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La diversité des systèmes éducatifs européens

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Academic year: 2021

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La diversité des systèmes éducatifs européens

Jean-Marie MAILLARD

Quelques rappels sur le cadre institutionnel :

Le Conseil des chefs d’Etats et de gouvernements, instance suprême. Il se décline en une suite de conseils des ministres : économie et finances (Ecofin), agriculture, défense, éducation etc…

La Commission : 20 membres, un par pays, les grands pays ont deux commissaires ; c’est un exécutif qui a l’exclusivité de l’initiative des lois.

Le parlement : élu au suffrage universel depuis 1979 ; le nombre de députés est

proportionnel à la population de chaque pays. Depuis le traité d’Amsterdam (1997),il donne son aval aux lois européennes ( co-décision). Il élit le président de la commission sur

proposition du Conseil. Il peut contester la Commission.

La Cour Européenne de Justice de Luxembourg : Elle veille à la bonne application des traités (Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice…). Ses arrêts ont force de loi.

Les instruments du pouvoir : Ils sont soumis aux quatre principes fondamentaux qui régissent la vie de l’Union : principes d’attribution, de subsidiarité, de proportionnalité, de coopération loyale ,dans les domaines de compétences de l’Union : lois, lois cadres, directives ( obligatoires). Dans les domaines d’action d’appui : recommandations ( non obligatoires).

Compétences exclusive de l’Union : libre circulation des personnes, marchandises, services et capitaux, libre concurrence au sein du marché intérieur, union douanière, politique

commerciale commune, politique monétaire (zone euro), conservation des ressources biologiques de la mer.

Compétences partagées : marché intérieur, liberté sécurité justice, agriculture pêche, transports, réseaux transeuropéens, énergie, social, environnement, santé, protection des consommateurs, recherche technologie espace, coopération développement aide humanitaire.

Coordinations : politiques économiques ( GOPE ), politique étrangère et de sécurité commune Domaine d’action d’appui : emploi, industrie, éducation formation professionnelle jeunesse, culture, sport, protection contre les catastrophes

Le projet de traité constitutionnel ne fait pour l’essentiel que rebrasser ces principes et intègre la charte des droits fondamentaux ; les modifications remarquées :le nombre de députés et le nombre de commissaires ; l’élargissement du vote à la majorité qualifiée nouvelle ( majorité d’états, 60% de la population) ; l’abandon de l’unanimité pour les négociations commerciales susceptibles de toucher l’éducation.

L’Europe et l’éducation

la question de l’éducation n’est mentionnée que très marginalement dans les traités. Elle reste du domaine de responsabilité de chaque état membre.

2 articles (149 et 150) régissent ces questions. Leur contenu : la communauté organise son action pour améliorer la qualité de l’éducation, en respectant la pleine responsabilité des états membres, sur les contenus, les systèmes éducatifs, la défense de la diversité linguistique et culturelle. Elle encourage la reconnaissance mutuelle des diplômes, et veut disséminer les bonnes pratiques et encourager les échanges. L’UE prend des décisions en respectant le principe de subsidiarité, c’est-à-dire qu’elle n’agit que dans des domaines que les états lui délèguent, jugeant une action commune plus efficace sur tel ou tel point que des actions nationales séparées.

Une date charnière : 99-2000. Le problème de l’efficacité de chaque système éducatif

devient à ce moment un sujet chaud : présentation de chaque système éducatif par le ministre

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du pays, évaluation, avec un rapport qui établit 16 indicateurs de qualité. Le sommet de Lisbonne en 2000 accélère les choses. Il donne comme objectif à l’UE de devenir l’économie de la connaissance la plus performante au monde, dans une société qui renforce la cohésion sociale et lutte contre l’exclusion. L’éducation et la formation prennent dès lors une place centrale. Le Conseil charge la commission de retravailler le dossier et cela aboutit finalement à un document « stratégique » comportant les objectifs concrets futurs des systèmes éducatifs : 3 grands objectifs : l’efficacité de la formation, la lutte contre toute exclusion, l’ouverture sur le monde, 12 sous-objectifs , 43 points clés. Il sera adopté par les chefs d’état et de gouvernement à Copenhague en 2001 sous le titre « Education et Formation 2010 » accompagné d’un programme de travail. Une méthode de travail est retenue : la méthode ouverte de coordination, plutôt utilisée jusque là dans la coordination des politiques économiques ; cette méthode, prévue dans les textes des traités européens, est du domaine intergouvernemental et met donc à l’écart le Parlement européen. Chaque état reste maître des politiques mises en œuvre pour atteindre ces objectifs, mais doit fournir un rapport annuel sur leur mise en œuvre.

Il faut donc des indicateurs pour mesurer la progression de chacun par rapport aux objectifs.

Des groupes d’experts travaillent sur les différents objectifs retenus pour harmoniser les demandes d’information et les retours d’information ; des représentants syndicaux siègent dans ces groupes, à l’exception de celui qui concerne les indicateurs. L’information mutuelle doit être détaillée et sincère. De grands rapports commandés à Eurydice (par exemple celui sur les conditions de travail des enseignants du niveau collège récemment paru) y contribuent.

L’accent est mis sur l’échange des bonnes pratiques.

Il faut que le Snes se confronte à ces problématiques. Il faut prendre en compte ces réflexions, les analyser de manière offensive, et les investir de nos propres valeurs. Une approche frileuse, marquée par le repli sur le pré-carré national ne pourrait à la longue que nous affaiblir.

Nous contestons les indicateurs (dont beaucoup sont repris des travaux de l’OCDE) parce que trop limités au quantitatif, et demandons des indicateurs plus qualitatifs ; cela dit, il faut reconnaître que nous sommes un peu courts en matières de propositions. Il faut également soumettre à l’analyse critique toute une terminologie à tendance technocratique.

Compétences de base : il y a des termes à décortiquer qui sont tout un programme ! La nécessité de développer les partenariats est souvent évoquée ; cela peut-être positif, mais en allant dans le détail on s’aperçoit que ce terme recouvre également l’appel au financement privé dans l’éducation. La notion de qualité est également à soumettre au débat.

En même temps certains objectifs rejoignent les nôtres, d’autant plus qu’ils sont souvent le fruit de l’intervention syndicale au niveau européen. C’est le cas des objectifs en matière d’apprentissage des langues vivantes et de la diversité de l’offre ; c’est également le cas lorsque l’UE se fixe comme objectif de diminuer de moitié le nombre de jeunes qui ne terminent pas un cycle secondaire supérieur ( 85% à ce niveau en 2010 ). Cela peut constituer des points d’appui pour lutter contre les politiques régressives actuelles.

Les initiatives européennes sont souvent catégorisées en termes de stratégies et de processus :

- la stratégie de Lisbonne (cf supra )

- le processus de Copenhague-Barcelonne : ce sont les objectifs concrets futurs des systèmes éducatifs « Education et formation 2010 » (cf supra )

- le processus de Bruges-Copenhague concerne au départ la formation professionnelle et la formation tout au long de la vie ; tout cela est maintenant intégré à « Education et formation 2010 »

- le processus de Bologne est un cas particulier ; Il a été initié en dehors de toute la

procédure de l’UE par des ministres de l’Education en mai 98 à la Sorbonne : France

(Allègre), Royaume-Uni, Allemagne, Italie ; l’objectif annoncé est l’harmonisation

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des cursus et des diplômes de l’Enseignement supérieur ( le L M D ou 3-5-8 ), ce qui est en contradiction avec les texte des traités qui écartent explicitement toute harmonisation, pour concurrencer les grandes universités américaines. Dès Juin 99, ce sont 29 pays qui se concertent à Bologne et qui prennent la décision de se revoir tous les deux ans pour faire le point de leurs efforts d’harmonisation. A Prague ( 2001 ) et à Berlin ( 2003 ), cela a concerné 33 pays. C’est donc un processus intergouvernemental qui déborde largement l’UE.

Il faut également signaler la parution en novembre 2003 du premier rapport de la Commission sur « Education et Formation 2010 ». Il alerte sur les retards pris, notamment en matière de financement de l’éducation, particulièrement dans le supérieur. Bien. Ce qui est moins positif c’est l ‘argumentation sur le fait que ce retard serait essentiellement dû à l’insuffisance du financement privé par rapport aux USA et au Japon, et que les dépenses publiques, dans une conjoncture de budgets contraints, seraient à un niveau suffisant. D’où un vibrant appel à l’augmentation des financements privés ! Vous avez pu retrouver cela dans toute la presse, du « Monde » à « Libé » en passant par « les Echos ». D’autres points sot plus positifs : l’appel à des mesures d’urgence pour attirer plus de candidats vers la profession enseignante et lutter contre la crise de recrutement, ou l’exigence du développement d’une formation continue gratuite, sur le temps de travail pour ces mêmes enseignants. On sent là que des interventions syndicales ont été partiellement entendues.

on y est impliqué , par exemple celui de Bologne sur l’enseignement supérieur. Ce sont souvent des initiatives de quelques ministres, qui lancent les choses, et non la machinerie européenne. Le processus de Bologne a été lancé au départ par 4 ministres réunis autour d’Allègre à la Sorbonne. Bologne a réuni ensuite 29 ministres. Les ministres se réunissent régulièrement et font le point sur la façon dont chacun progresse vers cet espace européen dans l’enseignement supérieur, au-delà de l’UE.

En conclusion de cette introduction, il faut également remarquer qu’un document comme la circulaire de rentrée 2004 se place explicitement et pour la première fois de manière aussi précise, dans le cadre des objectifs européens. Il y a des contradictions entre ces derniers et les décisions prises pour la rentrée ( suppression de postes, de sections, d’options de langues, diminution drastique des recrutements ) que nous avons tout intérêt à faire éclater.

La diversité :c’est ce qui frappe tout observateur un peu curieux des systèmes éducatifs européens. Chaque essai de classement ou de catégorisation nécessite une multitude de notes sur les différences locales, les exceptions, parfois plus longues que l’essai de synthèse.

Nous allons le constater en abordant brièvement quatre points choisis en fonction de leur actualité dans le débat éducatif français en se limitant au niveau de la scolarité obligatoire ( primaire et niveau collège ) :

- décentralisation et financement - statut des enseignants

- organisation du niveau collège - contenus et programmes

Les sources sont Eurydice ( les chiffres de l’Education 2002 ), les textes de la commission, les interviews réalisées au cours de rencontres ou de visite ( Allemagne, Italie, Portugal, Espagne, Danemark, Finlande, Norvège ) que vous avez pu lire dans l’US mag et quatre années d’expérience au Comité Syndical Européen de l’Education.

.

Décentralisation et financement :

Depuis le début des années 80 et surtout les années 90, le mot qui rend le mieux compte de

l’organisation des systèmes éducatifs est « décentralisation ». Il recouvre cependant des

réalités extrêmement différentes :

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- les niveaux de décentralisation : niveau de l’établissement, comme en Italie, des municipalités, comme dans les pays nordiques ( Danemark, Finlande, Suède ), au niveau d’entités plus larges, comme les Autorités Locales de l’Education ( LEA ) au Royaume Uni, au niveau des états d’une ou des quasi-états d’un pays comme les Länder d’Allemagne ou les Autonomies d’Espagne. (NB : les régions, les départements…sont considérés comme relevant du local )

- Cette première approche est à nuancer dès que l’on examine les mécanismes de financement. Par exemple, pour la détermination des masses budgétaires destinées à la rémunération des enseignants, question clé qui détermine en grande partie leur nombre, la décision est prise au niveau central-supérieur ( national ou länder et autonomies ) dans la majorité des pays ; seuls les pays nordiques ( Dk, S, Fin ) et le Royaume Uni laissent cette décision à un niveau inférieur. A noter qu’en Norvège, pays non membre de l’UE, une réforme appliquée à partir de cette année transfère au local le soin de déterminer la masse salariale destinée aux enseignants au milieu d’une dotation globale attribuée pour l’ensemble des services publics, comme en Suède.

- Pour les sommes finançant les personnels non enseignants, le fonctionnement et l’achat de matériel, la situation est plus contrastée. France, Italie, Espagne, ont des décisions prises à la fois au niveau central-supérieur et au niveau local, seuls les Pays-Bas et la Belgique francophone gardent ces décisions au niveau national. Pour les Pays nordiques et Royaume Uni, tout cela reste au niveau local.

- Pour ce qui concerne le capital immobilier ( bâtiments ) la carte est inversée par rapport au financement des enseignants : seuls 4 pays ( Irlande, Belgique, Autriche et Grèce ) prennent ces décisions au niveau national ; elles sont partagées entre les différents niveaux en Espagne et Allemagne, mais aussi en Finlande, très « décentralisée » sur les autres questions ; la France fait également partie des pays décentralisés. On peut également remarquer en regardant ces cartes que la situation des 10 nouveaux pays entrant dans l’UE, presque tous issus d’une tradition étatique, est très contrastée, avec cependant une dominante décentralisatrice.

Statut des enseignants

Avec la vague de décentralisation des années 80-90, on a assisté simultanément à une diminution de la proportion de fonctionnaires parmi les enseignants, principalement du fait que les enseignants danois et italiens ont perdu ce statut. Mais statut de fonctionnaire ne veut pas nécessairement dire centralisation du système :

- par exemple en Finlande ou les enseignants ont un statut de fonctionnaires ; - Fonctionnaires également les enseignants français, espagnols, portugais, grecs.

- En Allemagne, les indicateurs européens montrent que le statut de fonctionnaire ( des Länder ) cohabite avec celui de contractuel. Mais ce dernier statut ne concerne Qu’une minorité de personnes ( mois de 20%) dans plusieurs nouveaux Länder de l’est. Même situation en Autriche. En revanche, en Belgique et aux Pays-Bas, c’est le statut de fonctionnaire qui est minoritaire, puisque la majorité des écoles sont privées.

- Dans les autres pays ( Suède, Italie, Royaume Uni, Irlande ) les enseignants sont des contractuels soumis à la législation générale sur le travail.

La distinction fonctionnaire-contractuel est cependant insuffisante pour rendre compte de la

situation réelle. Seuls les enseignants allemands, espagnols, français et des écoles publiques

belges sont des fonctionnaires de carrière avec des statuts, une garantie d’emploi à vie. Mais

il peut y avoir des limitations importantes : absence du droit de grève et de droit à la mobilité

entre les Länder en Allemagne ; mobilité réduite en Espagne où on ne peut demander sa

mutation qu’une année sur deux. Tout les statuts de fonctionnaires n’ont pas été établis dans

des conditions de rapport de force social et historique favorables aux forces de progrès,

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comme cela a été le cas pour le Statut Général en France à la libération, et pour les développements apportés par la loi Le Pors.

Les enseignants de Finlande ont des salaires et des conditions de travail négociés nationalement et régulièrement. Le fait que 95% des enseignants soient syndiqués au même syndicat leur donne force et confiance. En Italie, nos camarades de la CGIL-Scuola nous disent que le fait d’être associés aux autres travailleurs comme contractuels de l’état dans les grandes négociations nationales sur les salaires, la protection sociale et les retraites leur donne de meilleures garanties que lorsqu’ils étaient fonctionnaires.

La qualité de l’employeur est un autre élément de différenciation :

- état central ( France, Portugal Italie ), état « régional » ( Allemagne, Autriche, Espagne, Belgique )

- niveau local : municipalités (Suède, Danemark, Finlande), établissement ( Royaume Uni, Irlande )

En Europe, un enseignant peut donc être contractuel soumis aux lois générales sur le travail et employé par l’état (Italie), fonctionnaire municipal avec des conditions de travail dépendant de négociations nationales et non d’un statut ( Finlande ) ou de négociations locales (Suède ) etc…Nos repères traditionnels sont un peu bousculés !

Le niveau collège

Il est appelé secondaire inférieur ou CITE 2 dans le jargon européen.. Il existe en gros trois

« modèles » d’organisation :

- la structure unique ou école de base, de l’enseignement primaire au collège, caractéristique des pays nordiques : Suède, Finlande, Danemark.

- Le tronc commun séparé de l’école primaire : France, Royaume Uni, Irlande, Espagne, Italie. Mais il y a des évolutions en Espagne et en Italie. Pour cette dernière, la réforme Moratti, du nom de la ministre de l’éducation du gouvernement Berlusconi vise à remettre le tronc commun en cause et à orienter vers l’enseignement professionnel et l’alternance les élèves dès l’âge de 14 ans ; elle n’est pas encore appliquée. En Espagne, à l’initiative du gouvernement Aznar a été adopté en 2002 une réforme qui organise en voies diversifiées les deux dernières années du tronc commun ; 2 voies la 1

ère

année ( Technologique, Humanités scientifiques ) et trois voies la 2

e

année ( Technologique, Scientifique, Humanités ) qui conduiront théoriquement au même diplôme de fin de scolarité obligatoire. Tout cela au nom de l’efficacité de l’enseignement où chacun trouve

« naturellement » la place qui lui convient

- Les structures différenciées : Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-bas.

Le « tronc commun » improprement appelé en France collège unique, nous est plutôt familier. Les autres « modèles » nous le sont moins.

- En Belgique et aux Pays-Bas les structures différenciées n’impliquent que deux voies,

l’une à orientation générale, l’autre à orientation technologique et professionnelle. En

Allemagne et Autriche, il y a une orientation et une séparation des élèves dès l’âge de

onze ans en fonction des résultats des élèves et de l’avis des enseignants. Le niveau le plus

bas conduit à la Hauptschule 30% des élèves, qui après 5 ou 6 années intègreront le

système dual ( formation professionnelle en alternance de 2 ou 3 ans ) ; le niveau moyen

conduit à la Realchule 35% des élèves qui après 5 ou 6 années iront pour la majorité vers

le système dual, pour un nombre plus restreint vers les instituts techniques, et quelques

uns pourront rejoindre la filière générale ; le niveau le plus haut permet à 30% d’accéder à

la filière générale, la plus « noble », le Gymnasium, qui après 4 année conduit à l’Abitur,

équivalent de notre bac et à l’université Un tout petit nombre d’établissements sont

organisés sur un mode compréhensif proche du tronc commun, notamment dans quelques

grandes villes et certains nouveaux Länder de l’est, mais ils ne scolarisent que 5 à 6% des

élèves. Ce système a toujours été pour la grande majorité des Allemands le garant d’un

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enseignement de qualité, où les meilleurs ne sont pas freinés par les plus faibles, et où ces derniers peuvent recevoir une formation professionnelle. A tel point que lors de la réunification, la quasi totalité des nouveaux Länder ont abandonné leur système compréhensif d’écoles polytechniques pour adopter le système des filières. Or ce système est en crise, non seulement parce qu’il se révèle incapable de donner au plus grand nombre de jeunes la culture générale qui leur permettra d’évoluer dans leur vie future, qu’il peine à délivrer des qualifications technologiques larges, mais aussi que le patronat allemand rechigne de plus en plus à en assumer les coûts. Les résultats de l’évaluation internationale PISA, dont nous parlerons tout à l’heure, a révélé publiquement certaines de ces faiblesses, provoquant un véritable traumatisme politique outre Rhin.

- L’école de base, structure unique, qui associe niveau primaire ( à partir de 7 ans ) et collège, et dans laquelle l’école maternelle, de création récente, ne concerne qu’une seule année ( 6-7 ans ) Pour avoir vu d’un peu plus prés la Folkeskole danoise et L’Ecole de Base finlandaise, je peux dire que plusieurs différences sautent aux yeux. Autant les préoccupation de contenus d’enseignement et d’évaluations régulières sont présentes en permanence dans l’école finlandaise, autant celles des autorités danoises se portent sur la socialisation, le vivre ensemble, le travail coopératif dans les groupes d’élèves. C’est également visible dans la formation des enseignants de ce niveau du système. Au Danemark, ils sont pour l’essentiel formés dans les instituts pédagogiques hors de l’université pour être d’abord des généralistes ; ils se considèrent d’abord comme des spécialistes de l’éducation, avant d’être des enseignants de telles ou telles disciplines, qui peuvent changer selon les besoins de l’établissement, même si une réflexion se développe depuis quelque temps au niveau du ministère pour donner plus de place aux disciplines.

En Finlande, tous les enseignants sont formés au niveau de la maîtrise, avec une initiation à la recherche, dans les instituts universitaires de pédagogie associés aux départements disciplinaires des universités. Les enseignants des 6 1ères années sont polyvalents ( leur maîtrise comporte un mémoire de recherche en Sciences de l’Education ), les enseignants des trois dernières sont des spécialistes de discipline ( leur maîtrise comporte un mémoire de recherche dans leur discipline dominante – et une formation dans leur discipline seconde ) ; des échanges de service entre généralistes et spécialistes sont favorisée, notamment sur les années charnières ( 6

e

et 7

e

année ).

- d’autres points sont également intéressants à remarquer dans l’ensemble de ces trois

« modèles » :

la composition des groupes classes : sans surprise les groupes sont homogènes dans les pays à filières séparées ( Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas ), et il sont très hétérogènes dans les écoles de base des pays nordiques ( Suède, Finlande, Danemark ), les pays de tronc commun ( les 8 autres ) pratiquent des groupes d’hétérogénéité moyenne.

comment les élèves parcourent ce cursus : la promotion automatique est pratiquée dans les écoles de base nordiques ( en Finlande la loi prévoit la possibilité de redoubler, mais les circulaires l’excluent pratiquement ) ; les pays de tronc commun sont plus différenciés : promotion automatique au Royaume Uni, en Irlande et en Espagne, alors qu’il est possible chaque année en France, au Portugal, en Grèce, et en Italie, mais pratiquement prohibé par circulaire dans cette dernière. Les pays à structures différenciées pratiquent tous le redoublement. Dans 8 pays sur 15, le passage d’une classe à l’autre est donc de fait automatique.

Contenus et Programmes

Pour l’essentiel, les contenus et les programmes font l’objet de décisions nationales ( ou Länder ou Autonomies espagnoles ), quel que soit le type d’organisation du niveau collège.

Mais le niveau local dispose d’une marge d’autonomie dans la plupart des cas, et la nature de

ces décisions change en fonction du degré d’autonomie.

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L’autonomie est strictement encadrée en Finlande où un organisme national indépendant du ministére, le Conseil National de l’Enseignement fixe 70% des programmes et laisse 30% à l’initiative locale ; en Italie, c’est 20% des contenus qui sont laissés à l’initiative de

l’établissement. Les établissements peuvent choisir d’introduire des enseignements non compris dans les programmes nationaux ( spécificités locales au plan historique ou géographique, langues minoritaires etc…) ou choisir des approfondissements dans des disciplines ou de domaines faisant partie des programmes. Les évaluations de fin de scolarité obligatoire, quelle qu’en soient les formes, portent essentiellement sur des connaissances disciplinaires.

Les heures d’enseignement allouées aux disciplines de base sont contrôlées d’assez près par le niveau national, avec des indicateurs mixant le nombre d’élèves et spécificités diverses. Les volumes sont très comparables en masses globales d’ un pays à l’autre sur la scolarité

obligatoire, mais ces disciplines ne sont pas nécessairement enseignées chaque année. Il existe cependant des exceptions.

Au Pays-Bas où la dernière réforme éducative a poussé très loin l’autonomie, le niveau national se contente de fixer les matières obligatoires et les compétences transversales que les élèves doivent acquérir. A chaque établissement de fixer les règles et les cadres !

En Suède , où depuis plusieurs années, les municipalités reçoivent une dotation globales pour l’ensemble des services publics locaux y compris l’éducation, une certaine inquiétude semble poindre par rapport à la qualité de l’école dans certaines villes, ce qui se traduit par la multiplication des évaluations nationales.

Au Royaume Uni, c’étaient traditionnellement les autorités locales qui étaient responsables des contenus. Depuis maintenant près de 10 ans ( mouvement amorcé par la très conservatrice Margaret Thatcher et poursuivi par Tony Blair ) le gouvernement pèse pour imposer des programmes nationaux, aux moins en anglais et en math. La résistance des syndicats à ce qui était perçu comme un recul démocratique a été très vive, mais elle s’atténue quelque peu. Le fait de disposer de cadres nationaux et de directives nationales en matière d’apprentissage de la lecture par exemple, semble aujourd’hui plutôt bien perçu par une majorité d’enseignants.

Quelles conclusions tirer de cet ensemble ?

D’abord qu’il n’y a pas de « modèle européen » qui s’imposerait de manière évidente.

Chaque pays a longtemps vécu avec l’idée que son système est le meilleur du monde, à commencer par la France.

Mais les gouvernements sont maintenant poussés à évaluer plus précisément la qualité de leurs systèmes, notamment avec les objectifs qu’ils se sont fixés au niveau européen.

Les évaluations internes ( examens, certificats de fin de scolarité ), ont longtemps été les seuls instruments disponibles. En fin du niveau collège, seule les élèves irlandais passent un examen constitué d’épreuves terminales. Dans plusieurs pays, la certification est basée sur les notes de l’année uniquement ( Finlande, Suède, Allemagne, Autriche, Espagne ) ; les plus nombreux panachent épreuves terminales et notes de l’année ( Royaume Uni, France, Danemark, Pays Bas, Italie, Belgique, Grèce ). Le souci d’évaluer plus précisément est particulièrement visible en Suède et en Finlande, avec la multiplication d’évaluations externes. En Finlande, c’est le Conseil National de l’Enseignement qui est chargé de ces évaluations.

Ce qui se passe à l’issue du niveau collège peut également être une indication pertinente.

L’école de base des pays nordiques, souvent citée par des sociologues français comme la plus

« démocratisante », débouche pour une proportion importante d’élèves ( de l’ordre de 60% )

sur un système de formation professionnelle en alternance école-entreprise. Cela semble faire

consensus dans ces sociétés, et l’avis des enseignants, prépondérant pour une admission en

lycée ne semble pas remis en cause. Pour les systèmes à filières, c’est encore plus important

( entre 65 et 70% ). Dans les systèmes de tronc commun, les orientations sont plus

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diversifiées, mais la situation française où la grande majorité des jeunes reste scolarisée en au sein des trois voies des lycées reste une exception.

La période récente est marquée par le développement d’évaluations internationales, notamment à l’initiative de l’OCDE ; l’UE cherche à se doter d’instruments propres d’évaluation. L’année dernière a été marquée par la publication de l’étude PISA 2000 ( Programme for International Student Assessment ) sur les compétences des élèves de 15 ans, donc proches de la fin de la scolarité obligatoire. En France, compte tenu de la période de l’étude, la majorité de ces élèves étaient en seconde. Il s’agissait de vérifier des compétences, et non des connaissances en compréhension de la langue essentiellement, avec en plus quelques approches en culture mathématique et en culture scientifique. On peut évidemment contester en bloc le dispositif. Mais outre le fait que des experts et des représentants de tous les pays et les ministères ont participé à son élaboration, et proposé des types d’exercices, il constitue une masse d’informations précieuses, qu’il serait nécessaire de soumettre à l’examen critique de la recherche. Ce que n’ont pas fait la plupart des médias et des gouvernements qui se sont focalisés sur le « palmarès », mais ce que la DPD a commencé à faire. Il serait intéressant que d ‘autres équipes de recherche s’emparent de ces données.

On y voit par exemple que les élèves français sont les champions de la non-réponse ; devant une difficulté, ils préfèrent s’abstenir plutôt que de prendre le risque de s’exprimer, à l’inverse des élèves britanniques par exemple ; cela ne doit-il pas provoquer quelques réflexions sur les pédagogies majoritairement en cours dans nos établissements ? Ils réussissent plutôt bien des exercices où il faut trouver l’information dans un texte, un tableau, un graphique, une carte ; et bien sûr, ils obtiennent les meilleurs résultats à propos de la compréhension d’un texte assez littéraire qui avait été proposé par les experts…français ! Il faut donc toujours garder une forme de distance avec les détails. Mais sur quelques grandes données, il y a des tendances fortes. Les élèves Finlandais réussissent mieux que les autres européens en moyenne’ et dans tous les domaines ; les écarts entre les meilleurs et les moins bons sont plus faibles que dans les autres pays. Les élèves allemands réussissent très médiocrement en moyenne, assez nettement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, et les écarts entre les meilleurs et les moins bons sont très importants. Les élèves suédois réussissent en moyenne presque aussi bien que les finlandais en compréhension de l’écrit, mais avec des écarts un peu plus importants, et pas en culture mathématique, où ils se situent après les français. Les élèves britanniques réussissent mieux en moyenne dans tous les domaines que les élèves français, notamment en culture scientifique où ils font quasi jeu égal avec les finlandais ; c’est un choc pour notre vision traditionnelle du système éducatif anglais présenté comme le repoussoir, comme le modèle de tout ce qu’il faut éviter ; mais il faut remarquer que c’est au prix d’un écart très important entre les meilleurs et les moins bons ; il faudrait regarder de près, mais je ne peux m’empêcher de penser à l’écart au niveau de l’encadrement, des équipements et du financement entre les écoles privées élitistes et prestigieuses et un grand nombre d’écoles publiques. Enfin, les élèves français réussissent moyennement ( un peu au dessus de la moyenne de l’OCDE ) en compréhension de l’écrit et culture scientifique, et réussissent leurs meilleurs résultats en culture mathématique ; à noter qu’à part en culture scientifique, les écarts entre les meilleurs et les moins bons est parmi les plus faibles.

Les experts de l’OCDE en ont vite tiré des conclusions carrées . Pour eux, les clés de la réussite des systèmes éducatifs tiennent en trois points : décentralisation dans tous les domaines, système compréhensif qui garde tous les élèves ensemble au moins pour la scolarité obligatoire, promotion automatique d’un niveau à l’autre assortie de moyens de soutien.

Si la condamnation des filières à l’allemande paraît peu contestable, cette approche reste

superficielle et fortement influencée par des à-priori idéologiques courants à l’OCDE. Au

cours d’un colloque organisé à Londres par les syndicats enseignants britanniques sur PISA

2000, j’ai fait remarquer au directeur des programmes de l’OCDE que ses conclusions

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collaient assez bien avec la situation finlandaise, mais qu’elles étaient contredites par celle du Danemark, qui avec les mêmes « atouts » faisait mois bien que la moyenne des pays de l’OCDE, et moins bien notamment qu’ un pays comme la France, au centralisme si décrié.

« Bonne question » a-t-il répondu « mais comme à toutes les bonnes questions, il faut un peu plus de temps pour trouver une réponse ». Que ne s’est-il appliqué cette sage pensée à lui- même !

Arrivé au terme de cette présentation je pense que c’est bien cela dont il s’agit. Se défaire des dogmes et des a priori, aller au delà des formes pour essayer d’identifier les questions de fond, écouter ce que nous disent les syndicats des autres pays sur leurs analyses, leurs propositions, et essayer de définir avec eux des stratégies syndicales communes au niveau européen. C’est ce que nous verrons dans la deuxième séquence du stage.

Un système ne garantit pas la qualité et la démocratisation par le fait qu’il est centralisé ou décentralisé. Il paraît évident que d’autres dimensions très importantes entrent en action : - la volonté d’inclusion affichée par toute la société ; les finlandais sont très fiers de leurs

repas gratuits pour tous les élèves de l’école de base, du réseau le plus dense au monde de bibliothèques gratuites, tout cela financé par des fonds publics.

- La définition de contenus ambitieux, qui, parce qu’appuyés sur un cadrage national fort, font consensus.

- La formation des enseignants de haut niveau, incluant une initiation à la recherche, qui fait des enseignants capables de s’interroger sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas

- La question des financements publics, qui, plus que du niveau institutionnel d’où ils viennent, sont importants par le niveau d’engagement public qu’ils traduisent. A ce sujet, contrairement à quelques idées reçues, les systèmes nordiques décentralisés coûtent plus cher aux finances publiques qu’un système plus centralisé comme le système français.

- Le fait qu’il existe certainement un génie propre de chaque système qu’il s’agit de travailler et de faire évoluer plutôt que d’essayer d’importer des « modèles ».

J’en ajouterai une : la force du contrôle syndical. J’ai déjà évoqué la puissance du syndicat finlandais ; la place du syndicalisme explique en partie le choix de nos collègues italiens de soutenir la réforme éducative de 1996, qui impliquait une forte autonomie des établissements et même la perte du statut de fonctionnaire (cf statut des enseignants ). Lorsqu’on les interroge sur ces questions qui troublent le syndicaliste français moyen, nos interlocuteurs de la CGIL-Scuola nous expliquent que le système éducatif italien étouffait dans le carcan d’un centralisme tatillon hérité du début du siècle, mais également marqué par l’état mussolinien : aucune initiative possible, coupure avec la société, financement médiocre, résultats médiocres. Avec l’autonomie des établissements, les syndicats ont obtenu la création des Représentations Syndicales Unitaires ( RSU ) élues au niveau de chaque établissement, des sortes de CAP locales qui peuvent intervenir sur les conditions de travail et la mise en œuvre des politiques éducatives ; ajoutons le fait que le Conseil Pédagogique de l’établissement ( les enseignants ) est entièrement maître du projet pédagogique adopté par le Conseil d’Institut où siègent les représentants de tous les personnels et des usagers, et l’on peut essayer de comprendre l’attachement des syndicalistes italiens à « leur » autonomie.

Ne pas prendre la proie pour l’ombre, s’attacher aux questions de fond plus qu’aux questions

de forme, c’est à cela que pousse la fréquentation des systèmes éducatifs européens et de leurs

acteurs ; cela peut nous rendre plus pertinents et percutants dans nos interventions au niveau

de notre pays, sur les politiques nationales comme sur les choix que nos ministres font au

niveau européen.

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