique (A' et B' affaiblissent la crédibilité de A) et d'information paradoxale (A est vrai et faux). Je ne présenterai pas le formalisme de L

c

, disponible en détail dans CCSD HAL (référence HAL-02120285), pour m’attarder plutôt sur ses propriétés comportementales.

Le raisonnement

L

c

vérifie la syntaxe de la logique classique dont le modus ponens (production par déduction : si f et f → g sont vrais, alors g est vrai). Elle l’étend, en apportant au langage une règle de production par induction (généralisation d’un cas particulier). Cette nouvelle règle crée des expressions logiques totalement nouvelles, c’est-à-dire des pensées non simplement déduites.

Les mécaniques définies sont strictes et sans ambiguïtés, et ne tiennent pas compte de la sémantique du vocabulaire.

Pour L

c

, les mécaniques du raisonnement sont communes à toutes les cultures.

Le vocabulaire

L’ensemble des propositions élémentaires de L

c

contient un sous-ensemble, qui contient les

propositions atomiques du langage (par exemple Oiseau et Voler). Les pensées s’expriment

par des relations logiques entre ces propositions atomiques. L’ensemble des propositions

élémentaires est composé des propositions atomiques et des pensées. L

c

distingue :

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5 -

les pensées atomiques, qui s’expriment par des propositions atomiques – par

exemple : « Oiseau » ⊨ Oiseau,

-

les pensées élémentaires, qui s’expriment par des relations logiques entre les propositions atomiques – par exemple : « Les oiseaux volent » ⊨ Oiseau → Voler,

-

et les méta-pensées, qui s’expriment par des relations logiques entre les pensées et les

propositions atomiques – par exemple B' ⊨ ¬ « Les oiseaux volent ».

Les pensées sont ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissant. Une pensée ne se nomme pas. Elle prend la forme dans le langage formel d’un symbole qui ne se dit pas. Lorsque nécessaire, nous l’exprimons par les propositions atomiques. Ils donnent une réalité orale (ou écrite) à ce que nous avons besoin de nommer.

La culture prend racine dans les pensées élémentaires. Celles-ci s’expriment par des relations logiques entre les propositions atomiques. Chaque culture construit des descriptions particulières. Par exemple, la notion Richesse n’a pas la même sémantique suivant les civilisations. Certaines relations logiques sont communes à toutes les civilisations : elles portent la charge commune du concept Richesse. Les autres sont spécifiques – voir par exemple l’étude de Jacques Faublée sur le mot malgache Harena.

Après avoir pris racine au niveau élémentaire, la culture s’ancre :

-

par la règle de production par induction. Elle utilise les relations logiques existantes pour en créer de nouvelles, renforçant ainsi les particularités de chaque culture,

-

et dans les méta-pensées. Elles génèrent par combinaisons logiques des relations fortes entre les propositions, qui enrichissent les spécificités portées par les pensées élémentaires.

Pour L

c

, le vocabulaire est porteur de la culture à double titre : par l’existence du mot (qui existe parce qu’il y a un besoin de nommer) et par les relations qui se créent entre ce mot et les pensées atomiques.

La sémantique

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L

c

identifie les pensées comme étant le lieu du sens. La syntaxe, et les connecteurs associés, est vide de sémantique. Celle-ci est portée par les contextes : la pensée a se trouve dans une certaine relation R avec b dit aRb. Pris isolément, aRb est un ensemble de signes qui ne dit rien.

Dans L

c

, une pensée s’exprime par des relations logiques. Celles-ci se construisent sur les mots qui existent, et/ou sur les autres pensées dans le cas des méta-pensées.

À un instant t, l’ensemble des croyances d’un agent intelligent n’inclue pas systématiquement toutes les croyances que cet ensemble produit syntaxiquement. Une base contenant deux pensées A ⊨ f et B ⊨ g permet de croire f et g, et de ne pas croire h même si (f ∧ g) produit h.

L’interprétation sémantique peut être différente lorsque la base contient la pensée C ⊨ f ∧ g.

Elle est donc sensible à la modélisation de la connaissance.

La modélisation d’une information relève d’un mécanisme d’apprentissage. Elle dépend de l’instructeur, dans son sens le plus large (instructeur humain ou instructeur vie). La modélisation a un impact immédiat sur les interprétations que le sujet va se faire du monde.

L

c

, affirme donc que le mode opératoire de la sémantique est commun à toutes les cultures – et que son résultat d’interprétation est dépendant de chaque culture.

Les paradoxes

La possibilité de modéliser un paradoxe (du type f est à la fois vrai et faux) est nécessaire au processus d'interprétation de L

c

: une croyance peut être simultanément vraie relativement à un contexte et fausse dans un autre.

Une croyance intrinsèquement contradictoire est vraie et fausse par rapport à un contexte intrinsèquement contradictoire, et fausse par rapport à tout autre contexte.

Une pensée n’est pas en soi paradoxale, elle est. Elle n’apparait paradoxale que par rapport à

ses relations logiques avec les autres pensées, soit in fine par rapport aux relations logiques

entre les propositions atomiques.

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Pour L

c

, les paradoxes dépendent du vocabulaire. Ils sont donc dépendants de la culture.

La vérité et le néant

Dans L

c

, l’unique certitude est la conscience (dans le sens d’une intériorisation dans le langage) des relations entre les pensées et les formules qui les décrivent. Le doute est intrinsèque au langage. Toutes mes pensées sont fausses est un modèle acceptable de toute base de connaissances contextuelles. Dans le même temps, chaque pensée est possible.

Par ailleurs, en supposant la base théorique exhaustive des connaissances, si aucune hypothèse n’est forcée, le raisonnement produit la négation de toutes les propositions du vocabulaire atomique. Il conclut que, hormis les pensées, rien n’est.

Pour L

c

, le langage est anxiogène. Le sentiment du néant et le besoin de rechercher la vérité sont des sujets communs à toutes les cultures.

Conclusion

L

c

confirme l’importance du rôle de la pensée dans la construction et la pérennisation d’une culture au travers du langage - sachant par ailleurs que les pensées ne se disent pas, et que le langage, fenêtre ouverte vers la pensée, nous en donne une vue imparfaite : c ⊨ f n’est pas c ↔ f.

La littérature se fait l’écho de nombreuses réflexions sur les rapports et écarts entre une logique qui serait humaine, ou naturelle, et les logiques formelles. Les arguments sont nombreux pour distinguer les deux. Leur analyse nécessiterait une étude dédiée, qui n’est pas l’objet de cet article.

En introduisant la pensée dans les langages formels, on obtient un formalisme qui s’avère

avoir des propriétés comportementales insolites. Leurs originalités ne tiennent pas dans leurs

contenus : ce sont des idées défendues par de nombreux auteurs, et combattues par autant

d’autres. Ce qui est original, c’est que ces comportements sont constatés sur un langage

formel.

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Références bibliographiques

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Références

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