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Note à propos des monopoles cantonaux et communaux d'affichage

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Note à propos des monopoles cantonaux et communaux d'affichage

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Note à propos des monopoles cantonaux et communaux d'affichage.

La Semaine judiciaire. I, Jurisprudence , 2002, p. 525-531

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41828

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La compatibilité des monopoles cantonaux et communaux d'affichage sur le domaine public et privé occupe les juridictions administratives depuis plusieurs décennies. Pour la première fois, sous les coups de boutoir des opposants au monopole, le Tribunal fédéral a fléchi et jugé, dans son arrêt Commune d 'Arasa du 13 novembre 2001,

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un monopole d'affichage sur le domaine privé incompatible avec le principe de la proportionnalité. Toutefois, il admet toujours la validité d'un tel monopole sur le domaine public. La position du Tribunal fédéral est cependant appelée à évoluer pour deux motifs: il n'existe pas de différence majeure entre un monopole d'affichage sur le domaine public ou privé (1 ), et la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'affichage est en contradiction avec les principes qu'il a développés au sujet de l'usage économique du domaine public (2).

1) LES MONOPOLES D'AFFICHAGE SUR LE DOMAJNE PUBLIC OU PRIVÉ SONT SEMBLABLES

L'application du principe de la proportionnalité impose une pesée des intérêts en présence, d'une part, ceux du requérant d'une autori- sation à pouvoir faire un usage accru du domaine public et, d'autre part, ceux de la collectivité publique et des autres personnes privées, qui comprennent aussi bien les intérêts de ceux qui ne veulent pas être privés de la possibilité de faire eux aussi usage du domaine public. à l'endroit considéré, que les intérêts de ceux qui veulent pouvoir bénéficier des prestations que le requérant entend fournir.

Dans l'arrêt A W AG1, qui constitue encore la référence en matière d'affichage, le Tribunal fédéral a étudié la question du choix entre un système restrictif de monopole d'affichage et de contrôle plus souple d'autorisation ponctuelle. Examinant brièvement les arguments des recourants qui démontraient qu'un système d'autorisation permettait d'arriver au même résultat qu'un monopole, mais de manière plus proportionnée, le Tribunal fédéral a estimé «qu'entre les deux systèmes opposés, celui du monopole et celui de /'autorisation préalable dans un régime de libre concurrence, le premier permet d'atteindre de façon plus sûre, plus efficace et à moins de frais pour la collectivité les objectifs d'intérêt général poursuivis par la réglemen- tation en questimw2.

Cet arrêt a fait l'objet de critiques nourries de la part de la doctrine3.

E. Grise! a par exemple considéré que l'affirmation des avantages du système de monopole par rapport au régime d'autorisation «procède d'une pétition de principe plutôt que d'une véritable démonstration juridique»4 .

Dès 1978, les tribunaux cantonaux se sont également distancés de la position adoptée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt AWAG. Le

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4

A TF 100!1974 la 445, A W AG A us sen werbungs A. G.

ATF 100/1974 la 4451452, AWAG Aussenwerbungs A.G.

Le Tribunal cite toutes ces prises de positions dans son arrêt du 13 novembre 2001 auquel nous renvoyons.

E. GRISEL, Liberté du commerce et de l'industrie, Vol. Il, Berne 1995, p. 228.

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Tribunal administratif de Zurich a jugé le 31 mars 1978 qu'un mono- pole de droit pour l'affichage sur le domaine privé est une mesure excessive qui pent être remplacé aisément par un régime d'autori- sation5. En particulier, cette juridiction a estimé que vouloir éviter la charge éventuelle de travail pour l'administration provoquée par un régime d'autorisation n'est pas un intérêt public acceptable6. En 1992, le gouvernement bâlois, agissant comme autorité de recours, a suivi la position du Tribunal administratif zurichois et a condamné un monopole de l'affichage sur le territoire d'une commune comme contraire à la libe1ié économique7. De même, le Tribunal administratif d'Argovie a jugé illégal un monopole d'affichage sur le domaine privé de la commune d' Aarau8. Enfin, rappelant l'ensemble des critiques de la doctrine et des tribunaux cantonaux relatifs à l'arrêt A W AG, le Tribunal adminîstratifneuchâtelois s'est rallié à la position zurichoise par un jugement du 7 février 19959 .

En dépit de toutes ces critiques, le Tribunal fédéral a maintenu son analyse de la proportionnalité dans l'arrêt Decaux10 , alors que le cas du monopole genevois d'affichage lui donnait la possibilité de revoir la question de ce type de contrôle de l'usage du domaine public avec un œil neuf, vingt-cinq ans après l'arrêt AWAG. Il a préféré confirmer son ancienne jurisprudence 11.

Deux ans plus tard, dans l'arrêt du 13 novembre 2001, le Tribunal fédéral vient d'ouvrir une brèche dans sa jurisprudence antérieure en jugeant disproportionné un monopole de droit d'affichage sur le domaine privé. Son analyse est intéressante dans la mesure où le Tribunal fédéral commence par admettre l'adéquation du monopole par rapport au but poursuivi: la gestion globale de l'affichage sur une commune pour éviter, notamment, des atteintes à l'esthétique et pour garantir la sécurité du trafic12 . Toutefois, à l'aune de la subsidiarité, se fondant sur les jurisprudences cantonales et la doctrine, le Tribunal fédéral considère le monopole comme excessif les procédures d'auto- risation usuelles suffisent pour atteindre l'intérêt public en cause.

Pour appliquer la même réflexion au domaine public, il n'y a qu'un pas: les intérêts publics sont les mêmes et les autorisations sont

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6 7

9 JO Il 12

Décision du 25 mai 1978 du Tribunal administratif zurichois, ZBI 1979, pp. 224 ss.

ZBI 1979, pp. 224/231.

Décision du 26 mai 1 992 du Consei 1 d'Etat bâlois, ZBI 1 992, pp. 320 ss.

Décision du 17 décembre 1992 du Tribunal administratif d'Argovie, ZBI 1993, pp. 421 SS.

RDAF 1995, pp. 260 ss.

ATF 125/1999 1 209, JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA et Decaux SA.

A TF 125/1 999 1 209/223-225, JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA et Decaux SA.

SJ 2001 1 529.

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identiques. Seules deux différences sont pertinentes: la nature digue différente des deux monopoles (a) et le nombre plus "~·nm . . ~··•

d'emplacements sur le domaine public que sur le domaine privé Toutefois, ces différences n'apparaissent pas déterminantes après une analyse comparative des deux situations.

a) La nature du monopole

Le Tribunal fédéral a confirmé dans l'arrêt Commune d'Arosa que le monopole d'affichage sur le domaine privé est un monopole de droit, car l'Etat se réserve, par une base légale, l'exercice d'une activité lucrative et empêche les administrés de l'exercer.

En revanche, le monopole d'affichage sur le domaine public est un monopole de fait. Il résulte de la souveraineté de l'Etat sur le domaine public, qui lui assure une maîtrise sur les activités dépendant de l'usage accru ou privatif du domaine public, sans avoir à adopter une base légale spécifiquel3.

Selon le raisonnement adopté par le Tribunal fédéral dans l'arrêt Commune d'Arosa, la nature de droit ou de fait du monopole n'est pas importante. En effet, le critère retenu n'était pas la base légale du monopole mais le respect du principe de la proportionnalité. Or, sur ce point, il n'existe aucune différence entre les deux types de monopole.

En conséquence, la solution du Tribunal fédéral pour le monopole sur le domaine privé est transposable sans obstacle au monopole de fait sur le domaine public.

b) Le nombre d'emplacements

Le nombre plus important d'emplacements d'affichage sur le domaine public ne devrait pas justifier lme solution juridique diffé- rente en raison de la définition de l'intérêt public donnée par le Tribunal fédéral: principalement la protection de l'esthétique des quartiers et la sécurité du trafic.

Dans les deux cas, des procédures d'autorisation pennettent de veiller au respect de ces intérêts14. Le fait que les autorités soient plus sollicitées dans le cadre de la gestion du domaine public ne saurait justifier une grave atteinte au principe de la proportionnalité. Ce d'autant plus que la surcharge alléguée de travail ne serait que temporaire. Si le monopole devait être supprimé, les autorités feraient sans doute face à un nombre important de requêtes d'autorisation de la

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14

Voir, par exemple, Arrêt du Tribunal fédéral du 26 avril 1999, non publié, c. 10b), dans la cause JC Decaux Mobilier Urbain Suisse SA.

Voir par exemple les articles 6 et 7 de la Loi genevoise sur les procédés de réclame, (RS/Ge F 3 20) qui vise le contrôle au regard de ces deux intérêts publics de la pose de publicités sur le domaine privé.

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part des concurrents jusqu'alors écartés. Une fois la première salve de demande traitée, la gestion du domaine public reprendrait son cours normal. Les autorités cantonales et communales ont vécu ce phéno- mène avec la libéralisation du marché des télécommunications lorsque de nombreux opérateurs ont souhaité placer des tubes comprenant des câbles sous le domaine public pour créer leur réseau. Après deux ou trois ans de travail plus intense pour les autorités, la situation s'est stabilisée. Le critère du nombre d'emplacements ne devrait donc pas justifier un traitement différent du mode de gestion de l'affichage sur le domaine public ou privé.

Partant, au regard du principe de la subsidiarité, si le monopole est un instrument excessif de contrôle de l'affichage sur le domaine privé, il l'est aussi sur le domaine public.

2) UNE POSITION CONTRADICTOIRE AVEC LA JURISPRUDENCE SUR L'USAGE ÉCONOMIQUE DU DOMAINE PUBLIC

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de monopole d'affi- chage sur le domaine public n'est pas cohérente avec ses récents juge- ments sur l'usage économique du domaine public.

Depuis plusieurs années, appliquant strictement l'exigence d'égalité de traitement entre les concurrents directs15, le Tribunal fédéral inter- dit aux autorités cantonales et communales de favoriser certains com- merçants par rapport à leurs concurrents directs16.

En particulier, lorsqu'une collectivité introduit un numerus clausus, elle doit démontrer qu'il s'agit du seul moyen envisageable pour gérer un certain type d'activité commerciale sur le domaine public. La jurisprudence du Tribunal fédéral est abondante sur ce point en matière de permis de stationnement pour les taxis. Les principes posés s'appliquent de la même manière aux emplacements sur les marchés ou aux demandes d'octroi d'un espace pour la vente de boissons ou d'aliments. Si le numerus clausus est inévitable, le système mis en place pour le gérer doit porter le moins possible atteinte aux intérêts des personnes concernées. Le modèle de la liste d'attente fonctionnant sur la base de l'ordre des inscriptions est par exemple admissible pour autant qu'il ne rende pas illusoire l'accès au domaine public17. Dans l'hypothèse où un concurrent devrait attendre plusieurs années avant

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16 17

Selon le principe de l'égalité de traitement entre concurrents, les mesures étatiques qui faussent tes rapports de concurrence entre concurrents directs ou dont les effets sur les rapports de concurrence ne sont pas neutres sont prohibées (ATF 120/1994 la 236/238, S.). Sont des concurrents directs les entreprises de la même branche économique, qui s'adressent à la même clientèle en présentant une offre identique, en vue de satisfaire les mêmes besoins (ATF 119/1993 la 433/436-437, B.).

Voir, par exemple, ATF 121/1995 la 129/136-137, Margot Knecht.

ATF 121/19951129/135, Margot Knecht.

--- --- ---·

- - --

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de bénéficier d'un emplacement sur le domaine public, la collectivité doit adopter un autre système fondé notarmnent sur la rotation des concurrents18 ou la limitation de la durée des autorisations ou

concessîons19. ·.: .• /i,• .. \:

Dans cette perspective, il est intéressant de relever que la

Commis~

.:

sion de la concurrence, à la suite d'une dénonciation effectuée pàr.1~

!i

société Decaux, avait ouvert, Je 21 février 1997, une enquête préalable·.····•·

concernant le marché de l'affichage à Genève. Dans Je cadre de cette enquête, Je secrétariat de la Commission releva les effets négatifs pour la concurrence du monopole d'affichage. Elle indiqua que «la répartition de la concession d'affichage entre plusieurs concession~

c

na ires ainsi que la limitation de sa durée auraient pour effet de: \ stimuler la concurrence sur le marché de la location d'emplacements<;

publicitaires»20. Pour ce motif, le secrétariat de la Commission encou.:: ' ragea <des autorités genevoises à répartir à l'avenir la concession

d'affichage entre plusieurs concessionnaires»21.

Le monopole d'affichage constitue un cas extrême de numerus clausus: seule une entreprise a accès au marché. En persistant à admettre la légitimité du monopole d'affichage sur le domaine publîc; ·:

le Tribunal fédéral devrait adopter également une attitude cohérente. / avec sa jurisprudence dans ce domaine. Il a deux possibilités. .·.· .. /.

Si le Tribunal fédéral persiste à admettre la fermeture du marché de l'affichage d'une commune ou d'un canton aux concurrents d'une entreprise monopolistique, il doit alors imposer une rotation des concurrents ou, à tout le moins, garantir que la collectivité publique procède à un choix équitable en sélectionnant la meilleure entreprise à ....

intervalle régulier22 . Il en découle deux conséquences. D'une part, les<:

concessions d'affichage devraient avoir une durée limitée à trois

cinq ans pour ne pas rendre illusoire l'accès au marché. D'autre part, contrairement à ce qu'il a jugé dans l'arrêt Decaux, le Tribunal fédéral devrait reconnaître l'application des règles relatives aux marchés publics, afin de garantir Je traitement égal des concurrents et la transparence des procédures, lors de l'octroi des concessions· d 'affichage23.

18 19 20

21 22 23

Arrêt du Tribunal administratif du 30 avril 1997 en la cause 8. SA, RJN 1997 195.

Arrêt du Tribunal fédéral du 28 juin 2001 en la cause 1 P.232/2001, non publié.

Droit et politique de la concurrence, 1997/2, pp. 133/137.

Droit et politique de la concurrence, 1997/2, p. 138.

Arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 2002 en la cause 2P.270/2001, non publié.

·:;::

A TF 125/1999 1 209/212-214, JC Deca.ux Mobilier Urbain Genève SA et Decaux SA;·

voir sur ce point le commentaire de F. BELLANGER ET C. BOVET, «Marché l'affichage public ou marché public de l'affichage?'" BR/OC 4/99, pp. 164 ss.

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L'option la plus souhaitable serait la reconnaissance du caractère disproportionné du monopole d'affichage sur le domaine public et l'instauration d'un nouveau mode de gestion, neutre du point de vue concurrentiel. Cette démarche aurait l'avantage d'assurer un régime identique sur le domaine privé et public. Le marché serait divisé entre plusieurs concunents, sélectionnés de manière équitable selon les règles applicables aux marchés publics.

L'arrêt Commune d'Arosa sonne le glas à plus ou moins long terme du monopole d'affichage sur le domaine public, sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui. L'évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'usage économique du domaine public combinée avec la suppression du monopole sur le domaine privé impose une nouvelle analyse du monopole conforme à la règle de neutralité concurrentielle de l'Etat. Les autorités doivent soit partager les marchés, soit les attribuer de manière équitable en permettant à tous les concurrents d'exercer leur activité. Les rentes de situation ont vécu.

(F. B.)

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