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Saint-Gall et la Lombardie dans l'histoire de l'enluminure

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Saint-Gall et la Lombardie dans l’histoire de

l’enluminure

Carlo Bertelli

To cite this version:

Carlo Bertelli. Saint-Gall et la Lombardie dans l’histoire de l’enluminure. Cahiers du CRATHMA (Centre de recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris X-Nanterre, 2000, Le rayonnement spirituel et culturel de l’abbaye de Saint-Gall, IX, pp.115-124. �hal-02910825�

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L

es feuilles 3 à 97 d u cod. 569 de la Bi­b lio th è q u e a b b atiale d e Saint-G all contiennent le seul exem plaire connu d 'u n e Vie de saint Am broise : de vita et m eritis exim ii doctoris atque in stitu to ria ecclesiae alm i pontificis ambrosii. L 'auteur, qui a voulu rester anonym e, précise q u 'il a accom pli sa tâche, p o u r ne pas désobéir à u n o rdre paternel : ut paternae iussioni, per totum inoboediens non inve- niar. Son récit, qui se base su r nom bre de sour­ ces, soit latines soit grecques, contient aussi quelques nouvelles inédites ; parm i celles-ci il faut m ettre en évidence la d o n atio n q ue le général Stilichon au rait faite, au saint évêque, de sa p ro p re m aison et d 'a u tre s de ses p ro ­ priétés.

D u m om ent que l'église de M ilan possé­ dait en effet, au M oyen Âge, des biens classés sous l'ap p ellatio n de Stilichon, ce fut en p a r­ tan t de cette considération que l'é d ite u r d u texte, Mons. Angelo Paredi, aboutit à établir sa d atatio n 1. Il a ju stem en t ra p p e lé q ue d an s l'ép itaph e de l'évêque m ilanais A nspert (868- 881), placée à l'in té rie u r de la basilique de Saint-Ambroise, la liste de ses œ uvres m éritoi­

res accomplies m entionne la restitution de la m aison de Stilichon aux biens de l'église : resti- tuit de Stilichone domum.

L 'insertion d u d o n d ans la vie d u saint « in stitu teu r » de l'église m ilanaise (on notera la coïncidence entre institutor d u codex et resti­ tu a de l'in scrip tio n ) sem ble alors trancher toute discussion su r la légitim e propriété des biens d u général rom ain que l'em p ereu r Ho- norius avait condam né à m ort. Peut-être le fisc im périal en avait réclam é récem m ent quelques droits. Et alors, rem arque Mons. Paredi, s'il y avait q u elq u 'u n qui était intéressé à fabriquer cette fausse do n atio n , c 'é ta it bien A nspert. L 'ordre paternel don t n ous parle l'au teu r de la Vie venait très probablem ent de lui.

A nalyses p aléo g rap h iq u e et stylistique placent le m anuscrit saintgallois dans le der­ nier qu art d u IXe siècle, donc à la m êm e épo­ que de la prem ière réd actio n d u texte. Les harm onieux entrelacs de la seule lettre initiale nous rapp ellen t en effet d 'a u tre s m anuscrits m ilanais, p ar exemple le sacram entaire de San Sim pliciano, préservé d ans la Biblioteca Capi- tolare de Milan, que B ernhard Bischoff, selon

1 A. PAREDI, Vita e m enti di S. Ambrogio. Testo inedito del

secolo nono, M ilano 1964 (Fontes Ambrosiani in lucem editi cura et studio Bibliothecae Ambrosianae, XXXVII).

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116 C a h i e r IX d u C R A T H M A

une note transcrite d ans la feuille de garde du codex, datait du dernier q u a rt d u IXe siècle2.

L 'in itiale d u m a n u sc rit de Saint-Gall ajoute au jeu des entrelacs deux rem arquables protom es anim ales (un griffon et un lion, h ar­ dis pionniers d u riche répertoire anim alier de l'art rom an en Lom bardie) et, surtout, un très beau buste d u saint. M algré le pallium de type m édiéval, il n 'est pas difficile d 'y reconnaître m aints élém ents em p ru n tés à la m osaïque, de la fin d u Ve siècle, ou d u d éb u t du siècle sui­ vant, visible dans l'o rato ire de San Vincenzo in Celo d 'O ro , u n p e tit b âtim en t situé to u t près de la basilique am brosienne. Mêmes che­ veux coupés très courts, à la romaine, et front bom bé ; m êm es so u rcils rehaussés ; comme d an s la m osaïque, la bo uch e est am ère, à la lourde lèvre inférieure, tandis que les grandes oreilles aplaties su r le fond renvoient à la tra­ dition d u p ortrait rom ain.

D ans la m osaïque, to u s ces traits anti- quisants font so u p çon n er l'em ploi d 'u n m o­ dèle contem porain d u saint, une im age réali­ sée lors q u 'il était u n h a u t officier im périal, icône qui aurait p u être encore conservée dans l'évêché de M ilan. Le recours à un p o rtrait à l'a ir a u th e n tiq u e sem b le ainsi tra n sfé re r l'authenticité d u p o rtrait à celle du récit. Pas­ sage im p o rtan t, car il s 'a g it d 'u n retour, de sav eu r antique, à u n e iconographique q u 'o n avait oubliée. Peu de décennies avant, dans la

2 M. Ferrari, Produzione libraria e biblioteche a Milano nei

secoli XI e XII. dan s Milano e il suo territorio, Actes d u colloque,

M ilan 1987, Spolète 1989, H, pp. 689-723, à la p. 690, avec b ib lio­ graphie.

m osaïque absidale de Saint-Am broise, le saint av ait été rep résen té sous les traits de saint Pierre, avec des cheveux blancs, to n su re et courte barbe blanche. U n parallèle qui im p ri­ m a it u n e a u to rité p re sq u e a p o sto liq u e à l'église qu'il avait « institué ».

Q ue le m an u scrit d e Saint-G all soit le seul tém oin de cette version de la vie d u saint m ilanais et qu 'il soit contem porain de la com ­ position d u texte sont deux élém ents su r les­ quels il fau t réfléchir. É v id em m en t m êm e l'église am brosienne n 'av ait p as préservé une seule copie d e ce d o c u m en t q u 'elle-m êm e avait p ro d u it, com m e si, à la m o rt d 'A n sp ert son successeur, le grand expert de droit cano­ n iq u e q u 'é ta it A nselm e, n 'a v a it p as v o u lu g ard er dans les archives d u ch ap itre u n d o ­ c u m en t q u 'il estim ait d o u te u x . D iacre de l'église de M ilan, A nselm e avait m ilité dans le parti opposé à Anspert.

O n ne connaît pas l'h isto ire d u m anu s­ crit av an t son arrivée à Saint-Gall, m ais il ne sem ble pas invraisem blable q u 'il ait traversé les A lpes sur l'initiative d'A nspert.

D ans les luttes p o u r la succession de l'em p ere u r Louis II, A n sp ert était intervenu avec audace et autorité. Il avait commencé p ar faire enlever les dépouilles d e l'em p ereu r d u cercueil où elles avaient été déposées à Brescia p o u r les transférer à M ilan et n o tam m en t à Saint-Am broise. Là, le corps de Louis devait rejoindre ceux des deux carolingiens, Popin et Bérard, qui reposaient dans la m êm e église. En transform ant la basilique dédiée aux m artyrs, fondée p ar Ambroise, en un pan th éo n des rois d'Italie, l'évêque de M ilan s'était p ro m u gar­ dien de la co u ro n n e d u royaum e. A n sp ert avait ainsi réussi dans un program m e que déjà

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saint Ambroise avait tenté, m ais sans succès, à la m ort de Valentinien. Il av ait aussi énorm é­ m ent accru son prestige envers l'évêque de la vieille capitale des rois lom bards, Pavie.

A près avoir p a rta g é p o u r C harles le Chauve, à la m ort de celui-ci, le 6 octobre 877, A nspert s'était tourné vers C arlem ann, et donc aligné sur le côté allem and. C 'était u n choix qui allait l'o p p o ser au p a p e Jean VIII, lequel arriva à le destituer après lui avoir dem andé de se soum ettre aux conciles convoqués p ar Pavie.

Ce fu t p ro b a b le m en t alors, a u to u r de 877, que la nouvelle Vie d e saint A m broise, appelé « pontife » dans le titre et dans le texte, fut rédigée. D ans u n e sp rit actif de p ro p a ­ gande, la nouvelle rédaction de la vie d u fon­ d ateu r de l'église am brosienne avait p u être envoyée à d 'a u tre s diocèses am is et su rto u t, au-delà de l'ancienne frontière d u diocèse de M ilan, à u ne p u issa n te abbaye além anique comme Saint-Gall.

Les rap p o rts en tre la L om bardie et les abbayes de YA lem ania n 'é ta ie n t pas d u to u t récents. O n connaît b ien le cas de l'ab b ate lom barde de C ivate, d o n t les m oines sont nommés dans le Liber V iventium de Pfàfers3. Il y a aussi longtem ps que Tillm ann Buddensieg a ren d u évident les ra p p o rts stylistique très étroits qui lient certaines enlum inures italien­ nes, notam m ent de V érone et de N onantola,

3 A. VON EUW, Liber Viventium Fabariensis. Das karolin-

gische Memorialbuch von Pfàfers, Berne-Stuttgart 1989 (Studio Fabariensia éd. par W. Vogler, I).

aux m anuscrits 167 et 156 d'E insiedeln, qui m arquent la naissance de ce scriptorium , ou le codex n. 87 de la bibliothèque de Saint-Gall, au d ébut d e la floraison de cette im portante école de l'enlum inure carolingienne4.

Le gran d prestige des moines irlandais, qui avait porté le bibliothécaire de Saint-Gall à rédiger u n catalogue à p a rt des codices scottice scripti, avait son parallèle en Lombardie. Une voie de pèlerinage conduisait les irlandais de la tom be de saint C olom ban à Bobbio à celle de saint A ugustin à Pavie, p uis au m onastère de Saint-Am broise de M ilan. En p assan t sur Disentis ou Vérone et Trente, on p o u v ait re­ joindre Saint-Gall. M ais la Lom bardie n 'était pas p o u r les irlandais seulem ent u ne terre à traverser. O n s'y établissait.

Dans u n capitulaire issu à Corte Olona, en mai 824, Lothaire avait tracé un program m e d 'in stru ctio n d u clergé d u royaum e d'Italie qui no u s donne quelques renseignem ents uti­ les. Tandis que le clergé des diocèses italiens est coordonné au tou r de certaines écoles épis- copales, les jeunes de la capitale, Pavie, doi­ v ent se ré u n ir auprès d 'u n m aître reconnu, D ungal, au no m év idem m en t irlan d a is. La

4 T. BUDDENSIEG, Egberts linkes Knie, dans P. BLOCH, T. BUDDENSIEG, A. HENTZEN, T. MÜLLER éd., In tu ition und

Kunstwissenschaft. Festschrift fiir Hans Swarzenski zum 70. Geburts- tag am 30. August 1973., Berlin 1973, pp. 101-114.

5 J. F. BÔHMER, Regesta Imperii. I. Die Regesten des Kaiser-

reichs unten den Karolingem, 751-918..., neu bearbeitet v o n E.

M ühlbacher, Innsbruck 1869, pp. 377-78. La présence de saints véron ais d a n s la litan ie a été récem m ent so u lig n ée par C. EGGENBERGER, L'art de l'enlum inure, dan s W. VOGLER Ed.,

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118 C a h i e r IX d u C R A T H M A

d ate précoce d u capitulaire, la proxim ité de Pavie et de Bobbio re n d e n t très pro b ab le l'hypothèse que D ungal soit venu de l'abbaye fondée p a r saint Colomban. Déjà à l'époque de l'é d it d u roi R othari, a u VIIe siècle, Bobbio av ait exercé p ro b ab lem en t un e fonction de chancellerie p o u r la cour lom barde de Pavie6 ; on n 'est donc pas surpris si la cour de Lothaire avait u ne connaissance directe des m em bres les plus ém inents de l'abbaye.

Pavie avait été, et d ans une certaine m e­ sure était encore, la capitale ; il est donc bien com préhensible que M ilan, au fur et à m esure q u 'au g m en tait son autorité d ans le royaum e, se soit approchée des m odèles de la capitale où, n o u s l'av o n s vu, la perfection av ait été apportée p ar les savants irlandais.

L eur arrivée à M ilan nous est attestée p a r u n poète, lui aussi irlan d ais, Sedulius Scotus. En 860-868, il s'adresse, de sa résidence de Liège, à l'évêque m ilanais Tedon, le p réd é­ cesseur d 'A n sp ert, p o u r l'encourager d ans la protection accordée aux savants irlandais. Le m êm e poète, qui avait déjà dicté certains vers p o u r u n calice offert p a r A ngilbert II, à son tour le prédécesseur de Tédon, appelle celui-ci optim us pastor et m êm e pater patriae, en voyant la v o lo n té d e D ieu d a n s l'e n v o i d es « Écossais » auprès de lui :

L'Abbaye de Saint-Gall. Rayonnement spirituel et culturel, Lausanne

1991, pp. 93-118, à la p. 95.

6 A. DOLD, Z ur altesten Handschrift des Edictus Rothari, Stuttgart et C ologne 1955.

Collige Scottigenas, speculator, collige so-phos :

Te légat omnipotens ; collige Scottigenas7.

Si D ungal p o u v ait faire la navette entre Pavie et Bobbio, p a r contre d ans le M ilan de T édon il s'agissait de colligere, donc de réunir les irlandais qui n 'av aien t d ans la ville aucun centre spécifique à eux. Les réu n ir autour d 'u n projet.

Il y avait un e convergence d'intérêts en­ tre la direction des étu d es conduites p ar les m oines de Saint-Am broise et les irlandais. Les u n s et les au tres étaien t attirés p ar u n p ro ­ gram m e de révision des textes bibliques, et su rto u t des psaum es, à travers la collation des versions latines avec celle, grecque, des Sep- tuaginta. Le codex H am ilton 556 de la Biblio­ thèque de l'É tat de Berlin contient les psaum es en grec et en latin. Il est signé p ar u n scribe qui se fait appeler Syméon, m ais qui écrit le grec avec u n a lp h ab et latin et sem ble avoir une connaissance p lu tô t vague de la langue grec­ que. Ce Sym éon écrit dans une m inuscule Ca­ roline docum entée d an s d 'a u tre s m anuscrits de la région. H est lom bard8.

7 Monumenta Germaniae Historica. Poetarum latinorum me-

dii aevi. Ill, 1, Poetae Latini A evi Carolini, III, 1, L. TRAUBE édit.,

Berlin 1886, p. 236, VII. Pour le calice d'A ngilbert, p. 236, VI. 8 A. PAREDI, M iniature altom edievali lombarde, M ilan 1979, pp. 163-64 ; N . GHIGUONE, Il libro nel territorio ambrosiano

dal VI al IX secolo, dans II Millennio Ambrosiano, éd. C. BERTELU,

M ilan 1989, pp. 130-61. Pour les Irlandais à Saint-Gall : J. Duft et P. MEYER, Die irischen M iniaturen der Stiftsbibliothek St. Gallen, O lten-B em -L ausanne 1954 ; J. DUFT, D ie A btei St. Gallen, I,

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Bei-L 'intérêt p o u r la culture byzantine, d o ­ cum enté p ar le codex H am ilton s'encadre dans u n contexte culturel e t p o litiq u e b eau co u p p lu s large. In te rro m p u s d ep u is p resq u e u n siècle, les liens, qui avaient été très étroits en ­ tre Rome et l'O rient, étaient devenus com pli­ qués entre Rome et l'em pire p a r l'installation de colons byzantins d an s l'Italie d u Sud. Le royaum e d'Italie, do n t l'extension com prenait les anciens territoires de l'exarchat, recherchait de nouveaux contacts diplom atiques et cultu­ rels avec le m onde grec. C ette considération politique allait se greffer su r le désir profond, q u 'o n a énoncé p lu s h au t, d e p o sséd er des textes litu rg iq u es corrects, op ératio n qui d e ­ m andait une certaine connaissance du grec.

À Ravenne et à Castelseprio, les artistes d 'é d u c a tio n b y z an tin e av aien t exécuté des œ u v res superbes. Ils allaien t influencer les grandes entreprises picturales de Brescia, Ci- vidale, M ilan, les dessins à la plum e illustrant certains m an u scrits conservés à Verceil. De l'au tre côté des Alpes, u ne em preinte précoce des tendances de l'a rt b y zan tin nous est of­ ferte p ar u n des prem iers psautiers provenant de Saint-Gall, le codex C 12 de la Bibliothèque Centrale de Zurich, d a tan t d u prem ier q u art d u IXe siècle, dans la litanie d u quel on trouve des saints de Vérone : Zénon, Firm in et Pro- culus9.

trage zu r Erforschung ihrer M anuskripte, Sigm aringen 1990, pp.

35-55,77-89.

9 A. BRUCKNER, Scriptoria medii aevi helvetica, Et, Schreib-

schulen der Diôzese Konstanz, Sankt Gallen, G en ève 1938, p. 80 ;

m , G enève 1936, p. 132.

La seule enlum inure de ce codex, repré­ sentant D avid repenti, p ro stern é devant N a­ than, nous offre des élém ents byzantins évi­ d e n ts, tels la c o m p o sitio n é te n d u e en profondeur, la tension psychologique entre les deux personnages, l'am p leu r de leurs gestes. Voilà l'an n o n c e d e certain es com positions typiques des p sau tiers byzantins dits aristo­ cratiques u n siècle p lus tard. A u mêm e mo­ m ent, certains détails, p a r exem ple d ans le dessin polylobé de la barbe, présentent une analogie su rp re n a n te avec les fresques de M üstair et de la R eichenau et d 'au tres de la Lom bardie. Je m e réfère p o u r les dernières spécialem ent au décor m ural, réalisé en trois phases, de la p etite église de San M artino di Serravalle, d an s la V altelline, que j'ai moi- même eu la chance de retrouver en fragments et de recom poser en g ran d e partie. Les fres­ ques so n t m a in te n a n t en restau ratio n à la Surintendance des biens artistiques de Milan et j'espère qu'elles seront bientôt visibles dans un m usée de la vallée.

Il est in téressan t de noter, à propos de ces fresques, que dans le program m e décoratif de la p etite église un e p hase beaucoup plus byzantinisante, lim itée au jo u rd 'h u i au velum du socle, procédait d 'u n e deuxièm e décoration avec les im ages d u Sauveur, des saints et d 'u n abbé, prosterné com m e u n donateur, qui pré­ sentent des analogies frappantes avec Müstair.

U n parallèle de g ra n d intérêt s'établit ainsi entre ce qui se passe à M ilan, là où les sophoi irlan d ais so n t appréciés comme con­ naisseurs d u grec, et ce qui se passe à Saint- Gall, là où les n o u v eau x arrivés « écossais » laissent la tran scrip tio n des légendes qui ac­

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1 2 0 C a h i e r IX d u C R A T H M A com pagnent les en lu m in u res dans u n codex

grec des évangiles10.

S elon la s u p p o s itio n c o u ra n te , il s'a g issa it d 'u n év an g éliaire q u 'ils a u ra ien t consulté à Rom e, m ais rien ne s'o p p o se à l'h y p o th èse que la rencontre avec ce codex illustré d a tan t au p lu s tard de la trêve de la lutte iconoclaste, entre 787 et 815, se soit réali­ sée en Italie d u N o rd . Le reliefs de la partie frontale de l'au tel d e Saint-Am broise, comme aussi u n diptyque en ivoire d u IXe siècle, p ro ­ v e n a n t de la m êm e église, p ro u v e n t la con­ naissance à M ilan, soit de cycles d'illustration évangélique re m o n ta n t à l'A ntiquité tardive, soit, p o u r l'autel, d 'u n e inspiration byzantine plus récente ; les rap p o rts avec les fresques de Castelseprio ont été m aintes fois soulignés.

Si les poésies d e S edulius d ém o n tren t une relation entre Liège et M ilan, p ar contre le m o n a stère d e S ain t-A m b ro ise, fo n d é p a r C harlem agne en 787, avait été spécialem ent en ra p p o rt avec Saint-M artin de Tours. Le m ira­ cle raconté p ar G régoire de Tours à propos de la p r é s e n c e d e s a i n t A m b ro is e à l'ensevelissem ent de saint M artin, à Tours, au m om ent m êm e o ù on le voyait lire la m esse à M ilan, avait été célébré dans la m osaïque ab­ sidiale comme, su r l'au tel de la basilique mi­ lanaise, dans les scènes relatives à la vie du saint fondateur.

10 F. Mütherich, Das Verzeichnis eines griechischen

Bilder-zyklus in dem Sankt Gallen Codex 48, d a n s « D um barton O aks

Papers », XLI, 1987, pp. 415-24.

U ne trace d u ra p p o rt avec le fam eux scriptorium de Tours sem ble évidente dans le m otif d 'u n e palm ette form ée p a r deux b ra n ­ ches d'acanthe opposées, q u 'o n a soit dans les ém aux d e l'autel de Milan, soit d ans certaines initiales m onum entales qui décorent les bibles de provenance tourangelle, com m e la Bible de la British Library, jadis à M outier-G randval, dans le Jura11.

Ce m êm e motif, on Ta déjà noté, va ré­ a p p a ra ître d ans l'en c a d re m en t en m étal de YEvangelium Longum réalisé p a r T u o tilo à Saint-Gall le siècle suivant12.

Avec l'au tel de Saint-Am broise, le p rin ­ cipal m on u m en t de l'orfèvrerie carolingienne qu i n o u s soit p arv en u , on e st v ra im e n t au cœ ur des relations entre Saint-Gall et Milan. Si la p artie frontale de l'autel, en plaq u es d 'o r, est certainem ent due à un m aître lom bard, p ar co n tre les reliefs en arg en t des deux autres côtés, exécutés en g ran d p artie p a r le m aître qui signe W olvinius, ap p artien n en t au m êm e m o n d e sévère et solennel des fresq u es de M ü stair et de la Reichenau ou d u m anuscrit z u riq u o is cité. Le coffret d e sain t Placide à D isentis, qui nous est connu seulem ent à tra­ vers u n dessin d u XVIIIe siècle13, no u s présen­ tait, sem ble-t-il, une au tre versio n d u m êm e style, ici aussi dans une œ uvre en relief.

11W. Kohler, Die karolingischen M iniaturen, 1 : Die Schule

von Tours, 1 : Die Omamentik, Berlin 1930.

12 V. H. E lbem , Goldschmiedekunst im frühen M ittelalter, Darm stadt 1988, pp. 67 et s.

13 E. P oeschel, Die Kunstdenkmaler des Kantons Graubün-

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W olvinius se qualifie d ans sa signature comme phaber, étrange transform ation d u latin faber qui m anifeste la m êm e intoxication d u grec su r laquelle n o u s avons assez insisté. Si W olvinius, d o n t le n o m n 'est pas d u to u t ro­ main, ni probablem ent lom bard, ne venait pas

directem ent d e Saint-Gall, il ap p arten ait cer­ tainem ent à la m êm e région além anique qui avait son foyer dans l'abbaye de Saint-Gall.

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Fig. 2 : M iistair (Suisse, Grisons), Saint- Pierre, peinture m urale, apôtre,

vers 800. ■ qBeTMg;pr^e^fh:ccf*->^~j-riL>cnr)Cc'(jo L u n 'T rx 'T e 'T u c c . fîcrr> < Sc’cc& di f i cen ■ x u r m u r i kterr-ii fc c L e m><—■ ^^^è^P^ccep^xcc£>ïrïcccr-»pc*crrr> tüfrri ^ r c c ^ ' o b l c e h r i c n o e / ' 5 ^ ^ > o l x > c c c c i / T 3 c « r - m p c m er% 2 l« p e r - c c 6 T D C c r T ^ T x i

Fig. 3 : Zurich, Bibliothèque Centrale, Codex C 12 , psau­ tier, David repenti dev an t N athan, 1er 1 /4 du IXe siècle.

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Fig.  2 :  M iistair  (Suisse,  Grisons),  Saint-  Pierre, peinture m urale, apôtre,

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