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La jeunesse du Niger : la migration, un outil à double tranchant pour l’insertion

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Academic year: 2022

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DIALOGUES DE POLITIQUES PUBLIQUES

La jeunesse du Niger : la migration, un outil à double tranchant pour l’insertion

Juin 2021 - N° 53 | Programme Savoirs Sahel

MESSAGE

Pour les jeunes nigériens, la migration est une stratégie de subsistance im- portante pouvant aider les ménages à sortir de la pauvreté. Mais ces sorties se heurtent à des obstacles dont il faut tenir compte dans l’élaboration des politiques en faveur des jeunes.

CONTEXTE & MOTIVATION

La migration est un moyen de sub- sistance important au Niger tradition- nellement interne ou vers le Nigeria et d’autres pays voisins. Plus récemment, ces voisins sont devenus des pays de transit pour les Nigériens migrant vers l’Algérie, la Libye et l’Europe.

Alors que l’exemption du visa de 90 jours garantit la liberté de mou- vement dans les 15 pays de la CEDEAO, la migration du Niger vers le nord est plus problématique : les itinéraires mi- gratoires ont été perturbés par des initiatives communes des pays de destination et par la mise en œuvre de la loi 2015-36, qui criminalise la migration irrégulière. Plusieurs itiné- raires de contournement informels et plus risqués sont alors apparus, s’ac- compagnant d’un taux croissant de rapatriements depuis l’Afrique du Nord.

Dans un tel contexte, l’article associé1 étudie l’influence des migrations inter- nationales et internes sur l’intégration des jeunes dans le monde du travail comme condition préalable à leur sor- tie de la pauvreté.

MÉTHODES

Une approche pluridisciplinaire et une méthodologie mixte2 ont permis d’exa- miner, à partir d’un important corpus de données qualitatives et des statis- tiques nationales comment les jeunes nigérien.n.e.s dans les régions de Zinder et Tahoua, vivent la pauvreté chroni- que, échappent à la pauvreté ou se (ré) appauvrissent. La présente note se base en particulier sur les données relatives aux facteurs de sortie ou de déclassement qui affectent l’inclusion des jeunes dans le marché du travail par le biais de la migration.

RÉSULTATS

Les jeunes hommes pouvant assumer ses coûts initiaux optent pour la mi- gration sur périodes saisonnières ou plus longues. Les jeunes migrent da- vantage à l’étranger qu’à l’intérieur.

La migration saisonnière de la main- d’œuvre interne est une stratégie d’adaptation à Tahoua et à Zinder, en particulier des zones agricoles vers Niamey. Chez les jeunes non pauvres, la migration est perçue comme une opportunité professionnelle. Le travail manuel et physique dans des emplois saisonniers demeure un moyen de hausser les revenus et les besoins de consommation du foyer du migrant, et de constituer éventuellement une épargne dans l’espoir que l’accumu- lation de capital permette de passer à des opportunités commerciales.

Ceux qui accèdent à un emploi dans le commerce ou la vente ont une activité mieux rémunérée, ce qui per- met d’épargner davantage.

De nombreux jeunes pouvant migrer à l’étranger déclarent se rendre en Algérie, en Libye, au Nigeria et en Côte d’Ivoire. Ils profitent de nombreuses opportunités professionnelles et d’ac- quisition de compétences. De retour au pays, les fruits de ces opportunités permettent d’investir dans des entre- prises locales.

Les jeunes femmes peuvent entre- prendre des activités génératrices de revenus plus importants, ce qui leur permet de pallier l’absence de leurs maris migrants ou de rembourser les coûts de la migration. Pour ce faire, elles remettent en question les nor- mes sociales. À défaut, elles se heurtent à des obstacles à l’amélio- ration de leur bien-être.3 A Tahoua comme à Zinder, leur taux de migra- tion est beaucoup plus faible par rapport à celui des hommes (à l’ex- clusion du département de Kantché).

Elles ont également tendance à en- treprendre des migrations internes sur de petites périodes ou à rejoindre leurs maris dans le pays de destina- tion. Dans ce dernier cas, la plupart des jeunes femmes n’exercent pas d’activités génératrices de revenus à l’étranger, mais arrivent à constituer une épargne réinvestie au village.

Auteurs Andrew Shepherd, Abdoutan Harouna, Cecilia Poggi, Vidya Diwakar, Aïssa Diarra, Lucia Da Corta

Mots-clés Migration, Inclusion professionnelle, Sorties de la pauvreté

Géographie Niger Thèmes Emploi, Jeunesse, Migration

En savoir plus sur ce projet : afd.fr/fr/carte-des-projets/linclusion-de-la-jeunesse-dans-le-marche-du-travail-au-niger- temoignages-de-tahoua-et-zinder

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Directeur de publication Rémy Rioux Rédacteur en chef Thomas Melonio

Agence française de développement (AFD)

5, rue Roland Barthes | 75012 PARIS | France Dépôt légal 2è trimestre 2021 ISSN en cours | © AFD Pour consulter les autres publications de la collection Dialogues politiques :https://www.afd.fr/fr/collection/dialogues-de-politiques-publiques

Les jeunes migrants les plus aisés ont vu leur principale activité profession- nelle non agricole changer, passant d’un travail physique faiblement ré- munéré au commerce et aux affai- res. Ils peuvent s’engager dans le secteur des transports (taxis, gara- ges), l’import-export reposant sur des réseaux constitués au fil de la mi- gration, ou dans la réparation d’ap- pareils électroniques (téléphones mobiles, ordinateurs, services d’im- pression). Certains individus profitent des éventuelles opportunités locales pour soutenir leurs trajectoires pro- fessionnelles post-migratoire. A ce titre, le dispositif d’aide aux migrants de retour gagnerait à être mieux dé- veloppé.

Les contraintes pesant sur la réussite sont multiples :

(i) Nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens de migrer : seule la moitié des jeunes en situation de pauvreté chronique peut entreprendre une

migration ; d’autres sont incapables de couvrir le transport avec l’aide de leur ménage ou des réseaux sociaux.

(ii) La migration n’offre parfois qu’une sortie temporaire de la pauvreté : la probabilité d’échec est plus élevée pour les jeunes migrants disposant d’un capital et de compétences li- mités avant leur voyage et fortement endettés (prêts informels pour finan- cer les coûts). Les jeunes pauvres chroniques en âge de fréquenter l’é- cole secondaire peuvent obtenir des emplois de courte durée dans le ca- dre de la migration agricole. Ce phé- nomène a des répercussions direc- tes sur leur niveau d’éducation et indirectes sur leurs perspectives pro- fessionnelles et personnelles.4

(iii) Parfois, les jeunes migrants ne parviennent pas à épargner, notam- ment en cas d’imprévus ou de fortes demandes dans le pays d’origine.

L’endettement (remboursement de

prêts lucratifs) peut également les appauvrir.

(iv) Les risques des migrations sont importants et nombreux. De nom- breux migrant.e.s sont discriminé.e.s ou subissent de mauvais traitements dans le cadre de leur parcours mi- gratoire ou de leur travail dans les pays de destination. Lorsque la mi- gration ne se passe pas bien, le voya- ge de retour est très risqué. Certains finissent par s’en remettre aux pro- grammes d’expulsion ou de rapatrie- ment volontaire. Au sein de la CEDEAO le Dialogue sur la migration pour l’Afrique de l’Ouest (MIDWA) a été en- gagé pour aborder les risques aux- quels les migrants sont confrontés.

Toutefois, les évolutions rapides au- tour des itinéraires migratoires impli- quent un engagement local accru (dans les zones de forte migration et aux frontières) afin de mieux protéger les migrants.

RECOMMANDATIONS

 Renforcer l’aide au développement d’entreprise pour les migrants de retour, y compris les femmes, afin de maximiser l’utilisation de leurs économies. Doter les programmes d’aide au développement local de cadres nationaux, comme le Cadre Stratégique National de Promotion de l’Entrepreneuriat des Jeunes, et inclure des outils pour les migrants de retour.

 Favoriser les jeunes hommes et femmes pauvres chroniques de se constituer une épargne et un capital pour éviter de s’endetter lourdement en raison de la migration. L’aide des réseaux sociaux (p. ex. : Fada) et des ONG est indispensable pour mener cette action sur le terrain. En plus des fonds, le gouvernement peut fournir un cadre institutionnel et juridique garantissant des modalités d’accès équitable aux jeunes les plus pauvres.

 Soutenir les jeunes femmes remettant en question les normes sociales en vue de subvenir aux besoins de leur foyer.

Identifier leurs besoins et les meilleures approches pour accompagner les changements continus des normes sexo- spécifiques et générationnelles afin de réduire les conflits familiaux ou communautaires.

 Étendre la couverture de protection sociale aux personnes en situation de pauvreté afin de créer un contexte équitable pour le travail et la mobilité :

o Accélérer la transition d’un modèle de subventions ad hoc et de transferts d’urgence pendant les crises alimentaires vers un programme national renforcé de transferts monétaires, ciblant les jeunes femmes et hommes vulnérables (à étendre dans les situations d’urgence).

o Explorer la faisabilité de passer du modèle du « travail contre rémunération » à un programme national d’emploi garanti, en vue de fournir systématiquement des emplois saisonniers en période de chômage saisonnier élevé, ainsi qu’un seuil salarial pour permettre aux jeunes les plus pauvres d’accéder au marché du travail dans de meilleures conditions.

 Favoriser le développement de villes secondaires au-delà de Niamey pour aider à diversifier les destinations des migrants. Ces mesures consisteraient notamment à reconnaître et à soutenir l’économie informelle par des services de développement des entreprises, à éviter l’application de réglementations nuisant aux micro entreprises (et à proposer une compensation adéquate le cas échéant) et à investir dans les services de base à destination des quartiers précaires.

1Da Corta, L., Diarra, A., Diwakar, V., Eichsteller, M., Harouna, A., and Poggi, C. (2021). L’inclusion de la jeunesse dans les marchés du travail au Niger: Moyens de subsistance et dynamiques de genre. Papiers de recherche AFD n°126.

2Da Corta, L., Diarra, A., Diwakar, et Harouna, A. (2021). Une approche de méthodes mixtes pour l’insertion des jeunes sur le marché du travail au Niger.

Papiers de recherche AFD n°127.

3Shepherd, A., Harouna, A., Poggi, C., Diwakar, V. Diarra, A., and Da Corta, L. (2021). La jeunesse du Niger : l’entrepreneuriat entre lutte et renégociation des normes. Dialogues de Politique Publique n.54 Paris : AFD.

4Shepherd, A., Harouna, A., Poggi, C., Diwakar, V. Diarra, A., and Da Corta, L. (2021). La jeunesse du Niger : la scolarisation et la formation comme outils d’insertion. Dialogues de Politique Publique n.55 Paris : AFD.

Références

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