Mise au point
Apport des données physiopathogéniques au diagnostic des fièvres récurrentes
Contribution of recent physiopathogenic progresses to the diagnosis of recurrent fevers
I. Koné-Paut a, *, K. Bouayed b , A.M. Prieur b
a
Service de pédiatrie, hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille cedex 20, France
b
Service d’immunohématologie et rhumatologie pédiatriques, hôpital Necker–Enfants-Malades, AP–HP, université Paris-V, France Reçu le 23 septembre 2001 ; accepté le 26 avril 2003
Résumé
Les fièvres récurrentes (FR) représentent un ensemble d’affections évoluant par poussées de quelques jours à quelques semaines, avec un intervalle libre intercritique. Leurs causes les plus fréquentes sont infectieuses et il conviendra dans un premier temps de les éliminer. Les autres FR sont qualifiées d’inflammatoires et témoignent d’affections cliniquement souvent bien identifiées, mais dont la physiopathogénie reste énigmatique. Des avancées récentes d’ordre immunogénétique viennent confirmer l’individualisation clinique de certaines de ces maladies et permettent d’en porter plus rapidement le diagnostic. Mieux comprendre ces affections est un pas en avant permettant une réflexion sur la pathogénie et une éventuelle ouverture thérapeutique.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Recurrent fevers are characterized by fever lasting for a few days or few weeks and followed by a fever-free interval and state of well-being.
It is first necessary to eliminate infections, which are the most common causes of fever. Several recurrent fevers belong to inflammatory diseases of unclear physiopathogeny. Recent advances are now available permitting to immunogenetically identify some of them. It also opens a better understanding and consequently the possibility of specific therapeutic approach.
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Mots clés : Fièvre récurrente ; Fièvre périodique ; Génétique ; Enfant Keywords: Fever of unknown origin; Genetics; Child
1. Introduction
Les fièvres récurrentes (FR) se caractérisent par des épi- sodes aigus accompagnés d’un cortège de signes cliniques assez stéréotypés et de perturbations biologiques inflamma- toires transitoires. Entre les poussées, l’enfant est en parfait état général et son développement staturopondéral est normal ou peu affecté. Elles recouvrent des causes diverses domi-
nées chez les très jeunes enfants par les infections. Elles peuvent plus occasionnellement révéler un déficit immuni- taire ou une maladie inflammatoire chronique. Un certain nombre d’entre elles sont de nature héréditaire. Ces 4 derniè- res années ont été particulièrement fructueuses pour l’identi- fication de 3 gènes impliqués dans 6 de ces désordres dont 2 sont récessifs autosomiques (la fièvre méditerranéenne fami- liale et le syndrome hyper IgD), les autres sont dominants (la fièvre hibernienne familiale (TRAPS), le syndrome de Muc- kle et Wells, l’urticaire familiale au froid et le syndrome CINCA [1–8]).
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : ikonepau@ap-hm.fr (I. Koné-Paut).
www.elsevier.com/locate/arcped
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doi:10.1016/S0929-693X(03)00298-7
La démarche pour le diagnostic d’une FR comporte néces- sairement un interrogatoire accompagné d’une courbe ther- mique et d’un examen clinique minutieux. Des examens paracliniques simples et peu coûteux : numération formule sanguine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), protéine C réactive (CRP), examen cytobactériologique des urines (ECBU), hémoculture, réalisés en crise, sont assez souvent suffisants pour orienter l’enquête étiologique. En fonction du contexte clinique et familial, la réalisation d’examens plus sophistiqués : biochimiques, immunologiques ou génétiques pourra permettre de confirmer un diagnostic.
Dans tous les cas, c’est l’impression clinique qui reste prioritaire car la génétique ne permet pas encore, à l’heure actuelle, de faire un diagnostic d’exclusion. Des tests théra- peutiques sont envisageables quand un diagnostic est forte- ment suspecté et qu’il n’y a pas d’autre moyen de le confir- mer.
Dans cet article nous passons en revue les causes des FR en insistant sur les entités pour lesquelles de nouvelles bases physiopathogéniques ont été identifiées. Seules les maladies donnant typiquement une FR seront abordées. Nous propo- sons également une conduite à tenir en précisant les moyens de diagnostic actuellement disponibles en France.
2. Causes des fièvres récurrentes (Tableau 1) 2.1. Infections
Les infections canalaires, en particulier les infections uri- naires, étant pourvoyeuses de FR chez le nourrisson et le jeune enfant, l’ECBU doit être systématique à cet âge. En cas de séjour en zone d’endémie palustre, et/ou devant une fièvre d’allure tierce ou quarte, il faudra rechercher la présence d’hématozoaires sur un frottis de sang ou par une goutte épaisse.
2.2. Le syndrome adénoïdien
Classiquement il s’agit d’enfants de moins de 5 ans qui présentent des poussées fébriles durant 48–72 h, avec assez
souvent des modifications témoignant d’une inflammation chronique de la sphère ORL. Le syndrome inflammatoire accompagnant les poussées est souvent marqué par une forte polynucléose. Les antibiotiques trop systématiquement pres- crits, sont régulièrement inefficaces. La prise en charge du terrain, d’un facteur aggravant comme le reflux gastro- œsophagien et/ou l’adénoïdectomie peuvent hâter la guéri- son qui est habituelle à la fin de la petite enfance.
2.3. Maladies inflammatoires et auto-immunes
Les maladies concernées sont nombreuses mais dans l’en- semble elles sont relativement rares en pédiatrie. Contraire- ment aux autres causes de FR, il est rare que l’état général de l’enfant reste parfaitement conservé entre les poussées et que son examen clinique soit complètement normalisé. Les mala- dies occasionnant le plus de FR sont le lupus érythémateux disséminé (LED), les colites inflammatoires et la maladie de Behçet. L’arthrite juvénile idiopathique dans sa forme systé- mique peut débuter sous la forme d’une FR quand son évo- lution est polycyclique. Son diagnostic sera d’autant plus difficile au début que les signes articulaires font défaut et que les poussées sont rapidement et spontanément résolutives.
2.4. Déficits immunitaires 2.4.1. Neutropénie cyclique
Comme son nom l’indique, cette affection se manifeste par une neutropénie inférieure à 500/mm
3qui évolue par poussées de 3 à 4 j espacées de périodes de rémission com- plète de 15 à 35 j avec une moyenne de 21 j.
Elle s’accompagne d’une fièvre, d’une pharyngite, d’une stomatite avec aphtes et ulcérations buccales et d’infections bactériennes. Douleurs abdominales, vomissements et adé- nopathies sont parfois associés. Cette neutropénie débute tôt dans l’enfance, persiste plusieurs années tendant à diminuer en sévérité.
Le diagnostic est confirmé par la présence d’une neutro- pénie cyclique documentée par un hémogramme réalisé à raison de 2 fois par semaine pendant 6 semaines consécuti-
Tableau 1
Fièvres récurrentes héréditaires à gènes identifiés
FMF TRAPS
HIDS
SMW UFF CINCATransmission
RécessiveDominante Récessive Dominante Dominante Dominante
Signes distinctifs Ethnie œdème périorbitaire Adénopathies Urticaire Intolérance au froid Méningite
Plaque érysipélat.Erythème centrifuge Aphtes Surdité Dysmorphie
Conjonctivite Hypert. osseuses
myalgies
Amylose
Fréquent Possible Exceptionnelle Fréquente Possible Fréquente
Siège du gène 16p13.3 12p13 12q24 1q44 1q44 1q44
Gène MEFV TNFRSF1A MVK CIAS1 CIAS1 CIAS1
Protéine
Pyrine/marenostrine 55KD TNF R MVKinase Cryopyrine Cryopyrine Cryopyrine
Mutations Exon 2 et 10 Exons 2–3–4 1 mutation =
70–90 %
Exon 3 Exon 3 Exon 3
(points forts)
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