SUBSTITUTION D'IMPORTATION ET CROISSANCE Réflexions
surles tendances
récentesde l'économie vénézuélienne
Abdelkader SID AHMED
SOMMAIRE
I. LE
MODELEHISTORIQUE DE
SUBSTITUTION D'IMPORTATION1. L'apparition du
concepta. Le
conceptde
substitutiond'importation 3. La
substitutiond'importation
etle
VenezuelaII. L'EVOLUTION DU SECTEUR EXTERNE 1. L'économie
2.
L'évolution de la demande
externe3.
L'évolutionde la demande interne
a.
l'investissement b. la
consommation4. L'évolution de l'offre
globalea.
Les
variationsdans la
compositionde l'offre
globaleb. Les importations
etla
structured'importation
III. LA POLITIQUE DE SUBSTITUTION DANS
L'INDUSTRIE1. Les
caractéristiques généralesdu développement industriel
auVenezuela
2. Le développement industriel 3. L'analyse du
produitindustriel
IV. ANALYSE SECTORIELLE
DE L'INDUSTRIEMANUFACTURIERE 1. Les industries traditionnelles
a. Les industries dynamiques
V.
BILAN ET PERSPECTIVES 1. Bilan diagnostic de la
crise'2.
La
crise etla
substitutiond'importation Annexes
etBibliographie.
Diplômé d'études supérieures de sciences
économiques.
92
REVUE ALGERIENNEI. LE MODELE HISTORIQUE DE SUBSTITUTION D'IMPORTATION :
L'étude qui suit, s'inspire d'un mémoire préparé
à l'Université de Paris,
sousla
directionde
M.le
Professeur Celso Furtado (1).L'objet de
ce mémoireétait
d'étudierle
phénomène historiquede
substitutiond'importation
en AmériqueLatine,
ainsi quela forme
revêtue parcelle-ci
dans l'exemple
plus précisdu
Venezuela.Il nous semble que
l'étude de
ce phénomène qui a marquél'histoire économique de
l'AmériqueLatine
contemporaine en mêmetemps
qu'inspiré
de
nombreuses politiqueséconomiques de
cette région, mérite réflexion. Eneffetl'Afriquedont
l'indépendance estrécente, est appeléeà
connaître et connaît déjàbien
que dans des circonstanceshistoriques différentes,
les problèmes que posentla
croissance, l'industrialisationface
aux restrictions relatives ou absolues des différents secteurs d'exportation.Il ne
faudrait
pourtant pas exagérer l'importancedes différences historiques. Si les
problèmesde
substitution d'importation en Amérique Latine sont nésde
la chutede la
capacité d'importationlors
de la grandedépression,
il est facilede
retrouver actuellement surle
plan africain des exemplesde
capacité d'importations réduites, duesà
des motifs extrêmementdivers,
commel'Indépendance, la
dislocationdes échanges,
etc..Ceci
étant,
on peut s'interroger surla forme
que pourrait revêtir ce phénomène en Afrique. La crisede
1930 enAmérique Latine
s'esttraduite
dans certains pays, par undébut d'industrialisation,
en particulier
dans
lesindustries de biens de
consommationdurables
et nondurables
et cecià travers des
modifications cambiaires etdes
redistributions de
revenus. Maisla
substitutiond'importation historiquement
phénomène spontané peut aussi se concevoir comme unetechnique
fondantune politiqued'industrialisation.
On verra plusloin
qu'il en est ainsi pourla
politiqued'industrialisation
duVenezuela.
Dans
ces conditionsl'industrialisation de l'Afrique
empruntera-t'elle une voiedu développement
« spontané »à
savoirune industrialisationforcée, due à
des restrictions externes ?Modèle
Latino-Américain de1930
ou alors, empruntera-t'elle lavoiedu développement
« réfléchi » ?à
savoir une politique planifiée dudéveloppement,
dontla
substitutiond'importation
constituerait unedestechniques de base. Mais
ceci admis,il
reste quel'industrialisation
spontanée enAmérique Latine
n'a pas eu lieu dans tousles
paysde la
région, elle s'estd'abord faite
auBrésil,
au
Chili,
auMexique,
aussi on peutdire
que même undébut
d'industrialisation induit
pardes
restrictions externes n'alieu
quedans
desconditions
bien
précises, on retrouveraà
ce niveaules
problèmesde taille du
marché,de
capacitéoisive,
et lesconditions socialesetinstitu tionnelles.
En outrel'exemple Latino-Américain
montre qu'il existedes difficultés
inhérentes
au processus mêmede
substitution d'importation à
savoir :(1) Nous remercions vivement M. Le Professeur Celso FURTADO qui a bien voulu diriger notre travail ainsi que M. Le Professeur Maza ZAVALA pourles documents qu'il a eu l'amabilité de nous communiquer.
93
—. Des importations accrues, conséquence
de l'accroissement de la demande dérivée.
—• Rigidité croissante
de la
structured'importation intervenant
avantque
le
systèmepuisse engendrerle
capitalquilui
estnécessaire, et puissedévelopper
normalement ses propres stimulantsinternes. Ces divers
problèmes ont amené leséconomistes Latino-Américains à définir les
conditionsde
réussited'une
substitutiond'importation. On
verraplus
loin
qu'il est nécessaire qu'elleintervienne
simultanémentà trois
niveaux
différents,
c'est-à-dire :—•
Au
niveaudes industries traditionnelles
—>
Au
niveaudes
produitsintermédiaires
—
Au
niveaudes biens
capitaux.iEnfin
c'està
une véritabledémystification de la
substitution qu'ilfaut
parvenir car :—
La
substitution n'est pas unediminution des importations.
—
Les
gainsde devises dans
cette optique ne sont pas unefin
en soi età
ce sujetl'exemple
vénézuélien estintéressant à
méditer.—■
La
substitutiond'importation
n'est pas en soi, un modèle dedéveloppement.
Cette étude
adonc
pourbut de
présenterà travers
une expérience, uncertainnombrede
problèmesliés
au secteurexterneetà la
croissance que rencontrent lespays sous-développés.Il
estévident
qu'elle ne prétend pasêtre
uneétude
exhaustivedu
problèmelui-même. De
même qu'elle ne prétend pas donnerdes
solutionstoutes prêtes,
sonbut
est plus modeste : présenter un certain nombrede
problèmes pratiques ainsi quedifférents
travaux latino- américains susceptiblesde fournir
un cadre ultérieurde
recherches.A) L'apparition du
conceptde
substitution d'importationLes dernières décennies du
19°siècledernier
marquèrentl'intégration de l'Amérique
Latinedans le
commerce mondial etla division
inter nationaldu travail à
partirde l'exportation de
produits primairesde la
régiontels
que : viande etblé
pourl'Argentine,
cuivre pourle Chili,
café pour
le Brésil
etc..Aussi le
secteur exportateurdevint-il
responsablede l'accroissement du Revenu National de
ces pays.Ce fut l'avènement du
modèlede développement
versl'extérieur
ou «Hacia Afuera
» quifonctionna
normalementjusqu'aux
environsde la
grande crise. Celle-ci(2)
devait(2)
Pour analysedétaillée
de la crise et ses conséquences particulièrement sur leBrésil,
voir : Qsteo PUTADO : Formacao économisa doBrasil,
éd.Fundo de
Culture,
Rio de Janeiro 1961 ;Développement,
et sousdéveloppement, Paris, 1966,
2° partie.Pour une analyse plus générale, on verra l'introduction à The growth and décline of
import
substitution inBrazii,
Mai.1964, E.BL.A.,
Santiago.94
REVUE ALGERIENNEpar
la suite,
provoquerdes
conséquences considérables sur l'économiede la
Région.—
Tout
d'abord elleréduisitde
manièrebrutale les
revenusexternesde la
région. Or ces revenusétaient
essentiels dansle
modèle primaire exportateur : carils déterminaient la
croissancede
l'économie.—
Ensuite
elle contraignitles
gouvernements latino-américainsà
prendredes
mesuresde
sauvegardedu
niveaude
l'emploi et par suite du revenu interne. En dehorsde l'aspect
socio-politiquede
l'événe ment (3).— Cesmesures eurent
de
profondes répercussionsdanscertains pays.Elles prirent le plus souvent
la forme de
restrictions quantitatives, contrôlesde
change, dévaluations et surtout achatsde
surplus quel'on
ne parvenait plus
à
exporter.Toutceci on l'a déjàdit,
pour sauvegarderle
niveaude
l'emploi et compenserles
fluctuations externes. Voyonsl'influence de
ces mesures :Tout d'abord,
les conséquences qu'elles entraînèrent, dépassèrentde
loin les objectifs des gouvernementsde l'époque
et par certains cotés enfurent très éloignées.
En effetla
politiquedu
maintiendu
pouvoird'achat
créales
conditionspropicesà
l'industrialisationde
certains pays et stimulantl'activité interne
créales
conditionsde
passageà
un modèle nouveau.Le
modèle dit :de
« substitution d'importation »il faut bien
voir que lesclasses
dirigeantes de
l'époquene voulaient aucunement del'abandon
du modèlede développement
versl'extérieur, les
mesuresde
sauvegarde
devant
en quelque sorte permettrede laisser
passer l'orage ettout
redeviendrait après comme parle
passé.Quel
estdonc
ce nouveaumodèlequela
crisesembleimposer
?Le
débutd'industrialisation
se caractérisepar
la
substitutiond'importation
qui prendla forme d'une
politique protectionniste,
tirant
son originalitédu
contexteéconomique
et social
de
l'AmériqueLatine,
elleapparait alorscomme résultat d'une modificationdans les
conditions del'offre interne, d'une
manière plusprécise on peut en prenant
l'exemple
Brésilien(4),
voirdans le
détailles différents
mécanismes mis en œuvre.(3) L'exemple argentin est ici éloquent : le retour au pouvoir de l'alliance : obligarchie nationale - latifundiste - etcapitalétranger en 1980a pour but d'éviter les changements de structure nécessaires pour contrecarrer les effets violents de la crise, le tout de l'oligarchie .terrienne est alors de
sauver le « projet national » qui avait marquél'étape 1880 1930 de
dévelop
pement vers l'extérieur de l'Argentine.
Le projet conçu par l'Alliance : propriétaires terriens et capitalistes étrangers se définissait ainsi :
«
Un
idéal de progrès matériel qui choisît comme but de politiqueéconomique,
l'expansion et le perfectionnement des exploitations et de l'élevage et l'intégration au marché ultra-marin ».(4) On se reportera aux ouvrages déjà cités.
ÉTUDES 95
—■
Un transfert de
revenu réeldes importateurs à l'économie
nationale.
—
Un
accroissementdu
revenu réeldu
secteurindustriel domestique
grâceà la
modificationdes
prix relatifsinternes
et externes conséquencede la
politiquede
change etdes
restrictionsd'importations.
Une hausse du taux de
profitdans le
secteurindustriel due à
une meilleure utilisationde la
capacitéindustrielle domestique
existente.Bref la crise, à travers toute
une sériede transferts de
revenusd'une
classeà d'autres
classes, parl'intermédiaire de l'Etat, favorisa l'offre interne
et par suitele développement
industrielà
travers la substitutiond'importation.
Ce
nouveau modèlede développement fut dénommé
«Développe
ment versl'intérieur
» ou «Hacia Adentro
»dans la
mesure oùil
secaractérisa par un changement
dans les facteurs
constitutifsde la
croissanceéconomique. On
assista alorsà
undéclin
dansla
contributiondu
secteur externeà la
croissancedu Revenu National,
enmêmetemps,
qu'à une substitution
à
cefacteur, de l'Investissement interne,
commeélément
moteurde l'économie,
c'estpourquoile
modèle estdit
« orienté »vers
l'intérieur,
en effetle
montant etla
compositionde
l'investis sementinterne
orienta etdétermina le développement économique.
Cependant, le déclin de la
contributiondu
secteur externeà la
croissancedu
revenu n'impliqua pas unedisparition du
rôlede
celui-ci, au contraireil
revêtit un rôle nouveau.De facteur direct de
croissance,il devient facteur décisif de diversification de la
structure productive parles importations de biens
capitaux et produitsintermédiaires
qu'il permet.Nous
verrons que cefait
explique pourquoiil fut
possibleà
certains paysde
maintenirleur taux de
croissance, malgréla
chutedes
recettesd'exportation
en réduisanttout
simplementl'importation de biens de
consommation.B) Le
conceptde
substitution d'importationDes éléments dégagés
plushauts,
on peutdéjà
affirmer quela
substitution
d'importation
est un processusde développement interne,
engendré par
des
restrictions externesetqui setraduitpar uneexpansion et unediversification de la
capacitéde
productionindustrielle,
cela sicertaines conditions
tenant à la taille du
marché,à
l'environnement social etinstitutionnel
sont réunies(5). Elle
s'appuie en outre surdes
modificationsintervenant dans les
conditionsde
l'offredues à
une modificationdes
prix relatifsinternes
et externes.Mais il
ne faut surtout pas entendrela
substitutiond'importation commele
remplace mentdes
produitsimportés
parla
productionlocale. Ce
serait alors une politiqued'autarcie.
(5)
On notera que leséconomistes
chiliens ont toujours mis l'accent sur le divorce entre une structure productive insuffisante et l'état avancé des structures socio-politiques du Chili avant même la 2ème guerre mondiale ANIBAL PINTO : Chili Un caso de Desarrollo Frustado :L.E.U.C.H., 1959,
Santiago. C'est l'undes thèmes
centraux.96
REVUE ALGERIENNEEn fait historiquement, le
phénomène s'il repose sur labaisse
desquantités
importées
a une significationtoute
autre,c'est cette réductionde la
capacitéd'importation
qui engendrele
processusde
substitutionlui-même (6). Celui-ci
setraduit
alors par un accroissement immédiatde la demande dérivée de biens
capitaux etproduitsintermédiaires, dont la
conséquenceà
plusou moinslong
terme estune rigidité accruede la
structure même d'importation qui augmente
la
vulnérabilité extérieure del'économie d'un degré
supérieureà
celuide
la phase précédente(7).
Aussi
la baisse du
coefficient d'importation ne signifie pas obligatoirement
une diminutionde la
dépendancedu
paysface à
l'extérieur.Ce
pointtrèsimportant
est souventignoré, il
peuts'expliquerparle fait
quedans le
nouveau modèle certaines variables stratégiques internes continuentà
avoir un comportementliéà
celuidu
secteur externe.D'où la
contradictiondans le
modèle «Hacia
Adentro » entre unebaisse frappante
du coefficientd'importation
et une vulnérabilité économique croissante, commele
notebien
l'étudede la
CEPAL (8).Le
processusde
substitution apparaît comme lerésultatd'une lutte
entre lesrestrictionsdu
secteurexternequi amènel'économie à
moinsde dépendance
quantitative
visà
visde
ce secteur et un essaide
transformationde
cettedépendance
elle-même ». D'où une dynamiquedu
processus caractérisée parlesconflits entreles buts
du développementetla barrière
constituée par la capacitéd'importation. L'expérience
Latino-Américaine montre qu'à mesure quela
substitution résoudles
problèmes posés parla
«
barrière
externe »les
progrès sont pluslents,
plusdifficiles
et pluscoûteux et ceci pour
des
raisons quitiennent à la taille du
marché,à
unetechnique
de plus en plus complexe et coûteuse, et surtoutà la
rigidité
déjà
signalée croissantede
la structured'importation,
inter venantsouvent avant quel'économie
n'ait atteint unstade suffisantde diversification
pour susciter undéveloppement
par « elle-même » ou endogène (9). On peut endehors de l'analyse historique, définir d'une
manière
théorique la
substitution.(6) Voir
l'étude
déjà citée de la CEPAL 1964.Cl) L'Argentine avant 1940 offrait l'exemple d'un pays voulantlimiter la substitutiond'importationpourseprotégerdes
fluctuations
cycliques mondiales.(8) Déjà citée.
(9) L'exemple Chilien nous semble intéressant : en effet l'originalité de l'expérience Chilienne tient au fait que ce pays a épuisé l'étape facile de la substitution d'importation et qu'elle rencontre à l'heure actuelle, les problèmes inhérents au passage du modèle de substitution à un modèle de développement plus complet. Voir : ANIBAL PINTO : Chili : Una Economia dificil. FONDO De Oultura
économica
Mexico 1964.On verra particulièrement les chapitres relatifs à la recherche d'un nouveau modèle de développement — 2ème Partie.
ÉTUDES 37
SM
= (Mo —Mi)
P(10)
On
mesure ainsila différence
entrela
croissancedu
produit sans changementdans le
coefficientd'importation
etla
croissance actuelle.Mi et Mo sont
les
coefficientsd'importation à
deuxpériodesdifférentes.
P
:Le
produitactuel.C)
La substitution d'importation etle
VenezuelaDans le
cadredes
observationsprécédentes,
nous avonstenté
uneétude
particulièrede
ce phénomène pourle Venezuela. Ce
pays nefigure
pasdans la liste de
ceux qui ont, sousl'effet de la Grande Crise
vu undébut d'industrialisation important,
celatient à
une situationtrès
particulière.Lss
exportationsdu
pétrole etdérivés
passentde 12
millions deBolivars
en1921 à 634
millionsde Bolivars
en1930
alors queles importations
atteignent seulement 364 millionsde Bolivars
en1930.
Nous
n'avons pas ajouté aux exportations pétrolières,le
produitdes
exportations
de
cacao,bétail
et café qui se monteà 128
millionsde
BS pour1930 (11). Autrement dit l'aisance
relativedans les
réservesde
change n'imposa pas une politique
de
substitutiond'importation
auVenezuela
qui au contrairedevant l'accroissement
rapidede
ses exportations de
produits pétroliers setrouva intégré de
plus en plus auxéconomies
capitalistes; les importations
progressent elles aussià
un rythmeconfortable,l'après
guerre allait voir s'amorcerundébut
d'industrialisation
particulièrement poussédans les industries dites
«tradi tionnelles
».Cette tendance fut brutalement
stoppée parla
crisede
1958-1961
provoquée par une chutebrutale des
recettes extérieuresdont
(10)
Cette formule est empruntéeà H. CHENNERY «Patters of Industrial Growth » Dans American Economie Revlew Septembre 1960. L'article n'étudie pas la substitution d'importation en tant que telle. Ilétudie
l'industriali sation, si la substitution y joue le rôle le plusimportant,
U ajoute deuxautres facteurs :
les
accroissements non proportionnels dans les demandesfinales
et les accroissements non proportionnels de la demande intermédiaire.La part de chacun de ces facteurs est déterminée par l'écart mesuré entre la croissance non régulière et la croissance régulière. L'écart est positif et
dans
ce supplément de croissance la substitution d'importation intervient pour 67% de l'écart. Pour une critique du modèle de CHENNERY on se reporteraà
l'article suivant : STEUER et C. VOIVODOS —Economia Internazicnale
—Février 1965.Pourune autre analyse théorique duproblème : A.MAIZELS : ;; Industrial Growth ar;d World » Cambridge 1963 voir le chapitre sur la substitution d'importation.
(11)
Pour les chiffres et l'analyse détaillée de la politique pétrolière du Venezuela lors des premières décennies de ce siècle. Voir : BRITO : Venezuela Siglo XX. La Havane 1966 et surtout ARMANDO CORDOVA : La estructura economica tradicional y el impacto Petrolero en Venezuela.Revista Economia y Cencias
Sociales,
année V N° 1Caracas
1963.98
REVUE ALGERIENNEnous verrons plus
loin
en détailles
causes. Ici comme en 1930le
gouvernementdû
prendre une sériede
mesures allantde la défense du
niveaude l'emploi,
aux restrictions quantitatives et contrôlede change,
afinde lutter
contre l'épuisementdes
réserves monétaires.Cependant le Venezuela
présentedes différences
précisespar rapport au restede la
régiond'une
part et quantà la
situationhistorique
de1930 d'autre
part.Dans le
premier cas,il dispose des
ressources endevises
considérables par rapport au restede
l'AmériqueLatine
en mêmetemps
quedes
sourcesd'énergieetmatièrespremières abondantes.Ceci
lui permetd'éviter
un accroissementtrop
rapidedes importations
de produitsintermédiaires,
conséquencelogique du
processusde
substitution d'importation (12).
En ce qui concerne ledeuxième
cas on a vu quela
substitutiond'importation
avaitété
en 1930 spontané,découlant de
modificationsintervenues
dansles
conditionsde l'offre. Au Venezuela à la
suitede la
crise du secteur externede
1958le
gouvernement adéfini, dans le
cadred'une
action qui se veut planificatrice, une politique de substitution d'importationdont
lebut
estde diminuer la
vulnérabilité externe
de l'économie
vénézuélienne.Le
phénomène est ainsiintégré dans la
politiqueéconomique de l'Etat
etdoit dans
cetteoptique constituer un
facteur
fondamental d'industrialisation.On verra que la croissance
de l'économie
vénézuélienne et surtoutde
sa productionindustrielle
esttrès élevée
par rapportà la
moyennerégionale (13).
Cela
n'aété
possibleque grâce auxressources extérieures substantielles,donc à l'inexistence,
au moins absolue,de
goulotsd'étranglements
externes.Nous
auronsà déterminer, dans
quelle mesurele
processusde
substitution d'importation auraété
efficace, autrement dit :dans
quelle mesurele
gouvernement aura réussi par cette politique systématiquede
substitutionà
réduirela dépendance
externede
cette
économie. Cependant
le caractère récentde la
périodeétudiée
ne nous permettra pasde
porter unjugement définitif.
Il seraitdifficile
en un
temps
aussi courtde
porter untel jugement
sur une politique qui seveut structurelle,donc
orientée versle long terme
: notre raisonnement sera
basé
surle
résultatdes
années 1960-64 et parfois dansla
mesuredes
chiffresdisponibles
surles
prévisionsdu
CORDIPLAN.Tout
aulong de
cette analyse on se rappellera quele
développement està la fois
un changementdans la
structured'importation,
mais aussi(12) Le point est
important
: La structure d'importation de marchandises de l'Argentine nous donne la proportion de Fuels en pourcentage de toutes les marchandises. On trouve par destination : Fuels = 14,4 7<.Ces chiffres sont tirés du livre suivant : DIAZ ALEJANDRO : Exchange ratedévaluation inasemi-industrialized country : TheExpérienceofArgentine 1955. 61. page48 M.I.T. 1965 Cambridge.
(13) Ceci est surtout vrai pour la période 1950 58 qui a connu des
taux
assez exceptionnels decroissance, duproduitnational, et delaproductionindustrielle.ANIBAL PINTO : Chili : Una economia
dificil,
déjà cité.ÉTUDES 99
une
transformation du
système productifglobal,
c'est peutêtre là
que résidela faiblesse
majeuredu
processusde
substitution qui réalisebien la
première condition mais souventdifficilement la
seconde «La
conclusion
de M. Anibal Pinto (14)
estintéressante à
ce sujet.Pour
luiil
s'agitde
combiner latransformation
globalede l'économie
avec un nouveautype d'ouverture
versl'extérieur, donc de
créer un modèlede développement
qui réduisele
caractèrefondamentalement fermé du
modèlede
substitution ce quiimplique
une stratégieliée du dévelop
pement
industriel
etdu
retourà l'extérieur.
Il faut
aussi nousdit-il
« assurer un meilleurfonctionnement
autonomede l'économie,
et une meilleuredistribution de
revenu quiincorpore
et satisfasseles
aspirationsde
cette partie appréciablede la
population qui est restéjusqu'à
présentà la
margedu
processusde
croissance
dans la
plupartdes
payslatino
américains ».Nous
verrons que cela est aussi vrai pourle Venezuela.
Ce
modèle auraitles traits
suivants(15) il impliquerait
:—.
l'extension du
progrèstechnique, limité
actuellementà
certaines zonesdu
secteurindustriel
et exportateur,à toutes les
activités.—Compléter
le
marchéinterne
relativementétroit
parla demande
externesdes
produitsindustriels.
—.
Augmenter les
sources propresdu dynamisme du
système etdiminuer
sa vulnérabilité et sadépendance.
—.
Elever l'approvisionnement
enbiens
et servicesde base
ainsi queles
opportunitésd'emploi
pourla
population marginale (16).Tous
ces problèmesétant posés,
nous allons maintenant procéderà l'étude
concrètedu
cas vénézuélien;
commele
secteur externe revêt un rôleimportant dans le
pays comme nousle
verrons, il nous semblejustifié de
commencer parétudier
sonévolution.
II. L'EVOLUTION DU SECTEUR EXTERNE 1950-1964
Avant d'entrer dans le détail,
voyonstrès brièvement
quelle furentles
grandeslignes d'évolution de l'économie
vénézuéliennedepuis
ledébut de
ce siècle.1. L'économie
Au
coursdes
premièresdécades
apparaissentles éléments fonda
mentauxde la transformation
structurelledu
pays. Sommairementils
peuventêtre
résumés ainsi :(15) Ouvragecitéd'ANIBAL PINTO.
(16)
Il s'agit enfait
dedépasser
la forme nouvelle de dualisme écono mique qu'imposedans
le modèlede
substitution l'industrialisation naissante.100
REVUEALGERIENNE—
l'économie
accentue saliaison
avecle
marché mondial, dont elledépend de
plus en plus pour ses exportationsde
produits agricoles, alorslargement
prédominants.—■
Allant de
pair avecle
phénomèneprécédent,
on assisteà
un renforcement dela
propriétélatifundiste
audépens des terres du
domaine public(1.7).
—• puisphénomène nouveau,
les
exportationsde
capitalétranger
sedéveloppent à
un rythme rapidedans
deuxdirections,
cellesdes
concessions pétrolières et
de l'industrie légère.
L'économie vénézuélienne apparaît alors comme
toujours
soutenu par un système global-rural latifundiste et agropastoral maisdans
une dépendance croissante visà
visdu
marché,international. De
plus cettedépendance
setrouve
nécessairementliée à
un autreélément
: l'orga nisationdu
pays enfonction d'une
zonedestinéeà
absorberles
excédentsde
capitaux età
fournir aux nations métropolitaines une matière premièreirremplaçable
:le
pétrole(18). La
structureéconomique
devient alors plus complexe en effet.—■
Sur
ce système rural latifundiste et exportateur se greffe sans en modifier aucunementles
relations productives, un secteurétranger
possédantune
technologie
plus avancée, et qui en peude
tempsdevient
l'industriela
pluspuissantedu
pays.L'impact
etles transformations
successives que ce phénomèneimprime à l'organisation
existante vontdevenir dès lors
l'aspectfonda
mentaldu développement économique
vénézuélien (19).Surtout à
partirde la grande crise.
Si
le
taux decroissancede l'économie du
pays nefut
pasnégligeable entre deux guerres,il
ne peut se comparer au véritable « boom » que connaitl'économie à
partirde
1950.L'accroissement
du produitdomestique brut
durantla
période 1950-1958fut de 8 %
en moyenne,les facteurs dynamiques de base étant
les exportationsde
pétrole età
un moindredegré de fer. L'impulsion dynamique du
secteur externe permit un accroissement considérabledes
importations annuelles del'ordre de 9,3 %
en moyenne.D'autre
part le tauxde
croissance del'investissement
brut fixefut
7,7%
alors que celuide
la consommation(17) F. BRITO FIGUEROA— «Historiaeconomicay socialdeVenezuela»
tome II on trouvera dans l'ouvrage un historique détaillé de la lutte entre les compagnies pétrolières et les gouvernements. Les conditions de la réforme
de la loi de1921surleshydrocarburesetlesmines.
(18) On verra, SALVADOR DE LA PLAZA «La economia peîrolera y minera de Venezuela» dans «Perfiles de la economia
Venezolana,
volumecollectif Caracas 1963. MAZA ZAVALA : Una economia
Dependiente,
lèmepartie. Université
Centrale
du Venezuela Caracas 1964.(19) Voir F. BRITO opus cité, conclusion de la 1ère partie.
ÉTUDES 101
par
tête
atteignit4 %
en moyenne pourla
période considérée.On
peutdire
que cetteéconomie était
caractérisée par une expansiondirigée de l'extérieur
s'apparentantà la
première phasede développement de
l'Amérique Latine
phasedite de
« croissancedes
exportations ».A
partirde 1957 trois facteurs
allaient modifierla tendance
ascendante du
secteur externe(20).
—■
Une
croissance moins rapidedes
exportations.—
Une détérioration des termes de l'échange
résultantde la
chutedes
prix réalisés (21).—
L'augmentation de la
valeur unitairedes importations.
Ainsi les
exportations en volume augmentèrentà
untaux
annuelde 0,4 %
en 1958-1964 alors quedans la
même période leur valeur unitairebaissait de
prèsde 22 %. Quant
au volumed'importation,
ildiminue de
prèsde 40 %
entre1957
et1964, la
valeur unitairede
cesmêmes
importations
augmentedangereusement
puisquel'indice
passede 122,9
en1957 à 155,7
en1963, 1948 étant l'année de base.
A cela s'ajoutel'effet
perversdû à la
sortie considérablede
capitaux entre1959
et1961
résultantdu désinvestissement dans l'industrie
pétrolière auquelil faut
ajouter unefuite
massivede l'épargne
nationale provoquée parle
climat incertain régnant alorsdans l'économie. Cette
crisedu
secteurexternepeuts'apprécierà deux
niveauxceluide
l'activité d'une part, celuidu
revenud'autre
part.L'investissement dans la
construction, l'une des
activitésinternes
principales du paysbaissa de
plusde
26%
(22). L'investissementdans le
secteurdes biens
d'équipementfléchit devant la
contractionde la demande.
Ces fluctuations du
niveaude l'investissement
amenèrent unebaissedu taux de
croissancede la
consommationtotale
quifut
aggravée par les restrictions d'importations debiens de
consommation duesà
une capacité d'importation réduite (23).(20) Voir Economie survey Latin America 1954.
(21) Les prix réalisés sont définis comme le quotient entre le revenu vénézuélien en dollars U.S. des ventes de pétrole d'une année donnée et
les produits pétroliers exportés par
le
pays durant la même année. Les variations peuvent être dues aux fluctuations des prix mondiaux ou aux changements dans la composition des exportations de pétrole brut et produit pétroliers.(22) Voir CEPAL opus cité.
(23) On retrouve ici un problème essentiel dans les pays semi-industria-
lisés : la proportion importante de « Wage - Goods » dans le montant d'importation. Une modification des prix relatif
due,
soit à unedévaluation,
soit aux restrictions quantitatives se répercute directement sur
le
niveau de vie demasses laborieusesc'est à ce prix quel'onachète l'amélioration à court terme de la balance commerciale, même quantle
taux de change est surévaluéVoir A. PINTO opus cité.102 REVUE ALGERIENNE
Il n'est pas nécessaire d'insister sur
les
rigiditésde l'offre locale à
court
terme. Aussi de
nombreuses tensions inflationnistes sefirent jour
et
la
conséquenceimmédiate de la
crise,fut
une décélérationdu taux de
croissancedu
produitdomestique brut à
moinsde la
moitiéde la
moyennedu taux
enregistré en 1950-1957 ; soit 3,6%
en1958-1961
contre8,3,
encore quel'année 1959,
atteignit exceptionnellement7,9 %,
on verra plus
loin l'explication de
cette anomalie, en attendant on retiendra quela
crise aurait pu avoirdes
conséquences plus graves si des mesuresde
politiqueséconomiques
n'avaientété
prises et surtout quela
croissance rapide des années cinquante avait permisla
créationd'une
structurede
productiondouée d'une
substitutiond'importation
potentielle quele
gouvernement pu mettre en œuvre,à travers
ses mesures de politiqueséconomiques
entre 1958 et 1961.Enfin dès 1962 onnote
des
signesde
reprisestrès
nets-de
nouveauxfacteurs
allaient stimulerla
croissance.Tableau n° 1. — Taux de croissance annuels cumulés du produit national brut et du revenu réel.
Produit Revenu
(1)
ProduitRevenu
Période domestique
brut
réel Populationdomestique
brut
réelTOTAL T E T E
1950-58
8,3
7,74,0 4,3 3,7
1958-64 5,1 5
3,6 1,5
— 0,71958-61
3,6
2,23,6
—. —14
1961-64
6,6 4,8 3,5 3,1 1,3
1961-62
6,3 4 3,5
2,80,1
1962-63 5,9 1
3,5
2,41,6
1963-64
7,7 5,8 3,5 4,2 2,3
Nous
allons après cebref
aperçu aborderl'étude détaillée de révolution
dela demande
externe.2.
L'évolution
de lademande
externe :On observe une croissance rapide
des
exportations vénézuéliennesdurant la
première moitiéde la décennie
1950-60 accentuée par une relative stabilitédes termes de l'échange,
ce qui permetde
maintenir untaux d'accroissement
annueldes importations de 7,9 %. Donc
au cours de cette périodefavorable, les
gainsd'exportations
suffirentà
(1) Revenu réel : Produit brut — Termes échange. Source
Survey
ofLatinAmerica,
1964.Economie
ÉTUDES 103
payer
les biens importés
età
couvrirles intérêts
et profits surles investissements étrangers (24).
En 1955
et1957, le
pouvoird'achat des
exportations augmente en valeur et passede
1,615 millionsde dollars
en1955 à 2,034
millionsde
dollars en1957
soit un accroissement en valeurde
prèsde
26% (voir tableau
n°2). Durant
cettepériodel'intensification de l'activité
etde l'investissement dans
l'industrie pétrolièreimplique
une contrepartie sousforme de transferts
accrus que constituentles intérêts
et profits sur investissementsétrangers
soit718,1
millions dedollars
pour1957
contre une moyenne annuellede 389
millionsde dollars 1950
pourla
période
de 1950-1954. Parallèlement
on observe une expansion considé rabledes importations
qui augmententde
56%
entre1955
et 1957.Cependant l'accroissement du
pouvoird'achat des
exportations ne put empêcher une détériorationde la balance des
paiements courantsdont le déficit fut financé
par un accroissement considérablede
capitaux nets sous
forme d'investissements directs
etde
prêts au secteur public. On verra annexe n°1
que cela permità
partirde 1957 d'accroître
outout
au moinsde
reconstituerles
réservesmonétaires
du
pays.En 1958-1959, les importations
malgré unebaisse
sensible se maintiennentà
un niveau relativementélevé, la baisse
perceptible des paiements auxfacteurs
externes ne put résorberle déficit
extérieur qui atteignit111
millionsde dollars
en moyenne pourla
période.L'explication
està
rechercherdans la baisse du
pouvoird'achat
des exportations—
de 10,8
entre1957
et1959
qui suitl'ajustement des
prix pétroliers aprèsle
«boom
»de Suez. Ce furent
les réserves monétaires quifinancèrent le déficit jusqu'au
moment où elles setrouvèrent
elles mêmes compromises parles fuites de
capitaux (25).En 1960 la tendance à la
modificationdu
secteur externe se poursuit.—
Les importations
continuèrentà baisser jusqu'en
1962—■
Les
exportations augmentèrentde 17,7 %
entre1960
et1964,
mais
la baisse de leur
pouvoird'achat
estbeaucoup
plusrapide durant lamême période (voir
tableau
n°2).
Les
sortiesde
capitaux, amorcés en1959,
s'aggravèrent en 1960-1961.Le
processusde désinvestissement dans l'industrie
pétrolière pritdes
proportions alarmantes :(24) C'est l'exemple typique d'une croissance du revenu national basée sur des facteurs externes : modèle de croissance transmise de l'extérieur : Voir
les
analyses des schémas néo-classiques de croissances transmises dansM.
BYE : Relationséconomiques internationales,
Dalloz Paris 1955.(25) On trouvera des analyses plus détaillées
de
la conjoncture dans les divers mémoires annuels de la Banque centrale du Venezuela, surtout1960, 1961,
1962.1C4
REVUE ALGERIENNETableau n" 2 Evolution du secteur externe (Millions
de
dollars 1950)S1*
g.*
+3 <D
«3 ° ta
W hé Û) ri
S
tu a) ta
•a
S 3
>ta tu .<u
S
cl
<
C,S H eu ta
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H5 ^3
SB as
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S
S
tua "S
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■S "=
as -u.
+» 0) t-t
S,
riOh T3
^1
a MB S
J3IS'50 1.164*1 ,
1.164,1
— 392,4 — 11,7760,0
1955 1.733,0 —
117,6
1.615,4 —495,8
— 8,0 1.111,61956 1.980,9 —
191,7 1.789,2
— 614,0+
56 1.231,21957
2.231,3 —197,3
2.034,0 — 718,1+
418,0 1.733,9 1958 2.119,9 — 237,5 1.882,4 —448,9 + H4,8
1.548,3 1959 2.204,0 —389,7
1.814,3 — 394,2+
103,21.523,3 1960
2.348,9 — 573,8 1.775,1 — 382,5 — 307,41.085,2
1961 2.192,1 —332,0
1.880,1 —429,9
— 337,0 1.093,2 193'2 2.561,5 — 723,51.838,0
—466,0
— 262,8 1.109,21963 2.664,7
—810,5 1.854,2
—459,8
—408,6 985,8
19642.765,9
—854,6 1.811,3
—521,1
—217,6
1.072,6Source : Economie
Survey
of LatinAmerica, 1964,
p. 1.14.La baisse
des paiements auxfacteurs
externesde
production fut alorsimpuissante à
enrayerla tendance défavorable du
secteur externe.Aussi
le
gouvernement setrouva
devant la nécessitéd'adopter des
mesuresde
restrictiond'importation
etde
modifier leur composition, le renversement positifdu
compte courant lui permitde faire face
aux sortiesde
capitaux. Pourillustrer
cesphénomènes,
nous donnons en annexe untableau
retraçantl'évolution du
rapport entreles
prix etle
volumedeséchanges de
marchandises(voir Annexe
1 B). Onremarqueral'année de base étant 1948
- quela
capacitéd'importation de
l'économie vénézuélienne est passéede
172,2 en1959 à
118,2 en1962. Les
prixà l'exportation
sont passés de110,1
en1959 à
77,2 en1988,
enfin queles prixà l'importation
passaientde
137,5 en 1959à 159,2
en1982.
Le résultatflagrant de la
crise est une chutetrès
sensible du coefficientd'importation
(26). Ainside
27,2% (27)
en1959, il descend à
15,3%
en 1964 et cela malgré une vive reprise.Nous
verrons plusloin
que cettebaisse
s'explique parde
substantiels changements structurels qui caractérisent l'évolution de l'économie
pendant cette période.Il nous reste
à
voir maintenant qu'elle aété d'une
manière plus précise,l'évolution des
recettesdu
secteur pétrolier.On
remarque queles
recettesd'exportation
augmentent régulièrementdepuis 1950.
Si(26) 'Coefficient d'importation = volume des importations. Sur produit
domestique
brut.(27) Il s'agit des
importations
debiens
et services, les biens seuls donneraient respectivement20,8%
et 11,4%.ÉTUDES 1015
l'on
exceptel'année
1959(Annexe
n°2). De
plusl'investissement
netétranger devient
considérable en1956
et1957,
respectivement1.189
et2,481
millionsde bolivars
en prix courants.Cependant il
existe unefraction du
revenu pétrolier quijoue
un rôle considérabledans l'économie
vénézuélienne, ce sontles
« return values » ou valeurs en retour, constituées parles dépenses des
compagnies pétrolièresdans le
pays, sousforme de dépenses
ordinaires, paiements au gouvernement pour concessions,taxes
et royalties.En 1957 (voir Annexe
n°2) le
montant
de
ces valeurs en retour atteignait5.790
millionsde bolivars
courants(28)
contre2.471
en1952. Aussi la demande (29) directe était
presque entièrementinduite
parle
secteur pétrolierde l'économie
vénézuélienne et son accroissement entre1952
et1957 fût de 130 %,
lepoint culminant
de l'évolution étant 1957
avec un montant(30) de 5.790
millionsde bolivars.
Par contreil
se produisit unebaisse
sensiblede
cettedemande
en1958
qui plafonna ensuite autourd'une
moyennede 4.800
millionsde bolivars. Le
résultatimmédiat fut
unediminution de la
participationde la demande induite du
secteur pétrolier(31) dans
le
revenu national ainsi qu'entémoignent les
chiffres suivants :La demande induite du
secteur pétrolierdans le
revenu national1957 1960 1963
34 % 25 %
22%
Source : Economie
Survey
of LatinAmerica,
1964.Ce fait
soulignela
perted'importance du
secteur pétrolierdans la
croissancedu
revenuinterne jusqu'en 1958. La demande induite
par ce secteurétait le facteur dynamique
moteurde l'économie
agissantà la fois
surle
niveaudes dépenses
publiques et surl'économie
nationalepar ses propres achatsinternes. Son déclin à
partirde 1958
provoqua une(28)
En '1957 1 dollar - 3,09 BoUvars.(29)
Le CEPAL a établi un modèle pourle
Venezuela sous formeadéquations
linéaires gouvernées par une variable indépendainite exogène : le revenu des exportations du secteur extractif. Elle démontre que toute la structure du compte courant extérieur est déterminé par le cours des exportations.
A. ce sujet « El Desarrollo de l'écoiroinia Venezolana en El Ultimo Decenio» B.E.A.L. Vol. 5 n° 1 1960 Santiago - Le modèle est en outre commenté par le Prof. MAZA ZAVALA de l'Université centrale de Caracas dans son
livre
«Problèmes de l'économie extérieure du Venezuela» Editions del'Université, Caracas
1962.(30) Cette demande
est gouvernée parles
valeursde
retour plus les autres dépenses au Venezuela ».(31) Voir
l'étude
citéede
la CEPAL 1964.|1©6 REVUE ALGERIENNE
détérioration de la
situation extérieuredu
pays qui se répercutasurles
variables
internes
stratégiques commela
consommation etl'investis
sement, puisfinalement
surle
niveaude
l'emploi et ladistribution des
revenus. La reprise
de
1961 allaitfaire
surdes bases
nouvelles ; une réallocationdes
ressources, et une reconversionde
l'économieà
partirde
facteurs stratégiquesinternes.
Dans cette nouvelleétape la
substitution joue
un rôlefondamental
que nous étudierons plusloin. Voyons
maintenant l'évolution
de
lademande interne.
3.
L'évolutionde la
demande interne : a) L'investissementComme
on s'endoute les fluctuations du
secteur externe se répercutent surle
niveaudel'investissement
(32). Ainsientre1958
et1961, l'investissement
total a diminuéde
près de 30%
par suitedes
change ments intervenusdans l'économie
en1958
dufait de la
crise.Il
reprit sa progression en1961,
avec untauxd'accroissement de
7,6%
entre1961
et 1964 (33). Durant
la
période1950-1958, le
coefficient d'investissementbrut
fixes'élevaità
25%
en moyenneavec despointesde 30 %
commeen
1952-1954.
En 1958-1961l'investissement fixe diminua,
alors que letaux de
croissancede la
productiondomestique descendit
aux alentoursde
3,6%, le
coefficient d'investissementfixe
sefixa
alors autourde 15,3 %
jusqu'en1962
pour remonterà 16,1
en1963
et 17,3 en 1963-1964.L'observation
du tableau
n°3
nous amèneà
certainesremarques : Lorsde la
reprisede
1961-1962le
coefficientd'investissement fixe
ne retrouve pasles
niveaux atteints entre 1950 et1958.
Il estétrange
qu'une chute aussi
brutale du
coefficientd'investissement fixe
n'aitpas entraîné une contraction profonde
du
revenu etde la
productiondomestique.
Commele
souligne,l'étude
citéede la OEPAL, il
estpourle
(32) Cependant on notera que suivant le niveau de développement la liaison est plus ou moins prononcée. Ainsi A PINTO montre que pour le Chili il y a eut
divorce
entre évolution du secteur externe et évolution de l'économie interne dans les périodes 1950.1954 et 1955.1959 et 1953.1963 ce qui contraste avec l'opinion courante qu'un secteur externe favorable et un flux meilleur d'équipement productif importé favorise ledéveloppement.
Sans pour autant soutenir l'inverse : il faut noter qu'à un certain stade ii n'existe pas de liaisons causales, directes et simples entresles différents
éléments contrastés. Dans le cas du Chili parvenu à un stade de développement plus avancé que le Venezuela cela s'explique par lefait
que certaines variables internes ont un poids principal dans ledéveloppement
national.La dissociation entre les deux
éléments
commentés peut s'expliquer par le faitque le système économique dépend moins que par le passé del'extérieur,
donc qu'une expansion ou une amélioration de ce commerce n'est pas une condition suffisante pour dicter le rythmede
l'activité productive interne.Pour le Chili cette hypothèse s'ajuste à la logique
interne
d'un modèle de«Dessarrollo Adentro» car ce sont les influences de la demande publique et privée du pays et non celles de l'extérieur qui sont décisives pour la dynamique du système ce qui ne veut .pas dire que le Chili pourrait parvenir à un taux confortable de croissance avec un secteur externe défavorable.Voir A. PINTO : Chili : Una Economia dificil 20 à 32.
(33) L'investissement avait annuellement progressé de 7,6
%
en 1950-1958.ETUDES ■107
TableaunD 3—Valeursdu coefficientd'investissement
brut
fixeen pourcentage-*j +j -4-3 -*^>
a a -M «3 a G a
0> tu <U -*-a o <D tu
ta
S j S
W cifl> +JS
oB
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a
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taCD ^> >
S
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S d
O
c S>H M t-t n
1950
28,3 27,1 10,5 16,6 8,6
18,51955 29,6 28,3 10,5
17,89,0 19,3
1958 27,4
25,89,6 16,2 10,9
14,91959 27,6
26,4 9,8 16,69,0
17,41960
17,8 18,9 6,0 12,9
8,3 10,61961 17,1 15,8
5,2 10,6 5,8 10,01962 17,2 15,3 5,6 9,7 4,6
10,71963 15,9
16,1 5,5 10,64,8
11,21964 17,6 17,3 5,9
11,4 5,2 12,1Source: Economie SurveyofLatinAmerica 1964.
moins paradoxal que
l'économie
ait pu maintenirà
partirde 1961
untaux
annuelde
croissancede 6,6 %
pour un coefficient d'investissementfixe
réduitde
moitié.L'explication
sembleêtre la
suivante :—
les
années 1950-1958 se caractérisent pardes
investissements privésimportants dans le
secteur pétrolier(34)
ainsi que parla
parti cipationélevée de l'investissement
publicdans l'investissement
total.Ce
qui expliquele
montantélevé du
coefficient d'investissement fixedurant la
période.Parsuite sachutebrutale lors de la
crise proviendrait :—•
du désinvestissement
croissant observé en 1960dans
l'industrie pétrolière (voir2ème ligne de l'annexe
n°2),
—
de la baisse de l'investissement
publicdue à
une réallocation plusefficacedes dépenses
publiques,ainsi quele
soulignele tableau
n°4 la
chute estbrutale, la
politique gouvernementale ayantété de
réduireles investissements
non productifs etd'augmenter
parallèlementles investissements
sociaux etles
investissements ruraux (35). On notera cependant quela
chutede l'investissement
public n'entraîna pas une chute sensibledes dépenses
publiqueselles-mêmes(36). Quant à
l'investissement
privé, sa concentrationdans le
secteur pétrolier a empêché que sa chute aitdes
effets profonds surle
restede
l'économie.(35) Pour une analyse détaillée voir les différents mémorias de la Banque Centrale du Venezuela.
(36)
C'est dans la logique delapolitique antfcyclique.Cependantnousverrons dans la troisièmepartie quelapolitique suivie lors de lacrise eut uncaractère assez orthodoxe. On préféra parfois la stabilisation avec tout ce qu'elle comporte à une politique de modification de structures, ici se pose le problème du diagnostic que nous aborderons plus loin et qui peut se définir ainsi : Quelles sont les causes réelles de la crise ?Tableau n° 4 — Produit
brut,
Revenu réel, consommation et InvestissementRUBRIQUES
Produit
brut
Revenu réelInvestissementTotal
Fixe
Machines Equipt Constructions
Publique Privé
Consommation totale Publique
Privée
Export,
de biens
et commerce TourismeImport, biens
et servicesSource
18»
12.217 13.477
3.457
3.315 1.2862.029 1.055
2.2608.136
1.6536.483 4.015
3.391
1958
23.166 24.417 6.338 5.987 2.233 3.734
2.530 3.457 16.405
3.419
12.9867.341
6.918
1959
24.991 25.681
6.980
6.601 2.442 4.159 2.2444.357
17.301 3.14214.159 7.612
1960
25.346 25.346 4.406
4.797
1.521 3.2762.107 2.690
17.562 3.544 14.0188.112
6.812 4.838
1961
25.777
26.083
4.406 4.082 1.339 2.743 1.510 2.572 18.0723.629 14.443
8.1614.862
1962
27.399 26.978 4.700 4.188
1.529
2.659 1.2552.933 18.796 3.507
15.289 8.8584.955
1963
29.021 28.347
4.613
4.661 1.5753.086 1.397
3.26419.657
3.968 15.6699.175
4.404
1964
31.245 29.977 5.492 5.407 1.855 3.552 1.621
3.788 20.950 4.063 16.887 9.593
4.790
Economie
Survey
of Latin America 1964.ETUDES
109
La
structurede
répartitiondes investissements
par secteursillustre bien
cesdifférentes
modifications.Tableau n" 5 — Composition de l'Investissement brut par secteur
SECTEURS 1950
1958 lffi'9 1980 1961 19IS2I
1903'1964
Agriculture
Industrie
Manufacturière
....Autres
secteurs10.0 211.1 7.0 fil.®
10.5 18.1 12,6 58.8
lil,j2'
15.3 13U2 5'9'.3
I6.81 12.1
15L5 55.6
18.6
10.214,8 '56.4
118.7 9.8
16.2, 56.4
18.1 9.5 15.9 50.5
Source : Banque Centrale
du
Venezuela : Mémoria—
A
savoir :Une
chutede l'investissement
pétrolier—
La
volonté gouvernementaled'investir dans les
secteursde base de l'économie (37).
En 1964, l'investissement
pétrolier ne compte plus que pour undixième de
l'investissementbrut fixe
contre un cinquièmedans la
période
1950-1958.
De
son côtél'agriculture
voit sesinvestissements
augmenterconsidé rablement ainsi quel'industrie. On
peutd'ores
etdéjà
avancerl'hypo thèse
quela
reprisede l'économie
vénézuélienne en1961
estdue à l'accroissement
relatifdes investissements dansl'agriculture
etl'industrie
qui contrebalancèrent
la
chutedu
coefficient d'investissementfixe.
A cela
il faut
ajouter quele
surinvestissementdans le
secteur pétrolierdes
années précédantla
crise avait permisla
créationd'une
capacité excédentairede
production ce qui explique qu'une baissedes investissements dans
ce secteur n'eut guèred'effet
surle
montantde la
production d'hydrocarbures qui putfacillement
satisfairela demande (38).
Enfin
la baisse du taux de
croissancedes
secteurséconomiques
nationauxfut
moinsbrutale
que celledu
coefficientbrut d'investis
sement.Cette baisse fut d'ailleurs
compensée par unemeilleureutilisationde la
capacité existante.b) La
consommationdomestique
Comme l'investissement, la
consommationdomestique
subità
partirde 1958 les
contrecoupsde
l'évolutiondéfavorable du
secteur externe(37) Voir
à
ce sujet les différents messages annuels du président de larépublique.
(38) Voir : Mémoria DelMinisterio de Minase Hydrocarburos. 1961.