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LES GRANDS ENJEUX ECONOMIQUES MONDIAUX

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Academic year: 2022

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Marc Ladreit de Lacharrière

LES GRANDS

ENJEUX ECONOMIQUES MONDIAUX

Fondateur etprésident de Fimalac, Marc Ladreit de Lachar- rière est aussi président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France. A ce titre, il a donné récemmentun entretien au«Figaro»dans lequel illivra it son analyse des principalespréoccupations de l'heure: l'attitude de plus en plus dirigiste de la Commission européenne, les risques d'OPA qui planent sur nos grandes entreprises, l'in- quiétude qui grandit àpropos des relations économiques franco-chinoises, les attaques plus pernicieuses que raison- nées contre le Gatt, les tentations protectionnistes des Etats- Unis, enfin, les conséquences de l'instabilité monétaire inter- nationale. Ce tour d'horizon est d'autant plus significatif qu'il vient d'un acteur de notre vie économique et qu'il découle d'une expérience concrète.

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1VES MESSARÜVITCH. - Quepensez-vous de l'action menéepar les« Eurocrates )) bruxellois dans le domaine industriel?

MARc LADREIT DE LACHARRIERE. - Il n'est pas toujours facile pour l'administration européenne, qui doit se prononcer en

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permanence sur des problèmes complexes, d'appréhender leur réalité. Désireux sans doute d'accomplir leur tâche dans les meilleures conditions, les fonctionnaires bruxellois ont tendance à avoir une vision extensive de leurs pouvoirs et à s'exprimer sur des projets selon des critères établis par eux, et parfois en dehors même des réglementations existantes. Je ne reviendrai pas sur l'affaire du rachat par Aerospatiale du constructeur canadien De Haviland, car elle est, hélas! du domaine du passé. Mais je prendrai comme exemple un dossier actuel, l'acquisition de Perrier par Nestlé.

L'absence de réaction vis-à-vis de l'attitude de Bruxelles m'étonne.

Un bref rappel des faits: au nom du respect de la concurrence, Bruxelles exige de Nestlé la vente de certaines sources françaises à un groupe déjà présent de façon significative dans l'agroalimen- taire. Là aussi, je me sens investi d'un «droit d'alerte »,car jamais, en France, même dans les périodes les plus dirigistes et les plus contraignantes pour les entreprises, de telles conditions ont été posées préalablement à une transaction. N'est-ce pas un collègue de sir Leon Brittan qui s'est écrié: «Je n'aurais jamais cru que c'est moi, le socialisteflamand, qui reprocherait au libéral britannique de mettre en place un système d'économie administrée... »

- Quellespeuvent être les conséquences d'une telle attitude?

- Elles sont graves, pour trois raisons. On constate dans ce cas un nouvel exemple de ce que Valéry Giscard d'Estaing appelle

«la dérive des compétences communautaires», sans cesse élargies à de nouveaux domaines non prévus par les traités, avec une part imprévisible d'arbitraire. De plus, la Commission, en toute liberté, crée du droit elle-même et se l'applique ... au cours de négociations, ce qui rend totalement aléatoires les discussions que l'on a avec elle.

Ensuite, le principe de subsidiarité, lequel prévoit que Bruxelles ne devrait s'intéresser qu'aux problèmes qui ne peuvent pas être réglés par les Etats membres, n'est pas appliqué: sir Leon Brittan a indiqué que seul le marché français était concerné. On ne comprend donc pas pourquoi ce n'est pas la Commission de la concurrence française qui a instruit ce dossier. Enfin, imposer une sorte de « droit d'agrément » en décidant que la Commission ne donnera son accord aux cessions envisagées que si l'acquéreur est déjà présent de façon significative dans l'agroalimentaire m'apparaît

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être une mesure dont on n'évalue pas assez les effets négatifs. Au nom de quel critère et de quel droit peut-on dire que seul un groupe agroalimentaire peut développer le marché des eaux minérales? Si une disposition aussi léonine avait été appliquée il y a vingt ans, Antoine Riboud quittant l'industrie du verre n'aurait pas pu jeter les bases du premier groupe agroalimentaire français, BSN se voyant refuser l'autorisation d'acquérir Kronenbourg au motif qu'il n'était pas spécialiste du secteur...

Il importe donc de rester vigilant et d'user du«droit d'alerte»

chaque fois que Bruxelles envisage de prendre des décisions critiquables.

- Les grandes entreprises françaises ont-elles leur capital suffisamment protégé face à l'attitude agressive de leurs concur- rents étrangers?

- Historiquement, nos grands groupes, l'Air liquide, Lafarge- Coppée, BSN ou Saint-Gobain, par exemple, n'ont pas un capital totalement verrouillé et il n'existe pas en France un système de protection à l'allemande, s'appuyant sur la forte participation des banques au capital des entreprises. Ces groupes sont donc soumis potentiellement à des risques d'üPA pouvant provenir de grands groupes américains, voire japonais. Dans un souci de défense de ce qu'Antoine Riboud appelle Il les cathédrales de la France )), il est important que ces groupes puissent conserver leur indépendance de gestion.

- En quoi cette indépendance peut-elle être atteinte?

- Une üPA agressive peut conduire à remettre en cause tout ce qui est fondamental pour l'entreprise. Par exemple, si l'état-major ou certaines directions sont progressivement transférés dans le pays propriétaire, ce sont les centres de décision qui quittent ainsi la France; si les nouveaux centres de recherche ne sont plus installés en France, c'est la matière grise la plus essentielle pour l'avenir de l'entreprise qui est, là aussi, délocalisée ; si de nouvelles usines sont installées en dehors de la France, c'est l'emploi qui va encore se dégrader et ce sont les devises résultant de l'exportation qui vont nous manquer. Il importe donc de rester vigilant et d'exercer, si la nécessité apparaît, un « droit d'alerte ». J'ajouterai que, comme

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entrepreneur, je m'assigne le même devoir et je suis prêt à contribuer, avec d'autres, et si les circonstances l'exigeaient, à la défense de l'identité de telle ou telle grande entreprise.

- Cette attitude est-elle encore conciliable avec la construc- tion européenne?

- Ce n'est pas être opposé à l'Europe que d'être partisan d'une industrie française qui conserve son identité et ses valeurs. Bien au contraire. Mais attention, protection et sauvegarde de l'indépendance ne veulent pas dire nationalisme et repli sur soi.Je crois, au contraire, que l'Europe est une chance et que tous les efforts tendant à accroître les convergences dans les domaines économique et monétaire sont bons et doivent être poursuivis.

Le ressentiment de Pékin

- Vous avez été récemment invité par les autorités chinoises en Chine. Vous ont-elles fait part de leur réaction concernant la vente par la France des Mirage à Taiwan?

- Toutes les personnalités officielles que j'ai rencontrées pendant mon voyage m'ont fait part du vif ressentiment que la Chine a vis-à-vis de notre pays. Il m'a semblé qu'au-delà du ressentiment qu'ils ont, ou feignent d'avoir, les Chinois montrent une attitude négative destinée à prévenir des initiatives identiques émanant d'autres pays européens.

- Pensez-vous qu'il y aura des répercussions tangibles pour les entreprises françaises?

- Il devrait y en avoir. La plupart des industriels français à Pékin, avec qui j'ai eu l'occasion de m'entretenir longuement, m'ont fait part de leur inquiétude. Toutefois, celle-ci doit être tempérée en raison du poids de certaines régions, telles que Canton ou Shanghai qui ne suivront pas nécessairement les recommandations du pouvoir central. De plus, il faut savoir que la France est, derrière le Japon, le pays qui accorde le plus de crédits à taux bonifiés à la Chine. On voit mal la Chine y renoncer... Enfin, pour la Chine, sur le plan des échanges, la France est un pays essentiel, notre

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balance commerciale en sa faveur devant s'élever à plus de 10 milliards de francs cette année.

- Que pensez-vous du rôle du Gatt?

- La France est devenue la quatrième puissance commerciale du monde et l'exportation est devenue le moteur fondamental de notre croissance, l'excédent commercial devant atteindre 20 milliards de francs cette année. Le développement du commerce extérieur est ainsi un des seuls créateurs d'emplois. Alors je suis étonné qu'il y ait aussi peu de voix qui s'élèvent en France pour rappeler le rôle majeur du Gatt dans la lutte contre le protectionnisme, son apport essentiel dans l'ouverture des marchés et la croissance des échanges.

N'oublions pas que, grâce au Gatt, les droits de douane qui étaient de l'ordre de 50 % dans les années cinquante sont inférieurs à5 % en moyenne au début des années quatre-vingt-dix. Comment la France aurait-elle pu devenir la quatrième puissance commerciale mondiale si les droits de douane étaient encore de 50%?

Mouche méditerranéenne

- Comment voyez-vous évoluer les négociations du Gatt entre l'Europe, les Etats-Unis et le japon?

- Je ne suis pas très optimiste. L'effondrement de l'URSS, celui de la bulle financière, le prolongement de la crise économique sont des sources de tension. Les affrontements entre ces trois acteurs principaux ne peuvent donc que se développer, ainsi que les tentatives protectionnistes. L'Europe est ouverte, mais elle est parfois entourée de forteresses.

- Comme le japon?

- Il est bon de critiquer le Japon. N'oublions pas, toutefois, que la première raison du succès du Japon est due à sa capacité de travail, à ses investissements massifs, à son effort de recherche, et àsa capacité exemplaire de fabriquer des produits de grande qualité et adaptés àla demande des clients. Mais il est sûr que, d'un certain côté, le Japon est une forteresse, et qu'Alain Gomez, le président de Thomson, a raison de rappeler que c'est le pays qui

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a l'agriculture la plus protégée du monde et qui, tout en sauvegardant les apparences, a mis en place des protections tarifaires qui lui permettent d'interdire ou de retarder l'accès des produits européens au marché japonais. Ainsi, nos fruits et légumes ne peuvent pas être exportés au Japon car ils sont nuisibles à la santé des Japonais en raison de l'actuelle présence en leur sein d'une prétendue mouche méditerranéenne... Il est surprenant que dans le cadre du Gatt le protectionnisme du Japon ne soit pratiquement pas évoqué et qu'on laisse la liberté au Japon d'observer du balcon le pugilat entre l'Europe et les Etats-Unis sans instruire, dans le cadre du Gatt, le procès de ses pratiques anticoncurrentielles.

- Et les Etats-Unis?

- La situation est heureusement différente! Derrière les professions de foi en faveur du renforcement du Gatt, nous devons être vigilants car les sources d'inquiétude sont nombreuses : l'élection de Bill Clinton ne peut-elle être traduite, sur le plan économique, par le recentrage des Etats-Unis sur eux-mêmes après l'hyperlibéralisme du tandem Reagan-Bush? La crispation des débats vis-à-vis de l'Europe en ce qui concerne l'agriculture ne montre-t-elle pas qu'il y a un risque que les Etats-Unis semblent plus disposés à démolir la Pac plutôt que d'être à l'initiatived'une nouvelle avancée dans la libération des échanges, notamment dans le domaine des services: banques, assurances, etc.? L'établissement de droits de douane exorbitants ces jours derniers sur la sidérurgie française, contraire aux règles multilatérales, n'est-il pas aussi un des exemples de la politique américaine qui consiste à protéger d'une manière unilatérale ses intérêts domestiques et qui, de plus, refuse de renoncer - toujours de manière unilatérale - à décider des sanctions commerciales?

Protectionnisme monétaire

- Avez-vous d'autres motifs d'inquiétude dans le cadre du Gatt?

- Hélas! le Gatt ignore superbement le protectionnisme monétaire, en n'abordant pas le vrai problème d'aujourd'hui

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l'utilisation par les Etats de leur monnaie dans la gestion de leur commerce extérieur. Là aussi le Japon est un orfèvre! Que veut donc dire une baisse difficilement négociée de 5%des droits de douane sur cinq ans, quand le dollar ou le yen varient de 15 à 20% par an? L'instabilité monétaire rend ainsi sans effet les concessions douanières arrachées dans le cadre du Gatt...

- Alors où est la solution?

- Pas « mort au Gatt », comme certaines personnalités le préconisent. Ne le jetons pas aux orties. L'isolement pour la France serait source de plus d'ennuis que d'avantages économiques. Mais attention également à un « vive le Gatt » aveugle. Derrière les professions de foi en faveur du Gatt, se cachent dans certains pays des comportements plus nationalistes. L'Europe et évidemment la France doivent être de plus en plus vigilantes: oui pour une Europe

«ouverte » au commerce mondial, non àune Europe «offerte »à ceux qui ne veulent tirer que des avantages du système actuel tout en s'enfermant chez eux dans une forteresse anticoncurrentielle.

Marc Ladreit de Lacharrière

©Le Figaro

Propos recueillis parYves Messarovitch

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