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Tout est image. Pour une propédeutique de l imaginaire

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41 | 2021

Les imaginaires du dragon : des mythologies à la botanique

Tout est image. Pour une propédeutique de l’imaginaire

Everything Is Image. For a Propaedeutic of the Imaginary Philippe Walter

https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2110

DOI : 10.35562/iris.2110 Electronic reference

Philippe Walter, « Tout est image. Pour une propédeutique de l’imaginaire », IRIS [Online], 41 | 2021, Online since 28 novembre 2021, connection on 04 janvier 2022. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2110

Copyright CC BY‑NC 4.0

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Everything Is Image. For a Propaedeutic of the Imaginary Philippe Walter

OUTLINE

Naissance du CRI

Dans un bureau de la Stasi (Potsdam, 1994) Joujoux, bijoux et cailloux

Médiévistes des villes, médiévistes des champs Tragédie : la mort du Verbe

« Ceci tuera cela » (Hugo, 1832, livre V, chap. 2) La longue vie des images

TEXT

«  Avan cez vite, cas sez les codes. »

Mark ZUCKERBERG

« Je fixe la date de la trans for‐

ma tion pro fonde et dis rup tive des ca pa ci tés hu maines à 2045.

L’in tel li gence non bio lo gique créée cette année‐là sera un mil liard de fois plus puis sante que toute in tel li gence hu maine ac tuelle. »

Ray KURZWEIL (Hu ma ni té 2.0)

Qui se sou vient en core de la propé, alias pro pé deu tique qui, dans les ly cées fran çais (d’avant 1966), pré pa rait les ba che liers sou hai tant en‐

trer dans l’en sei gne ment su pé rieur ? Le mot vient du grec pai deuein

« en sei gner » et pro- « en avant, au pa ra vant ». Pour la phi lo so phie, le

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mot dé signe les pré re quis à pos sé der avant la pra tique d’une science.

Si l’ima gi naire n’est pas une « science », il est tou te fois lé gi time de se de man der com ment on entre, non pas dans l’ima gi naire lui- même (car on y est tous déjà, même sans le sa voir), mais dans son ana lyse cri tique par une maïeu tique toute so cra tique. Les iti né raires sont mul tiples, car nos his toires sont per son nelles. Je par le rai donc de mon tra jet vers les images. Il n’a rien d’exem plaire mais, en la ma tière, on n’a pas d’autre choix que de par ler de soi parce qu’« une mé thode, di sait Du mé zil, c’est le che min après qu’on l’a par cou ru  ; on ne suit pas une mé thode, on re con naît après coup la mé thode qu’on a sui‐

vie » (Ries, 1989, p. 440). Évo quer une maïeu tique des images, préa‐

lable in dis pen sable à toute pro pé deu tique de l’ima gi naire, im pose donc de se dé voi ler. Évi dem ment, tout lec teur per sua dé que le moi est haïs sable peut ici ar rê ter sa lec ture et pas ser à autre chose.

Nais sance du CRI

20 dé cembre 19661 : créa tion of fi cielle d’un centre de re cherche qui adop ta la de vise : « Tout est image. » Deux ans plus tard, mai 1968 :

« Sous les pavés, la plage ! » 10 juin 1968 : of fi cia li sa tion mi nis té rielle du CRI2. Cher chez l’er reur ! Il n’y en a pas. La créa tion du CRI fut l’un des symp tômes an non cia teurs d’une ré vo lu tion men tale, in dus trielle3 et cultu relle qui a fait de nous ce que nous sommes au jourd’hui. Non que l’image soit une ra di cale nou veau té dans la culture des an‐

nées  1960 mais, pas sée au stade in dus triel (grâce à «  l’ex plo sion vidéo »), elle pro voque de nos jours l’im plo sion nu mé rique des so cié‐

tés. Elle nous a fait, grâce aux or di na teurs et à la té lé com mu ni ca tion nu mé rique, quit ter la ga laxie Gu tem berg pour en trer dans celle d’In‐

ter net. Ga laxie est d’ailleurs le mot juste puisque l’an cêtre des micro- ordinateurs s’ap pe lait Al taïr 8800. Pré sen té en jan vier 1975, puis « bi‐

douillé » par Bill Gates, il eut la pos té ri té que l’on sait sur nos tables de tra vail. Nous sommes ainsi des en fants de la co mète Al taïr 8800, l’étoile la plus brillante de la constel la tion de l’Aigle (de l’arabe al‐nasr al‐taïr « l’aigle en vol ») : un nom pré pa rant au défi ga lac tique.

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Bien en ten du, on peut faire comme si tout cela n’exis tait pas et conti‐

nuer à pen ser comme avant, mais la ré vo lu tion nu mé rique a en traî né une im plo sion men tale. L’or di na teur, pro lon ge ment du cer veau hu‐

main, nous conduit in si dieu se ment à pen ser au tre ment. Think dif ‐

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ferent ! Il nous conduit aussi à pen ser au tre ment la pen sée et ce qui l’ac com pagne, de puis la nuit des étoiles, l’ima gi naire.

Dans un bu reau de la Stasi (Pots ‐ dam, 1994)

Nos his toires sont sin gu lières. Pour un baby- boomer entré dans une uni ver si té des sciences hu maines, les choses étaient re la ti ve ment simples. On avait le choix entre un fa tras aca dé mique in nom mable (« Tra di tion ist Schlam pe rei », di sait ai ma ble ment Gus tav Mah ler) et de nou veaux jou joux et beaux bi joux made in Nov lan gue land4 : c’était la nou velle cri tique (Dou brovs ky, 1966  ; Pou let, 1968). En sciences dites hu maines, la « pen sée 1968 » avait ac cou ché de trois ma râtres qui se prirent très vite pour les trois Grâces de la pen sée dans le vent  : LHP soit Lin guis tique struc tu rale, His to ri cisme mar xi sant et Psy cha na lyse la ca nienne étaient leurs noms. La se conde, en fant post‐

hume de la muse Clio et de Karl Marx (mais «  après Marx, avril  »

— voilà l’er reur !), finit par cas ser ses dents, son cou teau et sa pipe sur un mur (c’était le 9  no vembre 1989). Ce mur avait pour tant réus si à trans for mer une moi tié de l’Eu rope en pri son à ciel ou vert. On com‐

prit alors que l’his to ri cisme mar xi sant tant prôné dans les fa cul tés de lettres et ailleurs n’était pas un sa voir cri tique digne de ce nom mais une pro pa gande pour un fas cisme rouge qui ve nait d’ago ni ser. Il dis‐

pa rut d’ailleurs, sans ré mis sion, dans les dé bris du Mur. J’en reçus la preuve dans un bu reau gla çant de la Stasi en  1994 à Pots dam lors‐

qu’on m’ex pli qua le fonc tion ne ment de la pro pa gande «  cultu relle  » de la RDA, au tour de cette table très spé ciale, multi- angulaire, où tout le monde de vait pou voir épier tout le monde. Les deux autres ma‐

râtres confon dirent trop vite logos et lo go ma chie et se per dirent quelque part au 6  étage de la tour de Babel. Elles y errent tou jours, car elles se croient «  non dupes  ». On en tend en core de temps en temps leurs fan tômes crier : « Les non- dupes errent, les non- dupes errent… » Par fois, elles s’in ter rogent : « À quel étage j’erre ? » Ré ponse de Gil bert Du rand : à l’éta gère des dog ma tiques et des « her mé neu‐

tiques ré duc tives » (Du rand, 1989, p. 42‐61).

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Jou joux, bi joux et cailloux

L’uni ver si tai re ment cor rect des an nées 1970 exi geait d’ac com plir ses dé vo tions à l’une seule ment des trois Grâces. Im pos sible de prendre les trois à la fois ! Seule une chai sière de la bien- pensance LHP re ven‐

di qua ce pri vi lège chris tique : elle croyait à la sainte tri ni té du freudo- marxisme-linguistique. Cela donna le ré sul tat que l’on sait  : illi sible, sauf (évi dem ment) pour qui fai sait sem blant de com prendre. Jeune cher cheur, je ren dis donc mes dé vo tions (il fal lait sur vivre !) à la pre‐

mière (Dame Lin guis tique) qui me fit doc teur sans convic tion. Mais, mal gré mon émi nent di rec teur (futur grand maître de l’INALF) et à son grand déses poir, j’étais de ve nu un ag nos tique des struc tures gram ma ti cales, parti en quête d’une nou velle déesse. Je finis par la ren con trer là où je l’at ten dais le moins, dans la ca bane des lé preux, au pays de Tris tan et Yseut, de vant un mys té rieux « gant de verre » qui res sem blait trop à la pan toufle de Cen drillon, de même ma tière (Wal‐

ter, 1990). Un des cen dant (en ligne di recte de puis le XVII siècle) des ver riers du pays de Bitche5 ne pou vait res ter étran ger à ce mi racle fée rique. De plus, pour avoir manié, en fant, «  l’ins tru ment des té‐

nèbres » (Lévi- Strauss, 1966, p. 309‐408), deux jours avant Pâques, je me dé cou vrais en quête de gué ri son, comme Tris tan lé preux avec sa tar ta rie (Bé roul, 1989, v.  1163 et  3764). Sans le sa voir, j’étais déjà conver ti à l’ima gi naire. J’en ta mais alors mon Grand Œuvre sur le seul sujet qui me parût mé ri ter qu’on y consa crât dix ans de sa vie  : le temps. Plus exac te ment, la «  mé moire du temps  » (Wal ter, 1989), comme il y a une mé moire de l’eau, dit- on. Quitte à perdre son temps en écri vant une thèse, au tant en ga gner un peu en ré flé chis sant sur lui, « à la re cherche du temps perdu ». Confor té par l’élan du gé nial folk lo riste qu’était Claude Gai gne bet (Gai gne bet, 1985), je ga gnais cette idée  : l’ima gi naire mé dié val se lit dans le ca len drier po pu laire dou blé, voire re dou blé, par le ca len drier de l’Église : c’est la my tho lo‐

gie chré tienne du Moyen Âge qui s’im po sait alors à moi, « mé tis sage » de pa ga nisme et de chris tia nisme bien re con nu par Gil bert Du rand (Du rand, 2013a). Pour un an cien tré trelle d’un vil lage lor rain des an‐

nées 1950, tout cela se met tait à vi brer. Sin gu liè re ment. Une vo ca tion de mé dié viste nais sait.

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Pour en trer dans l’ima gi naire mé dié val, il faut donc com men cer par ob ser ver et s’éton ner. Ob ser ver des mo nu ments fas ci nants (ca thé ‐

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drales, églises ro manes, châ teaux), des textes et des images. Mais des mœurs et des pen sées ? De puis la « mort » du vil lage (Le Goff, 2012), c’est de moins en moins pos sible mais des fils ténus nous rat ta chaient en core, il y a peu, à la tra di tion mé dié vale  : le folk lore pay san, les contes de fées, les lé gendes gar gan tuines et mé lu si niennes, la re li gion po pu laire (ce que j’ai ap pe lé, après Pierres Sain tyves, la « my tho lo gie chré tienne »), les arts et tra di tions po pu laires mais sans la naph ta line et la nos tal gie ma ré cha liste des mu sées (Wal ter, 1992).

Mé dié vistes des villes, mé dié ‐ vistes des champs

Pen dant ce temps‐là, sans que j’en sache en core rien dans mon loin‐

tain pays, l’École de Gre noble s’était mise au tra vail. L’image, l’image par tout. Le « nou vel es prit an thro po lo gique6 » pre nait forme. Il était le cœur de la nou velle science de l’homme prô née par Gil bert Du rand.

Re cons truire la science de l’homme à par tir d’un point focal in édit : l’ima gi naire. En somme, c’était dé sor mais « J’ima gine, donc je suis ».

On sait main te nant que Des cartes lui- même au rait ap prou vé. La nuit (du 10 au 11 no vembre 1619) qui pré cé da la dé cou verte de ses cé lèbres règles de la mé thode, le phi lo sophe fit trois songes consé cu tifs (Jama, 1998). Il les fit noter à son ré veil par son se cré taire et pré ci sa qu’il s’agis sait de «  l’af faire la plus im por tante de sa vie  ». C’étaient des songes ini tia tiques, c’est- à-dire pro pé deu tiques à l’ima gi naire de la ra tio na li té car té sienne. Nous y sommes. La clé des songes ouvre la voie à l’une des plus cé lèbres dé cou vertes du ra tio na lisme clas sique.

La ma trice du concept serait- elle dans l’image  ? Les scien ti fiques avouent sou vent que leur saut dans la théo rie doit être pré cé dé d’un saut dans l’ima gi naire. Gas ton Ba che lard a écrit là- dessus des pages im mor telles (Wu nen bur ger, 2012). L’es prit créa teur est porté par des images rec trices qui l’amènent vers le concept et l’abs trac tion. Dans le cas de Des cartes, il reste cer tai ne ment à éta blir le lien entre les mou ve ments suc ces sifs du dor meur et les règles de la mé thode, puis entre la ci trouille de la Saint- Martin et la ta bu la rasa. Le rôle du corps dans l’ac ti vi té de la pen sée re monte au pé ri pa té tisme (du grec « qui aime à se pro me ner  »). Bien plus tard, on sait com bien les ré flexes pos tu raux de Bech te rev ont été réuti li sés par Gil bert Du rand pour ex pli quer l’émer gence du sym bo lique dans l’ho mi ni sa tion7.

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J’évo quais pré cé dem ment mon rôle de cré cel leur, tré trelle en pa tois lor rain (West pha len, 1934, col.  144‐151), dans une confré rie de jeu‐

nesse du pays mes sin. J’ai com pris pro gres si ve ment que mon at ti‐

rance vers le Moyen  Âge ré sul tait de ce fil d’Ariane, d’une tra di tion loin taine, qu’on m’avait tendu quand j’avais une di zaine d’an nées. Le lien ve nait vrai ment de très loin, du Moyen Âge sû re ment, de plus loin sans doute, et c’est alors que j’ai aper çu la voie où je de vais me di ri‐

ger : vers la plus longue mé moire, la « mé moire du temps ». Gil bert Du rand avait com pris d’em blée mon pro jet8. Dans sa grande ma jo ri té, le petit monde des mé dié vistes (du moins ce qu’il en reste à l’ère des com pres sions bud gé taires) n’a guère saisi l’enjeu de l’ima gi naire. Il en est resté à une phi lo lo gie po si ti viste d’es prit étri qué ou re tar da taire, ghet toï sé se rait le mot juste (syn drome Der nier des Mo hi cans). Or, le choc épis té mo lo gique du «  nou vel es prit an thro po lo gique  » prôné par Gil bert Du rand a au jourd’hui at teint de nom breuses dis ci plines mais cer taines, faute d’en tenir compte, meurent et s’ef facent du pay‐

sage uni ver si taire : plus de Moyen Âge an glais en France, le sort du latin et du grec est de ve nu pré oc cu pant9. Un bou le ver se ment men tal at teint les sciences hu maines mais les sciences dites exactes sont aussi im pli quées. Gil bert Du rand pro po sa son diag nos tic : ico no dules contre ico no clastes. Les en jeux de ce vieux débat sont plus que ja mais d’ac tua li té (Du rand, 2013b), y com pris dans le monde uni ver si taire. Il est à craindre que l’ave nir soit sans pitié pour tous les tra vaux ico no‐

clastes (ceux qui mé prisent l’image, le mythe et qui en res tent aux concepts hyper- positivistes et écu lés du passé) et qu’il soit plus in‐

dul gent pour les ico no dules at ten tifs aux mythes, images et sym boles, à la pen sée my thique en gé né ral, dans la voie ou verte par Ernst Cas‐

si rer (Cas si rer, 1972).

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À cet effet, le petit monde des mé dié vistes com porte en fait deux tri‐

bus : il y a des mé dié vistes des villes et des mé dié vistes des champs10. La dif fé rence, c’est que les pre miers n’ont plus d’oreilles, plus de nez, plus d’yeux ; ils ont un cer veau qui se suf fit à lui- même. Cela donne des êtres bi zarres, te nant des pro pos étranges. Exemple 1 : « Au cas sin et Ni co lette, c’est la ren contre de deux épis té mê.  » Sans com men‐

taire. Exemple 2 (à pro pos de la même œuvre) : Lors qu’à To re lore, Au‐

cas sin et Ni co lette voient des gens qui se lancent des fro mages frais ou des pommes pour ries à la fi gure11, les «  es prits à bour re lets  » s’écrient : « Pure sot tise de l’au teur ! L’œuvre était trop courte ; il a été

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contraint d’in ven ter cet épi sode pour la ral lon ger un peu. » Deux par‐

faits pro pos d’ico no clastes : le refus de voir l’image, la ter reur pa nique de vant son étran ge té ir ra tion nelle, l’in ca pa ci té to tale à lui en vi sa ger un début de sens12. De vant l’image, leur ré ac tion im mé diate est de se fer mer comme une huître. Le mé dié viste des villes se bouche les yeux et les oreilles, ce qui abou tit aussi (tra gi que ment) à se fer mer l’es prit.

Au contraire le mé dié viste des champs (ico no dule selon Du rand) est un être ou vert. Ses yeux lui font voir d’in croyables choses. Par exemple, en Car na val, ces ba tailles dans la lie de vin (et plus an cien‐

ne ment dans le purin) qui se dé roulent tou jours à Cour non ter ral dans l’Hé rault, non loin de Pé ze nas, ville na tale de Mo lière (Cam be roque, 1985). Lors de pé ré gri na tions, il ren contre des églises et cha pelles avec des saints au nom étrange : saint Cu cu fat, sainte Bi biane, saint Es tro pi, saint Pan sart, saint Lan gou ret, saint Braillard, saint Gou li pias, et tant d’autres (Mer ce ron, 2002). Ses oreilles l’aident à re con naître les chants d’oi seaux  : quelle dif fé rence entre le ros si gnol et la mé‐

sange ! Pour com prendre alors le chant du ros si gnol : Marie de France et son Laos tic. Pour la mé sange, il suf fit d’ob ser ver Sieg fried après qu’il a sucé le sang du dra gon Faf nir. Le nez aide à connaître l’odeur des fleurs  : com ment com prendre le Chèvre feuille sans avoir ja mais humé sa sen teur ? Les yeux servent en core à voir les astres la nuit, mais qui en ville, en pleine pol lu tion lu mi neuse, peut en core re gar der le ciel la nuit  ? L’homme du Moyen  Âge (et pas seule ment le marin) connais sait mieux le ciel que la terre. Alors, pour quoi l’ou blier quand on in ter prète les textes, par exemple le si zo dia cal Che va lier au Lion de Chré tien de Troyes ?

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Tra gé die : la mort du Verbe

Il n’y a rien dans notre in tel li gence qui ne soit d’abord passé par nos sens. Les images qui nous pé nètrent fa çonnent notre vi sion du monde  ; elles ont été, sont et res te ront le sup port vi vant des créa‐

tions poé tiques. Même si je ne suis pas, heu reu se ment, le pre mier à faire ce constat, j’es père ne pas être le der nier à en tirer quelques consé quences dans la lec ture poé tique des textes. Déses pé rante est la science mo derne du lit té raire où sévit le « démon de la théo rie » selon An toine Com pa gnon. Elle a ou blié « la voix mé con nue du réel », selon l’heu reuse for mule de René Gi rard (Gi rard, 2002). Qu’est‐ce

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qu’une science du lit té raire qui est pure ma ni pu la tion de concepts for ma listes (où le méta- textuel donne de la méta- bêtise) et qui a ou‐

blié l’es sen tiel  : le poé tique et le my thique. Le mytho- poétique qui passe d’abord et avant tout par l’image. En effet, l’image, grande leçon de Ba che lard re prise par Gil bert Du rand, est tou jours le che min le plus di rect vers le poé tique. L’image est une forme- sens qui conduit vers la rai son sen sible (Mou nin, 1969). Quand on de mande à des scien ti fiques ce qui les a at ti rés, très jeunes, vers la science, c’est ra‐

re ment la lec ture d’un trai té scien ti fique, c’est plu tôt Jules Verne. Des images, du récit. Il en est de même pour des lit té raires : ce qui a at ti ré Georges Du mé zil vers la my tho lo gie com pa rée indo- européenne, ce sont d’abord les contes de fées et les ré cits fan tas tiques d’Edgar Poe.

On peut igno rer toute science pré ten due du lit té raire qui ne re pose sur rien de vi vant, qui mé prise la sub stance des images (vi suelles, au‐

di tives, sen so rielles en  gé né ral). On peut fuir toute science qui se fonde ex clu si ve ment sur les ca davres pu tré fiés de concepts for ma‐

listes morts- nés. Et pour quoi donc ? Nietzsche avait pré ve nu. « Dieu est mort.  » Mais qui est Dieu  ? La ré ponse est don née par saint Jean (1,1) : « et Ver bum erat apud Deum et Deus erat Ver bum » (« et le Verbe était au près de Dieu et le Verbe était Dieu »). Le Verbe est le mes sa ger de Dieu. S’il n’y a  plus de Dieu, il n’y a plus de mes sa ger divin. La mort de Dieu, c’est la mort du Verbe, du logos sper ma ti kos, le concept prin ci piel qui en se mence les es prits. Le chris tia nisme est un pla to nisme pour le peuple, di sait Nietzsche. Où est ce Verbe au‐

jourd’hui, dans les bi blio thèques dé ser tées et les églises, temples, mos quées et sy na gogues désaf fec tés  ? Cela veut dire que le mot, le verbe (ou logos de la lo gique) au jourd’hui ne contrôle plus rien. La pa‐

role, notre pa role, s’est dé mo né ti sée. Plus per sonne n’est cru sur pa‐

role. Les jour naux écrivent que des mil liers de ré fu giés meurent noyés en Mé di ter ra née. Tout le monde s’en moque. Mais si l’on montre sou dain l’image du petit Aylan, en chan dail rouge, dans son der nier som meil, éten du sur une plage, ca res sé par l’in dif fé rence des vagues, le monde en tier s’émeut et s’in digne. Image ma ni pu lée, disent cer tains. Il n’em pêche : l’image fait foi ; l’image fait loi. L’image est la plus forte. L’image a gagné la par tie, mal gré l’in évi table part d’illu sion sor tant de toutes les lan ternes ma giques, hé ri tières de la ca verne de Pla ton.

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La mort du verbe, c’est aussi la mort des grandes construc tions concep tuelles éla bo rées dans le cadre de dis ci plines dé sor mais ana‐

chro niques. Les dé par te ments des sciences de la com mu ni ca tion s’en gouffrent dans la brèche. On ne sait trop s’ils as pirent à dis qua li‐

fier les hu ma ni tés ou à les rem pla cer mais ils sont fon dés en par tie sur l’idée sau gre nue de Ma cLu han selon la quelle le me dium, c’est le mes sage. Plus de conte nu : vo la ti li sé dans la ma chine à com mu ni quer.

La crise cultu relle si sou vent in vo quée ré side peut- être là. Nombre de pro blèmes ac tuels des so cié tés oc ci den tales ne sont ja mais ap pré‐

hen dés sous l’as pect de l’image et de l’ima gi naire. Y  a‐t‐il, par  exemple, des images por teuses de l’idéal eu ro péen qui puissent ar ra cher le conti nent à sa fri lo si té et à ses égoïsmes ? Face à cette va‐

cance des images, le pré ten du état is la mique pou vait jouer la carte de l’ima gi naire connec té en se construi sant sur un mythe apo ca lyp tique, celui du pays de Cham, la Grande Syrie des géo graphes, cette terre où s’ac com pli rait le grand com bat es cha to lo gique de la fin des temps (Filiu, 2008). D’un côté (l’Eu rope), une ab sence d’images et d’idéal ; de l’autre, le trop- plein d’une vi déo sphère héroïco- macabre aux re lents d’Apo ca lypse now. Il y a donc bien des mo biles cultu rels, re le vant des grandes construc tions de l’ima gi naire dans toute en tre prise hu maine, y com pris les plus cri mi nelles. L’ima gi naire n’est ja mais in no cent, ja‐

mais cou pable non plus. «  L’ima gi naire n’est pas pur  : il ne fait qu’aller. » (Char, 1960) Rai son de plus pour s’in té res ser à lui et suivre ses rep ta tions, ici et par tout.

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« Ceci tuera cela » (Hugo, 1832, livre V, chap. 2)

Jean- Jacques Wu nen bur ger, dans une for mu la tion brève mais ca pi‐

tale, a bien cerné l’es sence de l’ima gi naire en lui re con nais sant un sta tut verbo- iconique (Wu nen bur ger, 2003, p. 32‐36). On n’a pas me‐

su ré les consé quences de cette dé fi ni tion dans toutes les dis ci plines de l’her mé neu tique (les études de lettres en font par tie). L’ico no‐

clasme en dé mique des so cié tés oc ci den tales les por tait à dé va lo ri ser sys té ma ti que ment l’image au pro fit du concept. Pour preuve : l’en trée tar dive de l’en sei gne ment du ci né ma dans les uni ver si tés fran çaises ; la déshé rence des en sei gne ments ar tis tiques dans les ly cées et col ‐

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lèges fran çais. L’ima gi naire fait‐il donc peur à ce point ? Comme on ne sait pas s’y prendre avec lui, on fait comme s’il n’exis tait pas.

C’est vrai : le sta tut verbo- iconique de l’ima gi naire remet en ques tion les ap proches étroi te ment for ma listes qui do mi nèrent les lettres et sciences hu maines pen dant le XX siècle. Nombre de dis ci plines uni‐

ver si taires sont fon dées sur un sys tème de ré gu la tion ins pi ré par une idéo lo gie du fac tuel (les faits) ex pri mée par des concepts et non des images. À  un uni vers ob jec tif des sciences de l’homme cal qué sur celui de la phy sique clas sique se sub sti tue dé sor mais un uni vers pro‐

jec tif, c’est- à-dire un uni vers d’images tran si tion nelles où le désir du sujet s’ac com mode aux réa li tés ob jec tives et les ac com mode.

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Pour les lit té raires ini tiés à l’ima gi naire, les mé thodes d’ana lyse for‐

ma listes sont par fois utiles mais tou jours in suf fi santes. Elles s’avèrent cruel le ment dé fi cientes quand elles ne sai sissent que le ver bal ou la for ma li sa tion du ver bal et jettent le sens aux or ties. Le contre- commentaire des Chats de Bau de laire mené par Gil bert Du rand (Du‐

rand, 1969) contre Roman Ja kob son et Claude Lévi- Strauss (Ja kob son

& Lévi- Strauss, 1962) était im pi toyable pour un struc tu ra lisme qui ten tait de se dé bar ras ser du sens, comme le ca pi taine Had dock vou‐

lait ex ter mi ner son spa ra drap. Comme l’a fort jus te ment dit Jean- Jacques Wu nen bur ger :

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Du rand est ty pique du boom struc tu ra liste des sciences hu maines des an nées 60, un struc tu ra lisme que Claude Lévi- Strauss a ra di ca li ‐ sé jusqu’au for ma lisme. Alors que chez Du rand le struc tu ra lisme ex ‐ plique la moi tié de l’ac ti vi té de l’es prit, l’autre moi tié s’éclaire par la ques tion des si gni fi ca tions, la ques tion du sens. C’est ce qui l’op pose ra di ca le ment à Lévi- Strauss qui pense que la forme suf fit pour dé ter ‐ mi ner le sens. Alors que pour Du rand il y a des si gni fi ca tions sym bo ‐ liques à par tir de l’ex pé rience de l’âme, qui est très pla to ni cienne d’ins pi ra tion. (Buse, 2015, p. 13)

Conclu sion : pour avan cer, il faut dé sor mais as su mer l’ico nique dans ses in con trô lables mais in con tour nables pièges sé man tiques. Un exemple parmi tant d’autres : La Nau sée de Sartre (1938), roman surgi de la contem pla tion de la Me lan co lia de Dürer, selon l’aveu même de Si mone de Beau voir (Wal ter, 2014). Mal heu reu se ment, la plu part des cri tiques, dans leur lec ture, en res tent à l’éter nel res sas se ment d’une

17

(12)

phi lo so phie exis ten tia liste mise en lit té ra ture (avant son ex pres sion théo rique) ; ils ou blient d’en ré fé rer à Dürer et à sa gra vure.

Mais com ment faire, concrè te ment  ? Gil bert Du rand a tracé une voie : culti ver la « foi du cor don nier13 » (Du rand, 1984). Coudre et re‐

coudre les dis ci plines entre elles. Ou vrir une agence ma tri mo niale où l’on se li vre ra à des noces nou velles : au V siècle, Mar tia nus Ca pel la cé lé brait celles de Phi lo lo gie et de Mer cure. Alors pour quoi pas, au‐

jourd’hui, les noces de Phi lo lo gie et d’Ura nie (ou As tro no mie) ? Deux femmes certes mais les ma riages de même sexe sont dé sor mais lé‐

gaux.

18

e

Un mé dié viste trouve avan tage à se rap pro cher de l’eth no lo gie et de l’an thro po lo gie cultu relle. Cette dis ci pline exerce le re gard phi lo lo‐

gique et contraint d’exa mi ner des dé tails ou bliés des textes. Pour quoi la fée mar raine de Cen drillon creuse- t-elle une ci trouille  ? Certes pour réa li ser le pro to type du car rosse fée rique, mais aussi pour sug‐

gé rer une date : celle de Jack- o’- lantern di raient les Anglo- Saxons, ou bien le rite de la Saint- Martin (11 no vembre) en France : c’est le début de Car na val, pé riode de fêtes et de bals  ; cette date est im por tante pour re lire Cen drillon. Autre exemple : Jean d’Arras, Le Roman de Mé‐

lu sine. Tous les sa me dis, la fée prend un bain. Son mari per fore, un jour, la porte de la pièce où il lui est in ter dit de re gar der. Le pari her‐

mé neu tique est d’af fir mer ici que cette scène my thique cor res pond à une date (comme un haïku pos sède né ces sai re ment un motif sai son‐

nier par fois ra me né à un simple mot). Il n’y a qu’une seule date pos‐

sible dans l’année pour voir l’ir re gar dable et ac com plir la trans gres‐

sion de l’in ter dit fatal. La quelle ? Pour Mé lu sine, une ré ponse ob jec‐

tive vient de l’ar chéoas tro no mie et de l’eth no lo gie. La scène mé lu si‐

nienne se passe entre le 13 dé cembre, jour de la Sainte- Lucie et le 25, en pleine phase sol sti ciale14. L’église Saint- Sulpice à Paris (avec son gno mon) ou la ba si lique Sainte- Marie-Madeleine à Vé ze lay font com‐

prendre com ment un œille ton (ou trou dans une paroi) me sure une tran si tion du temps  : le so leil se cale, à cer tains mo ments de son cycle, sur des re pères fixes in té grés dans la construc tion d’édi fices conçus par des ini tiés  ; ces dates cli ma té riques sont tou jours por‐

teuses d’une forte charge sym bo lique. L’orien ta tion de 90  % des églises mé dié vales s’opère selon des axes cos miques de le vers so‐

laires, gé né ra le ment ceux qui cor res pondent au jour de la fête du saint ou de la sainte ti tu laire de l’édi fice. Mé lu sine so laire se trouve ce

19

(13)

jour‐là dans l’axe du re gard sol sti cial de Ray mon din et vient ré vé ler une tem po ra li té my thique à l’œuvre dans le récit. Ici, le re cours à l’eth no lo gie a un but pré cis : pro duire des af fir ma tions op po sables, en finir avec l’im pres sion nisme et l’ap proxi ma tion du sym bo lisme mou, avan cer des hy po thèses in ter pré ta tives étayées sur des preuves.

Le tra vail du mé dié viste peut se concen trer sur l’étude des grandes images au cœur des ré cits mé dié vaux. Qu’est- ce qu’un che va lier au lion ? C’est un che va lier dont le signe zo dia cal est le Lion ca ni cu laire ; ce sont tous les mythes de la Ca ni cule qu’il faut alors convo quer afin de «  lire  » au tre ment (tot el) cette image fon da trice. On peut alors écrire des es sais fon dés sur l’exa men ar chéo lo gique d’une image, sou‐

vent ani male : l’ours pour Ar thur, l’an guille pour Mé lu sine, le sau mon pour Mer lin, le che val pour Gau vain (Wal ter, 2002, 2008, 2000 et 2013). Mais les images peuvent aussi ren voyer à des ob jets comme la que nouille de Ma mère l’Oie (Wal ter, 2017). En fin de compte, on ne peut dé rou ler l’ima gi naire qu’en l’ins cri vant dans un temps long (la

« longue durée » de Fer nand Brau del), celui des ci vi li sa tions, et non celui de l’ac tua li té amné sique ou de l’écume des jours. Le pauvre pré‐

sent rend aveugle à l’his toire longue.

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De nos jours, il est évi dem ment plus fa cile de rem pla cer la ré flexion par la com mu ni ca tion. Dans la dic ta ture de l’image, le pa raître l’em‐

porte tou jours sur l’être. Il tient lieu de vé ri té mais conduit plus di‐

rec te ment au néant. À  la dic ta ture du pro lé ta riat suc cède le ter ro‐

risme du look et du like, ou plu tôt celle du look like. Un clic vaut ac‐

cord et lé gi ti ma tion d’une idée ou d’un fait. Dans la ga laxie de l’image, le cer veau ne fonc tionne plus de la même ma nière qu’à l’époque de la bou gie ou de la plume d’oie. Nos ma nières de sen tir, de pen ser, de nous ex pri mer obéissent à de nou veaux cir cuits cog ni tifs, plus pav lo‐

viens que ra tion nels (une image est plus af fec tive qu’un mot). Bien que nous sa chions que les images mentent au moins au tant que les mots, l’avan tage de l’image est d’être crue spon ta né ment. La vé ri té ra tion nelle n’est alors plus le cri tère unique de la connais sance. L’ur‐

gence de vient main te nant de re lier, comme l’écri vait Gil bert Du rand, cette «  émer gence lit té raire ou ico nique de l’image à ses mé moires plu rielles por teuses de sens » (1996, p. 40, n. 8).

21

(14)

La longue vie des images

L’aca dé misme uni ver si taire reste pri son nier du po si ti visme des struc‐

tures sty lis tiques et lin guis tiques et des vieux dé ter mi nismes (celui du com plexe d’Œdipe ou de la lutte des classes). Ce lo go cen trisme ignore que le lan gage du poème et du roman est tou jours l’abou tis se‐

ment et le dé ve lop pe ment d’images créa trices (my tho poïé tique) qui re lèvent de cou rants pro fonds et im mé mo riaux. Il y a quelque chose avant le lan gage et celui- ci cherche tou jours à s’adap ter le moins mal pos sible à des images pri mor diales, à des im pul sions ve nues de l’ima‐

gi naire. Le sta tut verbo- iconique de l’ima gi naire lit té raire reste en‐

core à dé fendre contre tous les ré duc tion nismes théo ri ciens. Nous n’avons pas ache vé la ré vo lu tion épis té mo lo gique de l’Image. Nous n’en sommes même qu’à sa pré his toire, en ri chis des pro grès et me‐

naces d’une ex plo sion de la pul sion sco pique.

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Pour se convaincre de la longue vie des images à tra vers les siècles et même les cultures, il suf fi ra d’un exemple.

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XII  siècle de l’ère chré tienne. Dans le pre mier roman du Graal, celui de Chré tien de Troyes écrit vers  1182, voici venir For tune. Après le pas sage du graal, après le mu tisme ex ces sif de Per ce val qui n’a pas posé les deux ques tions qui au raient mis fin à la ma lé dic tion uni ver‐

selle, en un mot, après avoir man qué sa chance, Per ce val ren contre une Laide De moi selle qui l’ac cable de re proches et lui lance ce défi en forme d’image  : «  Ah, Per ce val, For tune est chauve par der rière et che ve lue par de vant.  » (Chré tien de Troyes, 1994, p.  800, v. 4646‐4647) Mys té rieuse for mule qui n’a pas re te nu l’at ten tion des cri tiques, contrai re ment au graal dans le quel ils ont dé ver sé un océan de gloses et d’in ter pré ta tions. Ils ont par fois ou blié qu’une image a une mé moire qui peut être très longue.

24 e

Au IV   siècle avant Jésus- Christ (soit seize siècles avant Chré tien de Troyes), le bron zier Ly sippe fa çon na une sta tue qu’il ap pe la Kai ros, en grec, «  l’oc ca sion, l’op por tu ni té, le mo ment fa vo rable, celui qui fait bas cu ler une vie  » (Trédé- Boulmer, 2015 [1992]), une fi gure ca pi tale du temps15. Cette sta tue est au jourd’hui per due mais il en existe un por trait lit té raire réa li sé par Cal lis trate : « C’était un ado les cent res‐

plen dis sant, il était dans tout l’éclat de sa beau té, il se te nait dres sé sur une sphère, prêt à s’avan cer sur la pointe de ses pieds ailés.  »

25 e

(15)

(Ibid., p. 78) Il a un ra soir dans une main. Une épi gramme de Po seid‐

dip pos pour suit le por trait :

Qui es-tu ? lui de mande‐t‐on. — Kai ros, le maître du monde. — Pour ‐ quoi marches- tu sur la pointe des pieds ? Sans cesse je cours.

— Pour quoi as-tu des ta lon nières à chaque pied ? — Je vole comme le vent. — Pour quoi tiens‐tu de la main droite un ra soir ? — Pour mon ‐ trer aux hommes que moi, Kai ros, je suis plus aigu et plus ri gide que tout tran chant — Pour quoi ta che ve lure est- elle ra me née par de ‐ vant ? — Pour qu’on la sai sisse quand on me ren contre, par Zeus.

— Mais pour quoi es‐tu chauve par der rière ? — Afin que, une fois que mes pieds ailés m’ont em por té, nul ne puisse me sai sir par der rière, quelque désir qu’il en ait. (Phi los trate, 2014, p. 22‐23)

Point n’est be soin de glose. L’image a parlé : For tune est la ré in car na‐

tion mé dié vale de Kai ros : che ve lue par de vant et chauve par der rière.

Ré sur gence na tu relle sur gie du tré fonds de l’in cons cient cultu rel  ? Pas vrai ment. Entre ces deux ja lons que sont Ly sippe et Chré tien, il y a les Dis tiques at tri bués à Caton et en par ti cu lier celui‐ci (II,  26)  :

« Fronte ca pil la ta, post est oc ca sio calva. » (« Sur le front, l’oc ca sion est che ve lue, mais elle est chauve à l’ar rière.  ») Caton (234‐149 avant notre ère) était, pour le Moyen  Âge, l’au teur de cinquante- sept maximes dé ve lop pant une phi lo so phie (zen) de la pa tience, de l’in dul‐

gence16. Elles ser virent au Moyen Âge à l’ap pren tis sage du latin et ont été trans mises par de nom breux ma nus crits. Elles furent tra duites en an cien fran çais et dans d’autres langues eu ro péennes, puis ci tées dans de grandes œuvres dont le Conte du Graal.

26

En guise de conclu sion, cé lé brer un demi- siècle de re cherches sur l’ima gi naire amène à s’in ter ro ger sur le demi- siècle sui vant. Alors soyons pros pec tifs  ! En ma tière de re cherche, l’in tui tion et l’idée justes au jourd’hui sont celles qui peuvent s’ajus ter au plus grand nombre de dis ci plines. Ce sont des in ter faces, bien plus que des théo ries. Plus de concepts qui re streignent la pen sée ou qui l’en‐

ferment dans des fron tières. Il faut des images qui soient ap pels de sens plu riels pour faire conver ger les ana lyses. L’image est un socle com mun à par tir du quel di verses dis ci plines peuvent dia lo guer.

L’image casse tous les codes concep tuels mais toute lo gique des images reste néan moins une anthropo- logique. Dans le cadre d’une uni ver si té de langues et lettres (l’ex- université Sten dhal), le CRI avait

27

(16)

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dé fi ni les contours d’une re cherche sur les images as so ciant les lit té‐

ra tures et les langues, les sciences du lan gage et celles de la com mu‐

ni ca tion. Au jourd’hui, dans le cadre de l’Uni ver si té Gre noble Alpes, le CRI a perdu son iden ti té et son in dé pen dance scien ti fiques. Il est en ga gé dans un concert (ou une ca co pho nie ?) de dis ci plines scien ti‐

fiques et lit té raires où il peut faire va loir une stra té gie in ter dis ci pli‐

naire d’un demi- siècle. Ce n’est pas rien. Les es prits sont‐ils pour au‐

tant pré pa rés à en tendre ce mes sage et à voir les images ? Rien n’est moins sûr. Mais tout est image et For tune est chauve. Pour réus sir, il fau dra sa voir sai sir le kai ros avec la foi du cor don nier.

o os 

o

(17)

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(18)

NOTES

1 « Sur la pro po si tion de Mes sieurs Cel lier et Du rand, l’as sem blée de la Fa‐

cul té des Lettres et Sciences Hu maines de Gre noble dé ci da le 20.12.1966 la créa tion d’un Centre in ter dis ci pli naire de Re cherche sur l’Ima gi naire. Une réunion pré pa ra toire se tint au Col lège Uni ver si taire de Cham bé ry le 13.3.1967 en vue de don ner à ce Centre des pos si bi li tés d’ac tion sur le plan ad mi nis tra tif. » (« Ex po sé des mo tifs » des Sta tuts du Centre de Re cherche d’An thro po lo gie Cultu relle (dit Centre de Re cherche sur l’Ima gi naire). Ar‐

chives du CRI.

2 Par dé ci sion mi nis té rielle du 10.6.1968, le Centre prend le nom de Centre de Re cherche d’An thro po lo gie Cultu relle et dans une lettre ul té rieure du 29.1.1970 le Mi nistre de l’Édu ca tion Na tio nale donne son ac cord pour que les opé ra tions fi nan cières concer nant le Centre soient « dé crites dans le bud‐

get du Col lège Lit té raire Uni ver si taire de Cham bé ry » (idem).

3 Une ré vo lu tion in dus trielle exige : de nou velles sources d’éner gie (le nu‐

cléaire), de nou veaux modes de com mu ni ca tion (l’In ter net) et un pro ces sus long d’en vi ron 100 ans (en pre mier lieu 30 à 40 ans de des truc tion créa trice d’em plois [Schum pe ter], puis re dé mar rage de l’éco no mie avec créa tion de nou veaux em plois).

4 «  L’Ur- fascisme  » parle la «  nov langue  » ex plique Um ber to Eco  (2017, p. 47).

5 La chro nique du ver rier Georg Wal ter [en  ligne, consul tée le 17  mars 2021] : <http://greg- wolf.com/la- chronique-du-verrier-georg-walter/>.

6 Nous re pre nons ici le titre de l’ou vrage de Gil bert Du rand (1975).

WALTER Phi lippe, 2013, Gau vain, le che‐

va lier so laire, Paris, Imago.

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nienne  », dans S.  Freyer muth et J.‐Fr.

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gi naire, Paris, PUF.

WUNENBURGER Jean- Jacques, 2012, Gas ton Ba che lard. Poé tique des images, Paris, Mi me sis.

(19)

7 On si gna le ra la ré édi tion ac tua li sée avec une lu mi neuse pré face de Jean- Jacques Wu nen bur ger de l’ou vrage fon da teur du CRI  : Gil bert Du rand, Les Struc tures an thro po lo giques de l’ima gi naire, Paris, Dunod, 2016.

8 Dans un compte rendu de My tho lo gie chré tienne (1992) paru dans le Bul‐

le tin de liai son des CRI (n  3, 1994), Gil bert Du rand écrit : « L’œuvre de Phi‐

lippe Wal ter, phi lo lo gi que ment si armée, m’ap pa raît comme phi lo so phi que‐

ment très consi dé rable, ou vrant dans l’ar se nal de nos re cherches sur l’ima‐

gi naire un ho ri zon com bien fé cond dans l’or ga ni sa tion qui relie l’émer gence lit té raire ou ico nique de l’image à ses mé moires plu rielles por teuses du sens. »

9 Les mé dié vistes ico no clastes sont de ve nus les meilleurs en ne mis de leur cause. Une fois li bé ré, leur poste de vient une va riable d’ajus te ment des bud‐

gets « fon gibles » des uni ver si tés « au to nomes ». « Le Moyen Âge, à quoi ça sert  ?  » me di sait avec mé pris l’un des concep teurs des dé funts IUFM lorsque je suis ar ri vé à l’Uni ver si té de Gre noble. Ré ponse de Frie drich Nietzsche  : «  L’homme de l’ave nir sera celui qui pos sé de ra la plus longue mé moire. »

10 Nous ran geons sous cette ban nière : Jean Du four net, Claude Tho mas set, Claude Gai gne bet (ra be lai sant) et quelques autres. L’an thro po logue Gil bert Du rand, par son at ta che ment à la terre de Sa voie et sa mé fiance des co te‐

ries pa ri siennes, ap par tient éga le ment aux poètes de la terre fé conde et non aux phi lo sophes et phi lo logues du béton armé. Du fait de l’exode rural, les col lègues ur bains (qui ne manquent pas tou jours d’ur ba ni té) sont trop nom‐

breux pour être men tion nés ici ; ils se re con naî tront.

11 Au cas sin et Ni co lette (1999, p. 134-135). Voir aussi Wal ter (1991, p. 57‐93).

12 Pour tant, sans aller jusqu’à la confré rie car na va lesque des Tur lu rons dans Tin tin et les Pi ca ros, il suf fit d’écou ter le « Tou ro lou ro, louro » de quelques chan sons po pu laires (des noëls en par ti cu lier) et de se sou ve nir que Noël ap‐

par tient à Car na val.

13 L’ex pres sion dans le titre de l’ou vrage de Gil bert Du rand fait ré fé rence au col loque de Cor doue, grande ma ni fes ta tion in ter dis ci pli naire qui as so cia les scien ti fiques et les lit té raires à l’aube d’une «  mon dia li sa tion  » de la re‐

cherche.

14 Un dos sier des croyances au tour du 13‐25 dé cembre se trouve chez l’eth‐

no logue hon grois Géza Róheim : « Les Bul gares ins tal lés dans le sud de la Hon grie croient que si dans un arbre qui a été coupé le jour de la Sainte-

o

(20)

Lucie on en lève un nœud et on re garde la nuit de Noël dans le trou ainsi formé, on peut voir les sor cières. » (Wal ter, 2008, p. 170)

15 Pour des pro lon ge ments phi lo so phiques  : Lam bros Cou lou ba rit sis et Jean- Jacques Wu nen bur ger  (1997), en par ti cu lier la sec tion «  sources an‐

tiques ».

16 Le Livre de Catun, 1994, p.  29. Bi blio gra phie des édi tions des Dis tiques dans dif fé rentes langues mé dié vales, p. 6‐8.

ABSTRACTS

Français

La nais sance du CRI à Gre noble (en dé cembre 1966) doit être re pla cée dans le contexte in tel lec tuel de la nou velle cri tique des an nées  1960. Les trois cou rants do mi nants du ma té ria lisme his to rique, de la psy cha na lyse freu‐

dienne et du struc tu ra lisme ont alors été dé pas sés par le CRI au pro fit d’un

«  nou vel es prit an thro po lo gique  » qui pri vi lé giait la réa li té sen sible des images au dé tri ment des idéo lo gies ré duc trices. Les in tel lec tuels des villes ont perdu le lien char nel avec une ci vi li sa tion ru rale et un mode de vie ayant fa çon né notre langue, nos croyances et nos fêtes, ainsi que des ar ti sa nats sé cu laires. Le mé dié viste peut en core re trou ver le lien avec cette mé moire du temps. Mais s’il n’a pas conser vé une âme païenne et un es prit pay san, il est condam né à la pos ture post- moderne. Pen ser la culture oc ci den tale en contour nant ou igno rant le Moyen Âge n’est qu’une im pos ture. Un exemple de longue vie des images (du Kai ros grec à la For tune mé dié vale) montre l’im por tance des re lais cultu rels qui re la ti vise toute théo rie pré con çue des ar ché types.

English

The birth of the CRI (Cen ter for Re search about col lect ive Im ages, myths and sym bol) in Gren oble (on Decem ber 1966) is re placed in the in tel lec tual con text of new cri ti cism of the 1960s. The three main stream (his tor ical ma‐

ter i al ism, Freu dian psy cho ana lysis, struc tur al ism) have been over taken by the  CRI in fa vour of a “new an thro po lo gical spirit” that em phas izes the sens ible real ity of im ages at the ex pense of re du cing ideo lo gies. The mod‐

ern schol ars of the cit ies have lost the car nal con nec tion with a rural civil iz‐

a tion and a way of life that have shaped our lan guage, our an cient be liefs and feasts and also centuries- old han di crafts. The me di ev al ist can find the link with this memory of time. But if he has lost a pagan soul and a spirit of peas ant, he is sen tenced to a post- modern pos ture. Think ing West ern cul‐

ture in by passing or ig nor ing the middle ages ap pears like a mere sham. An ex ample of long- life im ages (from the Greek Kairos to me di eval For tune) stresses the im port ance of cul tural re lays against all pre con ceived the ory of the ar che types.

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INDEX

Mots-clés

mémoire du temps, nouvel esprit anthropologique, civilisation traditionnelle, vie des images, Kairos

Keywords

memory of time, new anthropological spirit, traditionnal civilization, life of images, Kairos

AUTHOR

Philippe Walter

Ancien directeur du CRI (1999-2013), Université Grenoble Alpes

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