• Aucun résultat trouvé

Les emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu en arabe écrit contemporain

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu en arabe écrit contemporain"

Copied!
32
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: halshs-01658811

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01658811

Submitted on 7 Dec 2017

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

écrit contemporain

Manuel Sartori

To cite this version:

Manuel Sartori. Les emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu en arabe écrit contemporain. Annales

Islamologiques, Institut Français d’Archéologie Orientale, 2015. �halshs-01658811�

(2)

S p e c i m e n a u t e u r

INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE AnIsl 49 - 2015

49 • 2015

islamologiques

Annales

(3)

S p e c i m e n a u t e u r

dossier sous la direction de Monica Balda-Tillier et Adam Talib

Arabic Literature, 1200-1800:

A New Orientation

Monica Balda-Tillier

Adam Talib 3 Introduction

Guy Ron-Gilboa 7 Pre-Islamic Brigands in Mamluk Historiography.

Taqī al-Dīn al-Maqrīzī’s Account of “The Brigands Among the Arabs”

Monica Balda-Tillier 33 L’épuisement d’un genre littéraire ?

Le Ġawānī al-ašwāq fī maʿānī al-ʿuššāq d’Ibn al-Bakkāʾ (m. 1040/1630) Danilo Marino 55 Raconter l’ivresse à l’époque mamelouke.

Les mangeurs de haschich comme motif littéraire Kais Naouali 81 La poésie enchâssée dans la chronique d’Ibn Iyās.

Le cas d’al-Salamūnī (854/1450-apr. 925/1519) Maurice A. Pomerantz 99 An Epic Hero in the Maqāmāt?

Popular and Elite Literature in the 8th/14th Century Adam Talib 115 A New Source for the Poetry of Ibn Maṭrūḥ (1196-1251)

varia

Yūsuf Rā

Ġ

ib 145 Lettre relative à la location d’une chambre au début du iii

e

/ix

e

siècle دوممح ينسح دلاخ 161 برغلما دلاب في ءاسنلا باصتغا ةميرج

م1052-740/ـه443-122

Manuel Sartori 193 Les emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu

en arabe écrit contemporain

(4)

S p

consonnes

e c i m e n

longues : diphtongues :

a

ا ā aw, ayvoyelles

u t

ى ī و

e u

ū

r

autres conventions tā’ marbūṭa = a, at (état construit)

article : al-

et

-l- (même devant les «solaires») ق q

ز

z

ء

ك

k

س s

ب b

ل l ش š

ت t

م m ص

ث

ن n ض

ج ǧ

ـه

h

ط

ح

و w ظ

خ

ى y ع ʿ

د

d

غ ġ ذ

ف f ر r

Le système de translittération suivi par les publications arabisantes de l’Ifao est explicité dans le document téléchargeable sur le site de l’institut:

http://www.ifao.egnet.net/publications/publier/normes-ed/

(5)

S p e c i m e n a u t e u r

annales isl amologiques 49 − 2015

•    résumé

1

Le tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu se rencontre fréquemment dans la presse arabe contem- poraine et les romans. Les grammaires récentes de cet état de langue semblent osciller entre trois valeurs distinctes : conditionnel présent (« il ferait/he would do »), imparfait périphras- tique (« il allait faire/he was going to do ») et conditionnel passé (« il aurait fait/he would have done »). C’est pourtant ces deux dernières interprétations qui semblent le plus souvent retenues avec une lecture contrefactuelle. Cet article se propose de montrer, à partir d’un large corpus de presse arabe contemporaine, mais aussi à partir de réflexions tirées de la linguistique du français, comment le tour arabe kāna… sa-/sawfa yafʿalu, compris en linguistique de l’arabe comme un ultérieur du passé, n’est pas, à l’instar de son homologue français, uniquement passible d’une lecture contrefactuelle. Plus précisément, il s’agira de montrer et de comprendre comment ce tour arabe est en mesure de « dire ce qui ne s’est pas produit », de « dire ce qui s’est irrévocablement produit » et de « dire ce qu’il était possible qu’il se produise, que cela se soit produit, ou non », en insistant notamment sur l’aspect concordantiel d’un tel tour, prouvant que nombre de ses emplois sont en fait des calques depuis les langues européennes.

Mots-clés : conditionnel, contrefactuel, factuel, futur historique, irréel, linguistique contrastive, non-actuel, systèmes hypothétiques, ultérieur du passé.

* Manuel Sartori, Aix-Marseille Univ, CNRS, IEP, IREMAM, Aix-en-Provence, France, manuel.sartori@

gmail.com

1. Dans les citations, je conserve les translittérations des auteurs. Je remercie ici les rapporteurs anonymes

dont les remarques m’ont permis d’améliorer la présentation de cet article.

Les emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu 

en arabe écrit contemporain

1

(6)

S p e c i m e n a u t e u r

•    abstract

The Arabic tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu is frequently encountered in contemporary Arabic press as well as in novels. Recent grammars of this state of language seem to oscillate between three distinct values which are conditional (“il ferait/he would do”), periphrastic imperfect (“il allait faire/he was going to do”) and past conditional (“ il allait faire/he was going to do ”).

Yet the latter two interpretations appear most often chosen with a counterfactual reading.

This article proposes then to show, from a large corpus of contemporary Arabic press, but also from insights from French linguistics, how the Arabic tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu, understood in Arabic linguistics as a future in the past, is not, like its French counterpart, only liable to a counterfactual reading. Specifically, this article will show how this Arabic structure is able to

“say what did not happen”, to “say what happened irrevocably” and to “say what was possible to happen whether it happened or not”, with particular emphasis on the agreemental identity of such a turn, proving that many of its uses are in fact loans from European languages.

Keywords: conditional, counterfactual, factual, historical future, unreal, contrastive linguistics, non-actual, hypothetical systems, future in the past.

* * *

Introduction

Je m’occuperai ici d’un seul tour arabe, mettant en jeu le verbe opérateur kāna et sa-/sawfa yafʿalu comme forme verbale placée dans sa dépendance. Ce tour mérite à lui seul un long développement afin de faire une synthèse de différents emplois, synthèse absente des grammaires dites modernes de l’arabe contemporain

2

ou des quelques études qui en traitent incidemment

3

. Deux études récentes en traitent en revanche exclusivement. Il s’agit, pour une vue synchronique de la structure en arabe écrit contemporain, de celle de Catherine Pinon

4

, et pour une vue diachronique, de celle de Pierre Larcher

5

. Néanmoins, ni l’une ni l’autre

2.  Les grammaires modernes qui mentionnent cette tournure, même en passant, sont : Kouloughli, 1994, 

p. 238 ; Buckley, 2004, p. 562 ; Badawi et al., 2004, p. 369-370 ; Holes, 2004, p. 233 ; Ryding, 2005, p. 449 ;  Imbert, 2008, p. 242, et El-Ayoubi et al., 2010, p. 140-142. Celles qui ne l’évoquent pas sont : Neyreneuf,  al-Hakkak, 1996 ; Schulz et al., 2008 ; Alosh, 2005 ; Corriente, 2002 ; Hassanein, 2006, et McCarus, 2007.

3.  Il s’agit principalement de Abi Aad, 2001, p. 116-117, 159 ; Larcher, 2007a, p. 88, note 17, et Larcher, 2007b, 

p. 602.

4.  Voir Pinon (2015) qui en traitait déjà ailleurs (2012, p. 125-127 et 272-273). Je la remercie de m’avoir 

communiqué son article durant l’été 2015, ce qui m’a permis d’affiner mes analyses sur la question.

5.  Voir Larcher, 2015, dont l’étude prouve que ce tour existait déjà en arabe classique, et que l’on consultera 

sur cette question. Nonobstant, des indices forts dans le cas de l’arabe écrit contemporain tendent à prouver 

qu’il s’agit en fait d’une réinvention de ce tour par effet de calque à partir des langues européennes, ce qui 

sera montré ici.

(7)

S p e c i m e n a u t e u r

de ces études ne fournissent une vue d’ensemble des emplois de ce tour, et notamment pas en arabe écrit contemporain, d’autant que, si seul Larcher indique que l’interprétation de ce tour au conditionnel présent n’est « pas spécieuse »

6

, cette acception est délaissée, voire niée ailleurs.

Je prendrai pour le montrer un premier exemple, particulièrement intéressant en ce sens qu’il présente à deux reprises le tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu. La première fois, ce tour appa- raît de manière liée comme apodose antéposée d’un système en law (cf. infra 2.2.2.2) avec une interprétation contrefactuelle, ce que le français rend par un conditionnel passé. La seconde fois, il apparaît au contraire de manière libre, avec cette fois-ci le sens d’un ultérieur objectif du passé

7

, alors rendu en français par un conditionnel présent :

(1) kāna yumkinunā an nataḥaddaṯa ʿammā qad yakūnu ḥadaṯa baʿda ḏalika, baʿda-mā yaqūlu lahā inna al-markab sa-yaʾtī li-ṣḥiṭābi[sic pour li-ṣṭiḥābi]hā. Kāna yumkinunā an nataḥaddaṯa ʿammā qad kāna sa-yaḥduṯu law anna al-barlamān lam yaṭrudhā, wa-kayfa kānat sa-tamūtu, waḥīda, fī ǧināḥ dāḫil qaṣr rūmānī, ḏāt masāʾ – al-Ḥayāt, 1996.

Il nous était possible de discuter de ce qu’il se pourrait qu’il se soit produit après cela, après qu’il lui a dit que le bateau viendrait/allait venir pour la raccompagner [sic]. Il nous était possible de discuter de ce qui se serait nécessairement produit si le parlement ne l’avait pas chassée, et de comment un soir elle allait mourir/mourrait/est morte/mourut [*peut-être aujourd’hui/demain], seule, dans une aile d’un palais roumain.

Comment comprendre que ce même tour puisse avoir deux interprétations, mais surtout celle au conditionnel présent (mourrait) ? Plus précisément, comment comprendre que l’un puisse « dire ce qui ne s’est pas produit »

8

, tandis que le second peut « dire ce qui s’est irrévo- cablement produit » ? Plus encore, considérons cet exemple :

(2) fa-fī ayy ǧawla aqūmu bihā fī al-dāʾira, aʿrifu annahu fī aqall min niṣf sāʿa yaḏhabu ilā al-makān allaḏī kuntu fīhi, wa-yaltaqī al-nās anfusahum allaḏīna kuntu ataḥaddaṯu ilayhim, wa-yadfaʿu bi-baʿḍ aʿwānihi li-yaqūlū li-ahālī al-dāʾira inna wuǧūdī ġayr marġūb fīhi, ilā ǧānib taḫwīfihim minnī, wa-mā urīdu an aʿrifa minhu, iḏā lam ataraššaḥ hal kāna sa-yaḫūḍu fī al-intiḫābāt am yaktafī bi-tazkiyat al-ḥizb lahu ? – al-Maṣrī, 23 novembre 2010.

6.  Larcher, 2015, p. 208.

7.  Sur la notion d’(imminence)-ultériorité, voir notamment Bres (2008 et 2015), de même que sur les rapports 

entre ultérieur et conditionnel, Bres (2010 et 2012), Bres et al. (éd.) (2012), ainsi que l’ensemble du numéro  spécial de Faits de langues 40, 2, 2012, intitulé « Ultériorité dans le passé, valeurs modales, conditionnel ». 

Sur les notions d’ultérieur subjectif et objectif, je me contente de renvoyer le lecteur intéressé à Bres et al. (éd.)  (2012) mais surtout à Bres (2010, notamment p. 219 et 2012) ainsi qu’à Nilsson-Ehle (1943) où prend son  origine la catégorie d’objectif dans le conditionnel.

8.  Voir Pinon, 2015.

(8)

S p e c i m e n a u t e u r

Dans quelque tournée que je mène dans la circonscription, je sais qu’en moins d’une demi-heure il se rend à l’endroit où j’étais, qu’il rencontre les mêmes personnes à qui je m’adressais, et qu’il pousse certains de ses soutiens à dire aux gens de la circonscription que ma présence n’y est pas souhaitée, en plus de leur faire avoir peur de moi. Ce que je veux savoir de lui, [c’est] : si je n’étais pas candidate, s’investirait-il dans les élections ou bien se contenterait-il de la recommandation qui lui est faite par le parti ?

Le contexte est là encore sans ambiguïté : en introduction, il est rappelé que Ǧamīla Ismāʿīl, interviewée par le journal, est membre du parti al-Ġad et qu’elle a décidé de se présenter comme candidate indépendante aux élections de la circonscription de Qaṣr al-Nīl, élection qui l’opposera au député sortant et candidat à sa propre succession, Hišām Muṣṭafā Ḫalīl.

Le journal rappelle par ailleurs que la candidate accuse ce dernier de la poursuivre et de faire en sorte que les gens aient peur d’elle. C’est dans ce contexte, qui indique donc clairement que les élections n’ont pas encore eu lieu, que la candidate s’exprime et s’interroge sur ce que son opposant ferait si elle n’était pas candidate, laissant entendre qu’il ne battrait pas le pavé à la recherche de voix mais se contenterait de sa situation au sein du parti pour lui assurer la réélection.

Dans cet exemple, où l’on notera au passage que kāna sa- est en facteur commun des deux verbes, il ne peut en conséquence s’agir d’un irréel du passé qui aurait été marqué par law, ni d’un potentiel, mais bien d’un irréel du présent

9

: ce que fait la candidate, c’est poser une question rhétorique à valeur de négation, où « si je n’étais pas candidate (mais je suis candidate), s’investirait-il ? » indique qu’il ne s’investirait pas (mais il s’investit car contraint par sa candidature à elle). Or s’agissant d’irréel du présent, il n’est plus question de « dire ce qui s’est irrévocablement produit », sans pour autant « dire ce qui ne s’est pas produit ».

Comment donc rendre compte des valeurs et des emplois de kāna… sa-/sawfa yafʿalu, dont les sens semblent si distincts ? Pour répondre à cette question, cette étude se basera tout d’abord en synchronie sur des textes arabes contemporains

10

réputés, ou reconnus comme relevant de l’arabe standard

11

. Elle s’appuiera ensuite sur une approche de linguistique contrastive avec celle du français. Je me baserai donc en partie sur les linguistes traitant notamment du conditionnel français, car, comme je le montrerai, le tour arabe kāna… sa-/sawfa yafʿalu s’y rapporte.

9. Pour mémoire, iḏā apparaît en arabe écrit contemporain tout autant pour exprimer le potentiel que l’irréel

du présent (cf. Sartori, 2010).

10.

Je me suis servi de l’outil arabiCorpus (http://arabicorpus.byu.edu/search.php) que l’on doit notamment  à Dilworth Parkinson, outil qui permet d’identifier n’importe quel mot sur une large échelle, et ce dans  différents registres (presse, littérature, etc.). Concernant les journaux, il s’agit de al-Ḥayāt (1996 et 1997), 

al-Ahrām (1999), al-Ġad (2001 et 2002), al-Taǧdīd (2002), al-Waṭan (2002), al-Maṣrī al-Yawm (2010) et  al-Ṯawra (sans mention de date).

11.  Il ne sera donc pas fait cas des dialectes où l’équivalent de la structure existe.

(9)

S p e c i m e n a u t e u r

1.  Exposé du problème

La construction kāna… sa-/sawfa yafʿalu présente un muḍāriʿ

12

auquel est préfixé sa-/sawfa marquant le temps chronologique futur, c’est-à-dire l’ultérieur du présent, le tout projeté dans le passé par l’effet de kāna dans le champ duquel il se trouve.

De l’interaction de ces éléments résulte la valeur temporelle d’ultériorité dans le passé : le futur marque un procès dont la borne initiale est ultérieure au temps chronologique de l’énonciateur.

Or ici, comme le futur B est transféré dans le passé A, sa borne initiale se trouve alors être ultérieure à celle de A. Il s’agit donc d’exprimer un procès futur vu à partir d’un moment du passé

13

. L’ultériorité du présent, en tant que futur, s’exprime en français de deux manières. La première des deux se forme à partir du futur simple (ex. viendra) dont le passé est représenté par le conditionnel temporel

14

présent (dit aussi simple) : viendrait

15

. La seconde se forme, quant à elle, à partir du tour périphrastique auxiliarisé du présent prospectif en {va/doit + inf.} dont la forme passée est {allait/devait + inf.}

16

. Nous aurons donc deux formes en français pour rendre l’ultérieur du passé : le conditionnel temporel présent (il a déclaré qu’il viendrait) et la forme périphrastique auxiliarisée de l’imparfait prospectif (il a déclaré qu’il allait venir)

17

.

Que disent les grammaires récentes de l’arabe moderne de ce tour en kāna… sa-/ sawfa yafʿalu ? Si certaines n’en parlent tout bonnement pas

18

, Kouloughli identifie ce tour à un ulté- rieur du passé ou bien à un conditionnel passé (« kāna sa-yaktubu : il allait écrire, il aurait écrit »)

19

.

12.  Pour éviter certaines confusions, dues en grande partie à la dénomination usuelle en français des formes 

verbales de l’arabe en « accompli » et « inaccompli », dénominations qui dénotent des valeurs aspectuelles  et cachent alors les distinctions à faire entre les catégories de temps, d’aspect, de mode et de modalité  (cf. Larcher, 2012), j’emploie ici, pour désigner les formes verbales de l’arabe d’un point de vue strictement  morphologique, les termes de māḍī pour faʿala et de muḍāriʿ pour yafʿal-.

13.  « Le conditionnel est un ultérieur du passé [… qui] place un point dans le passé (dimension déictique), 

à partir duquel le procès est vu […] en ultériorité (dimension anaphorique) », Bres, 2010, p. 217. Pour une  même conception du conditionnel en tant qu’ultérieur du passé, voir également Wilmet, 2001 et Gosselin, 2001.

14.  Distingué du conditionnel modal, qui renforce encore plus la part d’incertitude du procès considéré.

15. Dont les liens avec la forme future de l’indicatif sont évidents, étant formé sur la base du futur simple 

mais avec les terminaisons de l’imparfait. Ainsi « en arabe comme en français, on a un morphème du futur  (-r-/sa-) et un passé (-ait/kāna) » (Larcher, 2007b, p. 602). Sur cette origine du conditionnel en français, voir  entre autres Bres et al. (éd.), 2012, p. 37, et Thomas, 2012, p. 13. Sur le conditionnel français de manière plus  générale, voir Dendale, Tasmowski (éd.), 2001.

16. Résulte alors de l’interaction de aller, qui marque lexicalement une direction ascendante [à savoir du passé 

vers le futur], et de l’infinitif la valeur aspectuelle de prospection, définie comme « l’orientation ascendante de  l’actant sujet vers un acte, plus précisément vers la borne initiale de cet acte », Bres, 2008, p. 1965. Sur la valeur  de prospection, voir Bres, 2005. Une autre périphrase pourrait être citée, celle faisant intervenir l’auxiliaire  {être + sur le point de + inf.} si elle n’était rendue en arabe par des verbes propres à cet usage : kāda et awšaka.

17.

  Cf. Grevisse, 2001, p. 1260, § 859, et Riegel et al., 2004, p. 316.

18.

  Neyreneuf, al-Hakkak, 1996 ; Schulz et al., 2008 ; Alosh, 2005 ; Corriente, 2002 ; Hassanein, 2006,  et McCarus, 2007.

19.  Kouloughli, 1994, p. 238. On retrouve là l’interprétation qu’en donne Pinon (2015) dont le titre indique 

« Dire ce qui ne s’est pas produit : kāna sa-yafʿalu (il aurait fait ; il allait faire/he would have done ; he was going

to do) en arabe contemporain ».

(10)

S p e c i m e n a u t e u r

Il en va de même de Karin C. Ryding, pour qui ce tour marque un irréel du passé

20

, ce qui ne l’empêche pas, elle aussi, de le rendre par « was going to » aux côtés de « would have done » avec les deux exemples successifs : mā kānat sa-taʿrifu al-qirāʾa wa-l-kitāba – She would not have known [how] to read and write et kuntu sa-astaḫdimu šayʾan āḫar – I was going to use something else

21

. Hashem El-Ayoubi et al. présentent ce tour de la même manière, soulignant qu’il est généralement rendu par un hypothétique, leurs paraphrases étant identiques à celles déjà vues : « “Ich wollte gerade zu dir gehen” oder “Ich wäre zu dir gegangen” »

22

. A contrario, Ronald P. Buckley, s’il indique bien que ce tour a le sens de would have en propositions hypothétiques, le comprend ainsi : « “will” in the past (“was/were going to”, “would”) ». Particulièrement, des quatre exemples produits, le premier, tiré du roman Asfār al-asfār de Ǧamāl al-Ġīṭānī

23

, est interprété comme un conditionnel présent : « al-saʿyu llaḏī kāna sa-yanʾā – the course of events which would follow »

24

. De même, El-Said Badawi et al. en parlent comme d’un « calque of ‘was going to do’,

‘would be doing’ » mais n’en donnent que deux exemples tous deux interprétés par allait faire

25

. Clive Holes le présente de la même manière comme « would/was going to » avec l’exemple non-authentique kāna sa-yaʾkulu al-laḥma interprété comme « he would/was going to eat the meat »

26

. Enfin, Frédéric Imbert en parle comme d’un futur dans le passé qu’il identifie à un « futur historique », avec l’exemple non-authentique suivant : kāna sa-yamūtu baʿda šahr « Il allait mourir un mois plus tard »

27

. Certains présentent donc ce tour comme l’équivalent de aurait fait/allait faire et d’autres comme celui de allait faire/ferait.

Il est donc clair que ce tour n’est pas simple, mais aussi que si l’on fait la synthèse de ce que proposent ces auteurs, ceux-ci lui attribuent trois interprétations qu’il est possible de rendre ainsi en français : 1) conditionnel présent (ferait/would do), 2) forme périphrastique de l’impar- fait prospectif (allait faire/was going to do), et 3) irréel du passé (aurait fait/would have done), ce dernier cas étant toutefois propre à Kouloughli, Ryding et El-Ayoubi et al. Le lecteur atten- tif aura compris que la situation intermédiaire de la forme périphrastique n’est pas fortuite : allait faire est en effet passible de deux lectures, l’une au conditionnel présent (ferait), l’autre au conditionnel passé (aurait fait), ce que corrobore Pierre Patrick Haillet qui précise que le conditionnel passé « s’accommode de la glose en “allait + infinitif” »

28

.

20.  « To describe an action that would or could have taken place, but actually did not, the past tense of kaan-a is used with the future tense of the main verb. This is called an unreal condition or a contrary-to-fact 

condition », Ryding, 2005, p. 449.

21.  Ryding, 2005, p. 449.

22. El-Ayoubi et al., 2010, p. 141.

23.  Le Caire, Dār Suʿād al-Ṣabāḥ, 1992, p. 91.

24.  Buckley, 2004, p. 562.

25.  Badawi et al., 2004, p. 369.

26.  Holes, 2004, p. 233.

27.  Imbert, 2008, p. 242.

28.  Haillet, 2003, p. 39.

(11)

S p e c i m e n a u t e u r

Il faut par ailleurs rappeler ici que si le conditionnel passé a une valeur modale (il désigne un irréel du passé), le conditionnel présent a, quant à lui, soit une valeur temporelle, soit une valeur modale

29

, selon le schéma suivant :

allait faire

→ →

ferait aurait fait

→ → →

valeur temporelle valeur modale

C’est peut-être ce qui explique que, concernant cette fois-ci les études, les choses semblent plus tranchées. Ainsi, Albert Abi Aad, tout en reconnaissant à la construction arabe kāna…

sa-/sawfa yafʿalu le sens d’un ultérieur du passé, semble exclure l’interprétation au condition- nel présent de ce tour. Il indique en effet qu’en arabe de presse mā kunta sa-tarbaḥuhu signifie

« ce que vous auriez gagné »

30

, qu’il rend donc par un conditionnel passé (dit aussi composé)

31

. Pinon rejoint Abi Aad, puisque même si elle pose une question : « La structure kāna sa-yafʿalu ne peut-elle pas, comme le français “allait faire” et l’anglais “he was going to do” supporter une interprétation factuelle de type “futur historique” ou encore d’autres valeurs ? », celle-ci est seule- ment rhétorique, dans la mesure où cette auteure précise que « kāna sa-yafʿalu [ interprété comme une même structure] est une construction portant une valeur contrefactuelle », « une forme qui […] exprime par excellence l’irréalisé », et conclut « qu’aucune valeur factuelle n’apparaît dans notre corpus […] Kāna sa-yafʿalu est, au regard de nos occurrences, logiquement et sémanti- quement incompatible avec l’emploi de type « futur historique » du français ou de l’anglais »

32

. Larcher, à la suite d’Abi Aad, propose au contraire de voir dans le fait que kāna sa-yafʿalu corresponde à « il allait faire » la raison de sa possible (j’insiste) interprétation comme irréel du passé (« il aurait fait »). Il indique ainsi que cette forme périphrastique a « une possible inter- prétation contrefactuelle (“ce que tu allais gagner = aurais gagné si…”) »

33

. Toujours prudent,

29.  J’emploie ici la catégorisation de Dendale (2001), qui distingue entre conditionnel temporel et conditionnel 

modal, le premier ayant pour classe de valeur celle du futur du passé, et le second celles de l’éventualité (dont il  sera ici question), de l’emprunt et de l’atténuation (dont il sera question ailleurs). Pour les détails, cf. Dendale,  2001, p. 9. Par ailleurs, la valeur modale du conditionnel découlerait de sa valeur temporelle d’ultériorité,  faisant que « ce qui n’était qu’une inférence dans le conditionnel-temps devient un élément saillant dans les  emplois modaux » (Bres et al. (éd.), 2012, p. 41), i.e. l’expression par la suspension du jugement épistémique de l’éventualité.

30.  Abi Aad, 2001, p. 116.

31.  Ce que le français rend par les formes composées {aurait + Part. passé} et {eût + Part. passé} (parfois appelé 

conditionnel passé de 2

e

 forme).

32.  Pinon, 2015, respectivement p. 366, 373, 374 et 381.

33.  Larcher, 2007b, p. 602.

(12)

S p e c i m e n a u t e u r

il écrit ailleurs : « Alors que le français il allait faire a une interprétation soit factuelle […]

soit contrefactuelle […], l’arabe kâna sayafʿalu semble [j’insiste] n’avoir qu’une interprétation contrefactuelle »

34

.

L’interprétation uniquement contrefactuelle de ce tour arabe serait donc la raison qui empêche une lecture au conditionnel présent de ce dernier. Or, Larcher nous incite à nous interroger, lui qui parle d’« une possible (j’insiste) interprétation contrefactuelle » et écrit :

« La comparaison avec mā kunta tarbaḥuhu (“ce que vous gagniez”) inviterait en fait à comprendre mā kunta sa-tarbaḥuhu “*ce que vous gagneriez” »

35

. Par cette remarque, il indique alors, fidèle à lui-même, l’idée sous-jacente d’un système et donc d’une logique de système…

Il serait en effet assez logique que le conditionnel présent puisse être rendu par le tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu. C’est en effet cette même forme présentant un mixte de futur et de passé (par le fait de placer un futur dans le champ d’un passé) qui le signale dans des langues romanes comme le français ou des langues germaniques. C’est ainsi ce que vient souligner Larcher même s’il n’y croyait pas en 2007, faute d’exemple, mais beaucoup moins depuis

36

.

Faut-il donc jeter le bébé avec l’eau du bain et refuser au verbe B de ce tour, qui marque l’ultérieur du passé, l’acception et/ou simplement la forme du conditionnel présent pour le traduire et le comprendre en français ? Il semble que non. En particulier, la présentation faite par Abi Aad, rejoint par Pinon, sans être fausse, n’est que partiellement vraie en ce sens qu’elle signale le conditionnel passé comme possible expression de l’ultérieur du passé, mais elle est fausse en ce sens qu’elle exclut le conditionnel présent. Larcher quant à lui, dès 2006, n’avait pas totalement exclu qu’il s’agisse d’un conditionnel présent d’interprétation factuelle.

Il semble en effet, ce que montreront les exemples arabes, qu’il faille aussi créditer ce tour d’interprétations factuelle et non-actuelle à côté de celle, contrefactuelle, généralement présentée comme unique dans le cas de l’arabe.

À partir d’une approche de linguistique contrastive, en m’appuyant sur la linguistique du français, et principalement à partir d’une lecture de Jacques Bres, j’insisterai sur la nécessité de distinguer entre ultérieur du passé objectif (ce que je nomme ultériorité factuelle) et ultérieur du passé subjectif (ultériorité non-factuelle). Sous cette dernière étiquette, j’indiquerai alors qu’il convient de distinguer entre non-actuel d’une part et contrefactuel de l’autre, et que seul ce dernier exclut l’interprétation au conditionnel présent du tour en question

37

. Je préciserai encore que le contrefactuel apparaît dès lors très conditionné dans tous les sens du terme. Il s’agit

34.  Larcher, 2006, p. 58, note 5, repris dans 2007a, p. 88, note 17.

35.  Larcher, 2007b, p. 602.

36.  Puisqu’il indique concernant ce tour « qu’une comparaison avec le conditionnel présent n’était pas 

spécieuse », Larcher, 2015, p. 208.

37.

Comparé au triplet temporel-modal-évidentiel, « contrefactuel » correspond donc dans ma catégorisation à 

modal, tandis qu’« objectif » d’une part et « sujectif non-contrefactuel » de l’autre relèvent, eux, du temporel.

(13)

S p e c i m e n a u t e u r

en effet d’une condition exprimée par un système hypothétique en law relevant de l’irréel du passé (conditionnel passé hypothétique corrélatif) et/ou d’un co(n)texte

38

indiquant l’intercep- tion (i.e. la non-actualisation effective) du procès considéré – conditionnel passé hypothétique non corrélatif). Surtout, cette lecture contrefactuelle cache la forêt

39

des réalités sémantiques du tour arabe en kāna… sa-/sawfa yafʿalu.

Ce tour n’exprimerait alors pas intrinsèquement l’actualisation d’un ǭ venant contredire dans les faits le ǫ d’un système hypothétique implicite tel que si p ǫ

40

: elle a dit qu’elle serait rentrée vers 18h ne signifie en effet pas nécessairement, au moment de l’énonciation, qu’elle n’est pas rentrée (ǭ) : elle a dit qu’elle serait rentrée vers 18 h et c’est ce qu’elle a fait (ǫ–factuel), et c’est sans doute ce qu’elle fera ( ǫ –non-actuel)…

En conséquence, ce tour arabe devrait aussi, comme c’est le cas en français, pouvoir être traduit, à côté de la périphrase auxiliarisée de l’imparfait de type {allait/devait + inf.}, par un conditionnel présent

41

. Notons en effet, avec Bres, l’essence première et profonde du conditionnel présent « qui a dès le départ une valeur temporelle d’ultérieur du passé »

42

. Notons par ailleurs que le conditionnel « représente la façon dont les personnages (…) envisagent l’avenir, sans se prononcer sur la réalisation des faits exprimés »

43

, ce qui correspond exacte- ment à la face non-actuelle de l’ultérieur du passé. Enfin, il semblerait d’autant plus étrange de devoir évacuer ledit conditionnel présent comme possible interprétation de ce tour arabe, qu’en comparant l’arabe à la situation du français pour l’ultérieur du passé, il se trouve que le « CC [ conditionnel composé] n’est attesté que marginalement (deux occurrences dans un corpus d’environ 4000 exemples) »

44

. Certes, pour le français contemporain, les structures périphrastiques parviennent plus facilement à signifier l’ultériorité que le conditionnel pré- sent, ce dernier pouvant par ailleurs apparaître vieilli dans sa face subjective, voire incorrect dans sa face objective

45

. Il demeure toutefois, ce que les exemples suivants montreront, qu’il est bel et bien utilisable dans l’ultérieur objectif du passé et l’ultérieur subjectif du passé de type non-actuel.

38.  Par « contexte » j’entends le contexte extra-linguistique, par « cotexte » le contexte linguistique et par 

« co(n)texte », la réunion des deux, ainsi que le font les linguistes du français auxquels j’emprunte cette notation.

39.

  Cf. infra et Bres, 2010, p. 206 dont je reprends l’image arboricole.

40. En l’absence d’autres moyens techniques, je note ǫ (au lieu de q) un procès et ǭ la non-réalisation de ce

même procès.

41.  Ce qu’indique bien le fait que, ne s’agissant que de l’ultérieur du passé, les tours périphrastiques 

{allait/devait + inf.} et le conditionnel présent sont toujours donnés pour quasi-équivalents (cf. Bres, 2012,  notamment p. 1721, Bres et al. (éd.), 2012, Gosselin, 2001, Thomas, 2012).

42.  Voir Bres et al. (éd.), 2012, p. 37, qui ne traitent, comme Bres (2012), que du conditionnel présent (j’insiste).

De même chez Provôt pour qui « le français dispose d’un temps grammatical privilégié pour exprimer une  situation dite de « futur dans le passé », le conditionnel » (Provôt, 2009, p. 205) où là encore « conditionnel »  ne réfère bien qu’à « conditionnel présent ».

43.  Korzen et Nølke, 1990, p. 274.

44.  Haillet, 2003, p. 39.

45.  Cf. Bres, 2012, p. 1728.

(14)

S p e c i m e n a u t e u r

2.  La réalité des emplois du tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu en arabe écrit contemporain

Littéralement, la paraphrase paradigmatique de ce tour serait celle-ci : (qad) kāna sa-/sawfa yafʿalu = « il se trouvait (bel et bien) [que]

46

+ il va faire » = « il allait (bel et bien) faire/il ferait (bel et bien) ».

2.1. L’ultériorité objective dans le passé :

l’ultériorité factuelle (futur du passé historique ou l’actualisation de ǫ )

S’agissant d’ultériorité (du passé comme du présent), il convient d’en rappeler une pro- priété essentielle : le fait de placer de facto dans le possible, contrairement à l’antériorité qui, elle, place dans l’effectif, le futur étant ramifié, à la différence du passé et du présent, qui sont unilinéaires

47

. Toutefois, il s’agit ici d’énoncer des procès actualisés et passés « inscrits dans l’irrévocable du Passé »

48

et nullement possibles.

Dans cette interprétation, les formes verbales françaises pouvant rendre le tour arabe kāna… sa-/sawfa yafʿalu sont : {allait/devait + inf.}, conditionnel présent, temps du passé

49

.

Ici la modalisation par un adverbe épistémique est impossible

50

, de même que le procès n’admet pas de circonstant de simultanéité ou d’ultériorité par rapport au nunc

51

. Je rajoute ces éléments entre crochets précédés d’un astérisque dans les traductions.

Dans les exemples (3) à (6), l’interprétation en un futur du passé historique

52

est tout à fait claire, notamment du fait des dates de publication par rapport aux événements relatés.

Par ailleurs, on y assiste bien à « la mise en perspective d’ultériorité objective du second procès à partir du premier procès »

53

: le fait envisagé est inscrit non pas dans un ultérieur ramifié et possible,

46.

Sur le sens de kāna yafʿalu dans le sens de « se trouver faire », cf. Larcher, 2012, p. 141-145.

47.  Cf. Martin, 1981, et Vuillaume, 2001, p. 109-110. Ainsi, pour Bres, « l’invention du conditionnel […] consiste 

à injecter du possible, des possibles, de la ramification, dans une époque, le PASSÉ, qui objectivement l’exclut »,  Bres, 2010, p. 219. C’est ce qui expliquera l’aspect nécessairement subjectif de ces possibles.

48.  Bres, 2012, p. 1723.

49.  Bres le signale aussi en indiquant la possibilité d’une substitution par le passé composé ou l’imparfait 

« narratif », cf. Bres, 2010, p. 209. Le test par un passé simple se justifie car il s’agit d’un passé historique.

Toutefois, ce dernier n’étant quasiment plus employé, sinon presque uniquement à la 3

e

 pers., on lui préfèrera  un test par un passé composé.

50.  Au sens de Bres, 2012, p. 1723.

51.  Bres, 2012, p. 1724.

52.  Ce qu’Imbert, 2008, p. 242, a le grand mérite de signaler chez les arabisants. Voir plus généralement 

Grevisse, 2001, p. 1258, § 857, et Riegel et al., 2004, p. 313, qui parlent aussi de futur d’anticipation ou de  perspective. Il vaudrait mieux néanmoins parler de « futur du passé historique » ou de « futur des historiens »,  le « futur historique » référant à autre chose, lui qui conserve sa morphologie inchangée comme dans Elle naîtra,

fera de bonnes études, s’occupera de politique et évitera la troisième guerre mondiale. On dira après sa mort qu’elle

fut une héroïne, cf. Vetters, 2001, p. 176.

53.  Bres, 2012, p. 1722.

(15)

S p e c i m e n a u t e u r

mais bien dans un ultérieur unilinéaire et effectif, ou, pour mieux dire, « dans l’irrévocable du Passé »

54

:

(3) fa-llaḏīna yunādūna bi-ġayr ḏalika hum allaḏīna lā yurīdūna al-ḫayr li-l-Yaman wa-hum anfusuhum allaḏīna kānū yurīdūna li-Ṣanʿāʾ an tursila ǧayšahā ilā ʿAdan ʿām 1986 maʿa mā kāna sa-yuʾaddī ilayhi ḏālika min taʿqīdāt wa-kawāriṯ ʿalā al-bilād kullihā – al-Ḥayāt, 1996.

Ceux qui préconisent autre chose que cela sont ceux qui ne veulent pas le bien du Yemen, et ceux-là sont précisément ceux qui voulaient que Sanaa envoie son armée à Aden en 1986 malgré ce à quoi cela allait aboutir/aboutirait/a abouti [*peut-être aujourd’hui/demain] en termes de difficultés et de catastrophes sur le pays tout entier.

(4) wa-lā budda li-kull man qaraʾa nuṣūṣ al-munāẓarāt al-raʾīsiyya ḍimn al-ḥaraka al-ṣahyūniyya an yulāḥiẓa annahā lam tuḫaṣṣiṣ waqtan yuḏakkiru li-dawr ġayr al-yahūd (ʾay al-muslimīn wa-l-masīḥiyyīn wa-l-filasṭīniyyin wa-l-ʿarab al-āḫarīn) fī mā kāna sa-yuṣbiḥu dawlat Isrāʾīl fa-qad ḥaṣara al-ṣahāyina ihtimāmahum bi-l-mašākil allatī tataʿallaqu bi-l-yahūd – al-Ḥayāt, 1996.

Il faut que quiconque a lu les textes des principaux débats au sein du mouvement sioniste remarque qu’ils n’ont consacré aucun moment à évoquer le rôle d’autres que les Juifs (c’est-à-dire les Musulmans, les Chrétiens, les Palestiniens et les autres Arabes) dans ce qui allait devenir/

deviendrait/est devenu [*peut-être aujourd’hui/demain] l’État d’Israël : les sionistes ont en effet limité leur intérêt aux problèmes qui concernaient les Juifs.

(5) ġayr anna al-waḍʿ inqalaba awāḫir al-qarn al-ʿišrīn fa-l-muslimūn aṣbaḥū ṯulṯ sukkān al-Ittiḥād al-sūfyātī taqrīban wa-l-ǧayš al-sūfyātī kāna sa-yuṣbiḥu al-muslimūn min tilka al-ǧumhūriyyāt akṯar min niṣfihi hāḏā iḍāfatan li-l-ʿibʾ al-iqtiṣādī al-ʿaskarī allaḏī kānat taḥtamiluhā Rūsyā li-l-ibqāʾ ʿalā tilka al-buldān al-faqīra – al-Ġad, 2001.

Mais la situation s’inversa à la fin du vingtième siècle. Les musulmans devinrent environ le tiers des habitants de l’Union soviétique et, les musulmans de ces républiques allaient devenir/

deviendraient/sont devenus [*peut-être aujourd’hui/demain] plus de la moitié de l’armée sovié- tique, ceci en plus de la charge économico-militaire que la Russie portait pour se maintenir dans ces pays pauvres.

54.  Bres, 2012, p. 1723.

(16)

S p e c i m e n a u t e u r

(6) wa-laqad taʾallamtu kaṯīran ʿindamā ṣarraḥa al-sayyid wazīr al-iʿlām bi-anna naql iḥtifāl taslīm al-duktūr Aḥmad Zuwayl ǧāʾizatahu takallafat milyūn dūlār qīmat naql al-irsāl wa-qīmat al-iʿlānāt allatī kāna sawfa yaḥṣulu ʿalayhā al-tilīfizyūn al-miṣrī ḫilāl al-fatra allatī nuqila fīhā al-iḥtifāl wa-ka-anna hāḏā al-mablaġ yuʿtabaru kabīran amāma hāḏā al-ḥadaṯ al-ʿālamī… wa-l-ʿaks huwa al-ṣaḥīḥ… fa-inna naql hāḏā al-ḥadaṯ tataḍāʾalu amāmahu ayy taklifa māddiyya – al-Ahrām, 1999.

J’ai beaucoup souffert lorsque Monsieur le ministre de la communication a déclaré que la retransmission de la cérémonie de remise de prix du D

r

Ahmed Zewail avait coûté un million de dollars, la valeur de la transmission et la valeur des publicités que la télévision égyptienne allait  obtenir/obtiendrait/a obtenu [*peut-être aujourd’hui/demain] lors de la période durant laquelle a été retransmise la cérémonie, comme si cette somme était énorme en regard de cet événement mondial… C’est l’inverse qui est vrai… Le fait est en effet que devant la retransmission de cet événement n’importe quel coût matériel devient infime.

2.1.1. Un exemple concordantiel

Dans l’exemple suivant, kāna peut être remplacé par un autre verbe au māḍī dont l’action temporelle sur le futur sera identique en faisant passer ce dernier en traduction française, de manière « concordantielle », du futur au conditionnel présent :

(7) uṣība [Joachim von Ribbentrop] fī ʿām 1917 wa-muniḥa wisām al-ṣalīb al-ḥadīdī ṯumma ursila ilā Isṭanbūl bi-Turkiyā ka-ḍābiṭ wa-hunāka taʿarrafa ʿalā ḍābiṭ almānī āḫar huwa Frānz fūn Bābin allaḏī sa-yuṣbiḥu mustašāran li-Almāniyā fī al-mustaqbal – Wikipédia (https://ar.wikipedia.org/

wiki/ بوترنبير_نوف_ميخاوي ).

[Joachim von Ribbentrop] fut blessé en 1917 et décoré de la croix de fer puis envoyé à Istanbul en Turquie en tant qu’officier. Là-bas il fit la connaissance d’un autre officier allemand, Franz von Papen, qui deviendrait/allait devenir/est devenu chancelier d’Allemagne dans le futur.

Il s’agit en fait là d’un fonctionnement à l’ancienne qui perdure dans la langue d’aujourd’hui : l’auteur de cette notice n’introduit pas kāna, ce dernier étant perçu comme redondant avec l’action du verbe au māḍī qui le précède (taʿarrafa). Le système arabe ne nécessite donc pas fondamentalement que kāna soit placé devant sa-/sawfa yafʿalu pour exprimer l’ultérieur objec- tif du passé. Cela prouve en conséquence que le recours à kāna est un calque fait à partir des langues européennes qui, pour l’expression de cette ultériorité du passé, ont justement recours à un marqueur de futur (-r-/will = sa-/sawfa) et à un marqueur du passé (-ait/would = kāna).

C’est ce que je montrerai plus bas (cf. infra 2.2.1.2. et 2.3.1 mais aussi 2.3.2).

(17)

S p e c i m e n a u t e u r

2.2. L’ultériorité subjective dans le passé : l’ultériorité non-factuelle 2.2.1. Le type non-actuel

(non-confirmation de l’actualisation de ǫ ou de ǭ)

Considéré comme envisageable, possible, le procès n’est pas soumis à une actualisation par l’énoncé. Il s’agit plutôt ici d’exprimer l’éventualité brute concernant le procès envisagé : actualisation effective ni de ǫ ni de ǭ, ou plutôt non confirmation de son actualisation, positive comme négative

55

. Il est dès lors impossible d’en avoir une lecture contrefactuelle. Son inter- prétation est non-actuelle (au sens de non-actualisé et donc de possible)

56

et non contrefactuelle : ni ǫ ni ǭ ne sont actualisés, et les champs du possible sont ouverts. L’énoncé ultérieur de ce type admet donc parfaitement une modalisation par un adverbe épistémique du type « peut-être ».

Par ailleurs, l’interprétation du procès envisagé n’y est pas nécessairement passée. C’est ce dont témoigne un exemple parmi tant d’autres que j’emprunte à Bres : « Angela Merkel a admis que la Géorgie rejoindrait un jour l’Alliance atlantique » (Le Monde, 19 août 2008). Dans un tel cas c’est le contexte qui lève l’ambiguïté : « Le point dans le passé […] correspond à l’acte de parole de l’actant Angela Merkel situé dans l’époque antérieure par le passé composé (a admis) ; à partir de ce point, le procès rejoindre actualisé au conditionnel est vu comme ultérieur, une ultériorité que seul le contexte permet de situer ici comme future : de par nos connaissances du monde, nous savons, au moment de la publication de cet article de journal, que la Géorgie n’a pas rejoint l’Alliance atlantique »

57

. Ainsi donc, le conditionnel présent peut « référer à un événement antérieur, contemporain ou postérieur au nunc : Pierre a dit que Corinne reviendrait la semaine dernière/aujourd’hui/la semaine prochaine »

58

, et aucune certitude quant à son actualisation n’existe. Cela rend dès lors impossible une lecture en contrefactuel passé (dont il sera question plus bas), et ce type d’ultériorité admet alors un circonstant de simultanéité ou d’ultériorité au nunc. Cette acception du conditionnel présent français se retrouve là encore exprimée en arabe par le tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu.

Dans cette interprétation, voici les formes temporelles françaises pouvant rendre le tour arabe kāna… sa-/sawfa yafʿalu : {allait/devait + inf.}, conditionnel présent, *temps du passé.

Dans ces exemples, la modalisation par un adverbe épistémique est possible, de même que le procès admet un circonstant de simultanéité ou d’ultériorité par rapport au nunc. Je rajoute ces éléments entre crochets dans les traductions.

55.  Cf. Gosselin, 2005, p. 178.

56.  Pas exactement au sens de Vetters (2001), chez qui « non-actuel » réfère en plus à « inaccompli », donc 

s’accomplissant d’un point de vue aspectuel.

57.  Bres, 2010, p. 210.

58.

  Bres et al. (éd.), 2012, p. 38, et voir aussi Bres, 2012, p. 1720.

(18)

S p e c i m e n a u t e u r

• 2.2.1.1. Le type non-concordantiel

Dans l’exemple qui suit, on constate que le conditionnel passé n’est pas acceptable, même lorsque le procès n’a effectivement pas eu lieu… :

(8) sa-yaḫsaru Aġāsī mawqiʿ al-ṣadāra fī maṭlaʿ al-usbūʿ al-muqbil li-yuṣbiḥa al-namsawī Mūstar awwalan ladā inṭilāq buṭūlat Dubay al-maftūḥa fī Dawlat al-imārāt al-ʿarabiyya wa-l-sabab anna Aġāsī kāna sa-yušāriku fī buṭūlat Sān Ḫūsīh wa-lākinnahā taʾaǧǧalat wa-bimā anna Aġāsī yaḥmilu laqabahā fa-qad ḫasira niqāṭan sa-tutīḥu li-Mūstar al-baqāʾ fī mawqiʿihi wa-law li-muddat usbūʿ – al-Ḥayāt, 1996.

Agassi perdra la première place en début de semaine prochaine, l’autrichien Mostar devenant premier au moment du début du championnat ouvert de Dubaï dans les Émirats Arabes. La raison est qu’Agassi devait participer/*aurait participé/*participa [peut-être aujourd’hui/demain] au tournoi de San José, mais celui-ci a été ajourné. Ainsi, malgré le fait qu’Agassi soit porteur du titre, il a perdu des points qui permettront à Mostar de rester à sa place ne serait-ce que pour une semaine.

(9) hamhamat, dandanat, tamāyalat, šahida al-layl suqūṭ ḫuyūṭ min al-ḍawʾ ʿalā ibtisāmatihā al-munfariǧa bi-raǧfat man nasiyat šafatāhā al-waḍʿ al-ansab li-l-ḍaḥk. Kānat sa-taǧharu bi-l-ġināʾ wa-tanfaǧiru bi-l-ḍaḥk wa-kānat al-aḥzāb al-mutaqātila sa-tattaḥidu fī ḥaddihā bi-l-raǧm ǧazāʾ al-surūr badal al-bukāʾ.

Elle marmotta, chantonna, vacilla, la nuit fut témoin de la chute de fils de lumière sur son sourire éclatant ayant le tressaillement de celui dont les lèvres ont oublié la meilleure position pour rire.

Elle allait se produire en public pour chanter et éclater de rire. Les partis adverses s’uniraient  pour la punir par lapidation en sanctionnant le plaisir au lieu des pleurs

59

.

L’exemple précédent, emprunté à Pinon, présente un personnage qui se projette dans l’avenir à partir d’un point dans le passé

60

. Cette lecture prospective annule la lecture fac- tuelle, dite de l’irrévocable dans le passé, tout autant que la lecture contrefactuelle. Il s’agit ici d’un cas non-factuel et non-actuel de syntaxe identique. Il ne semble alors pas pouvoir être lu de manière contrefactuelle, d’autant qu’il s’agit d’un récit au passé. Par ailleurs, la coordina- tion unit tanfaǧiru à taǧharu, faisant que le premier comme le second sont dans le champ de kānat sa-. La réapparition de la structure en kāna… sa-yafʿalu, en ne plaçant pas un troisième verbe sous la dépendance du premier kānat sa-, semble alors devoir indiquer qu’il s’agit d’une reprise, malgré la ponctuation de l’original, d’où la césure par un point.

59.  Pinon, 2012, p. 273.

60.  Larcher, 2015, p. 208, décrit cet exemple comme « purement fictif », ce qui correspond ici à « non-actuel ».

(19)

S p e c i m e n a u t e u r

• 2.2.1.2. Le type concordantiel

Dans les exemples suivants, nous verrons qu’il s’agit d’emplois « concordantiels » par mimé- tisme avec les langues européennes.

2.2.1.2.1. Les énoncés assertifs

(10) wa-qāla ʿAbd al-Raʾūf fī muqābala maʿa šabakat ABC inna iḥrāq maṣāḥif law tamma tanfīḏuhu bināʾan ʿalā daʿwat qiss amrikī kāna sa-yuḥdiṯu kāriṯa fi al-ʿālam al-islāmī wa-aḍāfa (…) – al-Maṣrī, 14 septembre 2010.

ʿAbd al-Raʾūf a déclaré, lors d’un entretien avec ABC, que brûler des corans, si cela d’aven- ture se pratiquait en se basant sur l’incitation d’un pasteur américain

61

, allait  provoquer/

provoquerait/*a provoqué [peut-être aujourd’hui/demain] une crise dans le monde islamique et a ajouté (…).

Tout d’abord, la lecture au conditionnel passé est empêchée par le contexte, le pasteur en question n’ayant pas mis sa menace à exécution lors de la parution du journal. En conséquence, le système hypothétique en law n’est pas complet et cette protase n’est en fait qu’une incise.

Cela dit, il y a ici subordination à une principale dont le verbe est au passé (qāla), ce qui entraîne le passage dans la subordonnée du présent à l’imparfait et, ici, du futur au conditionnel présent.

Il s’agit donc d’un exemple concordantiel dans la mesure où l’énoncé dépend de qāla inna :

« cela provoquera » devient « il a dit que cela provoquerait ». Cet emploi concordantiel est alors, et selon toute vraisemblance, un calque de langues européennes comme le français ou l’anglais, puisque l’arabe aurait très bien pu se contenter de dire pour exprimer la même chose qāla innahu sa-yuḥdiṯu.

C’est le même type concordantiel qu’il est possible de voir là où, de la même manière, une syntaxe de l’arabe plus ancienne se serait contentée d’un futur dans le champ du verbe intro- ducteur (là encore qāla) au passé :

(11) min ǧānibihi rafaḍa ʿIṣām Rišād, raʾīs al-ittiḥād, al-taʿlīq ʿalā al-iktifāʾ bi-ḫaṣm rātib šahr wāḥid faqaṭ min Bāsil al-Ġarbāwī bi-l-raġm min taḫallufihi ʿan al-safar maʿa al-baʿṯa, wa-akkada anna al-mudīr al-fannī qāla innahu kāna sa-yalḥaqu bi-baʿṯat al-muntaḫib fī al-yawm al-tālī li-safarihā – al-Maṣrī, 2010.

De son côté, ʿIṣām Rišād, président de l’union [égyptienne de judo], a refusé de commenter la limitation à une déduction d’un mois de salaire de Bāsil al-Ġarbāwī malgré sa défection au voyage de la mission, et il a assuré que le directeur technique a dit qu’il se joindrait/allait se  joindre/*s’est joint [peut-être aujourd’hui/demain] à la mission du sélectionneur le lendemain de son départ.

61.  Terry Jones, pasteur de Floride, connu pour avoir brûlé des exemplaires du Coran le 28 avril 2012.

(20)

S p e c i m e n a u t e u r

Certains cas, reconnaissons-le, sont difficiles. Ainsi dans l’exemple qui suit, qāla met dans le passé le récit rapporté. Le cadre est celui de l’ultérieur du passé à valeur subjective elle-même soulignée par le sémantisme verbal (« croire »). La conjugaison au muḍāriʿ de aʿtaqidu (« je crois ») interdit par contre de lire ici la forme kāna sa-/sawfa yafʿalu au conditionnel. Seule l’interprétation en un ultérieur de type périphrastique est possible. Ainsi, sans kāna on obtient :

« je ne crois pas qu’un coup d’État se produira » :

(12) ḥīn qāla « lā aʿtaqidu anna inqilāban kāna sa-yaḥduṯu lākinnanā lam nakun fī ayy yawm aqrab ilā al-inqilāb al-ʿaskarī mimmā kunnā ʿalayhi ānaḏāka » – al-Ḥayāt, 1996.

Au moment où il a dit : « Je ne crois pas qu’un coup d’État devait se produire/*se produirait/ 

*se  produisit [peut-être aujourd’hui/demain] mais nous, nous n’avions jamais été aussi près du coup d’État militaire qu’alors ».

2.2.1.2.2. Les énoncés interrogatifs indirects

Dans les exemples qui suivent, il s’agit d’interrogation indirecte. Cette dernière se place dans le cadre du style indirect et peut être signalée par la structure saʾala (ʿammā) iḏā/in.

L’interrogation indirecte est un calque fait par l’arabe à partir des langues européennes ( principalement le français et l’anglais). L’indice en est que le si de demander si (en anglais ask if/whether) est rendu en arabe par iḏā/in, alors que ce dernier est classiquement cantonné à son rôle d’opérateur hypothétique (ce qui n’est pas le cas du si français ni du if anglais et encore moins de whether). Il y a dès lors tout lieu de penser que cet emploi de kāna… sa-/sawfa yafʿalu comme un ultérieur du passé à valeur notamment de conditionnel présent est là encore un emploi « concordantiel », par mimétisme avec ce qui se fait dans les langues européennes :

(13) saʾalanī in kāna sa-yaḥḍuru aḥad min al-sifāra qultu « lā aʿtaqidu » – Mustaġānimī, ʿĀbir, p. 269.

Il m’a demandé si quelqu’un de l’ambassade allait assister/assisterait/*a assisté [peut-être aujourd’hui/demain]. Je lui ai répondu : « Je ne sais pas ».

(14) wa-baʿda al-liqāʾ suʾila Muḫaybar iḏā kāna sawfa yataraššaḥu fī al-intiḫābāt fa-qāla « ʿalaynā qabla an uʿlina taršīḥī an (…) » – al-Ḥayāt, 1996.

Et après l’entrevue Muḫaybar fut interrogé sur le fait de savoir s’il allait  se  présenter/

se présenterait/*s’est présenté [peut-être aujourd’hui/demain] aux élections. Il a alors répondu :

« Il nous faut, avant que j’annonce ma candidature, (…).

(21)

S p e c i m e n a u t e u r

(15) wa-min al-muqarrar an yaṣila ilā al-Qāhira Akūstā raʾīs al-ittiḥād al-duwalī li-ḥuḍūr baʿḍ faʿʿāliyyāt al-buṭūla al-ifrīqiyya bi-l-Qāhira wa-in kāna lam yataḥaddad baʿdu mawʿid wuṣūlihi wa-mā iḏā kāna sawfa yaḥḍuru al-iftitāḥ am al-ḫitām

62

– al-Ahrām, 1999.

Il est prévu qu’Acosta

63

, le président de la fédération internationale, arrive au Caire pour assis- ter à quelques événements du championnat africain au Caire, même si le moment de son arrivée n’a pas encore été fixé et s’il allait assister/assisterait/*assista [peut-être aujourd’hui/demain]

à l’ouverture ou à la clôture.

2.2.2. Le type contrefactuel : actualisation de ǭ

J’en arrive au dernier stade de l’ultériorité. Sans rejeter a priori cette lecture contrefactuelle qui existe indéniablement comme l’une des possibles, je me contenterai de noter qu’en faire la lecture systématique serait le résultat d’un prisme déformant. Par prisme déformant, j’entends trois choses qui se ramènent à une seule : l’hypothétique.

Il s’agit tout d’abord, ce que montrerait sans peine une étude statistique, du fait que le tour kāna… sa-/sawfa yafʿalu se trouve majoritairement dans des énoncés hypothétiques et/ou des énoncés qui présentent une interception du procès envisagé

64

.

Pour autant, et il s’agit dès lors du premier point problématique, cela ne justifie pas l’uti- lisation majoritaire, si ce n’est exclusive, d’exemples de type hypothétique non-corrélatif pro- posant par le co(n)texte une interception du procès et donnant de fait l’impression d’une contrefactualité systématique. Ces exemples font alors glisser vers une approche du tour qu’il est possible de qualifier comme étant celle « de la conditionnelle sous-jacente généralisée »

65

ou encore d’« approche du si généralisé »

66

(voir exemples 16 et 17).

Enfin, et c’est tout aussi problématique, la lecture contrefactuelle ne justifie pas l’utilisation quasi-exclusive d’exemples de type hypothétique corrélatif qui mettent en jeu des systèmes hypothétiques majoritairement de statut irréel du passé en law…

67

En effet, privilégier l’emploi hypothétique de ce tour arabe (même s’il est très largement représenté dans la presse arabe)

62.

Lam yataḥaddad baʿdu a deux sujets de rangs différents. L’un est un syntagme nominal, et l’autre, quoique  ayant le même statut, est une interrogative indirecte signalée par le mā de ʿan-mā devant iḏā.

63.  Ruben Acosta, alors président de la Fédération internationale de volley-ball (FIVB).

64.  Un procés intercepté est empêché : « Le procès est envisagé comme devant se réaliser dans un avenir 

immédiat, et sa réalisation peut être interceptée », Bres, 2008, p. 1966.

65.  Dendale, 2001, p. 10.

66.  Cf. Vetters, 2001, p. 195-196.

67.

  C’est ce que semble faire Pinon, 2012, p. 125-127, qui ne retient à cet endroit de Buckley, 2004, et Badawi et al., 2004, que des exemples où kāna… sa-yafʿalu est apodose d’un système hypothétique mais encore d’un 

système hypothétique de statut irréel du passé. De même, elle note ailleurs avoir « relevé 36 occurrences d’un 

emploi de kāna sa-yafʿalu syntaxiquement libre, mais faisant sémantiquement toujours partie du champ de 

l’hypothétique. En effet, même lorsqu’il s’agit de futur (proche) dans le passé, kāna sa-yafʿalu sert à exprimer 

des actions qui ne se sont pas réalisées, quelles qu’en soient les raisons », Pinon, 2015, p. 378.

(22)

S p e c i m e n a u t e u r

conduit à n’en voir que l’équivalent d’un conditionnel passé en français (voir exemples 18 à 22 pour law et 23 à 34 pour iḏā)

68

.

Dans ce cas, il s’agit d’énoncer que quoique l’action soit considérée comme possible, cette dernière a été interceptée et non réalisée dans le passé (actualisation co(n)textualisée de ǭ).

L’actualisation de ǭ implique qu’ici, l’ultérieur ne peut admettre de modalisation par recours à des adverbes épistémiques. D’autre part, l’ultérieur, ici contrefactuel passé, n’admet pas non plus de circonstant de simultanéité ou d’ultériorité au nunc.

Dans cette interprétation, voici les formes temporelles françaises qui peuvent rendre le tour arabe kāna… sa-/sawfa yafʿalu : conditionnel passé, {allait/devait + inf.}, {allait/devait + inf. composé}, *temps du passé.

• 2.2.2.1. L’interception de ǫ ou le contrefactuel non-hypothétique

69

(type non-corrélatif )

Ces exemples acceptent la modalisation par un adverbe épistémique et semblent admettre un circonstant de simultanéité ou d’ultériorité au nunc, ce qui fait de ce type un intermédiaire entre 2.2.1 et 2.2.2.2.

Dans l’exemple qui suit, l’interception de ǫ est marquée par un élément cotextuel, à savoir la particule de « rectification préventive »

70

lākinna (« mais ») qui vient en interdire l’actualisation :

(16) qabla šahr, kānat wafāt al-Masīrī raḥimahu Allāh, allaḏī kuntu sa-aktubu tadwīnan ʿan wafātihi… lākinnanī lā ataḏakkaru mā allaḏī ḥālanī dūna ḏālika.

Il y a un mois survint la mort de [ʿAbd al-Wahhāb] al-Masīrī, que Dieu le prenne en Sa miséricorde, sur la mort duquel j’ allais écrire/aurais écrit/*ai écrit [peut-être aujourd’hui/demain] un billet…

mais je ne me souviens pas de ce qui m’en a empêché

71

.

L’autre exemple présente quant à lui un contexte : l’arrestation de l’espion. Cette arrestation, qui l’empêche de commettre un méfait, indique la non-actualisation de ǫ, ce dernier étant la réalisation d’un méfait et non le simple fait de venir dans le village en question. Dans ce contexte, son arrestation vaut pour un « mais tu n’as pas pu faire, puisque nous t’avons arrêté » :

68.  Et de fait, « procéder ainsi, c’est […] prendre l’arbre pour la forêt, à savoir prendre un emploi, fréquent 

en discours, pour la valeur en langue du temps verbal, ce qui conduit inévitablement à des acrobaties pour  faire rentrer les autres arbres de la forêt dans le moule explicatif proposé, ou à des oublis », Bres, 2010, p. 206. 

Cela explique alors que certains systèmes en iḏā soient mal traduits, puisque entrés de force dans l’acception  contrefactuelle supposée de la tournure kāna… sa-/sawfa yafʿalu (cf. infra).

69.  Cf. Bres, 2010, p. 221.

70.  Cf. Larcher, 1991.

71.  Pinon, 2012, p. 272, et Larcher, 2015, p. 207.

Références

Documents relatifs

C'est miÚl qui représente l'expression la plus fréquente de "comme" dans les parlers orientaux, cf. Cet ancien substantif devenu invariable est par contre assez rare au

L’apparition du law égyptien dans le cadre Potentiel, de même que son extension à l’ensemble de la conditionnelle et par suite sa substitution à ’iza dans les sphères

Il s’agit alors non pas d’exprimer ce qui pourrait se passer si une condition était remplie (le propre d’une conditionnelle), mais bien d’exprimer ce qui ne s’est pas

Cette présentation devra, bien entendu, être suivie de votre conclusion dans laquelle vous nous exposerez vos conseils pour en profi ter au mieux?. Suggestion de plan

Cette épreuve comporte quarante questions dont les solutions sont à choisir, pour chacune d‘entre elles, parmi quatre réponses proposées : a, b, c ou d. Il ne peut y avoir

Cette épreuve comporte quarante questions dont les solutions sont à choisir, pour chacune d‟entre elles, parmi quatre réponses proposées : a, b, c ou d. Il ne peut y avoir

( وروي تارايلم ةرشع رامثتسا ةيناكمإ سردت رطق نأ سرب سنارف ةلاكول اسنرف ىدل يرطقلا يرفسلا نلعأ ىبرك ةيسنرف تاكرش في )رلود رايلم 8.21.. يدان ءارش عم

Cette épreuve comporte quarante questions dont les solutions sont à choisir, pour chacune d‟entre elles, parmi quatre réponses proposées : a, b, c ou d. Il ne peut y avoir