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Les fermentations dans le rumen et leur optimisation
J.-P. Jouany
To cite this version:
J.-P. JOUANY
INRA Station de Recherches
sur la Nutrition des Herbivores
Theix 63122 St Genès
Champanelle
Les
fermentations
dans le
rumen
et
leur
optimisation
Grâce
à
la
présence
d’une
population
microbienne
dense
et
variée
dans le
fermenteur
rumen,
la
digestion
chez les
ruminants
présente
deux
avantages
par
rapport
auxautres
animaux :
ils
sont
capables
d’utiliser de
l’azote
nonprotéique
pour
synthétiser
des
protéines,
et
peuvent
dégrader
la
paroi
cellulaire des
plantes.
De
cefait,
les ruminants
sont
particulièrement
bien
adaptés
à
l’utilisation de
fourrages grossiers
à
faible
teneur
protéique.
Cet article décrit les
processus
impliqués
au coursde la
digestion
microbienne dans le
rumenet
lors de la
synthèse
des
protéines
microbiennes
endécrivant le rôle
respectif
des
bactéries,
des
protozoaires
et des
champignons
dans chacune de
cesfonctions.
Le
développement
de
la
recherche
au coursdes 20 dernières
années
apermis
de maîtriser
l’activité
microbienne
dans le
rumenet d’orienter les fermentations
versla
formation de
produits
dont l’animal
tire
unmeilleur
profit.
Il
faut
compter
aussi maintenant
surles
rejets
azotés
et
la
production
de méthane
qui
devront
être
réduits
à
l’avenir afin de
protéger
notre
environnement.
Nous
netraiterons
pas
ici les
aspects
strictement
nutritionnels du contrôle
de l’activité
microbienne
dans le
rumen.Grâce à l’existence d’un fermenteur
placé
en amont de leur estomac,appelé
rumen, lesruminants sont
capables
d’utiliser desali-ments riches en cellulose alors que les
mono-gastriques
ne lepeuvent
pas. Le rumen,qui
est le
principal
compartiment
despré-esto-macs,
joue
un rôlemajeur
dans ladigestion
puisqu’au
moins 60 % des alimentsdigérés
lesont dans cet organe.
Son
volume,
chez un bovinadulte,
estd’environ 150
litres,
dont 90 litres dedigesta
dont la teneur en eau est d’environ 90%. Lepotentiel
redox du milieu est faible (Eh = -350mv)alors que le
pouvoir
tampon
estimportant
(pH
= 6 à 7). Ce dernier est dû à lasalive,
àl’absorption
desproduits
terminaux de lafer-mentation à travers
l’épithélium
du rumen, età leur évacuation dans le contenu
qui
sort durumen, ainsi
qu’au
proprepouvoir
tampon
des alimentsingérés.
Lapression osmotique
duRésumé
’
Les microorganismes du rumen
dégradent
et fermentent lesfourrages ingérés
parles ruminants alors que les enzymes du tube digestif des animaux n’en sont pas
capables. Ils transforment la matière
organique
des aliments en acides qui assurentl’essentiel des apports énergétiques aux ruminants. Les
protéines
desmicroorganismes
synthétisées
dans le rumen sont ensuite digérées dans l’intestin oùelles apportent la majeure
partie
des acides aminés. Les gazqui
sont éructés représentent une perte énergétique de l’ordre de 10 % de l’énergie ingérée ; en outre,ils contribuent à aggraver la concentration des gaz à effet de serre autour de notre
planète.
On sait que la qualité de la production de lait ou de viande par les ruminants est
largement influencée par la nature des produits terminaux de la fermentation dans le rumen mis à la disposition des animaux. Il est désormais
possible,
en agissant surl’équilibre de la population microbienne dans le rumen, de contrôler le lieu de la
digestion
(rumen ou intestin) et (ou) d’orienter les fermentations dans le rumen vers la formation des produits terminaux désirés. Cet article présente les méthodes demanipulation de la digestion ruminale actuellement disponibles dans les
laboratoires de recherches ; les aspects purement alimentaires
qui
interviennentLa biomasse bactérienne du rumen
représente
environ 1kg
de matière sèche chez la vache.contenu est voisine de celle du sang, ce
qui
favorise leséchanges
à travers laparoi
du rumen.Lorsque
les ruminantsreçoivent
desfourrages grossiers,
ilsrépartissent
leuringes-tion sur de
longues périodes
au cours de lajournée ;
lesparticules
alimentaires sontensuite
régurgitées
etmastiquées pendant
larumination. Ce
comportement
particulier
explique
que la mastication des alimentsfibreux soit aussi
longue
(16 h en moyennecor-respondant
à 8 hd’ingestion
et 8 h de rumina-tion). En outre, l’étalement de la masticationfournit de manière
quasi-régulière
dessub-strats
disponibles
pour les microbes et entraîneune sécrétion continue de salive.
L’absorption
et le fluxrégulier
du contenudigestif
hors du rumen sont àl’origine
d’une élimination continue desproduits
terminauxqui
ont été formés lors de ladigestion
ruminale.C’est
pourquoi
le rumenpeut
être considéré comme un fermenteur continu ou un chemostat.Le
mélange
de gaz est fait deC0
2
(65%) et de méthane (35%). Ledioxyde
de carbone de laphase
gazeuse est enéquilibre
avec lebicarbo-nate issu de la salive ce
qui explique
l’impor-tant
pouvoir
tampon
du milieu ruminal. Laprésence
d’oxygène
n’estjamais
détectée bienque de
grandes quantités
pénètrent
dans lerumen à
partir
du fluxsanguin
ou de l’air avalé(plus
de 50 litres parjour
chez unevache) ;
ilparticipe
àl’équilibre
entre lesmicroorganismes aérobies,
les anaérobies facultatifs et les anaérobies stricts.Toutes ces conditions
physico-chimiques
sont
particulièrement
favorables audéveloppe-ment d’une
population
microbienne anaérobie.1
/ Les
microbes
du
rumen1.i / Les bactéries
Les bactéries sont les
microorganismes
lesplus nombreux,
leur concentrationpeut
atteindre 1011 cellules vivantes/ml(figure
1).Elles sont essentielles pour les ruminants
qui
ne
peuvent
survivre sans elles. On en a isolé environ 200espèces,
dont seulement unetren-taine ne se rencontrent que dans le rumen.
La biomasse bactérienne dans le rumen est abondante : selon
Jouany
(1978) ellereprésente
environ 1
kg
de matière sèche chez la vache. Les 2/3 de cette biomasse sont associés à desparticules
solides alors que seulement 1/3 estprésent
dans laphase liquide
desdigesta.
Les bactéries du rumen ont été classées selon certains tests de coloration de leurparoi
enespèces
detype
Gram-négatif
ouGram-posi-tif. Elles ont aussi été classées selon leur
capa-cité à
dégrader
certains substrats et à les utili-ser pour sedévelopper
ou pourproduire
cer-tains
métabolites,
et durapport
guanime/cyto-sine de leur ADN.
Hungate
(1966) aproposé
de lesrépartir
en bactériescellulolytiques,
amylo-lytiques, hémicelluloamylo-lytiques, saccharoamylo-lytiques,
protéolytiques,
méthanogènes, lipolytiques,
eten bactéries utilisant les
produits
formés par d’autres microbes.La
plupart
de ces bactéries sont anaérobieset sont donc difficiles à cultiver. Elles
nécessi-tent
l’emploi
d’unéquipement spécial
en labo-ratoire(chambre
de Freter) ou la mise enplace
detechniques spéciales (technique
deHungate).
1.
2
/ Les
protozoaires
Les ciliés sont les
protozoaires
lesplus
importants
en nombre et par leur influence sur ladigestion.
Ondistingue
deux groupes : les holotriches et lesentodiniomorphes.
Les ciliés du rumen sont 20 à 100 fois
plus
grands
en taille que les bactéries mais ils sont10
4 fois moins nombreux. Leur biomasse dans le rumen est distribuée entre les
particules
solides (500 g enpoids
sec dans le rumen devache) et la
phase liquide
(450 g enpoids
sec dans le rumen de vache).Les
protozoaires entodiniomorphes
(figu-re 2) ont unegrande capacité
àingérer
desparticules
solides depetite
taille comme lesgrains
d’amidon,
leschloroplastes
et les fibrescellulosiques.
Ilsingèrent
aussiLes
protozoaires produisent
des enzymesqui participent
directement à ladigestion
desparticules ingérées.
Il est maintenant montréque des bactéries
symbiotiques
vivent àl’inté-rieur des
ciliés,
dans des vacuoles localisées au sein del’endoplasme.
Leur rôleprécis
estinconnu,
mais on sait que lesprotozoaires
meurent
rapidement lorsque
ces bactéries sontéliminées
après
un traitement parantibio-tiques
(Bonhomme et al 1982).Les
protozoaires
nepeuvent
pas êtreculti-vés sur des milieux entièrement
synthétiques
pendant
delongues périodes.
Ils sontplus
exi-geants
que les bactéries en besoinsnutrition-nels et sont
plus
sensibles aux conditionsphy-sico-chimiques
du milieu.La
plupart
desprotozoaires
avalent etrejet-tent sélectivement les bactéries d’une
suspen-sion en
mélange
(Coleman et Sandford 1979).La vitesse
d’ingestion
des bactéries estinfluen-cée par le
pH
dumilieu ;
il estoptimum
à6,0
et minimum à5,0.
Les bactéries avalées sontrapidement
tuées dans leprotozoaire.
Leurdegré
dedigestion dépend
de la nature de la bactérie. Les acides aminés et lespeptides
issus de
protéines
bactériennes sont alorsincorporés
sans modification dans lesprotéines
desprotozoaires ;
certainspeptides
ou acidesaminés sont fixés
après
delégères
modifica-tions et le reste est éliminé dans le milieu
généralement
sous la formeacétylée.
Les acidesnucléiques
bactériens sont directementincorporés
dans les acidesnucléiques
deproto-zoaires. 1.
3
/ Les
champignons
Les
champignons
du rumen, découverts parOrpin
(1975),
sont difficiles à dénombrer car les résultats sontlargement
influencés par la méthode utilisée (nombre de sporanges ou dezoospores). Malgré
cetteincertitude,
leurconcentration est estimée à 103/ml. Trois genres ont été bien identifiés :
Neocallimastix,
Piromyces
etCaecomyces.
Neocallimastix estpluri-flagellé,
alors que les deux autres sontuniflagellés.
Les zoospores se fixent sur les tissus
végé-taux frais lors de leur
germination
et sedéve-loppent
ensuite au cours du stadevégétatif.
Lesystème
rhizoïdal du thallepénètre
les tissusvégétaux,
alors que le sporange sedéveloppe
sur lapartie
extérieure desfragments
végé-taux
(figure
3). Les zoospores sont libérées dusporange mûr et infestent les autres tissus
végétaux (figure
4). La colonisation des tissusvégétaux
débute peuaprès l’ingestion
desali-ments par les animaux (15-30 minutes).
Les
champignons produisent
degrandes
quantités d’enzymes impliquées
dans ladiges-tion des
glucides
de laparoi végétale
(exocellu-lases, endocellu(exocellu-lases,
cellodextrinases) pourformer du cellobiose
qui
est ensuite fermenté.Ils
peuvent
aussi solubiliser les formes lesplus
résistantes de cellulosecristalline,
telles que les fibres de coton, mais ils nepeuvent
pasuti-liser les
pectines
(Hillaire et al 1990). Unepar-tie de la
lignine disparaît
enprésence
deschampignons
du rumen. Cela estprobablement
le résultat d’une solubilisation
plutôt
que d’unedégradation
de lalignine (Orpin,
1983/1984).Contrairement aux bactéries
cellulolytiques,
leschampignons
du rumen ont été caractériséscomme
protéolytiques
par Wallace et Joblin(1985). Cette
capacité pourrait
faciliter lapéné-tration des rhizoïdes à travers les couches
pro-téiques végétales. Toutefois,
les travauxréali-sés sur des cultures de
champignons
dans notreInstitut,
montrent que l’activitéprotéolytique
deschampignons
est faible (Michel et al 1993).Les
champignons
du rumenpeuvent
fer-menter la
plupart
des mono- et disaccharidesmais ils ne
peuvent
pas utiliser le mannose, lesorbitol et le fucose comme source de carbone.
Les
principaux produits
terminaux de la fer-mentation sont lelactate,
leformate,
l’acétate,
l’hydrogène,
ledioxyde
de carbone et l’éthanol.La
digestion
ruminale est essentiellementd’origine
microbienne. Lespolymères ingérés
sont
hydrolysés
par des enzymes microbiennesen molécules
plus
courtesjusqu’au
stade dimère.Les dimères sont alors transformés en
mono-mères par des enzymes
spécifiques.
Prisesensemble,
ces réactions constituent laphase
«hydrolytique».
Laphase
«fermentaire»trans-forme ensuite les monomères ou les
polymères
courts en acides
appelés
acides gras volatils(AGV)
qui
sont métabolisés dans le foie et lesLes
protozoaires
sont 10 000
fois
moins nombreux
que les
bactéries,
mais de 20 à 100
fois
plus
grands.
La concentration des
champignons
dans le rumen estLes
glucides
ingérés sont
hydrolysés
et leursproduits
transformés
en acides gras uolatils :acétique,
propionique,
butyrique.
Les molécules d’ATP formées
principale-ment par la voie
métabolique
du SPL (SubstratePhosphorylation
Level) au cours ducycle
anaérobied’Embden-Meyerhof
dans lecytoplasme
et par l’ETP (Electron TransferPhosphorylation qui
intervient au niveau desmembranes),
constituent lesupport
énergé-tique
nécessaire à l’entretien des microbes et àleur croissance
(synthèse
desprotéines).
L’ammoniac
(NH
3
),
terme ultime de ladégradation
azotée dans le rumen, est utilisépar les bactéries pour
synthétiser
despro-téines. Une
partie
desprotéines
microbiennesest catabolisée dans le rumen pour former à nouveau du
NH
3
.
Ce dernierphénomène
estappelé «recyclage
de l’azote microbien». Lesprotéines
microbiennes nondégradées
dans le rumen sont évacuées vers l’intestin où ellesreprésentent
lamajeure partie
(de
50 à95%)
2
/ La
digestion
microbienne
dans
le
rumen__
2.i
/
La
digestion
azotée
a / Activité
protéolytique
des microbes du rumenLes enzymes microbiennes
impliquées
dansles
étapes
initiales de l’activitéprotéolytique
sont
périplasmiques
ou extracellulaires. Bienque les bactéries
cellulolytiques
n’aient aucuneactivité
protéolytique,
Brock et al (1982) ontmontré que 75% de l’activité
protéolytique
totale est associée à laphase
solide dans lerumen. Les bactéries
amylolytiques
ont uneactivité
protéolytique
intense. Lesprotozoaires
ont
également
une activitéprotéolytique
impor-tante, surtout contre les
protéines
insolublesprésentes
dans laphase particulaire
desdiges-ta dans le rumen
(Jouany
et al 1992). On atou-tefois estimé que l’activité
protéolytique
spéci-fique globale
de la fraction bactérienne est 6 à 10 foissupérieure
à celle desprotozoaires.
Un
pH compris
entre 6 et 7 et l’anaérobioseconstituent les conditions pour une activité
optimale
desprotéases.
L’oxygène,
tout comme unpotentiel
redox tropfaible,
ont des effetsnégatifs
nets sur l’activitéprotéolytique
dans le rumen. Les bactériesprotéolytiques
repré-sentent de 12 à 40% de l’ensemble des
bacté-ries du rumen. Elles
appartiennent
auxprinci-paux genres des bactéries
saccharolytiques
etamylolytiques
dans le rumen :Bactéroïdes,
Preuotella,
Butyrivibrio,
Selenomonas,
Eubacterium,
Lachnospira, Streptococcus.
Les ciliés du rumen (holotriches et
entodi-niomorphes)
ont une activitéprotéolytique.
Des extraits libres de cellules de 14espèces
d’entodiniomorphes hydrolysent
la fraction 1de
protéines
foliaires (Coleman1983) ;
les pro-tozoairescellulolytiques
degrande
taille sontles moins actifs alors que Entodinium sp. a l’activité la
plus importante.
Les ciliés du rumen sont moinsimpliqués
que les bactéries dans ladégradation
desprotéines
solubles. Sur la base de l’activitéspécifique,
l’efficacité desprotéases
de ciliés àl’égard
de l’azocaséineest environ 1/10 de celle des bactéries du rumen (Brock et al 1982).
Selon Wallace et Joblin
(1985),
Neocallimastixfrontalis
a une activitéprotéolytique
élevée.La contribution réelle des
champignons
àl’activité
protéolytique globale
du rumen n’a toutefois pas été mesurée. Lesprotéases
fon-giques
seraient localisées dans lemycélium
etleur action se situerait au niveau de la
paroi
cellulaire des
particules
alimentaires. Desétudes récentes réalisées par Michel et al
(1993) ont montré que l’activité
protéolytique
n’existait vraiment que dans une souche surles 7 différentes souches testées.
b / Métabolisme des
protéines,
despeptides
et des acides aminésLes
protéines
sonthydrolysées
en oligopep-tidesqui
sont ensuitedégradés
enpeptides
plus
courtspuis
en acides aminés(figure
6). Lesprotéines rapidement hydrolysées,
comme lacaséine, peuvent
conduire à uneaccumula-tion de
peptides
dans leliquide
du rumen ; leflux de
peptides
intacts sortant du rumen avec lesdigesta,
ou absorbés à travers la muqueusedu rumen,
pourrait
dans ce cas êtreimportant
et contribuer de manière notable aux
apports
d’acides aminés utilisés par les animaux.Toutefois,
on admet que la vitesse dedégrada-tion des
peptides
dans le rumen estgénérale-ment
plus
élevée que leur vitesse de formation.Les microbes du rumen utilisent les pep-tides
plus rapidement
que les acides aminéslibres
correspondants
et lesincorporent
à leursprotéines plus
efficacement. Cela estprobable-ment dû à un coût
énergétique plus
faible dutransport
despeptides
à travers laparoi
bacté-rienne par rapport aux acides aminés libres.
Les
peptides
sonthydrolysés
dans les celluleset fournissent alors les acides aminés intracel-lulaires nécessaires à la croissance des
microorganismes.
Unepartie
des acidesami-nés est transformée en AGV
après
désamina-tion et
perte
d’un atome de carbone.La concentration des acides aminés libres dans le
liquide
du rumen estgénéralement
faible. Une concentration élevée a toutefois été
observée
après ingestion
d’unrégime
de foin deluzerne (Liebholz 1969). Les acides aminés
sont
rapidement
désaminés dans le rumen, seule une faiblepartie
estincorporée
directe-ment dans les
protéines
microbiennes. C’est lavitesse
d’absorption
despeptides
ou des acidesLes
protéines
sontdégradées en
peptides
et acidesaminés, qui
sontdésaminés et
fournissent
NH3utilisé par les
aminés dans les cellules microbiennes
qui
limite le taux deproduction
d’ammoniac. Les pro-téines des bactériescellulolytiques
sontsur-tout
produites
àpartir
dupool d’NH
3
du rumen. Laproportion
de l’azote microbiendérivé de
l’N-NH
3
dans le rumen varie de 42 à100%,
selon ladisponibilité
del’énergie.
(cf Wallace et Cotta 1988).
La désamination des acides aminés
produit
de l’ammoniac et des AGV. Ce métabolisme est
supposé
fournir del’énergie
aux microbes mais la voiemétabolique impliquée
est inconnue. Les AGV ramifiés(isobutyrate
et isovalérate) sont issusrespectivement
de ladégradation
de la valine et de la leucine et sont considérés comme des facteurs de croissance pourcer-taines bactéries
cellulolytiques qui
utilisent efficacementNH
3
comme source azotée pour lasynthèse
de leursprotéines.
Les
protozoaires
ciliés ont une activité de désaminationimportante.
Ils sont environ trois foisplus
actifs que lesbactéries ;
celapeut
expliquer
que la concentration d’ammoniacdans le rumen des animaux conventionnels est
toujours plus
élevée que celle mesurée chez les animaux défaunés(Jouany
et al 1988). Comme lesbactéries,
lesprotozoaires produisent
des AGV et duNH
3
.
D’autresproduits
ont été iden-tifiés lors du métabolisme de certains acides aminés par lesprotozoaires :
l’acide2-oxobuty-rique
et l’acide2-aminobutyrique
sontproduits
à
partir
de la thréonine et de laméthionine ;
l’acide
pipecolique
est formé àpartir
de lalysi-ne ; l’acide
L-aminovalérique
est issu dusul-phoxyde
deproline
et de méthionine.c /
Synthèse
desprotéines
microbiennes Laplupart
des bactéries du rumen,principa-lement les bactéries
cellulolytiques,
sontcapables
d’utiliserN-NH
3
enprésence
d’ATPpour
synthétiser
desprotéines
via deuxproces-sus : l’un
requiert l’emploi
de laglutamine
syn-thétase et de laglutamate synthase
(faible concentration d’ammoniac etquantité
importan-te d’ATP). L’autre utilise la
glutamate
déshydro-génase (Leng
et Nolan 1984) et intervientlorsque
la concentrationd’N-NH
3
est élevée. Si la concentration d’ammoniac n’est paslimitante,
lasynthèse
desprotéines
micro-biennes est directement liée à la
quantité
d’énergie disponible
sous forme d’ATP.L’effi-cacité de la
synthèse
desprotéines
micro-biennes est mesurée par la
quantité
de matière sèche microbienneproduite
par mole d’ATP(YATP).
Laproduction
d’ATP par une culturemixte de microbes du rumen à
partir
dessub-strats
complexes
contenus dans les aliments des ruminants n’est pas connue. On considèregénéralement
que lasynthèse
d’une moled’acétate
produit
2ATP ;
lasynthèse
d’unemole de
propionate
produit
3 moles d’ATPlorsque
la voie du succinate estemployée,
ou1 ATP si la voie de
l’acrylate
est utilisée. Laformation d’une mole de
butyrate produit
3
ATP,
alors que laproduction
de méthane estassociée à la
production
d’une mole d’ATP.Comme celle de
l’hôte,
l’efficacité del’utili-sation de
l’énergie
par les microbesdépend
deleurs besoins d’entretien et des
apports
d’éner-gie.
Les bactéries anaérobiesstrictes,
compa-rées aux anaérobies
facultatives,
ont tendanceà avoir des besoins d’entretien
plus
faibles etdes efficacités d’utilisation de l’ATP
plus
éle-vées pour la croissance. Bien que des
varia-tions
importantes
aient pu être mises enévi-dence,
on considère quel’I’
AT
p
estproche
de20 g de matière sèche de cellules par mole d’ATP. L’efficacité est améliorée par
l’augmen-tation du taux de dilution du rumen.
Exprimée
parkg
de matièreorganique
fer-mentée dans le rumen (MOF) le rendement de la
synthèse
microbienne varie de 20 à 45 g d’azotemicrobien ;
la valeur de 30 g parkg
MOF est laplus fréquemment
rencontrée. Lamesure de MO
apparement
digérée
dans le rumen (MOingérée -
MO entrant dans leduo-dénum) constitue une bonne estimation de MOF. On
distingue
la«synthèse
nette»corres-pondant
au flux microbienduodénal,
de la«synthèse
totale» réalisée dans le rumen. Ladifférence entre ces deux
expressions
corres-pond
auxprotéines
microbiennesqui
sontdégradées
dans le rumen suite à l’actionpré-datrice des
protozoaires
sur les bactéries et àla
lyse
d’une fraction desmicroorganismes.
2.
2
/
La
digestion
des
glucides
cellulaires
Les
glucides
solubles et l’amidon sontrapi-dement fermentés par les bactéries et par les
protozoaires
appartenant
à la famille des Isotrichidae. Unepartie
peut
être stockée par lesprotozoaires
sous forme deglucides
ayant une structure intermédiaire entre leglycogène
et
l’amylopectine, qui
est ensuite fermentéelentement au cours du
nycthémère (Jouany
1978). Les
protozoaires jouent
donc un rôletampon
dans le rumen en limitant ladisponi-bilité de substrat pour les bactéries dont
l’acti-vité fermentaire est intense et
rapide.
Une gamme
importante
deglucides
solublespeut
être utilisée en culture in vitro comme sourced’énergie
par leschampignons
du rumen.L’aptitude
à leur utilisationdépend
del’espèce
et de la souche considérées. On neconnaît pas leur réelle contribution à la
fer-mentation des
glucides
cellulaires dans le rumen mais on sait quel’ingestion
par l’ani-mal dequantités
élevées de telsglucides
entraîne la
disparition
deschampignons
du rumen (Grenet et al 1989).La vitesse de
digestion
ruminale del’ami-don varie selon son
origine botanique
(Sauvantet al 1994). La
présence
deprotéines
surl’enveloppe
desgrains
d’amidon constitue une limiteimportante
à leurdégradation
(Cheng
etal 1991).
La fermentation des
glucides
solubles conduit à la formation d’AGV enrichis enbuty-rate, tandis que l’amidon favorise la
produc-tion de
propionate
et diminue laméthanogénèse.
L’ingestion rapide
dequantités importantes
deglucides
fermentesciblespeut
conduire àl’accumulation d’acide
lactique
dans le rumen.2.
3
/ La
digestion
des
parois végétales
a / Adhésion des microbes aux
fragments
végétaux
Les bactéries du rumen et les
champignons
doivent se fixer aux
fragments
végétaux
pour lesdégrader
et pour utiliser lespolysaccha-rides de la
paroi végétale
commeprincipale
sourced’énergie.
Certainsprotozoaires
peu-vent se fixer sur les
particules
solides maiscela ne constitue pas la
principale
caractéris-tique
de leurcomportement.
Généralement,
ilsingèrent
despetites particules
qu’ils
digèrent
ensuite.
Ce
phénomène
d’adhérence est essentielpour
expliquer
l’efficacité des bactéries et deschampignons
du rumen : les microbesadhé-rents ne sont pas éliminés lors des
déplace-ments de la
phase liquide
et restent dans le rumen aussilongtemps
que lesparticules
solides. En outre, les enzymes exocellulairessont directement
placées
au contact dusub-strat
qu’elles
dégradent,
sans être diluées dans laphase liquide.
La colonisationfongique
seproduit
sur des sites del’épiderme
présentant
des lésions ou à travers les stomates foliaires.Chez les
protozoaires,
lesparticules ingérées
sont
placées
au contact direct des enzymespro-duites dans le sac
digestif
sans que celles-cisoient diluées par le milieu. La
séquestration
naturelle des
protozoaires
à l’intérieur du rumenexplique pourquoi
letemps
de contact entre lesparticules
végétales
est suffisamentlong
pourpermettre
unedigestion
importante
des substrats
ingérés
par les ciliés.Le
parenchyme,
qui
estrapidement
digéré,
est colonisé par un
grand
nombre debactéries,
alors que lesparois épaisses
des tissus vascu-laires ou dusclérenchyme,
qui
sontlignifiées,
sont surtout colonisées par leschampignons
(Grenet et
Barry
1988). Leschampignons
peu-vent ensuite avoir accès aux tissus
cellulo-siques
au moyen de leur rhizoïdesqui
pénè-trent en
profondeur
lesfragments
végétaux.
b / Les enzymes microbiennes
Le terme
général
de«cellulase»,
employé
pour caractériser les enzymes
impliquées
dans la
dégradation
de lacellulose, comprend
plusieurs
activités. Trois enzymesjouent
un rôlemajeur :
une endo 13-1-4glucanase,
une cellobiosidase et une13-glucosidase.
L’endo-glucanase
attaque
au hasard la cellulose pourproduire
descello-oligosaccharides.
La cello-biosidasedégrade
la cellulose en libérant desunités de cellobiose à
partir
de l’extrémité non réductrice de la chaîne. La13-glucosidase
hydrolyse
le cellobiose et lescello-oligosaccha-rides
ayant
un faibledegré
depolymérisation
(figure
7).Les cellulases
produites
par les bactériescellulolytiques
(Ruminococcusalbus,
R.flave-faciens,
Fibrobactersuccinogenes, Butyriuibrio
fibràsolvens)
sontplus
actives àpH
6,0 - 6,8
età des
températures supérieures
à 41°C. F.suc-cinogenes
a une activitéhydrolytique
élevée àl’égard
de la cellulose etplus
précisément
contre la cellulose cristalline. Laplupart
des bactériescellulolytiques
ont aussi des activitéshémicellulolytiques.
Les
protozoaires,
surtout les ciliésentodi-niomorphes,
ont unegrande
activitécelluloly-tique
ethémicellulolytique.
Leur contribution réelle à ladigestion
desparois végétales
dans le rumen est difficilementquantifiable.
Des études récentes sur des
champignons
ont montré
qu’ils
produisent
des enzymesactives contre la cellulose et les
hémicellu-loses,
et que leurprésence
dans le rumenamé-liore de 30 à 50% la
digestion
desglucides
pariétaux
de lapaille
de blé en Rusitec(Hillaire et al 1990).
Des enzymes
pectinolytiques,
des estéraseset des
lyases
sontproduites
par lesproto-zoaires et les bactéries. En
revanche,
il nesemble pas que les
champignons
soientcapables
dedigérer
efficacement lessub-stances
pectiques
(Hillaire et al 1990).Les bactéries et les
champignons
adhèrent aux
parois végétales
etleurs enzymes sont en contact direct avec le substrat
c /
Dégradation
desparois
cellulairesvégétales
Le
degré
dedégradation
desparois
évolue essentiellement en sens inverse de leur teneur enlignine.
Ainsi,
ladigestion
desparois
d’unray-grass
jeune
est de l’ordre de90%,
alors quecelle de la
paille
de blé n’est que de 40%. Ladigestibilité
du contenu cellulaire desfour-rages est très élevée et varie peu. La
digestibi-lité de la matière
organique
desfourrages
dépend
donc essentiellement de ladigestibilité
desparois.
Le niveau de
digestion,
et surtout la vitessede
digestion,
influencent le volume desdigesta
dans le rumen. Enconséquence,
cespara-mètres
jouent
un rôle déterminant surl’inges-tibilité des
fourrages.
La
dégradation
desparois
cellulairesdépend
directement de l’activité microbiennepuisqu’aucune
enzymecellulolytique
n’estsécrétée dans le tractus
digestif
des animaux.Les microbes
cellulolytiques
ont besoind’éner-gie
sous formed’ATP,
d’azote sous forme d’ammoniac ou depeptides,
et de minéraux(phosphore,
soufre) pour croître etproduire
des enzymes. Tous ces
composés
sontprésents
entrop
petites quantités
dans lesfourrages
de médiocrequalité.
Des rations basées sur de telsfourrages
devront parconséquent
êtresupplémentées
enénergie,
en sourceadéquate
d’azote et en
minéraux,
afin que lesglucides
pariétaux puissent
être transformés dans le rumen en substances nutritives utilisablespar les animaux
(AGV, protéines
micro-biennes).
2.
4
/ La
digestion
des
lipides
dans
le
rumen
Les
lipides
alimentaires sontprincipale-ment
composés
detriglycérides.
Ils sontd’abord
hydrolysés
par lesmicroorganismes
pour donner des acides gras et du
glycérol.
Ce dernier est ensuite métabolisé en acidepropio-nique. Après
hydrolyse,
unepartie
des acidesgras est adsorbée sur les
particules
alimen-taires et sur les membranes microbiennes. Les bactéries
peuvent
alors soit les stocker en tantqu’acides
gras libres ou lesincorporer
dans des structures cellulaires en tant quephos-pholipides.
Les acides gras insaturés sonthydrogénés.
Du fait des conditions anaérobies du rumen, les acides gras ne sontpratique-ment pas utilisés comme source
d’énergie.
Une faible
quantité
est métabolisée en corpscétoniques
parl’épithélium
du rumen.L’absorption
des acides graslongs
est trèsfaible dans le rumen.
Les bactéries
peuvent
synthétiser,
àpartir
des
AGV,
des acides gras àlongue
chaîne,
saturés ou insaturés (16 et 18 atomes de
carbo-ne),
ou ramifiés (15 ou 17 atomes de carbone).Ils sont ensuite
digérés
dans l’intestin avec lamatière
organique
microbienne.3
/ Comment
optimiser
le
fonctionnement du
rumen ?
Améliorer la fonction du rumen ne
signifie
pas nécessairement
augmenter
ladigestion
dans le rumen, maisplutôt
fournir les nutri-mentsqui
seront utilisés leplus
efficacementpar les ruminants. Cela
peut
se faire par :-
une
augmentation
de ladigestion
dans le rumenlorsque
les substrats ne sont pasdigé-rés ou sont moins efficacement utilisés ailleurs
(glucides pariétaux),
oulorsqu’il s’agit
detoxines
pouvant
être transformées encompo-sés inoffensifs par les microbes du rumen ;
-
une diminution de la
digestion
ruminalelorsque
certainscomposés
alimentaires sontmétaboliquement
utilisésplus
efficacement sila
digestion
a lieu dans l’intestin(protéines,
peptides,
acidesaminés, vitamines,
amidon) ;
- des
changements
dans la nature desproduits
terminaux de la
digestion :
l’amidon fournitsoit des AGV soit du
glucose
selonqu’il
estdigéré
dans le rumen ou dans lesintestins ;
laproduction
de méthanepeut
êtreréduite ;
larépartition
entre les différents AGVpeut
êtremodifiée ;
laperte
d’azote sous formed’ammo-niaque
peut
êtrediminuée ;
- une
augmentation
de lasynthèse
despro-téines microbiennes dans le rumen se
tradui-sant par un accroissement du flux duodénal d’azote microbien.
Parmi les nombreux additifs actuellement
disponibles
(tableau
1),
nousprésenterons
ici les différents additifschimiques
ou naturels etles
techniques
connus à cejour
pouragir
surles
microorganismes
du rumen ou leursactivi-tés
enzymatiques.
3.
1
/
Les
antibiotiques ionophores
Les
antibiotiques ionophores présentent
lapropriété
de stimuler letransport
actif des cations à travers les membranesbiologiques.
Monensine,
lasalocide etsalinomycine
sont lesantibiotiques ionophores
lesplus
courammentutilisés
jusque
là.L’avoparcine
n’a pas depro-priétés
ionophores
mais son effet sur la diges-tion et lesperformances
animales estproche
de celui observé en
présence
d’antibiotiques
ionophores.
a /
Effets
surl’écosystème
du rumenCes molécules
agissent
sur leséchanges
de
cations à travers les membranes
biologiques.
Le
rejet
de cations estgénéralement
compensé
par l’entrée deprotons
(H’) cequi
diminue laforce
proton-motrice
àl’origine
du processus dephosphorylation
partransport
d’électrons(ETP). La
production
d’ATP est parconséquent
réduite. En outre, lepH
intracellulaire dimi-nue et les microbes doivent éliminer l’excès d’ions H’ pour survivre.L’expulsion
desions H’ est
accomplie
par lesystème
pour
rejeter
lesprotons
intracellulaires. Au-delà d’un déficit excessifd’ATP,
les cellules microbiennes meurent.Les bactéries
Gram-positif
sont lesplus
sen-sibles auxionophores.
Une telle activitéanti-biotique explique
engrande partie
l’action desionophores
au niveau du rumen. D’autresactions,
actuellement non connues, doiventprobablement
avoir lieu au niveau du métabo-lisme de l’animal ou de certains tissus.Les
ionophores employés
comme additifs alimentaires pour ruminants sont connus pouravoir
également
une activité anticoccidienne efficace. C’estpourquoi
ils sontlargement
employés
dans lesélevages
intensifs de volailles.b /
Effets
sur lesproduits
terminaux desfermentations
Les
ionophores
augmentent
laproportion
depropionate
auxdépens
de l’acétate ou dubuty-rate dans les
mélanges
d’AGV. Ilsdiminuent,
par
conséquent,
laméthanogénèse
(tableau 2) et améliorent le rendement del’énergie
méta-bolisable des rations. Les bactéries
méthano-gènes
sont sensibles auxionophores
mais il semblequ’elles puissent développer
des résis-tances au bout deplusieurs
mois. La réduction du méthane se ferait surtout par inhibition du métabolisme du formatequi
est utilisé commeprécurseur
de la formation duC0
2
et duH
2
.
Laproduction
de lactate est fortement réduite chez les animaux traitésqui reçoivent
desrations riches en
amidon,
comme dans le cas des feedlots américains(Nagaraja
et al 1986). Lesrisques
d’acidose sont donc diminués.c /
Effets
sur ladigestion
desprotéines
La
dégradation
desprotéines
dans le rumenest fortement diminuée par
l’ajout
d’iono-phores.
Il semble que l’effet inhibiteurmajeur
concerne ladégradation
despeptides
et surtoutla désamination des acides aminés. Les
activi-tés des désaminases et des transaminases sont
davantage
inhibées que celles desprotéases.
Consécutivement à la réduction de laproduc-tion de
méthane,
le transfertd’hydrogène
estmodifié.
L’augmentation possible
durapport
intracellulaire NADH/NADpourrait expliquer
l’effet inhibiteur sur les désaminases. Une réduction des concentrationsd’ N-NHg
est doncfréquemment
observée chez les animauxrece-vant des
ionophores (Bogaert
et al 1991). L’activitéantibiotique
desionophores
a un effetnégatif
sur le rendement de lasynthèse
microbienne dans le rumen et sur le flux de
protéines
microbiennes vers le duodénum. Le flux total d’azote a-aminé vers le duodénum n’estgénéralement
pas altéré par laprésence
d’ionophores
(Gomez et al1991) ;
la réductionde l’azote microbien est
compensée
par uneaugmentation
du flux d’azote alimentaire nondégradé
dans le rumen si on suppose que lesionophores
n’ont pas d’effet sur l’azoteendogè-ne (tableau 3). La substitution d’une
partie
desprotéines
microbiennes par desprotéines
ali-mentaires
peut
dans certains cas modifier leprofil
d’acides aminésqui
entrent dansl’intes-tin des ruminants.
modérée de la
cellulolyse
estgénéralement
observée in vitro alors
qu’aucun
effet n’est noté in vivo. Il semblerait que lessystèmes
in vitrode
longue
durée sélectionnent unepopulation
microbiennequi
estplus
sensible auxiono-phores.
Un effetlégèrement négatif
estparfois
observé
lorsque
les dosesd’ionophores
sontéle-vées (40
ppm).
Celui-cis’estompe
avec letemps.
Ladigestibilité
de l’amidon n’estgénérale-ment pas influencée de manière
significative
par les
ionophores.
e /
Effets
sur lesperformances
decroissance des animaux
Les essais conduits sur animaux ont montré
que les
ionophores
augmentent
l’efficacité ali-mentaire chez lesbovins,
soit par la réductionde
l’ingestion
en maintenant la même crois-sance (cas desrégimes
riches enconcentrés),
soit parl’augmentation
desgains
depoids
alors que
l’ingestion
n’est pas modifiée (cas desrégimes
riches enfourrages). Toutefois,
l’effet sur lesproduits
terminaux de la fermentation du rumen(augmentation
de laproduction
depropionate
et réduction de laméthanogénèse)
n’explique
quepartiellement
les améliorationsnotées sur la
production
animale. Lesmodifi-cations dans la
composition
qualitative
du fluxprotéique
vers le duodénum nepermettent
pas nonplus d’expliquer
laréponse
des animaux. Il estpossible
que laprotection
desoligopep-tides dans le rumen se traduise par une
absorption importante
de ces molécules à ceniveau. Aucun effet
significatif
sur ladigestion
au-delà du rumen n’a été observé dans lestra-vaux in vivo
(Rogers
et al 1991). Desmodifica-tions de l’état hormonal des
animaux,
ainsique des effets secondaires sur l’utilisation
métabolique
des nutriments par les tissus doi-vent êtrepris
en considération pourexpliquer
les résultatszootechniques.
3.2 / Facteurs
de croissance
des
microbes du
rumenLa niacine (ou acide
nicotinique)
estconsidé-rée comme
ayant
un effetpositif
sur l’efficacité de lasynthèse protéique
microbienne sans modifier laproduction
d’AGV.Parfois,
elle n’a aucuneffet,
ou a même un effetnégatif,
sur lasynthèse
microbiennequand
les animauxreçoi-vent de l’urée comme seule source azotée. On
observe des concentrations élevées de niacine
dans le rumen et le duodénum des animaux
traités,
indiquant
uneaugmentation
de sa four-niture et de sadisponibilité
au niveau intesti-nal. Des effetspositifs
sur lesperformances
d’agneaux,
des bovins et des vaches laitièresont été reliés au fait que la niacine
peut
aider àla
prévention
de cétose (Brent etBartley
1984).La thiamine (vitamine Bl)
augmente
consi-dérablement la
synthèse
microbienne et la pro-duction depropionate
dans le rumen. Sa carence est liée àl’apparition
de troublescom-portementaux
des animaux dus à une nécrosedu cortex cérébral (NCC) (Jean Blain et Alves de Oliveira 1994). Les
ionophores
diminuent ladégradation
desprotéines
alimentaires et lasynthèse
desprotéines
microbiennes: lacomposition
desprotéines
arrivant dans l’intestinpeut donc être
Les isoacides
(isovalérique, isobutyrique,
2-éthylbutyrique)
augmentent
lasynthèse
microbienne in vitro mais n’ont pas ou peu d’effetsignificatif lorsqu’ils
sont utilisés in uiuo. L’amélioration de ladigestion
desglu-cides
pariétaux parfois
observées’explique
par les besoinsspécifiques
des bactériescelluloly-tiques
en chaînes carbonées. Ils semblent effi-caces dans le cas derégimes
carencés enpro-téines
dégradables.
Invitro,
l’acide3-phényl-propanoïque
stimule la vitesse de croissance etl’activité
cellulolytique
de Ruminococcusalbus,
mais il n’a aucun effet sur R.
flavefaciens
et B.fibrisoluens.
3.
3
/
Les
inhibiteurs de
protéolyse
oude désamination
L’inhibition de la désamination des acides aminés est un
objectif
recherché pour valoriserl’azote des rations et pour améliorer l’efficacité de la
synthèse
nette microbienne. Si les acides aminés devaient être évacués intacts hors du rumen ouincorporés
directement dans lespro-téines microbiennes
plutôt
que d’êtredégradés
enammoniac,
lequel
sera ensuite utilisé poursynthétiser
des acidesaminés,
on économiserait le coûténergétique
de laresynthèse.
En outre,il faut considérer
qu’une partie
deN-NH
3
pro-duit dans le rumen est excrétée dans les urinessous forme d’urée.
Les
composés
detype
diaryliodonium
limi-tent la
dégradation
des acides aminés du rumen par inhibition de leur transport intra-cellulaire chez les bactéries. Ilsproduisent
aussi une réduction de laméthanogénèse
et dupropionate
sans modifier la concentrationd’hydrogène
libre dans les gaz. Celasignifie
qu’ils
ont un effetnégatif
sur lesprécurseurs
du méthane
plutôt
que sur les bactériesméthanogènes.
Lescomposés
detype
diarylio-donium améliorent la rétention de l’azote in vivo. P.
ruminicola,
connue pourjouer
un rôle essentiel dans le catabolisme des acides ami-nés au sein du rumen, estparticulièrement
sensible à ces molécules.La désamination
peut
être inhibée parl’hydrazine (NH
2
-NH
2
)
et par descomposés
similaires,
mais leur toxicité élevée interdit leur utilisation in Uiuo.3.
4
/
L’ajout
de substances
tampon
Les substances
tampons
NaHC0
3
,
Na
2
C0
3
,
CaC0
3
etMg
0 ont étélargement
utiliséescomme additifs à la ration des ruminants pour
maintenir le
pH
du rumen dans uneplage
de valeurs allant de 6 à7,
correspondant
aux conditionsoptimales
pour l’activité microbien-ne. Leuremploi
a donc été recommandé pour les animaux recevant des rations riches enconcentrés
énergétiques qui risquent
deprovo-quer des acidoses.
L’addition de ces
composés
à la ration se traduitgénéralement
par uneaugmentation
de la vitesse de renouvellement de laphase
liquide
du rumen, alors que lepH
est en géné-ral peu modifié. L’effet sur ladynamique
desdigesta
provoque une amélioration del’efficaci-té de la
synthèse
microbienne et uneaugmen-tation de la
proportion
d’acétate dans les AGV. Il entraîneégalement
undéplacement
de ladigestion
desprotéines
et de l’amidon vers l’intestingrêle.
L’action sur lacellulolyse
ruminale est difficile à caractériserpuisque
les résultats sont variables.3.
5
/ La
défaunation du
rumenLes
protozoaires jouent
un rôleimportant
dans la
digestion
du rumen, mais ne sont pas essentiels pour les ruminants. La défaunation du rumen, c’est-à-dire l’élimination desproto-zoaires,
est une méthode courante pour éva-luer leur effetglobal.
Différentestechniques
sont
disponibles,
basées soit sur l’isolement des animauxquelques jours
après
lanaissan-ce, soit sur l’utilisation de substances
chi-miques toxiques
pour lesprotozoaires,
soit en vidant et lavant le rumenpuis
en traitant lecontenu du rumen avant sa réintroduction. Il faut toutefois
préciser
que cestechniques
nesont
disponibles
que dans les laboratoires derecherches. Des travaux sont
entrepris
pour mettre aupoint
desprocédés
qui pourraient
être utilisés dans les
exploitations.
a /
Effet
surl’écosystème
microbien L’élimination desprotozoaires
provoque uneaugmentation
du nombre total de bactériesqui
s’explique
par l’absence deprédation.
Cetteprédation
pouvant
êtresélective,
ladéfauna-tion
agit
non seulement sur le nombre debac-téries,
mais aussi sur lacomposition
dumélan-ge
bactérien,
ainsi,
parexemple,
laconcentra-tion de bactéries
amylolytiques
augmente.
L’effet sur les bactéries
cellulolytiques
a étépeu étudié.
Les
protozoaires
sont associés étroitement àquelques
bactériessymbiotiques,
notammentaux bactéries
méthanogènes qui
sont fixées à leursurface,
et à des bactériesqui
vivent àl’intérieur de leur
endoplasme.
Parmi cesder-nières,
certaines sont localisées dans les vacuolesdigestives
et d’autres ont étérécem-ment découvertes dans le
cytoplasme.
Unepartie
au moins des bactériessymbiotiques
estprobablement
éliminée avec lesprotozoaires
au cours de la défaunation.L’effet de la défaunation sur la
population
deschampignons
est très difficile à évaluer car nous nedisposons
pas de méthode fiable pour mesurer leur évolution dans le rumen. Ceciexplique
que des résultats contradictoiresaient pu être obtenus par les différents
cher-cheurs
qui
se sont intéressés à ceproblème
(Romulo
et al1989,
Jouany
1991).b /
Effet
sur ladigestion
de l’azote dans le rumen(tableau 4)
Il ressort
clairement,
àpartir
desnom-breuses études menées à l’INRA
depuis
10 ans en collaboration avec des chercheursétran-gers, que l’élimination des
protozoaires
dimi-nue la
dégradation
desprotéines
alimentaireset microbiennes dans le rumen (Ushida et