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PROBLÈMES DU BARREAU. CHAPITRE IV Les examens (Simple rappel du problème). CHAPITRE V Le_ stage.

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Texte intégral

(1)

JO mmiJM~~r

EDMOND PICARD 1882 ·1899

LEON HENNEBICQ 1900- 1940

PROBLÈMES DU BARREAU

La formation professionnelle du juriste

La présente étude est basée ror un rapport fait à Luxembourg, le 14 juillet 19 50, devant le Congrès de l'Union internationale des Avo- cats; Conçu pour un auditoire international, ce rapport s'est efforcé de constituer une sorte de moyenne ràl.son entre ·zes prolifèmes de formation qui doivent intéresser - sinon tous les pays représentés au sein de l'Union - du moins ceux de l'Europe occidentale.

Les suggestions pratiques qui suivent sont nombreuses - trop nombreuses, certes, pour pouvoir être mises en application toutes à la fois, au même lieu. Il ne faudrait néanmoins pas les considérer, pour cette raison, comme utopiques.

Elles ne sont, en effet, pas simplement l'expres- sion du désirable, bien plus, à peu près chacune d'elles traduit des réalisations concrètes, obser- vées dans quelque pays, à quelque univenité.

C'est pourquoi toutes ces propositions se re- commandent au lecteur non seulement comme l'expression d'un idéal, mais· en même temps comme autant de résultats de l'expérience pra- tique.

Table des matières.

CHAPITRE PREMIER

Considérations préliminaires sur la profession du juriste.

1. Le rôle du juriste dans la société contemporaine.

2. Diversité et complexité de l'activité du juriste.

3· Connaissances et dialectique - études et for- mation.

Diversité et complexité des disciplines juridiques.

CHAPITRE II

Les études préparatoires.

I. Aperçu sur le régime en vigueur dans divers pays.

2. Opportunité des études préparatoires.

3· Elaboration d'un programme : Cours servant à perfectionner la culture générale.

Elaboration d'un programme : Cours d'intro- duction au droit.

5· Aménagement pratique des études préparatoires et examen de clôture.

CHAPITRE III

Les études juridiques.

1. La valeur du système actuel.

2. La liberté des études.

3· L'importance particulière des matières de fon- dement et de complément. Exemples.

L'importance des instituts et des écoles spé- cial es.

L'importance accrue du droit international et étranger.

6. Méthode déductive et méthode inductive. Com- paraison avec le système américain.

7· Premiers contacts avec la pratique. Le préstage.

8. L'intérêt des activités « extracurriculaires ».

Préparation à la tâche de « législateur».

CHAPITRE IV

Les examens (Simple rappel du problème).

CHAPITRE V Le_

stage.

1. Critique du système actuel.

2. Propositions pour une. réforme du stage.

3· Interdiction de plaider pour les débutants ? 4· L'école professionnelle dans le cadre du stage.

Examen de fin de stage.

6. La formation professionnelle et les associations entre avocats.

ANNEXES

Document .t\ : Conclusions du professeur Weiss.

Document B : Conclusions de M• Engel.

Document C : Résolution conjointe de l'A.B.A. - A.A.C.

Références . bibliographiques.

Les publications relatives à l'objet de la présente étude sont éparses dans les revues. Aussi semble- t-il qu'en cette matière les idées doivent être pui- sées avant tout à deux autres sourcts : l'observa- tion directe et la réflexion sur le role du juriste dans notre société contemporaine.

Les publications suivantes ont été utilisées avec fruit :

1. La « Société suisse des juristes ,, a choisi à deux reprises ..,-- à savoir en 1922 et en 1949 - la question de la réforme des études juridiques comme sujet de son congrès annuel.

En 1922, le rapport pour la Suisse alémanique a été présenté par le professeur W. Burckhardt de Berne, celui de la Suisse romande par M• Albert Ptèot, avocat à Genève. Les deux rapports sont publiés dans la Zeitschrift für schweizerisches Recht, 1922, nouvelle série, vol. 41, p. xajssq.

En 1949, le rappurr pour 1a -suisse âlémanïque a été présenté par le professeur Gottfried Weiss de Zurich, celui de la Suisse romande par M• Pierre- R. Engel, avocat à Genève. Les d~ux rapports sont publiés dans les Actes de la Société, fasc. 2, 1949, éd. Helbing und Lichtenhahn à Bâle. Vu l'impor- tance de ces deux rapports, leurs conclusions sont publiées à la suite de cette étude comme docu- men.ts A et B.

2. Le problème de la formation préparatoire a reçu une attention particulière de la part de

l' << American Bar Association n qui, préoccupée

par la préparation défectueuse des étudiants entrant aux écoles de droit, a chargé sa << Section of Legal Eduéation and Admissions to the Barn d'élaborer un rapport à ce sujet.

La partie principale de ce rapport a été rédigée par M. Arthur T. Vanderbilt, de ce temps doyen de l'Ecole de droit de la New York University, sous le titre '' Prelegal Education n (publié dans

"Strtdying Law n, éa. par Arthur T. Vanderbilt chez Washington Square Publishing Corporation, New York. - Cité ci-après : Vanderbilt Report).

Sur la base de ce rapport, une résolution con- jointe a été adoptée en 1945 par l' << A merican Bar . Association n et l' <<Association of American Col- leges n, au sujet de la formation préparatoire (re- produite comme document C à la suite de ce rap- port).

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE EDITEURS : Maison , FERD. LARCIER. S. A.

26-28, rue des Minimes, Bruxfllio;;s

Arthur T. Vanderbilt, aujourd'hui président de la Cour suprême de l'Etat de New Jersey a pu- blié des vues ·intéressantes sur - la formation dans

«Men and Measures t'n the Law», aux chap. I•r et Il, éd. Alfred Knopf, New York.

4· En Belgique, le problème des études juridiques et a fait l'objet d'une enquête entreprise à la fin du siècle passé par le Barreau de Bruxelles auprès des premiers juristes du pays. Les résultats ont été compilés dans un rapport déposé à la Biblio- thèque du Barreau de Bruxelles.

Pour le même problème en Italie, cf. Mario 'Rotonili, professeur â l'Université catholique de Milan dans « Per la riforme degli studi della Fa- calta di Giurisprudenza » Rivista di Diritto Privato, Anno XIII (1943-XXI) n. 1-2, p. ISsq.

6. Pour le préstage, institué en France par la loi du 26 juin 1941 (maintenue en vigueur), cf.

A. GabrieJ Arnat~d, Mémoire sur le préstage, suppl.

au Bulletin de l'Association Nationale des Avocats, n ° 92, janvier-février x 950, 1 1; place Dauphine, Paris ( I er).

7· Enfin, une source intéressante a été constituée par les programmes, guides et livrets publiés par les universités.

L' <<International Bar Association » (501, Fifth Avenue, New York, 17, N. Y.) avait choisi, entre autres, le sujet suivant pour sa conférence qui a eu lieu à Londres du 19 au 26 juillet 1950 :

" Legal Education.

(1) Usefulness of the study of the laws of diffe- rent countries.

(2) Facilities for the study of foreign laws ». L'au- teur· regrette que le rapport sur ce sujet ne lui ait pas été accessible au moment de rédiger son étude.

CHAPITRE PREMIER Considérations prélimiitaires

sur la profession de juriste.

En

jetant un regard sur les diverses professions intellectuelles, nous constatons que. parmi les régimes de formation. peu sont liés aussi inti- mement .aux nécessités p.ratiques de la vie pro- fessionnelle- que la formation du juriste. Il est possible, et nécessaire, de concevoir la formation par exemple du mathématicien. du physicien et du biologiste, du médecin même et de l'ingénieur, en prenant comme base et comme mesure les sciences correspondant à chacune de ces branches.

Par contre, pour le juriste, ce sont _les problèmes de la vie pratique qui déterminent l'orientation fondamentale de la formation. S'il est vrai, en effet. qu'il existe une science du droit, n'oublions pas que le droit lui-même est orienté en dernière analyse vers la solution de problèmes sociaux nés des relations humaines. Le droit est construit et l'activité du juriste est essentiellement con- struction.

Nous ne pouvons donc porhr un jugement sur la valeur de notre régime actuel de la forma- tion juridique et nous ne . pouvons proposer des améliorations de ce régime qu'en ayant une vision nette des activités que le juriste est appelé à accomplir et des responsabilités qu'il est appelé à prendre sur lui dans notre société contempo- raine. C'est un fait bien connu que la formation juridique sert de préparation à un ensemble de professions multiples et diverses.

Rappelons les carrières juridiques : Les pro- fessions judiciaires, magistrature et barreau. La fonction publique. Le secteur privé, industrie,

commerce et finances. L'enseignement, le travail ~

(2)

de recherche et de publication. L'activité interna·

tionale~ ce secteur particulier de notre action, dont l'importance va croissante à mesure que la vie internationale s'intensifie. Enfin l'activité

politique~ entendue dans un sens large comme participation à la vie publique. Nous retrouvons les juristes, jouant un rôle actif et important dans la vie publique officielle (au Gouvernement, au Parlement ... ) et non·officielle Cau sein des partis politiques, des groupements professionnels, des mouvements d'opinion ... ) aussi bien au niveau national qu'au niveau local. Tantôt, le juriste nous apparaît comme gouvernant, tantôt comme législateur, tantôt comme administrateur de la chose publique. On ne saurait trop souli·

gner l'importance de cette activité. On ne saurait trop souligner, d'autre part, qu'il n'existe pas de formation comparable à la formation juridi- que pour la préparation de ceux qui se destinent à participer aux affaires publiques.

Diversité et complexité de l'activité du juriste.

Soulignons à présent, parmi les nombreux aspects de la profession du juriste, tout parti- culièrement la richesse et la diversité de ses activités. Non seulement que ceux qui ont été formés par la faculté de droit s'orientent vers les carrières les plus différentes : ce qui est plus important, c'est que l'activité d'un seul et même juriste est, le plus souvent, d'une grande diver- sité. Le prototype de ce genre est certainement l'avocat. Ses consultations, ses plaidoiries et ses démarches recouvrent les domaines les plus divers du droit, civil, commercial, pénal et public.

L'activité à la barre est doublée souvent d'une action dans le domaine politique, sur le champ international, dans le secteur privé ou dans l'enseignement.

Il en est de même de la matière que nous touchons et manions tous les jours : Tout, dans le droit se tient, les branches juridiques se pénè- trent entre elles. S'il est possible de séparer les disciplines juridiques pour les besoins de la science et de l'enseignement, en pratique, les pro- blèmes que pose la vie professionnelle se situent généralement de façon à intéresser plus d'un domaine du droit. Cette complexité et cette interpénétration existent tant pour les problèmes législatifs que pour les litiges particuliers dont la solution est dévolue à l'avocat ou au magis- trat. En effet, il n'est pas de problème, général ou particulier, qui puisse être réglé valablement sans égard à ses liaisons et ses répercussions, proches et lointaines, juridiques et sociales.

Ces considérations nous permettent de poser en ces termes un premier problème fondamental de la formation professionnelle : spécialisation ou formation générale ? Les nécessités si diverses et la complexité de notre profession exigent une formation aussi générale, aussi diverse et 'aussi nuancée que possible. Heureusement, notre ré- gime d'études et d'examens répond à cette exi- gence de la « polyvalence ».

,.,. ,.

Dans son rapport sur la formation prépara- toire aux études juridiques, le doyen Vander- bilt fait une analyse fort pertinente des facteurs fondamentaux qui constituent l'activité du ju- riste - qu'il soit avocat, gouvernant, législateur ou agent public :

La connaissance des règles abstraites du droit.

L'appréciation de faits concrets.

L'art de comprendre et de traiter des person-

nes~ diverses et complexes.

La compréhension du milieu, de l'environne- ment politique, social, économique et idéologique.

L'usage courant de la paxole~ la maîtrise de l'art de parler et d'écrire.

A chacun de ces facteurs fondamentaux cor- respond une science - ou un art - ou une technique particulière. La formation juridique consiste à développer la maîtrise de l'ensemble de ces sciences, arts et techniques.

C'est au développement de la première des connaissances indiquées - à savoir la conuais- sance du droit - que s'attache presque exclusi- vement l'enseignement universitaire. Il faut se

demander si cet enseignement ne serait pas trop unilatéral, dans sa réalisation actuelle? Il faudra se demander, dans la suite de ces réflexions, ce que la formation pourra contribuer à initier le futur juriste aux autres arts et techniques de sa profession à savoir : L'appréciation des faits, le traitement des personnes, la compréhension du milieu et l'usage de la parole.

Connaissances et dialectique. Etudes et formation.

On a coutume d'opposer les connaissances et la dialectique. Or, le fait est que les deux se tiennent intimement et se conditionnent mutuel- lement en tant que matière et forme. Une dia- lectique ne peut se développer ni s'exercer à vide.

Cette réflexion étant avancée, attachons-nous un moment au problème de la formation d'une dia- lectique juridique.

Notre dialectique est caractérisée par la ra- pidité de la compréhension en face des faits et des idées ainsi que par le pouvoir de raisonne- ment; par le maniement de méthodes diverses, les unes proprement scientifiques, les autres du domaine de l'art et de l'expérience; par la tran- sition rapide et facile entre les éléments divers de notre activité tels qu'ils ont été décrits ci- dessus; par la puissance de synthèse entre les faits et les intér..êts d'une part et les normes de l'ordre social de l'autre; par l'objectivité du jugement même en face de la cause que nous défendons; enfin, par l'imagination et la sou- plesse dans la recherche des solutions.

Nous devrons avoir à cœur de développer, dans ceux qui se préparent à notre profession, cet art complexe qu'est notre dialectique. Nous formerons ainsi des juristes constructifs et dynamiques, des hommes qui sauront prendre attitude en face des situations les plus inatten- dues avec lesquelles nous confronte souvent notre profession. Des juristes qui, ayant des préoccu- pations plus élevées que celle d'ajuster les pro- blèmes nés d'hier, prendront consciemment en mains îeurs responsabilités en vue de demain.

La préparation professionnelle n'aura pas ex- clusivement le caractère d'un enseignement, mais bien celui d'une véritable formation, d'un

« training », dont le fruit sera le développement d'une dialectique juridique.

« Ce dont l'étudiant en droit devra être pénétré c'est qu'en lui l'esprit juridique ne se formera pas par un seul effort de mémoire. Il devra sans doute beaucoup apprendre; mais, précisément, il n'apprendra bien que s'il arrive à pénétrer les facteurs moraux et sociaux, histo- riques, économiques, psychologiques de la vie nationale et internationale. Cette pénétration lui permettra plus aisément de parvenir à cette connaissance, puis à cette méditation des prin- cipes, qui sont indispensables pour la saine interprétation des textes et pour le maniement judicieux des institutions » ( 1).

Comment faire pour imprimer ce caractère à notre régime de formation ? Le problème fon- damental me semble être celui de réveiller la curiosité intellectuelle, « l'esprit d'explorateur », d'amener le futur juriste à un travail personnel, à des lectures et à des recherches indépendantes.

De lui donner la passion de pénétrer les problè- mes qui sont les nôtres. De l'aider à développer une pensée indépendante et critique.

Il est évidemment difficile d'indiquer des re·

cettes toutes faites à cet effet, étant donné que tout est ici . question de personnalité et de tact dans le chef de ceux qui sont chargés de la formation de nos jeunes générations. Mais voici quelques suggestions pratiques.

Il n'y a rien de tel, dans la formation, que le contact direct et personnel avec un grand maî- tre de la science et de _l'art juridique. Il im- portera de favoriser les conditions propices à ces contacts : coopérations au sein d'instituts, de séminaires et d'équipes de travail; contacts en dehors de l'école... Sous ce rapport, les facultés trop grandes et les facultés surpeuplées forment (r) Extrait du ''Livret de l'étudiant n, de l'Uni- versité de Nancy, édition rgso, au chapitre d'in- troduction aux études du droit.

un terrain peu favorable pour la formation. Il conviendra donc de renforcer les facultés de pro·

vince en face des universités tentaculaires d_es métropoles.

Un second moyen consiste à augmenter l'attrait des études en développant la variété des branches juridiqu_es et complémentaires offertes au choix de l'étudiant.

En troisième lieu, il paraît recommandable de développer en face des cours, suivis passivement, toutes les activités qui demandent un effort de recherche, de réflexion et de présentation : les exercices, les séminaires, les discussions, les tra- vaux écrits, les conférences ...

Enfin, il semble qu'une dialectique forte, indépendante et critique pourra se développer de la meilleure façon à la faveur d'un climat de li·

berté dans les études.

Nous aurons l'occasion de revenir dans la suite en détail à chacun de ces points.

Diversité et complexité des disciplines juridiques.

Le droit se prête, mieux que toute autre bran- che du savoir et de l'art humain, à donner la formation générale, diversifiée et nuancée que nous avons trouvé essentielle. Avant de vivre les contacts humains si_ divers qu'amène avec elle l'activité pratique, l'étudiant s'adonne, au cours de ses études, à des disciplines extrêmement va- riées quant à leur contenu et quant à leur méthode. Le praticien, de son côté, ne cessera d'y retourner.

Les matières centrales des études sont et res- teront formées par les branches systématiques, de caractère proprement juridique : En premier lieu les branches centrales et traditionnelles : le droit civil, le droit pénal, public et international, le

· droit de procédure.

En second lieu, les matières dites secondaires ou de complément qui apportent un nouvel élément de diversité et d'intérêt : par exemple le droit social, la législation fiscale, les droits intellectuels, le droit colonial et de nombreuses autres branches.

Un second groupe est constitué par les bran- ches de fondement, de nature historique, à savoir l'histoire générale, le droit romain ainsi que l'histoire du droit public, civil, pénal et inter- national.

Les branches de fondement, de nature philo- sophique, comprennent la philosophie générale, la philosophie de l'Etat et la philosophie du droit.

Enfin, le groupe des branches de fondement ayant le caractère de sciences descriptives, à savoir la statistique. l'économie et les finances, la psychologie et la criminologie.

Cette quadruple diversité des disciplines semble être ce qu'il y a de plus précieux dans la forma-

tion juridique. . L'esprit adopte tour à tour l'attitude proprement juridique, l'attitude de l'historien, l'attitude du philosophe et l'attitude de la science descriptive. C'est le contact avec l'objet, les problèmes et les intérêts· particuliers de ces nombreuses branches, c'est le maniement simultané de leurs méthodes diverses - méthode de l'ordonnance systématique et finaliste pour le droit, intérêt pour le contingent dans l'histoire.

méthode spéculative pour la philosophie et mé- thode de la recherche objective pour les sciences descriptives - qui constitue le fondement de l'art si nuancé que nous exerçons, à savoir la dialectique juridique.

Suivons maintenant les étapes de la formation depuis les études préparatoires, par les études à la faculté de droit, jusqu'au stage, tout en· ayant présentes à l'esprit les considérations qui précè- dent sur la profession du juriste. ·

CHAPITRE II

Les études préparatoires.

Voici, en bref, l'état actuel de la formation préparatoire dans ies différents pays de l'Europe occidentale.

. En France et en Suisse, la faculté de droit fait

(3)

suite, sans transition, au lycée -

à

cette diffé- rence près que l'étudiant français aborde et termine les études juridiques bien plus jeune que l'étudiant helvétique.

Par contre, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont organisé une formation propé- deutique d'une à deux années, intercalée entre le lycée et la faculté de droit.

En Belgique, l'étudiant passe deux années à la faculté de philosophie et lettres et s'y soumet à deux examens de candidature, avant d'entrer à la faculté de droit. Aux Pays-Bas, il consacre un an et demi à deux ans à la préparation de la candidature, avant de trouver accès aux études juridiques proprement dites qui mènent au doc- torat. Au Luxembourg, l'étudiant suit pendant une année des cours spéciaux se terminant par une candidature en philosophie et lettres, pré- paratoire au droit.

En gros, cet enseignement préparatoire com- prend, dans les trois pays, les complexes suivants de matières :

les langues et la littérature, antiques et modernes;

la philosophie;

l'histoire;

l'économie;

l'introduction historique au droit, à l'inclusion du, droit romain;

l'encyclopédie du droit;

la société et les inst!tutions antiques - médiéva- les - modernes (Belgique) .

Notons que, dans tous les pays considérés, seul le lycée classique donne accès aux études juridiques.

** *

Il sera intéressant de jeter à ce propos un regard sur le régime de la formation préparatoire aux Etats-Unis d'Amérique, étant donné que la question vient d'y recevoir une étude approfon- die ( 2).

A la différence du régime scolaire de l'Europe continentale, l'Amérique connaît l'institution du

«

college

».

intermédiaire entre la

«

highschool

»

et l'université, correspondant à peu près aux classes supérieures de notre lycée ainsi qu'aux années propédeutiques. Le problème des études préparatoires se réduit donc, en Amérique, à la question de savoir quel sera le meilleur pro- gramme à donner aux années que le futur étu- diant en droit passe au « college ».

Pour documenter son rapport sur la forma- tion préparatoire, le doyen Vanderbilt a conduit une enquête à ce sujet auprès d'un certain nom- bre des meilleurs juristes des Etats-Unis. Voici les branches qui sont considérées, par les 118 juristes qui ont répondu à l'enquête, comme étant les plus appropriées pour composer le programme de la formation préparatoire : la langue anglaise et la littérature anglo-amé- ricaine;

l'histoire;

les sciences sociales fondamentales (la science du gouvernement, l'économie, la sociologie);

une science de laboratoire;

les mathématiques (dont l'importance est souli- gnée);

la philosophie, éthique et logique;

la comptabilité;

la psychologie;

une langue étrangère, de préférence le latin.

Dans la suite, cette liste a été recommandée aux étudiants par l'

«

American Bar Association » et l' « Association of American Colleges » ( 3) . Opportunité des études préparatoires.

L'institution d'une formation propédeutique semble constituer la condition nécessaire pour que les études juridiques puissent être suffisam- ment approfondies, et suivies avec fruit pès leur début. Le fait est qu'à défaut de pouvoir prendre place au cours d'une période spéciale de prépa- ration, l'enseignement propédeutique empiétera nécessairement sur la première année de droit et la formation proprement juridique s'en trouvera indûment abrégée ( 4) .

( 2) Cf. Vanderbilt, report L. c.

(3) Cf. document C, à la suite de cette étude.

(4) Témoin le "Guide pratique pour les études de droit n de l'Université de Paris (éd. 1949-1950)

En général, on peut dire que les études pré- paratoires pourraient et devraient comprendre deux ordres de matières :

a) Les matières et les exercices servant à com- pléter et à parfaire la culture de base donnée au cours des études secondaires.

b) Les branches pouvant servir de fondement et d'introduction au droit.

Elaboration d'un programme : Cours servant à perfectionner la culture générale.

Le premier groupe de matières qui pourraient rentrer dans les études préparatoires sont donc celles qui servent à parfaire la culture générale.

En premier lieu, il conviendra de compren- dre au programme les matières propres à déve- lopper la facilité de l'expression écrite et orale.

Les cours préparatoires comprendraient utile- ment : la littérature antique, les langues moder- nes et la littérature moderne, ainsi que des exercices de composition et de rhétorique.

Il faut souligner à ce propos la nécessité, pour le juriste moderne, d'une connaissance courante de la langue anglaise. Les développements his- toriques de ces derniers temps ont valu à l'an- glais une prépondérance qui rend indispensable la connaissance de cette langue. Cette nécessité existe tant pour celui qui veut se tenir au cou- rant des publications en matière juridique, poli- tique et économique, que pour celui qui traite les affaires. Le fait est qu'il reste peu d'affaires importantes, officielles ou privées, dont certains éléments ne requerraient pas la connaissance de l'anglais.

Un problème de plus se pose pour ceux d'entre nous qui n'ont pas le français pour langue maternelle. Il semble bien que, pour eux. le trilinguisme s'impose. L'expérience du Luxem- bourg ( où l'école secondaire enseigne à fond le latin ainsi que trois langues modernes à côté du dialecte national) démontre que ce n'est pas une exigence utopique.

En second lieu, le programme comprendra les branches qui sont propres à développer le goût de la réflexion et l'art du raisonnement, la dia- lectique, le maniement des idées. Ce seront les diverses branches de la philosophie depuis la psychologie par la logique et la métho-dologie, la morale, jusqu'à la métaphysique. Une impor- tance particulière devrait être attachée au do- maine de la morale sociale, ou pour employer un synonyme, du droit naturel.

Elaboration d'un programme : Cours d'introduction au droit.

En plus des matières destinées à parfaire la culture générale, les études préparatoires devraient comprendre les branches qui servent d' introduc- tion immédiate aux études juridiques. Trois voies d'introduction pourraient être utilisées, à savoir la voie philosophique, la voie historique et la voie des sciences descriptives.

L'intcoduction philosophique - le terme étant conçu dans un sens large - comprendra un cours de théorie générale et d'encyclopédie du droit (définition, fondement et but du droit;

problèmes généraux communs à toutes les bran- ches juridiques, à savoir la doctrine des sources du droit et la méthode de l'interprétation; une vue d'ensemble sur les branches du droit et les sciences auxiliaires), ainsi qu'un cours de phi- losophie politique ou de doctrine générale de l'Etat.

Il est impossible de passer sous silence une difficulté inhérente à l'enseignement des bran- qui annonce des conférences d'initiation parce que :

u Beaucoup de jeunes gens, sortant des études se- condaires, se trouvent assez désorientés dans les premiers mois de leur travail à la Faculté ·de droit, n'étant nullement préparés aux disciplines qui s'y enseignent n.

Le même problème semble être ressenti en Suisse où, lors de la session de la " Société Suisse des Juristes n en 1922, l'avocat Picot a proposé l'institution d'une année préparatoire. (Zeitung für Schweizerisches Recht, vol. 41, p. 105a). Il paraît qu'au demeurant, l'étudiant suisse consacre la pre- mière année de ses études surtout aux matières li- minaires (c{. Engel, l. c., pp. 289aj29oa).

ches d'ordre philosophique. au sein de notre société contemporaine. En raison de nos pro- fondes divergences d'ordre religieux, philosophi- que, idéologique et politique, il n'existe pas d'opinion commune dans les matières touchant à la philosophie. Aussi voit-on que leur · ensei- gnement est peu développé dans les écoles d'Etat, neutres par profession de foi. Néanmoins, l'uni- versité devra faire un effort honnête, pour sou- lever· du moins, devant les étudiants, les problèmes fondamentaux de notre art, pour ame- ner les auditeurs à réfléchir, même si les maîtres ne sont pas d'accord sur la solution des ques- tions soulevées. En effet, la question est à l'origine de toute philosophie et l'esprit de l'homme est fait ;1insi qu'il ne cessera de cher- cher une réponse valable, une fois qu'une ques- tion le possède et le préoccupe.

L'introduction historique comprendra, en plus de l'histoire générale, le droit romain ainsi qu'une introduction historique au droit et, en particulier, aux deux branches qui forment le fond des premières années d'études· juridiques, à savoir le droit civil et le droit public.

Enfin, l'économie poilitique, à laquelle cer- tains ( 5) ajoutent la comptabilité, semble pou- voir trouver sa place dans l'ensemble des études préparatoires.

Aménagement pratique des études préparatoires et examen de clôture.

Il est évidemment difficile d'assigner une durée précise aux études préparatoires, étant donné que tout dépend ici du niveau qu'aura atteint l'enseignement élémentaire et secondaire qui précède. En situant vers les 23 à 24 ans d'âge la fin des études, une à deux années res- teront disponibles entre le lycée et l'université pour la formation préparatoire.

La meilleure solution semble consister à rat- tacher cet enseignement propédeutique à l'uni- versité, comme c'est le cas en Belgique et aux Pays-Bas. En pratique, cet aménagement revien- drait à prolonger les études juridiques à une durée de quatre ou même de cinq ans et à arti- culer celles-ci en période préparatoire et en études juridiques proprement dites.

La formation préparatoire en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg se termine actuelle- ment par un examen de candidature. Cet examen a l'énorme avantage de retenir au seuil des trois années de droit les incapables, de relever le ni- veau de ceux qui mtrent à la faculté, de déchar- ger les facultés encombrées et de permettre, à la faveur d'un nombre plus restreint d'étudiants, un approfondissement de l'enseignement et des exercices.

On voit quels avantages la faculté de droit pourrait retirer d'un régime de formation pro- pédeutique, combiné avec un examen sérieux.

CHAPITRE III

Les études juridiques.

L'organisation actuelle de nos études juridi- ques est le fruit d'une longue expérience et le système a fait ses preuves. Il n'est pas question de le réformer; son essence devra rester intou- chéz; les suggestions qui suivent n'ont donc que le caractère d'améliorations et de complé- ments. Ces propositions ont trait aux cours, aux exercices, aux activités « extracurriculaires

».

à l'initiation pratique, ainsi qu'à la préparation en vue de l'action politique du juriste et de son rôle comme législateur.

QuJnt aux c·ours, le éentre de gravité résidera toujours dans les grandes matières traditionnelles.

C'est à l'étude du droit civil, pénal, public et international que l'étudiant acquiert, et acquerra à l'avenir, le meilleur de sa formation. Les sug- gestions qui suivent ne pourront donc trouver leur réalisation que dans l'espace de temps et dans la limite des capacités intellectuelles qui resteront encore disponibles après l'effort fourni pour l'étude des matières centrales. Notons tou- tefois que l'institution des études préparatoires aura déchargé les années de droit de quelques matières liminaires et que l'enseignement à la (5) Weiss, l. c., p. 243a; - Engel, l. c., p. 314, sub. IV.

(4)

faculté pourra aller immédiatement

c:

in medias res>.

Il n'est peut-être pas inutile de relever à ce -propos que nous devrons avoir à cœur de garder à l'enseignement du droit son caractère libéral et scientifique. La faculté ne devra pas évoluer vers l'école professionnelle, vers l'école de droit.

En effet, l'école professionnelle, orientée unique- ment vers les nécessités de la vie pratique, domi- née par le principe de l'utilité et du rendement, se borne à enseigner les techniques monnayables au cours de la carrière. Par contre. nous conce- vons la faculté comme un foyer d'activité in- tellectuelle libre et désintéressée. Sa préoccupation fondamentale consiste à pénétrer, par l'esprit, le secteur d'activité humaine qui correspond à son objet. Elle en est tout aussi proche que l'est l'école professionnelle, mais elle cherche à l' illu- miner par l'idée, à l'ordonner par des principes supérieurs. L'école professionnelle est à la re- morque de l'évolution sociale - la faculté est à l'avance du progrès.

J'ai cru utile de présenter cette antithèse (certainement exagérée comme sont toutes les antithèses) afin de réagir contre la mentalité utilitaire d'un trop grand nombre d'étudiants qui ne semblent chercher à l'u_niversité pas beau.- coup plus que le diplôme qui leur ouvrira le chemin vers l'exploitation d'une carrière aca- démique.

La liberté des études.

La formation d'une pensée forte et indépen- dante demande une atmosphère de liberté_ à la facùlté de droit. Il s'agira de trouver la mesure de liberté compatible avec un certain minimum inéluctable des nécessités pédagogiques.

Il ne sera pas inutile de jeter à ce propos un regard sur l'expérience luxembourgeoise. Au Luxembourg. la liberté des études constitue non seulement une tradition, mais. bien plus. une véritable liberté constitutionnelle. En effet, l'article 23 de la Constitution dispose : <<Tout Luxembourgeois est libre de faire ses études dans le Grand-Duché ou à l'étranger et de fréquenter les universités de son choix }), En vertu de cette disposition, l'étudiant est libre de choisir son université dans n'importe quel pays, et libre de changer d'université et de pays en cours d'études.

Un régime uniforme d'examens d'Etat forme le trait d'union entre la diversité des études résul- tant de l'exercice de la liberté décrite ci-dessus.

Les meilleures expériences ont été faites avec ce régime qui est propre à développer l'esprit de compréhension et de tolérance, ainsi que la lar- geur de vue ( 6).

La liberté des études peut d'ailleurs se con- cevoir et se réaliser dans plusieurs dimensions :

Comme libre changement entre les écoles du même pays. Un minimum de coordination ad.:.

ministrative rendra possible l'exercice de cette liberté.

Comme libre choix des cours et des exercices.

Le nombre des cours obligatoires devrait être comprimé au strict minimum et le nombre de5 cours à option augmenté parallèlement.

Comme une certaine latitude dans la fréquen- tation des cours. L'attrait des professeurs et des cours mêmes devrait suffire à tenir les auditeurs, qui devraient rester libres de se refuser à suivre un enseignement mal présenté.

Comme liberté de passer l'un ou l'autre se- mestre à l'étranger. Nous reviendrons tantôt à cette dimension de la liberté, qui semble être de loin la plus importante.

En réalisant ces diverses libertés. nous con- tribuerons à créer à la faculté de droit une atmosphère de libre intérêt et de libre travail, propice au développement d'une dialectique cri- tique et indépendante.

L'importance particulière des matières de fondement et de complément.

Nous avons désigné comme matières de fon- dement et de complément les branches situées soit à la périphérie du droit (les branches spé- ciales) soit au delà du juridique (les branches de (6) Le sens de la liberté académique semble être particulièrement vivant en Suisse. Cf. Weiss,

1.

c., p.. z66a __ sq. et Engel, 1. c., p. 3o6a.

caractère historique et philosophique, ainsi que les sciences auxiliaires). S'il est vrai que la dialectique juridique se forme à l'étude des gran- des disciplines centrales. il reste que c'est au contact avec la diversité des matières de fonde- ment et de complément qu'elle s'affermit, qu'elle prend son ampleur et qu'elle s'affine. Voici quelques exemples qui en diront plus long que les considérations générales.

Exemples : la législation sociale ...

La législation sociale, un ensemble volumineux de matières diverses au point d'être bétéroclit~s.

n'est actuellement qu'en train d'émerger de la politique pour prendre des formes juridiques. En plus de l'intérêt pratique considérable qui s'at- tache à la législation sociale. c'est précisément son caractère nouveau et mouvant, le fait qu'elle est si proche des préoccupations politiques les plus caractéristiques de notre temps, son dyna- misme enfin, qui complètent heureusement l'esprit statique du droit civil dont la physio- nomie se trouve fixée dans ses grandes lignes depuis l'Empire romain.

. .. le droit canonique ...

Un exemple tout aussi instructif est le droit canonique. La valeur formatrice de cette disci- pline réside en ce qu'elle se rapporte à un objet si entièrement différent des intérêts dont le juriste laïque à l'habitude de s'occuper. Toute- fois, l'idée de l' utrumque jus a disparu à peu près complètement de nos conceptions. C'est regrettable. d'autant plus que le droit canonique a reçu, par le Cod~ de 1917, une forme et une armature technique qui en font l'un des monu- ments juridiques les plus parfaits de l'humanité.

A dicton médiéval garde encore aujourd'hui un

grain de vérité : -

Legistca sine canonibus pa,rum valet~

canonista sine legihus nihil. ( 7) ... la philosophie du droit~ de la société et de l'Etat ...

Cette discipline, bien éloignée des préoccupa- tion journalières de la plupart des praticiens, considérée assez généralement comme vague er nébuleuse. envisagée de toute façon avec un re- lativisme foncier. se trouve en fait abandonnée aux amateurs. Néanmoins. l'ère du dogme posi- üviste semble appartenir au passé. Les tour- mentes de notre époque nous forcent de penser en profondeur. Alors que nous sentons les :;éismes qui secouent depuis ses bases la structure sociale et juridique de nos communautés, la question du pourquoi de notre activité journa- lière prend une actualité angoissante. La philo- sophie du droit et de l'Etat est indispensable au juriste qui veut se rendre compte de la signification véritable de son occupation de tous les jours: à celui qui veut travailler intelli- gemment, en pleine connaissance ·du sens . de ses efforts.

A plus forte raison. la philosophie est indis- pensable à l'homme d'action qui participe à développer les institutions politiques, sociales et juridiques : à celui qui concoure à l'élabora- rion de l'idéologie politique, à

ta

législation, à l'organisation de l'Etat, à la solution des mul- tiples problèmes sociaux, au développement de la jurisprudence... S'il veut être plus qu'un instrument aux mains de puissances obscures, plus qu'un serviteur de l'appétit du pouvoir ou de la richesse - s'il veut que son action soit éclairée. ce sera dans la philosophie, et surtout dans celle de l'Etat, de la société et du droit, qu'il trouvera sa direction et qu'il puisera ses idées.

Nous avons déjà montré, ci-avant, le rôle éminent de la philosophie dans la formation d'une dialectique forte, mobile et critique. A présent, la philosophie nous apparaît - bien plus qu'un stade de formation - comme une science indispensable pour éclairer et pour diriger notre activité de tous les jours.

(7) u Un juriste laïque sans connaissance du droit canonique vaut peu de chose, un canoniste sans connaissance du droit laïque ne vaut rien du tout''·

... l'histoire du droit.

Des voix plus autorisées ont insisté sur l'im- portance de l'histoire du droit dans la formation tout autant que dans la pratique. Notons qu'il ne s'agit plus, à présent, de l'introduction bis- torique dont il a été question au chapitre des études préparatoires, mais bien de l'histoire ap- profondie des différentes branches juridiques.

Autant dire que cet enseignement historique ne pourra trouver sa place ailleurs qu'à la suite de l'exposé du droit en vigueur. L'histoire du droit présente un haut intérêt d'une part pour la bonne compréhension du droit en vigueur et, d'autre part; pour un approfondissement des connaissances historiques en général. Poursuivons -pour un moment ces deux idées. -

Les sciences exactes ont eu, chacune. son histoire. Mais une fois que la science est née, elle repose en elle-même et elle peut être com- prise indépendamment de son histoire. Toute autre est la situation du droit : Issu de la raison et de la volonté humaine, il est entièrement empreint d'histoire et de tradition. Cet état de choses apparaît de la façon la plus frappante dans les pays de droit coutumier. Mais même dans nos pays de droit législatif, comment veut- on manier judicieusement les institutions du droit constitutionnel ou du droit civil, par exemple, sans se rendre compte de l'évolution historique de ces formes juridiques ?

D'autre part, l'histoire du droit ouvre de nouvelles perspectives sur l'histoire générale - celle que la plupart d'entre nous ont connue principalement comme une histoire superficielle des batailles, des

«

grandes

»

dates et des

« grands

»

bommes. L'histoire des institutions civiles et pénales, administratives et judiciaires.

nous présente le tableau, minutieusement com- posé, des conceptions morales et sociales qui ont déterminé et de l'ambiance qui a caractérisé un secteur important de la vie journalière de la société d'autrefois .

... ...

Les idées qui précèdent n'auront pas manqué de soulever une objection : On risque d'écraser l'étudiant sous le volume des matières et de dis- perser l'attention et l'effort par l'apport de matières accessoires et disparates. La tendance ne devrait-elle pas être, bien au contraire, de simplifier et d'approfondir les programmes. plu- tôt que de les surcharger ?

La question de maîtriser ·[es matières est, effectivement, un problème sérieux ( 8). Voici trois observations qui contribueront à la résou- dre. ,

Tour d'abord, l'institution d'un enseignement propédeutique, là où il n'existe pas encore, dé- chargerait considérablement les années de droit, tour en permettant de relever leur niveau in- tellectuel.

Voici, en second lieu, une méthode qui permettra de maîtriser les matières principales, qui ont la tendance de s'enfler par l'accroisse- ment constant des législations : Les cours devraient se restreindre à donner, dans l'ensemble, les éléments et les grandes connexions des pro- blèmes, sans vouloir rendre à épuiser la matière en détail. De proche en proche, des problèmes choisis pour leur importance seraient approfon- dis jusque dans leurs détails. leurs connexions et leur arrière-plan. -

Enfin. il sera possible de venir à bout de la diversité des matières accessoires par une com- pression des branches obligatoires au strict nécessaire et une multiplication des branches à option, tant au cours des études que dans les examens. On obtiendrait ainsi. pour les branches accessoires, des auditoires moins nombreux et plus intéressés. Ces branches, au lieu de rester un à-côté parfois encombrant, deviendraient ainsi de précieux instruments de formation.

L'importance des ~stituts

et des écoles spéciales.

Le professeur Rotondi~ dans ses propositions de réforme, a souligné d'une façon fort pertinen-

(8) Elle forme l'une des préoccupations princi·

pales du rapport du professeur Weiss, 1. c., pp.

228a sq., 244a sq. et 269a.

(5)

te l'importance des institutr au sein de la faculté de droit ( 9). Selon loi, un institut spécial de- vrait être rattaché à chaque chaire. La direction appartiendrait au titulaire, aidé par des assis- tants. Ces instituts devraient être dotés chacun d'une bibliothèque, de fichiers. de tous autres matériaux utiles, ainsi ·que de places de travail.

Chaque étudiant devrait être inscrit dans l'un ou l'autre institut. Il y trouverait l'initiation aux méthodes du travail scientifique, la possibilité d'une activité en équipe restreinte et. surtout, le contact direct avec les professeurs et les assis- tants. Un certain nombre d'instituts existent d'ores et déjà à toutes les facultés. On fera bien de développer cet effort en vue d'articuler et d'organiser davantage la faculté. Sans doute, l'extension des instituts sera coûteuse. Le pro- fesseur Rotondi s'en rend compte, mais il fait remarquer combien plus coûteux sont les insti- tuts des facultés des sciences et de médecine. Or, si la société a besoin de bons juristes, tout autant que de bons médecins par exemple, il faudra bien investir les frais nécessaires.

Toujours dans le même ordre d'idées - cap- ter et former les intérêts les plus divers - il faut saluer le développement croissant des écoles rpéciales formant annexe aux facultés de droit : écoles de sciences sociales, politiques, économiques, administratives, internationales, criminologiques ...

Tout en préparant des spécialistes pour certaines branches de l'activité humaine, ces écoles présen- tent un haut intérêt de formation. Certaines universités ont coordonné l'enseignement de la faculté et celui des écoles spéciales, de façon à permettre aux étudiants en droit de cumuler un diplôme spécial avec leurs études fondamentales.

Il y aurait intérêt à généraliser cet aménagement et à favoriser partout le cumul de diplômes.

L'importance accrue du droit international et étranger.

La faculté de droit devra favoriser le mouve- ment d'interpénétration internationale en atta- chant une importance accrue au droit intemational

et aux branches qui en relèvent. Le cours de droit international public, avec ses accessoires (cours sur des problèmes spéciaux, exercices et séminai- res), devrait recevoir un statut égal à celui des grandes matières traditionnelles. La question des relations entre l'ordre international et l'ordre interne et notamment la question de l'applica- tion du droit international sur le territoire national, devrait recevoir une attention parti- culière. En effet, c'est sous ce jour surtout que se posent les problèmes de droit international pour le juriste qui exerce sa profession sur le plan interne.

En ce qui concerne le dro·it étranger: et le droit comparé, il importe de bien poser le pro- blème : Nous ne recherchons pas à présent les moyens de former des spécialistes, mais nous examinons les possibilités d'intégrer ces matières dans la formation normale du juriste moyen.

Le domaine du droit étranger et comparé est de loin trop large pour que l'étude puisse tendre à préparer le juriste en vue de résoudre des pro- blèmes pratiques de droit étranger. Une longue formation spéciale serait nécessaire à cet effet.

Aussi devrons-nous envisager le problème sous un angle de vue tout à fait différent. L'intérêt du droit étranger et comparé réside en ce que cette étude contribue puissamment à la forma- tion d'une dialectique juridique. Son rôle est comparable à celui que joue, dans la formation, l'histoire du droit et le droit romain. En outre, elle apprend quelque chose sur la relativité de tout ordre juridique ·et stimule, d'autre part, l'intérêt aux problèmes de lege ferenda.

Comme nous concevons l'étude du droit étranger et comparé avant tout aux fins de dé- velopper une dialectique, il est -évident que nous nous_ tournerons de préférence vers· les systèmes j11ridiques ayant on. caractère différent et com- plémentaire par rappoq i nos .conceptions. Pra- tiquement. nous trouverons les matières les plus utiles et les plw intéressantes dans le droit anglo- américain plutôt que dans la tradition de notre

Co4é

civiL Vn co'tlrs approfondi aù

m..Oins

sur (9) L. c.,

p.

15 ssq:

quelque branche du droit anglais ou américain devrait appartenir an curriculum des études.

En effet, le contact avec la dialectique juridique à la fois particulière et typique des pays du

«

case-law

»

constitue un complément de la plus haute valeur, et même indispensable, pour la formation d'une méthode juridique. développée dans toutes ses dimensions naturelles ( 1 0).

A ce propos, je voudrais faire une brève di- gression pour dire un mot du droit romain.

Le rapprochement est moins surprenant qu'il n'en à l'air. En effet, l'une des raisons princi- pales, s'il est vrai qu'elle n'est pas la raison unique, pour laquelle le droit romain restera un élément précieux dans la formation, c'est pré- cisément parce qu'il est un droit issu non pas de la législation, mais de la pratique des juristes, parce que le corpus juris est une compilation de cas d'espèce et non un code de règles générales, parce que le droit romain est caractérisé par un sens remarquable de la tradition et de la con- tinuité. Bien que l'influence du droit romain sur nos institutions soit directe et palpable - nous sommes néanmoins loin des anciens jurisconsul- tes romains pour ce qui est de notre dialectique.

A ce point de vue, phénomène étrange, les juristes du droit anglais et américain sont plus près d'eux. et l'étude de leur droit s'apparente par là à l'étude du droit romain.

Il est intéressant de noter, pour revenir au droit étranger, que le curriculum de la formation aux Pays-Bas comprend l'étude d'un système de droit étranger. l'Université de Nimègue a rem- placé ce cours par l'enseignement du droit cano- nique. Les deux solutions sont, à mon avis.

pareillement excellentes pour compléter la for- mation.

L'enseignement du droit étranger devrait être favorisé par les facultés. A défaut de pouvoir créer des chaires nouvelles à cet effet, elles de- vraient engager l'un ou l'autre de leurs membres à se spécialiser dans quelque branche du droit étranger. II y aurait intérêt à intensifier l'échange international de professeurs. Enfin, il faudrait ouvrir aux étudiants la possibilité d'aller passer l'un ou l'autre semestre à une université de l'étranger àu cours de leurs études, étant entendu que ces semestres seraient comptés pour J'admis- sibilité aux examens. (En effet, la possibilité de passer des semestres à l'étranger après la fin des études est un luxe qui n'offre pas d'intérêt pour la grande majorité des étudiants, obligés de pen- ser à leur carrière) . Ces séjours à l'étranger auraient l'avantage accessoire d'approfondir la connaissance des langues.

Méthode déductive et méthode inductive.

Comparaison avec le système américain.

Au moment de discuter de la meilleure mé- thode dans l'enseignement universitaire, il ne sera pas inutile de jeter un regard sur la méthode de l'enseignement du droit, pratiquée aux Etats- Unis d'Amérique. Nous pourrons tirer, en effet, certaines suggestions importantes d'une compa- raison avec ce régime d'études, caractérisé par sa tournure pratique et sa méthode inductive.

Ce régime de formation n'est rien que la conséquence naturelle découlant des conceptions fondamentales qui ont donné sa physionomie au droit des pays de tradition anglaise. Le droit se développe -principalement par la décision de cas d'espèce. La loi générale et abstraite n'y est pas l'instrument normal de l'ordonnance juridi- que. Les systèmes. les concepts abstraits ne sont pas plus que des schémas de classement servant aux auteurs pour ordonner les matières. Quoi de plus naturel, dès lors, que le jeune juriste soit formé. non pas au contact des théories, mais (ro) Vanderbilt, dans son livre "Men and Mea- sures in the Law», a exposé le même problème, mais dans la perspective inverse, en ces termes :

a How cao we hope get along in business with the rest of the world without a knowledge of_ the civil law ? ..• The modem lawyer tnust know both the common law and the civil law on a tomparative basis if he is not to be deemed a provincial un- equipped to handle the business of many clients.

He_ must be able to comprehend the legal concepts the civil-law lawyer with whom he is dealing uses habitually ... 11

à ]a fréquentation directe des véritables soùrces du droit, à savoir des décisions.

II n'y a aucun doute_ que le contact direct avec les sources est tout aussi important dans la formation que dans Ja pratique de tous les jours. Pour nous, ce sera le contact toujours renouvelé avec des textes abstraits et systémati- ques. Pour le juriste du droit anglais et amé- ricain. ce sera le retour à la casuistique.

L'enseignement, à la majorité des écoles d'A- mérique, consiste dans une présentation systéma- tique des précédents dans les diverses matières du droit, de préférence par la voie du dialogue et de la discussion. Voici comment le doyen Vanderbilt décrit, dans son rapport, l'enseigne- ment du droit :

" Aux écoles de droit ]es manuels, s'il est vrai qu'ils ne sont pas entièrement tabou, jouent· du moins un rôle bien suboré:lonné. A partir du tout premier jour, l'étudiant en droit travaille avec les mêmes matériaux dont il fera usage durant toute sa vie comme juriste - les recueils des décisions judiciaires, les constitutions, les lois, les règlements et les ordonnances. A partir du premier jour, il utilisera du matériel de source plutôt que de l'opi- nion de quelqu'un d'autre sur les sources. A pro- pos de chaque affaire, il sera en présence des faits en cause, des prétentions des parties en conflit, des points de droit développés par elles dans leurs requêtes et plaidoiries opposées, de la décision de la juridiction et des raisons indiquées comme fon- dement de cette décision ... L'étudiant est alors face à face avec la même question qui se pose au juge, dans chaque affaire, avec toutes ses implications pratiques, juridiques et morales... Tout ceci est aussi réel que la vie même. C'est contentieux» (11).

« La raison est formée non pas par des cours théoriques ou des manuels, mais par- une discussion provoquée par les questions de l'instructeur. Cette méthode de l'enseignement, dans laquelle le rai- sonnement est accentué plutôt que la simple accu- mulation de connaissances, doit sa renaissance dans.

la formation juridique américaine à la sagesse d'un grand innovateur dans le domaine de l'éducation, à savoir le président Charles W. Eliot de Harvard.

Prenant conscience de la faiblesse des cours et des manuels dans la formation de véritables juristes, il choisit Christoph Colomb Langdell comme doyen de l'Ecole de droit. C'est à Langdell que nous de- vons l'introduction du " case system 11 dans l'en- seignement du droit. C'est lui qui a combiné l'é- tude des sources originales avec la tradition socratique de la question et de la réponse. La combinaison est idéale pour développer la dialec- tique juridique dans l'étudiant qui est obligé de comparer sa réponse avec celle de la juridiction, celle de ses camarades d'étude, ou la solution pro- posée par 1' instructeur 11 ( I2) . - En soulignant les différences de nos systèmes, nous pouvons opposer de cette façon notre mé- thode déductive et systématique à la méthode inductive et casuistique; notre enseignement di- dactique et -dogmatique à l'enseignement «con- tentieux

»

du droit.

Quelle sera la meilleure méthode ? Comparés entre eux, le système américain et le nôtre ont chacun ses avantages et chacun ses défauts ( 13).

Mais notons dès l'abord qu'il ne pourra pas être question de quitter les bases de notre régime de formation. En effet, .notre méthode tradi- tionnelle est la conséquence naturelle de la tech- nique propre à notre droit, tout comme le système américain découle des conceptions cou- rantes dans ce pays. Le droit législatif conduit au système abstrait, le droit juridictionnel à la casuistique.

Il reste toutefois que le régime américain possède ·certains avantages que nous pourrions nous approprier : Il met les étudiants dans un contact bien plus direct et intime avec la com-

( 1 r) . Traduction d' aprh ·Vanderbilt, Report, publié dans Studying Law, p. 638. . _·

(12) Traduction d'après ·v_anderbilt. ibi4:~ p.

64r.

(I 3) ct Il ne

me .

semble pas désirable d'iniit4t la méthOde des- écoles ·de droit amêricai'nes qni ·ont base . pour. une bonne pa_rtie l~ur enseigneme~t sur des eÏmetie~s de .. caractère ea~istique .. C'e~t :une œuvre de · très longue haleine pour arriver de la casuistique au système», Wtiss. 1. è., p. 2490·

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