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NOTESDELECTURE Consommation de poisson pendant la grossesse
et la petite enfance et futur statut allergique : une méta-analyse
Depuis plusieurs années, il a été suggé- ré que les acides gras polyinsaturés à longue chaîne n-3 (LC-PUFA n-3) avaient des propriétés anti-inflamma- toires et pouvaient diminuer le risque d’allergie chez l’enfant [1]. Le poisson est une excellente source de LC-PUFA n-3.
La revue de Kremmyda et al. serait plutôt en faveur d’une action préventive, car, dans la majorité des études analysées, la consommation de poisson, d’huiles is- sues de poisson et de LC-PUFA n-3 et n-6 pendant la petite enfance et les pre- mières années de vie diminue le risque de sensibilisation aux allergènes usuels ainsi que la prévalence et la sévérité de la dermatite atopique au début de la vie[1]. Cependant, l’effet du poisson sur les maladies allergiques reste contro- versé puisque, dans cette méta-analyse portant sur 14 études, les effets sur les principales manifestations (eczéma, rhinite, asthme) restent incertains à l’adolescence[1].
Zhang et al. ont consulté EMBASE, Pub- Med et le registre de la Cochrane pour rechercher des essais contrôlés et ran- domisés (études systématiques) et des études prospectives de cohortes afin d’évaluer l’effet de la consommation de poisson pendant la grossesse ou la peti- te enfance sur l’évolution de ces enfants vers un statut allergique ou non[2]. Les manifestations allergiques analysées étaient l’atopie, l’eczéma, la rhinite al- lergique, le wheezing (respiration sif- flante), l’asthme et l’allergie alimentaire.
1 essai contrôlé randomisé et 17 publi- cations venant de 13 études prospec- tives de cohortes ont été inclus pour la consommation de poisson par les mères pendant la grossesse, tandis que 8 publications venant de 5 études pros- pectives de cohortes concernaient la consommation de poisson pendant la petite enfance.
L’analyse de toutes ces données a sug- géré que la consommation de poisson par les mères pendant la grossesse
n’était pas associée à un risque plus faible portant sur l’un ou l’autre des phénotypes d’allergie sus-indiqués [2]. Par contre, la consommation de poisson au cours de la première année de vie a réduit le risque d’eczéma (RR : 0,61 ; IC à 95 % : 0,47-0,80 ; p = 0,0003) et celui de rhinite allergique (RR : 0,54 ; IC à 95 % : 0,36-0,8 ; p = 0,003)[2].
Ces résultats s’inscrivent donc dans le corpus des études indiquant l’intérêt de ne pas retarder la diversification des
« aliments réputés allergisants ». Au contraire, une introduction précoce de ces aliments est globalement de nature à induire la tolérance alimentaire. Dans cette étude, les pourcentages de réduc- tion de la dermatite atopique et de la rhinite allergique étaient respective- ment de 68 % et 74 %[2].
Ainsi, la consommation de poisson, en particulier de LC-PUFA n-3, peut avoir un effet protecteur vis-à-vis des aller- gies, mais des études systématiques de haute qualité sont encore nécessaires.
[1] KREMMYDA L.S., VLACHAVA M., NOAKES P.S. et al. : « Ato- py risk in infants and children in relation to early exposure to fish, oily fish, or long-chain omega-3 fatty acids : a systematic re- view », Clin. Rev. Allergy Immunol.,2011 ; 4 :36-66.
[2] ZHANG G.Q., LIU B., LI J. et al. : « Fish intake during pregnan- cy or infancy and allergic outcomes in children : a systematic re- view and meta-analysis », Pediatr. Allergy Immunol.,2017 ; 28 : 152-61.
La prévalence mondiale de l’asthme d’effort se situe autour de 10 % chez les enfants et les adolescents
Une méta-analyse récente incluant 66 études* totalisant 55 696 individus a montré que, globalement, 5 670 (10,18 %) avaient un asthme induit par l’exercice (AIE) confirmé par une épreu- ve d’effort [1]. La prévalence moyenne de l’AIE était de 9 % dans la population générale (intervalle de confiance com- pris entre 8 et 10 %), mais les chiffres étaient plus élevés aux Etats-Unis et dans les pays du Pacifique et d’Asie, ce qui peut être mis en parallèle avec la forte prévalence de l’asthme aux Etats- Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélan- de[1]. Comme cela était attendu, la pré- valence de l’AIE était plus élevée (15 %, IC à 95 % : 9-21 %) chez les enfants et G. Dutau,Toulouse
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mai-juin 2018 page 147 les adolescents sportifs. Ce constat est
associé à divers facteurs : type et inten- sité de l’entraînement ; hyperventila- tion ; inhalation d’air froid au cours de certains sports asthmogènes comme les sports de neige et de glace. Globale- ment, les auteurs ont estimé qu’il de- vrait y avoir autour de 16,5 millions d’enfants et d’adolescents (moins de dix-huit ans) atteints d’asthme d’effort dans le monde. Une étude récente, mais portant sur un effectif réduit, montre que l’AIE peut également survenir dans des régions chaudes et sèches (Bré- sil) [2], plus souvent chez les asthma- tiques (46,7 %) que chez les individus atteints de rhinite allergique (7,4 %, p = 0,0001). Autres chiffres : au Kenya, l’AIE, défini comme une chute de plus de 10 % du VEMS après un exercice, survient chez 13,2 % des écoliers dans les régions rurales et chez 22,9 % en zo- ne urbaine, différence qui est en accord avec les effets néfastes de l’environne- ment urbain, quel que soit le pays, sur toutes les formes d’asthme[3]. A l’évi- dence, l’AIE est un problème mondial de santé publique, posant le problème de l’accès aux traitements préventifs.
* 33 études en population générale, 10 chez les enfants et les adolescents sportifs, et 23 chez les enfants et les adolescents at- teints d’asthme.
[1] DE AGUIAR K.B., ANZOLIN M., ZHANG L. : « Global preva- lence of exercise-induced bronchoconstriction in childhood : a meta-analysis », Pediatr. Pulmonol.,2018 ; 53 :412-25.
[2] CORREIA JR M.A., COSTA E.C., SARINHO S.W. et al. : « Exer- cise-induced bronchospasm in a hot and dry region : study of asthmatic, rhinitistic and asymptomatic adolescents », Expert Rev. Respir. Med.,2017 ; 11 :1013-9.
[3] NG’ANG’A L.W., ODHIAMBO J.A., MUNGAI M.W. et al. :
« Prevalence of exercise induced bronchospasm in Kenyan school children : an urban-rural comparison », Thorax,1998 ; 53 : 919-26.
Exposition tabagique des nourrissons et risque d’asthme : des preuves supplémentaires
Dans cette étude menée en Nouvelle- Zélande, Pattemore et al. ont mesuré la concentration de nicotine dans les che- veux à l’âge de quinze mois chez 376 des 535 enfants d’une cohorte de nais- sance [1]. Ils ont obtenu des informa- tions détaillées auprès des parents sur l’exposition au tabac pendant la gros- sesse et à la maison aux âges de trois et
quinze mois. Les données démogra- phiques, le wheezing (respiration sif- flante) et l’asthme ont été évalués à partir de questionnaires annuels jus- qu’à l’âge de six ans. La nicotine des cheveux a été dosée et corrélée à l’ex- position à la fumée de tabac indiquée par les parents, et l’association entre les valeurs élevées de nicotine capillaire et les rapports annuels sur la fréquence de l’asthme et du wheezing a été évaluée.
Les auteurs ont observé que les niveaux de nicotine des cheveux augmentaient avec le nombre de fumeurs et de ciga- rettes fumées quotidiennement à la maison, et qu’ils étaient associés à un risque accru de respiration sifflante (OR : 2,30, p = 0,001) [1]. Toutefois, l’OR n’était pas strictement significatif mais limite (OR : 2,02, p = 0,056) pour l’asthme actuel à l’âge de quinze mois, après prise en compte du statut écono- mique, de l’origine ethnique, de l’indice de masse corporelle, des infections res- piratoires au cours des trois premiers mois de la vie et de la durée de l’allaite- ment maternel exclusif. Cette étude vient s’ajouter à beaucoup d’autres pour incriminer le tabagisme passif, en particulier maternel, comme facteur de risque de wheezing et d’asthme. Faut-il faire d’autres études tant est forte l’évi- dence ? Nous ne le pensons pas… Et nous renvoyons le lecteur à la méta- analyse de Burke et al.[2]qui ont iden- tifié 79 études prospectives et montré que l’exposition prénatale et postnatale à la fumée de tabac était associée à un risque majoré de wheezing allant de 30 % à 70 %, le risque le plus élevé concernant les enfants de zéro à deux ans exposés au tabagisme maternel après la naissance. Quant au risque d’asthme, il était augmenté de 21 % à 85 %, et le risque le plus élevé concer- nait les enfants de zéro à deux ans ex- posés au tabagisme maternel avant la naissance. Sans commentaire.
[1] PATTEMORE P.K., SILVERS K.M., FRAMPTON C.M. et al. :
« Hair nicotine at 15 months old, tobacco exposure and wheeze or asthma from 15 months to 6 years old », Pediatr. Pulmonol., 2018 ; 53 :443-51.
[2] BURKE H., LEONARDI-BEE J., HASHIM A. et al. : « Prenatal and passive smoke exposure and incidence of asthma and wheeze : systematic review and meta-analysis », Pediatrics,2012 ; 129 : 7354-44.
L’exposition aux antiacides au cours des six premiers mois de vie augmente le risque d’allergies alimentaires et médicamenteuses
L’acidité gastrique est un facteur associé à la survenue d’allergies IgE-dépen- dantes aux aliments et aux médica- ments comme l’ont montré des études effectuées sur des modèles murins, puis des observations en pathologie humai- ne. A titre d’exemple, dans un modèle murin type BALB/c, Riemer et al. ont montré que la diminution de l’acidité gastrique entraînait une baisse des anti- corps IgG et IgE dirigés contre le diclo- fénac[1]. Diesner et al. ont également démontré que la diminution de l’acidité gastrique provoquée par l’administra- tion d’IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) ou d’autres substances (sucral- fates ou antiacides) augmentait les risques d’anaphylaxies IgE-médiées chez les souris BALB/c préalablement sensibilisées à l’ovalbumine, ces résul- tats étant applicables à l’homme[2]. En- fin, une revue d’Untersmayr a été consacrée aux risques allergiques indi- rects des médicaments de prescription très courante, souvent en vente libre, comme le sucralfate, les antihistami- niques H2 et les IPP[3].
Chez les patients déjà sensibilisés, en diminuant la digestion et la dégrada- tion des protéines ingérées, ces médica- ments antiacides constituent des fac- teurs de risque de sensibilisation aux al- lergènes et d’allergies alimentaires. Ces faits sont également valables pour ex- pliquer les réactions adverses à certains médicaments. Pour les auteurs, les alté- rations de la barrière gastro-intestinale ainsi provoquées par les médicaments antiacides peuvent s’ajouter à des modi- fications du microbiote intestinal et à une perte de tolérance à certains pep- tides pour expliquer l’association entre la prise de médicaments anti-ulcéreux et la survenue de réactions allergiques.
En pratique, compte tenu de la fréquence de leur prescription chez les nourrissons de moins d’un an, suspectés de RGO (re- flux gastro-œsophagien) souvent sans 09 mai-juin18 m&e notes lect 3p.qxp 19/06/2018 19:08 Page147
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mai-juin 2018 page 148 preuve suffisante, les traitements par IPP
pourraient être responsables de réac- tions indésirables à type d’allergies ali- mentaires ou médicamenteuses.
[1] RIEMER A.B., GRUBER S., PALI-SCHÖLL I. et al. : « Suppres- sion of gastric acid increases the risk of developing immunoglo- bulin E-mediated drug hypersensitivity : human diclofenac sensi- tization and a murine sensitization model », Clin. Exp. Allergy, 2010 ; 40 : 486-93.
[2] DIESNER S.C., PALI-SCHÖLL I., JENSEN-JAROLIM E., UNTER - SMAYR E. : « Mechanisms and risk factors for type 1 food aller- gies : the role of gastric digestion », Wien. Med. Wochenschr., 2012 ; 162 :513-8.
[3] UNTERSMAYR E. : « Acid suppression therapy and allergic reactions », Allergo J. Int.,2015 ; 24 :303-11.
Antibiothérapie : une enquête récente montre l’importance de la prescription d’antibiotiques à titre prophylactique
Hufnagel et al. ont évalué la prescrip- tion d’antibiotiques par voie générale chez 17 693 patients hospitalisés dans 226 hôpitaux pédiatriques de 41 pays, entre le 1er octobre et le 30 novembre 2012[1]. Parmi 17 693 patients d’âge pé- diatrique, 6 499 (36,7 %) ont reçu des antibiotiques. Sur 6 818 enfants hospita- lisés, 2 242 (32,9 %) ont reçu au moins un antibiotique dans un but prophylac- tique. Sur 11 899 ordonnances d’anti- biotiques, 3 400 (28,6 %) avaient des fins prophylactiques. Les indications de cette prophylaxie étaient davantage mé-
dicales (2 495/3 400, soit 73,4 % des prescriptions) que chirurgicales (1 656/3 400, soit 26,6 %). Une associa- tion de deux antibiotiques ou plus fut prescrite dans presque la moitié des cas (1 656/3 400, soit 48,7 %). Les antibio- tiques à large spectre (ALS), incluant les tétracyclines, les macrolides, les lincosa- mides et le sulfaméthoxazole-trimétho- prime, furent utilisés dans 51,8 % des cas (1 761/3 400). L’emploi des ALS était plus fréquent en Asie (RR : 1,322 ; IC à 95 % : 1,202-1,653) et moins im- portante en Australie (RR : 0,619 ; IC à 95 % : 0,521-0,736). La prescription d’ALS pour une prophylaxie chirurgicale variait également selon les régions. Il est à noter que presque 8 patients sur 10 admis en chirurgie (721/905) rece- vaient cette prophylaxie pendant plus d’un jour. Cette étude montre à nou- veau, sur une grande échelle, l’impor- tance de la prescription prophylactique d’antibiotiques en milieu hospitalier.
Une autre étude va dans le même sens, montrant que 40,9 % (1247/3047) des enfants hospitalisés dans 61 hôpitaux anglais (à l’exclusion des services de néonatologie) recevaient des antibio- tiques le jour de l’étude[2]. Il existait une variation assez large entre l’utilisation des antibiotiques, le plus souvent à large
spectre (carbamapénèmes, pipéracilline- tazobactam), entre les hôpitaux géné- raux (36,5 %) et les hôpitaux tertiaires (43 %). Ces antibiotiques étaient le plus souvent prescrits par voie orale (plus de 60 % des prescriptions), da- vantage pour des raisons chirurgicales que médicales[2].
Ces études montrent que l’utilisation prophylactique des antibiotiques doit être réfléchie en se basant sur la répéti- tion des études de prévalence d’utilisa- tion et sur l’évolution de la sensibili- té/résistance aux antibiotiques. Il faut réduire l’utilisation prophylactique des antibiotiques. Les programmes de ges- tion des antibiotiques devraient immé- diatement identifier des cibles réali- sables pour surveiller et modifier les schémas de prescription dans les hôpi- taux pour enfants, et tenir compte de l’émergence continue et alarmante des bactéries multirésistantes. 첸
[1] HUFNAGEL M., VERSPORTEN A., BIELICKI J. et al. ; ARPEC PROJECT GROUP : « High rates of prescribing antimicrobials for prophylaxis in children and neonates : results from the antibiotic resistance and prescribing in european children point prevalence survey»,J. Pediatr. Infect. Dis Soc.,2018; doi : 10.1093/jpids/piy019.
[2] GHARBI M., DOERHOLT K., VERGNANO S. et al. ; ARPEC PROJECT GROUP : « Using a simple point-prevalence survey to define appropriate antibiotic prescribing in hospitalised children across the UK », BMJ Open,2016 ; 6 : e012675.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec la rédaction de cet article.
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