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”La ville aux cent tours” Quand Cularo devint Grenoble
Yann Bonfand
To cite this version:
Yann Bonfand. ”La ville aux cent tours” Quand Cularo devint Grenoble. XIe Colloque Historique de
Fréjus. Les enceintes médiévales et modernes en Provence, Sep 2016, Fréjus, France. �hal-01988670�
“La ville aux cent tours”
Quand Cularo devint Grenoble
XI
eCOLLOQUE HISTORIQUE DE FREJUS
Les enceintes urbaines médiévales et modernes en Provence FREJUS (PACA), 23 – 24 Septembre 2016
La fortification antique
Connue par les lettres de L. Munatius Plancus adressées à Cicéron en 43 av. J.-C., la bourgade protohistorique de Cularo est un nœud alpin stratégique. Elle demeure cependant modeste et délaissée des sources au cours du Haut Empire. L’emprise urbaine, alors estimée à 14 ha, se voit réduite à 9 ha lors de l’érection de la fortification. Celle-ci intervient à la fin du IIIes. comme
Yann Bonfand
1Par bribes
Ainsi qu’observé sur les plans de la ville depuis plus d’un siècle, la fortification s’est peu à peu effacée sous la densification de l’occupation.
Si des contraintes urbaines révèlent sans équivoque sa présence à l’œil
An XI de la République [1802], 5h de l'après-midi :
l’entreprise de destruction d’une voûte place Notre-Dame eut raison de la tour de l’évêché attenante ; elle s’écroula.
Grenoble perdait une de ses tours, rare vestige de son enceinte antique et de ce que la dédicace impériale, gravée au-dessus de la voûte, appelait la Porte Viennoise.
« Le vray portraict de la ville de Grenoble » - Vue cavalière gravée sur bois par Prévost en 1575.
réduite à 9 ha lors de l’érection de la fortification. Celle-ci intervient à la fin du III s. comme l’atteste la dédicace des empereurs Dioclétien et Maximien, ce qui en fait la seule enceinte de Gaule dont l’achèvement peut être daté de façon fiable par une inscription (entre 283 et 296).
De forme elliptique et pourvue de tours semi-circulaires (39 ?), elle mesurait près de 1160 m. Ceint d’un fossé, l’accès s’effectuait via deux portes rehaussées d’une inscription appelées, de façon éponyme, du nom de la cité où elles conduisaient : Romaine au Sud et Viennoise au Nord.
Si les avis divergent quant à la justification de cette construction, l’évocation de Dioclétien plaide pour l’associer aux réformes de l’Empereur, dans le cadre d’une autonomisation du territoire de Cularo vis-à-vis de celui de Vienne. L’agglomération nouvellement fortifiée serait devenue chef- lieu. Fort de cette lecture historique qui corrèle l’édification d’une fortification à l’accession d’un nouveau statut administratif, l’enceinte de Cularo servit de référence pour dater celles de Gap et Genève. La grande ressemblance de construction entre les portes de Grenoble et celle de Die, évoquée par Aymar du Rivail au XVIes., fut parmi les éléments caractéristiques qui ont plaidé pour en approcher la datation.
Une pérennité millénaire
A l’instar de nombreuses autres agglomérations, les données relatives à la période du haut Moyen Âge sont très lacunaires. Sans connaître de récession Cularo, devenue Gratianopolis en l’honneur de Gratien au IVes., se développe jusqu’à déborder de son enceinte à une date indéterminée.
Un accord entre l’évêque Hugues II et le dauphin, vers 1140, mentionne pour la première fois le
« Bourg de l’Île » hors les murs. Le développement de quartiers extra-muros par l’agglutination d’habitats va permettre de renouveler la physionomie urbaine. L’enceinte romaine est alors agrandie vers l’Est dès 1374 de plus de 4 ha afin d’englober le faubourg de l’île, vers l’Ouest de près d’1,35 ha. C’est à l’abris de ces murs que s’implantent les Cordeliers au Nord-est et les Jacobins au Sud-ouest – situés respectivement à proximité des portes Viennoise et Romaine.
aguerri, l’enceinte ne présente toutefois plus que de rares bribes de son antique splendeur.
Souvent signalés, rarement relevés, ces vestiges sont actuellement l’objet d’une campagne de géoréférencement et de modélisation via photogrammétrie. L’objectif étant d’en préciser le tracé ainsi que les volumes dans le cadre d’un inventaire exhaustif des vestiges.
Rare vestige apparent au cœur de la ville, la tour et court tronçon de courtine qui demeurent rue Lafayette sont le maigre témoin d’une opération immobilière qui fit disparaitre, en 1962, près de 65 m de l’enceinte antique.
La photogrammétrie restitue une vue modélisée des vestiges et permettra de donner une idée des volumes conservés dans le bâti actuel.
La tour dite de la trésorerie se compose d’une élévation médiévale qui s’appuie sur une fondation antique.
La mise en correspondance des techniques permet de créer des vues en plan et de confronter les relevés archéologiques effectués au cours des opérations.
La fouille de la place Notre-Dame (1991- 1996) a exhumé les vestiges dérasés de la tour détruite en 1802, sa poterne, un long tronçon de courtine et une autre tour.
1LUHCIE, Université Grenoble Alpes (yann.bonfand@laposte.net) Avec le soutien financier de la Région Rhône-Alpes
Pendant près d’un millénaire, la fortification antique demeure l’unique système défensif de l’agglomération. A ce titre, elle est entretenue et restaurée. La gravure ci-dessus réalisée en 1559 de son parement extérieur (parties anciennes et récentes) ne donne aucune indication relative au délabrement de l’enceinte. Pourtant, elle paraît nettement moins bien conservée sur des plans de la même période, notamment une célèbre vue en plan réalisée au XVIes. (voir ci-dessous) et qui présente notamment un projet de fortification jamais réalisé.
Par ailleurs, les fouilles menées à l’Ancien Évêché (1991-1996) ont pu montrer que le fossé avait été régulièrement curé et entretenu, au moins jusqu’au XIes.
Relevé ; D.A.O. ; Clichés ; Photogrammétrie : Y. Bonfand Plan de Grenoble : N. Esperguin
Gravures anciennes : Archives Départementales de l’Isère
Une fenêtre pédagogique ouverte en 1929 dévoile le blocage antique de la courtine qui vient contre cette tour.
Quand l’architecture ne permet pas d’effectuer des relevés, la modélisation autorise des manipulations qui, dans le cas de la tour de la Trésorerie, permettent de préciser le point de jonction entre la courtine et la tour, jamais relevé précédemment.
Sous le joug de Lesdiguières
François de Bonne, futur Duc de Lesdiguières, pris la ville aux catholiques fin 1590. Conscient des faiblesses d’une telle structure au regard de l’évolution de la poliorcétique, il décida de faire construire une nouvelle fortification bastionnée en adéquation avec l’armement moderne. C’est dans ce cadre qu’il fit détruire la porte Romaine en 1594.
Considérée comme l’une de ses grandes victoires, il demanda à faire représenter la prise de Grenoble sur l’un des marbres de son mausolée, à Gap.
Perspectives
De la ville aux cent tours, telle que la nommait Nicolas Charbot au XVIIIes., il ne reste qu’un patrimoine jalousement gardé et
qu’une poignée de tours attestées. Les destructions ont été nombreuses et, comme
bien souvent, relativement récentes.
Un inventaire précis et exhaustif reste à effectuer de chaque élément antique et médiéval qui puisse être observé afin de renseigner au mieux les fortifications : leur
localisation précise, leur mode de construction et matériaux ainsi que leur état
de conservation. Un travail d’enregistrement qui fait interagir SIG, relevés archéologiques et photogrammétrie.
Relevé du talon arrière d’une tour antique – Parvis Saint-Hugues Détail de vue en plan de Grenoble – XVIes
N°23 : Porte Romaine N°31 : Projet de nouvelle fortification