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RECHERCHE SUR LA QUALIFICATION EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

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MAUD MINOIS

TOME 594

RECHERCHE SUR LA QUALIFICA TION EN DROIT INTERNA TIONAL PRIVÉ DES OBLIGA TIONS

Traditionnellement, la qualification est présentée comme un outil au service de la sécurité juridique et de la rationalité du droit. Force est toutefois de constater que tel n’est pas nécessairement le cas dans les relations privées internationales.

Pendant longtemps, la qualification lege fori a dominé la scène internationale, de sorte qu’on la perçoit comme le modèle de qualification idoine. Appliquée au droit des obligations, cette qualification affiche pourtant certaines failles.

La diversification des sources et l’emploi de qualifications autonomes consacrées par la Cour de justice de l’Union européenne sont des facteurs supplémentaires de complexification du droit. Afin de restaurer une certaine cohérence dans les relations privées internationales, il est nécessaire de rechercher un modèle de qualification efficace. Pour le déterminer, deux axes doivent être successivement suivis. D’une part, il convient de défendre un modèle qui puisse répondre aux spécificités des relations privées internationales. Une fois démontré que les qualifications autonomes sont les plus adaptées en droit international privé, il s’agit, d’autre part, de s’interroger sur leur éventuelle généralisation. On peut établir que leur efficacité n’est pas propre au droit international privé européen et peut être étendue au droit international privé de sources conventionnelle comme nationale. En revanche, ce modèle, spécifique aux relations privées internationales, n’a pas sa place en droit matériel.

ISBN 978-2-275-07261-6 Directeur honoraire

Jacques Ghestin Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dirigée par Denis Mazeaud Professeur

à l’Université Paris II Panthéon-Assas

BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PRIVÉ TOME 594

Directeur honoraire Jacques Ghestin Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dirigée par Denis Mazeaud Professeur

à l’Université Paris II Panthéon-Assas

BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PRIVÉ TOME 594

RECHERCHE

SUR LA QUALIFICATION

EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

Maud Minois

Préface de Tristan Azzi

Prix de thèse 2017 de l’Université Paris Descartes

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RECHERCHE

SUR LA QUALIFICATION

EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

Maud Minois

Maître de conférences à l’Université Paris Descartes

Préface de Tristan Azzi

Professeur à l’École de droit de la Sorbonne Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Prix de thèse 2017 de l’Université Paris Descartes

Bibliothèque de droit privé fondée par Henry Solus Professeur honoraire à la Faculté de droit

et des sciences économiques de Paris

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BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PRIVÉ TOME 594

Directeur honoraire Jacques Ghestin Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dirigée par Denis Mazeaud Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas

RECHERCHE

SUR LA QUALIFICATION

EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

Maud Minois

Maître de conférences à l’Université Paris Descartes

Préface de Tristan Azzi

Professeur à l’École de droit de la Sorbonne Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Prix de thèse 2017 de l’Université Paris Descartes

Bibliothèque de droit privé fondée par Henry Solus Professeur honoraire à la Faculté de droit

et des sciences économiques de Paris

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© 2020, LGDJ, Lextenso 1, Parvis de La Défense 92044 Paris La Défense Cedex www.lgdj-editions.fr

I.S.B.N. : 978-2-275-07261-6 I.S.S.N. : 0520-0261 L’Université Paris Descartes n’entend donner aucune approbation

ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur

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Thèse retenue par le Comité de sélection de la Bibliothèque de droit privé présidé par Denis Mazeaud et composé de :

Dominique Bureau

Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas Dominique Fenouillet

Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas Laurence Idot

Professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas Thierry Revet

Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Yves-Marie Serinet

Professeur à l’Université Paris-Sud Pierre Sirinelli

Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Geneviève Viney

Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Guillaume Wicker

Professeur à l’Université de Bordeaux

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À la mémoire de mon grand-père

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent d’abord au professeur Tristan Azzi pour avoir dirigé ce travail de recherche avec une extrême disponibilité et une très grande rigueur, toujours de façon bienveillante.

La rédaction d’une thèse n’est pas uniquement un travail solitaire. Elle est également l’occasion de faire de très belles rencontres et avec le temps, elles ont été nombreuses. Je tiens tout d’abord à remercier mes amis Alice, Clémence, Clémentine, Évelyne, Julien, Mahmadane, Rafæl.

Je remercie également Mme Tacquard pour m’avoir permis de mener à bien certaines de mes recherches en me laissant travailler en salle 102. Merci à Adeline, Asma, Auriane, Chloé, Daniel, Esther, Étienne, François, Kostas et Olivier pour leurs judicieux conseils et leur bonne humeur. Ils ont contribué à rendre ce travail moins pesant.

Je ne peux oublier de remercier Zoé et Kevin qui ont été d’un soutien indé- fectible, notamment durant les moments les plus difficiles. Je leur dois beaucoup plus qu’ils ne l’imaginent.

Je pense également à mes multiples relecteurs et amis : Alexandre, Aurélie, Dominique, Édith, Éveline, Flavien et Karim. Je songe par ailleurs aux docto- rants du CEDAG qui ont eu la gentillesse de m’aider dans la toute dernière ligne droite. Merci à Déborah, Marie, Maxime, Tewfek, Thomas, Yves et Vincent.

Merci à mes parents, à ma sœur Pauline ainsi qu’à Christian pour leur sou- tien sans faille.

Enfin un grand merci à Emmanuel pour sa présence et ses encouragements durant toutes ces années.

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PRÉFACE

La qualification fait partie des grandes questions de droit international privé qu’il convient périodiquement de réexaminer. Plusieurs raisons justifiaient une nouvelle étude de la notion. La plus évidente tient au développement du droit international privé de l’Union européenne. Le mouvement a engendré une juris- prudence foisonnante de la Cour de justice, celle-ci ayant le plus souvent recours à des qualifications autonomes qui, détachées des conceptions nationales, sont propres à l’ordre juridique européen. Pour l’heure, le droit des obligations est la discipline la plus touchée par cette évolution, car c’est dans cette matière qu’a été élaboré, par addition de textes, le premier système complet de droit interna- tional privé européen : convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, puis règle- ment Bruxelles I du 22 décembre 2000 et règlement Bruxelles I bis du 12 décembre 2012 s’agissant des conflits de juridictions ; convention de Rome du 19 juin 1980, puis règlement Rome I du 17 juin 2008 en ce qui concerne les conflits de lois relatifs aux obligations contractuelles ; règlement Rome II du 11 juillet 2007 pour ce qui est de la loi applicable aux obligations non contractuelles.

Madame Maud Minois a trouvé dans ce contexte renouvelé le terreau fertile pour rédiger sa thèse de doctorat. Intitulée Recherche sur la qualification en droit international privé des obligations, celle-ci a été soutenue le 29 novembre 2016 à l’Université Paris Descartes, devant un jury composé des professeurs Pascal de Vareilles-Sommières (président du jury et rapporteur), Sophie Lemaire (rappor- teur), Bernard Haftel, Olivera Boskovic et du soussigné (directeur de thèse). Le présent ouvrage en constitue une version actualisée.

Madame Minois a pris le parti de limiter son étude au droit des obligations.

Elle s’en explique en introduction. Il existe selon elle de réelles spécificités que l’on ne rencontre pas, si ce n’est à la marge, dans les autres branches du droit privé. De fait, le droit des obligations est assez binaire : ce qui ne relève pas de la matière contractuelle relève généralement de la matière délictuelle et inverse- ment. Or des problèmes aigus de frontière existent entre les deux catégories. Les difficultés de qualification suscitent ainsi un contentieux et une attention doctri- nale bien plus nourris que dans les autres disciplines. Encore très récemment, plusieurs arrêts ont été rendus sur cette question, tant par la Cour de justice de l’Union européenne que par les juridictions nationales.

Le titre de la première partie de la thèse affiche d’emblée l’ambition de l’auteur, qui propose une « adhésion au modèle de qualification consacré par la Cour de justice ». Il s’agit, en premier lieu, de mettre en lumière les faiblesses de la traditionnelle qualification lege fori. La doctrine classique réduisait l’opération de qualification à une stricte application dans l’ordre international des concepts du for. Faisant preuve de davantage de souplesse, les auteurs contemporains

PRÉFACE

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RECHERCHE SUR LA QUALIFICATION EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

XII

considèrent que les catégories du droit international ne sont pas parfaitement identiques aux catégories internes : élargies par rapport à ces dernières, elles per- mettent d’intégrer les institutions étrangères inconnues du for. Cependant, bien que préférable, cette approche ne permet pas toujours de parvenir à des solutions satisfaisantes, en particulier dans les hypothèses hybrides situées à la croisée des obligations contractuelles et délictuelles. De son côté, la jurisprudence a tendance à se limiter à la conception classique. Les arrêts analysés par Madame Minois montrent que les tribunaux français se contentent bien souvent d’utiliser les caté- gories du droit interne sans tenir compte des spécificités des relations privées internationales. Une fois dénoncées les défaillances de la qualification lege fori, il fallait, en second lieu, s’attacher à évaluer l’efficacité de la méthode consistant à édicter des qualifications autonomes utilisée par la Cour de justice. L’auteur étudie d’abord en détail la technique employée par la Cour en la comparant à la qualification lege fori. Si la qualification autonome peut sembler être une forme de qualification lege fori ayant pour ordre juridique de référence, non plus un ordre juridique national, mais l’ordre juridique de l’Union européenne, elle pré- sente tout de même d’importantes différences tenant principalement au fait que l’ordre juridique de l’Union n’a pas la complétude qu’ont, en principe, les ordres juridiques nationaux. Il en va notamment ainsi en droit des obligations, matière qui fait l’objet d’un traitement parcellaire en droit matériel européen. Madame Minois soutient ensuite que les qualifications autonomes sont de véritables qua- lifications internationales, en ce sens qu’elles sont spécialement conçues pour régir les rapports internationaux.

Dans la seconde partie de la thèse, l’auteur s’interroge sur la « généralisation du modèle de qualification consacré par la Cour de justice ». Il s’agit, dans un premier temps, de savoir si les qualifications retenues par la Cour dans l’une des deux branches du droit international privé – conflit de juridictions ou conflit de lois – doivent être étendues à l’autre. Madame Minois apporte une réponse posi- tive à cette question controversée. L’analyse des différents instruments de droit international privé européen des obligations ainsi qu’un examen attentif de la jurisprudence la conduisent à penser qu’une conception dite « moniste » de la qualification est en passe de s’imposer. Réfutant les arguments avancés par les auteurs « dualistes », elle défend le principe d’une qualification unitaire en met- tant en avant plusieurs justifications et en proposant des solutions concrètes per- mettant de régler les quelques difficultés qui pourraient en résulter. Dans un second temps, est envisagée l’éventualité d’une généralisation du modèle issu du droit international privé européen en dehors de son domaine originel. Madame Minois estime que les qualifications admises par la Cour de justice pourraient également servir lors de l’application des règles de conflit de source convention- nelle ou jurisprudentielle. Elle milite ainsi pour un système unitaire étendu, gage selon elle de rationalité, de prévisibilité et de simplicité. Elle considère, en revanche, que les solutions peuvent être différentes lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit maté- riel désigné par la règle de conflit de lois, puisqu’à ce stade du raisonnement, la situation s’apparente à une situation interne et que, par suite, les qualifications autonomes édictées dans une perspective internationale n’y ont pas leur place.

La thèse de Madame Minois est une thèse militante au bon sens du terme.

Portée par un style clair et étayée par un solide appareil scientifique, elle repose sur une véritable démonstration. Bien argumentées, les propositions formulées sont cohérentes. Le raisonnement est maîtrisé. L’auteur fait toujours preuve

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PRÉFACE XIII d’une grande honnêteté intellectuelle. Les membres du jury n’ont pas manqué de relever ces différentes qualités lors de la soutenance, tout en soulignant, ce qui transparaît dans l’ouvrage, sa capacité à défendre ses opinions.

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que la thèse ait été couronnée du prix de l’Université Paris Descartes et que Madame Minois ait, dans l’année qui a suivi la soutenance, obtenu un poste de maître de conférences dans la même université.

Ces quelques lignes sont l’occasion pour celui qui fut son directeur de thèse de la féliciter une nouvelle fois pour le beau travail qu’elle a accompli.

Tristan Azzi Professeur à l’École de droit de la Sorbonne Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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ABRÉVIATIONS

ADUE Annuaire de droit de l’Union européenne AELE Association européenne de libre-échange Aff. / Aff. jtes Affaire / affaires jointes

Al.  Alinéa Art.  Article(s)

Ass. plén.  Assemblée plénière de la Cour de cassation

c. Contre

CA Cour d’appel

Cass.  Cour de cassation

CCC Contrats Concurrence Consommation

Ch. Chambre(s)

Chap. Chapitre

Chron.  Chronique

Civ. 1re Première chambre civile de la Cour de cassation Civ. 2e Deuxième chambre civile de la Cour de cassation Civ. 3e Troisième chambre civile de la Cour de cassation CJCE  Cour de justice des Communautés européennes CJUE  Cour de justice de l’Union européenne

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Comm. Commentaire

Concl. Conclusion(s)

Cons.  Considérant

contra Position contraire

CPC Code de Procédure Civile

D.  Dalloz 

Defrénois  Répertoire du Notariat Defrénois 

dir. Sous la direction de

Doctr.  Doctrine

DP  Recueil périodique et critique mensuel Dalloz (années antérieures à 1941)

éd.  Édition esp.  Espace Fasc. Fascicule

GA Grands arrêts de la jurisprudence de droit international privé

GACJUE Grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne

GAJ civ. Grands arrêts de la jurisprudence civile Gaz. Pal.  Gazette du Palais

Ibid. Ibidem

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RECHERCHE SUR LA QUALIFICATION EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

XVI

infra Ci-dessous

JCl. Juris-Classeur

JCP E Juris-Classeur périodique – édition entreprise et affaires.

JCP G  Juris-Classeur périodique – édition générale JCP N Juris-Classeur périodique – édition notariale

et immobilière

JDI Journal du droit international

JO Journal officiel

LPA Les petites affiches

ndbp Note de bas de page

no / nos Numéro / Numéros

obs. Observations op. cit.  Opere citato, cité précédemment

p. / pp.  Page / pages

préc. Article précité

pt. / pts Point / points

RAE Revue des affaires européennes

RCA Responsabilité civile et Assurances

RCADI Recueil des cours de l’académie de droit international de la Haye

RDC Revue des contrats

Rec. Recueil Rép. Répertoire

Rev. crit. DIP. Revue critique de droit international privé Rép. Interna. Dalloz  Répertoire de droit international Dalloz 

RGAR Revue Générale des Assurances et des Responsabilités RIDC Revue internationale de droit comparé

Riv. Dir. Int. e Proc Rivista di diritto internazionale privato e processuale

RLDA Revue Lamy droit des affaires

RTD civ.  Revue trimestrielle de droit civil

RTD com.  Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique

RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen

S.  Recueil Sirey

s. Suivants

somm. Sommaires commentés

spéc.  Spécialement

supra Ci-dessus

t.  Tome

TCE Traité sur la Communauté européenne

TCEE Traité sur la Communauté économique européenne TCFDIP Travaux du comité français de droit international privé TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TGI  Tribunal de grande instance

th. / th. dactyl. Thèse / Thèse dactylographiée Trib. civ. Seine Tribunal civil de la Seine Trib. féd. suisse Tribunal fédéral Suisse

Verbo

v. / v. égal. / v. not. voir / voir également / voir notamment

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SOMMAIRE

I

NTRODUCTION

P

REMIÈRE PARTIE

L

’ADHÉSION AU MODÈLE DE QUALIFICATION CONSACRÉ PAR LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

Titre I : Le modèle exclu : la qualification lege fori

Chapitre 1. Les faiblesses de la qualification lege fori en doctrine Chapitre 2. Les faiblesses de la qualification lege fori en jurisprudence Titre II : Le modèle retenu : les qualifications autonomes

Chapitre 1. Les convergences entre les qualifications autonomes et la qualification lege fori

Chapitre 2. Les divergences entre les qualifications autonomes et la qualification lege fori

S

ECONDE PARTIE

L

A GÉNÉRALISATION DU MODÈLE DE QUALIFICATION CONSACRÉ PAR LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

Titre I : La généralisation au sein du droit international privé européen Chapitre 1. Vers la consécration d’une analyse moniste

de la qualification

Chapitre 2. Pour la consécration d’une analyse moniste de la qualification

Titre II : La généralisation au-delà du droit international privé européen Chapitre 1. Du droit international privé européen vers le droit international privé commun et conventionnel

Chapitre 2. Du droit international privé européen vers le droit matériel

C

ONCLUSION GÉNÉRALE

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INTRODUCTION

1. Généralité de la qualification. La qualification est le propre de toute opé- ration cognitive. Dès que les hommes ont ressenti le besoin de communiquer, poser des mots sur les choses a été nécessaire. Ainsi, la qualification se définit dans le langage courant comme l’« action de qualifier quelqu’un ou quelque chose, d’attribuer une qualité avec sa désignation »1. On peut lire dans la Correspondance de Flaubert : « Je m’étonne seulement qu’elle [la princesse Bonaparte] n’ait pas traité le P. Didon de mouchard et de voleur…, qualifications qui lui sont usuelles »2. D’une autre manière, le médecin pose un diagnostic sur les symptômes que le patient décrit avec les mots qui lui viennent à l’esprit. Ces deux phénomènes ren- contrés dans la vie courante soulignent la double dimension de la qualification.

2. Double signification du terme « qualification ». En droit, la qualification se définit comme l’« opération intellectuelle d’analyse juridique, [l’] outil essentiel de la pensée juridique, consistant à prendre en considération l’élément qu’il s’agit de qualifier (fait brut, acte, règle, etc.) et à le faire entrer dans une catégorie de ratta- chement préexistante (d’où résulte, par rattachement, le régime juridique qui lui est applicable) en reconnaissant en lui les caractéristiques essentielles de la catégorie de rattachement »3. Il faut toutefois reconnaître que le terme « qualification » fait l’objet d’une relative approximation. Il a effectivement deux significations qui ne se perçoivent pas toujours nettement4.

D’une part, il est fait référence au raisonnement, au procédé par lequel l’in- terprète intègre un cas concret dans la catégorie avec laquelle il partage ses traits communs. L’opération de qualification correspond au cheminement intellectuel suivi par l’interprète. Il s’agit de draper l’espèce de ses vêtements juridiques afin de lui faire produire un effet particulier. Le but est, selon les branches du droit, de rechercher un régime juridique particulier, le tribunal compétent ou bien encore la loi applicable… On peut alors parler de méthode de qualification. La démarche évoque « un exercice de traduction »5. Il est question de traduire en langage juri- dique le langage courant.  « Par conséquent, la qualification est un exercice de thème et l’on sait que les forts en thème ne courent pas les rues »6, les forts en

1. Le trésor de la langue française informatisé disponible à l’adresse suivante : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=3208691010;r=1;nat=;sol=0;

2. G. Flaubert, Correspondance, lettre du 27 mars 1880 à sa nièce Caroline.

3. V° « Qualification », Vocabulaire juridique, PUF, 11e éd., 2016.

4. F. Terré, « Retour sur la qualification », Mélanges en l’honneur de Jean Buffet : la procédure en tous ses états, Petites Affiches, 2004, p. 419, spéc. p. 420 ; F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 10e éd., 2015, p. 330, n° 406 ; B. Ancel, « Qualification », Rép. Interna. Dalloz, 2009, n° 5.

5. Ph. Jestaz, « La qualification en droit civil », Droits 1993. 45, spéc.  p.  46 ; H. Batiffol, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, 2002, p. 33, n° 15. 

6. Ph. Jestaz, op. cit., p. 46.

Introduction

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RECHERCHE SUR LA QUALIFICATION EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DES OBLIGATIONS

2

version non plus ! Il est bien souvent difficile de trouver dans sa langue maternelle le mot juste, celui qui recouvre toutes les virtualités de la langue étrangère. L’opé- ration de qualification, comme de traduction, comporte donc sa part de dénatu- ration, voire même de manipulation. On bascule alors dans la face sombre de l’opération de qualification. Faut-il rappeler la célèbre réplique d’Hector à Busiris dans La guerre de Troie n’aura pas lieu : « Mon cher Busiris, nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a inter- prété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité »7. Il se peut, en effet, que la qualification ait été exploitée à des fins empiriques, afin d’atteindre un but donné.

Cornu rappelle à ce sujet que « La qualification est le lieu des principales dévia- tions »8. Si, ponctuellement, elle peut servir un but donné, elle ne doit pas être le siège de toutes les manipulations car ce serait supprimer la finalité qui est la sienne, un outil au service de la prévisibilité.

La qualification ne se définit pas uniquement autour du raisonnement. Elle s’entend, d’autre part, comme le résultat auquel aboutit l’interprète. Elle corres- pond alors « aux concepts eux-mêmes ou catégories au moyen desquels est conduit ce raisonnement »9. Il s’agit de décrire ses éléments caractéristiques afin de faire ressortir les traits qui lui sont essentiels et qui permettent de la distinguer des autres catégories. En ce sens, le contrat, le délit, les obligations alimentaires, les régimes matrimoniaux sont des qualifications ou des catégories. On peut alors parler de qualification en tant que résultat. 

3. La qualification, une opération commune à toutes les branches du droit. La qualification est un outil incontournable du raisonnement juridique10 et est pré- sentée comme fondamentale pour la science juridique11, ce qui explique qu’elle touche le système juridique dans son ensemble12. Effectivement, elle joue un rôle clef dans l’intelligibilité du droit. Celui-ci est présenté comme une science, c’est-à- dire comme un « ensemble de connaissances ordonné d’après des principes »13. Pour disposer d’une certaine rationalité, le système juridique doit se doter d’outils. Il doit s’ordonner autour « d’un certain nombre de principes, de notions fondamen- tales, de procédés techniques dont la mise en œuvre suppose certaines méthodes »14. Parmi ces outils, on retrouve la catégorie. Celle-ci regroupe en son sein des ensembles de droits, de personnes, de choses, de faits, d’actes qui partagent les mêmes traits caractéristiques15. « Issue de la réalité, la catégorie juridique s’en détache, par une abstraction nécessaire, et constitue, en vertu des définitions et des classifications qu’elle implique, comme le centre de toute la technique fondamentale

7. J. Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu, Larousse, 2009, pp. 125-126.

8. G. Cornu, Droit civil. Introduction au droit, Montchrestien, 13e éd., 2007, p. 109, n° 196.

9. B. Ancel, op. cit., n° 5.

10. Sur le raisonnement juridique v. G. Kalinowski et Ch. Perelman, Introduction à la logique juridique, LGDJ, 1965 ; Ch. Perelman, Logique juridique : nouvelle rhétorique, Dalloz, 1999 ; V° « Raisonnement juridique », Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2e éd., 2018.

11. G. Cornu, Droit civil. Introduction au droit, Montchrestien, 13e éd., 2007, p. 105, n° 194.

12. En droit interne, l’opération de qualification est « même obligatoire pour le juge, au regard de l’article 12, al. 2 CPC, aux termes duquel « [le juge] doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée » (D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, PUF, t. 1, 4e éd., 2017, p. 456, n° 380, ndbp n° 2).

13. V° « Science », in A. Lalande (dir.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 2010.

14. J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz, 5e éd., 2012, p. 225, n° 169.

15. Ibid. 

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INTRODUCTION 3 du droit »16. Effectivement, les catégories sont d’abord et avant tout un instrument au service de la rationalité et de la prévisibilité du droit. Sans l’adoption de caté- gories et de concepts suffisamment définis, le droit se réduirait à un empilement de règles dénuées de toute logique, parfaitement impraticables et incapables de régir les comportements de la vie sociale alors même qu’il s’agit de la fonction première des règles de droit17. Les catégories, au contraire, stabilisent l’agitation qui se dégage de la vie en société18. Il s’agit ainsi d’ordonner le désordre en inté- grant, en rangeant, en classant des faits sociaux dans des cadres suffisamment définis et délimités afin de leur faire produire un effet particulier. « Pouvoir couler dans “des moules éprouvés par l’expérience” les faits et actes de la vie sociale ayant des caractères communs et leur appliquer un régime connu et objectivement déter- miné constitue une garantie d’impartialité et de sécurité juridique. Le recours aux catégories juridiques permet donc de renforcer la rationalité et la cohérence du droit »19. Au-delà, la rigueur de la qualification participe à la cohérence de l’ordre juridique tout entier20. Composée de multiples facettes, elle est aussi indispensable au juriste qu’elle est difficile à maîtriser. Elle est pourtant porteuse des plus belles promesses puisqu’elle se donne pour ambition d’ordonner le chaos de la vie en société. La qualification en droit international privé y parvient-elle ? C’est l’un des intérêts de cette recherche.

4. Originalité de la qualification en droit international privé. La qualification se rencontre également en droit international privé. Toutefois, les problématiques que soulève le droit international privé se répercutent sur la qualification et lui confèrent son originalité. Une situation internationale se distingue d’une relation interne en raison de la pluralité des ordres juridiques susceptibles d’entrer en jeu.

Elle appelle l’application de règles de droit international privé qui se donnent pour mission de les coordonner21. Aucune difficulté ne serait à souligner si les différentes lois en présence retenaient la même qualification de la situation liti- gieuse. Or, bien souvent, ce n’est pas le cas22. Puisque l’objet du droit international privé est la coordination des différents ordres juridiques, il convient de se pronon- cer sur la loi gouvernant la qualification. Laquelle de la lex fori ou de la lex causae devra renseigner sur la qualification à retenir ? À la fin du XIXsiècle, des auteurs comme Kahn, en Allemagne, ou Bartin, en France, ont résolu la difficulté en se prononçant pour la qualification lege fori, c’est-à-dire pour la qualification selon la loi du juge saisi.

Une autre difficulté de qualification, propre au droit international privé, se trouve dans l’accueil d’institutions inconnues ou étrangères au for. Afin d’être en

16. F. Gény, Science et technique en droit privé positif : nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, LGDJ, t. 3, 1925, n° 213, p. 167.

17. J. L. Bergel, op. cit., p. 225, n° 169.

18. Sur le rôle de stabilisation attribuée à la catégorie de rattachement v.  B. Ancel,

« Qualification », Rép. Interna. Dalloz, 2009, n° 6.

19. J.-L. Bergel, op. cit., p. 238, n° 180 ; J.-L. Bergel, Méthodologie juridique : fondamentale et appliquée, PUF, 3e éd., 2018, p. 118, n° 63.

20. T. Azzi, « Bruxelles I, Rome I, Rome II : regard sur la qualification en droit international privé communautaire », D. 2009. 1621, n° 24.

21. V. plus généralement H. Batiffol, op. cit. ; P. Louis-Lucas, « Portée de la distinction entre droit privé interne et droit international privé », JDI 1962. 858 ; P. Mayer, « Le phénomène de la coordination des ordres juridiques étatiques en droit privé », RCADI 2003, t. 327, p. 1.

22. Y. Loussouarn, P. Bourel, P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, Dalloz, 10e éd., 2013, p. 250, n° 259.

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mesure de les classer, il a été nécessaire d’élargir les catégories de rattache- ment. Celles-ci ne sont donc pas l’exacte réplique des catégories du droit interne.

C’est le sens de la formule de Batiffol lorsqu’il affirme : « si on veut que les sys- tèmes coexistent avec leur originalité tout en fonctionnant en coopération, il faut qu’ils s’adaptent les uns aux autres, et cette adaptation suppose que chaque système explore le système voisin avec les instruments dont il dispose et qui détermine ses moyens d’adaptation, savoir ses propres concepts »23. L’opération de qualification se décompose alors en deux étapes. La phase d’analyse consiste à s’intéresser à la structure de l’institution étrangère à classer. Elle se réalise selon la lex causae. Il y a donc bien une prise en considération de la loi étrangère. Dans une seconde étape, appelée phase de jugement, l’interprète devra intégrer dans ses propres catégories l’institution qu’il convient de qualifier. Selon la formule de Melchior :

« l’étoffe juridique étrangère » doit être rangée dans les « tiroirs du for »24. La coor- dination des ordres juridiques implique donc un approfondissement des catégo- ries de rattachement afin d’être en mesure d’intégrer les institutions étrangères.

Cette dimension du problème de la qualification est propre au droit international privé et ne se retrouve pas en droit interne.

5. Problèmes spécifiques à la matière. Le conflit de qualifications ainsi que l’accueil d’institutions étrangères dans les catégories du for révèlent la particula- rité de la relation privée internationale par rapport aux situations de droit interne.

À plusieurs reprises, la démonstration sera axée sur la spécificité de cette relation.

Il est donc nécessaire de cerner dès à présent ce qu’elle recouvre afin d’être en mesure d’apprécier ses incidences sur la qualification. Elle s’appréhende au tra- vers des intérêts propres au droit international privé. Dès les années cinquante, des études ont été menées sur l’originalité de la relation privée internationale. Plus précisément, des auteurs comme Wengler25, Kegel26 ou encore Batiffol27 se sont intéressés aux problèmes que soulevaient typiquement la matière28. Ils ont pu dégager des intérêts propres au droit international privé. Ces derniers constituent le fondement de la matière et pointent la spécificité des questions soulevées par le droit international privé. Il s’agissait ainsi « d’offrir à la doctrine un instrument permettant d’exprimer les différentes composantes que le normateur devrait conci- lier lorsqu’il sera confronté à un problème de cet ordre »29. Il revient, semble-t-il, à Lerebours-Pigeonnière d’avoir dégagé les intérêts propres au droit international privé. Nous aurons l’occasion de souligner sa vision avant-gardiste dans bien des domaines. À travers ses idées, il a participé à la construction contemporaine de la matière30. L’auteur distingue trois types d’intérêts : l’intérêt du règlement français du conflit de lois, « les exigences du commerce privé international » ainsi que « les

23. H. Batiffol, op. cit., p. 37, n° 16.

24. G. Melchior, Grundlagen der deutschen internationalen Privatrechts, 1932, p. 123, cité par E. Fohrer-Dedeurwaerder, « Qualification en droit international privé », JCl. Droit international, Fasc. 531, 2015, n° 7.

25. W. Wengler, « Les principes généraux du droit international privé et leurs conflits », Rev. crit. DIP. 1952. 595.

26. G. Kegel, « Begriff-und Interessenjurisprudentz im internationalen Privatrecht », Festschrift Hans Lewald, Bâle, 1953 ; G. Kegel, « The crisis of conflict of laws », RCADI 1964-II, t. 112, p. 91.

27. H. Batiffol, op. cit., p. 229.

28. B. Rémy, Exception d’ordre public et lois de police en droit international privé, Dalloz, 2008, p. 42, n° 78.

29. Ibid., p. 42, n° 79.

30. V. infra n° 56 et s.

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INTRODUCTION 5 intérêts politiques des États »31. Avec Wengler, Kegel s’est penché sur l’existence de principes ou d’intérêts qui seraient attachés au droit international privé. Leur approche est toutefois distincte. Wengler dresse une liste de principes généraux dominants. Il s’agit : 1°/ de la sauvegarde de l’ordre public ; 2°/de l’harmonie maté- rielle des solutions ; 3°/ de la considération du but législatif des lois internes ; 4°/ de l’harmonie internationale des solutions (principe du minimum des conflits interna- tionaux) ; 5°/de la prévalence de l’ordre juridique le plus « fort » et 6°/de l’intérêt politique de l’État du for32. Pour cet auteur, ces principes sont extérieurs aux règles de conflit de lois et peuvent entrer en opposition. Il a conscience que le législateur ne peut pas tout prévoir. Les principes généraux devraient alors s’imposer pour combler les lacunes législatives33. Francescakis note toutefois que les principes géné- raux formulés par Wengler conviendraient mieux à un système de règles de conflit jurisprudentielles, tel que le conçoit le droit international privé français, plutôt qu’au système allemand, appréhendé à partir de règles posées par le législateur34.

Kegel, de son côté, part d’un autre postulat. Il s’interroge sur la nécessité de faire à la « justice des intérêts » une place à côté de la « justice des concepts »35. La distinction consiste à opposer respectivement « les tendances formalistes », c’est-à- dire le respect des règles de conflit de lois, aux tendances « idéaliste (recherche de la justice) ou réaliste (consécration des formes spontanées du commerce juridique) »36. L’auteur dresse alors une liste de valeurs que le droit international privé devrait prendre en considération. Il s’agit d’abord des intérêts des parties. Leur respect oblige, par exemple, à retenir un rattachement stable en matière d’état et de capacité.

Il est ensuite question de l’intérêt du commerce international. On peut ainsi citer la nécessité de favoriser la conclusion et l’exécution d’actes juridiques. Enfin, l’auteur dégage un troisième type d’intérêts : l’intérêt à la « cohésion de la vie juridique »37 qui regroupe en réalité deux intérêts distincts, l’harmonie internationale des solutions ainsi que l’harmonie matérielle des solutions. Sa démarche est donc différente de celle de Wengler qui s’était attaché à dégager une liste de principes généraux domi- nant le droit international privé. Pour Kegel, au contraire, les intérêts dégagés devront, le cas échéant, guider ce qu’il nomme des « complications (Verwicklun- gen) ». Il en dénombre cinq. Ce sont en réalité les grands problèmes de théorie générale du droit international privé. Il s’agit de la qualification, du renvoi, de l’adaptation, des questions préalables et du problème du cumul des conflits, encore appelé par l’auteur le conflit des conflits (Kollisionenkollision). Pour Kegel, la réso- lution de ces problèmes doit s’effectuer dans le respect des intérêts confiés au droit international privé. Il est ainsi amené à opérer une distinction fondamentale entre la

« justice de droit international privé » et la « justice de droit matériel »38. La première se distingue de la seconde car elle se propose de rechercher non « la solution la plus

31. P. Lerebours-Pigeonnière, Précis de droit international privé, Dalloz, 4e éd., 1946, p. 242 et s., n° 207. Ces points seront détaillés dans la suite de la démonstration, v. infra n° 56.

32. W. Wengler, « Les principes généraux du droit international privé et leurs conflits », préc., p. 600 et s.

33. V. Ph. Francescakis, Compte rendu de l’article de Kegel, « Begriff-und Interessenjurisprudentz im internationalen Privatrecht », Festschrift Hans Lewald, Bâle, 1953, p. 259, Rev. crit. DIP. 1954. 238, spéc. p. 239.

34. Ibid., p. 240.

35. G. Kegel, op. cit.

36. Ph. Francescakis, op. cit., p. 240.

37. La traduction est celle retenue par Ph. Francescakis, op. cit., p. 242.

38. G. Kegel, op. cit.

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juste en elle-même, au sens du droit privé interne, du problème à résoudre, mais de déterminer la loi qui est la plus juste d’appliquer »39. La thèse de Kegel a le mérite de pointer les besoins spécifiques attachés au droit international privé en opposant la justice de droit matériel et la justice de droit international privé. On retrouve égale- ment chez Batiffol la logique finaliste de la matière lorsqu’il affirme : « le droit orga- nisant des relations sociales, il faut considérer les personnes qui sont parties à ces relations et la société dans laquelle elles s’insèrent »40.

6. Renouveau des intérêts ? Les intérêts sous-tendus par le droit international privé sont le reflet des solutions et des orientations du droit positif. Ces objectifs ne sont donc pas figés et peuvent évoluer avec la matière. Ils ont été dégagés à une époque où le droit international privé était essentiellement de source nationale.

L’ordre interne jouait un rôle important car les ordres supranationaux étaient pra- tiquement inexistants. Batiffol défend ainsi, en cas de conflit entre l’ordre interne et l’ordre international, la primauté du premier sur le second. Il puise sa justification dans ce que Francescakis nomme l’antériorité de l’ordre interne sur l’ordre interna- tional41. Aujourd’hui, l’ordre juridique interne n’est plus seul et doit composer avec des ordres régionaux. Il s’agit de l’ordre juridique européen ainsi que de la Conven- tion européenne des droits de l’homme42. Or, ces derniers sont susceptibles de reflé- ter des intérêts qui leur sont propres. Dès lors, on peut éventuellement s’interroger sur la pérennité des intérêts tels qu’ils sont encore présentés classiquement et sur leur possible redéfinition à l’aune du droit international privé contemporain. Dans le domaine du droit de la famille, Mme Gannagé traite du rôle perturbateur de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que de l’émergence « d’une nouvelle catégorie d’intérêts qui n’avait pas sa place jusqu’à une période récente »43. Le développement des droits de l’homme s’accompagne effectivement d’une progres- sion des individualismes. L’intérêt de la personne s’ajouterait donc au triptyque formé des intérêts des parties, des intérêts de l’État du for et des intérêts de la société internationale44. L’auteur distingue l’intérêt des personnes de l’intérêt de la per- sonne qui seul doit être élevé au rang d’intérêt du droit international privé. Dans le premier cas, c’est l’intérêt commun qui est pris en charge tandis que « l’intérêt de la personne désigne l’intérêt de celle-ci prise individuellement et peut recouvrir une mul- titude de prétentions tendant à satisfaire l’intérêt égoïste de tout un chacun »45. Cette approche est séduisante car elle éclaire sur les mutations du droit international privé et sur les évolutions des objectifs qu’elles impliquent.  La proposition témoigne néanmoins d’une certaine confusion entre la justice conflictuelle et la justice subs- tantielle. La logique de la localisation tend à reculer devant l’intérêt de l’individu à obtenir satisfaction au fond.

39. H. Batiffol, « Les intérêts de droit international privé », Internationales Privatrecht une Rechtsvergeichung im Ausgang des 20. Jahrhunderts : Bewahrung oder Wende ? Festschrift für Gerhard Kegel, Alfred Metzner Verlag GmbH, 1977, p. 11 et s., spéc. p. 14.

40. H. Batiffol, Aspects philosophiques du droit international privé, préc., p.  229, n°  102 ; B. Rémy, op. cit., p. 42, n° 79.

41. Ph. Francescakis, « Perspectives du droit international privé actuel. A propos de la deuxième édition du Traité de M. Henri Batiffol », RIDC 1955. 349, spéc. p. 354.

42. Il est ici fait référence à la thèse institutionnelle de l’ordre juridique de Santi Romano. Sur l’étude des thèses institutionnelle et normativiste de l’ordre juridique v. infra n° 197.

43. L.  Gannagé, « Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des conflits de cultures », RCADI 2011, t. 357, p. 323, spéc. p. 371, n° 177.

44. Ibid. 

45. Ibid., p. 372, n° 179.

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INTRODUCTION 7 7. Intérêts en matière de conflit de juridictions. Comparées à l’attrait porté aux intérêts en matière de conflits de lois, peu d’études ont été consacrées à la recherche des intérêts s’agissant des règles de compétence. Ils sont pourtant tout aussi importants car ils démontrent que la spécificité de la relation privée interna- tionale se manifeste jusque dans l’application des règles de compétence interna- tionale. Kegel les avait pourtant déjà ébauchés. Il énumère l’intérêt « du demandeur à n’être pas obligé d’entamer un procès hors du pays de sa résidence, ce qui suppose une plus grande dépense de temps et d’argent pour lui ; l’intérêt dû à ce que la com- pétence soit attribuée à un tribunal de l’État dont quelque personne appartient comme national ; l’intérêt que chaque litige soit résolu par la juridiction de l’État dont la loi doit être appliquée : l’intérêt en faveur de la compétence du for où la chose litigieuse est située… »46. Par la suite, Heldrich a approfondi ces intérêts et dis- tingue, « 1) l’intérêt de la protection judiciaire, tant du point de vue de celui qui cherche cette protection que dans l’optique de l’État désireux de s’acquitter de son devoir de l’octroyer ; 2) l’intérêt d’un cours parallèle entre la loi applicable et le for compétent (Gleichlauf), en vue d’éviter, dans la mesure du possible, que le tribunal qui connaît d’un litige doive y appliquer une loi étrangère ; 3) l’intérêt dérivé de la proximité du for compétent à la relation matérielle ; 4) l’intérêt de la protection du défendeur ou des autres personnes participant au litige ; 5) l’intérêt à la concentra- tion de la procédure ; 6) l’intérêt à l’effectivité des jugements que le tribunal déclaré compétent peut édicter ; 7) l’intérêt à réduire à un minimum les conflits résultant de la pluralité ou de l’absence de fors compétents »47.

8. Coordination des ordres juridiques. Les intérêts attachés au conflit de lois et au conflit de juridictions se rejoignent sur la coordination des ordres juridiques.

Ainsi, la règle de conflit de lois est un problème de droit international privé non pas en raison des différents éléments étrangers attachés à la situation mais parce qu’elle consiste à faire un choix entre des règles de deux ou plusieurs ordres juridiques distincts48. De même, les règles de compétence internationale sont un problème de droit international privé car elles « ont pour objet de délimiter le domaine d’activité des juridictions du for par rapport à celui des juridictions étrangères (même si elles le font de manière unilatérale et sans prétendre attribuer ou dénier compétence aux ordres juridiques étrangers) »49. Enfin, la reconnaissance d’un jugement étranger a un caractère international car il « est une norme appartenant à un ordre juridique étranger »50 qu’il s’agit d’intégrer dans l’ordre juridique d’accueil.

9. Réponses spécifiques à la matière. Les intérêts propres au droit internatio- nal privé révèlent la spécificité des problèmes que soulève la matière. À ces pro- blèmes, le droit international privé apporte une réponse spécifique à partir de l’adoption de règles particulières. On le constate dans une certaine mesure à l’étude de la règle de compétence internationale et plus particulièrement encore à l’analyse de la règle de conflit de lois.

46. G. Kegel, Internationales Privatrecht, 3e éd., München, 1971, p. 419 et s. Les propos sont tirés de A. Miaja de la Muela, « Les principes directeurs des règles de compétence territoriale des tribunaux internes en matière de litiges comportant un élément international », RCADI 1972-I, t. 135, p. 9, spéc. pp. 44-45, n° 4.

47. A. Heldrich, Internationale Zuständigkeit un anwendbares Recht, Berlin-Tübingen, 1969, p. 106 et s. Là encore, les propos sont tirés de : A. Miaja de la Muela, op. cit., p. 45, n° 4.

48. P. Mayer, op. cit., pp. 80-81, n° 64.

49. Ibid., p. 81, n° 64.

50. Ibid., pp. 80-81, nos 63-64.

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