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LES PAYS-BAS DANS LA STRUCTURE DES ECHANGES COMMERCIAUX DU DAHOMEY-BENIN (XVII E XX E SIECLES)

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Référence de cet article : SOTINDJO Dossa Sébastien. Les Pays-Bas dans la structure des échanges commerciaux du Dahomey-Benin (XVIIE –XXE siècles).

Rev iv hist 2014 ; 24 : 156-168.

LES PAYS-BAS DANS LA STRUCTURE DES ECHANGES COMMERCIAUX DU DAHOMEY-BENIN (XVII

E

–XX

E

SIECLES)

SOTINDJO DOSSA SÉBASTIEN Maître de Conférences

UAC

RESUME

Les Pays-Bas et le Bénin, tous deux petits par la taille et adossés chacun à un grand voisin à l’est ont noué très tôt des relations commerciales facilitées par leur façade maritime.

L’intérêt de cette étude est non seulement la pérennité de la présence au Dahomey-Bénin d’un partenaire commercial sur la longue durée (XVIIe-XXIe siècles) mais aussi l’exploitation de ce commerce entre les deux pays comme un miroir où se lit le reflet des mutations internes et externes, c’est-à-dire à l’échelle locale et internationale.

Quelle est la place des Pays-Bas dans la galaxie des partenaires commerciaux du Dahomey- Bénin de 1641 à 2005 ? Quelle stratégie fut celle de ce dernier en réponse aux mutations de l’éco- nomie-monde et du marché international des produits tropicaux ? Le basculement actuel du monde vers l’Asie trouve-t-il son écho dans l’évolution de la structure du commerce extérieur béninois ?

L’utilisation combinée des sources imprimées, des statistiques commerciales et des res- sources bibliographiques, le tout soumis à un traitement à la fois qualitatif et quantitatif aboutit à des résultats intéressants. Excédentaire dans ses échanges commerciaux avec le Dahomey- Bénin, les Pays-Bas, plus fournisseur que client, gardent néanmoins une position stable dans le commerce extérieur béninois sensible aux mutations de l’économie

Mots-clés : Pays-Bas, Dahomey-Bénin, commerce extérieur, économie-monde, palmier à huile, coton, cycle, mutations.

SUMMARY

The Netherlands and Benin, both of them small in size and close by a big neighbor, located to their East, have, very early in their history, established between themselves commercial relations, based on the appeal of their respective seascape. The interest of this study is not only to stress the duration of the presence in Dahomey/Benin of a trading partner (XVIIth-XXIst century) but also to use this trade between two countries as a mirror, reflecting internal and external transformations, that is, on the local and international scales.

What is the place occupied by the Netherlands in the galaxy of the trading partners of Dahomey/Benin from 1641 to 2005? What was the strategy used by the latter in response to the transformations wrought into the world economy and the international market of tropical products? Does the present-day shift in the balance of the world economy towards the Far Eastern countries find echoes in the trends of Benin’s foreign trade ?

The combined use of printed source-materials, commercial statistics and bibliographical data can yield interesting results, especially when subjected to qualitative and quantitative analyses. As a gainer in their commercial exchanges with Dahomey/Benin, the Netherlands which played more a role of supplier than that of a customer in these relations, keep nevertheless a stable standing on the ladder of Benin’s foreign trade which proves sensitive to the transformations in the world economy.

Key words: The Netherlands, Dahomey/Benin, foreign trade, world economy, palm oil, cotton, transformations.

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INTRODUCTION

Quelques traits communs aux deux pays -que sépare pourtant une différence criarde de niveau de développement - ont guidé le choix de ce thème. En effet, deux petits pays1 adossés chacun à l’est à un géant (Allemagne pour les Pays-Bas et Nigeria pour le Bénin), le Bénin comme les Pays-Bas sont aussi riverains, le premier de l’Océan Atlantique et le second de la Mer du nord prolongé au sud par le même Océan atlantique. Ainsi tournés vers la mer, les deux pays ont noué très tôt des rela- tions commerciales - celles d’un pays du Sud avec un autre du Nord - dont l’évolution traduit les changements intervenus sur le marché mondial des produits tropicaux.

Les échanges commerciaux quasi continus entre ces deux pays durant la période étudiée, constituent un «bouillon de culture» pour observer comment l’alternance du cycle du palmier à huile (1850-1975) et celui du coton (1980/90-à ce jour) dans l’éco- nomie béninoise en relation avec les mutations du marché international des produits tropicaux a entrainé une réorientation de la stratégie commerciale du Bénin vers d’autres pays de destination. A défaut d’une diversification de sa base économique, la poussée de certains pays du bloc BRICS2 parmi les partenaires commerciaux du Bénin est-elle annonciatrice d’une rupture d’avec le legs colonial ? Quelle est la place des Pays-Bas dans cette mutation du commerce extérieur du Bénin ? Que représente le Bénin pour les Pays-Bas : un client et/ou un fournisseur ?

L’ancienneté des relations entre les deux pays impose un dépouillement systéma- tique des sources d’archives précoloniales et coloniales et une exploitation minutieuse des statistiques du commerce extérieur postcolonial pour répondre aux interrogations ci-dessus exprimées. Les informations ainsi «burinées» seront traitées à l’aide d’une approche à la fois qualitative et quantitative pour repérer les nouvelles tendances émergentes au niveau des échanges du Bénin avec l’extérieur.

I. LES PROVINCES-UNIES3 ET LE MIDI DE L’ACTUEL ESPACE BÉNINOIS (XVIIE-XVIIIE SIÈCLES)

A). Provinces-unies : une puissance maritime coloniale

Du XVIe au XVIIIe siècle, cinq puissances coloniales européennes (Portugal, Espagne, Provinces-Unies ou Hollande, France et Angleterre), d’abord à la recherche de métaux précieux et d’épices (XIVe et début XVIe siècle) ; puis d’esclaves pour les mines et plan- tations des Amériques tropicales, se sont taillées dans l’Outre-Mer, des empires coloniaux (XVIe-XIXe siècles) avec qui elles rentrèrent en relations commerciales. Leurs domaines coloniaux, définis par différents traités signés à travers le temps et variables en fonction de l’évolution du rapport des forces en leur sein, tournent à l’avantage des plus puissants économiquement à la fin du XIXe siècle. Parmi les cinq puissances européennes colo-

1 Le Bénin a aujourd’hui une superficie de 114 673 km2 et les Pays-Bas en possède 41 530km2 soit presque trois fois moins vaste que le Bénin quoique plus peuplé que ce dernier.

2 BRICS regroupe le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud dont les performances économiques les placent aujourd’hui à la tête de nouvelles forces économiques émergentes.

3 Le même pays s’appelle Provinces-unies (XVIIe –XVIIIe siècle), Hollande (partie la plus vaste et la plus riche de l’Union), royaume des Pays-Bas ou Nederland (en langue néerlandaise) depuis le congrès de Vienne en 1815.

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niales identifiées plus haut, la Hollande se classe, en 1914, au 3e rang de par l’étendue de son empire colonial (1,9 millions de km2) derrière l’Angleterre (30 millions de km2) et la France (11 millions de km2) étant donné que les Pays de la péninsule ibérique (Portu- gal et Espagne), sevrés de leurs colonies latino-américaines indépendantes au cours du XIXe siècle, ne possèdent plus que quelques enclaves territoriales presqu’exclusivement situées sur le continent africain. Le domaine néerlandais ou hollandais, d’envergure intercontinentale, embrassait la Guyane et le comptoir de Curaçao (île des Antilles néer- landaises, près de la côte vénézuélienne) en Amérique du sud, deux escales stratégiques sur les routes commerciales : le Cap4 en Afrique du sud et le Ceylan (actuel Sri Lanka) au sud de l’Inde, les îles de la Sonde ou des Indes néerlandaises (actuelle Indonésie) en Asie. Ces dernières constituaient les « perles de l’empire hollandais » à cause des riches plantations de Sumatra, de la Java et en raison de Batavia (actuelle Jakarta) le grand entrepôt de l’Asie du sud-est. Dès le milieu du XVIIIe siècle, les Provinces-Unies sont devenues une grande puissance marchande en Europe en raison de leurs propres richesses agricoles et des colonies enlevées au Portugal5

Entre l’Europe (donc la Hollande) et ses empires coloniaux d’Outre-Mer s’éta- blissent des échanges commerciaux portant d’abord sur une économie de matières premières dans le cadre du mercantilisme (XVIe-XVIIIe siècle) puis sur des marchan- dises issues de l’industrie et sur des capitaux émis par un réseau bancaire européen de plus en plus dense (1890-1914) à l’étape du capitalisme industriel et financier (1870-19706). L’achat des produits tropicaux de base et le financement de la «mise en valeur» des colonies7 par les investissements métropolitains d’après-guerre (1946- 1957) s’inscrivent dans le cadre de l’impérialisme colonial et de la multinationalisation de l’appareil productif (firmes multinationales). Dans la première phase de cette évo- lution de l’économie-monde (XVIe-XVIIIe siècle), les relations commerciales entre l’Europe (y compris les Pays-Bas) et l’Afrique noire (dont les royaumes de l’actuel espace béninois) sont polarisées sur la traite négrière transatlantique.

Autant le Royaume des Pays-Bas a connu à travers les vicissitudes de son histoire une instabilité territoriale avant l’unité nationale en 18158, autant l’espace actuel du Bénin résulte de l’unification territoriale, sous la férule du colonisateur français, d’une mosaïque de royaumes précoloniaux ouverts, dès le XVIe siècle, au commerce international, maritime ou caravanier.

B). Les royaumes précoloniaux en question

La colonie du Dahomey devenue la République du Bénin (1990) a un territoire unifié par la France impériale après sa victoire sur des entités sociopolitiques précoloniales

4 Le comptoir du Cap fut fondé en 1652 par les explorateurs néerlandais qui en font une escale sur la route commerciale des Indes orientales

5 En 1641, les Hollandais prennent Malacca au Portugal et pratiquent à partir de 1799, la colonisation directe sur le reste de l’Indonésie.

6 1780 marque le début de la 1e révolution industrielle en Angleterre tandis que les années 1970 et 1980, caractérisées par la crise économique dite de « stagflation », obligent l’Occident à réorienter sa stratégie de développement qui débouche sur la mondialisation actuelle

7 Bruno Bekolo-Ebe, Le statut de l’endettement extérieur dans l’économie sous-développée, analyse critique, Paris, Présence africaine, 1985, p.33.

8 En 1815 le Congrès de Vienne décide de réunir les Provinces-Unies du nord en majorité calvinistes et les pays- bas du sud catholiques en seul royaume des Pays-Bas proclamant ainsi l’unité et l’indépendance du pays.

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vaincues et intégrées dans un territoire unique entre 18949 et 1898. Au nombre de ces entités politiques d’avant le XIXe siècle colonial, il convient de mentionner les monarchies centralisées du sud (Alada, Sahé devenu Savi, Danxomè, Kétu) qui ont participé au commerce maritime international des esclaves et celles du septentrion (Nikki, Buwè, Kika, Sandiro, Kuandé) pourvoyeuses d’esclaves au commerce cara- vanier trans-ouest africain.

C). La traite négrière transatlantique, la Hollande et le midi de l’actuel espace béninois La Hollande10 participe aux côtés d’autres nations européennes à la traite né- grière chrétienne transatlantique dont un des foyers sur la côte du golfe de Guinée est la « Côte des esclaves » avec le port maritime de Ouidah comme épicentre au XVIIIe siècle. A la forte demande en main- d’œuvre serviles due à l’intensification de l’exploitation des plantations et des mines du Nouveau monde au XVIIIe siècle, Hollandais, Français, Anglais, Portugais répondent par un renforcement du dispositif d’accompagnement: comptoirs, forts ou loges construits à Grand-Popo, Ouidah, Jakin, Offra, Ekpè et Sèmè sur le littoral atlantique. Ces comptoirs et forts appartiennent à des compagnies à charte des nations européennes, animatrices du commerce des esclaves. Elles sont chargées d’effectuer les différentes transactions aux trois étapes du circuit triangulaire (Europe-Afrique, Afrique-Amérique et Amérique-Europe) et de défendre sur place les intérêts de leur pays d’origine. Celles qui ont fait le commerce des esclaves sur la côte du golfe de Guinée ont établi toutes leur siège sur la Gold Coast (depuis Axim jusqu’à Accra) dès le XVIe siècle et n’étendirent leurs activités à la côte du golfe du Bénin ou « Côte des esclaves » qu’au cours de la deuxième moitié du XVIIe siècle précisément à partir de 1641 selon Gayibor11.

Au nombre des compagnies à charte (française, anglaise) ayant opéré sur la côte du golfe du Bénin, la compagnie hollandaise des Indes occidentales12 se situe en bonne place. Elle a érigé une douzaine de comptoirs ou forts sur le littoral entre Kéta (atuel Ghana) et Gbadagri au Nigeria. Des établissements hollandais sont installés à Anèho (Petit-Popo), Houalagan (Grand-Popo), Ouidah, Offra, Jakin et Ekpè comme l’indique le schéma ci-après de Postma réutilisé par Gayibor (1992 :59).

9 Le 22 juin 1894, la France proclame la naissance de la « colonie du Dahomey et dépendances » mais il faut attendre la signature de la convention franco-britannique du Niger du 14 juin 1898 délimitant les frontières orientales du Dahomey pour voir s’étendre la domination française sur tout l’actuel espace béninois du sud au nord.

10 La Hollande, ce toponyme est souvent utilisé dans le langage courant pour désigner l’ensemble des Pays-Bas alors qu’en fait elle correspond à la partie ouest des Pays-Bas.

11 Nicoué Lodjou Gayibor, Européens et Africains dans le golfe du Bénin du XVIe au XIXe siècle, Lomé, Presses de l’UB, 1992, 154 p.

12 En anglais West Indische Companie (WIC) fondé en 1625.

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En échange des esclaves les navires négriers débarquèrent des produits variés dont la documentation ne nous a pas permis d’en extraire ceux provenant exclusive- ment des Pays-Bas13. Les marchandises européennes peuvent être regroupées en cinq catégories : des armes à feu, des métaux et articles métalliques, des « guinéail- leries » (cauris, cadenas, sonnettes, miroirs, pipes, chapeaux, colliers en fer…), des alcools, des textiles et le tabac brésilien. Cette traite négrière transatlantique a duré du XVIe à la fin de la première moitié du XIXe siècle environ et s’est déroulée dans un climat d’intenses rivalités entre monarchies européennes et de tensions perpétuelles entre ces dernières et les monarques africains.

Elle fut condamnée par les révolutions industrielles européennes du XIXe siècle dont les nouvelles exigences sont la recherche de sources de ravitaillement en matières premières et de débouchés pour les marchandises sorties des industries et pour les capitaux émis par un réseau bancaire de plus en plus dense en Europe.

L’Afrique change de rôle au cours de ce passage du mercantilisme au capitalisme industriel et financier : du réservoir de « bois d’ébène » elle devient pourvoyeuse de produits bruts ou semi-ouvrés et consommatrice de biens et services importés dans le cadre d’une division internationale du travail qui fait de l’Europe l’usine, la banque et le laboratoire du monde.

13 Les produits hollandais étaient composés de sucre, de tissus, d’armes et de verre échangés contre des esclaves.

(6)

II). DU COMMERCE LICITE ENTRE LES DEUX PAYS (XIXE – XXE SIÈCLES)

A). Une éclipse des Pays-Bas ?

La documentation reste muette sur les relations commerciales entre le Danxomè/

Dahomey et les Pays-Bas durant la période de reconversion économique, c’est-à- dire du passage de la traite négrière à celle des produits du palmier à huile, et durant une partie de la colonisation française au Dahomey. Chronologiquement, l’éclipse se situerait entre 1848 (fin de la traite négrière dans les colonies françaises) et 1938 (l’entre-deux guerres) où la Hollande est absente des statistiques commerciales du Dahomey. Misère de la documentation ? éviction des Pays-Bas du Dahomey par la puissante Allemagne devenue la 1ère puissance industrielle de l’Europe à partir de la deuxième révolution industrielle (1880-1890) dont elle fut le berceau ? à moins qu’il ne s’agisse d’une période de réajustement commercial des Pays-Bas à la recon- version économique indiquée plus haut. Le nom de la Hollande réapparait dans les statistiques du commerce extérieur du Dahomey à partir de 1939.

B). Du cycle du palmier à huile à celui du coton : une économie des produits agricoles (XIXe –XXe siècles)

1. Les faits

Tableau N° 1: Evolution des exportations du Bénin en valeur (en milliards de FCFA et en %)

Produits Coton (fibre et

gaine) Huiles et

tourteaux Café Pétrole brut Autres Total

Années Valeur

F.CFA (%) Valeur

F.CFA (%) Valeur

F.CFA (%) Valeur

F.CFA (%) Valeur

F.CFA (%) Valeur F.CFA (%)

1961 0,20 6,90 1,20 41,38 0,30 10,34 0,00 0,00 1,20 41,38 2,90 100 1965 0,40 12,12 2,40 72,73 0,10 3,03 0,00 0,00 0,40 12,12 3,30 100 1970 1,40 15,38 3,20 35,16 0,40 4,40 0,00 0,00 4,10 45,06 9,10 100 1975 1,50 22,39 1,30 19,40 0,20 2,99 0,00 0,00 3,70 55,22 6,70 100 1985 20,30 27,97 2,50 3,44 0,30 0,41 30,10 41,46 19,40 26,72 72,60 100 1986 11,70 29,18 1,30 3,24 0,50 1,25 7,10 17,70 19,50 48,63 40,10 100 1987 16,50 55,93 1,30 4,41 0,20 0,68 9,60 32,54 1,90 6,44 29,50 100 1988 11,40 56,16 1,10 5,42 0,00 0,00 7,00 34,48 0,80 3,94 20,30 100 1989 20,90 69,90 1,00 3,34 0,30 1,00 6,80 22,75 0,90 3,01 29,90 100 1990 20,50 64,67 1,00 3,16 0,20 0,63 8,00 25,24 2,00 6,30 31,70 100

1991 28,30 76,08 0,60 1,61 0,00 0,00 6,30 16,93 2,00 5,38 37,20 100

1992 29,30 79,62 0,80 2,18 0,00 0,00 4,30 11,68 2,40 6,52 36,80 100

1993 23,80 71,90 0,50 1,51 0,00 0,00 5,40 16,31 3,40 10,28 33,10 100

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Graphique n° 1 : Evolution des produits exportés du palmier à huile et du coton au Bénin de 1961 à 1993 (en %)

Source : Nos calculs et visualisation à partir d’une publication du Département économie et sociologie rurale de la Faculté des Sciences Agronomiques, Le Bénin en chiffres, 1994, p. 27.

2. Notre commentaire

L’économie béninoise depuis la fin de la traite négrière (1850) jusqu’à ce jour reste dominée tour à tour par les produits du palmier à huile (huile et palmistes de 1850 à 1975 environ) et par le coton (fibre et graine) de 1975 à nos jours en ce sens que chacune de ces deux cultures de rente libèrent deux sous-produits qui assurent durant leur période de gloire respective (leur cycle) l’essentiel des recettes d’exportation du pays. De la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’aux années 70 (durée du cycle du palmier à huile), l’huile de palme et les palmistes devançaient de très loin, comme le font aujourd’hui la fibre et la graine du coton depuis les années 80 et 90 (Tableau n°1 et graphique n°1) les autres produits d’exportation du Dahomey/Bénin (café, tabac, coco, arachide, karité, anacarde, pétrole, etc.) qui ne sont que des produits d’appoint.

Durant ces deux cycles du palmier à huile et du coton (1850-2014), le système pro- ductif centré sur la culture de l’une ou l’autre de ces deux plantes oléagineuses se limite dans le secteur secondaire à des huileries (1950-1953 puis 1962-1975), des usines d’égrenage de coton et à quelques unités agro-industrielles (savonnerie d’

Agbokou, IBETEX devenue COTEB, SITEX, SOBETEX14) qui ne remettent pas en cause le caractère agricole de cette économie des matières premières. La permanence

14 Agbokou était une banlieue (aujourd’hui quartier) de la ville de Porto-Novo où fut installée une savon- nerie publique en 1975.

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de la monoproduction d’exportation (1850 à ce jour) et les fluctuations périodiques des cours mondiaux des produits tropicaux expliquent la vulnérabilité structurelle de l’économie béninoise.

Le pétrole brut apparu dans les exportations au cours des années 80 et 90, repré- sentant en moyenne 24,34% en valeur des exportations du Bénin (Tableau n°1) de 1961 à 1993, était le signe d’une certaine diversification des exportations du Bénin.

Mais ce soupçon de diversification n’a hélas duré que le temps d’une rose (1982- 1998)15 sur l’échelle du «temps géographique braudélien». Ces matières premières presqu’exclusivement agricoles des exportations, révélatrices de l’atrophie d’un secteur industriel «rabougri», confirment avec un «tertiaire de bas de gamme», les caractéristiques d’une économie dominée de pays moins avancé.

Les Pays-Bas, par le biais de sociétés multinationales (le pétrolier Shell) et d’appareils électroniques (la marque Phillips) et les textiles (les fameux tissus WAX hollandais et VLISCO) participe toujours aux échanges commerciaux avec le Bénin en étant plus fournisseur que client comme l’attestent les tableaux 3 et 4 de la troi- sième partie de ce travail.

III).EVOLUTION DE LA STRUCTURE DU COMMERCE EXTÉRIEUR BÉNINOIS

A). Un commerce dominé par les importations et les biens de consommation Depuis les années 50, la tendance générale de l’évolution du commerce extérieur béninois reste marquée par la réduction en valeur des exportations devant des impor- tations en expansion, entrainant ainsi un déficit chronique de la balance commerciale.

L’étude sur la longue durée (1951-2001) de la structure des importations, révèle une supériorité des biens de consommation (céréales et assimilés, boissons alcoolisées, huiles comestibles, produits laitiers, vivres frais…) sur les biens d’équipement ou biens d’investissement (hydrocarbures, matériaux de constructions, lubrifiants et bitumes, IDE…). La faible position des biens d’équipement dans la structure des importations est significative du caractère embryonnaire du secteur industriel dans le pays. L’analyse des principaux groupes de produits importés (Tableau n° 2, Graphique n° 2) révèle que sur la période 1962-1998, les deux groupes : « produit alimentaire » et « textile matière en coton et habillement » -dont les Pays-Bas constituent un grand fournisseur- font plus de la moitié (50, 12%) en valeur des importations du Bénin et parfois, plus des deux tiers (66,8% en1970 et 68% en 1987 : Tableau 2). Cette situation dénote les insuffisances du secteur agricole béninois et la férocité de la concurrence étrangère aux industries textiles locales (COTEB, SITEX et SOBETEX). La baisse (moyenne 39% pour la période de 1995-1998) de ces deux groupes en faveur des trois autres groupes de produits importés dont les « biens d’équipement » est porteuse d’espoir car seuls les biens d’investissement contiennent en leur sein une composante de transfert de technologies. Cette évolution s’est faite parallèlement à une réorientation des partenaires commerciaux du Bénin.

15 La société belge Saga petrolium du projet pétrolier de Sèmè a cessé ses activités d’exploitation du pétrole off shore de Sèmè vers la fin des années 1980.

(9)

Tableau N° 2 : Importations du Bénin par groupe de produits (en %)

Année Produit alimen-

taire

Textile matière en

coton et habillement

Bien d’investis-

sement

Produits minéraux et énergé-

tiques

Produits

chimiques Autres En- semble

1962 28,7 22,3 31,2 11,4 6,4 - 100,0

1965 24,6 34,4 27,4 7,2 6,4 - 100,0

1970 26,8 40,0 23,2 5,7 4,3 - 100,0

1974 30,7 21,7 28,7 11,3 7,6 - 100,0

1980 14,2 28,7 14,6 5,5 3,7 33,3 100,0

1987 33,0 35,0 15,4 11,0 5,3 0,4 100,0

1990 33,9 20,9 12,0 22,3 10,7 0,2 100,0

1995 22,0 12,5 18,5 13,9 12,1 21,0 100,0

1996 17,8 19,1 17,0 20,3 7,0 18,8 100,0

1997 16,5 19,2 17,0 16,7 7,0 23,6 100,0

1998 22,1 26,9 20,9 9,9 6,8 13,4 100,0

Myne

1962-98 24,6 25,52 20,52 12,30 7,01 10,05 100

Source : Nos calculs à partir du rapport final de Cosme Vodounou et al., 1999, PNUD-Cotonou, pp. 59-60.

Graphique 2 : Répartition en (%) des importations par groupe de produits Source : Tableau n° 2

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B). Les Pays-Bas : un partenaire privilégié (1966-1998)

Présents dans les statistiques commerciales à l’époque coloniale (achat des amandes de karité), les Pays-Bas après l’indépendance renforcent leur position dans le commerce béninois en tant que client et fournisseur. L’étude du tableau ci-après dégage deux positions d’inégale importance des Pays-Bas dans l’évolution de la structure des exportations béninoises :

- la sous-période 1966-1989 où les Pays-Bas se classent successivement troisième (1966-1969), deuxième (1970-1979) et première (1980-1989) sur la liste des principaux clients.

- la sous-période 1990-1998 qui consacre une marginalisation des Pays-Bas parmi les pays-acheteurs des produits béninois.

1. Les Pays-clients

Tableau N° 3 : Répartition des exportations du Bénin par principaux partenaires (en %) Années

Clients

1966-

1969 1970-

1979 1980-

1989 1990-

1996 1997 1998 Moyenne 1966/69-1998 Belgique et

Luxembourg 2,15 1,65 0,88 3,69 1,46 1,83 1,94

Brésil 0,00 0,00 0,00 14,36 23,84 28,07 11,05

Chine 0,00 2,60 2,84 2,83 1,00 1,35 1,77

Espagne 0,00 0,59 3,95 2,39 2,93 4,35 2,37

Etats-Unis 13,62 1,51 3,02 0,69 0,08 1,23 3,36

France 40,03 29,78 8,09 3,02 1,18 2,27 14,06

Inde 0,00 0,00 0,06 3,11 1,27 6,31 1,79

Indonésie 0,00 0,00 0,04 3,78 11,41 6,99 3,70

Italie 3,00 3,29 4,15 5,35 4,51 4,29 4,10

Japon 0,00 6,66 4,00 0,24 0,35 0,59 1,97

Maroc 1,04 0,38 0,33 15,31 8,42 6,09 5,26

Nigéria 6,96 6,38 2,31 3,91 0,76 0,75 3,51

Pays-Bas 8,72 12,31 11,36 0,74 0,30 0,40 5,64

Portugal 0,00 0,00 3,56 9,01 8,64 3,38 4,10

RFA 6,75 9,22 6,02 0,00 0,00 0,00 3,67

Royaume-

Uni 1,43 5,39 3,47 1,20 1,23 1,34 2,34

Thaïlande 0,00 0,00 0,24 3,55 6,99 7,95 3,12

Autres pays 16,29 20,23 45,68 26,82 25,63 22,80 26,24 Ensemble 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Source : Vodounou et al., Economie béninoise et mondialisation…, 1999, p. 63.

En effet, pendant cette dernière sous-période, de la première place au cours des années 80, les Pays-Bas chutent pour occuper le quatorzième rang (1990-1996) et

(11)

le quinzième (1998). Cette régression drastique de ce partenaire dans les exporta- tions s’inscrit dans un recul généralisé de la position des autres clients européens traditionnels du Dahomey-Bénin en faveur des pays d’Asie (Chine, Inde, Indonésie, Thaïlande) et du Brésil, nouvelles forces économiques dominant l’économie-monde depuis la crise financière et économique actuelle16. Cette inversion de la position des pays de destination des produits exportés du Dahomey/Bénin en faveur des pays du bloc BRICS est confirmée par les statistiques des cinq premières années du XXIe siècle où les trois principaux clients du Bénin sont successivement l’Inde (154 188 tonnes), la Chine (116 901 tonnes) et l’Afrique du Sud (37 832 tonnes) dépassant ainsi largement la Grande-Bretagne ( 4e rang avec 14 533 tonnes) et la France ( (5e rang avec 13 137 tonnes). Les principaux produits béninois achetés par les trois premiers pays-clients sont le coton (fibre, graine ou tourteaux), les noix de cajou et le bois de teck.

2. Les pays fournisseurs

Fournisseurs, les Pays-Bas occupent une place confortablement stable durant toute la période 1966-1998 avec une part moyenne de 6,19% des importations béninoises (tableau 4 ci-après). Ce pourcentage d’achat de produits importés (en valeur) le situe au second rang après la

Tableau N° 4 : Répartition des importations par principaux partenaires (en %)

Années

Fournisseurs 1966-69 1970-79 1980-89 1990-96 1997 1998

Moyenne 1966/69-

1998

France 45,59 32,53 22,15 27,41 26,97 25,09 29,96

Belgique et

Luxembourg 3,57 1,89 2,79 2,16 1,59 2,21 2,37

Pays-Bas 5,82 6,18 6,98 6,56 5,58 6,00 6,19

RFA 4,26 6,52 4,24 4,00 4,24 3,80 4,51

Italie 6,12 2,54 3,44 2,13 2,82 3,68 3,46

Royaume-Uni 3,48 6,33 7,59 3,63 3,62 5,32 5,00

Danemark 0,00 0,61 0,71 0,96 0,97 0,00 0,54

Suède 0,00 0,19 0,16 0,13 0,24 0,00 0,12

Maroc 0,74 0,23 0,21 0,25 0,25 0,00 0,28

Algérie 0,59 1,92 0,46 1,55 0,00 0,00 0,75

Côte d’Ivoire 0,00 0,94 2,65 3,06 4,46 4,59 2,62

Ghana 0,00 0,51 2,69 1,29 3,27 2,81 1,76

Nigéria 1,98 2,01 2,59 0,68 1,48 0,00 1,46

Etats-Unis 4,63 5,57 5,42 5,14 7,60 6,69 5,84

Inde 0,00 3,94 3,84 1,43 1,45 3,22 2,31

Japon 0,00 3,20 4,44 4,77 3,89 4,51 3,47

16- S.D. Sotindjo, Le XXIe siècle : vers une nouvelle architecture du monde ?, in Annales de la FLASH, n° 19 vol.2, 2013, pp. 176-180.

(12)

Chine 0,00 2,45 5,46 4,15 5,40 5,89 3,89

NPI 0,00 0,00 2,74 13,27 5,00 2,81 3,97

Autres pays 23,21 22,42 21,44 17,43 21,15 23,38 21,51

Ensemble 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Source : Vodounou et al., Economie béninoise et mondialisation…, 1999, p. 64.

France. Ces échanges entre le Bénin et les Pays-Bas se font largement en défaveur du premier partenaire. Par exemple, durant la sous-période 1980-1989, les importa- tions du Bénin en provenance des Pays-Bas (41 708 millions de F.CFA) comparées à ses exportations (21 388 millions CFA) en direction de ce pays dégagent un déficit commercial de plus de 21 millions en défaveur du Bénin.

CONCLUSION

Les relations commerciales entre les Pays-Bas et l’actuel espace béninois remontent au XVIIe siècle et se sont poursuivies presque sans discontinuité à tra- vers les différentes mutations du commerce international. Echange d’esclaves puis de produits agricoles contre des biens manufacturés, ce commerce entre les deux pays, inscrit dans le cadre des échanges commerciaux entre économie dominante et économie dominée, s’effectue avec un déficit commercial structurel du côté béninois.

L’alternance du cycle des produits du palmier à huile et ceux du cotonnier dans la structure du système productif béninois est non seulement le répondant national aux mutations du marché mondial des produits tropicaux, mais aussi le début d’une perturbation du legs colonial. Plus perceptible sur le tableau des exportations que sur celui des importations, le recul des traditionnels partenaires commerciaux européens dans les échanges extérieurs du Dahomey/Bénin durant la dernière décennie du XXe siècle en faveur des nouvelles forces économiques émergentes traduit sûrement le bouleversement en cours par ordre de mérite dans le classement des économies dominantes. A la faveur de ce basculement de l’ancienne hiérarchie accompagné d’un regain d’intérêt pour l’Afrique, invitée à l’échelle mondiale à plusieurs Sommets successifs17, le Continent noir (donc le Bénin) doit œuvrer pour muter sa structure économique actuelle en devenant enfin plus exportateur de produits manufacturés que vendeur de produits bruts directement sortis des champs et/ou des mines.

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17 « France-Afrique, Europe-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique, Amérique du Sud-Afrique et, maintenant Etats-unis-Afrique ! Depuis la fin des années 2000, anciennes et nouvelles puissances voient le continent d’un autre œil » observe à juste titre Marwane Ben YAhmed dans Jeune Afrique (n° 2793, 2014, p.53.)

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