L. DOBREMEZ, G. LIENARD M. BARRET
CEMAGREF
Groupement
t de Clermont-FerrandDivision
Techniques
et Ec;onomiedes
Exploitations d’élevage
Bovin et Ovin.Laluas - 63200 Riom
* INRA Laboratoire de Recherches
sur l’Economie de
l’Elevage
Theix - 63122
Saint-Genès-Champanelle
!’! Centre d’Economie Rurale de la Haute-Loire - CER43
27, boulevard Bertrand - 43003 Le
Puy
Systèmes de
production laitiers
en montagne :
Evolutions récentes et adaptation possibles Exemple d’exploitations
en Haute-Loire
En moyenne montagne de Haute-Loire, quelles ont été les évolutions des exploitations laitières depuis l’instauration des quotas ?
A partir d’une typologie d’exploitations, basée
surles trajectoires
d’évolution et les logiques de fonctionnement, quelles voies d’adaptation
différenciées peut-on envisager pour les principaux
«profils d’exploitations » ? ?
En France,
près
d’uneexploitation
laitièresur quatre se trouve en montagne
(tableau 1).
L’orientation laitière y est en effet la
plus
fré-quente :
24 % desexploitations
de montagnesont classées dans l’orientation technico-écono-
mique (OTEX)
Bovins-lait contre -seulement 15 % auplan
national(figure 1).
Cette propor- tion atteint même 55 % en Haute-Loire, pre- mierdépartement
de France pour laproduction
laitière en zone de montagne, que ce soit en
nombre
d’exploitations
ou en volume de lait livré(source :
SCEES1988).
Aussi, l’instauration des quotas laitiers à par- tir de la campagne 1984-85 a-t-elle été
particu-
lièrement ressentie dans cesrégions
de mon- tagne où l’environnementnaturel, économique
et social
impose
des contraintes sans douteplus
fortesqu’ailleurs (Liénard
et Baud 1981,Liénard et al
1985).
Ainsi les investissementsen matériel et
bâtiments,
lesapprovisionne-
ments et même les services ont, en montagne, des surcoûts indéniables
(Dixmérias
1985, Pel- tier1985).
Et « leshandicaps
naturels dus auxconditions de montagne se traduisent en termes
économiques
par desinégalités
de ren-dement,
deproductivité,
de revenu, decapacité
d’accumulation par rapport auxexploitations
laitières
spécialisées
deplaine » (Bazin 1990).
Certes, des mesures
spécifiques
ont étéprises, qui
ont fortement atténuél’impact
des quotas en montagne, au moins durant les troispremières
campagnes(ONILAIT
1988 et1989).
Mais il faudra bien que les
producteurs,
icicomme en
plaine, s’adaptent
à ce nouveau contextepersistant
de limitation de laproduc-
tion laitière.
Résumé
—————————————————————————Le
développement
desexploitations
laitières de montagne,déjà handicapées
par les conditions naturellesqui
limitent les rendements etgénèrent
dessurcoûts,
aété très
perturbé
par l’instauration des quotas deproduction
en 1984.Dans les montagnes de Haute-Loire, la
production
laitière est relativement récente ; elle s’estdéveloppée
àpartir
d’unsystème
basé sur le veau de boucheriesous la mère et
beaucoup d’exploitations
conservent les marques de cette évolu- tion. Ainsi, lesquotas
ont touchébeaucoup d’élevages
dont la mutation laitièren’était pas achevée.
L’étude se propose, à
partir
d’un échantillon de 30exploitations,
«ayant
de l’ave-nir », de montrer
quelles
ont été les évolutionsdepuis
le début des quotas. Les troispremières années,
les effets ont étémasqués
par les limitations de rende- ment provenant du climat lui-même et par l’octroi de référencessupplémentaires.
Mais les conditions favorables de la
quatrième
campagne ontprovoqué
une forte amélioration des rendements laitiersobligeant
les éleveurs àprendre
desmesures
d’ajustement.
La constitution d’une
typologie
de «profils » d’exploitations permet d’analyser
les
trajectoires
et leslogiques
de fonctionnement endégageant
des voiesd’adap-
tation différenciées.
Certaines
exploitations
ontadopté, depuis longtemps,
une fortespécialisation
lai-tière,
avec vaches Pie-Noires et intensificationpoussée ;
cette voie estexigeante
en technicité et en ressources
alimentaires ;
elle est très sensible auxquotas.
D’autres,
ayant plus
desurface,
ontconservé,
avec des vachesPie-Rouges
de bonniveau
laitier,
une orientation lait + veaux croisés vendus à un mois. Cette voie est sans doute mieuxadaptée
à l’évolution que doivent réaliserbeaucoup
dejeunes
restésproches
dusystème
traditionnel. L’évolution difficile desexploita-
tions
ayant
réalisétrop
brutalement une modernisationcomplète
montre la nécessité,plus
forte en montagnequ’en plaine,
de mieuxpréparer
et étaler lesinvestissements très lourds.
L’important
est depréserver
une certaine diversité d’orientation pour les sys- tèmes laitiers enmontagne,
et de proposer, à côté des voies basées sur une forteintensification,
des évolutionsprenant
mieux encompte
lessystèmes
mixtes pos- sibles et une intensificationmodérée, plus
facilementenvisageables
dans l’aveniravec
l’agrandissement progressif
desexploitations.
Les effets des
quotas
laitiers sontcependant
différents selon les conditions
régionales
deproduction
et selon lessystèmes d’exploitation,
et il faut en tenir
compte (Dobremez
et Baud1988,
Guglielmi 1989).
Nousprésentons
danscet article des éléments de réflexion sur les voies
possibles d’adaptation
pour desexploita-
tions laitières de Haute-Loire.
Après
avoirrappelé quelques grands
traits del’agriculture
dans cedépartement,
nous retra-cerons les évolutions récentes
depuis l’applica-
tion des quotas à
partir
de l’observation de 30exploitations laitières,
que l’onpeut
considérercomme des
exploitations
« d’avenir» (1).
L’analyse
de cesexploitations,
certes non statis-tiquement représentatives
maisqui
couvrentune
large
gamme de stades de modernisation et pourlesquelles
ondispose
de données appro- fondies sur leurfonctionnement,
permet dedégager
des tendancesgénérales
que nous allonsprésenter
dans unpremier temps.
Puisnous
prendrons
en compte la diversité des situations, car cesexploitations
n’ont pas toutes les mêmeslogiques
defonctionnement,
et n’ont pas les mêmes contraintes ni les mêmes pers-pectives
face aux quotas : nous illustreronsl’impact
différencié desquotas
en fonction des typesd’exploitations (« profils »)
rencontrésdans ce réseau de 30
exploitations.
Puis nousélargirons
la réflexion enanalysant
lespistes d’adaptation qui
peuvent êtreproposées
auxproducteurs
laitiers de cedépartement
de mon- tagne.1 / La Haute-Loire :
un
département de montagne
par excellence
i.
1 / Les contraintes naturelles
La Haute-Loire se
distingue
d’emblée parune altitude moyenne
élevée, malgré
l’absencede très hauts sommets
(point
culminant : le MontMézenc,
1754m).
Ainsi,près
de 70 % duterritoire est situé à une altitude
supérieure
à800 m. La Haute-Loire
figure
d’ailleurs au troi- sième rang desdépartements
lesplus
hauts deFrance
(juste après
lesHautes-Alpes
et laLozère),
si on considère l’altitude moyenne àlaquelle
vivent les habitants(Nanot 1987). ).
Le
climat,
combinant les influences conti- nentales etmontagnardes (2),
crée descontraintes
importantes
sur leplan agricole :
- hiver
long, imposant
une durée de stabulation d’au moins 6 mois ;-
démarrage
tardif de lavégétation
etfréquence
élevée de
gelées
tardives auprintemps,
maisaussi
parfois
degelées précoces
dès le mois deseptembre ;
.- sécheresse
fréquente
enjuillet-août,
attei- gnant uneampleur exceptionnelle
à 6reprises depuis
le début des années 80.A
l’exception
des zonesd’origine volcanique (Velay basaltique, Mézenc-Meygal) -
dont l’ex-pression
des bonnespotentialités agronomi-
ques est
cependant
souvent atténuée par l’alti- tude - les sols sontgénéralement
d’une fertilité médiocre oufaible,
peuprofonds
etfiltrants,
cequi
accentue encore les effets de la sécheresse estivale.Le choix des cultures est donc restreint.
Ainsi, sauf dans les zones les
plus basses,
la culture du maïs est souventimpossible
ou,pour le moins, aléatoire dans ses résultats.
La
période
de pousse de l’herbe est courte, etson
exploitation
n’est pas facile àmaîtriser,
caril faut savoir faire face au
printemps
à une véri- table «explosion
» de lavégétation.
Et il fau-dra,
durant cette courtepériode, pourvoir
aux besoins de l’alimentation estivale dutroupeau
et aux besoins encore
plus importants
en four-rages conservés pour l’alimentation hivernale.
Considéré comme un moyen
privilégié
pour intensifier et maîtriser laproduction
fourra-gère, l’ensilage
s’estbeaucoup développé
enHaute-Loire mais la
qualité
duproduit
n’est pastoujours
assurée(Andrieu
et al1987).
Lessécheresses successives ont
perturbé
les éle-veurs, les conduisant par souci de sécurité à
privilégier
laquantité plutôt
que laqualité (Bossis 1987).
1.
2
/ Une évolution récente et radicale des systèmes de production
La fin de la dernière guerre a
marqué
lesignal
d’une évolution dessystèmes
tradition- nels depolyculture-élevage,
detype
« agro-pas- toral » enMargeride
ou «petite
culturevivrière » dans les autres
régions (Fel 1962).
Lescéréales
(et
les lentilles en zonevolcanique)
etle veau de boucherie élevé au
pis
en consti-tuaient les
principales
composantes.S’y ajou-
taient
fréquemment
depetites
troupes ovines.Il y a
vingt-cinq
ans, bien peu de lait était collecté : les transformations essentielles intro- duites au cours des dernières décennies ontporté
sur ledéveloppement
de laproduction laitière,
larégression
des céréales et,plus
encore, du veau de boucherie sous la mère
(Lié-
nard et al
1983).
Ainsi, ladégradation
du mar-ché des veaux de boucherie élevés au
pis,
concurrencés par les ateliers de veaux en batte- rie en
plaine,
et le relaispris
par la vente des«
petits
veaux » à un mois destinés àl’engrais-
sement, en raison d’une forte demande ita-
lienne,
ont favorisé l’essor de laproduction
lai-tière au détriment de celle de veaux gras fer- miers, et le volume des livraisons de lait a pres- que
triplé
entre 1965 et 1985(3).
Mais, encore
actuellement,
lesexploitations
de taille modeste restent
largement prédomi-
nantes : en 1987-88, 31,0 hectares par
exploita-
tion laitière
(OTEX lait)
et seulement 60 000litres de lait livrés en moyenne par
livreur,
contre 32,7 ha et 90 000 litres au
plan
national(source : SCEES).
Leprix
du laitpayé
au pro- ducteur n’est pasplus
élevéqu’en plaine,
car laHaute-Loire est en-dehors de la zone A.O.C.
des
fromages d’Auvergne.
1.
3 / Conséquences de cette évolution
récente
versla production laitière
Les
producteurs
de Haute-Loirequi
veulentengager un processus de
développement
sontconfrontés à de
multiples problèmes.
Il leurfaut :
- transformer
profondément
leurs modes de conduites dusystème
deproduction,
enadop-
tant des
techniques
nouvellesqu’ils
doiventadapter
à leur propre situation ;- transformer leur
appareil
deproduction :
assurer la mutation
génétique
ducheptel,
moderniser
(et financer)
leurséquipements
etsurtout leurs bâtiments
d’élevage,
maladaptés
à la croissance du troupeau, à l’introduction de nouvelles
techniques
etqui imposent
de fortescontraintes de
travail!(Lablanquie
et al1988) ;
- tenir compte des évolutions de leur environ- nement
socio-économique,
dont les quotas lai- tiers ne sontqu’un aspect.
Bien cerner les
conséquences
de ces évolu-tions et les
possibilités d’adaptation
desexploi-
tations laitières est
l’objectif principal
d’uneopération
concertée derecherche-développe-
ment conduite
conjointement
par le CEMA- GREF, l’INRA et le Centre d’Economie Rurale de Haute-Loire, avec laparticipation
financière de l’ONILAIT.Cette
opération s’appuie
sur un réseau detrente
exploitations
suivies dans le temps(c:er-
taines
depuis 1975).
(11 Cet article constitue une synthèse des éludes
conduites depuis plusieurs années sur ce réseau de 30 exploitations (Dobremez et al l!)87, 1989 et 1990).
(2) A titre d’illustration, sur la campagne 1987-88 et vers
7 000 m d’altitude, on signalera des gelées tardives lu 10
juin (- 2&dquo;C Félines près de La Chaise-Dieu) et des gelées précoces dès le 6 aoii t 1 C Saugues en Margeride).
(31 Cette évolution esl d’ailleurs assez caractéristique de
l’ensemblc· de la borclure est du Massif Central (’l’ul’fery l!)87).
Une
production
laitière
récente,
une transformation
radicale des
exploitations.
En année
favorable, des potentialités
laitières non
négligeables dans les montagnes
de Haute-Loire.2 / Le réseau de 30 exploitations
laitières : évolution d’ensemble
2.i / Constitution de l’échantillon
Le réseau a été constitué en fonction du stade de
développement
desexploitations
etplus particulièrement
del’aspect
« modernisa-tion des bâtiments
d’élevage » :
:* 10
exploitations
moderniséesdepuis
unedizaine d’années : elles ont
entrepris
avant1980 la construction d’un bâtiment pour vaches
laitières,
réalisé pour lamajorité
dans le cadre d’unplan
dedéveloppement ;
* 9
exploitations
enphase
de modernisationont construit assez récemment
(après 1982)
unbâtiment bovin-lait
(plan
dedéveloppement agréé
avant1985).
Elles viennent d’achever laphase d’investissements,
et doivent à la foisaugmenter
letroupeau
et en maîtriser laconduite ;
* 11
exploitations
menées par desjeunes agri-
culteursdisposent
seulement de bâtimentsd’élevage
anciens, pas ou peu modernisés(avec parfois quelques aménagements
intérieurs : évacuateur,transfert...). J.
2.
2 / Sources d’information
Les résultats
comptables
et degestion
consti-tuent une entrée
privilégiée
pour étudier le fonctionnement de cesexploitations,
mais ilssont
complétés
par desenregistrements
techni-ques : conduite des surfaces
fourragères,
cri-tères
zootechniques,
mouvements decheptel (Liénard 1985).
Deplus,
desenquêtes auprès
des
exploitants
permettent de mieux saisir leprojet
familial et l’environnement(physique, social, économique)
desexploitations,
ainsi queleur
trajectoire
d’évolution.Pour ces
exploitations,
nousprésentons
les résultats de la campagne 1987-88(du
1.5.87 au30.4.88),
et leurs évolutionsdepuis
la mise enplace
des quotaslaitiers,
en 1984-85(pour
unéchantillon constant de 29
exploitations) (Dobremez
et al1990).
Nous donneronségale-
ment
quelques
résultats sur la campagne 1988- 89(évolutions
sur 27exploitations).
2.
3
/ Evolution d’ensemble
Situées entre 600 m et 1200 m d’altitude
(figure 2),
cesexploitations
sont conduites par desjeunes agriculteurs
d’une trentaine d’an-nées ou en association
père-fils.
Avec une moyenne
globale
de 40 hectares de SAU et des livraisons de l’ordre de 140 000 litres de lait pour un effectif de 30 vaches lai- tières, cesexploitations disposent,
dans l’en-semble,
de moyens deproduction
nettementsupérieurs
à la moyennedépartementale (tableau
2 etfigure 3).
Après
une série d’annéesparticulièrement
difficiles
(sécheresses
de 1982, 1984, 1985 et, àun
degré moindre, 1986),
la campagne 1987-88a enfin été une bonne année au
plan climatique
et elle s’est traduite par une nette amélioration des
performances techniques.
Ainsi la moyenne
économique
d’ensembledépasse
désormais les 4 800 litres par vache(soit près
de 5 300 litres parlactation) :
elle pro-gresse de + 230 litres par vache sur la cam-
pagne
précédente,
avec une économiemarquée
en concentrés
(220 kg
en moins parVL) grâce
àune meilleure
réponse
des surfacesfourragères
aux efforts d’intensification
(figure 4).
Fortement contrariée par les trois dernières années de
sécheresses,
l’intensification fourra-gère
a pourtant étépoursuivie
et le niveaumoyen de fertilisation
(près
de 60 unitésd’azote minéral par hectare
SFP)
peut mêmeapparaître
assez élevé enregard
des contraintesagro-climatiques montagnardes.
En
prolongement
de cesprogrès techniques,
les résultats
économiques
se sont aussi nette-ment améliorés. La marge finale
(frais
sur la SFdéduits)
par UGB bovine atteint un excellentniveau :
5 140 F/UGBB,
soit + 28 % en une seule campagne et + 43 %depuis
1984-85(figure 5).
Lacomparaison
est mêmeplutôt
avantageuse par rapport à nos observations dans d’autres zones, que ce soit en montagne(Doubs,
Savoies affectées par la crise de l’em-mental)
ou même enplaine (Normandie
et Bre-tagne),
mais avec une campagnefourragère
trèsperturbée
dans l’Ouest en 1987(Gueringer
et a]1989).
Après
un certain tassement durant les troispremières
campagnes, la forteprogression
de lamarge par animal sur l’année
précédente
résulte surtout de l’amélioration du rendement laitier
conjuguée
à une économie encharges opérationnelles
sur letroupeau (frais
deconcentrés et achats de
fourrages : -
17%).
Elles’est trouvée
amplifiée
par la hausse desprix
du lait(+
2,3%)
et, surtout, des animaux(prix
des veaux: 1970
F/tête,
soit +11,5 %
sur 86-87).
Il en découle une nette amélioration de la marge
globale (+
26%) qui
tireparti également
d’un accroissement
global
dutroupeau (1,3
UGB deplus
par rapport à la campagneprécédente).
En 4 ans, la margeglobale
a ainsiprogressé
de 85 000 F parexploitation (+ 48 %).
Mais, dans le même temps, les
charges
destructure se sont
beaucoup
alourdies(+
35 000 F parexploitation,
soit +31 %),
enliaison notamment avec l’effort de modernisa- tion et
l’agrandissement
desuperficie.
Finalement,
le revenu astagné
durant troisans
(+
13 %seulement,
en francs courants,entre 84-85 et
86-87)
et il ne s’est véritablement amélioréqu’en
1987-88 où il aenregistré
uneprogression spectaculaire :
+ 57 % sur la seuledernière campagne
(figure 6).
La campagne 1988-89 fut encore favorable au
plan climatique.
Comme on a pu le dire :« Cette
année-là,
l’herbepoussait
même sur les rochers ! ». Mais lapluviométrie abondante, qui
aperturbé
les travauxd’ensilage
et defenaison
(1°’ coupe),
aplutôt
détérioré la valeur nutritive de la ration de base. Le rendement lai-Après
desajustements ponctuels,
lesquotas
vont
impliquer
deschangements
d’orientation.
tier par vache se maintient tout de même à un
très bon niveau
(4 8101/VL
sur l’échantillon constant de 27exploitations)
avec desquantités
de concentréséquivalentes
à celles de l’annéeprécédente.
Et la marge bovine finale est
toujours
excel- lente(5 320
F/UGBB en moyenne sur 27exploi- tations), progressant
même sur la campagneprécédente (+
2,1%) grâce
au maintien desperformances techniques
et à laconjoncture
favorable : + 2,8 % pour leprix
dulait,
+ 8,9 % pour leprix
des veaux.L’amélioration de la marge unitaire se
conju-
gue avec un accroissement des effectifs du troupeau
(+
4,7%,
soit 2 UGB deplus
dont0,2 UGB viande :
génisses
croisées pour la bou-cherie, prise
enpension
de vaches «herba-gères
» dans 4exploitations)
et aboutit à unemarge
globale
enprogrès
de + 23 000 F parexploitation (+
8,9%).
Mais cette amélioration est à nouveau
large-
ment «
tamponnée
» par la hausse descharges
de structure
(+
12,8%,
surtout sur leposte mécanisation).
Et le revenu ne progresseguère
en fin de compte
(+
4,1%)
mais reste tout demême d’un assez bon niveau
(120 000
F parexploitation,
77 000F/UTH)
même s’il fauttenir compte des
emprunts
élevés(40
000 F àrembourser dans
l’année)
liés à la modernisa- tion ou à l’installation récentes etqui
réduisentles
prélèvements
familiauxpossibles.
Les résultats obtenus en 1987-88 et 1988-89 par ces
exploitations
confirment bien lespoten-
tialités laitières de la Haute-Loire,qui
ont enfinpu
s’exprimer après
une série d’années mar-quées
par les sécheresses.2.
4
/ La situation face
auxquotas laitiers
Après
unepremière
campagne 1984-85 mar-quée
par unajustement
aux référenceslaitières,
et une campagne 85-86 en sous-réalisation en
raison de la
sécheresse,
lesproducteurs
duréseau Haute-Loire ont cherché en 86-87 à se
«
positionner
» par rapport aux quotas et ontaccru fortement leurs livraisons
(+
13%)
mal-gré
les difficultésclimatiques.
Ledépassement qui
en a résulté(+
6 800 1 enmoyenne)
estcependant
restélargement
en-dessous de la« franchise » de 40 000 litres accordée en mon-
tagne, et aucune
pénalité
n’a étépayée.
En 1987-88, le
dépassement global
des livrai-sons sur la référence est le
plus important depuis
la mise enplace
des quotas :+ 10 700 litres en moyenne
(soit + 8 %).
Elaboration des profils
:’ — : ,Dans
un premier temps, une analyse factorielle (Analyse en Composantes Principales -A,C.I?-j’
permet de
rendrecompte de la diversité des situations au seïn de.la’population.du’réseau
Haute-Loire. ;’’ ’ ’ ’-’
: &dquo;.. ’:!’ . ’ ’ :..: ’ . ’ .... ’’ :,&dquo;.. ’ ::....- ’ . . .. ’ .s: ’
.:...;,’..:’’.. ’.’L’A.C.P.
a étéeffectuée sur
desvariables caractéristiques
des situationssocio-structurelles
etdes principaux types de comportements techniques dans le réseau ’ pIaute-Loire :
lechoix
de cescritères
étéopéré avec
lavolonté
dese limiter
à unnombre
réduitd’indicateurs technico - écono- miques, discriminants des principaux types de fonctionnement.
,: : .. ’ . ! ’ ,..;’&dquo; :!.&dquo; &dquo;’!.’-’ ’.’25
critères ont
ainsi étésélectionnés (variables
centrées etréduites) = SAU, SFP/SAU,
UGB ;Totales, VL
/
UTH,
-unsiob.Gpnstr.!U6BT.’poufJes::,,moyens: dë ’ productiùn;; STH/SliTt unités N/ha 5>~’, Frais SF/ha SF, chargement :pour4a..cpnd.uite’’de:’fta.SF.! rendement laitier brut/VL, !g concen- trés achetés/VL, rendement laitier corrigê/Vl., ’V]-./UCBB,’’.taux&dquo;de&dquo;’croisemen.t, °f © , VL pie-no l res ’ paur la conduite du troupeau. ’
’.’ ’’ ’’. ’:’ . , ;- ’’’::’. &dquo;&dquo;&dquo;:’
,...
.
&dquo;&dquo;..’’. &dquo;’’. ’’’.&dquo; .:’’.-.;...’’!,..&dquo;.’/
’;.’’ La
population analysée
estconstituée
parl’échantillon constant de
29exploitations
suivies sur les 3campagnes 1985-86,
1!86-8? et 1987-88’:*. une même exploitation
estainsi repérée (avec
les15
mêmes variables) par
3individus (un
pourchaque campagne)
et lapopulation comprend donc
87 individus actifs. En éléments supplémentaires ont
étéintroduites
15exploitations du
réseaupour lesquelles on dispose
desinformations complètes sur les
résultats1984-85 et l’expipitatton
entrée
dans le réseau en1987-88!
EnAnalyse
del7or!r!ées,
cettenotion d’« individus sup!lémen-,’
taïres » signifie que
cesindividus sont neutres
etn’influent pas
sur lesrésultats de l’analyse
sta-tisticlue,
mais leurposition
estrepérée
etpermet
donc decerner
destrajectoires d’évolution.
L’analyse
’ factorielle effectuée
sur ces 15critères permet d’analyser
ladispersiun du nuage de points
formépar
les 87individus
de lapopulation
dansl’espace
à15
dimensions. :: :Les
droites (axes factoriels) d éfinies paf
cetteanalyse
vont rendrecompte
du maximumde dis-
persion de
ce nuagede points.
Lacontribution des critères sélectionnés
à ladéfinition
de res ’’axes factoriels synthétiques permet de dégager
lesprincipaux critères explicatif de la Dispersion
des exploitations et
leursinter-relations,
,: ..- ’..’&dquo;’.’&dquo;&dquo;..’. &dquo;:
’ ’’ ’-’.-.,., /.’ !’-
Mais
1‘analyse factorielle n’est
pas un outilconçu pour établir directement
unetypologie :
ilest
nécessaire de la’.coupler
avecune méthode de classification automati d ue. ’ .&dquo;: ’ ... ’’ :.
’/:’ ..::’,..Nous avons
donc effectué, dans
unsecond temps,
uneclassification ascendante hiérarchique
en
consertrant les
15mêmes variables et
lesmêmes exploitations (87 individus actifs
et15 îndi!ri-’,
dussupplémentaires!). La méthode utilisée (C.!1.1!., méthode des voisins réciproques) procède par
agrégation progressive et regroupe ensemble des exploitations qui
seressemblent plus
entre ellesqu’elles
neressemblent‘aux autres (en minimisant
lavariance intra-cla Ë se).
: i:Mais il faut dire
qu’une grande majorité
desagriculteurs
du réseau sont reconnuspriori-
taires, et ils sont restésgénéralement en-deçà
de leurs
objectifs
delivraisons,
officiellementagréés
dans le cadre deplans
dedéveloppe-
ment ou d’études
prévisionnelles
d’installation.Grâce aussi aux
importantes quantités
de laitlibérées par le programme
départemental
derestructuration
laitière,
desprêts
de quotas ontpermis
de couvrir ledépassement
et d’éviterune
pénalité.
L’ampleur
dudépassement global,
favorisépar les conditions
climatiques
de l’année et lestatut de
prioritaires,
ne doit pas masquer pour autantl’apparition
designes tangibles d’ajuste-
ments pour freiner les livraisons.
Ainsi, les livraisons ont
progressé (+
6,7%)
mais pas au même
rythme
que lesquantités produites
et, en moyenne parexploitation,
8 000 litres
produits
n’ont pas été livrés. Eneffet, l’ajustement
leplus
courant, pour lestrois-quarts
deséleveurs,
a consisté à donner du lait aux veaux. Ces veaux ont étégardés plus longtemps, parfois quelques-uns
ont été vendusen veaux de boucherie à
l’âge
de 3 mois. Uneautre
pratique
courante, àpartir
del’été,
a été le tarissementprécoce
de certaines vaches.En dehors de ces
ajustements tactiques,
sou-ples
etréversibles,
desadaptations stratégiques plus profondes
commencent àapparaître :
leurnature et leur intensité sont liées aux
logiques
de fonctionnement de ces
exploitants
et à leurstatut par rapport aux quotas.
3 / La diversité
des comportements :
1les profils d’exploitations
3.
1 / Méthodologie suivie
Lors des études effectuées sur les campagnes 1985-86 et 1986-87, nous avons montré la diversité des situations socio-structurelles et des comportements
techniques
au sein duréseau
(Dobremez
et al 1987 et1989).
Mais, au-delà de cette diversité de situations
individuelles,
nous avons aussi montréqu’il
était
possible
de regrouper desexploitations,
dont les
caractéristiques
socio-structurelles etles modes de conduite du
système
deproduc-
tion sont très
proches,
et que ces caractéristi- ques communes sont révélatrices d’un mode de fonctionnementglobal
semblable et delogi-
ques de
développement analogues.
Ces typesd’exploitations
sontappelés
«profils d’exploi-
tations
» (Oulion
1983, Division T.E.E.B.O.1989).
Pour constituer cesprofils,
nous avonseu recours à des méthodes
d’analyse
des don-nées
(voir encadré).
Les résultats de
l’Analyse
enComposantes Principales
effectuée sur le réseau Haute-Loire font ressortir au sein de cettepopulation
deuxgrands
axes dedispersion, statistiquement indépendants
l’un del’autre,
etqui
rendent compte à eux seuls deplus
de la moitié de l’inertie totale du nuage depoints (figure 7).
Le
premier
axe(vertical)
oppose :- des
exploitations spécialisées
en lait avec unmode de conduite très intensif sur les
produc-
tion
fourragères
et sur le troupeau ;- à des
exploitations qui pratiquent
le croise-ment industriel
(en
vue d’une forte valorisation desveaux)
et ont une faible intensification de leurs surfacesfourragères largement
dominéespar les
prairies permanentes.
Cet axe renvoie donc aux notions d’intensifi- cation, d’efficacité
technico-économique
du troupeau laitier et decomportement
laitierspé-
cialisé.
Le second axe
(horizontal)
oppose :- des
exploitations
modernisées degrande
dimension
(en
surface et taille detroupeau)
orientées exclusivement vers
l’élevage bovin ;
- à des
exploitations
non modernisées avec depetits
troupeaux(vieux
bâtimentsd’élevage limitants) qui
cultivent encore uneproportion
assez
importante
de céréales et achètent peu de concentrés à l’extérieur(intraconsommation
des céréales
produites
surl’exploitation).
Ce second axe renvoie aux notions de dimen- sion de
l’appareil
deproduction,
de stade de modernisation et d’orientation dusystème
deproduction.
Les regroupements effectués par la Classifi- cation Ascendante
Hiérarchique
constituent la base desprofils d’exploitations.
Les 8profils
retenus
permettent
de rendre compte de 85 % de la variance totale de lapopulation
étudiée.3.
2 / Les principaux
«profils d’exploitations
»Dans le réseau Haute-Loire, on
peut
ainsi dis-tinguer
enpremière approche
4grands types
deprofils (figure 8).
Lesprofils
de type D serapprochent
leplus
dessystèmes
dits « tradi- tionnels » : ils rassemblent desexploitations
non
modernisées, généralement
peu intensives et à orientation mixte lait + veaux croisés(+
céréales).
Lesprofils
detype
C ont conservécette double orientation lait + veaux croisés, mais ils se
distinguent
par leur stade récent de modernisation. Lesprofils
de type B ont une orientation laitièreplus marquée,
mais ils se différencient surtout par leurgrande
dimensionéconomique. Quant
auxprofils
detype
A, ilscorrespondent,
eux, à desexploitations
laitièresspécialisées
et fortement intensives(figure 9).
Profils de type D : Des
exploitations
restéesproches
dessystèmes
« traditionnels », nonmodernisées,
orientation lait + veaux croisés etcéréales,
faible intensification et peu d’intrants(tableau 3).
Ce sont des
jeunes agriculteurs (4),
installésrécemment à la suite de leurs parents, dont ils
ont
généralement
conservé les orientations deproduction,
même si l’intensification fourra-gère
est un peuplus poussée.
Nedisposant
que de bâtiments anciens limitant les effectifs etaugmentant la
pénibilité
dutravail,
leur straté-gie
est deloger
des vaches directementproduc-
tives en assurant le renouvellement par achats à l’extérieur de
génisses prêtes
à vêler.Sur le troupeau
bovin, pie-rouge
ou mixte, lecroisement est
systématiquement pratiqué, témoignant
du soin toutparticulier
attaché àune bonne valorisation des veaux
(près
de2 300 F par
tête).
Les ventes d’animauxrepré-
sentent d’ailleurs
plus
du tiers du chiffre d’af- faires bovin.Avec un effectif de troupeau limité par les bâtiments, le
chargement
des surfaces fourra-gères
reste faible et la sole céréalière conserve encore uneplace
nonnégligeable,
avec desventes,
malgré
une forte intra-consommation par le troupeau et très peu d’achats d’autres concentrés(moins
de 300kg/VL),
révélateurd’un
comportement plutôt
économe.Les
performances
laitières sont relativement modestes(à peine
4 0001/VL),
mais lescharges opérationnelles également (2 600
F/UGBB pourl’ensemble des
charges
bovines etfourragères),
et la marge bovine atteint un niveau, somme toute, correct
(4
600F/UGBB) grâce
à la valori-sation du
co-produit
viande. Leprix
du lait est bas et traduitbien,
par lesproblèmes qu’il
sou-lève
(qualité
du laitinsuffisante,
peu de laitd’hiver),
les difficultés de ces éleveurs à maîtri-ser la conduite du troupeau laitier.
En sous-réalisation
depuis
leurinstallation,
ils ont cherché en 1987-88 à atteindre lesobjec-
tifs
prévus
dans l’étudeprévisionnelle
d’instal-lation
agréée juste
avant les quotas, car ils sontencore reconnus
prioritaires (grâce
àl’allonge-
ment de 2 années accordé à
l’E.P.L).
L’accrois-sement du troupeau de vaches étant limité par les vieux