ÉLEVAGE ARTIFICIEL
DEL’AGNEAU PRÉCOCEMENT
SEVRÉ. — ESSAI DE DÉTERMINATION
DESES
DÉPENSES
DECROISSANCE.
G. CHARLET-LERY, A. M.
LEROY,
S. Z. ZELTER Laboratoire de Recherches de ZootechnieInstitut National
Agronomique,
ParisPLAN DU MÉMOIRE ÉTUDE
GÉNÉRALE
I. - Introduction.
II. - Travaux antérieurs.
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
PREMIÈRE
PARTIEÉLEVAGE
ARTIFICIEL DE L’AGNEAUPRÉCOCEMENT SEVRÉ
I. - Technique expérimentale.
II. - Résultats.
III. - Interprétation et discussion.
IV. - Résumé et conclusions.
DEUXIÈME
PARTIEESSAI DE DÉTERMINATION DES
DÉPENSES
DE CROISSANCE I.- Technique expérimentale
et résultats.II. -
Interprétation.
ÉTUDE GÉNÉRALE
I. - Introduction
On connaît
l’importance
de l’allaitement maternel pourl’adapta.-
t
ion du nouveau-né à la vie extra utérine. La sécrétion lactée de la brebis est
généralement
réservée en totalité àl’élevage
dujeune.
Son intensitéet sa durée constituent des facteurs
déterminants,
aupremier chef,
pour le niveau de croissance de
l’agneau.
L’influence de la durée ressorten
particulier
des travaux de ZoRrr et Coll.(i) signalant qu’à l’âge
dei an, les
sujets
allaitéspendant
10 semainesprésentent
un état de déve-loppement
moins satisfaisant que ceux sevrésaprès
13 ou 16 semaines(4 2
,2
- 50,0 - 52,1kg).
Dans certaines
conditions, cependant, l’agneau
estprivé
de laitmaternel soit accidentellement
(arrêt
ou insuffisance de l’activité mam-maire),
soit volontairement parl’éleveur pour
des considérations écono-miques (transformation
du lait de brebis enfromage).
Ceci rend
inévitable,
soit le sacrificeprématuré
d’un animaltrop jeune
dont lesqualités
médiocres de la viande rendentl’opération
peu
rémunératrice,
soitl’élevage
artificiel par des méthodesprésente-
ment
empiriques,
dont l’inefficacitécompromet
lesaptitudes physiolo- giques
ultérieures dessujets.
Pareil état de chosesgêne
considérablement l’améliorationsystématique
destroupeaux
de brebis laitières.On sait que l’alimentation artificielle au lait de vache a été tentée
parfois
enbergerie
sur dessujets
isolés dont il apermis l’élevage.
Maisl’application
de ceprocédé
est matériellementimpraticable
pour l’en- semble d’unetroupe.
Dans la
plupart
destroupeaux
de brebislaitières,
lapratique
dusevrage
précoce comporte
unesuppression
brutale de l’allaitement ma-ternel
auquel
on substitue des céréales concassées associées ou non à deslégumineuses (ers
p.ex.)
et du foin. Cerégime,
manifestement in-compatible
avec lesexigences
nutritionnelles du toutjeune
ruminantoccasionne
parfois
des accidents mortels et entraînegénéralement
unecrise
d’adaptation qui
se manifeste par uneperte
depoids.
Par lasuite,
le
rythme
de la croissance se trouve sensiblement ralenti. Ces con-séquences zootechniques désastreuses,
nous ont amenés à rechercher ex-périmentalement
une solution rationnelle duproblème.
II. - Travaux antérieurs
Le sevrage
précoce
del’agneau, problème typiquement régional,
ne semble pas avoir été étudié
jusqu’à présent ;
lesspécialistes
s’étantintéressés de
préférence
à celui du veau.L’analogie
structurale etphysiologique
du tubedigestif
du veau etde
l’agneau,
nous a fait supposer quethéoriquement,
il estpermis
detransposer
au second le résultat des études concernant le sevragepré-
coce du
premier
de ces animaux. C’est à ces travaux que nous noussommes référés pour concevoir les nôtres.
Les auteurs
qui,
lespremiers,
ont abordé cesujet,
ontpensé
que le succès del’élevage
artificiel du veauexigeait
unrégime
alimentairepossédant
despropriétés physiques
etbiologiques comparables
à cellesdu lait maternel. En apparence, cette
conception
sejustifierait
par la faible différenciation du tubedigestif
du toutjeune
ruminant et par le rôle peuimportant
quejouerait
la microflore du rumen dans lesphéno-
mènes
digestifs jusqu’au
moment du sevrage naturel.A. - Alimentation liquide
1
° Les
régimes liquides
reconstitués avec des dérivés industriels du lait et enrichis de substances destinées à leur faireacquérir
l’efficacitéénergétique
etbiologique
du lait naturel n’ont pasprocuré
des résultats constants. Les graves troublesdigestifs qu’entraîne
l’addition à cesdérivés de
lipides d’origine
animale ouvégétale
sonttrop
connus pour que nous insistionsdavantage.
L’adjonction
deglucides
ne donne pastoujours
satisfaction. L’in-corporation
d’amidon pur, enparticulier,
ne serait pasindiquée
chez lejeune
ruminantqui,
selon SHAw et Coll.( 2 )
assimilerait très mal cette substance. HrTCH!R( 3 ) qui
reconnaît l’intérêt du traitementdiastasique
des substances
amylacées préconisé
par KELLNER( 4 ), signale
des casfréquents
de mortalitéparmi
des veaux nourris de cettefaçon.
Lasupplémentation
du laitécrémé,
par des sucres de diverse nature[glu-
cose
( 5 ),
sucre de maïs(6),
mélasse( 7 )]
a rarement réussi chez le veau.L
INDSEY et ARCmBa!,n
(8)
ont,cependant,
obtenu des résultats cor-rects avec du lactose.
Pour ce
qui
est del’agneau,
les tentativesd’élevage
artificiel à l’aide deprocédés analogues, entreprises
par deux d’entre nous( 9 )
ontéchoué. En
effet,
laplupart (8 0 %)
des iosujets
de race Ile-de-hrance sevrés àl’âge
moyen de 9jours,
sont morts par suite de troublesdigestifs
au cours du
premier
mois d’uneexpérience
durantlaquelle
ils ont con-sommé du lait de vache
pasteurisé additionné,
parlitre,
de 50 g de lait enpoudre
et de 35 g de sucre de betterave. Une autreexpérience
a entraîné des accidents
analogues (mortalité 6 5 %)
chez zq.sujets
derace Lacaune,
privés
de lait maternel versl’âge
de 12jours
et élevésavec un lait reconstitué à
partir
depoudre
de lait et de sucre roux debetterave, mélange
dont lacomposition
serapprochait
de celle du lait de brebis.2
° Les bouillies à base d’eau et
préparées
àpartir
desmélanges
concentrés dits
« lactines n, comportant principalement
des farines decéréales,
des issues et desproduits
fortementazotés,
donnent des résul- tats satisfaisantslorsque
leuréquilibre protidique
et leurqualité
biolo-gique
lesrapprochent
du lait maternel.3
°
Signalons
- vu son intérêtthéorique
-l’élevage entrepris
enlaboratoire avec des laits
synthétiques
d’unparfait équilibre
nutritif.On connaît l’insuccès de
J ONHSON ,
LoosLl et MAYNARD( 10 )
chez leveau.
Cependant,
d’autres( II )
ont réussi par la suite à élever normale- mentpendant
3 mois des veauxpris
àl’âge
de 2jours,
avec un lait syn-thétique ingéré
à latempérature
du corps etcomposé
decaséine, saindoux,
«
cerelose »,
germe deblé,
sels minéraux et de laplupart
des vitaminesréputées indispensables.
Tout dernièrementenfin,
HAROU) et Coll.( 12 )
sont parvenus à alimenter
pendant
10à i3 semaines des agneauxséparés
de leur mère à i ou 3
jours d’âge,
avec un laitsynthétique
dosant i9,5%
de matière sèche et enrichi de toutes les vitamines
hydrosolubles.
Uneadministration
parentale
de vitaminesliposolubles
effectuée tous lesmois
complétait
cerégime.
B. - Alimentation sèche
Afin d’améliorer les conditions
d’élevage
artificiel du veau,M EAD ,
REGAN et BART!,!TT
( 13 )
ont mis aupoint
une méthode basée sur l’ali- mentation sèche.Celle-ci consiste à donner
quotidiennement
aujeune
veau 3 litres de lait entierjusqu’à l’âge
de 3 semaines(les
animaux recevant davan-tage
de laitacceptent plus
difficilement lerégime sec).
Par lasuite,
lelait est
remplacé progressivement
par del’eau,
de sortequ’à
30jours,
l’animal ne
reçoit plus
que du concentré sec, du foin et de l’eau. I,’ali-ment de sevrage « Calf-Starter » est mis à la
disposition
de l’animalquelques jours après
sa naissance ainsi que du bon foin de luzerne.Pour
l’y
accoutumerrapidement,
on lui introduit lespremiers temps
unpeu de concentré dans la
gueule après qu’il
ait fini d’absorber sonlait.
Le foin et le concentré sont distribués en
quantité
convenable pour 24 h et l’animal y accède librement. L’eau de boisson est très propre, saine et renouveléejournellement.
Les accidents
digestifs
sont très peufréquents. Après
unléger
arrêtde croissance observé au
départ,
l’animalreprend rapidement
dupoids
et se
développe
de telle sortequ’après
6 mois de cerégime,
le retard de croissance estgénéralement rattrapé.
De nombreux chercheurs
( 14 ) ( 15 ) ( 1 6) ( 17 )
ont étudié diversesvariantes de la formule du « Calf-Starter », utilisée par les auteurs
précé-
demment
mentionnés,
enessayant
soit desupprimer,
soit de modifier le taux etl’origine
desprotéines
animalesqu’il comporte. D’autres,
tels que SAVAGE et GRAWFORD( 1 8)
considèrent que laproportion
depoudre
de lait écrémé
figurant
dans lemélange
ne doit pasdépasser
20% ,
des doses
supérieures
ne sont pas rentables.Les diverses formules
expérimentées
montrent que desmélanges
ali-mentaires dont la
composition
centésimale varie dans les limites ci-après :
procurent
des croissancescomparables
et convenables.1 /
étude
critique
de l’ensemble de ces données concernant le veau nous a conduits à écarter leprocédé
d’alimentationliquide qui,
pour fournir de bonsrésultats, exige
desmanipulations
effectuées dans des conditions depropreté
difficiles àrespecter
dans unebergerie.
Le se- vrage à l’aide d’unrégime
sec nous a paru une solution d’autant mieuxappropriée
à l’alimentation del’agneau,
que ses succès chez le veau sont, à l’heureactuelle,
indiscutables.ÉTUDE EXPÉRIMENTALE PREMIERE
PARTIEÉLEVAGE
ARTIFICIEL DE L’AGNEAUPRÉCOCEMENT
SEVRÉ Le sevrage constitue unphénomène
derupture d’équilibre physio- logique
pour lejeune
mammifère. Lapremière question qui
se pose de savoir si lasuppression progressive
de l’allaitement maternel atté- nuerait chezl’agneau
la crised’adaptation
que le sevrage brutal en- traîne chez lejeune.
Deux méthodes
d’élevage
artificiel sont étudiées pour la résoudre : lapremière (expérience a)
comporte un sevrageprogressif
exécuté enl’espace
d’unesemaine ;
la seconde(expérience b),
un sevrage brutal effectué dujour
au lendemain.1. -
Technique expérimentale
A. - Choix des
sujets
et méthodes de sevrageLes agneaux mis en observation au cours des deux essais étaient de
race
Ile-de-France, pris
dans destroupeaux
inscrits au Flock-Book.Leur nombre était de 6
( 4
mâles et 2femelles)
dans chacune de cesexpé- riences ;
ilsprovenaient
tousd’agnelages
doubles. L’un desjumeaux
était laissé avec sa mère, il
disposait
ainsi d’unequantité
de lait des-tinée normalement à assurer la croissance de deux
jeunes ( 19 ).
Il nepouvait
donc pas servir detémoin, puisque
son niveau nutritionnel n’était aucunementcomparable
à celui del’agneau
élevé artificiellement.Les animaux de
l’expérience
« ao ( 1 )
nés entre le 3 et le 16 novembre 1952, furent choisis dans un
élevage
dont la croissance dessujets
aété
rigoureusement suivie,
par nossoins,
à l’occasion de nombreusesexpériences
de nutrition. Ils ont été amenés au laboratoire avec leur mère dont ils furentséparés progressivement
dans lapremière
semaine de décembre 1952. Le nombre des tétées a été réduit peu à peu et les animaux totalement sevrés à
l’âge
moyen de 33jours. I,’expé-
rience a été
poursuivie jusqu’à
ce que les agneaux aient atteintl’âge
moyen de 82
jours.
Ceux de
l’expérience
« b » nés tous le 17 avril 1953 étaient issus d’un autreélevage.
Arrivés au laboratoire avec leur mère, sixjours après l’agnelage,
ils en furentséparés
brutalement àl’âge
de 17jours.
I,’ex-périence
a cessélorsqu’ils
ont eu 100jours.
B. - Etablissement du régime
d’expérience
Il nous a paru
logique
de concevoir unrégime
renfermant dufoin, qui apporte
des substancesindispensables
à la rumination et unmélange concentré, qui,
assurant sous un faible volume unapport énergétique important,
évite unesurcharge
du tubedigestif.
L’ensemble doit pos- séder une efficacitébiologique
telle que sonéquilibre protidique,
mi-néral et
vitaminique puisse
procurer une croissance voisine de celle que fournirait un allaitement naturel.Des travaux antérieurs
(ig)
ontpermis
de déterminer lacomposi-
tion moyenne du lait de brebis Ile-de-France :
(extrait
sec 203% o ,
dontprotides
57,5,lipides 8 9 , glucides
q.7, cendresg, 5 ).
Ce lait contient envi-ron goo calories
d’énergie
nette par litre soit o,q.5u. f. La concentrationen
protides digestibles
est de 120 g. par unitéfourragère.
Le choix du
support énergétique
d’unrégime
de sevrage pour agneau ne suscite pas de difficultés. Les céréales secondaires et les issues de meunerieemployées depuis toujours
avec succès pour l’ali- mentation de cetanimal, représentent
une sourced’énergie
toute indi-quée.
Les sources
protidiques susceptibles
de réaliser unéquilibre adéquat
en amino-acides sont
plus
délicates à choisir. KUIKEN et PEARSON( 20 )
ont montré que 50
%
desprotides
totaux du lait de brebis sont consti- tués par 9 acides aminés essentiels :méthionine, arginine, thréonine, histidine, isoleucine, phénylalanine, valine, leucine, lysine. Signalons également
la corrélation étroitequi
existe entre le niveau nutrition- nel dujeune
agneauallaité,
l’utilisationdigestive
desprotides
du laitet l’efficacité
biologique, qui peut
atteindre des valeurs extrêmement élevées( 21 ).
( 1
) Voir C. R. Acad. d’Agric., Paris, 39, p. 353, I953·
Le
remplacement intégral
de cesprotides
par desprotides végé-
taux dont la valeur
biologique
est nettement moindre nécessiterait uneconcentration
protidique approximative
de 200 g. par unitéfourragère,
dans le
régime
de sevrage.La
présence,
d’une certaineproportion
deprotides
de haute valeurbiologique
étant reconnueindispensable ( 17 ),
nous a conduit à les introduire dans lerégime
ensupposant qu’en l’occurrence,
un taux voisin de i5o g. par u. f. devrait suffire à satisfaire les besoins azotés de nosanimaux. Parmi les sources
protidiques d’origine animale,
nous avonspréféré
lapoudre
de laitécrémé,
dont l’efficacité pourl’élevage
duveau est
comparable
à celle des farines de viande et depoisson ( 14 )
etdont
l’appétence
semble meilleure(i 7 ).
cNous avons
incorporé également
des levures sèches de distilleriesusceptibles
d’assurer àl’agneau,
en mêmetemps
que des acides aminés dequalité,
unapport appréciable
de facteurs ducomplexe vitaminique B,
dont la
synthèse
chez le toutjeune
ruminant resteproblématique
etdes substances de croissance
qui,
selonJACQUOT
et Roux( 22 )
seraientparticulièrement
favorables à laprolifération
de la flore du rumen.Les
protides d’origine végétale
sontapportés
par le tourteau delin, qui
a fait ses preuves pourl’élevage
del’agneau précoce ( 23 ),
le tourteaude
soja, qui possède
une efficacitécomparable
à celle de la farine depois-
son
( 23 )
et une valeurbiologique
àpeine
inférieure à celle de farine de viande( 22 ). Enfin,
le foin de luzerne fournit à la fois desprotides
de trèsbonne
qualité
et les élémentsqu’exigent
la rumination et le fonction- nement normal du tubedigestif.
Sachant que le lait de brebis renferme par litre io à Ig. de cendres
Ça Ça
dont le
rapport P a
oscille entre 1,4 et 2 et celui deMg
voisine io, nousavons
complété
les éléments minérauxprésents
dans lerégime
et insuffi-sants à satisfaire les besoins des
animaux,
par unmélange
salin(sel
iodé 10, sel ordinaire io,
poudre
d’osdégélatinés
40, carbonate de cal- cium 32, sulfate demagnésie
3,5, carbonate demagnésie 4 , 2 ).
Dufer,
du
cuivre,
dumanganèse
et du cobalt introduits dans une solution aqueuse renfermant p. iooo : FeS0 4
- ioo g, CuS0 4
- 10 g, MnS0 4
- 20g, CO
(No,) 2
- 1 g, ont étéincorporés
dans l’eau deboisson,
àraison de 0,4 ce par animal et par
jour.
En
résumé,
notrerégime comportait :
- du foin de luzerne d’excellente
qualité,
- un aliment concentré de sevrage sous forme de
granules (présen-
tation
physique appréciée
par lesovins)
et renfermant les com-posants ci-après : orge-,¢8, 4 , avoine-iI, 4 ,
son deblé- 7 ,6,
tourteau delin-
9
,1,
tourteau desoja- 5 , 3 ,
levure sèche dedistillerie- 7 ,6, poudre
delait
écrémé- 7 ,6, mélange minéral- 3 .
Pendant les 15 derniers
jours
del’expérience
« a », il a étéadjoint
de la
pulpe
de betterave sèchemélassée,
réhumidifiée avecquatre
foisson
poids
d’eau.De l’eau de boisson renouvelée
journellement
a été laissée en per-manance à la
disposition
des animaux.Les agneaux rationnés selon leur
appétit, disposaient
continuel-lement de
mangeoires
renfermantséparément
desquantités
connues deconcentré et de foin. Les refus étaient éliminés
journellement
pour raisond’hygiène
etpesés.
Pour assurer laprécision
de la mesure desingesta
de
foin,
celui-ci était distribué haché. Lesquantités
distribuées aux ani-maux
dépassaient
nettement leursbesoins,
afin de leur offrir lapossi-
bilité de choisir les
parties
lesplus appétissantes.
Pour
éviter, pendant
la semaine d’alimentation mixte avec lait maternel(expérience
«a »)
un excès de matièresprotéiques
dans laration,
nous avons
incorporé
à l’aliment concentré de sevrage 25% d’orge aplatie.
Avant
chaque expérience
et pour procurer à nossujets
une ré-serve de vitamines A et D accroissant leur résistance il a été adminis- tré à chacun par voie
buccale,
soit en une seule fois(expérience
« a »),
soit en trois fois(expérience « b »)
3000o U. I. de A et 5 400 U. I. deD 3
sous forme d’huile depoisson.
Par lasuite,
uneingestion
bi-hebdomadaire de cette même huile leur
apportait journellement
i 200 U. I. de A et 216 U. I. de
D 3’
Pour ce
qui
est facteurs ducomplexe
B(plus particulièrement
ribo-flavine et acide
folique)
nous avonsprésumé qu’ils
étaientprésents
enquantités
suffisantes dans le foin deluzerne,
la levure dedistillerie,
lapoudre
de lait écrémé et le tourteau desoja.
I,e Tableau I
indique
lacomposition chimique
des aliments con-sommés au cours des deux
expériences.
Lesdosages
ont été effectuésselon les
techniques classiques adoptées
pourl’analyse
des aliments du bétail(25).
C. - Mesure de la croissance
Les croissances sont mesurées par des
pesées
individuelles hebdoma-daires,
effectuées dans des conditionsidentiques.
II. -
Résultats
A. - Consommation
I,e tableau II
indique
les consommations moyennes d’aliments par animal et parjour,
en fonction del’âge.
Nous
précisons
en outre que le taux dephosphore
contenu dans lamatière sèche
ingérée, qui oscillait,
au cours del’expérience
« b » entre0 ,
42
%
et0 ,6 1 %,
est en moyenne deo, 5 8 % ;
ce taux nousparaît
con-venable. Les valeurs
correspondantes
pour le calcium sont de1 , 5 8 %
à 2,33
%
avec une moyenne de1 , 9 6 %.
Lerapport P a
se situe auxenvirons de 3,4.
B. - Croissance
I,e Tableau III et les
figures
a et bindiquent
les croissances moyennes et individuelles.III. -
Interprétation
et DiscussionA. - Régime alimentaire
Nos résultats contredisent les affirmations des auteurs
partisans
del’alimentation
liquide, prétendant
que le succès del’élevage
artificieldu
jeune
ruminantexige
unrégime
alimentaire dont la constitutionphysico-chimique
soitanalogue
à celle du lait maternel. Laprésence,
dans notre
régime d’expérience,
d’un taux élevé d’élémentscellulosiques (
17 %) provenant
dufoin,
n’exerce pas d’effetsdépressifs
sur la croissance et semble même influer favorablement sur le fonctionnement del’appa-
reil
digestif.
L’absencetotale,
au cours desessais,
de troublesdigestifs- phénomène fréquent
avec l’alimentationliquide
- le prouve.L’inges-
tion d’un
foin,
d’excellentequalité qui
a coïncidé avec le déclenchement de la rumination chez nossujets, pourrait
avoir contribué pour beau- coup dudéveloppement précoce
d’une flore bactérienne nécessaire aufonctionnement du rumen, comme semblent l’affirmer Pourrn!rr et H
IBBS
( 27 )
et assuré la réussite desexpériences.
La teneur de ce
régime
en matièresprotéiques digestibles
est de13 ,
1
%
dansl’expérience
« a » et de 14,4 dansl’expérience
« b ». Elle esten accord avec les normes
théoriques prises
comme base.Par contre, la richesse anormalement élevée du foin de luzerne en
calcium fait que le
rapport -
durégime d’expérience ( 3 , 43 )
est au-dessus des normes admises. I,e travail récent de CAUSERET
( 2 6) expli- querait pourquoi
cerapport
n’a pas eu d’action nocive sur nossujets qui
absorbaientrégulièrement
des doses suffisantes de facteurs A et D.B. - Croissance
Faisons d’abord remarquer que
si,
au cours del’expérience
« a »(sevrage progressif),
les agneauxparaissaient
chétifspendant
les 15 pre- miersjours,
semblablephénomène
n’est pas observé au cours de l’ex-périence
« b(sevrage brutal).
Dansl’ensemble,
les animauxprésentent
un
aspect vigoureux.
L’examen du Tableau III et des
figures
a et b fait ressortir l’exis- tence d’une crised’adaptation
d’une durée de 2 semaines. Elle se mani-feste au début du sevrage et se traduit au cours de
l’expérience
« a »par une croissance excessivement ralentie
(+ 3 6
g parjour),
au coursde
l’expérience
« b » par unelégère perte
depoids (— 3 6
g parjour).
Ce
phénomène
estattribuable,
engrande partie
au fait que nossujets,
inhabitués à l’alimentation
sèche, ingèrent
desquantités
minimes de nourriture et d’eaupendant
laquinzaine qui
suit le début du sevrage.Bien que le sevrage brutal
paraisse,
à la lumière de cesobservations,
moins favorable au
développement
de l’animal que le sevrageprogressif,
il faut
cependant
insister sur la facilité de sonapplication pratique
enbergerie. Toutefois,
il sembleraitpréférable,
moyennantquelques
diffi-cultés
passagères,
deprocéder
à unesuppression
moins brutale de l’allai- tementmaternel,
en laissant aux agneaux la liberté de téter une fois parjour
au cours des4 8
heuresqui précèdent
le sevrage définitif.Après
cette crised’adaptation,
les consommations de nourritureprogressant rapidement,
la croissanceprend
unrythme normal ;
elleatteint 24o g par
jour
et par agneau dansl’expérience
« a », et 239 g dansl’expérience
« b ».Soulignons
laparfaite
concordance entre cesdonnées
malgré
des modalités de sevrage différentes. Ces valeurs ne sont passignificativement
différentes de cellesrégulièrement enregistrées
chez l’ensemble des
jumeaux
d’unélevage
Ile-de-France :2 6 5
g à pro-portion analogue
de mâles et de femelles( 23 ).
Les croissances
journalières
moyennes de nossujets depuis
la nais-sance
jusqu’à
la fin del’expérience
sontrespectivement,
pour les 2essais,
de 210 et 205 g. Ces valeursreprésentent respectivement
79%
et 77%
de celles que l’on observe couramment dans les conditions de
l’élevage
naturel. Cette réduction résulte presque
uniquement
de l’arrêt du croîtpendant
lapériode d’adaptation.
Il est toutefois
possible
que ces différences se seraient atténuées ulté-rieurement,
si nous avions puprolonger plus longtemps
lesexpériences.
Les résultats
rapportés
par MEADE et Coll.( 13 )
et parS’ro!cg!!, ( 29 )
pour le veau, ainsi que ceux
signalés
par P!,ATrKANOV( 2 8)
pourl’agneau
au moment ou se déroulaient nos essaispermettent
de le sup- poser.Il est intéressant de
signaler
que, durant lapériode d’adaptation,
les réactions des
sujets d’expérience
diffèrentd’après
leur sexe. Ces diffé-rences
disparaissent
lors de lapériode d’élevage
artificielproprement
dit. Ceci ressort des donnéesci-après :
Par
rapport
aux valeurs citées pourl’élevage
naturel( 23 )
on cons-tate que la croissance des mâles sevrés
précocement
n’est que de 73%
pour la
période
allant de la naissance à la fin del’expérience,
et de86, 5 %
pour la seule
période d’élevage artificiel ;
celle des femelles estrespecti-
vement de ci
%
et de ioo%.
Ceci
indiquerait
quel’élevage
artificiel assure un bondéveloppement corporel
àl’agneau femelle,
tandis que lasuppression prématurée
delait maternel
handicape
celui du futurreproducteur
mâle. Cette consta-tation, jointe
à celleempiriquement
observée chez lesjeunes taurillons,
montre l’intérêt de
prolonger l’élevage
naturel des agneaux mâles des- tinés à lareproduction.
Résumé et Conclusion
Nos
essais, entrepris
sur 12 agneaux de raceIle-de-France,
sevrésau cours de leurs 3e et 4esemaines
d’âge
montrent quel’élevage
artificielde
l’agneau, privé précocement
de laitmaternel,
à l’aide d’une alimenta- tionsèche,
procure une croissance satisfaisante.Le
régime expérimental comporte :
- du
fourrage
sec(luzerne)
d’excellentequalité,
aliment indis-pensable
pour la réussite de ce moded’élevage,
- un aliment concentré de sevrage, en
granulés,
dosant 6%
decellulose Weende et r3
%
de matièresprotéiques digestibles,
dont 40%
sont
d’origine
animale.- des vitamines
lipo
ethydro-solubles
et des substances minéralesen doses
convenables,
- de l’eau
potable.
L’ensemble du
régime
renferme environ i5%
de matièresprotéiques digestibles
par unitéfourragère
et sa matière sèche contiento,6 %
deP. et
1 , 9 6 %
de Ca.Il existe une crise
d’adaptation
de 2 semaines au cours delaquelle
la croissance est
quasiment
nulle. Cette dernièrereprend
unrythme
normal par la suite.
Le sevrage
progressif
sembledonner,
au cours de lapériode d’adap- tation,
des résultatslégèrement plus
favorables que celui du sevrage brutal. Le choix de l’une ou l’autre de ces méthodesdépend
despossibi-
lités
pratiques
de leurapplication
dans labergerie.
Le
comportement
des animaux mâlesparaît
moins satisfaisant que celui des femelles.Lorsque
la lactation d’une brebis ne suffit pas à assu-rer une croissance satisfaisante de
jumeaux,
il nousparait
recommandable d’élever artificiellement la femelle et laisser avec la mère le mâle réservé à lareproduction.
Notretechnique
alimentaireconvient,
enrevanche,
parfaitement
à des mâles destinés à laproduction d’agneaux
de boucherie.DEUXIÈME
PARTIEESSAI DE
DÉTERMINATION
DESDÉPENSES
DE CROISSANCE Latechnique
de calorimétrie indirecte(bilan azote-carbone,
mesuresdes
échanges gazeux)
que nous avons utilisée dans d’autresexpériences, permet
d’évaluer avec uneprécision
satisfaisante les besoinsd’énergie
de
l’organisme
dujeune
agneau( 21 ).
Dansl’impossibilité d’employer
cette méthode de travail
pendant
laprésente expérience,
nous avons eu recours à unprocédé
moinsrigoureux
afin d’avoir une idée de ces besoins chezl’agneau
élevé artificiellement. L’intérêtpratique
d’une telle esti- mation est de voir si lesdépenses
de croissance de cet animal sont diffé- rentes de celles querapportent
les normes actuellement admises pourl’agneau
soumis à unrégime
mixte naturel(lait, fourrage
etconcentré).
Remarquons
que ces normes ne sont pasexemptes d’erreurs,
car lamesure des
ingesta
estparticulièrement
malaisée avec unpareil régime,
du fait que le volume et la
composition
du lait absorbé directement sousla mère par
l’agneau
sont difficiles à évaluer avec exactitude.En
revanche,
la connaissanceprécise
des consommations de nourri- ture d’un animal élevé artificiellementpeut
servir de base au calcul desdépenses
decroissance,
déduction faite des besoins d’entretienprévus
dans les normes et
qui
-soulignons-le
- sont dans une certaine mesure .conventionnelles.
1. -
Teehnique expérimentale
et résultatsAu cours de
l’expérience
« b» rapportée
dans lapremière partie,
nous avons
pesé
avecprécision
les aliments(foin
de luzerne et aliment desevrage)
distribuésjournellement,
ainsi que les refus laissés par les 6 animaux en observation de la sixième à laquatorzième
semained’âge.
Il n’a pas été
possible
deprocéder
à des mesuresindividuelles,
de sorte quenos données constituent des moyennes calculées pour l’ensemble du groupe.
Les mesures sont effectuées durant 8 semaines
réparties
en 4périodes égales
de 14jours.
Des échantillonsproportionnels
d’aliments et de refus sont constituésséparément
pour chacune de cespériodes.
On détermineleur contenu en divers constituants
chimiques
à l’aide des méthodesdéjà signalées ( 25 ).
A. - Composition des ingesta
La
composition chimique
exacte desingesta réels, rapportée
dansle Tableau V, est calculée à
partir
des mesures des alimentsdistribués,
des refus et des
analyses correspondantes.
B. - Mesure des consommations réelles
Le Tableau VI donne les moyennes de
poids
vif et de croissancequotidienne,
ainsi que l’évaluation des consommationsjournalières
denourriture par animal pour chacune des 4
périodes,
calculée àpartir
desdonnées des Tableaux II
(expérience b)
et V.Précisons que la somme des
principes digestibles
totaux(T.
D.N.)
est calculée à l’aide de coefficients de
digestibilité
normalement admis pour les ruminants adultes.I,’énergie
métabolisable est obtenue parappli-
cation à cette somme, du coefficient
calorifique 3 ,6 préconisé
par FORBES et KRISS pour les ruminants( 3 6).
Cette manière deprocéder
nous semblejustifiée
du fait que nosjeunes
agneaux sont soumis à unrégime
d’adulte.La valeur nutritive
(U. F.)
est déduite des donnéesprécédentes
au moyende la formule recommandée par l’un de nous
( 31 ) et modifiée par
DEGAGEet GASNIER
(32).
C. - Calcul des dépenses de croissance
Nous calculons
l’énergie dépensée
pour la croissance endéfalquant
de la valeur
énergétique globale
de la rationconsommée,
les besoins d’entretien telsqu’ils
sontindiqués
par les normes(i 9 ).
Le tableau sui- vant(VII)
résume le résultat de ces calculs. ’II. -
Interprétation
I,a méthode de calcul que nous avons utilisée et le recours à des coefficients de
digestibilité
pour adultes lors du calcul du contenu éner-gétique
desingesta, appellent
des réservesquant
à lasignification
exactede nos résultats. Ces derniers confirment que,
quel
que soit le mode d’éle- vage,
l’âge
dusujet représente
une des variables des besoins de croissance del’agneau ;
en l’absence de donnéesindividuelles,
il n’est paspossible d’apprécier l’interdépendance
de l’intensité du croît et de cesdépenses.
Ils
indiqueraient,
parailleurs,
que lesdépenses
de croissance dujeune
agneau élevé artificiellement seraient du même
ordre,
sinoninférieures,
à celles de
l’agneau
nourri naturellement. Des recherches ultérieures à l’aide de méthodesplus précises
nouspermettront
de vérifier l’exacti- tude de ces observations.(Reçu Pour publication le
8 décembre1953).
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