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La LFus : chronique d'un échec ?

PETER, Henry

PETER, Henry. La LFus : chronique d'un échec ? In: Peter, Henry, Dutoit, Nicolas. Les restructurations en droit des sociétés, du travail et international privé . Genève : Schulthess, 2010. p. 1-12

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:21694

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PARTIE 1: LES RESTRUCTURATIONS EN DROIT CIVIL

A. Dans la perspective du droit des sociétés La LFus : chronique d'un échec?

Henry Peter*

Table des matières

A. Postulat fondamental: balis.er globalement la matière et favoriser les restructurations B. Constat: l'objectif n'est que partiellement atteint

C. Cause et effet: substituts fonctionnels el sous-enchère nonnative D. Protection des stakeholders: à géométrie variable?

E. lnfluence prépondérante du droit fiscal: le Massgeblichkeifsprinzip inversé?

F. Restructurations LFus et non LFus

G. Scissions: impopulaires en raison d'un défaut de naissance? H. Transfert de patrimoine: one size fils al!?

1. Exigences et zones grises inopportunes: transfel1 des contrats et publicité de j'inventaire

J. TransfOimations en personnes morales: le système est-il cohérent?

K. Exclusion des entreprises individuelles: un mauvais prétexte L. Exclusion des sociétés simples: une conception erronée M. Pas transfonnation, mais création

N. Restructurations d'assainissement: erreur conceptuelle et exigences ullfriendly O. Conclusion: substance over form et abandon du numerus clausus

Bibliographie

A. Postulat fondamental: baliser globalement la matière et favoriser les restructurations

La LFus repose sur un certain nombre de postulats, dont les principaux sont probablement qu'elle entend régler globalement et de façon aussi cohérente et uniforme que possible l'ensemble du domaine des restmcturations et qu'elle

Henry Peter, Professeur à J'Université de Genève, avocat, Peterlegal, Lugano.

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La LFus : chronique ct 'un échec?

ambitionne de le faire d'une manière qui facilite celles-ci, car elle sont considé- rées comme favorables à notre économie 1

B. Constat: l'objectif n'est que partiellement atteint

Près de 5 ans après]' entrée en vigueur de la LFus, force est de constater que ces intentions ne se sont qu'en partie concrétisées, et ceci pour une série de raisons qui tiennent non seulement à la loi elle-même, mais aussi, dans une mesure non indif- férente, à son application. Il apparaît en effet que la mise en œuvre de la LFus est parfois compliquée et souvent incertaine. Il en résulte que la pratique recourt assez fréquemment à des méthodes ou à des solutions qui ne sont pas celles qui ont été initialement envisagées par le législateur, et dont on peut d'ailleurs se de- mander si elles sont toujours conformes au texte ou en tout cas à l'esprit de la loi.

C. Cause et effet: substituts fonctionnels et sous-enchère normative

Ceci est, il est vrai, rendu possible par le fait que la LFus offre souvent plusieurs façons d'aboutir au même résultat. Certaines méthodes sont ainsi fréquemment et parfois délibéremment le substitut fonctionnel d'autres. La possibilité, spécia- lité helvétique, de recourir à l'institution du transfert de patrimoine (art. 69 ss LFus) joue un rôle central à cet égard. Mais on rappellera qu'il s'agit là d'un corps étranger au système envisagé par les auteurs du projet initial, ajouté à la fin du parcours législatif et sans qu'il soit celtain que l'on ait eu conscience de toutes les implications de cette intervention quelque peu insolite dans un système jusque là cohérent'. Quoi qu'i! en soit, la faculté de choisir assez libre- ment entre plusieurs méthodes, couplée avec le fait que ces méthodes sont, en

Message LFus, p. 3996: « Le but de ce projet est d'améliorer la mobilité entre les différentes for- mes de droit et de permettre aux entreprises d'adopter des structures juridiques optimales. Le projet garantit également la sécurité du droit et la transparence qui sont nécessaires à ce genre d'opéra- tions, tout en tenant compte des intérêts des créanciers, des travailleurs et des associés minoritaires.

Il contribue ainsi à améliorer les conditions-cadres de la place économique suisse )}. Voir également M. Amstutz et Mabillard (2008 a) ad art. 1 N.3 ss; A. Binder, V. Roberto, U. Schenker, R. Tschiini et R. Watter H. (2006) p. 1 ; Peter (2005 a), ad art. 1 LFus, N 7; H. Peter (2005b), p. 4 ss.

A l'origine l'avant -projet de la loi sur la fusion n'avait pas prévu le transfert de patrimoine. Cet avant- projet prévoyait en revanche une troisième forme de scission aux côtés de la division et de la sépara- tion, la disiiociation. Suite au refus d'accepter cette troisième forme de scission, une nouvelle forme de restructuration -le transfert de patrimoine -, de portée beaucoup plus large, a été adoptée (Message LFus, p. 4016 à 4017). Pour plus de détails, voir notamment Amstutz et Mabillard (2008b) N 315 à 321.

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Henry Peter tout cas en partie, soumises à des exigences différentes, conduit inévitablement à un phénomène d'arbitrage, ou plus exactement à une sous-enchère normative.

Les parties à la transaction optent en effet naturellement pour celle des solutions qui leur est la plus favorable, ce qui a tout aussi inévitablement pour consé- quence une moindre protection de certaines autres pmties prenautes.

D. Protection des stakeholders : à géométrie variable?

Il en résulte en substance les questions suivautes : les exigences en matière de protection des actionnaires minoritaires, des créanciers et des travailleurs sant- elles à géométrie variable? Est-il acceptable et raisonnable que ces exigences soient laissées à la discrétion des parties qui initient et contrôlent la restructura- tion ? Le nivellement vers le bas des normes protectrices des parties prenantes les plus vulnérables qui résulte de ce "cherry picking» des exigences est-il ac- ceptable? L'Office fédéral du registre de commerce COFRC) est-il parfois trop libéral dans son examen d'opérations qui éludent des conditions qui auraient dû être satisfaites si l'opération avait été structurée différemment? Faut-il, parfois en tout cas, considérer que la ratio [egis a été contournée?

E. Inflnence prépondérante du droit fiscal: le Massgeblichkeitsprinzip inversé?

L'ampleur de ce phénomène de coexistence quelque peu schizophrénique de dif- férents régimes possibles ou en tout cas tolérés est accentuée par l'intervention systématique du droit fiscal dans toute opération de restructuration. On peut d'ailleurs affirmer qu'en matière de restructuration il existe désormais une sorte de primauté du droit fiscal sur le droit commercial, cumulé avec le fait que, comme l'a observé le Professeur Pierre-Marie Glauser lors du séminaire, le droit fiscal se « distancie » toujours plus du droit civil, en raison de sa façon essentiel- lement économique d'appréhender les problèmes3On est ainsi confronté à ce que l'on pourrait appeler le «principe de déterrninauce inversé», le droit commercial étaut en quelque sorte tributaire du droit fiscal4. Rien là d'illégitime, mais ce phénomène tend à compliquer]' équation.

Voir la Circulaire AFC « restructurations ».

Au sujet du principe de déterminance inversé, voir Glauser (2005) p. 77. Selon cet auteur, {( dans la mesure où les règles con'eetriees fixées par le droit fiscal1aissent une certaine marge de manoeuvre au contribuable et qu'une écriture n'est valable que si elle est comptabilisée dans les comptes conunerciaux, le droit fiscal exerce une influence sur la comptablilité commerciale. Des écritures comptables sont passées en fonction de critères fiscaux et non sur la base d'une analyse comptable.

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La LFus: chronique d'un échec?

F. Restructurations LFus et non LFus

Mais outre la possibilité de recourir à plusieurs solutions ayant fonctionnelle- ment le même objectif, on constate qu'en conséquence du système mis en place par la LFus certaines restructurations peuvent être réalisées sans appliquer (du tout) ladite loi. Le régime des restructurations a donc une sorte de double vie.

C'est le cas par exemple de la scission: il est en effet possible d'effectuer des scissions au sens strict, en application des articles 29 ss LFus, mais aussi de plu- sieurs autres manières, dont certaines sont totalement étrangères à la LFus'. La situation se complique donc ultérieurement, puisqu'on est confronté à des res- tructurations «LFus» et à des restructurations «non LFus », la possibilité de choisir assez librement la voie préférée contribuant à la sous-enchère des exi- gences dont il vient d'être question et alimentant un régime qui est non seule- ment relativement complexe, mais dont on peut s'interroger sur la cohérence du point de vue de la protection des tiers parfois vulnérables.

G. Scissions: impopulaires en raison d'un défaut de naissance?

Cela étant, on ne peut qu'admettre que certaines des nouveautés rendues possi- bles par la LFus n'ont pas réellement pris leur envol. Tel est le cas de la scission au sens strict du terme (art. 29 ss LFus). Les statistiques démontrent en effet que ces opérations sont encore relativement rares en Suisse, puisqu'elles ne représen- tent qu'environ 3 % du nombre total de transformations effectuées6Le motif principal de cette impopularité résulte de ce qu'en vertu de l'article 47 LFus les sociétés participant à la scission restent solidairement (bien que subsidiairement) responsables envers les créanciers qui n'ont pas été désintéressés par la société à laquelle les dettes ont été attribuées 7 Aussi longtemps que cette exigence légale

A l'inverse de ce qui est recherché par le principe de déterminance, c'est Je droit tiscal qui déter- mine le traitement comptable».

Voir notamment à ce propos les contributions de R. Bahar (2010) et de F. Gerhard (2010) dans le présent recueil.

Selon les statistiques présentées par Rita Trigo Trindade lors du Colloque LFus du 3 juin 2009 à Genève, environ une centaine de scissions effectuées selon la LFus sont réalisées chaque année.

Pour une analyse générale des résultats statistiques concernant la LFus, voir également: R. Trigo Trindade et A. Griessen Cotti (2007); R. Tligo Trindade, H. Peter et A. Griessen Cotti (2008) p.63. S'agissant des scissions internationales, aucune opération internationale de ce type n'a en- core été enregistrée à ce jour (C. Kleiner (201 0) pt. 11 B).

Voir à ce sujet, dans le présent recueil, les contributions de R. Bahar (2010) et de F. Gerhard (2010). Voir également L. Glanzmann (2008) N 590 et A. Binder (2007) p. 127.

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Henry Peter survivra, il est probable que les scissions continueront à être rarement pratiquées.

Il est important de le relever et de se demander s'i! ne conviendrait pas en consé- quence d'éliminer ce qui est considéré par beaucoup comme une tareS, défaut dont on peut au demeurant douter de la justification. Il est vrai toutefois qu'au delà de cette constatation statistiquement avérée, un examen plus attentif de la pratique démontre que des garanties ne sont que rarement requises des sociétés qui participent à la scission. Les créanciers renoncent en effet fréquemment à les demander, alors qu'ils pourraient les exiger en vertu de l'article 46 LFus9

H. Transfert de patrimoine: one size fits all ?

Indépendamment de ce qui précède, une des innovations proclamées 10 - peut- être la principale Il - de la LFus est le transfert du patrimoine. Il a même été dit que cette méthode de restructuration, plus libérale que les autres dans ses exi- gences, allait devenir la solution universelle, la « bonne à tout faire » des restruc- turations, à tel point que certains se sont même demandés s'i! allait rester une place quelconque pour les méthodes classiques que sont la fusion, la scission et éventuellement le transfert du siègel2.

I. Exigences et zones grises inopportunes: transfert des contrats et publicité de l'inventaire

Mais force est de constater que la pratique donne une réponse différente à ces augures qui voyaient dans le transfert du patrimoine une panacée, un succédané généralisé. On constate en effet que le transfert de patrimoine est, lui aussi, affublé de certains inconvénients dont l'importance pratique est telle qu'ils le

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L. Glanzmann (2008) N 592a; A. Binder (2007) p. 127 ; R. Watter et R. Büchl (2CXl7) p. 167, qui relèvent notamment le caractère non limité dans le temps de cette responsabilité solidaire. Selon ces auteurs, aucun argument raisonnable ne pelmet de justifier une telle responsabilité solidaire

~< éternelle}> des sociétés participant à la scission. Voir également A. Binder, V. Roberto, U. Schen-

kef, R. Tschani et R. Watter (2006) pt m. 1 qui proposent de renoncer à la responsabilité solidaire.

À propos de la garantie des créances en cas de "cission, voir également, dans le présent recueil, R.

Bahar (2010) pt. 2.2.

Message LFus p. 4112.

R. Bahar (2005) ad art. 69 LFus NI.

Message LFus, p.4018. Voir également N. Turin (2003) p. 223 selon lequel le transfert de patri- moine allait rapidement acquérir une importance pratique considérable. Il prévoyait même que cette méthode de restructuration allait bouleverser les habitudes en matière de cession d'ensembles d'éléments patrimoniaux et ouvrir des perspectives jusqu'alors inconnues en matière de restructu- ration des entreprises.

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La LFus: chronique d'un échec?

rendent en défmitive impopulaire n On citera à cet égard en particulier la contro- verse portant sur la question de savoir si, en cas de transfert de patrimoine, les contrats sont automatiquement transférés, ou si ceci requiert l'accord spécifique des parties!" On mentionnera d'autre part les exigences assez sévères de l'OFRC concernant les détails à donner dans l'inventaire des biens transférés (art. 71 al. 1 let. b LFus) ce qui, sachant que cet inventaire est publié et donc li- brement accessible au Registre du commerce (art. 138 let. a ORC), pose souvent des problèmes tels de confidentialité qu'il en résulte que ces exigences sont pro- hibitives, ou en tout cas perçues comme telles". A eux-seuls ces deux motifs, dont les effets se cumulent parfois, expliquent la relative impopularité actuelle de cette méthode de restructuration. A y regarder de plus près, ces obstacles ne trouvent toutefois pas, en tout cas pas expressément, leur fondement dans le texte de la LFus, mais plutôt dans l'interprétation qui en est donnée par l'OFRC.

L'échec - si tant est que l'on puisse le voir ainsi - de la LFus serait donc dû ici à son autorité d'application, et non pas à la volonté du législateur. Vu la volonté de favoriser les restructurations, un des postulats fondamentaux de la LFus que nous avons rappelé liminairement, cette constatation mérite pour le moins une réflexion, et pourrait suggérer un changement souhaitable de pratique.

J. Transformations en personnes morales: le système est-il cohérent?

Les limites, et peut-être une certaine incohérence de la LFus, trouvent également une illustration s'agissant de la transformation d'entreprises individuelles en so- ciété de capitaux. On remarquera préalablement qu'en vertu de la LFus la trans- formation d'entreprises individuelles ou de sociétés simples en sociétés de capi- taux est impossible!" Ces deux hypothèses ne sont en effet pas expressément prévues par la loi et ne sont donc pas praticables en conséquence du principe du numerus clauslls posé par l'article 54 LFusl7 Ce choix délibéré du législateur

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A ce propos, voir nolammenl A. Binder, Y. Roberto, U. Schenker, R. Tschani et R. Waller (2006) plV. 1 à4.

L. Glanzmann (2008) N 186 et 320 ss; A. Binder, Y. Roberto, U. Schenker, R. Tschiini et R. WatLer (2006) pt V. 3 ; R. Bahar (200S) ad art. 69 LFus, N ! 0 à 17; H. Peter (2004) p. 223 ss.

R. Trigo Trindade, H. PeteretA. Oriessen Cotli (2008), p. 62 et 70; A. Binder, V. Roberto, U. Schen- ker, R. Tschlini et R. Watter (2006) pt V. 4. Pour les banques, qui détiennent une quantité. innombrable de valeurs mobilières, cette exigence d'individualisation peUL se révéler très problématique. Dans ce sens, notamment R. Bahar (2005) ad art. 71 LFus N 4 et U. Schenker (2003) ad art. 37 LFus N 7.

Voir à ce propos la contribution de H. Peter, V Rivier et M. Anderson (2010) dans le présent re- cueiL

L. G1anzmann (2008) N 592a; H. Peter (2005a) ad art. 1 LFus N 1. Voir également le Message LFus p. 4004.

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Henry Peter

est peut-être regrettable; il contribue en effet à faire en sorte que la loi sur les restructurations, qui se voulait « catch ail ", ne réglemente en réalité qu'une par- tie de la matière, participant ainsi au maintien du double régime dont il a été question plus haut".

K. Exclusion des entreprises individuelles: un mauvais prétexte

Une analyse plus approfondie des motifs qui ont conduit le législateur à effec- tuer ce choix permet de douter de sa justification. Pour ce qui est de l'entreprise individuelle, la motivation donnée est qu'il ne serait pas possible de distinguer le patrimoine commercial d'une personne physique de son patrimoine privél9 . On lit ainsi dans le rappmt explicatif concernant l'avant-projet de LFus: «Les entre- prises individuelles sont ( ... ) exclues du cercle des sujets pouvant fusionne!:

CeUe exclusion se justifie par le fait que l'entreprise individuelle ne dispose pas d'un patrimoine distinct de son titulaire ,,20. On lit par ailleurs dans le Message LFus: « Les structures des elltreprises individuelles et des sociétés sont trop dif- férentes pour pouvoir être converties par le biais d'opération du droit des socié- tés »21. Ces justifications sont peu convaincantes. On rappellera que, pour les fis- calistes, la distinction entre «fortune commerciale» et «fortune privée» est pratiquée de façon systématique et sans aucune difficulté22 On observera par ailleurs que le recours à un inventaire, dont le rôle est précisément primordial en cas de transfert de patrimoine (art. 71 let. b LFus), pourrait être un instrument penmettant d'éviter tout risque de confusion entre ce qui est transféré et ce qui ne l'est pas23. Enfin, les sociétés unipersonnelles sont désonmais admises en Suisse, si bien qu'il est difficile de souscrire à l'idée que les entreprises individuelles sont trop différentes des sociétés pour pouvoir être transfonmées en personnes morales.

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Cf. supra F.

Rapport explicatif, p. 20. Voir également le Message LFus p. 4048.

Rapport explicatif, p. 20.

Message LFus, p.4048.

Sur la délimitation entre fortune commerciale et fortune plivée, voir notamment Oberson (2007) p. 90 SS.

La scission recourt d'ailleurs également à l'inventaire (art. 37 let. b LFus).

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La LFus: chronique d'un échec?

L. Exclusion des sociétés simples: une conception erronée

Pour ce qui est des sociétés simples, le motif invoqué pour les soustraire au champ d'application de la LFus est qu'elles ne sont en réalité pas des sociétés et que, pour le surplus, elles ne sont pas inscrites au Registre du commerce. Là aussi la motivation ne paraît pas entièrement convaincante. On rappellera en pre- mier lieu qu'il est incontesté en doctrine que les sociétés simples sont des socié- tés de personnes, au même titre que les sociétés en nom collectif". On rappellera par ailleurs que les sociétés en nom collectif également peuvent exister sans être inscrites; l'inscription, même obligatoire, n'étant pas constitutive, mais seule- ment déclarative, conformément à l'article 552 alinéa 2 CO. D'une manière gé- nérale, enfin, en vertu de l'article 530 CO toute société qui n'est pas autre chose est une société simple, ce qui met bien en évidence que nous sommes ici dans le domaine du droit des sociétés.

M. Pas transformation, mais création

D'autres problèmes existent à propos de ce qui est appelé la «transfoffilation» de sociétés de personnes en sociétés de capitaux, en particulier en conséquence du fait qu'il ne s'agit en réalité pas d'une transformation, mais de la création d'un nouveau sujet de droit. La transformation, au sens strict du terme, signifie en effet qu'nn même sujet de droit change de forme. Or, en cas de mutation d'une société de personnes en une société de capitaux, on assiste en réalité à la création d'un nouveau sujet de droit, donc à une incorporation. D'où notamment la délicate question de savoir si et de quelle manière le capital social doit être

« libéré» 25.

N. Restructurations d'assainissement: erreur conceptuelle et exigences unfriendly

Enfin, la LFus laisse à désirer de plusieurs points de vue dans la perspective des restructurations d'assainissement. Dans le cas par exemple des fusions d'assai- nissement (art. 6 LFus), de nombreuses questions ne sont pas résolues, ou en

A. Meier-Hayoz et P. Forstmoser (2007) § 12 N 10; R. VonlUn (2000) § 3 N 18; K. MUller (2003) NI.

Voir à ce propos dans le présent recueil la contribulion de H. Peter, V. Rivier et M. Anderson (2010) sur les transformations de sociétés de personnes en sociétés de capitaux.

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Henry Peter tout cas pas traitées de façon satisfaisante par la loi ou la pratique26 • On citera notamment la question de savoir quelles masses doivent être prises en considé- ration pour détenniner si et à quelles conditions une telle opération peut être effectuée. li est du reste à craindre que le législateur ait commis ici une erreur conceptuelle27 La même question se pose à propos des scissions d' assainisse- ment, bien que dans ce cas l'inconvénient soit souvent occulté par celui, en gé- néral prévalant, de la responsabilité solidaire des sociétés participant à la scis- sion, prévue à l'article 47 LFuS2829. L'application de la LFus d'une manière qui soit" assainissement friendly» n'est évidemment pas facilitée par l'OFRC qui est ici aussi parfois intraitable, s'arqueboutant sur le texte de la loi alors que la ratio legis permettrait probablement de sunnonter la plupart des obstacles.

O. Conclusion: substance over form et abandon du numerus clausus

Si la LFus, dont les ambitions affirmées étaient de faciliter les restructurations, est ainsi née imparfaite, elle l'est plus encore en conséquence des positions par- fois trop rigides adoptées par l'OFRC d'une façon qui nous paraît dans certains cas contraire aux buts mêmes de la loi. Il en résulte qu'il est difficile d'affirmer que tous les objectifs fondamentaux de la LFus ont été atteints, parce qu'il existe trop d'incertitudes, que les procédures et les exigences sont souvent trop compli- quées et que donc les coûts des transactions sont parfois excessifs. D'où un dé- veloppement probablement surdimensionné des substituts fonctionnels et de la sous-enchère normative qui en découle, arbitrage qui est paradoxalement ac- cepté par l'OFRC alors qu'i! porte parfois atteinte à certains des intérêts que la LFus entend protéger.

Autre paradoxe: alors que la loi et son application sont assez généreuses s'agis- sant de la possibilité de recourir à des voies multiples pour aboutir au même ré- sultat, un des fondements de la LFus, le principe du numerus clausus, exclut de

Voir à ce propos la contribution de R. Trigo Trindade et L. Glanzmann (2010) qui énumèrent une série d'exemples démontrant que les règles relatives aux fusions d'assainissement pourraient être notablement améliorées.

Dans le même sens, R. Trigo Trindade et L. Glanzmann (2010) dont la première thèse prévoit qu'

«il y a lieu de faire ab"traction de l'exigence des fonds propres librement disponibles ou de celle des créances postposées à hauteur des pertes dépassant la moitié du capital et de la réserve légale ».

Voir également, dans le présent recueil, R. Trigo Trindade et L. Glanzmann (2010) dont la 18ème thèse prévoit que «la responsabilité subsidiaire, solidaire et non limitée dans le temps prévue par l'art. 47 LFus empêche de fait les scissions d'assainissement ».

Pour R. Trigo Trindade et L. Glanzmann (2010), selon leurs 7ème et 8ème thèse:; exposées dans le présent ouvrage, «il y a lieu de pelmettre, en principe, les scissions impliquant une société en perte de capital qualifiée ou surendettée ainsi que le transfert d'un excédent passif ».

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La LFus: chronique d'un échec?

son champ d'application des opérations qui, économiquement et peut-être même juridiquement, appartiennent indiscutablement au domaine des restructurations.

On pensera ici notamment à la transformation des entreprises individuelles et des sociétés simples en personnes morales.

Il nous semble partant légitime de se demander si la LFus - en elle-même à cer- tains égards, et telle qu'appliquée, à d'autres égards - est véritablement cohé- rente. Une réflexion fondamentale de l'approche opportune a-t-elle été adéqua- tement menée? Cette approche doit-elle être prioritairement économique (comme en droit fiscal)? Faut-il privilégier (l'un n'excluant pas l'autre) une ap- proche «fonctionnelle», c'est-à-dire basée sur le fond et non pas sur la forme?

En d'autres termes, la LFus ne devrait-elle pas être au droit des sociétés ce que la Circulaire 5/2004 de l'Administration fédérale des contributions sur les restruc- turations est au droit fiscapo: une norme dont l'approche est plus fonctionnelle que formelle. Faut-il enfin - et peut-être en conséquence - abandonner le prin- cipe du numerus clausus? Ce sont là quelques questions axiomatiques qui, une fois tranchées, permettraient à la pratique administrative et judiciaire de disposer d'une ligne de conduite claire et complètement convaincante qui fait actuelle- ment défaut, et dont on peut souhaiter qu'elle incitera le législateur à modifier sans trop attendre la LFus pour remédier à ses défauts de naissance3!.

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Voir la Circulaire AFC «restructurations ».

Voir dans ce sens notanunent le projet de mini-révision de la LFus de A. Binder, V. Roberto, U.

Schenker, R. Tschani et R. Watter, état au 18 février 2006, disponible à http://www.binderlegal.

ch. Leurs postulats sont également disponibles dans l'Expert Comptable 2007 p.978 à 985 et commentés en détail dans A. Binder (2007) p. 123 5S.

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Henry Peter

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Références

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