Tombes de La Tène C trouvées dans le village du Levron (commune de Vollèges, Valais)

(1)

Article

Reference

Tombes de La Tène C trouvées dans le village du Levron (commune de Vollèges, Valais)

TRUEMPLER, Doris, BÉRARD, Clément, SAUTER, Marc-Rodolphe

TRUEMPLER, Doris, BÉRARD, Clément, SAUTER, Marc-Rodolphe. Tombes de La Tène C trouvées dans le village du Levron (commune de Vollèges, Valais). Archives suisses d'anthropologie générale , 1957, vol. 22, no. 1, p. 55-75

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95767

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Extrait des Archives suisses d'Anthropologie générale Tome XXII, n° r, 1957.

Tombes de La Tène C trouvées dans le village du Levron

(commune de Vollèges, Valais)

par

Doris TRÜMPLER, Clément BÉRARD et Marc-R. SAUTER 1 .

l. SITUATION DU LEVRON

Le Levron ²est un village de la commune de Vollèges (district d'Entre- mont, Valais); il est perché à 1300 m d'altitude - à quelque 600 m au- dessus du fond de la vallée - sur un plateau incliné orienté au sud, en face de la large vallée de la Dranse d'Entremont par où passe la route qui mène au col du Grand Saint-Bernard. Il est dominé au nord par l'arête boisée qui, descendant en pente douce de la Pierre-à-Voir (2476 m), s'étend vers l'ouest en formant la courte chaîne que contourne la Dranse avant de traverser Martigny pour se jeter dans le Rhône. Le Levron n'est séparé de la vallée du Rhône que par une distance à vol d'oiseau de 3 à 4 km; sur le terrain cela signifie une rapide montée à l'un des cols qui franchissent la montagne (Pas du Lin - ou du Lens - à 1659 m, col du Tronc à 1606 m) et qui mènent par le flanc nord en direction soit de Saxon (alt. 533 m) soit de Chemin et Martigny (473 m). Cette situation au débouché de cols faciles et face à la route qui conduit en quelques heures au fameux col du Mont- Joux (le Grand Saint-Bernard); ne doit pas être perdue de vue lorsqu'on veut comprendre la densité des trouvailles archéologiques dans ce village haut perché. En effet, cette relative facilité de transit entre la vallée du Rhône et celle de la Dranse d'Entremont contraste avec l'obstacle que constituaient autrefois et naguère les gorges de la Dranse entre Sem.brancher et Martigny, et plus particulièrement le défilé des Trappistes, que la route et la voie ferrée actuelles franchissent grâce à un petit tunnel, ce qui ne les exempt~ d'ailleurs pas, sur le reste du parcours, des éboulements et des glissements de terrain.

1 MM. Cl. Béràrd, inspecteur scolaire, habitant Le Levron, et M.-R. Sauter sont responsables de la descrip- tion topographique et de l'exposé des découvertes. Mil• D. Trümpler a rédigé la description archéologique du mobilier des tombes et les conclusions (traduction Sauter).

2 Carte nat. de la Suisse au r: 50.000, feuillet 565 (ou assemblage 282), coordonnées 578.700/w5.300. Le nom du village signifierait« pré (ou village) au lièvre», pratum (vicm) leporimm,. {JACCARD, H. Essai de topo- nymie, origine: des noms de lieux habités et des lieux-dits de la Suisse romande. Mém. Doc. Soc. Rist. Suisse rom., II, 7, 1906, p. 231). Cf. Armorial valaisan, 19461 p. 285. Le plateau dû Levron est en tout cas giboyeux. ·

(3)

56 DORIS TRÜMPLER, CLÉMENT BÉRARD ET MARC-R. SAUTER

FIG. I. - Situation du Levron. A gauche, éch.: I: :2.250.000. GSB, Grand Sêlint·Bernard; L, Le Levron;

M, Martigny; S, Sembrancher. - A droite, écb.: I: 150.000 {d'après la Carte nat. suisse au 1: 50.000). - - - - courbes de niveau ·(équidistance: 100 m).

IL TROUVAILLES ANTÉRIEURES.

L'un de nous (Cl. B) a pu sauver de la de_struction ou de l'oubli un certain nombre de trouvailles qui s'étalent du Néolithique (?) au haut moyen âge. Nous ne ferons ici que mentionner les principales d'entre elles, pour montrer l'antiquité et la persistance de l'occupation humaine en ce lieu ..

Une hache en pierre polie à talon assez pointu (long. max. 185 mm, poids 480 gr) a été découverte en 1943 à 1.20 m de profondeur, près d'une source, dans les marais de la Combaz, à ¹ km à l'WSW du Levron, au- dessous du col du Tronc 1 . Cela ne signifie pas que Le Levron a été colonisé dès le Néolithique, car on sait la prudence qui est de mise lorsqu'il s'agit de haches polies isolées, pouvant être anciennes (mais de l'âge du Bronze aussi bien que du Néolithique).

Avec la même prudence il faut mentionner les diverses pierres à _cupules qui se trouvent dans les environs du Levron, et plus particulièrement dans le secteur du Pas du Lin et au col du Tronc ²• Leur situation topographique,

1 Coordonnées 577.650/104.680, alt. 1280 m. - LoBSIGER-DELLENBACH, M. Quelques haches en pierre polie et une pointe de lance e,i silex trouvés en Valais (Suisse). Arch. suisses Anthrop. gén., XI, 1945, pp. 14.5-146 et .fig. 5.-- SAUTER, M.·R. Pre'histoire du Valais des origines aux temps méro1.1ingiens. VaJlesia, V, 1955 (abrégé en PV), p. 152.

2 BÉRARD, CI. Les pierres à écuelles du col du I.ein et le folklore lapidaire de Vollèges. Cahiers valais. de Folk!., 13, 1930, sr p. PV, p. r52. - ^SPAHNI,J.·C., Les mégalithes de la Suisse. Schriften d. Inst. f. Ur· u. Frühgesch. · d. Schweiz, 7, Bâle, r950, p. 56.

(4)

TOMBES DE LA TÈNE C AU LEVRON (VALAIS) 57 jointe à leur aspect indubitablement artificiel, leur donne de l'intérêt;

toute détermination chronologique est malheureusement impossible.

Pour l'âge du Bronze, on ne peut que rappeler la découverte de tombes qui seraient de cette époque ^{1 .}

Reprenant la suite de l'histoire antique du Levron, on saute à l'âge du Fer, plus exactement à l'époque de La Tène. Nous y reviendrons.

La colonisation romaine ²·a fait sentir ses effets sur le plateau du Levron.

Depuis longtemps on a signalé là des trouvailles d'objets isolés: monnaies, tessons. En 1955 on a découvert, au SW du village 3, malheureusement dans de mauvaises conditions d'observation, un complexe archéologique dont il est difficile de dire s'il est homogène, et qui n'a pas encore été publié:

d'une part des objets, dont deux petits vases, des tessons et des ornements de bronze (dont une fibule en oméga, une belle broche à décor en émail, un disque) que Mme Ettlinger (Zurich), qui les a examinés, situe à cheval sur la fin du ne et le début du me siècle après J.-C.; d'autre part un lot de monnaies s'échelonnant du 1er au début du rve siècle après J.-C. En atten- dant que soit présentée en détail et discutée cette trouvaille intéressante, contentons-nous de noter ce point de repère dans l'histoire du Levron.

Depuis longtemps on a signalé la mise au jour, au Levron même ou dans ses abords immédiats, de tombes à dalles. Le champ en combe qui se trouve immédiatement au-dessous du village s'appelle cc Li Tombay » (les tombes), alors que de mémoire d'hommes on ·n'y a pas trouvé de sépultures (on n'y a pas fait de défoncement). L'un de nous (Cl. B) se souvient d'avoir vu, dans son enfance, détruire, lors de travaux effectués dans le village, plusieurs de ces tombes, entre autres sous un grand cc raccard )) (grenier sur pilotis) dit cc raccard des Sarrazins )). Ces dernières. années les découvertes se sont multipliées; quelques objets ont été conservés, qui permettent d'attribuer au haut moyen âge le vaste cimetière sur lequel a été édifié le village actuel ^4•

L'âge du Fer au Levron. De cette époque, avant la découverte dont nous rendons compte ici, on ne connaissait que très peu de choses. Comme elles sont encore inédites, il nous paraît utile d'en parler ici. C'est d'abord un

1 Dictionn. géogr. de la S1tisse, VI, 1910, p. 329. PV, p. 15:?. - Rappelons aussi que le refuge du Plachoué situé en contrebas du plateau du Levron, a livré des tombes de cette période. PV, p. 152.

2 Il n'est pas sans intérêt de signaler ici la présence, à 3-4 km à l'W du Levron, aux Planches et près de Chemin, de mines de fer magnétiques à forte proportion de magnétite; la tradition veut que les Romains les aient connues. L'exploitation s'est faite en r,artic à ciel ouvert. On trouve par place: des scories prouvant qu'on a dll, à certains moments, traiter le minerai sur place. Dictionn. géogr. de la Su-isse, I, 19021 p. 474.

3 Coordonnées 578.600/ro5.130, alt 1295 m.

4 PV, p. 152. - SAUTER, M.-R., Préhistoire du Valais, des origines aux temps mérovingiens. Premier supplé- ment à l'inventaire archlologiqite (I950-I954). Valle.sia, X, 1955 (abrégé en PV IL p. 31. - Un radiesthésiste, à qui l'on avait soumis un plan du Levron pour qu'il détecte une source s'est écrié: c( Je ne trouve que des tombes, encore des tombes et partout des tombes. n

(5)

fragment de bracelet en bronze, plus précisément un bracelet valaisan ^{1 .} On sait que ces bracelets appartiennent à la fin de l'époque de La Tène, ce qui signifie, chronologiquement et pour cette région de survivances culturelles, qu'ils sont synchrones de la première occupation romaine; ils voisinent parfois dans des sépultures avec des objets romains du 1er sièc~e après J.-C.

En octobre 1955, l'un de nous (Cl. B.) a observé dans la partie N du village ², sous un mur, une fosse dont la coupe visible avait r.50 m de profondeur et r.ro -m de largeur, et qui entamait.la terre jaunâtre du fond, coupée en deux par un mince lit d'argile. Elle. était remplie d'humus. Au fond de cette fosse se trouvaient des tessons (un fond de vase et un fragment de la panse du même vase probablement), ainsi que quelques ossements d'animaux (bœuf et chamois). Les tessons ont appartenu à un vase à pied de couleur beige, qui devait être décoré d'une ou de plusieurs bandes de couleur blanche, ~ont le fragment de panse porte la trace. Ce type de poterie est caractéristique de l'époque de La Tène D; il date donc de la fin du 1er siècle avant J.-C. ou du début du 1er· siècle après J.-C. Rappelons que le Valais a livré plusieurs vases d'un type apparenté et de la même époque (à Conthey et à Fully, par exemple) ^{3 •}

La signification de cette trouvaille est d'autant moins facile à trouver que les observations faites ont dû être limitées. On pourrait établir avec réserve un rapprochement avec certaines fosses mises au jour dans l'agglo- mération contemporaine de l'Usine à gaz de Bâle~' mais cela ne fait qu'élargir la question sans la résoudre. Il est à souhaiter qu'on puisse retrouver des structures semblables dans des conditions qui en permettent l'examen systématique.

Avec ces pauvres restes on ne peut que confirmer l'occupation du site du Levron à l'époque de La Tène D, ce qui, nous l'avons vu, signifie le début du 1er siècle après J.-C.

Le petit ensemble qui constitue l'objet principal de cette note permet de remonter un peu dans le temps. Nous allons en décrire la découverte, la situation et le mobilier.

1 VIOLLIER, D., Les<< frracelets valaisans ^ii.Genava, VII, 1919, pp. IOj-108. - PV, pp. 49-50.

2 Coordonnées 578.750/ro5.400, alt. 1312 m.

3 VoGT, E. Bcmalte gallische Keramik aus Windisch (Kt. Aargau.). Indic. cl'Antiq. suisses, N. S., XXXIII, 1931, p. 56 et pl. V, 4-5. - Tscaur,n, O., Massenfund benialtcr L:itène-1II-Ware aus Kellergrube r3 in Bcrn- Enge I927. Jb SGU, XL, 1949-50, p. 264. - PV, pp. 86·87 et 95. - PV I, pp. 12 et 14.

4 (MAJOR, E., ed.) Gallische Ansiedelung mit Griiberfeld bei Base!. Bâle, 1940 (abrégé eu MAJOR Bascl), passim.

- LAUR-BELART, R. Ein problematischer Skelettfund. Ur-Sch,veiz, IV, r94oi p. 34. -:-Id., Ein problematischer Skelettf,md beginnt sich ab:ukliùen. Id., VI, 1940, p. sr.

(6)

TOMBES DE LA TÈNE C AU LEVRON (VALAIS)

III. LES TOMBES DE LA NOUVELLE ÉGLISE

59

Les paroissiens du Levron ayant décidé la construction d'une nouvelle église 1, les travaux de creusement des fondations commencèrent en août 1956, à l'W du village, en bordure du lieu dénommé jadis ^ccMarais de Lousse>>, aujourd'hui partiellement occupé par des constructions. Le bâti- ment d'école, sous lequel on avait trouvé des tombes à dalles, est à moins . de ro mètres de l'emplacement de la nouvelle église.

La pelle mécanique avait enlevé le terrain jusqu'à une profondeur de r.30 men contrebas, et de 3 m environ vers le haut de la pente; contraire- ment à notre attente (Cl. B.), aucun vestige ancien n'était apparu, si ce n'est, à quelque 0.30 m de. profondeur, quelques ossements et une monnaie d'Héliogabale (218-219 après J.-C.) ²• Pourtant, quelques années plus tôt, le propriétaire du terrain avait remarqué, en défonçant son pré jusqu'à

0.40 à 0.50 m de profondeur, de petites pierres dressées, enfouies dans le sol et limitant un espace comparable à celui que nécessiterait l'inhumation d'un corps. La suite des travaux devait se révéler plus fructueuse. En effet, le 9 septembre 1956 - alors que malheureusement personne ne pouvait être sur place pour surveiller la régularisation et l'approfondissement du sol au pic et à la pelle - l'un des ouvriers découvrit trois sépultures. Comme il avait déjà participé, il y a quelques années, à la mise au jour de tombes romaines très riches en mobilier, à Fully, il se rendit compte de l'intérêt que présentaient ces trouvailles et s'occupa de sauver de la destruction ce qui pouvait l'être. C'est grâce à ses observations qu'on peut se faire une idée de l'aspect de ces tombes, de même qu'on lui doit la conservation d'un matériel archéologique de valeur.

Les trois sépultures étaient en pleine terre, le corps étant allongé, la tête à l'est. Elles se trouvaient à environ r.40 m de profondeur, dans l'humus.

Les tombes 1 et 2 semblent avoir été jumelles, ou tout au moins très rappro- chées l'une de l'autre. Vers le bas de ces tombesjl y avait un amoncellement de pierres, extraites probablement au cours du creusement des fosses. Les restes d'un mur rudimentaire se remarquaient du côté de la tête.

Voici ce qui a été observé du squelette et du mobilier des trois tombes:

Tombe ^I. Squelette de femme, jeu~e adulte (environ 20 ans), crâne brachy- à hyperbrachycéphale (indice céphalique 85), chamae- à ortho- crâne (i. ht aur.-long, env. 57.8) tapéinocrâne (ht aur.-larg., env. 67.6).

1 Coordonnées 578.600/105.200, alt. 1305 m.

~ La détermination est de :M. N. Dürr, actuellement conservateur du Cabinet de numismatique du Musée d'Art et d'Histoire de Genève; nous l'en remercions. -

(7)

Taille probablement moyenne (env. 1.55 Ill en utilisant la longueur d'un humérus incomplet, estimée à 300 mm par analogie avec d'autres os) ¹.

Mobilier: Celui-ci était concentré à côté ou à l'intérieur d'un vase (celui-ci était complètement brisé, ce qui ne permet pas de préciser), entre le bas gauche et le corps, près du cœur.

a) Pot décoré de mamelons.

b) Bracelet en verre bleu décoré.

c) Bracelet en fil d'argent.

d) Bague en argent.

e) Rouelle en bronze.

/) Deux fibules en bronze.

g) Un petit fragment indéterminable en fer et en bronze.

Tombe 2. Du squelette il n'a rien été conservé.

Mobilier: Sa position n'a pas été observée.

a) Coupe en terre cuite, à dé~or en mamelons . . b) Bracelet en verre coloré en jaune.

Du secteur des tombes I et 2 provient un bracelet en bronze, dont il est impossible de préciser la provenance.

Tombe 3. Cette sépulture a malheureusement été détruite sans qu'aucune observation ait pu être faite; ossements et mobilier ont été jetés! Pourtant des enfants ont ramassé deux fragments (cassés fraîchement) d'un bracelet en verre bleu à décor.

Ajoutons que, deux mois plus tard, en détournant une canalisation d'eau potable sur une propriété attenante au chantier de l'église, on a trouvé une quatrième tombe en pleine terre, à quelque 5 m de~ précédentes;

on ne sait rien de plus sur cette sépulture.

IV. ETUDE DU MOBILIER (fig. 2 à 4)

Les trois tombes à mobilier appartiennent selon toute vraisemblance à l'époque de La Tène. Dans cette étude nous utilisons les désignations de

1 Ce squelette est déposé à !"Institut d'Anthropolo,;ie de l'Université de Genève (n ° 1956-37). Le matériel archéologique sera déposé au Musée de Valère, à Sion.

(8)

TOMBES DE LA TÈNE C AU LEVRON (VALAIS) 61

Reinecke pour les périodes de La Tène ¹parmi lesquelles nous a.urons à situer plus exactement les trois tombes.

Fibules (fig. 2 et 3). Nous commençons avec la tombe I, la plus riche, et avec les fibules. Cette tombe a en effet livré deux fibules en bronze, endommagées.

Dans la première (fig. 2, n° 9 et fig. 3, n° r) manquent le pied de l'arc et l'ardillon;

le ressort est par contre complet et consiste en quatre tours à corde externe. L'arc atteint sa plus grande largeur (env. 4.5 mm pour une épaisseur d'env. 2 mm) au-dessus du ressort, puis il devient plus étroit tout en s'épaississant légèrement. Sa convexité est assez faible; il monte plus fort immédiatement au-dessus du ressort avant de retomber lentement après le premier tiers de sa longueur en s'étalant vers le pied.

La face supérieure de l'arc porte un décor fait de deux fois deux lignes gravées se joignant à angle aigu. Ces angles, quis' ouvrent face à face, sont séparés par deux rainures accompagnées chacune vers l'extérieur d'une ligne gravée parallèle, et qui déterminent entre elles une sorte de nœud aplati. Non loin de l'extrémité de cette décoration le pied devait être attaché, puisqu'il doit s'agir, à en croire sa forme allongée et plate, d'une fibule du type de La Tène C; on ne peut pas préciser plus, car l'arc, à partir de là, est très corrodé. La longueur conservée de la fibule est de 6.4 cm.

La seconde fibule (fig. 2, no ro et fig. 3, no 2) est très semblable à la première, mais seuls subsistent deux tours d'un côté de son ressort. L'arc, plus régulier, est encore un peu plus plat, il n'atteint sa plus grande hauteur que peu avant la moitié de sa longueur totale, et sa largeur maximum seulement à quelque 7 mm au-dessus du ressort; les deux angles de son décor sont un peu moins aigus. Il semble que le pied ait été attaché à peu près au-dessus de la moitié de l'arc. Le porte-agrafe est conservé sur quelque 17 mm de sa longueur et il contient encore un reste de l'ardillon partiellement brisé.

Longueur conservée de la fibule: 7.2 cm.

Indépendamment d'un fragment de fibule d'Evolène-Les Haudères (Hérens, Valais), à décor analogue, mais dont l'arc porte de côté deux bou- tons rapportés, on trouve des fibules analogues dans le territoire du Plateau suisse. Il ne semble toutefois pas y en avoir une seule absolument identique.

Le décor de l'arc entre le renforcement du pied et le ressort est très variable;

en outre, dans la plupart des cas, une partie de cet arc est encore rempli de raies transversales; enfin ces fibules sont aussi en partie plus massives que celles du Levron 2. C'est à Berne et dans ses environs qu'on trouve de telles fibules en assez grande abondance, par exemple à Berne même, au

1 Voir GIESSLER, R. et KRAFT, G. Untersu.c}umgen zttr frûheti. und ti.lteren Latène:;eit am Oterrh.ein u11d in der Schweiz, 32. Ber. d. Rôm.-Germ. Komm. 1942, p. 26:

Reinecke A = Viollier I a

B = I b etc

C = II

» D = ,, III

2 VIOLLIER, D. Les sépu.ltures d1i second âge dit fer srir le plateau s1,issc, :r9:r6 (abrégé en V10LLJER sép.) pl. 8/295, 296, 297, 099, 302, 303.

(9)

0

FIG. 2. - Mobilier des tombes du Levron.

Tombe I: n°8 2 (?), 5 à 9. - Tombe :2: n°⁸r (?) et 4. - Tombe 3: n° 3. - Bracelet n° II de provenance incertaine

Wylerfeld ¹(plusieurs tombes dont le mobilier a été mélangé, mais qui sont apparemment à peu près de la même époque), à Aaregg ¹(le mobilier de plusieurs tombes n'a pas non plus été conservé séparément, mais toutes appartiennent bien à La Tène C), dans la gravière de Scharloch ¹(là encore, on a mêlé le contenu d'un grand nombre de tombes, qui dans leur ensemble doivent pourtant avoir été à peu près contemporaines); ou dans les environs de Berne, à Muri (Mettlengut), tombez ²^•Dans la nécropole de Münsingen aus_si on a une fibule de type semblable dans la tombe 193 ^{3 ;}on en a trouvé d'autres analogues à Motschwil (Berthoud, Berne) dans les tombes III-V ⁴ (leur mobilier a, là encore, -été certainement mêlé, mais il donne une impres- sion d'homogénéité); enfin on peut y rattacher les quatre fibules d'une tombe de la gravière « Langer Znüni ^», à Flaach (Andelfingen, Zurich) s, ainsi qu'une des deux fibules de la tombe de Mettmenstetten (Affoltern, Zurich) ⁶^•

1 VrOLLIER sép.1 p. Ioï, n° 41 (\iVylerfeld), p. 105; n° 28 (Aaregg); p. 106, n° 35 (Schârloch).

2 TSCHUMI, O., Vrgeschichte des Kantons Bern, 1953 (abrégé en TSCHUMI Ug.), p. 302 et fig. 59.

3 VV!EDMER, ]. Das Latène-G1'!iberfe/d bû 1YUinsitigen (Kt. Bern). Arcbiv d. Hist. Ver. d. Kt. Bern, XVIII, 1908 (abrégé en \VIEDMER 111üns.), pp. 269 et 350.

4 TsCHUMI Ug., p. 294, im \Vydacker, tombes 3-5, fig. 180, t-S. - \!IC)LLIER sép., p. ro9., n° Si, 5 Jb. SGU, XLIV, 1954, p. 92 et pl. VIII, 2.

G VIOLLIER sép.~ p. x38, n° I44.

(10)

On constate immédiatement que la composition du mobilier de toutes les trouvailles énumérées ci-dessus (sauf peut-être celui des tombes d' Aaregg, où tout n'est évidemment pas contemporain) est bien homogène et semblable: si l'on trouve d'autres fibules, ce sont pour la plupart des fibules plutôt petites à large ressort, qui sont assez souvent en fer ¹^;il y a de plus des bagues spiralées en argent, des perles en verre ou en ambre, plusieurs vases d'argile ²et surtout des bracelets en verre. Particulièrement fréquents sont les bracelets en verre incolore, contenant à l'intérieur de la pâte de verre opaque jaune, mais il y en a aussi d.e bleu cobalt. Enfin la tombe 2 de Muri Mettlengut ³en contenait un de couleur brune; ce dernier offre sur les deux bords de son corps annulaire un double enfoncement circulaire, la partie légèrement bombée qui se trouve entre les deux est interrompue par des rainures obliques et décorée de lignes en zigzag appliquées en pâte de verre blanche et jaune; si l'on fait abstraction de la couleur. brune, inhabituelle et rare, ce bracelet ressemble beaucoup au bracelet en verre de la tombe r du Levron.

Bracelets en verre (fig. 2). Le bracelet de la tombe r, de couleur bleu foncé, a une forme assez irrégulièrè (fig. 2, n° 5).

Son diamètre extérieur est, mesuré au bord, d'environ 6 cm; le corps circulaire en forme de ruban est haut de 1.4 à 1.7 cm. Sa face interne est lisse, les bords'de la face externe sont séparés par une rainure circulaire d'une partie médiane légèrement bombée, qui est à son tour découpée par des encoches obliques. Les bosses obliques ainsi formé~s sont décorées de lignes en zigzag en pâte de verre alternativement blanche et jaune.

Il y a des bracelets en verre du même genre dans les sépultures de La Tène C du Plateau; ils sont plus souvent exécutés comme l'exemplaire brisé de la tombe 3 du Levron. Les deux bracelets du Levron sont évidemment des variantes du même type, ce qui nous autorise à parler en même temps de celui de· la tombe 3.

Il en a été conservé deux fragments, qui ont permis de reconstituer un bracelet (fig. ^2,n° 3) de forme assez irrégulière et d'un diamètre extérieur au bord d'environ 7 à 7.4 cm; la hauteur du corps est de 1.9 à ²cm. Il est de couleur bleu foncé, lisse à l'intérieur; les bords de la face externe 5ont décorés par deux rainures circulaires, et la partie médiane légèrement bombée est, là aussi, décomposée en bourrelets obliques, décorés de zigzags en pâte de verre jaune. Sur les côtes des bords inférieur et supérieur il y a aussi, alternant vers l'intérieur et l'extérieur, et à des distances données, des zigzags de la même matière.

1 Comme p. ex. VIOLLIER sép., pl. S/316.

2 VIOLLIER sép., fig. 7 et 9. - Jb. SGU, XLIV, 1954, pl. VIII, z.

3 Voir note 2, page 62.

(11)

64 ^DORISTRÜMPLER, CLÉMENT BÉRARD ET MARC-R. SAUTER

On a des bracelets du même type par exemple dans la tombe r de Berne Bümpliz Morgenstrasse 1, dans la tombe r de Zollikofen (Berne, canton de Berne) ² (avec décor jaune), dans une tombe de Bickingen (Berthoud, Berne) ², à Niederried (Interlaken, Berne) ²(tous deux aussi à décor jaune), puis dans la nécropole de Münsingen, tombe r8o ³(une forme peut-être un peu plus ancienne, plus étroite, avec une partie médiane de la ~ace externe un peu plus bombée, à zigzags jaunes et blancs) et tombe 21.r ⁴(à décors blanc et jaune); enfin citons encore çelui de la tombe r du cimetière de Motschwil (Berthoud, Berne) ⁵^,déjà nommé à propos des fibules.

Dans ces tombes, à côté des bracelets mentionnés ici, il y en a en général aussi qui appartiennent à d'autres types (souvent en verre translucide incolore à vernis jaune interne); il y a de plus, entre autres, de petites fibules à large ressort, comme on en trouve aussi dans les sépultures avec fibules du type de celles du Levron; des fibules qui ressemblent par la forme au type du Levron surtout dans son exécution plus lourde, mais dont l'arc ne porte pas de décor ⁶, et des fibules de forme semblable, de nouveau, mais dont l'arc, au lieu d'angles, ne porte comme décor que des lignes transversales ⁶ (ce genre de fibule est présent du reste aussi dans les tombes de Berne Aaregg ⁷, à côté de fibules du type de celles du Levron). En outre, on trouve dans les tombes à bracelets de verre analogues à ceux des tombes r et 3 du Levron des perles en verre et en ambre et des bagues spiralé_es en argent;

enfin mentionnons à Bickingen, entre autres, les fragments d'une chaînette de ceinture en bronze et dans la tombe r de Motschwil un bracelet spiralé en bronze.

A l'étranger aussi on a,. dans des mobiliers funéraires composés d'une manière analogue, des bracelets en verre du type des bleus du Levron: ainsi par exemple en Allemagne dans les nécropoles de Manching (tombe V) s et du Galgenberg près Hackenheim 9 ; en Autriche à Kleinreinprechtsdorf 10;

en Haute-Italie à Saliceta San Giuliano près Modène 11. Mais on a aussi trouvé un fragment d'un bracelet semblable sur le Hradischt de Strado-

1 Jb. SGU, XLII, r952, p. 76.

2 VIOLLIER sép., p. r21, n° 72 {Zollikofen); p. ro8, n° 42 (Bickingen); p. ng, n° 62 a (Niederried). 3 V\'IEDMER Müns., p. 345, et pl. 24/4. En outre anneaux de verre de ce genre à Champagny (Glâne, Fribourg), d'où provient le contenu mélangé d'un grand nombre de tombes: VIOLLIER sé,P., p. 122, n° 78; et dans la tombe 3 de Berne Thormannmâtteli: Jb. SGU, XXIV, 1932, p. 46 et pl. III.

4 WIEDMER Miins., p. 351, et pl. 2.116.

5 Voir note 41 page 62.

6 VIOLL!ER sép., pl. 8/294; pl. 8/3or.

7 Voir note r, page 62.

8 Beitrâge z. Anthrop. u. Urgesch. Baycms, II, r895, p. 40 et pl. III-IV/6 (verre bleu à décor blanc et jaune).

9 BEHRE~s, G. Bodenurkimden aus Rhc.inhcssen, 1927, p. 5S, fig. zoï, 5 al décor blanc et jaune, relation avec le reste du mobilier pas certaine).

10 PITTIONI, R. U1'geschichte des 6sterreichis.chen Raumes, 1954, p. 688, fig. 476, 3 (à décor blanc).

11 MoNTEL1us, O. La civiUsatfon primitive en Italie. I. Italie septentrionale, 1895, pl. n3/2 (à décor jaune).

(12)

nitz 1, ce qui pourrait bien signifier que ce genre de bracelets de verre a été utilisé encore jusqu'à La Tène D ^2•

On constate que les bracelets du type mentionné ont été portés assez souvent en même temps qu'un autre genre de bracelets de verre, dont un exemplaire s'est trouvé dans la tombez du Levron, qui jouxtait la tomber.

Ceci nous amène à passer sans autre à la description de ce bracelet (fig. z, n° 4).

C'est un bracelet en verre incolore translucide, dont le corps circulaire, lisse en dedans, est marqué extérieurement de quatre rainures parallèles aux bords. La partie médiane encadrée par ces rainures, plus large, est fortement convexe. Sur la face interne le bracelet porte un vernis de verre jaune opaque. Son diamètre externe, mesuré au bord, est d'environ 7.8 à 8 cm, la hauteur du corps, de 2.2 à 2.35 cm.

Ce type de bracelet de verre ³se rencontre çà et là, nous l'avons dit, dans des mobiliers funéraires qui contiennent aussi des bracelets de verre du genre des bleus du Levron, c9mme par exemple dans la tombe ^Ide Berne Bümpliz Morgenstrasse ⁴et dans les tombes de Niederried et de Bickingen ⁵

(ce dernier, il est vrai, est en verre vert clair sans vernis jaune); il y en a aussi dans des complexes avec fibules du type de la paire du Levron, comme c'est le cas dans la tombe de Mettmenstetten (Zurich) ⁶et dans les mobiliers funéraires de Berne Aaregg, de Wylerfeld et de Scha.rloch ⁷, ainsi que dans celui de Champagny (Fribourg) ^{8 •}Comme autres trouvailles funéraires du Plateau suisse à bracelets. de verre du type qui nous occupe, citons par exemple les tombes 5 et ^IOde Berne Rossfeld ⁹(contenant chacune une monnaie celtique en argent), ainsi qu'une tombe découverte en 1952 à Berne Bümpliz (angle Morgen-Frankenstrasse) ¹⁰, la tombe z de Motschwil (Berne) ^{11 ;}enfin, on trouve un de ces bracelets parmi les objets provenant de différentes sépultures de Frauenfeld (Thurgovie) ¹².

L'inventaire de toutes ces trouvailles comporte des éléments semblables à ceux qu'on a trouvés avec les fibules et les bracelets de verre du type de

1 Pic, J.-L. (trad. de DÉcHELETTE, J.). Le Hradischt deStradonit= en Bohême, 1906 (abrégé en Pic Hradischt), pl. V/II, I2.

2 Un seul fragment d'une station mal fouillée ne signifie évidemment pas grand-chose en soi; il y a cepen- dant là un certain nombre de fragments de bracelets en verre de divers autres types. Quoique le moment du début de l'occupation du Hradischt ne soit pas tout à fait assuré, i! en provient tout au moins aussi des fibules d'un -schéma La Tène C 6volué.

3 Voir VIOLLIER sé.p., pl. 33/;.

4 Voir note 11 page 64.

j Voir note 21 page 64 G Voir note 6, page 62.

i Voir note 1, page 62.

s Voir note 31 page 64.

o Jb. SGU, XLI, r951, p. ro7.

JO Id., XLIV, p. gr et pl. VII/2.

11 Voir note 4, page 6z: fig. 179, 4·7·

12 V10LLIER sip., p. rzs, no ro.:::. - Musée national suisse.

(13)

ceux du Levron. Dans le Valais même, du reste, à Conthey Loyse ¹, on a découvert un second bracelet du genre décrit ici.

Des bracelets du type de la tombe 2 du Levron ont certainement été portés au cours de La Tène D, comme le prouve un exemplaire analogue de la tombe 21 de la nécropole dépendant de l'établissement La Tène tardif de l'Usine à gaz de Bâle 2 ; on en a trouvé aussi des fragments correspondants

sur le Hradischt de Stradonitz a. ·

En

Allemagne il existe aussi des bracelets de cette espèce. C'est le cas par exemple dans les mobiliers funéraires du Nassauer Ring, à Wiesbaden 4, de Trochtelfingen (Kreis Sigmaringen) 5 , de Dühren (Sinsheim, Baden) 6 ,

de la tombe 3 (1903) et 9 (1903-4) de la nécropole de Manching ⁷^;tous èes . ensembles appartiennent à La Tène C, et surtout à un moment tardif de cette époque, ou même seulement au début de La Tène D.

Ainsi donc le type de bracelet de verre de la tombe z du Levron, tout comme celui des tombes l et 3 et le type de fibule du même endroit, appartient, en concomitance avec quelques autres genres de fibules et de bracelets et d'autres types d'éléments du mobilier funéraire, à un ensemble bien déterminé d'objets qui apparaissent souvent groupés. Ce chotx précis d'ornements et d'éléments du costume est conditionné par la mode qui régnait à un moment - plutôt tardif - de la période de La Tène C, surtout dans notre région.

Il nous faut maintenant rechercher comment se compor.tent les autres éléments de l'inventaire des trois tombes du Levron par rapport à cet horizon.

C'est ainsi qu'il y avait encore dans la tombe 1 une bague en argent (fig. z, n° 8), en ruban massif, dont la face externe est fortement bombée, tandis que la face interne ne l'est que peu. Les bagues simples, lisses, rondes ou en ruban ont une forme si élémentaire qu'elles peuvent se trouver dans toutes les époques. Toutefois il semble que le type tout de même un peu particulier de l'objet du Levron (avec son anneau assez massif et un peu bombé) n'a été que très peu porté pendant La Tène C sur le Plateau suisse; on préférait à cette époque les bagues en spirale, celles faites d'un fil enroulé en un nœud décoratif, enfin celles du genre bague à chaton. Aucun

des· mobiliers funéraires en quelque sorte clos du Plateau, parmi ceux

1 PV, p. 86 (trouvé en x903; avec deux bracelets en verre violet et un autre en verre jaune).

2 MAJOR, Base/, p. 169 et fig. 74 et 75.

s Voir note I, page 65: pl. V/36.

4 BEH.A.GHEL, H. Die Eisen;;eit im Rattme des Rechtrheinischen Schiefergebirges, 1949, pl. 33/A 3.

5 BITTEL, K. Die Kelten in Wii.rttemberg, 1934, p. 22 et pl. 18/S.

6 SCHUMACHER, A. Grablzmd dersog. Mittel-La Tène-Zeit vo1i.Dühren (Be::.-A. Sinsheùn, Grossit. Bad.en).

Die Altertümer uns. heidnischen Vorzeit, V, I9II, p. 73, pl. r5/259 et p. 75

7 Beitrage z. Anthrop. u. Urgesch. Bayerns, r6, r907, p. 57 et pl. X/IV; p. 39 et fig. n/7 (verre verdâtre avec pâte de verre jaune à l'intérieur).

(14)

que nous avons utilisés jusqu'ici pour la comparaison, ne.contient une bague semblable. Il en existe par contre quelques exemplaires comparables à Giubiasco (Tessin), par exemple, dans les tombes 23, 164, 249, 424, 542 et 612 ¹; la majorité est en argent, comme la pièce du Levron, et d'ailleurs comme beaucoup des bagues de La Tène

. c

^enSuisse. Pour autant qu'on puisse se fier aux inventaires des tombes citées de Giubiasco il appert qu'elles se situent encore partiellement dans La Tène C, mais en partie aussi dans La Tène D. Dans la nécropole lombarde d'Ornavasso on a aussi mis au jour des bagues du genre de celle du Levron, par exemple dans les tombes 3 et r5 de San Bernardo 2, qu'il faut dater seulement du début de La Tène D 3•

F1G. 3. - N°⁸1 et :::1 fibules. - N° 31 bracelet en fil d'argent. - 1\⁰4, rouelle en bronze. - N° 5₁bracelet en bronze massif. Echelle: 1: ::!.

On ne s'étonnera pas de voir que les gens du Levron aient eu, à l'époque de l'inhumation dans les trois tombes étudiées ici, d'actives relations avec les régions au sud des Alpes, puisque, comme on l'a fait remarquer dans la première partie de cette -note, cette localité se trouve à proximité de la route qui conduisait déjà du Valais vers la Haute-Italie par le Grand Saint-Ber- nard.

Le second ornement en argent de la tombe r du Levron témoigne lui aussi de ces relations avec le sud. C'est un bracelet oitvert (fig. 2, n° 7 et fig. 3, n° 3) fait d'un fil d'argent rond de quelque 3 mm de diamètre, doublé et tordu de façon que les deux extrémités de l'anneau forment une sorte de boucle; le double fil est artistiquement noué en cinq endroits, où l'anneau

l ULRICH, R. D1'.c Griiberfelder in der Umgeb1rng von Bellin:ona, Kt. Tessin, 1914. (abrégé en ULRICH Gr.), pl. XLII/z et 4; pl. LXX/1; pl. LVII/22.

2 BIANCHETTr, E., I sepolcreti di Ornavasso. Atti Soc. di Arcbeol. e Belle Arti prov. Torino, 6, 1895 (p. I) (abrégé en BIANCHETTI Orn.), pl. XIII/17 et 20 (toutes deux en argent).

3 Voir les développements de MOBERG, C.-A. Between La Tènt! Il and Ill. Acta Archaeol., XXIII, 1952 (p. I).

(15)

est un peu plié, ce qui donne à l'ensemble une forme légèrement ovale- hexagonale, dont le diamètre extérieur est d'environ 6.2 à 6.6 cm.

Le seul fait qu'on ait donné à la jeune fille de la tombe l non seulement une bague en argent, mais encore un bracelet du même métal, serait quelque chose d'assez extraordinaire sur Je Plateau suisse, tandis qu'une telle abondance d'argent n'est pas rare dans les sépultures contemporaines de la Haute-Italie et du Tessin. Pour le bracelet en argent. du Levron on trouve cependant des parallèles dans des cimetières de Berne; la patrie de cette forme d'anneau ne doit cependant pas être cherchée là. L'un de ces deux bracelets ¹provient des .tombes déjà maintes fois citées d' Aaregg ^2,tandis que l'autre, qui n'offre que trois nœuds et dont les grandes boucles termi- nales manquent, se trouvait dans la tombe 3 du cimetière de Thormann- ma.tteli 3 , en compagnie d'un bracelet en verre bleu semblable à celui dont il a été question ci-dessus (avec zigzags jaunes et blancs), ainsi que d'un bracelet en jayet, d'une chaînette de ceinture et d'une bague spiralée en bronze, de trois perles en verre et d'une en ambre, et d'un anneau ouvert en bronze, en ruban massif, orné de cercles concentriques· et de coches, qui appartient de par son type à l'une des variantes du « bracelet valaisan»;

celui-ci représente, parmi les ornements en anneau, et à l'exception de quelques pièces arrivées jusqu'en Haute-Italie, une spécialité exclusive- ment limitée au Valais ⁴• La variante de ces bracelets valaisans qui se trouve dans la tombe 3 de Berne Thormannma.tteli existe en outre par exemple en deux exemplaires dans la tombe 49 du cimetière San Bernardo à Orna- vasso ⁵^.Ce même cimetière précisément a livré quatre bracelets du type de celui du Levron; il s'agit des tombes 3, 8, ro et 15, qui étaient voisines et garnies de manière semblable; elles sont datées, vraisemblablement, d'après le témoignage des monnaies (romaines) les plus récentes des tombes 3 et 10 (qui doivent avoir été frappées entre 124 et 103 avant J.-C.) ⁶^,des dernières années du ne ou du début du 1er siècle avant J.-C. A Giubiasco aussi on a trouvé plusieurs bracelets en argent du même-type, par exemple dans les tombes 70, 89, 95 et 424 ⁷^;si les renseignements sur leur contenu sont exacts, celles-ci appartiennent à la fin de La Tène C ou à La Tène D, en partie seulement au _1er siècle après J.-C.

Du Valais même provient encore un exemplaire de cette sorte de bracelet, très semblable à celui du Levron: il est d'Isérables (Martigny) et il

1 Viou.IER sip., pl. 21/107.

:? Voir note 1, page 62.

3 Voir note 3, page 64.

4 V10LLIER, op. cit., Genavai 1929.

5 BIANCHETTI Orn., pl. XII/9.

6 MoBERG, C.·A. When did Late La Tène Begin ? Acta Archaeol., XXI, 1950 (p. 83), surtout fg. 6.

7 ULRICH Gr., pl. LXVII/14 et 16.

(16)

passe pour avoir été trouvé avec deux fragments de bracelets en verre rouge violet et avec un autre transparent avec vernis jaune sur là face interne 1 .

Les exemplaires valaisans de bracelets en argent avec corps en fil tordu et noué sont peut-être un peu plus massifs que ceux de Berne, mais les bracelets haut-italiens et tessinois sont en général encore plus grands et lourds, ils sont tordus de façon un peu plus lâche que les autres anneaux de ce type, ce qui correspond bien au goût de l'époque dans cette région.

C'est probablement de là qu'est venu en Valais l'idée de la fabrication de cet ornement, même si elle ne doit pas y être née; en tout cas ce type de bracelet était particulièrement apprécié au Tessin et dans la région d'Orna- vasso et il y est resté plus longtemps qu'ailleurs à la mode.

Ce n'est d'ailleurs pas qu'à l'époque de La: Tè~e que le Valais a reçu des impulsions toujours renouvelées du sud, comme du reste naturellement d'autres directions; ce fut le cas déjà dans les périodes antérieures. D'autre part, dans cette terre, les traditions anciennes ont été conservées et entre- tenues souvent longtemps à côté de la nouveauté; c'est ainsi que des élé- ments absolument non-celtiques, comme les bracelets valaisans, ont duré bien avant dans la période de l'occupation romaine à côté d'éléments de type bien celtique. Dans les tombes du Levron on ne voit guère ·se mani- fester ces traditions indigènes, car tout le mobilier se rapporte au groupe des formes de la civilisation celtique de La Tène. On y peut plutôt constater avec quelles autres régions celtiques ou celtisées les habitants d'alors du Levron - qui d'après les indications de César se rattachaient à la tribu des Véragres - étaient en relations plus étroites.

Il reste à parler d'un autre objet en métal appartenant au mobilier de la tombe I du Levron: il s'agit d'une roitelle e1i bronze (fig. 2, n° 6 et fig. 3, n° 4), à quatre rayons, de forme assez irrégulière. Il est un peu endommagé et corrodé. Il porte sur son pourtour externe trois appendices, dont deux sont plus rapprochés l'un de l'autre, un seul se trouvant directe- ment dans le prolongement d'un rayon, le troisième étant opposé aux deux autres. Le diamètre extérieur de la rouelle est d'environ 3.2 à 3.4 cm.

Il y a eu des rouelles en bronze de ce genre dès l'âge du Bronze. Pendant la première partie de Là Tène elles sont pourtant très rares, du moins dans les mobiliers funéraires du Plateau suisse (il n'y a pratiquement pas de frouvailles en habitat).

Il ne semble du reste pas y avoir de répondant exact à la rouelle du Levron. On observe quelque analogie dans un exemplaire de Bülach

1 HEIERLI, J. Grabjunde aus dem Wallis. Indic. d'_A.ntiq. suisses, 6, :r8SS-9t, p. 573 et pl. XXIX. - PV, p. xoo.

(17)

(Zurich) 1, trouvé en dehors de la tombe 3 (où l'on n'a signalé aucun mobilier). Dans la tombe 27 de Münsingen-²il y avait une rouelle à six rayons et à trou central, endommagée. La station de La Tène ³a fourni quelques rouelles à quatre ou huit rayons, quelques-unes à trou central, mais toutes ont un pourtour régulier. Le mobilier funéraire de Dühren ⁴ (Sinsheim, Baden, Allemagne), déjà cité à cause des bracelets en verre, contenait aussi une rouelle analogue.

Dans la phase tardive de La Tène il y a par contre des rouelles en bronze en plus grand nombre, tant dans des établissements que dans les tombes: dans le cimetière du village de !'Usine à gaz à Bâle, par exemple dans les tombes r3, r9, 44 et 50 ⁵; dans le Valais même il y a parmi les objets qui proviennent de tombes de Full y Beudon (Martigny) ⁶une rouelle (à neuf rayons qui débordent et à trou central), qu'il est malheureusement impossible de dater avec certitude, car le mobilier de ces tombes a été mélangé.

Dans la station La Tène finale du Hradischt de Stradonitz ⁷ainsi que sur le mont Beuvray s, etc., on a utilisé des rouelles de fabrication variée;

elles étaient évidemment souvent pendues à une ficelle, enfilées en rang sur un fil, suspendues à l'arc d'une fibule ou encore fixées à celle-ci par une chaînette 9 ; elles se trouvent enfin en séries avec des monnaies et des anneaux 10 . Il y a aussi parmi les rouelles tardives de La Tène des exemplaires à 4 et 8 rayons, avec ou sans trou central, le centre étant parfois épa1ssi en ombilic, de petites et de grandes; il eri est d'autres à bord denté.

Fréquemment ces rouelles montrent une fabrication peu soignée. On les a interprétées comme pendentifs ornementaux, comme amulettes ou même comme une sorte de monnaie; on n'en peut rien dire de bien certain. La rouelle en bronze de la tombe r du Levron ne peut donc pas être datée avec plus de précision, mais comme élément du mobilier d'une tombe de La Tène C elle ne déborde pas des cadres chronologiques.

Le petit fragment d'objet en fer entouré d'un petit anneau de bronze ne peut pas être déterminé avec précision.

Céramique (fig. 2 et 4). Il reste encore à parler des deux récipients des tombes r et 2. On ne peut pas les répartir exactemént dans les deux tombes,

1 VIOLLIER sip., pp. 137-138, n° 136 et pl. 30/13.

2 \:VIEDMER M-üns., p. 304 et pl. 22/5.

3 VouGA, P. La Tène, 1923, colonne 69 et pl. L/r et 23.

4 Voir la note 6, page 66: ScHUMACHER, p. 77 et pl. 15/276.

& MAJOR Basel, fig. 70/10-16.

6 PV, p. 95.

7 Pre Hradischt, pl. X/24, 27-.10.

S DitCHELETTE, J. Les .fouilles du mont Be1wray, de I897 à I90I, 1904, pl. XIV/12.

n In. Manuel d'archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, II, Troisiime partie, 1914, p. 1296, fig. 560/9 (= 2° éd., IV, 1927, p. 802, fig. 560/9).

10 Par ex. BEAUPRÉ, comte de. L'oppidum de Sainte-Geneviève, 1910, pl. I et p. 12.