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Albert Cohen. Une rédemption sans chute ?

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Texte intégral

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Version auteur Conférence publiée dans Chute et Rédemption dans la littérature,

dir. Daniel ATTALA et Violaine ROSIAU, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 255-274.

Albert Cohen. Une rédemption sans chute ?

Carole AUROY

UNIVERDITE D’ANGERS,CIRPALL(EA7445)

Albert Cohen fait paraître Solal et Mangeclous en 1930 et 1938, à l’heure où s’épanouit sous la pression des périls internationaux un roman que l’on dira existentiel1, travaillé par des interrogations sur le mystère métaphysique de la condition humaine. Belle du Seigneur puis Les Valeureux prolongent, en 1968 et 1969, le récit des aventures de Solal, héros flamboyant qui a quitté le ghetto juif de son île grecque natale pour s’élancer à la conquête de l’Occident, et le conte burlesque des entreprises de cinq de ses parents, qui tentent quelques expéditions loin de leur terre ensoleillée. À mesure que le temps de la fiction se rapproche de la Seconde Guerre mondiale – qui reste à l’horizon de la saga romanesque mais dont l’écrivain connaît l’atrocité lorsqu’il en achève la rédaction –, le climat imaginaire de l’œuvre s’alourdit.

Cohen, né lui-même à Corfou, est arrivé à Marseille à l’âge de cinq ans. Enfant juif scolarisé chez des sœurs catholiques dont il garde un souvenir affectueux, jeune époux de la fille d’un pasteur genevois, il a trouvé en ces rencontres la face heureuse de sa relation à une société occidentale infestée par l’antisémitisme2. La Bible, en laquelle s’enracine son identité, est aussi le Livre qu’il a en partage avec l’autre : s’il fait fièrement référence au « Livre de [son] peuple3 », il le lit dans la traduction protestante de Louis Segond4. Autour des textes bibliques, donc, les interrogations métaphysiques et identitaires de l’écrivain se cristallisent

1 Voir GODARD Henri, Le Roman modes d’emploi, Paris, Gallimard, coll. Folio, 2006, p. 114-143. Henri Godard regroupe sous cette appellation des œuvres aussi diverses que celles de Malraux, Céline, Guilloux, Giono, Bernanos, Bataille, Sartre et Camus ; il situe Albert Cohen et Julien Green sur les marges de ce courant, sans doute parce qu’est moins sensible dans leurs romans le refus de la psychologie – ce qui ne l’empêche pas de reconnaître que chez eux, le goût de l’analyse est soulevé par une réflexion plus métaphysique que psychologique sur la condition humaine.

2 Il en relate la découverte douloureuse dans Ô vous, frères humains (Paris, Gallimard, 1972).

3 COHEN Albert, Carnets 1978, in Œuvres, éd. PEYREFITTE Christel et COHEN Bella, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1993, p. 1174. Toutes les références aux œuvres de Cohen seront données dans cette édition, à l’exception de celles qui renvoient à Belle du Seigneur, édité à part en 1986 dans un autre volume de la Pléiade. Désormais, nous nous contenterons donc de mentionner en note le titre de ces œuvres, suivi du numéro de la page dont est extraite la citation concernée.

4 C’est donc selon cette traduction (revue en 1975) que nous donnerons nos références bibliques. On notera que l’un des personnages juifs de Cohen, l’oncle Saltiel, confie sa prédilection pour le Sermon sur la Montagne (voir Les Valeureux, p. 992).

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en même temps que la relation à l’autre – un autre à la fois proche et différent : l’autre de la religion sœur ; l’autre qui offre en cadeau d’adoption à l’immigrant juif venu de Grèce une culture dont les origines plongent du côté d’Athènes et de Jérusalem ; l’autre, aussi, de langue française, que le nouvel arrivant parle mal et génialement, conscient d’infuser en elle l’embarras pesant sur la langue des prophètes et la puissance d’un verbe aux couleurs orientales ; l’autre, enfin, de l’autre sexe, car c’est dans la rencontre avec de belles chrétiennes que se jouent les aventures en Occident du descendant d’Aaron1.

Les échos bibliques, dans les romans cohéniens, s’ordonnent autour de la stature messianique du héros. L’espoir que porte Solal est un espoir historique à dimension métaphysique, dans un monde où le peuple juif endure la violence, où l’humanité est travaillée par des forces de mort et dans lequel le silence de Dieu laisse l’homme en proie à l’angoisse de la mortalité. Mais le personnage est investi d’une œuvre de rédemption bien problématique : la théologie judéo-chrétienne se double d’une anthropologie de la liberté, qui rend l’homme responsable de sa propre chute par le consentement donné au mal, et la rédemption s’articule à la faute comme les deux moments du drame du salut ; or quel peut être le sens de la faute dans un univers romanesque où se trouvent mises en question et l’existence et la justice divines ?

Profondément ambiguë est donc la figure messianique de Solal. Cette ambiguïté concourt à un phénomène de fuite de la faute, qui voile en même temps que la culpabilité humaine les espoirs de salut. Des solutions imaginaires aux énigmes de la culpabilité sont expérimentées, on le verra, par la superposition aux références scripturaires d’autres vestiges culturels, souvenirs littéraires hardiment fondus aux traces bibliques.

Le palimpseste biblique : Solal, messie ambigu Attentes, signes et reconnaissances

Le récit des aventures de Solal se donne à lire comme un palimpseste où affleurent, bien visibles, les traces du texte biblique premier. Le héros est l’enfant beau et doué d’un rabbin qui, le voyant exceller dans les commentaires talmudiques, nourrit un espoir secret : « En regardant les étoiles, que de fois il avait songé que son fils était l’Attendu2. » Cet espoir est

1 Solal, est dit « non moins noble que son ancêtre Aaron » (Belle du Seigneur, p. 7) ; Albert Cohen rappelle que son propre patronyme « signifie prêtre en hébreu » et le relie aux « descendants du grand prêtre Aaron » (Carnets 1978, p. 1178).

2 Solal, p. 135.

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relayé par un vieillard errant, lointain parent de Solal dont les pas croisent les siens lors d’un périple entre la France et la Suisse :

« Le soir, ils dormaient au bord de la route. Le mystique frissonnait d’admiration en écoutant son jeune parent rêver en hébreu. Serait-ce Lui ? À Cimieu, Solal avait cherché une auberge pour son mentor crevé de fièvre. Il lui avait lavé les pieds et l’avait étendu sur le lit. Tout en lui caressant la main, il lui conseillait de dormir et l’assurait que demain il trouverait Celui que son cœur cherchait1. »

Les références à l’évangile du bon Samaritain s’entremêlent à l’écho des paroles de la Sulamite du Cantique des cantiques, en quête, « pendant les nuits », de « celui que [son] cœur aime2 ». Ces renvois aux deux Testaments marquent la convergence des espoirs de deux peuples, juif et chrétien. À l’aurore du roman point l’espoir de leur réconciliation, par-delà leur éloignement historique. La carrière en Occident de Solal se laisse interpréter en ce sens.

Son mariage avec Aude, fille de sénateur et petite-fille de pasteur, scelle le double accueil du jeune Juif oriental par le monde politique et par le monde religieux. La parentèle de Solal nourrit de son côté l’espoir d’une conversion au judaïsme de la jeune épouse. Elle-même s’y montre disposée, citant le Livre de Ruth : « Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu3. »

L’Occident chrétien est perçu comme une terre d’accueil pour Israël en errance. Solal installe les siens dans les sous-sols d’une demeure qu’il acquiert à Saint-Germain : les rescapés de persécutions qui font rage plus à l’est du continent4 abritent au secret de cette cave leurs peurs séculaires. Si la terre d’asile est elle-même travaillée par des réflexes de rejet, Albert Cohen a soin de distinguer l’esprit du christianisme des forces qui veulent la mort du peuple juif : dans Belle du Seigneur, il reconnaîtra « ces deux filles de Jérusalem la juive et la chrétienne5 » engagées dans une même lutte contre le déchaînement des instincts exaltés par Hitler. Et si l’espoir de salut historique se déporte vers un retour en Palestine, le héros de Cohen pas plus que l’auteur lui-même, malgré son engagement sioniste, n’y portent leurs pas.

Les Valeureux, à l’issue d’un bref séjour dans une colonie en Palestine, se sentent vocation à retourner « saler les pays6 » ; le héros quant à lui semble destiné à répondre au besoin

1 Ibid., p. 147.

2 Cantique des cantiques, III, 1.

3 Solal, p. 291.

4 Tel Emmanuel Solal, frappé de stupeur par le sort fait à sa sœur par des soldats russes (voir ibid., p. 299).

5 Belle du Seigneur, p. 902.

6 Solal, p. 342.

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d’hommes politiques hardis parmi les nations. Mélanie Adda1 le rapproche du Joseph de la Genèse, qui a sauvé son peuple par la puissance acquise en terre païenne : laissé sanglant à Berlin par un groupe nazi, le personnage de Cohen est recueilli dans une cave par une naine prénommée Rachel (comme la mère du Joseph biblique), qui l’engendre symboliquement à sa mission ; à son retour, Solal exhortera les démocraties occidentales à ouvrir leurs frontières aux Juifs allemands.

Cette mission historique prend une dimension métaphysique. L’identification de Solal au peuple d’Israël est explicite. Il la revendique devant Aude avec des accents solennels empruntés à l’Évangile johannique : « En vérité, en vérité je te le dis, je suis la plus grande nation, moi Solal2. » Le messianisme collectif du peuple juif subsume ici toutes les figures individualisées du Sauveur – de celle du héros romanesque à celle du Christ lui-même.

On ne s’étonne donc pas que le statut messianique se déplace d’un personnage juif à l’autre. Une intervention d’auteur magnifie l’un des Valeureux, petit quadragénaire qui incarne l’esprit d’enfance, figure de paix et de simplicité :

« Fils de mon cœur, petit Salomon, jeunesse du monde, naïveté et confiance, bonne volonté, rédemption des monstres aux râteliers de canons, aux narines soufflant l’ypérite, et de tous les mannequins qui ont oublié d’être hommes. Salomon, petit prophète des temps bienheureux où tous les hommes seront pareils à toi. […] Laisse-les sourire et se moquer de toi et va gambader, petit, tout petit immortel. Va, mon agneau, mon mignon messie chéri3. »

Sous la tendre fantaisie perce la gravité. La mission des descendants d’Abraham est présentée comme une œuvre d’humanisation, portée par l’amour. Un cortège de graves vieillards apparaît dans le souterrain où le héros a rassemblé les siens : « Le malheur ne les courbait pas. Ils allaient, éclairés d’élection, et leur complot était l’amour des hommes4. » Le texte rejaillit en prière, appelant une épiphanie du peuple juif :

« “Éternel que le jour de métamorphose illumine la face de mes frères et que tous apparaissent merveilleux et très saints comme ils sont déjà. – Par mon Nom, je montrerai leur beauté à l’univers, dit l’Éternel. Je les baignerai d’une eau glacée et sous la boue des siècles

1 Voir ADDA Mélanie, « Promesses messianiques et dissonances bibliques : l’onomastique biblique dans les romans d’Albert Cohen », in Textes sacrés et culture profane : de la révélation à la création, dir. Mélanie Adda, Berne, Peter Lang, 2010, p. 248-284 (on consultera en particulier les analyses développées p. 256-260).

2 Solal, p. 305-306.

3 Mangeclous, p. 436

4 Solal, p. 303.

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apparaîtront les princes vêtus d’hyacinthe, dit l’Éternel. En vérité, j’exalterai mon fils Israël”, dit l’Éternel avec un rire fort1. »

Le romancier se fait prophète. L’écriture prend des accents bibliques appuyés2. L’amour se révèle puissance de réconciliation cosmique3. L’œuvre présente une morale, ordonnée autour des hautes valeurs d’humanité portées par la Loi d’Israël ; à l’horizon de cette morale, elle entrouvre une mystique.

La relation sponsale est la manifestation éclatante du lien que trace l’amour entre ciel et terre. Épris d’Aude, Solal éveille l’aurore. Autour de lui, les animaux reproduisent les agitations humaines, dans les travaux et sous les menaces de mort de la condition postérieure à la Chute ; le monde pourtant est nimbé de tonalités édéniques, comme si l’amour réactivait la bénédiction divine sur la création :

« Dans le bois de chênes, les petits morceaux de création se réveillaient pour vivre et s’affairaient avec irresponsabilité. Un geai plaidait non coupable ; un charançon à la trompe préhistorique avait des inquiétudes ; une mouche faisait des figures géométriques ; des fourmis se tâtaient, échangeaient des mots de passe et retournaient à leur active solitude, sous l’œil fixe d’une araignée surgie d’une touffe de bruyère rose ; une libellule était un petit regard de Dieu.

Nu, Solal ensoleillé garda longtemps la main levée pour capturer un lézard qui vivait sa vie sous l’ombrelle feuilletée d’un champignon. Et Dieu se réjouissait de sa créature4. »

Une continuité relie donc l’action politique et l’action amoureuse du héros : le fils d’Israël, devenu dans Belle du Seigneur sous-secrétaire général de la SDN, accède à la tête de

1 Ibid., p. 304.

2 La formule « Par mon Nom » fait écho au « Je le jure par moi-même » qui introduit la promesse de descendance faite à Abraham et qui annonce une bénédiction étendue à toutes les nations : « Toutes les nations seront bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix » (Genèse, 22, 16 et 22, 18). La tournure est récurrente dans livres prophétiques (cf. Jérémie, 49, 13 ; Ésaïe, 45, 23). Elle y introduit aussi l’annonce d’un salut universel passant par Israël : « Par l’Éternel seront justifiés et glorifiés / Tous les descendants d’Israël » (Ésaïe, 45, 25). Le rire de Dieu retentit dans le psaume 2 (v. 4), pour railler les rois et les princes qui se liguent

« contre l’Éternel et contre son oint ». Il « se rit du méchant » dans le psaume 37 (v. 13). Cyril Aslanov note que, dans ce passage « pseudo-biblique » de Solal, Cohen « emploie le mot hyacinthe comme un équivalent expressif du mot pourpre », en lui adjoignant sans doute la réminiscence scripturaire de la description du pectoral du grand-prêtre, au chapitre 28 du Livre de l’Exode (ASLANOV Cyril, « “Albert Cohen en Pollakstine”. Traduction et réception de l’œuvre d’Albert Cohen en Israël », in Albert Cohen dans son siècle, dir. Alain Schaffner et Philippe Zard, Paris, Le Manuscrit, 2005, p. 477). On ajoutera que ce vêtement d’hyacinthe n’est pas une invention poétique du romancier : les dignitaires assyriens sont « vêtus d’hyacinthe » au chapitre 23 (v. 6) du Livre d’Ezéchiel dans la Bible dite de Port-Royal, traduite par Lemaistre de Sacy, alors qu’ils sont vêtus de pourpre dans la Bible de Jérusalem et d’« étoffes teintes en bleu » dans la Bible de Segond. Les dignitaires en question sont les princes assyriens auxquels s’est prostituée Samarie : c’est désormais, chez Cohen, le peuple d’Israël qui est paré de leur prestige, à l’heure où sa gloire est révélée aux nations.

3 On voit ainsi Salomon, dans le passage qui le proclame messie de l’esprit d’enfance, s’ébattre dans la mer et au milieu des oiseaux, qu’il attire comme un nouveau Poverello (voir Mangeclous, p. 436).

4 Solal, p. 193.

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l’organisme chargé de sauvegarder la paix mondiale ; Aude ayant disparu de sa vie, il entreprend de séduire une femme sous un déguisement de vieux Juif errant, par la seule beauté de son verbe : il s’agit d’expurger de toute fascination pour la force physique ou sociale la relation entre l’homme et la femme. La conversion de l’éros dans le noyau humain que forme le couple doit être le foyer d’un mode de relation transfiguré entre les hommes.

Un messie en échec

Ces espoirs rencontrent, comme on sait, l’échec. Confrontée à la communauté que son époux a rassemblée dans les souterrains de leur demeure, Aude n’en voit que les défauts1. À la suite de cette déception, Solal disparaît pour revenir à sa femme baptisé et démissionne de ses fonctions politiques ; leur couple ne résiste pas à la misère ni surtout aux scènes que le héros déchu provoque dans son désarroi. Aude enceinte le quitte et se rapproche de Jacques, son ancien fiancé. Elle repousse d’un coup de cravache le mari qui après la naissance de leur enfant se présente à sa porte.

Toutefois, l’échec fait encore sens au regard de la trajectoire messianique. Le symbolisme christique se déploie quand le héros atteint le fond de la déréliction. Devenu « homme de douleur2 », à l’image du Serviteur souffrant du Livre d’Ésaïe, identifié à « la souffrance et l’humiliation de son peuple3 » et chargé des peines de toute l’humanité blessée4, il entre dans une errance au récit modelé sur ceux de la Passion : portant sur « sa joue de vingt siècles » les balafres du coup porté par Aude, il parcourt à Paris une Via Dolorosa, sous les quolibets des passants qui l’ont surnommé Jésus-Christ5. Le trait accuse une société dite chrétienne qui méprise l’homme affaibli et repousse le frère juif de Jésus. Il fait ressortir aussi une identité profonde entre le salut proclamé par les chrétiens et la mission salvifique que Cohen reconnaît à Israël.

Solal en effet, tenté par la violence, s’introduit dans son ancienne demeure pour poignarder Aude endormie ; mais saisi d’un élan d’amour, il plonge l’arme en sa propre poitrine, détournant symboliquement sur lui le châtiment qui pesait sur l’épouse infidèle6. Le héros meurt et ressuscite à la lisière d’un bois vers lequel il a cheminé en portant son fils.

Aude le rejoint, ainsi que les hôtes toujours réfugiés en secret dans les souterrains ; il tend l’enfant à sa mère et repart, escorté de sa cohorte juive, « fou d’amour pour la terre et

1 Voir ibid., p. 305.

2 Ibid., p. 352.

3 Ibid., p. 353.

4 Voir ibid., p. 350 : « Entre la misère de ce malheureux et la sienne, il lui semblait découvrir un lien mystérieux, un lien de causalité qui se perdait dans l’infini de sa vie. »

5 Ibid., p. 350-351.

6 Les chants du Serviteur, là encore, peuvent guider l’interprétation (voir Ésaïe, 53, 5).

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couronné de beauté, vers demain et sa merveilleuse défaite1 ». Solal est plus que jamais figure de son peuple : le don de l’enfant à Aude mime l’œuvre d’Israël qui a donné à l’Église la Loi biblique et le Christ, et qui poursuit sa route, portant son espérance à travers l’histoire. La défaite paraît la loi d’une œuvre messianique radicalement non violente dans un univers soumis à la violence ; mais c’est une défaite transfigurée en victoire. Le geste de Solal est symbolique aussi du don que l’écrivain fait au monde du roman qui s’achève – Cohen aime comparer à la conception d’un enfant l’écriture de ses livres, souvent dictés à une femme aimée2. Une fonction sacrée de l’écriture double la mission messianique mise en scène dans la fiction.

L’horizon s’enténèbre dans Belle du Seigneur. Quand le roman paraît, la Shoah est connue, des lendemains radieux ne peuvent s’ouvrir au dénouement du récit3. L’échec de Solal est cuisant, sur le plan politique (les démocraties sont sourdes à son plaidoyer pour les Juifs allemands) aussi bien qu’amoureux. Sa relation avec Ariane aboutit à un double suicide ; Solal, « beau roi en agonie », pleure « d’abandonner ses enfants de la terre, ses enfants qu’il n’avait pas sauvés4 », tandis que la voix de la naine berlinoise l’invite à prononcer l’appel des agonisants. Néanmoins, le schéma dessiné à la fin de Solal n’est pas aboli. Ariane la chrétienne et le juif Solal sont symboliquement réintégrés en leurs communautés respectives, et rien n’interdit de rêver à une nouvelle résurrection du héros. La fin est sombre mais ouverte.

Les deux types de messianisme que distingue Gershom Scholem dans la tradition mystique juive peuvent même rendre compte de cet assombrissement : le spécialiste de la Kabbale évoque, face au « Messie, fils de David » qui concentre les traits positifs de l’attente – l’espérance d’une humanité meilleure, d’une condition paradisiaque restaurée –, un

« Messie, fils de Joseph », qui meurt dans les convulsions accompagnant sa venue5. Du roman de 1930 à celui de 1968 se discerne le glissement d’une figure à l’autre.

Un messie transgressif

1 Solal, p. 360.

2 Voir Carnets 1978, p. 1125.

3 L’espoir sioniste résonne bien dans Les Valeureux, mais son expression reste bémolisée : l’oncle Saltiel prévoit que « Tribulations, Traverses et Malencontres » resteront inscrits dans le destin de l’État d’Israël (Les Valeureux, p. 995). Le roman est publié entre la Guerre des Six Jours et la Guerre du Kippour.

4 Belle du Seigneur, p. 999.

5 Voir SCHOLEM Gershom, Le Messianisme juif. Essais sur la spiritualité du judaïsme, trad. DUPUY B., Paris, Calmann-Lévy, 1974, p. 44-55.

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Mais un problème déstabilise, plus que l’échec, l’interprétation. Une série de transgressions parsème la trajectoire du héros. Le jeune Solal séduit une femme mariée, Adrienne, l’abandonne, la reprend, pour lui préférer Aude, fiancée au frère de la malheureuse.

Il renie sa religion lors d’une scène violente où il repousse son père avec malignité. Sa relation avec Ariane, dans Belle du Seigneur, sera elle aussi adultère.

Des incohérences minent donc la belle lecture induite par les références bibliques. Loin de se faire trait d’union entre deux peuples, Solal travaille parfois à exacerber les incompréhensions : il décontenance son oncle Saltiel pour le pousser au ridicule quand il le présente à Aude, contraint brutalement la jeune femme à déménager dans la demeure inhospitalière de Saint-Germain et quand elle découvre enfin qu’il y abrite les siens, il ne fait rien pour faciliter leur rencontre1. Quand ils traversent ensemble la misère, il la provoque, avec une extrême violence psychologique, à écrire une injure antisémite. De toute évidence, il trouve en sa jeune épouse un alibi de son propre mal-être identitaire.

Dans Belle du Seigneur, Solal abandonne vite sa mission salvatrice. Repoussé par Ariane sous son déguisement de vieillard, il actionne les mécanismes vulgaires de la séduction ; l’ostracisme aux tonalités antisémites qui frappe leur couple prolonge l’identification du héros à son peuple persécuté, mais l’échec amoureux illustre surtout l’impuissance de la passion à s’entretenir loin de tout ancrage social. Si l’échec politique du plaidoyer pour les Juifs allemands n’est, quant à lui, pas imputable à Solal, le personnage ruine sa carrière en révélant une irrégularité dans sa naturalisation et achève de se discréditer en fuyant avec la femme d’un subordonné. Son désir d’identification oblative à son peuple est beau ; il demeure qu’il se prive lui-même de tout moyen d’agir en faveur des siens2. Le héros endure certes, en solidarité morale avec les vaincus de l’existence, le mépris qu’attire la faiblesse ; mais il consomme activement l’échec de ses velléités de révolte contre ce mépris – ses aventures amoureuses et politiques se rejoignent en ce point. De surcroît, son pari amoureux initial était biaisé. L’exploit fou d’obtenir un amour pur de tout attrait vers la force était miné par la contradiction, puisque la relation espérée, adultère, aurait eu pour prix la douleur du mari abandonné. Prenant pour arme la puissance de persuasion du verbe et non le prestige physique ou social, la séduction n’en était pas moins cruelle. Comment l’entreprise aurait-elle pu opérer la rédemption d’une violence qui l’entachait elle-même ?

1 Voir Solal, p. 291-304. Solal se tient soigneusement à l’écart d’Aude pendant toute la scène de descente dans le souterrain, alors qu’elle découvre une communauté aux comportements déconcertants ; il lui reprochera de n’avoir pas su voir la grandeur secrète de son peuple, mais ne lui en donnera les clés de compréhension qu’après coup.

2 On comparera ce comportement à celui de l’auteur, qui pour sa part a gagné Londres en 1940, a accepté de l’Agence juive une mission de liaison auprès des gouvernements en exil et a publié des textes dans La France libre.

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Le héros est donc traversé par les forces qu’il combat. Il vilipende Ariane qui l’a repoussé sous ses hardes, mais lui-même délaisse et voue à un désespoir suicidaire ses amantes vieillissantes1. Nombre de ses fautes ne peuvent passer – à l’instar du reniement, dont il demande pardon à son père – pour de simples accidents sur son parcours : ce sont des contradictions récurrentes, sans clair repentir, avec l’idéal qu’il proclame, et des contradictions infiltrées au cœur même de l’action prétendument messianique. Mais le plus étonnant est que le lecteur se laisse aisément entraîner par la force de conviction avec laquelle le héros est campé dans sa posture rédemptrice. La faute se dissimule dans les complexités du texte cohénien, ce qui pousse à s’interroger sur la métaphysique sous-jacente à cette stratégie d’écriture.

La fuite de la faute Le vieux déni adamique

Solal, prompt à dénoncer la perversité féminine, rejoue une histoire bien connue. Albert Cohen donne à son lecteur tous les éléments nécessaires pour diagnostiquer la mauvaise foi de son héros2 et mesurer l’injustice des reproches par lesquels le personnage rend Aude responsable de leur rupture, après l’avoir soumise à une insidieuse violence : le pardon sublime qu’il accorde à la femme dont il a opiniâtrement lassé la bonne volonté peut laisser perplexe. Pourtant, le dénouement semble fait pour neutraliser toute prise de distance critique :

« Il poussa doucement la porte. Aude dormait du sommeil profond d’une créature heureuse.

Il regarda ces yeux clos, ces lèvres qui, soudain, prononcèrent avec douceur le nom de Jacques.

Il prit le poignard au beau tranchant et considéra la coupable, la cause de ses malheurs, la cavalière cruelle dont il portait le mépris marqué sur sa face. Mais il leva les yeux et s’aperçut dans le miroir, les mains illuminées de perles et le visage éblouissant. La bonté était une lumière de Dieu sur le visage de cet homme3. »

1 Outre Adrienne, qui se couche sous un train dans Solal, Isolde, rivale malheureuse d’Ariane, se jette par la fenêtre dans Belle du Seigneur. Adrien, l’époux délaissé d’Ariane, se tire une balle dans la tête mais a la chance de se manquer.

2 À seize ans déjà, Solal avait la jalousie accusatrice. La pensée des ébats conjugaux d’Adrienne de Valdonne,

avec qui il n’entretenait encore qu’une tendresse platonique, déchaînait sa fureur : « Trahison ! Elle était sa mère, disait-elle. Mais le Valdonne n’était pas son père à lui. Donc elle était adultère. Adultère ! » (Solal, p. 127). Le lecteur ne peut ignorer sa propension à sa mauvaise foi…

3 Ibid., p. 356.

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La beauté symbolique de la scène attire l’adhésion, faisant presque oublier que la lecture psychologique et morale du roman ne s’y ajuste pas parfaitement1.

Dans Belle du Seigneur, Ariane endure la violence interprétative de Solal, acharné à démontrer que les femmes ne sont attirées que par la force. Le lecteur est médusé par le brio d’un discours qui s’emballe au fil du roman. Le personnage inculpe sa compagne d’érotisme, la sommant de reconnaître que son amour faiblirait s’il était transformé en homme-tronc2. Elle subit une jalousie frénétique quand elle avoue une ancienne liaison avec un chef d’orchestre, que l’imagination vindicative de son interlocuteur transforme en bête de sexe ; or l’amant en question, quinquagénaire, semble moins caractérisé par une mâle vigueur que par de hautes qualités artistiques et morales – il a quitté l’Allemagne par désaccord avec le nazisme.

N’importe. Par-delà Aude ou Ariane, c’est l’ensemble des femmes, globalement

« paléolithiques3 », que Solal met en accusation. Et par-delà les femmes, la société entière, atteinte par l’« universelle adoration de la force4 ». Le héros se dresse face à la collectivité dans une prétendue pureté. Il se pose en don Juan, affirmant du grand séducteur qu’ « en réalité, il est chaste » et poursuit les femmes dans l’espoir « qu’une enfin lui résistera »5.

Adam se cache. Il cache sa propre soumission aux instincts derrière l’invocation d’une exigence féminine. De façon plus troublante, il est caché par le texte lui-même, qui voile souvent sa mauvaise foi tout en la mettant en scène. Le discours d’autres personnages, telle Adrienne attendrie par « cet homme si bon en réalité, si pur6 », corrobore celui du héros.

Quant au réquisitoire contre l’universelle brutalité, Cohen le reprend en son nom propre dans ses Carnets7.

Si donc l’œuvre désigne la compromission d’Adam, elle n’en légitime pas moins sa révolte contre le culte de la force et fait entendre la protestation d’un fond d’innocence.

L’écrivain se décrit comme un « franginet des oiseaux et des fleurettes8 » avant sa découverte de l’antisémitisme au jour de ses dix ans ; dans la saga romanesque, le pogrome tient lieu pour

1 Dans Belle du Seigneur, évoquant sa relation avec Aude, il en produit un résumé imputant tout l’échec du couple à un mépris de la jeune femme pour la faiblesse de l’époux qui avait « ôté le masque du réussisseur » (Belle du Seigneur, p. 370). En ce morceau d’éloquence pathétique, la mauvaise foi est devenue indétectable par un lecteur qui n’aurait pas lu premier roman.

2 « Le problème, c’est ta sensualité », affirme-t-il, la sommant d’indiquer quel serait son choix si, devant être violée par des bandits, elle avait à opter entre un beau brigand et un laid (ibid., p. 786). Le choix de l’homme laid la condamne, révélant à l’inquisiteur son attrait refoulé pour le bandit séduisant ! Sur les contradictions, les présupposés et la violence qui travaillent les efforts argumentatifs de Solal, voir SCHAFFNER Alain, « Belle du Seigneur, roman à thèse ou roman expérimental ? », Cahiers Albert Cohen, n° 8, septembre 1998, p. 221-235.

3 Belle du Seigneur, p. 363.

4 Ibid., p. 353.

5 Ibid., p. 344-345.

6 Solal, p. 252.

7 Voir Carnets 1978, p. 1180-1185.

8 Ô vous, frères humains, p. 1061.

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Solal d’événement destructeur : « À dix ans, il était encore si pur, si émerveillé, si bon ; mais l’amertume et l’inquiétude étaient venues le jour du massacre de Juifs1. » Adam se cache, certes. Mais il s’étonne aussi douloureusement d’avoir trouvé le mal déjà là, tragiquement, dans l’Éden de son enfance, comme le serpent sous le pommier. La dilution de la culpabilité dans l’œuvre n’est pas du seul ordre de la mauvaise foi. Elle est liée, plus profondément, à un ébranlement de la foi.

Flux et reflux de la culpabilité

La faute de l’individu recule devant le procès intenté à l’ordre du monde. Une redéfinition du péché originel incrimine la nature : il ne serait « que la confuse honteuse conscience que nous avons de notre nature babouine et de ses affreux affects2 ». Des notions extraites de la théologie paulinienne sont réexaminées sous ce jour :

« nouvelle naissance nouvel homme Adam nouveau salut par la foi imitation du Christ grâce rédemptrice effaçant le péché originel qui est en réalité la tare naturelle et animale ces hautes notions chrétiennes procèdent toutes de la même volonté juive de transformer l’homme naturel en enfant de Dieu en âme sauvée c’est-à-dire en homme humain3 ».

La culpabilité humaine, dans la théologie chrétienne du péché originel, est déjà enveloppée de mystère par le dérapage adamique qui se reproduit en chaque pécheur, suggérant que pèse sur la pleine liberté de l’individu l’obscur héritage du péché. Elle est plus problématique encore quand l’hominidé est affecté par la fatalité d’une tare naturelle : ce diagnostic accuse l’imperfection de la création et disculpe la créature. La responsabilité morale qui entre dans la notion de péché se dissout. Seul l’état des choses est à incriminer – et à rédimer4. L’idée s’insinue d’une faute irresponsable, d’une faute sans culpabilité.

Le thème symétrique de la « culpabilité sans faute5 » surgit aussi. Ariane l’identifie chez Kafka et y reconnaît « la tragédie du juif6 », bouc émissaire de la violence collective, victime d’une phobie qui lui fait un crime d’exister et qu’il finit par intérioriser. Mais le sentiment

1 Solal, p. 123.

2 Belle du Seigneur, p. 357.

3 Ibid., p. 902.

4 « Pourquoi n’allez-vous pas dire votre amour à une vieille bossue ? », demande Ariane à celui qui s’indigne qu’elle l’ait repoussé déguisé en vieillard. « Parce que je suis un affreux mâle ! », rétorque-t-il (ibid., p. 349). On remarquera que l’accusation de la femme sort renforcée de cette dévalorisation de l’homme : « Que les velus soient carnivores, j’accepte ! Mais elles, elles en qui je crois, elle, mes pures, je n’accepte pas ! » (ibid.)

5 Ibid., p. 606.

6 Ibid.

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d’une culpabilité sans autre faute que celle de vivre déborde dans l’œuvre de Cohen la situation du peuple juif. Il resurgit sous la forme du « péché de vie1 », débusqué par un complexe du survivant qui empoisonne, après la disparition des êtres chers, les plus infimes plaisirs. Albert Cohen s’accuse des divertissements qu’il trouve malgré la mort de sa mère ou de son ami Marcel Pagnol2. L’élan même de la vie paraît condamné par la mort vers laquelle son flux s’écoule.

Entre la dilution de la faute sans culpabilité et l’envahissement de la culpabilité sans faute, une conquête rationnelle du sens de la responsabilité s’opère pourtant. L’écrivain prend acte d’un élan qui soulève la brute primitive au-dessus de sa condition naturelle. Une réécriture du don de la Loi au Sinaï projette dans l’illud tempus des ères préhistoriques l’instant qui consacre l’avènement de l’homme : « Un beau jour, un très beau jour et qui est la gloire de l’univers, un de mes ancêtres, être de nature et membre de l’espèce animale, a décidé follement le schisme, a décidé ridiculement, sur ses deux jambes velues, qu’il ne voulait plus être de la nature et obéir à ses lois3 ». Capable de cet acte prodigieux de liberté, l’homme peut s’accuser de n’être pas à la hauteur de son idéal. Le dépassement de la brutalité originelle l’investit d’un sentiment de liberté et de dignité résistant à la proclamation de ses déterminismes ; ce qui se laissait décrire comme tare se donne alors à ressentir comme déchéance4.

Cependant, la culpabilité rebondit vers un autre responsable, responsable premier auquel il est demandé compte des vices infiltrés dans l’ordre du monde. Solal, devant la souffrance d’un miséreux, élève vers le ciel une protestation : « À genoux devant ton étincellement, je crie contre toi et je demande justice pour mes frères de la terre5. » Sa révolte, dans le roman de 1930, a quelque chose de camusien avant l’heure : le pogrome dont il fut témoin enfant a consommé son divorce avec le monde ; la douleur de la condition humaine lui arrache un cri solidaire. Le ton reste toutefois celui de la contestation biblique, qui travaille les plaintes des psaumes – et la bénédiction répond à l’appel6. La contestation se radicalise dans Belle du

1 Carnets 1978, p. 1147.

2 Ce « péché de vie » s’inscrit aussi dans l’œuvre romanesque. Quand, dans Belle du Seigneur, Solal inculpe d’avance Ariane du réconfort qu’elle trouverait, s’il mourait, sur l’épaule d’un ami consolateur, l’idée d’une culpabilité inscrite dans l’acte même de vivre se love sous la violence du discours jaloux (voir Belle du Seigneur, p. 787).

3 Carnets 1978, p. 1170.

4 Ainsi, la virulence de l’accusation contre la femme s’alimente de la survivance chez Cohen du mythe de l’éternel féminin, qui guide le désir de l’homme vers une transcendance. Si les femmes n’étaient que paléolithiques, les descendants des brutes du quaternaire n’auraient rien à leur reprocher ; si Solal a « honte pour elles » de la séduction que la force exerce sur elles, c’est parce qu’il « n’arrive pas à ne pas les respecter » (Belle du Seigneur, p. 349), et parce qu’il voit en elles « grâce et génie de tendresse et lueur de Dieu » (ibid., p. 369- 370).

5 Solal, p. 241.

6 « Sur la route éclairée par le train, Roboam Solal marchait, poussant sa foi et son bazar roulant. Le vieux reconnut Solal illuminé et le bénit d’une main écartée en deux rayons » (ibid).

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Seigneur, où le personnage affirme son athéisme, même si ne cesse de vibrer la nostalgie de Dieu ; le choix de devenir homme a pour horizon un univers déserté par la transcendance. Le primate fondateur se donne à lui-même la Loi : l’homme est son « héroïque fabrication1 ».

L’effondrement de la foi en Dieu conduit Solal à proclamer la grandeur de l’homme, dressé dans une rébellion gratuite contre la nature. La révolte solidaire d’une humanité en formation affronte le vertige de l’absurde.

Mais chez Cohen, l’« héroïsme désespéré2 » de l’humanisme athée montre ses limites.

L’écrivain voit l’homme écrasé par la fatalité de ses fragilités intérieures et de sa mortalité. La négation de la transcendance divine laisse subsister la conscience tragique d’une perversion inscrite dans les structures mêmes du réel. La sagesse qui s’offre en dernier ressort est celle d’une « tendresse de pitié3 » aux accents schopenhaueriens : la compassion devrait éviter aux hommes d’aggraver le poids de leur commune misère ; pour endiguer la contagion de la violence, il convient de se souvenir que tout offenseur est mortel et que son agressivité résulte de déterminismes malheureux4. La méchanceté humaine, mesurée à une méchanceté plus grande inscrite au cœur de l’existence, devient dérisoire. Mais on peut douter que cette sagesse désabusée soit efficacement proposée à une humanité que le XXe siècle a vue convulsée par la barbarie. L’auteur se pose en solitaire prophète sans Dieu : « Toute vérité solitaire et non aimée des hommes est piteuse et devient folle. Ô ma grande piteuse, ô ma folle aimée, résignons-nous, et tenons-nous chaud l’un l’autre, loin d’eux5. »

N’y aurait-il d’autre issue que la manifestation divine désespérément attendue ? De même que Solal est invité à la fin de Belle du Seigneur à prononcer « le dernier appel », l’écrivain se propose de clore son œuvre sur « un dernier appel » – ultime demande de foi6. Dieu reste objet de provocation jusque dans sa négation : « Dieu existe si peu que j’en ai honte pour Lui7 », fait dire Cohen à Solal. Un cri amour déçu résonne en cette accusation. Elle trahit peut-être aussi, en persistant à viser une transcendance, l’incapacité de l’homme à assumer la totale responsabilité de son malheur. La posture tragique devant l’absurde identifie, dans la douleur d’exister, l’action d’une force obscure qui déborde la liberté humaine. Mais comment protester contre l’anonymat d’une méchanceté foncière du réel ? Dieu, dont l’existence est mise en doute par celle du mal, est aussi pour Cohen l’irremplaçable catalyseur de la révolte

1 Belle du Seigneur, p. 904.

2 Ibid. : « c’est notre héroïsme désespéré et suprême bravade que de vouloir être ce que nous ne sommes pas, et c’est-à-dire des humains. Car il n’y a rien, car l’univers n’est pas gouverné et ne recèle nul sens que son existence stupide sous l’œil morne du néant. »

3 Carnets 1978, p. 1188.

4 Voir Ô vous, frères humains, p. 1060 : l’offenseur n’est qu’« un innocent méchant, toujours innocent, un malheureux chargé de chromosomes malchanceux, un irresponsable résultat ».

5 Carnets 1978, p. 1194.

6 « Je n’attends ma foi que de Toi. Est-ce une faute de n’attendre que de Toi ? » (ibid., p. 1199)

7 Belle du Seigneur, p. 889.

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humaine1. S’accommoder de son absence mène à une résignation fataliste devant l’ordre des choses, dont l’anonyme perversité dilue, d’un même mouvement, la culpabilité humaine et l’espoir d’une révolte salutaire. L’œuvre se tient, ultimement, dans une position inconfortable, entre les deux horizons de l’inaccessible foi et de cette double dilution.

L’intertextualité biblique qui nimbe Solal d’une aura messianique, bien qu’elle dicte une lecture persuasive de son itinéraire romanesque, masque donc un réseau de conflits qui en complexifient le sens. Son malaise identitaire se complique d’une tension entre la vénération qui le porte vers la Bible et l’impuissance à croire en ce Dieu qu’elle révèle. Ce conflit, actif aussi chez l’écrivain, engage son rapport même aux textes sacrés qui irradient son écriture.

L’affrontement de la raison à ces contradictions, dans les monologues introspectifs de Solal ou dans les méditations des Carnets, aboutit à des impasses – ou tout au plus, à la vérité dite à la fois « royale » et « piteuse »2 de l’invitation à la tendresse de pitié. Cependant, au cœur des romans, le travail de l’imaginaire fraie la voie de résolutions symboliques de ces conflits. Ces esquisses de solutions imaginaires passent par la fusion de l’intertextualité biblique et d’autres sources littéraires, philosophiques, artistiques.

La fusion des hypotextes : résolution imaginaire des conflits

Le malaise identitaire de Solal n’est pas dû seulement aux persécutions auxquelles l’expose sa judéité, ni même à la « désespérée tentation3 » de la haine de soi que l’antisémitisme instille dans la conscience de ses victimes, mais aussi à son propre rapport à la Loi, qu’il perçoit sur le mode de l’interdit aliénant. De son père, il a hérité une image ascétique du judaïsme. Le discours austère du rabbin présente la Loi comme un réseau de contraintes qui bride les élans vitaux4 ; la rébellion des désirs amoureux et du désir d’autonomie sera chez le jeune héros à la mesure de leur compression. Aux traumatismes historiques se laisse aussi relier une image victimaire d’Israël, qui le poursuivra même s’il parvient à la retourner en proclamant héroïque le refus des instincts violents5. Le brassage

1 On pourrait poursuivre sur ce point le rapprochement avec Camus, qui inlassablement reprend la liquidation de l’idée de Dieu.

2 Carnets 1978, p. 1194.

3 Belle du Seigneur, p. 896.

4 Ce discours exalte dans le peuple juif « le monstre d’humanité » et en tire de radicales conséquences : « Sans espoir de récompense, agis avec justice afin que le peuple soit glorifié. (Pause) Méprise la femme et ce qu’ils appellent beauté » (Solal, p. 111).

5 On trouve dans Mangeclous avec l’image du mouton placide et sacrificiel une illustration de l’ambivalence des réactions de Solal sur ce point : « Résumé des prophètes : “Cela va mal parce que vous n’êtes pas des moutons.

Mais plus tard Israël sera un gras mouton bien doux et alors tout ira bien. ” S’enthousiasmer pour ce végétarisme de l’âme ? Il ne pouvait pas. Et pourtant, cette moutonnerie était ce qu’il aimait le plus au monde » (Mangeclous, p. 550).

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romanesque des sources bibliques et d’autres sources culturelles se laisse interpréter comme une tentative d’accommodation de cette vision du judaïsme aux élans qu’elle réprime.

Esprit de conquête

Au premier rang de ces élans : un dynamisme conquérant. Solal adolescent s’invente un costume d’aventurier – « blouse de lin blanc », serrée par une « cordelière d’or tressé »1. Le voyant surgir sur un cheval blanc, Adrienne le surnomme « Prince Soleil ou Solal Ensoleillé ou le Cavalier du Matin2 ». Cet équipement, qui peut évoquer les Cavaliers de l’Apocalypse3 et qui donnera, au dénouement du livre, une stature d’ange justicier au héros, est plus romanesque que biblique au début du récit. Le surnom de « Cavalier du matin » – traduction du mot spahi – convoque l’univers des guerriers ottomans du XIVe siècle. Ailleurs décrit comme russe, le costume peut aussi faire songer à Michel Strogoff ; et quand Solal ainsi vêtu fonce vers Aude qui s’apprête à en épouser un autre, il dépossède de sa monture un passant en lui expliquant qu’il est « les trois mousquetaires4 ». Aux souvenirs bibliques s’entremêlent ceux des lectures de jeunesse que partage la génération d’Albert Cohen.

L’esprit d’aventure se déploie en une volonté de puissance aux accents nietzschéens. Il a été montré ailleurs qu’en Solal se superposent les figures du Christ et de Zarathoustra5. Lors de sa Passion romanesque, le héros affronte la tentation du ressentiment, d’une haine de l’humanité sur fond de haine de soi. Il en est libéré par le pardon évangélique, certes, mais aussi par l’expansion de sa volonté après son geste suicidaire. Il semblerait que l’imagination romanesque tente d’opérer une conciliation, en Solal, entre les traits christiques et ceux du Surhomme, entre un idéal passant par une souffrance librement consentie et le désir d’expansion de soi, entre l’hétéronomie de la Loi et l’autonomie d’une volonté rayonnante.

Un tel mixage deviendra impossible dans Belle du Seigneur, la pensée nietzschéenne étant

1 Solal, p. 126.

2 Ibid.

3 On peut penser en particulier au premier cavalier, monté sur un cheval blanc : c’est celui qui paraît avant le déchaînement des trois fléaux, pour une action victorieuse (voir Apocalypse, 6, 2).

4 Solal, p. 255.

5 Voir AUROY Carole, Albert Cohen. Une quête solaire, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1996, p. 87-92. On se contentera ici d’une illustration. Dans la chevauchée qui clôt le premier roman cohénien, Solal escorté par les siens croise à un carrefour un miséreux qui le bénit, et il avance « fou d’amour pour la terre » sous le grand soleil, tandis qu’un « oiseau royal » éploie son vol dans le ciel (Solal, p. 360). Sur sa silhouette se superpose aisément celle de Zarathoustra, laissant derrière lui « la ville chère à son cœur » et arrivant avec ses disciples à un carrefour (voir NIETZSCHE Friedrich, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. ROBERT M., Paris, C. Bourgois Éditeur, coll. 10/18, p. 64). Le héros nietzschéen retrouve, après avoir séjourné en une caverne, ses animaux emblématiques, l’aigle pour la fierté, le serpent pour la connaissance, et rayonne d’un bonheur fou :

« Que m’est-il arrivé, ô mes animaux, dit Zarathoustra. Ne suis-je pas métamorphosé ? La félicité n’est-elle pas venue sur moi comme une rafale ? / Fou est mon bonheur et il dira des choses folles » (ibid., p. 78).

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aux yeux de Cohen condamnée par l’exploitation qu’en a faite le nazisme. L’opposition entre nature et « antinature1 » se radicalise alors, pour condamner la première ; l’image d’un judaïsme ascétique et héroïquement victimaire s’impose dans le discours de Solal – au prix d’une répression, devenue insoutenable, de l’instinct vital. Il revient à d’autres personnages, tels Salomon et ses cousins, de maintenir dans l’œuvre la présence d’un autre visage du judaïsme, plus proche de l’épanouissement affectif et joyeux qui colore la mystique hassidique. Mais l’esprit de conquête chez eux trouve des expressions si naïves qu’il est privé de toute conséquence sérieuse ; le temps des synthèses heureuses semble bel et bien révolu.

Érotisme

À l’élan conquérant s’entrelace chez Solal l’élan amoureux. Sa rencontre avec l’aspiration religieuse se traduit en des figures mariales, vierges érotisées, mères amoureuses.

L’imagination travaille au croisement des échos évangéliques et de représentations iconiques.

Ariane surgit telle une apparition : « et voici, il la voyait au loin, sur le seuil et sous les roses, ô gloire et apparition, “ voici la bien-aimée, l’unique et pleine de grâce, et gloire à l’Éternel, à l’Éternel en moi”, murmurait-il2. » Le détournement de la salutation angélique3 croise l’imagerie traditionnelle qui fait de la rose un symbole marial4. Adrienne, dans Solal, prend les traits d’une Mater Dolorosa. Elle a rejoint son amant de jadis à la dérive et s’est laissé réduire à un triste servage sexuel ; au matin, elle détourne un geste suicidaire de l’homme désespéré et recueille son corps évanoui. Se dessine alors le tableau d’une Pietà, que le contexte et la nudité du couple rendent étrange : « Elle regardait le beau corps blessé et il lui semblait tenir sur ses genoux un grand fils évanoui, irresponsable, frappé par les hommes, condamné, trop vivant, irrémédiablement vaincu5. » De la femme jaillissent une divine compassion, qui lit sur les traits défigurés de la créature en déshérence les lueurs d’une innocence première, et une charité évangélique qui discerne en tout homme souffrant le visage du Christ. La nouvelle Ève se profile en la fille d’Ève qui a rejoint Solal en une nuit de confusion.

Si l’érotisme, ici, est dépassé par une tendresse sublime qui opère la rédemption de ses misères, il est plus souvent exalté chez les amants cohéniens sur un ton religieux qui sacralise ses joies. Solal convoque le Cantique des cantiques lorsqu’il s’épanche de son amour, non

1 Belle du Seigneur, p. 900.

2 Belle du Seigneur, p. 426.

3 Voir Luc, 1, 28.

4 Dans les Litanies de Lorette, par exemple, Marie est la « rose mystique » ; le culte populaire couronne les statues de la Vierge de guirlandes de roses – qui ont donné son nom au rosaire.

5 Ibid., p. 251.

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sans perversité, devant le mari dont il convoite l’épouse : « Adrien, bon Adrien, soutiens-moi avec des raisins, fortifie-moi avec des pommes, car je suis malade d’amour. »1 Ce lyrisme biblique rencontre, sous une tonalité commune d’exotisme oriental, la poésie arabe. La ferveur du discours amoureux que le prétendu vieillard tient à Ariane emprunte des thèmes à l’univers des Mille et une nuits : « Elle, Boukhara divine, heureuse Samarcande, broderie aux dessins délicats »2... Plus tard, Solal entonnera, à la gloire des seins féminins, un cantique sur lequel l’influence des Nourritures terrestres est probable3. Il s’invente à ce moment un interlocuteur, jeune homme bibliquement prénommé Nathan auquel il enseigne l’art de séduire ; comment ne pas voir en lui le double de Nathanaël, destinataire fictif des Nourritures terrestres, objet comme lui de l’enseignement d’un maître à vivre et à aimer ?

« Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur4 », écrit Gide. C’est la ferveur que Solal enseigne à Nathan : « Ô seins de terrible présence, féminines deux gloires5 »...

On ne s’étonne pas de cette rencontre de Cohen et d’un écrivain chez qui un sensualisme immoraliste entrait en conflit avec une part morale protestante, parfois mystique. Gide lui aussi, en retenant du Christ un message de joie, dans les Nouvelles Nourritures, a tenté une conciliation, mais est resté porteur des contradictions qui le faisaient osciller entre le renoncement au désir et son apologie. Avec Cohen, il partageait le goût des extrêmes, et des extrêmes dans la contradiction6. On sait quelle influence exercèrent Les Nourritures terrestres sur la jeunesse de l’entre-deux-guerres, incitée à se libérer des interdits sociaux, familiaux, religieux pour inventer sa propre éthique. Le héros adolescent du roman cohénien de 1930 se fait seigneur de sa propre vie, quand il salue avant d’affronter son père le soleil levant, « seigneur d’Orient7 ». Et quand, ressuscité, Solal « pos[e] un soleil8 » sur les lèvres d’une jeune fille et arrache un fruit à une branche, une ivresse gidienne circule en lui :

« Certes, tout ce que j’ai rencontré de rire sur les lèvres, j’ai voulu l’embrasser, de sang sur les

1 Belle du Seigneur, p. 337. Cf. Cantique des cantiques, 2, 5 : « Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins, / Fortifiez-moi avec des pommes ; / Car je suis malade d’amour. » Sur les cantiques charnels qui oscillent chez Cohen entre lyrisme et dérision, voir PAILLET Anne-Marie, « Discours amoureux et polyphonie dans Belle du Seigneur », Cahiers Albert Cohen, n° 5, septembre 1995, p. 54.

2 Belle du Seigneur, p. 38.

3 Voir Solal, p. 385. Gide d’ailleurs convoque lui-même autour de la Sulamite et des femmes bibliques l’univers des Mille et une nuits – que l’on pense à la « Ballade des plus célèbres amants » (GIDE André, Les Nourritures terrestres, suivi des Nouvelles Nourritures, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1989, p. 81-82).

4 Ibid., p. 21.

5 Belle du Seigneur, p. 385.

6 Voir cette phrase inscrite en épigraphe des Morceaux choisis, en 1921 : « Les extrêmes me touchent ».

7 GIDE André, op. cit., p. 32. On peut aussi rapprocher l’aurore que Solal éveille, dans une scène évoquée plus haut, des aubes gidiennes : « Je montai jusqu’à la lisière du bois ; je m’assis ; chaque bête reprit son travail et sa joie dans la certitude que le jour va venir, et le mystère de la vie recommença à s’ébruiter par chaque échancrure des feuilles » (ibid., p. 28-29).

8 Solal, p. 359.

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joues, de larmes dans les yeux, j’ai voulu le boire ; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent des branches1 », lit-on dans Les Nourritures terrestres.

Sur le symbolisme biblique se greffent donc en des conjonctions surprenantes d’autres effets d’intertextualité, qui magnifient le désir de conquête et sacralisent l’élan amoureux, contre la conscience de leur collusion avec la brutalité des instincts. Le travail symbolique se charge d’opérer la rédemption d’élans que le discours du moraliste reconnaît travaillés de contradictions ; il valide en eux la présence du désir d’absolu que comble la révélation biblique. Mais il fait aussi ressortir le désir d’autodéification qui les anime. Ariane se salue,

« pleine de grâce », « belle de son seigneur », avec un narcissisme rayonnant2 ; Solal se sacralise lui-même en messie sacrifié3. Chez Albert Cohen, une dimension critique n’abandonne jamais les expérimentations imaginaires, sans pour autant détruire le charme de ce qui semble se découvrir en elles.

Complexe est donc le feuilletage du texte cohénien. Les émergences de l’hypotexte biblique forment la trame d’une lecture cohérente des aventures du héros, mais sont aussi des foyers d’incohérences dans une prise en compte totale du récit romanesque. Le processus est d’autant plus retors que la richesse esthétique et symbolique des grandes scènes aux résonances bibliques impose à l’esprit du lecteur l’interprétation messianique de la geste héroïque. De surcroît, la fusion de ces échos bibliques avec d’autres résonances issues d’une culture profane aux sources multiples amortit les discordances entre l’interprétation sacralisante des aventures de Solal et les analyses psychologiques et morales qu’une lecture soupçonneuse pourrait lui opposer.

Les effets de ce feuilletage sont retors, certes, mais ils font aussi la puissance de l’œuvre : le monde qui forme son horizon est le monde des réalités ambivalentes, des contradictions intimes, d’une situation métaphysique qui écartèle l’homme, sans résolution rationnelle possible, entre ses aspirations sublimes et la conscience de son aliénation à la violence, au temps mortel. Là où la résolution rationnelle échoue, le travail poétique propose ses expérimentations imaginaires. Prophète à la posture minée par l’incertitude, l’écrivain ajoute l’effort heuristique de sa fiction aux strates d’écriture dont son texte se feuillette.

1 GIDE André, op. cit., p. 32.

2 Belle du Seigneur, p. 581, 585.

3 Significatif est ce fragment, au demeurant énigmatique, d’un monologue de Solal : « pourquoi me clouer non c’est moi qui me cloue à cette porte d’une cathédrale dans la montagne moi qui perce mon flanc avec un clou de la cave » (Belle du Seigneur, p. 906).

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