INFLUENCE DU PH SUR LE JET DE PROTONS
OBSERVÉ AU COURS DE L’HYDROLYSE DE LA CASÉINE K PAR LA PRÉSURE
J.-C.
MERCIERJ.
GARNIERGhislaine BRIGNON
Station centrale de Recherches laitières et de
Technologie
des Produitsanimaux,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Le
jet
de protons observé au cours del’hydrolyse
de la caséine x par laprésure
a été étudié à différentspH
etcomparé
à la libération ducaséino-macropeptide.
EntrepH
5,2et 6,2et àpH
infé-rieur
à ç,z
lacinétique
dujet
de protons estcomplexe.
DepH
q.,9à y,5le
nombre total de protons libérés est constant et évalué à i proton pour trois chaînespolypeptidiques
de caséine xhydrolysées
par l’enzyme.
DepH
4,9à 4,0le nombre de protons libérés décroît trèsrapidement
pour s’annuler.La vitesse initiale du
jet
de protonsprésente
deuxoptimums
en fonction dupH :
l’un vers 5,1,l’autre vers 6,6. Une
interprétation
dujet
de protons estproposée.
La libération du caséino-macro-peptide
estplus simple
et la vitesse imtiale neprésente qu’un
seuloptimum
verspH
5,5. Ce n’est que dans certaines zones depH qu’une
relation linéaire est observée entre lejet
de protons etl’appa-
ntion du
caséino-macropepude.
INTRODUCTION
La
caséine xjoue
un rôle fondamental dans la formation et la structure des micelles de caséine du lait. Un modèle dedisposition spatiale
des différentes caséines dans la micelle vient d’êtreproposé
oùapparaît clairement
le rôle de cette caséine!GARDTI!R
etRIBAD!AU-DUMAS, ig68).
Aussi ne faut-il pas s’étonner quel’hydrolyse
de la caséine x par la
présure
soit àl’origine
de lacoagulation
du lait. Il semble mainte- nant bien établi que le processus decoagulation dépende
pour son initiation de larupture
par laprésure
de la liaisonpeptidique
Phe-Met(DELFOUR et al., 19 65 ; J
OLLES
etal., 19 68)
enposition
I20-I2I de la chaînepolypeptidique
de la caséine xqui comprend i66 !
i résidus d’acides aminés. Cetterupture
conduit d’unepart
à la libération d’unpeptide
soluble oucaséino-macropeptide
de4 6
résidus d’acides aminésqui comporte
toute lapartie glucidique
de la caséine x(A L A IS et al., 19 6 4 ;
M C K IN I,
AY et
W AKE , 19 6 5 )
et d’autrepart
à laformation
d’unepartie
insoluble ouparacaséine
xresponsable
de lacoagulation des
micelles de caséine du lait. Cetteliaison
esthydrolysée
trèsrapidement
par laprésure (k c a t ’&dquo;
80 s-1 à250 C d’après GARDTI!R, 19 6 3 a),
cequi
est étonnant vu l’activitéprotéolytique
réduite de cetenzyme dont la
spécificité
est très mal définie.Lorsque
l’on suitl’hydrolyse
par laprésure
de la caséine x, on observe unjet
deprotons correspondant
à la libération dei
proton
pour trois liaisonspeptidiques
rompues àpH
7(G ARNIER , 19 6 3 b)
tandisque la
paracaséine
xproduite
forme unprécipité
fibrillaire rétractile insoluble dansune
large
zone depH ( 4 ,6
à9 )
mais soluble àpH
très acide ou alcalin et en urée 6 M. Ilest vraisemblable que ces faits ne sont pas sans
rapport
entre eux, ni sans intérêt pour aider àcomprendre
le processus decoagulation
dulait
lui-même. Aussi avons- nousentrepris
decomparer la libération
ducaséino-macropeptide
et lejet
deprotons
dans une gamme étendue depH
alors que cettecomparaison n’avait
étéfaite qu’à pH
7(GARNI!R, 19 6 3 b).
Cette étude devait nouspermettre d’évaluer
lepk
du groupeimpliqué dans
cejet
deprotons
et nous fournir ainsi unpremier
élémentd’apprécia-
tion sur sa nature et éventuellement sur son rôle.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
La caséine x a été
préparée
àpartir
de lait de vache demélange d’après
la méthode de MCKrNZIE et WAKE(ig6i).
Laprésure
était unepréparation
cristallisée HANSEN( 1 )
conservée aucongélateur
en tampon
phosphate
M/20pH
6,3 etdécongelée extemporanément.
Le
jet
de protons a été suivi parpotentiométrie
àpH
constant en utilisant unpHmètre
Vi- bron E. I. L. 33 B et leproduit d’hydrolyse
oucaséino-maeropeptide‘par
détermination de l’azote soluble dans 5 p. 100d’acidetrichloracétique
dans les conditionsdéjà
décrites(G ARNIE R, 19 6 3 b).
Le
pH
des solutions de caséine x dans NACI 0,1 M étaitajusté
à la valeur voulue enajoutant
soitNaOH N, soit HCI N. Pour les
pH
inférieurs à 3, la solution de caséine x était faite directement àpH
2dans HCI 0,01M et NaCI 0,1 M.Toutes les mesures ont été effectuées à
25 °C,
RÉSULTATS
ET DISCUSSIONBien que le
jet
deprotons
soit faible(i proton
pour trois chaînes de caséine x,c’est-à-dire
ieq. /gramme
pour 55 000-6000o g de caséinex),
la méthode est suffi- samment sensible pourpermettre
uneétude;précise
en fonction dutemps.
Lafigure
imontre
quelques
courbestypiques
de libération deprotons
àdifférents pH.
Irephéno-
mène
qui apparaissait simple
àpH
neutre, se révèlecomplexe à d’autres pH,
entrepH
5,2et6, 2 notamment,
ainsi que pour lespH inférieurs
à 4,2 ; dans cettedernière
zone, on observe une fixation de
protons.
Ilsemble,
dans cesconditions,
assez difficiled’utiliser
cetteméthode
pour uneétude cinétique
de laprésure
dansune
gamme( 1
) Cette préparation nous a été fournie par B. FOLTMANNque nous remercions encore une fois vivement.
étendue de
pH. Cependant,
onpeut
noterqu’entre pH
5,2et6, 2
il existetoujours
unerelation linéaire entre la vitesse observée et la concentration
d’enzyme (voir fig.
2a),
à condition de
prendre
pour la vitesse la valeur maximum de cette vitessequi,
danscette zone de
pH, n’est
obtenuequ’après quelques
minutes : voir courbepH
5,95 de lafigure
i.Nous
avonsreporté
dans lafigure
2 b les valeurs de ces vitesses en fonction dupH
où deux
optimums
sontvisibles,
l’un verspH
5, l’autre verspH 6,6. Étant
donnéla
complexité
duphénomène observé,
nous n’avons pasprocédé
à une étudecinétique plus complète.
Dans un
premier
essai d’identification du groupe àl’origine
dujet
deprotons,
nous avons étudié la variation du nombre total de
protons
libérés en fin de réactionà divers
pH.
Ce nombre eitproportionnel
à la concentration de caséine x(fig.
2c),
et il ne varie pas dans les limites des erreurs
expérimentales
entrepH 5 - 7 , 5 ,
mais il décroît trérapidement
auxpH
inférieurs à 5(fig.
2d).
Les nombres deprotons libérés, respectivement
dei,8o (fig.
2c)
et de 2,o. io-5H + /g
de caséine x(fig.
2d)
sont obtenus àpartir
de deuxpréparations
différente3 de caséine x, et se situent dans les limites de variation du nombre total deprotons
libérés observé par GARNI!R( 19 6 3
b)à pH 7
soit1,85 J! 0 , 3 - io-- 5 H + /g
de caséine x.Par contre, la libération du
produit d’hydrolyse
ne semble pas donner lieu à desphénomènes
aussicomplexes.
En fonction dutemps,
lacinétique
de libération ducaséino-macropeptide
neprésente
pas l’anomalie observée avec lejet
deprotons
depH
5,2 à6, 2 .
La variation de la vitesse initiale en fonction dupH
neprésente qu’un
seul maximum centré vers
pH
5,5(fig.
2b).
La
quantité
totale decaséino-macropeptide
libéré reste constante dans la zonede
pH explorée,
depH
3 àpH 8,
cequi
est sansrapport
avec la diminution dujet
deprotons
entrepH
q:,! et 4,0. Cettequantité
se situe aux environs de 26 p. 100,exprimés
en pour cent de l’azote
total,
cequi
est assezproche du rapport
deslongueurs
dechaînes
desproduits
de la réaction.Il semble donc
possible
deséparer
nettement dans certaines zones depH,
lalibération
desproduits d’hydrolyse
etcelle des protons,
alorsqu’à pH
7 une relation linéaire entre les deuxphénomènes
avait été montrée(G ARNI E R , 19 6 3 b). En fait,.
à
pH plus acide,
verspH 5
parexemple,
ilexiste
à nouveau unerelation linéaire
entre les deuxphénomènes (fig. 3 )
alorsqu’à pH
5,5 par ex. unepartie
des résultats seplace
surla droite
depH 6, 95
et l’autrepartie
sur unedroite parallèle
à celle obtenueà pH
5 commes’il n’y avait que
deuxtypes
de relationslinéaires possibles.
Par
ailleurs,
la modification d’autres conditionsexpérimentales
comme la forceionique
révèleégalement
que lejet
deprotons
et la libération du caséino-macro-peptide
semble être deuxphénomènes
que l’onpeut dissocier ;
pour une forceionique
de o,5à
pH
7, aucunjet
deprotons
n’est observé alors que la vitesse de libération ducaséino-macropeptide
n’est réduite que d’un facteur trois(G ARNIER
etMERCIER, z966).
Il est donc vraisemblable que le
jet
deprotons
neprovient
pas de laméthionine
N-terminale ducaséino-macropeptide qui apparaît
au cours del’hydrolyse.
Parmiplusieurs hypothèses possibles
onpeut
penser parexemple qu’il
a pourorigine
unchangement
deconformation
consécutif à larupture
de la liaisonpeptidique Phe-Met.
Aux pH
inférieurs à 5, ou à forceionique élevée,
un telchangement
deconformation
n’aurait pas lieu ou se seraitdéjà produit.
La libération d’un
proton
pour trois chaînes de caséine xhydrolysées
par laprésure
depH
5à 7,g confirme les résultats antérieurs de GARNIER( 19 6 3 b). Or,
aucunehétérogénéité
n’a pu encore être démontrée entre les chaînes de caséine x, si ce n’est leur teneur englucides.
Nous avons vérifié que les chaînesdépourvues
deglucides
donnaient lieu au même
jet
deprotons
que les chaînes riches englucides
avec lemême
rapport
de iproton
pour trois chaînes. Ce résultat curieux est àrapprocher
semble-t-il de l’association
stoechiométrique
des autres caséines avec un trimère decaséine x observée par
G ARNIER (i 9 6 7 ),.
Uneexplication possible
est la formationd’un
trimère
nonsymétrique
parsuite d’une
contrainteconformationnelle,
lejet
deproton
neprovenant
qued’une seule des sous - unités
du trimère.L’absence d’une augmentation significative
dujet
deprotons
auxpH supérieurs à suggère
par ailleurs unpK anormal
pour la méthionineN-terminale du
caséino-macropeptide ;
cepK devrait être
au moins de l’ordre de8, 5 .
La
disparition
dujet
deprotons
àpH
inférieur à 5 dans une gamme depH
infé-rieur à i unité laisse
prévoir
un effetcoopératif impliquant
vraisemblablement la pro- tonation deplusieurs
groupescarboxyles.
En cequi
concerne le nature du groupe àl’origine
dujet
deprotons,
nous en sommes réduits auxhypothèses :
cepourrait
êtrepar
exemple
uncarboxyle masqué qui
par suite dudépart
ducaséino-macropeptide
deviendrait titrable et s’ioniserait sauf à
pH
inférieur à 5. D’autresexpériences
sontnécessaires pour déterminer la nature de ce groupe, et savoir par
exemple
s’il inter- vient dans la stabilité d’une conformation active de la caséine x, ou s’iljoue
un rôledans la
précipitation
fibrillaire de laparacaséine
x.La fixation de
protons
àpH
acidepourrait s’expliquer
à la fois par l’absence de dissociation du groupemasqué
àpH
neutre, et par laprotonation
du groupe ce aminé de la méthionineN-terminale,
lecarboxyle
de laphénylalanine
C-terminale de laparacaséine
x ne s’ionisant pas.Le
pH optimum
d’action de laprésure
observé en suivantl’apparition
de l’undes
produits
de la réaction n’est pas très différent de celui observé parF OLTMANN (
1959
)
avec d’autres substratsprotéiques.
Il semble donc que l’onpuisse rapporter
les variations de l’activité à une modification de l’état d’ionisation de deux ou
plusieurs
groupes del’enzyme, plutôt qu’à
des groupes du substratprotéique,
groupes dont les
pK
seraient situés entrepH
4et 5 d’unepart,
et entrepH
5,5et6, 5 d’autre.part ;
l’absence de substratssimples
nepermet
pas d’émettre actuellement des conclusionsplus précises.
Il reste
également
àcomprendre pourquoi
cette liaison Phe-Met esthydrolysée
aussi
rapidement
par laprésure,
alors que celle-cin’hydrolyse
pas leNCbz-I,-phényl- alanyl-L-méthionine
amide. Laspécificité
del’enzyme dépend
vraisemblablement d’un ouplusieurs
résidus d’acides aminés assezéloignés
dans laséquence
de la liaisonPhe-Met,
comme semblel’indiquer
les travaux de HILL(ig68).
’
En
conclusion,
si lejet
deprotons
observé doit êtrerapporté
vraisemblablementau remaniement de structure de la caséine x causé par le
départ
du caséino-macro-peptide,
sacomplexité
en rendl’interprétation
encore très difficile.Reçu
pourpublication
en marst9!9.
&dquo;SUMMARY
EFFECT OF PH ON THE PROTON BURST OCCURING DURING K-CASEIN HYDROLYSIS BY RENNIN
The proton burst occuring during K-casein hydrolysis by rennin was studied at various pH values, and its pattern was compared to that of the caseino-macropeptide release.
At pH values from 5.2 to 6.2and below ¢.2, the kinetics of the proton burst is very complex.
At pH values ranging from 4.9 to 7.5, the total number of protons released is constant, viz.
Ipro-
ton per 3
hydrolysed
polypeptide chains of K-casein or a trimer. At pH values between ¢.9 and 4.0. the rate of proton burst sharply decreases to O. The rate of burst shows two peaks at pHs 5 and 6.6.It is suggested that the proton burst originates from a masked carboxyl group unmasked by
the caseino-macropeptide release, and from a change in the conformation of para-K-casein.
The lack of significant increase in the proton burst at pH values higher than suggests that
the apparent pK of the N-terminal methionine is anomalous (8.g or more). The initial rate of the caseino-macropeptide release shows only one peak at pH 5.5. A linear relationship between the proton burst and the caseino-macropeptide release exists only within certain ranges of pH, higher
than 6.2and from 4. 2to 5.3.
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