• Aucun résultat trouvé

Retour aux sources. Monologue Femme

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Retour aux sources. Monologue Femme"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

Retour aux sources Page 1 sur 8 © Daniel Pina

Retour aux sources

Monologue Femme

Retour d’une comédienne dans le théâtre où elle a donné sa première représentation, submergée par une vague d’émotions diverses.

Durée approximative : 8 minutes

« Eh bien oui, c’est moi, l’enfant du pays.

Je suis très heureuse de me retrouver dans cette salle.

Parce que c’est ici même que s’est passé ma première représentation.

Je suis bourrée… je suis pleine… je suis emplie d’émotions.

J’en suis toute retournée.

(écoute quelqu’un parle) Je vous demande pardon ? Je suis sur scène pas dans la salle.

Putain, ça commence fort !

Non, je ne suis ni pleine ni bourrée, juste émue… c’est normal non ?

Nous les artistes, nous sommes constamment accompagnés du trac.

Pour les comédiennes c’est le trac… à fleur de peau.

Pour les comédiens… c’est plutôt le trac boursier voyez ! C’est comme le black Friday, avec de grosses réductions.

(2)

Retour aux sources Page 2 sur 8 © Daniel Pina

Bref, c’est frissons garantis, mais pas dans les mêmes secteurs.

C’est terrible, certains ne s’en remettent pas.

Oui carrément, les boules ! Nous sommes des artistes.

Nous sommes des équilibristes bavards qui vivons sans cesse sur le fil du rasoir, tantôt loquaces avec éloquence, tantôt laconiques avec concision.

Que le public valide ou bien rejette, comprend, accepte ou bien renie.

Et sans cesse offerts en pâture à l’intolérance des critiques acerbes.

(écoute quelqu’un parle) Je vous demande pardon ? Je pourrais employer des mots que tout le monde comprend ?

Mais je le cause à lui ? Tu comprends ça ?

Qu’est-ce qu’il a l’impertinent, il croit que c’est facile peut-être ? C’est vrai ça !

En quelque sorte nous sommes des peintres, des embellisseurs.

Vous croyez que c’est facile de mettre une couche de rose sur une couche de noir ?

Non monsieur, je ne dis pas ça pour vous.

Jambo mon frère !

J’ai déjà du mal à me rappeler mon texte alors s’il faut que je ménage la susceptibilité de chacun, où va-t-on ?

(écoute quelqu’un parle) Je vous demande pardon ? Que je rentre chez moi ça serait bien.

(3)

Retour aux sources Page 3 sur 8 © Daniel Pina

Je suis… une piètre comédienne.

Je ne vous crois pas monsieur, vous savez ce que vous êtes, un homme sans cœur monsieur, sans aucun sentiment.

Je ne vous crois pas monsieur parce que vous savez ce que nous sommes, en toute modestie ?

Eh bien je vais vous l’dire !

Nous sommes de bonnes vibrations.

Des créateurs de rêves et de bon temps, une lumière qui surgit au milieu des ténèbres.

Non monsieur, je ne dis pas ça pour vous.

Jambo bwana !

Vous savez, monsieur Chardin disait, on ne peint pas seulement avec des couleurs, on peint avec le sentiment.

Nous sommes des libérateurs, un peu comme des psys.

Du coup ça fera 200 euros la séance.

Mais non j’déconne… c’est 300.

Ne vous plaignez pas, à ce prix-là chez un psy c’est vous qui parlez, là c’est moi qui fais tout le boulot.

C’est quand même plus sympa ici non ?

(écoute quelqu’un parle) Je vous demande pardon ? Mais je le cause à lui ? le psy-chopathe ?

Ce n’est pas un psy qui lui faut à celui-là, c’est un bâillon.

Et à onze heures c’est un bouillon.

(4)

Retour aux sources Page 4 sur 8 © Daniel Pina

Vous voyez les types dans son genre, les mêmes qui font souffrir, sciemment ou pas, ils sont toxiques.

Toujours prêts à flinguer une carrière, un mariage, une amitié.

L’humain dans toute sa laideur quoi !

J’encaisse, d’accord j’encaisse, mais je te préviens minus, je rends la monnaie.

Quand on y pense c’est tout à fait normal pour une comédienne de rendre la monnaie de sa pièce.

Les larmes ne sont pas toujours théâtrales, et les galères bien réelles, celles de notre vie nous plongent dans un grand désarroi.

Qu’il nous faut cacher sur la scène, qu’il est impossible d’ignorer et qui nous minent.

(silence)

Lorsque ma mère est morte…

Vous remarquerez que je ne dis pas, lorsque j’ai perdu ma mère.

Perdu, ça peut sous-entendre que c’est moi qui l’ai égarée, or, ce n’est pas le cas.

Je ne l’ai pas perdue ma mère, elle est partie, ailleurs.

Lorsque ma mère est morte, le monde s’est écroulé autour de moi, en moi.

Tout s’est envolé, surtout l’espoir.

L’espoir de la revoir, secrètement on espère toujours un miracle.

Juste qu’elle revienne me dire au revoir, juste qu’elle revienne me dire je t’aime.

(5)

Retour aux sources Page 5 sur 8 © Daniel Pina

L’espoir d’un monde meilleur, car on espère toujours un meilleur.

Mais un meilleur quoi ?

Comment celui où je vis peut-il le devenir puisque ma mère n’y est plus.

Je l’aime ma mère, bien évidemment que je l’aime.

Mais je lui en veux de me laisser désarmée et inconsolable, même si elle n’a pas choisi cette situation.

Le deuil, c’est un tsunami qui nous submerge de souvenirs que l’on pensait enfouis à tout jamais.

C’est la contradiction des sens.

J’ai le sens de la contradiction, je refuse catégoriquement d’être engloutie.

Je revois mon enfance et mes idéaux qui se sont envolés.

Les études, bien trop tôt arrêtées.

Mes attentes d’amour, colombe blessée par des chasseurs peu scrupuleux.

Tirant à bout portant et me laissant à terre, quasiment à l’agonie.

Suprême bassesse, ultime irrespect.

La guérison sera longue à obtenir, elle exige de moi une force que je n’ai pas encore entièrement rassemblée.

Malgré leur manque de loyauté, je m’en suis sortie plus grande, plus forte.

Je les en remercie.

Si si, vous avez bien entendu, je les en remercie.

(6)

Retour aux sources Page 6 sur 8 © Daniel Pina

Grâce à eux je me sens vivante, je me suis ressourcée, oui, grâce à eux enfin, je me sens belle.

Presque invincible.

(silence)

Faut dire qu’aujourd’hui les valeurs n’ont plus de valeurs.

Les odeurs n’ont plus d’odeurs.

Les sentiments n’ont plus de sentiments.

Monsieur Chardin serait surpris de voir ces couleurs qu’il a tant aimées complètement délavées, et les sentiments dégradés.

Le deuil, les manques, les abandons m’ont fait courber l’échine.

Eh bien non, je ne capitule pas, je veux rendre possible la résilience.

Je veux combler tous les vides.

Je veux retrouver celui qui se comportera différemment des autres, parce que je suis une battante.

Parce que je le veux, parce je sais qu’il existe.

Il ne sait pas que j’existe, c’est tout.

Eh bien oui c’est moi Yoyo, Yoyo la guerrière, Yoyo la battante, Yoyo…

(écoute quelqu’un parle) Je vous demande pardon ? Yoyo l’épave ?

Si je le chope celui-là je ne vous dis pas à quoi il va ressembler.

Voilà, je suis prête.

Je suis prête, à affronter le nouveau monde.

Nouvelle partition, nouvelle symphonie.

(7)

Retour aux sources Page 7 sur 8 © Daniel Pina

C’est moi qui vais composer la musique.

Cette fois c’est moi qui vais diriger ma vie, personne d’autres.

Je le dois à mon entourage, je me le dois aussi.

Terminé le temps où je broyais du noir.

Non monsieur, je ne dis pas ça pour vous.

Bonjou, sa ou fé ?

Qu’est-ce que je disais moi ? Ah oui.

Nouvelles résolutions, nouveaux départs…

Qui a dit nouveau gadin ?

Le parcours sera long, enfin je l’espère, semé d’embûches et d’imprévus, mais je suis plus apte aujourd’hui à les accepter et à les combattre.

(silence)

Vous savez quoi, j’ai franchement l’impression d’être dans le cabinet d’un psy.

Je parle, je parle, vous écoutez, vous regardez votre montre, y’ en a un qui baille, un autre qui dort.

Madame… madame, votre portable vient de vibrer.

Ce n’est pas votre portable, désolée, je ne voulais pas être indiscrète.

C’est le mobile de votre mari…

(sortir un portable et chercher…)

Mobile, mobile, mobile… voilà, corps en mouvement.

Je vous l’ai bien dit, les vibrations sont comme les comédiens, créateurs de rêves et de bon temps.

(8)

Retour aux sources Page 8 sur 8 © Daniel Pina

Je pense que cette séance ne sera pas suffisante, je vais vous prendre un autre rendez-vous.

J’ai encore tellement de choses à vous dire.

Et j’ai encore tellement de choses à accomplir.

Je veux repeindre le monde aux couleurs qu’il mérite, pour éviter que l’on devienne, vous et moi, ce que peignait monsieur Chardin, des

natures mortes.

(silence)

Merci de m’avoir supportée.

Donc là si je comprends bien, c’est moi qui vous dois 300 boules ? »

Fin

Jambo = Bonjour (Swahili)

Jambo bwana = Bonjour monsieur (Swahili)

Bonjou, sa ou fé ? = Bonjour, comment ça va ? (Créole)

Toute mise en ligne, reproduction, adaptation et traduction, intégrale ou partielle, ne peut s’effectuer qu’avec le consentement de l’auteur

daniel.pina.auteur@gmail.com Janvier 2020

Références

Documents relatifs

graphique PCI Express ne pourra accueillir que cartes graphiques au format PCI Express (standard actuel) ; un bus graphique AGP ne pourra accueillir que des cartes graphiques

tant un système d'alimentation variable pour les différents haut-parleurs composant la c,,. Les sons de toute la gamme musicale à reproduire ne doivent pas. On

C'est beaucoup plus large, donc on peut trouver des emplois pour un Français, un jeune, qui, s'il voyage, complétera sa formation dans un autre pays ; pour d'autres gens en

Face à des c ontingen- ces diverse s avec lesquelles nous devons ca11pter , nous ne pouvons que rareme nt avplique r in- tégralement les techniques Freinet.. Enfin,

Ces activités, elles se retrouvent toutes, au côté de 67 autres, dans le dossier pédagogique « Je vais bien à l’école », et illustrent parfaitement

Dans sa composition, rentrent de l’eau pure (cinq à dix litres pour un litre de bière) ; de l’orge, transformée en malt dans une malterie, riche en amidon (vingt à vingt- cinq

Existe-t-il des stéthoscopes qui amplifient les sons pour les personnes qui souffrent d’une légère perte de l’audition mais n’ont pas encore besoin de pro- thèses

Depuis qu’elle a connu la peinture en bas, bon elle a dessiné une ou deux fois ça et quand je lui ai expliqué et tout elle a changé de dessin, elle fait des beaux dessins, elle