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Pour une conservation intégrée du patrimoine géologique et biologique dans les réserves naturelles.

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Pour une conservation intégrée du patrimoine géologique et biologique dans les réserves naturelles.

Exemple du plan de gestion (2013-2024) de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse (Val d’Oise)

Résumé

En France, une réserve naturelle est un outil juridique permettant une protection efficace et pérenne d’un patrimoine naturel fragile ou remarquable. À côté d’une réglementation stricte inscrite dans son acte de classement, une réserve naturelle est aussi un outil de gestion dont l’objectif prioritaire reste la conservation du patrimoine naturel, incluant à la fois le patrimoine biologique (habitats et espèces) et le patrimoine géologique (sites et objets géologiques remarquables). À travers l’exemple de la mise en place du plan de gestion de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse (Val d’Oise), l’objectif de cet article est de montrer l’importance d’une approche intégrée de la conservation du géo- et du biopatrimoine au sein d’une réserve naturelle. Bien que l’enjeu prioritaire de la RNR soit lié à la conservation d’un patrimoine géologique d’intérêt international (co-stratotype historique du Danien), le fort intérêt écologique du site nécessite également des actions spécifiques de conservation d’un patrimoine biologique remarquable.

L’élaboration du plan de gestion a donc été réfléchie pour assurer la cohérence entre actions de géo- et de bioconservation, et pour rester en conformité avec les autres politiques d’aménagement et de gestion durable du territoire concerné.

François BETARD(1), Sébastien GIRARD(2), Olivier ROGER(3) &

Nadia VARGAS (4)

(1) Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité, laboratoire PRODIG, CNRS UMR 8586, case courrier 7001, 75205 Paris cedex 13. francois.betard@univ-paris-diderot.fr

(2) Direction de l’environnement et du Développement Durable, Conseil général du Val d’Oise, 2 avenue du Parc, 95000 Cergy. sebastien.girard@valdoise.fr

(3) Office de Génie Écologique, 5 boulevard de Créteil, 94100 Saint-Maur-des-Fossés. o.roger@oge.fr

(4) Direction de l'Environnement, de l'Agriculture et de l'Energie, Région Île-de-France, 35 boulevard des Invalides, 75007 Paris. nadia.vargas@iledefrance.fr

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Abstract

In France, a nature reserve is a legal tool for effective and long-term protection of a fragile or unique natural heritage. Besides a strict regulation enshrined in the act of classification, a nature reserve is also a management tool whose primary objective is the preservation of the natural heritage, including both biological (habitats and species) and geological heritages (outstanding geological sites and objects).

Through the example of the management plan of the “geological” RNR of Vigny- Longuesse (Val d’Oise), the aim of this presentation is to show the importance of an integrated approach of geo- and bioconservation into a nature reserve. Although the priority issue of management in the study site is related to the conservation of a geological heritage of international interest (co-stratotype of the Danian stage), the high ecological value of the site also requires specific conservation actions in favor of an outstanding bioheritage at regional level. The development of the management plan has been conducted in order to ensure consistency between actions of geo- and bioconservation, and to remain in accordance with the other policies of sustainable management on the territory.

Introduction

En France, la notion de patrimoine naturel et l’outil réglementaire qu’est la réserve naturelle sont officiellement apparus en même temps, avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Outre la protection d’habitats naturels et d’espèces biologiques menacés, la loi prévoit que « la préservation de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables » peut être prise en considération pour classer des réserves naturelles, avec l’objectif de les soustraire à toute intervention anthropique susceptible de les dégrader (Art. L.332-1 et suivants du Code de l’environnement). Depuis cette loi, il est donc possible de créer une réserve naturelle sur le fondement d’un patrimoine géologique remarquable [Jonin, 2006]. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est venue renforcer la loi de 1976, faisant aujourd’hui du statut de réserve naturelle un outil réglementaire de protection forte, assorti d’une gestion conservatoire du milieu, permettant de préserver à long terme le patrimoine naturel, qu’il soit biotique ou abiotique. Selon les enjeux de conservation et les contextes locaux, la responsabilité et l’initiative du

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classement reviennent à l’Etat pour les réserves naturelles nationales (RNN), aux Régions pour les réserves naturelles régionales (RNR) ou à la Collectivité territoriale de Corse pour les réserves naturelles de Corse [Avoine, 2012]. Quel que soit leur statut, les réserves naturelles sont gérées autour d’une instance composée d’un comité consultatif, d’un conseil scientifique et d’un gestionnaire, ce dernier ayant pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre le plan de gestion [Bergeal & Giron, 2012].

L’objectif de cet article est de montrer l’intérêt et l’importance d’une approche intégrée de la conservation du patrimoine géologique et biologique au sein des réserves naturelles, à travers l’exemple démonstratif de la mise en place récente du plan de gestion (2013-2024) de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse (Val d’Oise). Classé en 2009 en RNR en raison de son intérêt géologique majeur (co-stratotype historique du Danien), ce site présente également, sur un même territoire de superficie réduite (21 ha), un intérêt écologique non négligeable, avec de nombreuses espèces floristiques et faunistiques remarquables pour la région Île-de-France.

Présentation de la RNR du site géologique de Vigny- Longuesse

La réserve naturelle est localisée sur les communes de Vigny et de Longuesse, à une dizaine de kilomètres au Nord-Ouest de Cergy-Pontoise et à une quarantaine de kilomètres de Paris, dans le département du Val d’Oise (figure 1). Située au cœur du Parc naturel régional du Vexin français, la réserve naturelle s’inscrit dans la vallée de l’Aubette, le long de la RD 169, au lieu-dit

« Le Bois des Roches ». Géologiquement, elle se situe au cœur de l’anticlinal de Vigny d’orientation Nord-Ouest Sud-Est, qui forme ici une boutonnière faisant affleurer la craie campanienne ainsi que des affleurements réduits de calcaires daniens anciennement exploités en carrières à ciel ouvert (figure 1). Ce sont les anciennes carrières du Bois des Roches qui constituent l’intérêt scientifique principal de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse.

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Figure 1 Carte géologique simplifiée de la région de Vigny-Longuesse.

Noter la craie campanienne

apparaissant au cœur de l’anticlinal de Vigny, ainsi que le caractère ponctuel et disséminé des affleurements daniens (d’après Montenat et al., 2010).

76 Un géosite majeur d’intérêt international

Classée en Espace naturel sensible (ENS) en 2003, puis RNR d’intérêt géologique en 2009, la carrière de Vigny est l’un des géosites majeurs d’Île-de-France [Montenat & Barrier, 2008]. En protégeant l’un des 43 stratotypes français, celui du Danien (dont elle représente le co-stratotype historique), la réserve naturelle présente un intérêt géologique international. En réalité, le site du Bois des Roches est connu des géologues depuis près de 200 ans, puisqu’il a été dès le début du XIXe siècle le banc d’essai de nombreuses interprétations concernant l’âge et la mise en place du calcaire dit « pisolithique », anciennement exploité sur le site pour la production de pierres à bâtir (historique détaillé des débats et controverses synthétisé In : Roger & Bétard, 2013). Dès 1837, Charles D’Orbigny engagea la discussion sur l’âge de la faune de mollusques récoltée à Vigny.

En 1848, le géologue et paléontologue Edouard Desor proposa la création de l’étage géologique du Danien (premier étage du Paléocène), en se fondant sur les similitudes de faciès et de faunes observées entre les calcaires de Vigny, ceux de Laversine près de Beauvais et ceux de Fakse au Danemark. Historiquement, le site de Vigny-Longuesse est donc l’un des co-stratotypes de l’étage Danien [Montenat & Barrier, 2008].

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Figure 2 Quelques éléments du patrimoine géologique de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse, à différentes échelles.

A : vue générale de la carrière, depuis le belvédère de lecture du paysage ; B : la « Grande Falaise », un affleurement majeur pour l’histoire de la géologie ; C : détail d’un bloc de calcaire récifal. (© F. Bétard).

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Outre son intérêt stratigraphique et historique, la réserve naturelle présente également un intérêt paléontologique majeur. De renommée internationale, la carrière de Vigny a livré la plus riche faune de mollusques fossiles du Danien en Europe (plus de 200 taxons) et la plus ancienne du Tertiaire français [Pacaud et al., 2000]. A la charnière des ères secondaire et tertiaire, ce site est l’un des gisements paléontologiques les plus célèbres de France, avec plus de 400 espèces fossiles : algues, foraminifères, coraux, bryozoaires, échinodermes, bivalves, gastéropodes, nautiles, etc. C’est également le seul complexe récifal préservé et connu dans le Tertiaire du bassin de Paris, permettant d’observer à l’affleurement un calcaire récifal à madrépores, encore en place, dans le Bois des Roches, ou sous forme d’olistolithes pris dans la craie fluée au niveau de la carrière, ainsi qu’un calcaire péri-récifal à algues roulées, le fameux « calcaire pisolithique » des anciens auteurs, mis en place dans un chenal sous-marin au pied de l’ancien récif corallien [Montenat et al., 2002]. En tenant compte des nombreux autres intérêts géologiques qu’offre la réserve naturelle en matière de tectonique (failles visibles, miroirs de faille à tectoglyphes conservés), de sédimentologie et de géomorphologie (paléoglissements sous-marins, figures de cryoturbation, etc.), mais aussi de son intérêt pour l’histoire de la géologie (figure 2), l’évaluation de la valeur du patrimoine géologique a logiquement abouti à considérer la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse comme un site géologique « 3 étoiles » ou d’intérêt national à international, selon les critères établis par la méthodologie de l’INPG [De Wever et al., 2006]. Au final, la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse est un géosite majeur justifiant des mesures de conservation et de gestion prioritaires.

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Un site d’intérêt écologique, floristique et faunistique

Outre son intérêt géologique majeur, la réserve naturelle présente un intérêt écologique certain, tant pour la faune que pour la flore. En effet, elle abrite plusieurs espèces remarquables dont la plupart sont liées aux habitats pionniers herbacés (prairies et pelouses thermophiles calcicoles) colonisant l’ancienne carrière, classée à juste titre comme ZNIEFF de type 1. Ainsi, les 15 inventaires réalisés sur le site entre 1999 et 2012 (synthétisés In : Roger & Bétard, 2013) ont permis de recenser 837 espèces dont :

- 354 plantes, soit environ le quart de la flore francilienne, dont 62 remarquables (18%) ;

- 79 bryophytes, dont 1 nouveau taxon pour l’Île-de-France et 14 remarquables ;

- 94 fonges, dont 4 remarquables ;

- 310 espèces animales, dont 57 araignées, 2 odonates, 24 orthoptères dont 8 patrimoniaux, 17 hyménoptères dont 1 protégé, 67 lépidoptères (26 rhopalocères dont 6 remarquables, 41 hétérocères dont 5 remarquables), 78 coléoptères dont 8 bio-indicateurs, 1 diptère, 3 amphibiens, 3 reptiles, 48 oiseaux, 10 mammifères.

Bien qu’elle ne couvre que 29,76% de la superficie de la réserve naturelle, la carrière concentre l’essentiel de la diversité écologique et la majeure partie des espèces remarquables (figure 3). De même, 10 des 13 habitats recensés sur le site sont localisés dans la carrière. Parmi ces derniers, certains sont rares au niveau régional, tels les affleurements rocheux, les pelouses thermophiles calcicoles et les prairies mésophiles. Ces deux derniers sont des habitats d’intérêt communautaire qui sont en régression au niveau national et européen. Le maintien des habitats ouverts dans la carrière et des espèces remarquables qui y sont associées représente le principal enjeu écologique de la réserve naturelle.

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Figure 3

Localisation des enjeux écologiques au sein de la réserve. À noter la concentration des enjeux écologiques au niveau de l’ancienne carrière, qui est aussi l’endroit où

se concentrent les principaux enjeux de conservation du patrimoine géologique.

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Construction du plan de gestion de la réserve naturelle avec un objectif : (ré-)concilier géo- et bioconservation

Méthodologie du plan de gestion

Le plan de gestion d’une réserve naturelle constitue pour le gestionnaire le document de référence pour l’organisation, la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation de la gestion de sa réserve. Il permet de répondre aux questions essentielles que se pose le gestionnaire, en particulier :

- Quels sont les enjeux et objectifs à long terme de la réserve naturelle ? - Comment définir et atteindre les objectifs de conservation ?

- Quelles seront les actions à mener pour atteindre ces objectifs ?

- Comment être sûr que les moyens employés seront les plus pertinents ?

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Le plan de gestion de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse a été élaboré suivant la base de la méthodologie du guide ATEN-RNF [Réserves Naturelles de France & Chiffaud, 2006] tout en servant de site pilote pour la nouvelle version du guide 2015. La première partie (section A) du plan de gestion consiste en un diagnostic du patrimoine géologique, des habitats naturels, des espèces végétales et animales et de leur valeur patrimoniale. Le contexte socio- économique est ensuite décrit. Tous ces éléments permettent de définir les enjeux et les objectifs de la réserve naturelle. La section B consiste à décliner les enjeux et objectifs à long terme en objectifs du plan, puis en opérations de gestion au sein d’une arborescence hiérarchisée. La construction de cette arborescence, définie comme un système d’emboîtements cohérents indispensable à la lisibilité du plan de gestion et à la définition de priorités de gestion, est centrale dans la méthodologie ATEN-RNF et permet d’assurer la cohérence entre objectifs et opérations sur la durée du plan. Enfin, la section C est réservée à l’évaluation du plan de gestion. L’objectif de l’évaluation est de vérifier si les résultats obtenus sont conformes aux résultats attendus et de mettre en exergue de nouveaux enjeux si le système a évolué. Pour cela, l’évaluation doit s’appuyer sur une batterie d’indicateurs qui doivent permettre de comparer l’état final à l’état initial à mi-parcours et en fin de plan, soit 6 ans et 12 ans dans le cas de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse.

Une fois élaboré, le plan de gestion devient la référence permanente pendant la durée du plan et constitue l’outil qui permet de définir, de programmer et de contrôler la gestion, de manière objective et transparente. Il peut être évolutif en fonction des aléas et réalisations au cours du plan. Le plan de gestion est l’aboutissement de plusieurs mois de réflexion et de travail effectué par les gestionnaires de la réserve naturelle (aidé ici d’un bureau d’études et d’experts associés) avec l’appui d’un Conseil scientifique territorialisé et d’un groupe de travail issu du Comité consultatif de la réserve. Il est en effet important que le plan de gestion soit pleinement partagé par les acteurs locaux, avant d’être soumis pour avis au conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) puis adopté par délibération par le Conseil régional d'Île-de-france.

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Tableau 1

Arborescence simplifiée du plan de gestion de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse.

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81 De la conservation du patrimoine géologique à la gestion écologique des milieux ouverts

Sur la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse, 4 enjeux majeurs ont été définis et se déclinent en 4 objectifs à long terme (OLT). Ces enjeux et OLT ont eux-mêmes été déclinés en 15 objectifs du plan (tableau 1) et en 65 opérations (non détaillées ici).

Enjeux Code Objectifs à long

terme Code Objectifs du plan

Préservation du

patrimoine naturel A Conserver le patrimoine géologique et biologique de la réserve

A1 Maintenir les conditions de visibilité des objets géologiques remarquables A2 Maintenir les conditions de stabilité

des objets géologiques remarquables A3 Conserver la diversité et l’originalité

des habitats « ouverts » du site, notamment les prairies et les pelouses

A4 Restaurer la naturalité de la chênaie- charmaie

Développement de l’animation et de la pédagogie

B Valoriser le patrimoine géologique et biologique de la réserve

B1 Assurer l’accueil et la sécurité du public visiteur

B2 Sensibiliser le public au patrimoine géologique et biologique Approfondissement

des connaissances sur le patrimoine naturel et culturel

C Améliorer les connaissances relatives au patrimoine géologique, biologique et culturel de la réserve

C1 Être un territoire d’accueil pour la recherche

C2 Améliorer les connaissances sur la paléobiodiversité du site C3 Améliorer les connaissances sur la

flore et la faune actuelles C4 Améliorer les connaissances sur le

passé industriel et sur le patrimoine culturel et historique

Fonctionnement courant des activités de la réserve

D Assurer les missions transversales liées à la gestion de la réserve

D1 Organiser et participer aux réunions en lien avec la gestion administrative de la réserve

D2 Participer aux différents réseaux D3 Mettre en œuvre et évaluer le plan

de gestion

D4 Organiser la gestion administrative et financière de la réserve

D5 Alimenter et adapter un système de gestion des données informatisées

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Les objectifs de conservation du patrimoine géologique et biologique ont été volontairement regroupés au sein d’un même objectif à long terme (A). Dans le détail, les priorités de gestion ont été données aux opérations liées à la conservation du patrimoine géologique, s’agissant d’une réserve naturelle dont le principal intérêt scientifique et pédagogique est lié à l'importance géologique du site. Toutefois, les inventaires floristiques et faunistiques réalisés sur le périmètre de la réserve naturelle depuis une quinzaine d’années ont montré le fort intérêt écologique du site (intérêt de niveau régional). Plusieurs opérations liées à la gestion écologique des milieux ouverts, particulièrement au sein de la carrière où sont aussi concentrés les enjeux géopatrimoniaux, ont donc été définies afin de préserver le biopatrimoine remarquable du site. Au moment de définir les opérations du plan de gestion, une attention particulière a donc été portée à la vérification de la cohérence des objectifs de conservation entre eux, inscrits dans le premier objectif à long terme (A). En particulier, il s’est agi de vérifier que les opérations de gestion écologique ne venaient pas en contradiction avec celles liées à la conservation du patrimoine géologique, et vice-versa.

Par exemple, l’opération TE1 (« Enlèvement des éboulis en pied de front de taille ») a été conçue de façon à ce que les éboulis soient enlevés à la fin de l’hiver, seulement là où ils gênent la visibilité des objets géologiques remarquables.

Ailleurs, il est préconisé de laisser les éboulis en place, dans la mesure où ceux- ci constituent des habitats potentiels pour certaines espèces remarquables de plantes et de mousses présentes sur le site, mais aussi pour certaines espèces animales (reptiles). Un autre exemple concerne les opérations qui visent à gérer la végétation des fronts de taille : compte tenu de l’envahissement de certaines coupes géologiques par les végétaux et des menaces d’embroussaillement, il est préconisé de supprimer la végétation ligneuse afin de restaurer la lecture des objets géologiques remarquables (TE2) et/ou maintenir la stabilité des fronts de taille (TE7). Cette éradication des ligneux sur les fronts de taille contribue à une autre opération visant l’élimination systématique des plantes invasives (TE4) : Ailanthus altissima, Buddleja davidii, Solidago canadensis. Ailleurs, lorsque les cortèges floristiques sont intéressants, il est souhaitable de maintenir des écrans de végétation lorsque cela ne gêne pas l’observation des coupes (refuge potentiel pour certaines espèces animales) ou ne menace pas directement la stabilité des fronts de taille (bioturbation, chablis lors de tempêtes). De même, dans les autres

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Figure 4

Périmètres de protection et d’inventaires dans et autour de la réserve.

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catégories d’objectifs du plan (valorisation pédagogique, recherche, etc.), les opérations ont toujours été conçues pour rester en cohérence avec les objectifs de conservation, inscrits parmi les objectifs prioritaires de la réserve naturelle.

De la nécessité d’une gouvernance et d’une gestion intégrée du géo- et du biopatrimoine

La superposition des périmètres de préservation et d’aménagement concerté

La réserve naturelle est localisée au sein de plusieurs périmètres de protection et d’inventaire, qui témoignent d’un contexte de grande valeur patrimoniale, aussi bien sur le plan paysager et naturel, qu’architectural et bâti (figure 4).

La prise en compte de cette superposition des périmètres de préservation et d’aménagement concerté est essentielle pour une bonne gouvernance et une gestion intégrée du patrimoine naturel de la réserve.

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À l’échelle régionale, la réserve naturelle est intégralement incluse dans le Parc naturel régional (PNR) du Vexin français, lequel se superpose en partie aux limites du Site inscrit du Vexin français. Créé en mai 1995, le PNR du Vexin français est géré par un Syndicat Mixte qui regroupe la Région Île-de-France, les Départements du Val d’Oise et des Yvelines, les 99 communes et 9 communautés de communes adhérentes, sur 71 000 hectares. Le Parc est un outil de gestion et d’aménagement au service d’un territoire et de ses habitants. Il met en œuvre un projet concerté de développement durable, basé sur la préservation et la valorisation de ses patrimoines naturels et culturels. Sur le site géologique de Vigny-Longuesse, le PNR est engagé de longue date dans des actions de suivi et de valorisation du patrimoine naturel (surtout biologique) et participe aux travaux du comité consultatif de la réserve.

À l’échelle du site, sur le Plan Local d’Urbanisme des deux communes, la réserve naturelle est classée en zone N qui correspond aux secteurs à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels ou biologiques et des paysages. Elle n’est donc pas soumise à des servitudes particulières. Le « Bois des Roches » est répertorié sur les deux PLU comme « espace boisé classé » (EBC). Ceci a pour conséquence d’interdire les défrichements ainsi que les coupes et abattages sans autorisation. En effet, le classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (Art. L.130-1 du Code de l’Urbanisme).

Rester compatible avec le plan d’aménagement forestier et avec les actions de valorisation

L’élaboration du plan de gestion a d’abord été réfléchie pour assurer la cohérence entre actions de géo- et de bioconservation, mais aussi pour rester en conformité avec les autres politiques d’aménagement et de gestion durable du territoire concerné. Par son statut d’EBC, le boisement de la réserve naturelle (« Bois des Roches ») est soumis au régime forestier (surface de 18 ha, la carrière étant exclue du périmètre). La gestion sylvicole de ce boisement est donc confiée à l’Office National des Forêts (ONF) via la mise en place d’un plan d’aménagement forestier.

Dans l’objectif du plan A4 (« Restaurer la naturalité de la chênaie-charmaie »), les opérations restent en conformité avec le plan d’aménagement forestier mis en place par l’ONF sur la période 2011-2030 [ONF, 2011].

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Inscrits comme le second enjeu dans le plan de gestion (B), le développement de l’animation et de la pédagogie, priorité pour la Région, fait également partie des missions de la réserve naturelle. Depuis son classement en ENS en 2003 et son ouverture au public, la carrière de Vigny a vocation à accueillir des visiteurs, notamment des scolaires, en raison de son intérêt pédagogique.

Dans ce cadre, une attention particulière doit être portée à la conciliation entre actions de conservation et de valorisation, notamment en faisant respecter la réglementation inscrite dans l’acte de classement (par exemple, l’interdiction de prélever). Comme alternative à la collecte, un bac à roches, périodiquement réapprovisionné à partir des éboulis en pied de front de taille, a été installé et permet de mettre à disposition des visiteurs un assortiment d’échantillons caractéristiques du site, dans un but purement didactique. Le projet d’une collection paléontologique, à partir de moulages de fossiles du site, s’inscrit dans la même démarche de valorisation, sans compromettre les objectifs de conservation des objets géologiques remarquables à l’affleurement.

Conclusion

Actuellement en France, la réserve naturelle apparaît comme le seul outil juridique bien adapté à la conservation et à la gestion intégrée du patrimoine géologique et biologique. Trop souvent encore, les actions de conservation de la géodiversité et de la biodiversité sont considérées séparément, les premières étant l’affaire des géologues, les secondes celle des écologues ou des biologistes [Gray et al., 2013]. La réserve naturelle, par la construction d’un plan de gestion élaboré de façon concertée entre spécialistes, et partagé de façon étroite avec l’ensemble des acteurs locaux, permet d’assurer efficacement la cohérence entre actions de géoconservation et de bioconservation. Ces actions doivent aussi rester compatibles avec les autres politiques d’aménagement et de gestion durable du territoire concerné et avec les enjeux socio-économiques et culturels locaux, notamment en matière de valorisation pédagogique auprès des scolaires et du grand public. Sur ce dernier point, il existe aussi un réel enjeu de montrer les relations existantes entre géodiversité et biodiversité [Bétard, 2013], deux aspects fortement liés mais trop souvent séparés par le découpage artificiel de la connaissance en disciplines.

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