• Aucun résultat trouvé

L'adaptation d'adolescents au fait de vivre avec un parent ayant un trouble mental

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'adaptation d'adolescents au fait de vivre avec un parent ayant un trouble mental"

Copied!
130
0
0

Texte intégral

(1)

L’ADAPTATION D’ADOLESCENTS AU FAIT DE

VIVRE AVEC UN PARENT AYANT UN TROUBLE

MENTAL

Mémoire

LÉONIE BÉLANGER-MICHAUD

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

(2)
(3)

III

Résumé

La présente recherche s'intéresse à l'adaptation d’adolescents vivant avec un parent ayant un trouble mental. Un premier objectif poursuivi était d’explorer les impacts positifs et négatifs reliés au fait de vivre dans ce contexte familial. Le second objectif visait à examiner les stratégies adaptatives utilisées par ces adolescents et leur perception quant à leur efficacité. La méthode qualitative a été choisie afin d’atteindre ces objectifs et s’inscrit dans le cadre de la théorie transactionnelle du stress de Lazarus et Folkman. Cinq adolescents ont été rencontrés en entrevue individuelle semi-structurée. Ils ont aussi rempli un questionnaire, le Kidcope, portant sur les stratégies d’adaptation. Les thèmes abordés en entrevue portaient sur leur fonctionnement aux plans personnel, social, scolaire et familial, sur le trouble mental de leur parent et leur perception des impacts sur leur vie. De plus, ils se sont exprimés quant aux apprentissages qu'ils retirent de leur expérience.

(4)
(5)

V

Abstract

This research focuses on adolescents' adaptation when living with a parent who has mental illness. A first objective was to explore the positive and negative impacts of living with parental mental illness. A second objective was to examine their coping skills as well as their perception of the efficiency of theses coping skills. Qualitative method has been chosen to pursue these goals and relies on Lazarus and Folkman transactional stress theory. Five adolescents have been met in a semi-structured interview. They also filled a questionnaire on coping skills, the Kidcope. The themes were the social, scholar and familial functioning of these adolescents. They also discussed the parental mental illness, their perception of the impacts on their life and the learning they did through their experience.

(6)
(7)

VII

Remerciements

Avant tout, je tiens à remercier grandement les organismes que j'ai sollicités pour leur collaboration fantastique. Précisément, je souhaite remercier l'organisme Le Cercle Polaire pour leur intérêt et le prêt de locaux pour réaliser des entrevues. Ensuite, je souhaite remercier madame Renée Dufour, responsable du programme Santé mentale des familles du CSSS Québec-Nord, site CLSC Orléans pour son soutien et sa croyance au bien-fondé de cette étude. Rien n'aurait été possible sans votre participation dans ce projet stimulant.

Un grand merci à ma directrice, Myreille St-Onge pour ses commentaires avisés, sa grande disponibilité, sa patience et sa rigueur. Je souhaite aussi souligner son apport quant à l'importance de se pencher sur les aspects positifs de vivre avec un parent ayant un trouble mental.

Je souhaite ensuite remercier ma famille merveilleuse; mes parents, ma sœur, mon frère, ma marraine, mes grands-parents, qui, chacun à sa façon, ont été derrière moi tout au long de mes années d'étude. Merci aussi à mon amie et partenaire de rédaction, Sarah, qui m'a encouragée, motivée et avec qui j'ai partagé des moments de découragement comme de détermination. Finalement, je remercie du fond du cœur mon conjoint, Martin, qui a su me soutenir à travers cette épopée qu'est la rédaction d'un mémoire. Merci pour ta patience, ta compréhension et ta façon de faire du renforcement positif. Tes encouragements et la fierté que tu me portes ont été le moteur derrière mes derniers efforts. Je suis tellement choyée d'être aussi bien entourée. Merci à chacun d'entre vous.

(8)
(9)

IX

Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... V REMERCIEMENTS ... VII TABLE DES MATIÈRES ... IX TABLE DES ILLUSTRATIONS ... XIII

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1LA PERTINENCE SOCIALE DE L’OBJET D’ÉTUDE ... 5

1.2LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE DE L’OBJET D’ÉTUDE ... 7

CHAPITRE 2 : LA RECENSION DES ÉCRITS ... 9

2.1LES CARACTÉRISTIQUES DES PARENTS ... 9

2.1.1 Les aspects difficiles ... 9

2.1.2. Les aspects positifs ... 11

2.2LES FACTEURS DE RISQUE DE MALTRAITANCE ... 11

2.2.1 Les facteurs de risque liés au trouble mental ... 11

2.2.2 Les facteurs de risque individuels ... 13

2.2.3 Les facteurs de risque environnementaux ... 13

2.3CONSÉQUENCES ET DIFFICULTÉS POSSIBLES POUR LES ENFANTS ... 14

2.4LES FACTEURS DE PROTECTION POUR LES ENFANTS ... 16

2.4.1 Les facteurs environnementaux ... 17

2.4.2. Les facteurs individuels ... 18

2.5LES ASPECTS POSITIFS RELIÉS AU FAIT D'AVOIR UN PARENT AYANT UN TROUBLE MENTAL ... 19

2.6LES SERVICES OFFERTS ... 22

2.6.1 Les services offerts aux familles ... 23

2.6.2 Les services offerts aux parents ... 23

2.6.3 Les services offerts aux jeunes ... 24

2.7LIMITES DES CONNAISSANCES ... 25

2.8LES ACQUIS ET LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE ... 26

CHAPITRE 3 : LE CADRE THÉORIQUE ... 29

3.1LE MODÈLE TRANSACTIONNEL DU STRESS DE LAZARUS ET FOLKMAN ... 29

3.1.1 L’évaluation d’une situation ... 29

3.1.2 Le coping, les stratégies d’adaptation et l’adaptation ... 30

3.1.2.1 Le coping ... 30

3.1.2.2 Les stratégies d’adaptation ... 31

3.1.2.3 L’adaptation ... 32

(10)

X

3.3LA RÉSILIENCE ... 37

CHAPITRE 4 : LA MÉTHODOLOGIE ... 39

4.1L’APPROCHE PRIVILÉGIÉE ET LE TYPE DE RECHERCHE ... 39

4.2LA POPULATION À L’ÉTUDE ET L’ÉCHANTILLONNAGE ... 40

4.3TABLEAU D’OPÉRATIONNALISATION DES VARIABLES ... 41

4.4LE MODE DE COLLECTE DES DONNÉES ... 43

4.5LE PLAN D'ANALYSE DES DONNÉES ... 44

4.6L’ENTREVUE AVEC UN ADOLESCENT ... 45

4.7CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 46

CHAPITRE 5 : LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 49

5.1LES DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES ... 49

5.1.1 Le profil des répondantes ... 49

5.1.2 Le profil des familles des répondantes ... 50

5.2LES RELATIONS INTERPERSONNELLES DES PARTICIPANTES ... 50

5.2.1 Les relations amicales ... 50

5.2.2 Les relations amoureuses... 52

5.2.3 Les relations interpersonnelles avec le parent ayant un trouble mental ... 52

5.2.4 Les relations interpersonnelles avec les autres membres de la famille ... 54

5.2.4.1 Les relations avec l'autre parent ... 54

5.2.4.2 Les relations avec la fratrie ... 54

5.3LE TROUBLE MENTAL DU PARENT ... 55

5.3.1 La nature du trouble mental et les symptômes évoqués ... 55

5.3.2 La connaissance du trouble mental de leur mère ... 57

5.3.3 Le type de suivi psychosocial ... 58

5.3.4 L’obtention de renseignements sur le trouble mental de leur mère ... 59

5.3.5 Les réactions émotionnelles par rapport au trouble mental du parent ... 60

5.4LES IMPACTS DU TROUBLE MENTAL ... 62

5.4.1 Les aspects positifs pour la participante et la famille... 62

5.4.2 Les aspects difficiles pour les participantes et leur famille ... 63

5.5L'ADAPTATION DES PARTICIPANTES... 64

5.5.1 Les difficultés psychologiques des participantes ... 64

5.5.2 Le fonctionnement à l'école ... 65

5.5.3 Les loisirs et le travail ... 66

5.5.4 Les stratégies d'adaptation ... 66

5.5.4.1 Les stratégies adaptatives centrées sur l'émotion ... 69

5.5.4.2 Les stratégies adaptatives centrées sur le problème ... 72

5.5.5 Le bien-être des participantes ... 74

5.5.6 Les forces de la mère ayant un trouble mental selon les participantes ... 75

5.5.6.1 Les forces parentales de la mère ... 75

5.5.6.2 Les forces personnelles de la mère ... 76

5.5.7 Les apprentissages des participantes ... 76

5.5.8 Les conseils à donner à un autre jeune ... 77

CHAPITRE 6 : DISCUSSION ET PISTES D'INTERVENTIONS... 79

6.1LES IMPACTS DU TROUBLE MENTAL DE LA MÈRE SUR LEUR ADOLESCENTE ... 79

6.2LES STRATÉGIES D'ADAPTATION DES ADOLESCENTES ... 84

6.3LES LIMITES DE L'ÉTUDE ... 87

(11)

XI

CONCLUSION ... 93 REFERENCES ... 95 ANNEXE 1 ... 103 ANNEXE 2 ... 105 ANNEXE 3 ... 107 ANNEXE 4 ... 110 ANNEXE 5 ... 115

(12)
(13)

XIII

Table des illustrations

Tableau 1: Les indicateurs et les questions associées dans le canevas d'entrevue ... 42

Tableau 2: Les participantes appartenant à un groupe d'amis et capacité à se confier à

ceux-ci ... 51

Tableau 3: Les facteurs influençant les difficultés relationnelles et le nombre de

participantes exprimant une relation positive malgré tout ... 54

Tableau 4: Description par les participantes du trouble mental de leur mère et de leurs

manifestations ... 56

Tableau 5: Les suivis psychosociaux des participantes au fil du temps ... 59

Tableau 6: Connaissance du trouble mental, obtention d'information et aisance à parler du

trouble mental avec le parent atteint ... 60

Tableau 7: Difficultés psychologiques rapportées par les participantes ... 65

Tableau 8: Les stratégies d'adaptation selon la catégorie à laquelle elle appartient et le

numéro de l'énoncé associé dans le questionnaire ... 67

Tableau 9: La répartition des réponses au Kidcope des participantes selon la fréquence

d'utilisation des stratégies d'adaptation et leur perception d'efficacité de ces stratégies ... 68

Tableau 10: Les forces personnelles de la mère nommées par les participantes ... 76

Tableau 11: Conseils donnés par les participantes et stratégies d'adaptation pouvant y être

associés ... 85

(14)
(15)

1

Introduction

Être parent implique de remplir diverses responsabilités, tâches et engagements. Même les personnes les plus solides perçoivent le rôle de parent comme un défi. Certes, un défi intéressant qui comporte sa part de joie et de fierté mais aussi de préoccupations, de stress et d’angoisse. La parentalité peut être définie de multiples façons. Selon Oyserman, Mowbray, Meares et Firminger (2000), un bon parent doit offrir à son enfant de la chaleur, de l’éducation, de la structure, une supervision constante et bienveillante, adaptée à l’enfant et lui permettre un certain degré d’autonomie. Ces auteurs spécifient que les défis que rencontreront les parents sont liés aux particularités de l’enfant telles que son tempérament et son état de santé, son développement, au contexte social et culturel dans lequel évolue la famille et aux caractéristiques du parent. Plusieurs caractéristiques personnelles du parent peuvent affecter sa manière de remplir son rôle en tant que parent. Par exemple, lorsque que le fonctionnement quotidien des parents est altéré par les symptômes d’un trouble mental et que cette situation perdure dans le temps, l’accomplissement du rôle parental devient très difficile (Seifer, 1996). De plus, selon cet auteur, dans ces cas, la famille, en particulier les enfants, peu importe leur âge, sera autant affectée que la personne atteinte elle-même. Ce contexte familial peut donc avoir des conséquences sur divers plans pour les enfants. Néanmoins, malgré une tendance marquée dans les écrits scientifiques d’axer sur les conséquences néfastes associées à ce contexte, des aspects positifs peuvent en être retirés. C’est dans cette optique que s’inscrit cette recherche, portant sur l’adaptation des adolescents au fait de vivre dans un contexte familial où un parent est atteint d’un trouble mental. Ainsi, le premier objectif poursuivi dans le cadre de ce mémoire est de décrire les aspects difficiles mais aussi les aspects positifs reliés au fait de vivre avec un parent ayant un trouble mental. Le second objectif est de comprendre l’adaptation des adolescents au fait de vivre avec un parent ayant un trouble mental en explorant leurs stratégies adaptatives et leur perception d’efficacité de celles-ci.

Pour commencer, le premier chapitre de cet ouvrage traitera de la problématique, de la pertinence sociale et scientifique de s’intéresser à ce sujet. Ensuite, le second

(16)

2

chapitre exposera la recension des écrits, les caractéristiques des parents, les facteurs de risque pouvant mener à la maltraitance et les impacts possibles sur les enfants (conséquences et difficultés) seront présentés. Sous un angle plus positif, les facteurs de protection de l’enfant et les aspects positifs reliés au fait d’avoir un parent ayant un trouble mental seront par la suite décrits. Puis, les limites des études recensées seront exposées. Le troisième chapitre abordera le cadre théorique adopté par cette recherche. Cette section comporte une partie décrivant le modèle choisi dans le cadre de ce mémoire, soit le modèle transactionnel du stress de Lazarus et Folkman (1984). Ensuite, les concepts du stress et de résilience seront expliqués. Puis, le quatrième chapitre présentera la méthodologie qui a été utilisée pour la réalisation de cette recherche. Ensuite, viendra au chapitre cinq la présentation des résultats. L'analyse des données sera réalisée au chapitre six. Ce chapitre accueillera aussi les limites de la présente recherche ainsi que les pistes d'intervention suggérées. Finalement, la conclusion viendra résumer les grandes lignes de cette recherche.

(17)

3

Chapitre 1 : La problématique

D’entrée de jeu, il importe de définir ce qu’est un trouble mental. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2005), il est ardu de définir adéquatement ce qu’est un trouble mental puisque ce terme réfère à un ensemble de psychopathologies. Comme le mentionne assez justement le Comité de la santé mentale au Québec (1985), ce qui permet de départager santé mentale et trouble mental n’est pas situé chez l’individu seul mais résulte de l’interaction entre cet individu et son milieu. Le Comité insiste sur la relativité des signes et des critères pour diagnostiquer un trouble mental. La définition du trouble mental varie selon « le contexte social, culturel, économique et juridique des différentes sociétés » (OMS, 2005, p.22). Les ouvrages cliniques internationaux préféreraient le terme « trouble mental » à « maladie mentale », ce dernier terme référant davantage au modèle médical (OMS, 2005). C’est pourquoi le terme « trouble mental » sera utilisé au long de ce mémoire. Selon Santé Canada (2006), le trouble mental affecte sérieusement le fonctionnement de la personne durant une longue période. Tout dépendant du trouble en cause, les impacts pourront se situer sur plusieurs ordres (Santé Canada, 2006). En effet, le raisonnement de la personne peut être modifié, son humeur peut être altérée ainsi que son comportement (Santé Canada, 2006). Si l'on se rapporte au Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV) (2000), les troubles mentaux regroupent plusieurs troubles tels que les troubles de la personnalité, les troubles affectifs, les troubles anxieux, les troubles alimentaires, la schizophrénie, les troubles liés à une substance et les troubles de l'alimentation, par exemple.

Santé Canada (2006) estime que 20% des Canadiens seront personnellement affectés par un trouble mental au cours de leur vie. Il s'agit d'une estimation car il est difficile d’établir avec précision le nombre de personnes affectées par un trouble mental. En effet, plusieurs personnes atteintes ne consulteront jamais de professionnels de la santé à ce sujet. Selon une enquête menée par Statistique Canada en 2003, seulement 32% des personnes ayant déclaré avoir des sentiments ou des symptômes associés à un trouble mental ou de dépendance à une substance, ont rapporté avoir consulté un

(18)

4

professionnel de la santé, en personne ou par téléphone, dans les 12 mois précédant l’enquête.

De plus, une étude de Nicholson, Biebel, Hinden, Henry et Stier (2001) rapporte qu'aux États-Unis, près de 31% des femmes et 17% des hommes ont un trouble psychiatrique. De ce nombre, ils ont observé que 65% de ces femmes et 52% de ces hommes étaient parents. En Australie, Maybery, Reupert, Patrick, Goodyear et Crase (2005) ont estimé que de 21 à 23 % des enfants vivraient dans une maison où au moins l’un des parents a un trouble mental. En comparaison, au Canada, l'étude de Bassani, Padoin, Philipp et Veldhuizen (2009) a trouvé que 12,1% des enfants de 12 ans et moins vivraient dans un foyer où le répondant rencontrait, dans les 12 mois précédant l'étude, les critères associés à un trouble de l'humeur, un trouble anxieux ou un trouble d'abus de substance.

Ensuite, une étude réalisée par Laporte (2007), auprès de 68 intervenants du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire, a permis de constater que parmi les 1030 enfants suivis par ces intervenants, 39% d’entre eux avaient au moins un parent ayant un trouble mental. Ce chiffre n’est pas représentatif de la population en général, toutefois, le fait de voir que ces enfants représentent une importante proportion de la clientèle en Centres Jeunesse permet de constater toute l’ampleur de la problématique et la nécessité, en service social, de développer les connaissances à ce sujet afin d’intervenir pour prévenir et limiter les impacts négatifs sur les enfants.

Ainsi, à la lumière de ces informations, il est possible de penser qu'un nombre assez important d'enfants vivent avec un parent ayant un trouble mental. Toutefois, il n'existe, à ma connaissance, aucune donnée sur le nombre d'adolescents vivant avec un parent ayant un trouble mental, au Canada. En effet, les seules données trouvées concernaient les enfants de 12 ans et moins. De plus, on peut penser que plusieurs parents ne consultent pas de professionnels en lien avec leur trouble mental. Dans ces situations, il est impossible de connaître le nombre de jeunes qui vivent cette réalité et la manière dont ils la vivent. Des écrits sur la résilience nous apprennent que certains enfants se développeront normalement tandis que d’autres vivront des difficultés à

(19)

5

différents degrés inhérentes à ces conditions de vie. Dans le but de diminuer la stigmatisation que vivent ces parents et leurs enfants, il est important de comprendre mieux les effets du trouble mental du parent sur son enfant et de considérer à la fois les aspects positifs et négatifs pouvant en résulter. Il est possible de penser que la réduction de la stigmatisation au sein de la population rendra les parents et les enfants vivant dans ce contexte plus à l’aise d’aller chercher de l’aide.

1.1 La pertinence sociale de l’objet d’étude

Tout d’abord, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, on assiste au Québec à une transformation dans la gestion du système public de la part de l’État. En effet, avec la Révolution tranquille apparaît l’État-Providence (Gouvernement du Québec, 1997). L’après-guerre, période entre 1945 et 1975, est surnommée « Les trente glorieuses » puisqu’elle est caractérisée par des changements importants aux plans économique et social. En ce qui a trait au secteur de la santé et des services sociaux, l’État investit désormais dans un système plus laïc et plus centralisé qui offre davantage de services qu’auparavant (Gouvernement du Québec, 1997). Cependant, on constate rapidement que les dépenses dans le système public sont plus importantes que ce que l’État peut assumer. L’État-Providence entre en crise dans les années 1980. Les gestionnaires de l’État tentent alors de couper dans plusieurs secteurs dont la sécurité du revenu, l’éducation et celui de la santé et des services sociaux (Gouvernement du Québec, 1997). En santé mentale, la désinstitutionalisation est de mise. Plusieurs explications sous-tendent ce phénomène, dont des motifs budgétaires, l’amélioration des traitements pharmaceutiques ainsi que la croyance au potentiel de soutien des communautés ; tendance qui se manifeste par une réduction du nombre d’hospitalisations et de leur durée (Gouvernement du Québec, 1997). Selon Boily, Lew et Morisette (1997), conséquemment à la désinstitutionalisation, la personne recevant son congé de l’hôpital a plus de risque d’être toujours dans un état précaire et fragile lorsqu’elle retrouve son domicile. Dans ce contexte, il est beaucoup plus probable que le parent ayant un trouble mental soit dans son milieu naturel lors de périodes de crises en lien avec le trouble mental (Boily, et al, 1997; Lew et Boily, 1998). Ainsi, les proches, dont principalement les jeunes vivant avec

(20)

6

ces parents, ont davantage de risque d’être exposés à ces périodes qui peuvent être très difficiles à vivre (Boily, et al, 1997).

Puis, en 1998, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) publie le Plan d’action sur la transformation des services de santé mentale où il nomme le besoin des mères ayant un trouble mental de recevoir l’aide appropriée à leurs besoins et souligne l’importance du soutien aux familles. Ensuite, en 2005, le MSSS publie le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 où l’un des constats mis de l’avant est le fait que « les personnes ayant un trouble mental et leurs proches sont de plus en plus associés à la planification et à l’organisation des services, […]. Toutefois, cette implication apparaît encore inégale selon les régions et les organisations. » (MSSS, 2005, p.9). Le MSSS a alors réitéré son objectif de soutenir davantage les proches, dont les enfants ayant un parent ayant un trouble mental. Toutefois, tel que soulevé par Boily, St-Onge et Toutant (2006), l’aspect de la parentalité des personnes ayant un trouble mental n’est que peu traité dans ces rapports gouvernementaux.

De plus, selon une étude menée par Carrière, Clément, Tétreault, et al. (2010) auprès de 144 personnes regroupant à la fois des personnes ayant un trouble mental, des conjoints, des enfants et des intervenants, les services dispensés actuellement en lien avec le trouble mental d’une personne n’incluent pas suffisamment la famille. En effet, ces auteures soulignent que les parents ayant un trouble mental se sentent souvent évalués dans leurs compétences parentales de la part des intervenants psychosociaux auprès desquels ils sollicitent de l’aide. Les conjoints interrogés ont mentionné, entre autres, avoir besoin d’être informés et inclus dans le processus thérapeutique. Le point de vue des jeunes sur leur propre réalité a été peu mis en évidence au cours de cette étude. Il est donc pertinent de se pencher sur l’expérience des jeunes vivant dans ce contexte.

Ensuite, les services offerts en Centres de santé et de services sociaux (CSSS) aux adultes sont généralement séparés de ceux offerts aux enfants (Carrière et al, 2010). Dans cette perspective, le parent ayant un trouble mental bénéficiera d’un suivi individuel avec un professionnel sans que ce soutien ne soit offert de façon systématique aux enfants. Cependant, les enfants de ces parents peuvent vivre plusieurs difficultés

(21)

7

associées à cette problématique et plusieurs auront besoin d’un suivi psychosocial afin d’obtenir de l’information, de ventiler leurs émotions, de comprendre le trouble mental de leur parent, de ne pas se culpabiliser, etc. (Pretis & Dimova, 2008). Ces auteurs expliquent que de recevoir de l’information permet de mieux prédire les comportements du parent. Un jeune ayant de la difficulté à prédire les comportements du parent aura tendance à ressentir de la peur, à voir l’impression que la situation est sans issue, à se sentir désorienté ou coupable (Pretis & Dimova, 2008). Ces auteurs affirment que même les enfants en bas âge devraient recevoir de l’information sur le trouble de leur parent, adapté à leur âge. Il semble que de leur fournir de l’information serait un facteur qui aiderait les jeunes à garder une meilleure santé mentale. De plus, si ces jeunes rencontrent un intervenant en raison de difficultés comportementales ou relationnelles, par exemple, cela pourra prendre un certain temps à cet intervenant à établir un lien avec le trouble mental du parent. Ainsi, il est important que les intervenants considèrent les jeunes à travers du contexte familial la problématique des parents pour leur offrir rapidement des services afin de leur permettre de s’adapter le mieux possible à cette situation.

Par ailleurs, il est possible de penser que grâce à certains facteurs de protection et à de bonnes stratégies d’adaptation, les jeunes vivant avec un parent ayant un trouble mental pourront s’adapter de manière optimale malgré des situations environnementales adverses. Certains jeunes auront naturellement une meilleure disposition à s’adapter à la situation. Toutefois, en développant les connaissances sur les stratégies d’adaptation, il pourrait être possible de transposer ces connaissances en intervention afin de permettre aux jeunes ayant davantage de difficultés d’adaptation à mettre en œuvre des stratégies d’adaptation efficaces. C’est ainsi que se justifie la pertinence sociale de ce mémoire.

1.2 La pertinence scientifique de l’objet d’étude

Les effets néfastes sur un jeune de vivre avec un parent ayant un trouble mental ont été assez bien investigués au sein de la communauté scientifique. Les impacts négatifs possibles aux plans social, scolaire et comportemental, par exemple, ont été bien documentés. Toutefois, la réalité subjective, les aspects positifs et l’adaptation des enfants et des adolescents dans ce contexte restent des sujets sur lesquels peu d’études se sont intéressées. Glatstone, Boydell et McKeever (2006) affirment qu’il serait important que les

(22)

8

chercheurs se penchent sur le point de vue des enfants. Ils considèrent que ces derniers sont capables de s’exprimer et de raconter leur expérience. Ce sont eux qui doivent indiquer quelle est leur perception et leur expérience avec un parent ayant un trouble mental. Dans le même sens, Darbyshire, Oster et Carrig (2001) affirment que le point de vue des enfants est trop rarement présenté dans les écrits scientifiques. En effet, ces auteurs soutiennent que les enfants sont souvent perçus comme étant vulnérables, immatures et innocents. Ces auteurs croient que les enfants ne devraient pas être vus uniquement comme des victimes du problème de leur parent mais être perçus comme des participants actifs à leur vie familiale. Ils affirment qu’il est essentiel de comprendre leurs perceptions et expériences afin de fournir des services qui refléteront avec justesse leurs besoins. Il semble donc impératif que les recherches futures apportent une lumière sur le sujet en gardant un point de vue équilibré, c’est-à-dire ne pas tenter de soulever que les aspects négatifs de cette situation, mais en faisant ressortir également les aspects positifs. Il importe que les intervenants et les chercheurs aient une vision globale en ayant aussi en tête les acquis et les forces dont peuvent faire preuve ces jeunes.

Ainsi, le nombre d’adolescents vivant avec un parent ayant un trouble mental au Canada reste indéterminé. On peut penser que ce nombre est assez important. En effet, nombreux sont les adultes en âge d’avoir des enfants qui composeront avec un trouble mental dans leur vie. Toutefois, plusieurs ne consultent pas de professionnels de la santé à cet égard. De plus, les proches de personnes ayant un trouble mental trouvent que le soutien fourni aux patients et aux familles n’est pas suffisant. Il est primordial de tenir compte des enfants et des adolescents et de leur fournir des services adaptés car ils sont vulnérables en raison de leur âge et de leur dépendance vis-à-vis des parents. De surcroît, il semble que le développement des stratégies d’adaptation et le fait de recevoir de l’information sur le trouble mental du parent pourrait favoriser l’adaptation des adolescents confrontés à cette situation de vie. La recherche permettant d’améliorer les connaissances en ce sens est donc très importante.

(23)

9

Chapitre 2 : La recension des écrits

La présente recension des écrits scientifiques vise à permettre de mieux comprendre la réalité dans laquelle se trouvent les parents ayant un trouble mental ainsi que celle de leurs enfants. Ainsi, les caractéristiques de ces parents seront présentées. Ces caractéristiques varient évidemment selon plusieurs facteurs, tels que le type de trouble mental, la personnalité du parent, etc. Les facteurs de risque, qui viennent aussi jouer un rôle important auprès de ces parents, seront ensuite exposés. Puis, sous l’angle des enfants, les difficultés vécues par ceux-ci en lien avec la problématique de leur parent, les facteurs de protection ainsi que les stratégies d’adaptation mises en œuvre par ces enfants seront présentées. Il sera ensuite question des services offerts aux parents et aux adolescents à Québec. Finalement, les limites inhérentes aux études consultées seront exposées.

2.1 Les caractéristiques des parents

Pour commencer, les parents ayant des troubles mentaux peuvent présenter certaines caractéristiques liées à leur trouble mental qui rendent difficile l'accomplissement de leur rôle parental. Ces aspects seront présentés dans le paragraphe qui suit. En contrepartie, en cohérence avec l'objectif de ce mémoire, un second paragraphe expose les écrits scientifiques se rapportant aux aspects positifs de la parentalité des gens ayant des troubles mentaux.

2.1.1 Les aspects difficiles

Tout d’abord, les parents ayant un trouble mental doivent souvent composer avec des difficultés supplémentaires comparativement aux parents qui n’ont pas un tel trouble. Cela rend plus difficile l’accomplissement de leur rôle parental et peut, dans certains cas, malheureusement les mener vers de la maltraitance (Nicholson et Henry, 2003; Nicholson, Sweeney et Geller, 1998). En effet, on rapporte que les parents ayant des troubles mentaux ont souvent des problèmes d’irritabilité qui traduisent la détresse

(24)

10

qu’ils vivent (Duncan et Reder, 2000; Margison; 1990; Rutter et Quinton, 1984). Ces parents peuvent présenter une humeur difficile pour l’enfant. Notamment, il est rapporté qu’ils peuvent être apathiques, impulsifs, colériques ou agressifs, tristes et avoir une humeur très instable (Boily et al, 2006; Duncan et Reder, 2000; Lew et Boily, 1999; Lyons-Ruth, Wolfe et Lyubchnik, 2000; Margison, 1990; Rutter et Quinton, 1984). De plus, les parents ayant un trouble mental ont souvent un plus faible degré d’énergie, de la difficulté sur le plan de la concentration et de la mémoire (Boily et al, 2006; Lyons-Ruth et al, 2000; Nicholson et Henry, 2003). Il est aussi rapporté que ces parents peuvent avoir tendance à instaurer des limites rigides à leur enfant (Duncan et Reder, 2000). Les difficultés de l’humeur (Duncan et Reder, 2000; Lyons-Ruth et al, 2000; Margison, 1990) et la rigidité des limites (Duncan et Reder, 2000) augmenteraient le risque que ces parents soient violents envers leurs enfants. D’un autre côté, une étude menée par Ackerson (2003) auprès de 13 parents ayant un trouble mental, a relevé que la plupart des parents interrogés disaient avoir tendance à être plus permissifs que restrictifs dans leur manière d’élever leur enfant. À ce sujet, une étude de Oyserman, Bybee et Mowbray (2002) menée auprès de 70 mères ayant un trouble mental et leurs adolescents a soulevé que les adolescents dont les mères avaient un style parental plus permissif avaient davantage de symptômes dépressifs et anxieux. À l’inverse, le style parental positif, mais directif était associé à moins de symptômes dépressifs chez les adolescents.

Les parents atteints d’un trouble mental sont plus à risque de vivre plusieurs difficultés associées à leur condition qui peuvent nuire à l’accomplissement des activités de la vie quotidienne (Nicholson et Henry, 2003; Nicholson et al, 1998). En effet, ces parents éprouvent des difficultés sur le plan de l’organisation et ont de la difficulté à instaurer une routine de vie stable (Boily et al, 2006; Lyons-Ruth et al, 2000; Margison, 1990; Nicholson et Henry, 2003; Nicholson et al, 1998). De plus, les parents interrogés rapportent avoir de la difficulté à s’occuper d’un budget, des tâches ménagères et à élever leurs enfants (Nicholson et Henry, 2003; Nicholson et al, 1998). Dans le même sens, les parents rapportent qu’ils trouvent difficile de s’occuper d’eux-mêmes ; cela pourrait les rendre moins disponibles physiquement ou émotionnellement pour leur enfant (Duncan et Reder, 2000; Nicholson et Henry, 2003).

(25)

11

2.1.2. Les aspects positifs

Malgré la possibilité de vivre des difficultés dans l'accomplissement du rôle parental, il importe de souligner aussi les aspects positifs reliés à la parentalité chez les personnes ayant un trouble mental. En effet, les parents interrogés dans l’étude de Ackerson (2003) percevaient avoir un lien étroit et fort avec leurs enfants et que la relation qu’ils entretiennent avec eux est saine et bénéfique. Dans le même sens, une étude de Mowbray, Oyserman et Bybee (2000) menée auprès de 379 mères ayant un trouble mental, a soulevé que pour presque toutes les participantes, la parentalité est perçue comme étant une source d’émotions positives, de soutien émotionnel. Plus de 90% des femmes interrogées par Mowbray et al. (2000) décrivent la parentalité comme étant le fait de prendre soin de leur enfant, de le soutenir et que cela leur apporte des bénéfices personnels. Aussi, environ 75% de ces femmes ont décrit la parentalité comme étant un important rôle social.

2.2 Les facteurs de risque de maltraitance

Les facteurs de risque sont des éléments individuels ou environnementaux reliés à une augmentation de la probabilité d'inadaptation sociale (Vitaro et Gagnon, 2000). Ces deux types de facteurs de risque, soit individuels et environnementaux, liés au risque d'être maltraitant envers son enfant seront présentés. Les facteurs de risque individuels peuvent être séparés en deux catégories soit les facteurs qui sont liés au trouble mental du parent et les facteurs liés aux caractéristiques personnelles du parent. La première catégorie renvoie davantage aux symptômes inhérents au trouble mental qui peuvent dans certains cas nuire à l'accomplissement d'un rôle parental adéquat. La deuxième catégorie se rapporte aux facteurs de risque qui, conjointement avec le trouble mental accentuent le risque de mener vers la maltraitance.

2.2.1 Les facteurs de risque liés au trouble mental

Plusieurs facteurs sont rapportés dans les écrits scientifiques comme étant des facteurs de risque pour les parents d’être maltraitants envers leur enfant. Le trouble mental et les symptômes associés peuvent mener le parent à adopter des

(26)

12

comportements qui nuiraient à la sécurité et au développement de son enfant. Effectivement, les symptômes associés à la dépression et au trouble obsessionnel-compulsif notamment, peuvent mener un parent vers la maltraitance (Chaffin, Kelleher et Hollenberg, 1996). Ces auteurs ont utilisé les données du sondage du National Institute for Mental Health’s Epidemiologic Catchment Area qui comporte deux prises de mesures à un an d’intervalle. Des entrevues structurées ont été menées et visaient à collecter l’information concernant les données sociodémographiques des répondants, leur utilisation du système de santé, leurs symptômes psychiatriques et leur fonctionnement évalué par le questionnaire Diagnostic Interview Schedule. Une section de ce questionnaire comportait des questions sur les comportements abusifs ou négligents. À partir de la première prise de mesure, ils ont identifié 7 103 parents qui n’avaient pas rapporté d’abus physique ou de négligence sur leur enfant. Ils ont suivi ces parents sur une période d’un an, afin de déterminer ceux qui étaient devenus négligents ou violents physiquement à l’endroit de leur enfant. Lors de la deuxième prise de mesure, ils ont trouvé que 4% des parents dépressifs en sont venus à abuser physiquement de leur enfant et ce, en contrôlant le facteur de l’abus de substance et les facteurs sociaux tels que l’âge, le statut marital et le niveau d’éducation. Selon Chaffin et al. (1996), les parents ayant une dépression seraient 3,45 fois plus à risque d’abuser physiquement de leur enfant que les parents non-dépressifs (Chaffin et al, 1996). Les auteurs expliquent ce résultat par l’irritabilité comme symptôme associé à la dépression ainsi que par le désespoir ressenti par ces parents en interaction avec les stresseurs qu’ils vivent et qui peuvent prendre des proportions importantes. Ensuite, le trouble obsessionnel-compulsif a été indiqué par ces auteurs comme étant associé à un plus grand risque d’être négligent envers son enfant. Chaffin et al. (1996) ont expliqué ce résultat par les rituels compulsifs qui pourraient nuire aux responsabilités liées au rôle parental. D’un autre côté, les parents ayant un trouble obsessionnel-compulsif ont tendance à être méticuleux et à douter d’eux, ce qui pourrait expliquer une surestimation du risque de négligence. Chaffin et al. (1996) mentionnent n’avoir trouvé aucun lien entre la schizophrénie et un quelconque type de maltraitance. Des 30 parents suivis ayant un trouble schizophrénique, aucun nouveau cas de négligence ou d’abus n’a été auto-rapporté au cours de l’année. Toutefois, les auteurs précisent qu’il était impossible pour eux de savoir combien d’entre eux étaient en charge de leur enfant durant cette période,

(27)

13

le critère d’inclusion étant d’être parent; cela ne tenait pas compte si le parent avait la garde ou quel âge avait les enfants. De plus, les mesures étant auto-rapportées, il est important de considérer la possibilité d’un biais lié à la désirabilité sociale.

2.2.2 Les facteurs de risque individuels

Sur le plan individuel, le fait d’être un jeune parent ayant un trouble mental semble être lié au risque d’abuser physiquement ou d’être négligent envers son enfant (Chaffin et al, 1996). En effet, il est possible de penser que le jeune âge du parent, en concomitance avec d’autres facteurs, rend difficile l’accomplissement adéquat du rôle parental. En effet, les jeunes parents peuvent avoir cessé leurs études, travailler à un faible salaire et se retrouver en situation de monoparentalité. Ces facteurs créent un contexte de stress et de tension qui peut mener vers la maltraitance.

Puis, les parents ayant un problème d’abus de substance, en plus d'avoir un problème de santé mentale, seraient aussi plus à risque d’être maltraitants envers leur enfant (Chaffin et al, 1996; Kelleher, Chaffin, Hollenberg & Fischer, 1994; Werner, 2005; Wolock, Sherman, Feldman et Metzger, 2001). Effectivement, selon Kelleher et al. (1996), 43 % des parents ayant abusé physiquement de leur enfant et 51% de ceux ayant négligé leur enfant avaient un problème d’abus de substance en plus d’un trouble mental. Selon Chaffin et al. (1996), le risque pour un parent ayant un trouble mental d’abuser physiquement ou d’être négligent envers son enfant est trois fois plus élevé lorsque celui-ci a un problème d’abus de substance.

2.2.3 Les facteurs de risque environnementaux

Les problèmes financiers et le fait d’avoir un faible statut socio-économique constituerait une source de stress qui serait un important facteur de risque (Boily et al, 2006; Kinsella et al, 1996; Kurtz, Gaudin, Howing et Wodarski 1993; Rutter et Quinton, 1984; Seifer, 1996; Wolock et al, 2001). Également, le fait de vivre dans un quartier pauvre (Boily et al, 2006; Lew et Boily, 1999; Nicholson et al, 2003; Seifer, 1996) et de vivre de l'isolement social (Bassett, Lampe et Lloyd, 1999; Kinsella et al, 1996; Rogosch, Mowbray & Bogat, 1992) sont mentionnés comme des facteurs de risque. Les mères

(28)

14

interrogées dans le cadre de l’étude qualitative de Bassett et al. (1999) affirment que l’isolement est d’autant plus difficile à vivre lorsqu’elles passent leurs journées entières avec leur enfant. Une femme de cette étude mentionnait que parfois, les fins de semaines étaient difficiles et paraissaient très longues. Une autre mère affirmait que depuis la naissance de sa fille un an et demi avant l’étude, elle n’avait eu que quelques heures de répit lorsque sa fille se faisait garder par sa grand-mère. Les mères souhaitaient avoir des services d’aide à ce sujet. Rogosch et al. (1992) expliquent que les mères ayant un bon réseau social ont une meilleure perception d’elles-mêmes et ont une plus grande sensibilité à leur rôle parental. En ce sens, Boily et al. (2006) croient que le fait d’avoir un bon réseau peut permettre à ces parents de discuter des difficultés qu’ils vivent et ainsi de réduire le stress et la tension qu’ils expérimentent.

Ensuite, sur le plan familial, trois éléments sont retrouvés dans les écrits scientifiques comme étant des facteurs de risque d'être maltraitants envers son enfant pour les parents ayant un trouble mental. Tout d'abord, certains auteurs indiquent que la monoparentalité chez les parents ayant un trouble mental serait un facteur de risque d’être négligent envers son enfant (Chaffin et al, 1996; Seifer, 1996; Wolock et al, 2001). Ensuite, toujours au plan familial, les conflits conjugaux et familiaux (Kinsella et al, 1996) et le nombre de personnes dans le foyer sont aussi rapportés comme étant des facteurs de risque. En effet, plus il y aurait de membres habitant dans le même domicile, plus le risque que le jeune soit victime de maltraitance augmenterait (Boily et al, 2006; Chaffin et al, 1996). Ces facteurs emmènent un stress supplémentaire pour le parent qui peut augmenter le risque d'être négligent.

2.3 Conséquences et difficultés possibles pour les enfants

Les enfants dont un parent a un trouble mental rapportent souvent des craintes, de la peur, de l’anxiété ou des sentiments dépressifs liés aux conséquences du trouble de leur parent (Boily et al, 2006; Duncan et Reder, 2000; Lew et Boily, 1999; Lyons-Ruth et al, 2000; Walsh, Schofield, Harris, et al, 2009). L'étude de Abraham et Stein (2010) a trouvé que les jeunes adultes dont la mère a un trouble mental ont davantage de symptômes associés à des troubles mentaux, souffrent plus de solitude et ont un degré de bien-être moins élevé que les jeunes adultes dont les parents ne présentent pas de

(29)

15

trouble mental. Les jeunes dont un parent a un trouble mental démontreraient, en général, moins de confiance dans leur relation avec leur parent (Walsh et al, 2009) et auraient davantage un type d’attachement insécure (Boily et al, 2006; Cunningham, Harris, Vostanis, Oyebode et Blissett, 2004; Laporte, 2007; Walsh et al, 2009). De plus, les enfants dont un parent a un trouble mental rapportent manquer d’information sur le trouble de leur parent (Côté, 2004; Kinsella et al, 1996; Lew et Boily, 1999; Pölkki, Ervast et Huupponen (2004); Pretis et Dimova, 2008). Selon Côté (2004), 8 enfants d’âge adulte dont un parent a un trouble mental sur les 11 qu’elle a interrogés n’avaient reçu aucune information sur ce que vivait son parent. Les trois autres avaient eu de l'information par la famille proche ou élargie. Aucun enfant n’avait été rencontré par un intervenant afin de lui expliquer la situation.

Ensuite, les écrits scientifiques rapportent que les enfants dont un parent est atteint d’un trouble mental ont plus de difficulté au plan scolaire et sont plus à risque d’échecs dans leurs études (Garley, Gallop, Johnston et Pipitone, 1997; Mordoch et Hall, 2008; Radke-Yarrow et Brown, 1993). Cependant, une étude menée auprès de 477 dyades de mères et d’enfants, n’a pas trouvé de lien entre le fait d’avoir une mère dépressive et le risque accru d’éprouver des difficultés scolaires chez les enfants (Leschield, Chiodo, Whitehead et Hurley, 2005). Leurs résultats n’ont pas confirmé l’hypothèse que les enfants de mères dépressives seraient plus à risque d’échouer une année scolaire, d’être souvent absents ou d’être plus souvent renvoyés de l’école (Leschield et al, 2005).

Puis, les enfants dont un parent est atteint d’un trouble mental sont plus à risque d’avoir des problèmes de socialisation, de souffrir de stigmatisation par rapport à la condition de leur parent et de manquer de soutien social (Boily et al, 2006; DeChillo et al, 1987; Kurtz et al, 1993; Lew et Boily, 1999; Radke-Yarrow et Brown, 1993; Wolock et al, 2001). De plus, ils auraient tendance à avoir davantage de problèmes de comportement ou encore de délinquance (Cunningham et al, 2004; DeChillo et al, 1987; Kurtz et al, 1993; Radke-Yarrow et Brown, 1993; Rutter et Quinton, 1984; Werner, 2005). Quelques auteurs rapportent que ces enfants sont à risque de développer des troubles émotionnels (Rutter et Quinton, 1984; Cunningham et al, 2004). Par exemple, Rutter et

(30)

16

Quinton (1984) ont mené une étude longitudinale sur une période de 4 ans auprès de 137 familles dont le parent avait récemment reçu un diagnostic de trouble mental. Les troubles émotionnels et mentaux chez les enfants ont été mesurés grâce à un questionnaire, le Child Scale B de Rutter (1967). À la lecture de ce questionnaire, exposé dans l’article de Rutter (1967), les signes des troubles émotionnels font référence à l’irritabilité de l’enfant, son degré d’agitation, sa crainte de nouvelles situations, alors que les troubles comportementaux font davantage référence aux énoncés traitant des comportements anxieux (se ronger les ongles, sucer son pouce), d’absentéisme scolaire et de bagarres dans lesquelles l’enfant se retrouve impliqué. Ces auteurs ont trouvé que les troubles émotionnels et comportementaux persistants dans le temps étaient deux fois plus fréquents chez les garçons et chez les filles dont un parent avait un trouble mental comparativement au groupe contrôle. Par contre, chez les groupes contrôles et les groupes cibles, on note une hausse du taux de troubles émotionnels et comportementaux lorsque les familles présentent plusieurs facteurs de risque. Ces problèmes ne sont donc pas exclusivement liés au trouble mental du parent, mais aussi à l’exposition à d’autres facteurs de risque (Rutter et Quinton, 1984). Ainsi, on peut penser qu’en réduisant les facteurs de risque et en augmentant les facteurs de protection on pourrait réduire les conséquences négatives que peuvent expérimenter ces enfants.

Finalement, une différence entre les garçons et les filles est remarquée quant à l’impact d’avoir un parent ayant un trouble mental. En effet, il semblerait que les garçons développent, à l’enfance et à l’adolescence, des problèmes d’apprentissage, de comportements et des symptômes extériorisés comme des comportements délinquants alors que les filles développeraient davantage de symptômes intériorisés tels que la dépression, vers la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte (Werner, 2005).

2.4 Les facteurs de protection pour les enfants

Un facteur de protection est un facteur individuel ou environnemental permettant la réduction de la probabilité d'inadaptation psychosociale lorsqu'un individu est confronté à un facteur de risque ou encore de vulnérabilité (Vitaro et Gagnon, 2000). Les deux types de facteurs de protection pouvant favoriser une meilleure adaptation chez

(31)

17

l'enfant malgré le trouble mental du parent seront présentés dans les paragraphes suivants.

2.4.1 Les facteurs environnementaux

Tel que mentionné précédemment, les enfants vivant auprès de parents ayant un trouble mental peuvent développer divers problèmes. Cependant, il existe des facteurs de protection pour ces enfants, modulant l’impact du trouble mental et des conséquences y étant rattachées. Pour commencer, sur le plan environnemental, les auteurs s’entendent en général pour affirmer que le soutien social constitue un facteur de protection très important pour les enfants dont un parent a un trouble mental (Fonagy, Steele, Steele, Higgitt et Target, 1994; Lew et Boily, 1999; Radke-Yarrow et Brown, 1993; Werner, 1992; 2005). Particulièrement, l’importance d’une personne significative dans l’environnement de l’enfant est un facteur extrêmement important (Boily et al, 2006; Houshyyar et Kauffman, 2005; Kinsella et al, 1996; Lazarus et Folkman, 1984; Lecomte, 2004; Lew et Boily, 1999; Manciaux et al, 2001; Radke-Yarrow et Brown, 1993; Werner, 1992; Zimrin, 1986). Selon Houshyyar et Kauffman (2005), le fait pour un enfant d’avoir des liens solides avec un adulte de l’entourage réduirait le risque d’avoir des problèmes de comportement, favoriserait une plus longue scolarité et une meilleure stabilité dans ses relations futures. De plus, les auteurs de cette étude soulignent que cela permettrait de minimiser les changements neurobiologiques et les séquelles négatives associées à la maltraitance chez les enfants. Puis, Werner (1992, 2005) a soulevé que le fait d’avoir un bon lien d’attachement avec son parent durant les premières années de la vie de l’enfant constitue un facteur de protection. D’autre part, le fait d’être placé en famille d’accueil peut aussi être un facteur de protection si l’enfant est intégré dans une famille protectrice contre l’exposition à des comportements potentiellement dangereux ou traumatisants de son parent; l’expérience positive de placement permettrait d’amoindrir les contrecoups de la situation familiale anxiogène sur l’enfant (Lew et Boily, 1999).

(32)

18

2.4.2. Les facteurs individuels

Ensuite, sur le plan individuel, on retrouve dans les écrits scientifiques que les enfants qui s’en sortent mieux ont un plus haut quotient intellectuel (Fonagy, et al, 1994; Radke-Yarrow et Brown, 1993; Werner, 1992). De même, plusieurs auteurs rapportent aussi que les enfants ayant un bon tempérament s’en sortent généralement mieux (Boily et al, 2006; Werner, 1992; 2005). Avoir une bonne estime de soi consiste aussi, pour ces enfants, en un facteur de protection (Boily et al, 2006; Fonagy et al, 1994; Manciaux, Vanistendael, Lecomte et Cyrulnik, 2001; Zimrin, 1986). Il est rapporté que le fait d’avoir de bonnes habiletés à la communication (Werner, 2005), ou un bon sens de l’humour (Manciaux, 2001) est lié à une plus grande probabilité d’être résilients pour les enfants. Quelques auteurs ont aussi soulevé l’autonomie comme étant un facteur de protection (Werner, 1992; 2005; Fonagy et al, 1994). En effet, l’autonomie serait liée chez les garçons à l’exposition d’un moins grand nombre d’événements stressants. On peut penser que des garçons très autonomes percevront une situation donnée comme étant moins stressante que des garçons plus dépendants. Chez les filles comme chez les garçons, l’autonomie serait aussi liée à un nombre moins élevé de problèmes de santé, ainsi qu’à moins de problèmes d’adaptation à l’âge adulte (Werner, 2005). Puis, le fait de bien réussir ses études constitue un facteur de protection qui a été relevé par quelques auteurs (Boily et al, 2006; Radke-Yarrow et Brown, 1993, Werner, 1992; 2005). En effet, la réussite scolaire entraînerait un meilleur sentiment d’auto-efficacité ainsi qu’un plus grand réseau de soutien composé de pairs et de professeurs (Werner, 1995).

Finalement, le fait d’utiliser de « bonnes » stratégies d’adaptation serait un facteur de protection contre l’adversité chez les enfants dont les parents ont un trouble mental (Fonagy et al, 1994). Les stratégies d’adaptation seront abordées plus loin, au chapitre trois.

(33)

19

2.5 Les aspects positifs reliés au fait d'avoir un parent ayant un trouble

mental

Malgré les risques pour les enfants de parents ayant un trouble mental d’être victimes de négligence, certains auteurs ont tenté de faire la part des choses en mettant en lumière des aspects positifs qui peuvent en être retirés.

Tout d’abord, une étude de Dunn (1993), menée aux États-Unis auprès de 9 adultes ayant vécu avec une mère ayant un trouble psychotique, a soulevé que 5 de ces adultes ont une relation spéciale remplie d’amour avec leur mère. De plus, une étude de Beardslee et Podorefsky (1988) menée auprès de 18 adolescents dont un parent avait un trouble mental a montré, après une deuxième prise de mesure 2 ans et demi plus tard, que 15 de ces 18 adolescents fonctionnaient toujours très bien, c’est-à-dire qu’ils démontraient une bonne connaissance de soi et étaient engagés sérieusement dans des relations affectives, familiales et amicales. Ces adolescents arrivaient aussi à se distancier de leurs parents dans leur manière de penser et d’agir. Puis, selon l’étude de Rutter et Quinton (1984), menée auprès de 137 familles, dont 292 enfants, environ un tiers des enfants de parents ayant un trouble mental ont développé à leur tour un trouble mental. Un autre tiers a eu des symptômes passagers et l’autre tiers n’a manifesté aucun trouble émotionnel ou de comportement. Cette étude a certes fait ressortir que les enfants de parents ayant des troubles mentaux sont plus à risque que la population en général de développer à leur tour un trouble mental. Toutefois, elle souligne aussi que la majorité des enfants s’adaptent très bien à la situation. Cette étude démontre l’importance de réaliser des études prospectives afin de mieux comprendre les effets à long terme de vivre avec un parent ayant un trouble mental. Rutter et Quinton (1984) ont aussi affirmé que le risque pour ces enfants de développer des problèmes à leur tour était exacerbé lorsque le parent souffrait d’un trouble mental persistant dans le temps comparativement à des situations de stress temporaire. Les différents types de stress que vivent ces enfants seront décrits au chapitre quatre.

(34)

20

L’étude de Kinsella et al. (1996) a mis en évidence les forces des 20 adultes ayant vécu dans leur enfance avec un parent ou un membre de la fratrie ayant un trouble mental (10 enfants et 10 frères ou sœurs d’une personne ayant un trouble mental) qu’ils ont interrogés. Tous les participants ont déclaré avoir grandi sur le plan personnel à travers cette expérience et en avoir retiré du positif. Des 20 participants, 7 considèrent avoir acquis de l’indépendance et de la maturité. La créativité et l’accomplissement ont aussi été des forces qui ont été relevées spontanément par 9 participants. Parmi ces participants, l’art est un moyen leur permettant de s’exprimer. D’ailleurs, 5 de ces 9 participants ont une carrière dans ce domaine. La force la plus souvent mentionnée par les participants est toutefois l’empathie et la tolérance que cette expérience leur a permis de développer. La majorité des répondants, soit dix-sept, ont affirmé que leur expérience leur avait appris la compassion, la compréhension de la souffrance d’autrui et la tolérance envers les différences. Une grande partie des répondants, quatorze au total, ont traité de la résilience qu’ils avaient développée au cours de leur enfance. Ces participants considèrent avoir appris à gérer l’adversité, ce qui leur avait donné une bonne confiance en eux et en leur capacité de faire face aux difficultés qu’ils ont rencontrées par la suite.

Par ailleurs, certaines études se sont intéressées aux enfants qui prennent soin de leur parent (les termes young carer et children caring sont utilisés en anglais). Selon Pölkki, Ervast et Huupponen (2004), les young carers ont moins de 18 ans et s’occupent de plusieurs tâches et assument plusieurs responsabilités à la place de leur parent, lesquelles devraient normalement être assumées par un adulte. Ces jeunes prennent habituellement soin de leur parent, ou parfois d’un membre de la fratrie. Une distinction entre le children caring et le concept de parentification a été apporté par Gladstone, Boydell et McKeever (2006), selon laquelle la parentification est un terme associé à un inversement pathologique des rôles au sein de la famille alors que le children caring peut être vu comme un facteur de protection qui fournit à l’enfant un rôle familial constructif en période de stress. Ces auteurs soulignent que ce sont les parents qui, généralement, décrivent que leurs enfants adoptent un rôle qui s’apparente à celui qu’un parent occupe habituellement. À ce sujet, une étude menée au Royaume-Uni auprès de 40 parents ayant un trouble mental, leur enfant, ainsi qu’auprès de 40 travailleurs

(35)

21

sociaux a soulevé que les enfants vivant dans ce contexte ne sont pas inévitablement à risque de négligence, de violence ou de problèmes de développement ou encore d’avoir une mauvaise relation avec leur parent (Aldridge, 2006). En effet, Aldridge (2006) relève que le fait de prendre soin de son parent peut renforcer les liens entre le parent et l’enfant; il insiste sur l’importance de l’interdépendance dans les relations entre le parent et son enfant. Par contre, cet auteur souligne que cette situation ne doit pas être disproportionnée ni durer trop longtemps, car cela pourrait avoir des répercussions négatives sur le développement de l’enfant. Effectivement, il est essentiel d’être prudent car bien que des effets positifs aient été observés, il est nécessaire de bien garder en tête le bien-être des enfants et s’assurer qu’ils soient dans un environnement sécuritaire et sain, favorisant un bon développement. En effet, la parentification prolongée, et non adaptée au stade de développement et à la maturité du jeune peut être très nuisible pour ce dernier. De plus, les familles se trouvant dans un tel contexte hésitent souvent à demander de l’aide psychosociale car ils craignent les représailles de la protection de la jeunesse. Afin de ne pas verser dans la parentification, Aldridge (2006) insiste sur l’importance que les young carers reçoivent de l’aide psychosociale en lien avec le rôle qu’ils assument.

Enfin, Ackerson (2003) suggère que les intervenants mettent davantage l’accent sur les forces des parents, tout en reconnaissant l’aspect cyclique du trouble mental, plutôt que de mettre l’accent sur les difficultés et déficits de ces parents. L’auteur avance qu’une telle façon de faire permettrait de réduire les stigmates dont sont victimes les parents ayant des troubles mentaux ainsi que leurs enfants. Dans le même sens, Reupert et Maybery (2007) insistent sur l’importance de modifier les représentations sociales en lien avec le trouble mental et la parentalité afin d’encourager la compréhension, le respect et l’inclusion de ces familles au sein des communautés. En effet, selon le constat de Rutter (1981), l’adversité sociale envers ces familles est plus dommageable pour elles que l’effet direct du trouble mental chez le parent. Également, Hall (2004) soulève qu’il est difficile de mesurer l’impact direct du trouble mental du parent sur son enfant puisque qu’il est impossible d’en dissocier les impacts indirects (difficultés dans le couple, isolement social, non-emploi, etc.).

(36)

22

En résumé, malgré l’affluence des écrits soutenant les effets néfastes d’être élevés avec un parent ayant un trouble mental, il est nécessaire de se rappeler que tous les enfants ne vivent pas cette situation de la même manière. En effet, plusieurs s’en sortent même très bien. Selon Pretis et Dimova (2008), le fait de mettre l’accent sur les facteurs de protection et favoriser le développement de la résilience chez les enfants grâce au soutien d’un professionnel permet d’aider le maintien ou encore l’amélioration de leur état mental et prévenir la dépréciation à long terme.

2.6 Les services offerts

Au Québec, les services sont fragmentés pour les parents ayant un trouble mental et leur famille (Carrière et al, 2010). En effet, il y a, d’une part, les services d’aide psychosociale à l’adulte ayant un trouble mental, souvent sans considération pour son rôle de parent et il y a, d’autre part, les services à l’enfance qui se soucient du développement et de la sécurité des enfants. Ces auteurs soulignent, à juste titre, que la Loi sur la Protection de la jeunesse prime bien souvent dans ces cas sur le bien-être des familles. Nicholson et al. (1998) et Nicholson et Henry (2003) rapportent aussi que les mères ont l’impression que les intervenants cherchent principalement à relever les lacunes et difficultés qu’elles vivent au lieu de leur offrir du soutien et de l’aide. Ce phénomène est aussi remarqué au Québec, comme en témoigne l’étude de Carrière et al. (2010). Effectivement, les 14 mères rencontrées ont mentionné hésiter à se confier car elles craignent que leur enfant leur soit retiré par la protection de la jeunesse. Il est possible de penser que cette crainte peut empêcher les parents ayant un trouble mental d’aller chercher de l’aide ou d’attendre que la situation se soit détériorée. Les parents de cette étude déplorent le fait qu’il n’y ait dans notre système actuel « guère de place pour une approche dans laquelle les parents et les enfants seraient considérés dans la même unité, aidés de manière interdépendante, dans une perspective de bien-être individuel et collectif. » (Carrière et al, 2010, p.195). Des programmes et organismes se penchent toutefois sur le sujet et quelques-uns seront présentés ici. Il ne s’agit toutefois pas d’une liste exhaustive.

(37)

23

2.6.1 Les services offerts aux familles

La présente section traite exclusivement des organismes à Québec œuvrant auprès des familles dont un parent a un trouble mental afin de pouvoir présenter, le cas échéant, les services pouvant être offerts aux familles des jeunes qui seront rencontrés dans le cadre de cette recherche et les y diriger au besoin.

Ainsi, à Québec, le site CLSC Orléans du CSSS Québec-Nord a mis sur pied en 2000, un programme visant à soutenir les familles de parents ayant un trouble mental. Le parent doit absolument avoir un diagnostic psychiatrique pour que la famille puisse participer (Beaucage et al, 2006). Ce programme adopte une vision écologique et comporte essentiellement trois volets. Le premier volet vise à fournir de l’information aux parents et les aider à assumer ou à maintenir leur rôle parental de manière adéquate. Le second volet s’adresse à la fois aux parents et à leurs enfants et prend la forme d’ateliers variés permettant aux intervenants d’enseigner un modèle parental (modeling). Le troisième volet s’adresse aux jeunes et leur fournit de l’information sur le trouble du parent et vise à renforcer l’estime de soi des jeunes et leurs habiletés sociales. Les enfants ont aussi accès, à travers ce programme, à un groupe de soutien avec lequel ils peuvent partager leur vécu (Beaucage et al, 2006). Il semblerait que le programme Santé mentale des familles soit le seul du genre dans la région. Ce programme chevauche les secteurs Famille-Enfance-Jeunesse ainsi que Adulte-Santé mentale. Les gestionnaires du programme rencontrés par Beaucage et al. (2006) considèrent que le chevauchement des secteurs ne rend pas le programme plus difficile à gérer et croient que le programme gagnerait à recevoir plus de reconnaissance afin que sa présence soit consolidée dans la région.

2.6.2 Les services offerts aux parents

L’organisme Parents-Espoir à Québec propose, depuis 2003, des services d’aide aux parents ayant un trouble mental. Leur mission est de soutenir ces parents à travers leur rôle parental. Ils proposent, entre autres, des services d’accueil et d’écoute, de soutien, des ateliers d’enrichissement parental et un groupe d’entraide, le Carrefour Parents.

(38)

24

2.6.3 Les services offerts aux jeunes

Tout d’abord, le Cercle Polaire a pour mission de soutenir les proches de personnes ayant un trouble mental. Les services offert sont variés : aide téléphonique, entrevues individuelles, groupe de soutien et groupes psychoéducatifs. Cet organisme offre aussi, dans sa gamme de services, un volet venant en aide aux jeunes dont un parent a un trouble mental. Ils proposent pour ces jeunes l’aide téléphonique et le suivi psychosocial individuel.

Ensuite, le Contrevent à Lévis s’adresse aussi aux proches de personnes ayant un trouble mental. Ces derniers peuvent y trouver des informations sur les troubles mentaux, des activités d’entraide, et des services de répit-dépannage. Cet organisme comporte aussi un volet pour les enfants de parents ayant un trouble mental. Les activités proposées par le volet jeunesse sont des rencontres individuelles ou familiales, un journal mensuel, un camp d’été et un groupe d’entraide mensuel.

L’organisme communautaire La Boussole a mis sur pied un programme Enfance-Jeunesse qui prend la forme d’ateliers variés auxquels participent un groupe de jeunes. Ce programme vise à transmettre de l’information aux jeunes afin de mieux comprendre ce que vit son parent. Il poursuit aussi comme objectif d’amener les jeunes à partager leur expérience avec d’autres jeunes vivant le même type de situation. Puis, le programme vise à aider ces jeunes à développer de nouvelles stratégies afin de mieux faire face à leur situation familiale et finalement, augmenter leur estime de soi. Ce programme existe depuis maintenant 13 ans. Belleau, Dufault et Gobeil (2002) ont réalisé un bilan de ce programme. Ils ont trouvé que les objectifs énumérés plus haut ont été en grande partie atteints.

Le réseau social étant un facteur de protection pour les jeunes vivant avec un parent ayant un trouble mental, le groupe de soutien peut être un excellent moyen d’élargir son réseau social, de développer des habiletés relationnelles et de partager son vécu avec d’autres jeunes vivant dans un contexte familial similaire.

Figure

Tableau 1: Les indicateurs et les questions associées dans le canevas d'entrevue
Tableau 2: Les participantes appartenant à un groupe d'amis et capacité à se confier à ceux-ci
Tableau 3: Les facteurs influençant les difficultés relationnelles et le nombre de participantes  exprimant une relation positive malgré tout
Tableau 4: Description par les participantes du trouble mental de leur mère et de leurs manifestations
+4

Références

Documents relatifs

[r]

760 C.. Toutefois, il convient de remarquer que dans les hypothèses pour lesquelles ils deviennent incapables, leur volonté n’est pas forcément prise en compte. S’agissant

Nous vous remercions pour la gentillesse avec laquelle vous avez dirigé ce travail.. Vous nous avez accordé votre attention, et guidé de vos conseils pour réaliser ce travail, en

Clare Roscoe, psychiatre, Programme des troubles de l’alimentation, Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) et membre du Comité de l’information sur la

TITRE : Mise en place de l’étude du rôle de CTCF et YY1 sur l’expression du gène Xist impliqué dans l’inactivation du chromosome X, chez la souris.. soutenu le 17 Décembre

Nous voyons donc que dans les troubles mentaux, nous pouvons rencontrer le trouble le plus « simple » comme le trouble le plus grave.. Affiner la définition permettrait au moins

Les individus anormalement incapables de résister à certaines pulsions ou certains mouvements perturbants envers eux-mêmes et/ou envers d'autres individus, peuvent être classés

Il existe trois principaux stabilisateurs de l'humeur utilisés dans le traitement et la prévention du trouble bipolaire, il se peut que votre médecin vous prescrive plus d'un