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Analyse des attitudes et représentations sociolinguistiques de la langue française chez les apprenants et les enseignants dans les établissements d’enseignement publics d’El Milia, cas des classes terminales

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

République algérienne démocratique et populaire

Ministère de l’enseignement supérieure et de la recherche scientifique Université de Jijel –Tassoust-

Mémoire de fin d’étude

Présenté pour l’obtention de diplôme de Master académique

Domaine : Lettres et Langues Filière : Langue française Spécialités : Sciences de langages

Thème :

Analyse des attitudes et représentations sociolinguistiques de la

langue française chez les apprenants et les enseignants dans les

établissements d’enseignement publics d’El Milia, cas des classes

terminales

Encadré par : Présenté par : M. BOUKROUH N M. BOULAA Youssouf

(2)

Résumé :

Cette recherche tente d’analyser et déterminer le statut de la langue française dans la région d’El Milia et l’ambivalence (au sens psychanalytique) de la place qu’elle occupe. Elle tente d’analyser la situation sociolinguistique et scolaire dans un contexte géo-historique précis, et de mesurer son impact sur le processus d’enseignement / apprentissage du français. Autrement dit, le contexte sociolinguistique de cette région sera étudié en fonction des attitudes et représentations vis-à-vis cette langue, et en fonction aussi des paramètres relatifs au contexte historique et géographique propre à la région.

Notre étude consiste à :

 Observer sur le terrain et faire collecte de données selon une démarche

scientifique : expérience en double aveugle.

 Analyser et évaluer l’impact des attitudes et représentations sociolinguistiques sur

le processus d’enseignement / apprentissage du français.

Mots-clés :

Attitudes linguistiques, bilinguisme, colonialisme linguistique, conflit linguistique, diglossie, insécurité linguistique, idéologie, légitimité linguistique, représentations sociales.

(3)

This research attempts to analyse and determine the status of the French language in the region of El Milia and the ambivalence (in the psychoanalytic sense) of the place it occupies. It tends to analyse the sociolinguistic and academic situation in a precise geo-historical context, and to measure its impact on the teaching / learning process of French. In other words, the sociolinguistic context of this region will be studied according to the attitudes and representations towards this language, and according to the parameters relative to the historical and geographical context, which is specific to the region. Our study consists of:

• Data collection through observation and questionnaire according to a scientific approach: double blind experience.

• The analysis and the evaluation of the influence of sociolinguistic attitudes and representations on the teaching / learning process of French.

Key words:

Linguistic attitudes, bilingualism, linguistic colonialism, linguistic conflict, diglossia, linguistic insecurity, ideology, linguistic legitimacy, social representations.

(4)

ضقانتلا( مئاقلا ضقانتلا حيضوتو ةيليملا ةقطنم يف ةيسنرفلا ةغللا ةناكم ديدحتو ليلحت لىا ثحبلا اذه فدهي يعامتجلاا عضولا ليلحت ،اضيأ ثحبلا اده لواحي . يليملا درفلا ىدل اهتناكمل ) يسفنلا ليلحتلل عباتلا هانعمب ،قيقد يخيراتو يفارغج قايس يف يميداكلأاو يوغللا ةبسنلاب ملعتلا / ميلعتلا ةيلمع لع لماوعلا هده ريثأت سايقو هاجت تلايثمتلاو فقاوملل اقفو ةقطنملا هذهل يوغللا يعامتجلاا قايسلا ةسارد متيس ،رخآ نعمب .ةيسنرفلا ةغللً .ةقطنملاب صاخلا يفارغجلاو يخيراتلا قايسلاب ةقلعتملا ريياعملل اقفو اً ضيأو ،ةغللا هذهً . نوكتي :نم ثحبلا اده •)ةيئانثلا ةيمعتلا( ةجودزملا ةيمعتلا ةبرجت : يملع جهنمل اقفو تانايبلا عمجو ناديملا يف ةبقارم. • ةيسنرفلا ةغلل ملعتلا / ميلعتلا ةيلمع لع تلايثمتلاو ةيوغللا ةيعامتجلاا فقاوملا ريثأت مييقتو ليلحت . :ةيحاتفملا تاملكلا فقاوملا ،ةيوغللا ةيئانث ةغللا ، رامعتسلاا ،يوغللا عاصرلا ،يوغللا ةيوغللا ةيجاودزلاا ، ناملأا مدع ،يوغللا ،ةيجولويديلأا ةيع رشلا ،ةيوغللا . يعامتجلاا ليثمتلا --*-*-*--

(5)

A mes parents …

A ma femme …

A ma sœur …

(6)

Remerciements

Beaucoup de personnes ont pris part à l’aboutissement de ce travail. J’espere

n’oublier personne dans ces remerciements.

En premier lieu, ma reconnaissance et mes sincères remerciements

s’adressent à M. BOUKROUH, pour son soutien, la pertinence de ses

conseils et surtout la qualité de la relation humaine dont il a fait preuve à

mon égard.

Je tiens à remercier chacun de membres de jury pour m’avoir fait l’honneur

de lire et évaluer mon travail.

Je tiens à remercier ma chère femme pour sa patience et sa contribution à la

collecte et au classement des questionnaires.

Je tiens aussi à remercier mon cher ami Ibrahim Rekioua, et Djalal Kidri

pour leur précieuse contribution à la distribution et à la collecte des

questionnaires.

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à

la réalisation de ce travail.

(7)

Table des matières :

Dédicaces

Remerciements

Tables des matières

Introduction générale ……….

04

Chapitre I : états des lieux, considérations historiques

1. Bref aperçu historique de l’Algérie

………..10

2. Le français en Algérie ………..18

3. Politique et planification linguistique ………..22

Chapitre II : Cadrage théorique :

1. Représentations et attitudes sociolinguistiques

………..…..35

2. Le colonialisme linguistique ………49

3. Le conflit linguistique ………..57

Chapitre III : recueil et traitement de données

1. Méthodologie de l’enquête ………..……62

2. Analyse des données ………...….……73

3. Bilan de différentes représentations ……….81

Conclusion générale ………..….88

Liste de références bibliographiques ……….… 91

Annexes

(8)

Introduction

Générale

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L’Algérie est un pays plurilingue, on ne peut pas échapper à cette réalité, et ce plurilinguisme ne peut être saisi que par un recours d’abord à l’Histoire puis à la sociolinguistique : ces conquérants séduits par cette terre riche et chaleureuse ; résultante de ces invasions continues, plusieurs langues sont ainsi imposées. A cette diversité linguistique correspond une multitude de situations sociolinguistiques qu’il faut prendre en compte. Les particularités régionales de ces situations qui sont différentes selon que l’on s’intéresse à une ville au grand Sud ou une autre au nord du pays. Une prise en compte de ces spécificités régionales est nécessaire notamment pour les concepteurs de programme scolaire de FLE.

Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer la particularité de ce cas d’étude. L’Histoire de la région et sa géographie : une population qui, depuis 1830, n’a cessé de lutter contre la colonisation ; d’une révolution armée à une autre, dont la plus longue a durée plus de 19 ans. Sans parler de son rôle primordial dans la guerre de libération nationale, mais la région est restée négligée par le pouvoir politique mis en place après 1962.

De plus, sa situation géographique, El Milia est implantée au milieu entre Constantine au sud, Skikda à l’est et Jijel au nord, elle est le point de relais stratégiquement très important par ses reliefs montagneux difficilement accessible aux forces ennemies.

Ces éléments cités expliquent l’organisation de la région sur le plan social et sur le plan linguistique. Nos questionnements de départ sont d’origine didactique et historique et sont relatifs au constat suivant :

En tant qu’enseignant du français au lycée et au collège ainsi que dans plusieurs établissements privés d’enseignement des langues dans ces six dernières années, nous avons eu l’occasion de travailler avec un grand nombre d’apprenants de différents âges et de différentes souches sociales, il nous est arrivé à plusieurs reprises de constater que les comportements des apprenants vis-à-vis les langues étrangères en général et vis-à-vis le français en particulier reflètent un malaise, un dérangement, de la peur et surtout de l’insécurité. Au fur et à mesure des discussions amicales menées avec les apprenants sur ce sujet, les causes apparentes sont les préjugés et les idées reçues qu’ils ont à l’égard de la langue qui leur font obstacle : quel est l’intérêt à apprendre cette langue ? le français

(10)

est une langue difficile, j’aime plutôt l’anglais. C’est la langue de colonisateur ! nous

nous sommes longtemps interrogé sur l’origine de ces répliques,

Nos questionnements ne peuvent trouver de réponse sans faire appel à la sociolinguistique qui permettra de préciser le statut de la langue française à El Milia et de cerner les représentations véhiculées sur cette langue par les apprenants en particulier et par la société en général.

Dans son livre « linguistique et colonialisme » Louis-Jean Calvet démontre que l’étude des rapports linguistiques entre différentes communautés et leurs traductions idéologiques et politiques ont été utilisées pour justifier l’entreprise coloniale, en commençant par le droit de nommer :

Un objet n’existe qu’à travers les descriptions qu’on en donne. Et ces descriptions successives sont toujours des produits : l’homme regarde le monde qui l’entoure et en donne une interprétation idéologique, qui se réinsère aussitôt dans la pratique sociale, justifie par elle et la justifiant (…) montrer comment la découverte du monde, poussant les communautés à penser leurs rapports, a amené certains d’entre elles à théoriser leur supériorité sur les autres, cette théorisation pouvant ensuite participer à la justification de l’entreprise coloniale 1.

Notons au passage qu’en Algérie, et après la loi sur l’état civile de 1882, et les différentes politiques coloniales à savoir, l’école et l’administration : « L'enregistrement des populations autochtones à l'état civil s'effectue plus progressivement (Antérieurement à l'arrivée des Français, les naissances et les décès n'étaient pas déclarés, et il n'existait en Algérie ni registre nominatif, ni recensement »2 car l'anthroponymie traditionnelle,

constituée généralement d’un prénom et de la filiation paternelle indiquée par un préfixe comme ben - fils de -) « loi du 23 mars 1882 relative à la constitution de l'état civil des indigènes musulmans de l'Algérie organise le recensement et impose l'obligation d'un patronyme à la totalité de la population »3 d’une manière banale ce qui a constitué un

début d’un déracinement que s’est accentué depuis lors par les mutations sociales et les

1 Louis-Jean Calvet, linguistique et colonialisme, p15 2 Etat civil français en Algérie, article in Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_civil_fran%C3%A7ais_en_Alg%C3%A9rie

3Loi du 23 mars 1882, qui constitue l'État civil des Indigènes musulmans de l'Algérie, promulguée au Journalofficiel du 24 mars 1882; accès sur Gallica au Bulletin des lois de la République française N° 689, p. 349-353

(11)

différentes politiques coloniales qui se sont enchainées par la suite visant à anéantir l’identité du peuple algérien notamment par l’école, l’administration et les restrictions sur les activités des mosquées.

Une autre de ces politiques coloniales qui est marquée aussi par les tentatives de priver le peuple algerien d’une composante primordiale de l’identité qui est la langue. En plus, et à partir de moment où on a commencé à penser les rapports entre les langues comme des rapports sociaux ; il s’est dégagé une organisation pyramidale des langues, qui rappelle, en empruntant l’expression de Calvet, la pyramide de Babel. Cette organisation traduit l’organisation sociale de l’époque : Une langue dominante, la langue de colon ; le français. Langue(s) dominée(s), la(les) langue(s) indigène(s) ; l’arabe (et les variétés de Tamazight). Ces langues en présence entretiennent des rapports conflictuels. De ce fait, un peuple dominant, les colons (français), et un peuple dominé les autochtones (algériens).

Notre présente recherche tentera de déterminer l’impact de ce conflit sur le processus d’enseignement/ apprentissage de FLE à travers une analyse de représentations sur ces langues en présence.

Elle se situe, donc, au croisement de trois disciplines : l’Histoire, la didactique et la sociolinguistique, et elle vise à atteindre les objectifs suivants :

 Déterminer la place réelle qui occupe la langue française dans la région d’El Milia ;

 Analyser les différentes représentations véhiculées vis-à-vis la langue française dans la région selon l’âge et le sexe ;

 Etudier l’impact des attitudes et représentations sur le processus d’enseignement/ apprentissage de FLE ;

 Les répercussions du contexte historique particulier sur la situation sociolinguistique de la région.

Nos objectifs sont ainsi déterminés, il s’agit maintenant de procéder à la définition de la démarche de travail qui favorisera leur réalisation. Nous commençons par la formulation des hypothèses qui nous ont permis d’orienter notre recherche. Elles sont au nombre de quatre :

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 Les spécificités de la situation sociolinguistique auraient une influence négative sur le processus d’acquisition de cette langue.

 Le contexte historique particulier de la région accentuerait l’influence négative des représentations sociolinguistiques du français sur le processus d’acquisition de cette langue.

 La politique éducative globalisante ainsi que la politique linguistique adoptées pourraient être un support pour le maintien de certains types de représentations.  Les représentations pourraient se manifester aussi à travers les changements

observables des sujets parlants en passant de l’arabe au français et vice versa : amélioration /déclinaison.

Afin de vérifier ces hypothèses, nous avons opté pour une méthodologie basée sur la combinaison de l’approche qualitative et quantitative en variant les outils de collecte des données : questionnaire et entretiens semi-directifs.

Pour l’enquête, on travaille selon le modèle de l’expérience à double aveugle, son principe c’est que ni l’expérimentateur ni les sujets ne connaissent le résultat attendu, et pour donner plus de crédibilité à l’enquête, les personnes concernées ne doivent pas être au courant qu’elles sont sujet d’une expérience. Avec cette méthode, ni le patient ni

l’expérimentateur ne peuvent influencer les résultats, même involontairement : ils

sont protégés de leurs biais de confirmation (puisqu’ils ne savent pas ce qu’ils doivent confirmer) et de nombreux aspects de l’effet placebo.

La thèse s’articule en trois chapitres qui apportent des descriptions historiques et sociolinguistiques : le premier chapitre s’attache à dresser un état des lieux du contexte historique de notre objet d’étude. Notre recherche porte sur un contexte régional restreint, certes, mais elle ne peut être détachée de cadre national.

Dans le premier chapitre, nous exposerons ce contexte historique particulier en le décrivant et en le situant, d’abord, géographiquement puis historiquement nous exposerons l’histoire de la région et les différentes populations qui sont succédées dans la région et leur effet du point de vue linguistique. Une fois ce tableau dressé, nous nous focalisons sur la place du français en Algérie et l’évolution de l’école algérienne de manière brève et globale.

(13)

Ensuite, nous mettons l’accent sur la définition des concepts théoriques liés à notre travail de recherche (norme, variation, conflit linguistique, représentations sociolinguistiques …)

Le troisième chapitre sera organisé comme suite : en premier lieu, nous allons traiter des considérations méthodologiques tenant à la définition de quelques concepts méthodologiques, ainsi que la description de notre lieu d’enquête, l’échantillon et la présentation du questionnaire.

En dernier lieu, nous nous baserons sur l’analyse et l’interprétation des données obtenues et nous dressons le bilan des résultats obtenues et vérifions les hypothèses.

(14)

Chapitre I

(15)

1. Bref aperçu historique de l’Algérie:

L'histoire de l'Algérie s'inscrit naturellement dans l'histoire plus large du Maghreb et remonte à des millénaires. Elle est l’héritière de la Numidie : « Dans l'Antiquité , le territoire algérien connait la formation des royaumes numides avant de passer sous la domination partielle des Romains, des Vandales, des Byzantins et des principautés berbères indépendantes »1

La Numidie est un ancien royaume de l'Afrique septentrionale, correspondant à l'Algérie; la Mulucha (Moulouia) le séparait de la Maurétanie à l'Ouest; le Tusca (ruisseau de Tabarka), du territoire carthaginois, qui forma ensuite la province d'Afrique (aujourd'hui Tunisie). Au Sud, la région saharienne était occupée par les Gétules. Les Numides étaient divisés en tribus, dont les deux principales étaient, auIIIe siècle, les Massyli et les Massaesyli, formant deux royaumes séparés par l'Ampsaga (oued el-Kebir, entre les Sept Caps [Seba-Rous] et Djidjelli)2

.

Le Maghreb central connait l’islamisation puis l’arabisation dès le début de VIIème siècle, et de ce fait, plusieurs dynasties locales se succèdent au trône :

« Rostémides (767 – 909), Zirides (972-1148), Hammadides (1014 - 1152), Zianides (1235 – 1556) et des périodes d'intégration dans des groupements impériaux plus larges : Omeyyades (au VIIIe siècle), Fatimides (au xe siècle), Almoravides (au XIe siècle), Almohades (au xiie siècle ) »3.

L’Antiquité est marquée par l’émergence des royaumes locales et aussi par des invasions successives, sur une periode qui s’étale d’environ 1500 ans, nous allons les citer dans l’ordre brièvement :

 les Gétules au sud du pays ;

 la fondation des comptoirs Phéniciens au Nord ;

1 Gabriel Camps, Recherches sur les royaumes de Maurétanie des VIe et VIIe siècles , Antiquités africaines, vol. 20, no 20, 1984, p. 183-218.

2 Serge Jodra, l’histoire de la Numidie in Imago Mundi encyclopédie en ligne http://www.cosmovisions.com/ChronoNumidie.htm

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 les Garamantes;  les Numides ;  Conquête romaine;  Conquête Vandales;  Conquête Byzantines ;

Les Vandales qui utilisaient leur langue germanique et l'écriture gothique ainsi que le latin dans les domaines de la législation et la diplomatie « ne se mêlèrent jamais aux populations locales et n'eurent aucune influence sur la langue des Berbères des montagnes »1

La conquête arabe « a duré de 641 à 711, est lente et difficile. La résistance était plus marquée dans les Aurès et la région de Tlemcen, où les Berbères s'organisent en structure étatique »2. (La carte ci-dessous)

Figure 1 : l’expansion musulmane en Afrique du Nord de 632 à 750.

1 Lionel Jean, Algérie données historiques et linguistiques, article in http://www.axl.cefan.ulaval.ca, consulté le 11/03/2019.

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les armées du calife Omar ibn al-Khattâb(634-644) occupaient l'Égypte. La conquête de l'Afrique du Nord par les Arabes nécessita huit campagnes militaires, soit de 649 à 715. Ce n’est qu’à la cinquième campagne (681-683) que le Maghreb fut atteint par l'offensive arabe.1

Ce n’est qu’avec l’arrivée des tribus hilalienne que l’usage de l’arabe devient plus ou moins répondu, donc le processus de l'arabisation est long car la diffusion de la langue arabe est d'abord l'œuvre des miliciens arabes. Plus tard, « les immigrés andalous et les confréries religieuses contribuent à d'autres avancées de l'arabisation. Le berbère subsiste dans les massifs montagneux notamment en Kabylie, les Aurès, le Dahra et l'Ouarsenis »2

L’Algérie au XVIe siècle est sous la domination turque, elle devient une province de l'Empire ottoman. Cette occupation dura de 1515 à 1830. L’Algérie bénéficia d’une grande autonomie. « Comme les Vandales avant eux, les Ottomans ne s'assimilèrent pas aux populations arabo-berbères. »3 il n’y a pas, sur le plan linguistique, une grande

influence de turc sur les parlers locaux.

Sous le très célèbre prétexte d’insulte publique (le coup d'éventail de 1827) faite au consul français par le dey Hossein, la France intervient militairement en Algérie ; « En fait, le gouvernement ultra du prince de Polignac, espérait renouer avec les conquêtes militaires de Napoléon et consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée »4. Cette conquête commence à l'époque de Charles X (1757-1836),

petit-fils de Louis XV devenu roi de France à la mort de Louis XVIII en 1824, Charles X impose aussitôt une politique autoritaire, cléricale et conservatrice, ce qui ébranla la stabilité de son règne. Elle s’inscrit dans une tentative de restaurer l'autorité royale remise en question dès 1827.

Sous prétexte de se débarrasser des corsaires turcs dans la Méditerranée, Charles X prépara, à la mi-décembre de 1829, une expédition d'envergure en vue de conquérir l'Algérie soumise à la suzeraineté du sultan turc d'Istanbul depuis trois siècles, sous le nom de « Régence d’Alger ».5

1 Lionel Jean, op cit

2Gabriel Camps, op. Cit, p24 3 Lionel Jean, op cit

4 Stora Benjamin , Messali Hadj : pionnier du nationalisme algérien, Paris, Hachette, 2004, p13 5 id

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Lors de la bataille de Staoueli (19 juin 1830), les troupes françaises prennent l'avantage sur l'armée ottomane : « Le 5 juillet, les Français occupent Alger et, le jour même, le dey Hussein signe l'acte de capitulation. Les caisses de l'État seront pillées. Les janissaires d'Alger sont expulsés pour l'Asie Mineure. La France accapare toutes les terres du Beyliks (propriétés publiques) ».1

Après la prise d’Alger par les Français, l’effondrement du pouvoir ottoman dans le beylik de l'ouest ouvre une période d’anarchie. Nous citons, par la suite, les principaux évènements qui ont marqué la conquête française de l'Algérie. (Le tableau ci-dessous)2

Date évènement

1830 Prise d’Alger; tentative d'occupation des villes de Blida, Médéa, Mers-el-Kébir, Oran et Bône (Annaba).

1831 Occupation définitive d'Oran qui avait été d'abord cédé au frère du bey de Tunis; première occupation de Bône.

1832 Occupation définitive de Bône et du Sahel d'Alger. Reconnaissance de l'émir Abd-el-Kâder par les tribus de la pleine d'Eghris

1833 Attaque d'Oran par Abd-el-Kâder. Prise d'Arzew, de Mostaganem et de Bougie (Béjaia)

1834 Traité du général Desmichels avec Abd-el-Kâder

1835 Expédition dans la plaine de la Métidja. Combats de Mostaganem. Occupation de Rachgoun; expédition de Mascara

1836 Première occupation de Tlemcen; expédition dans la province de Titeri; combat de la Sikkak; occupation de la Galle. Première expédition de Constantine

1837 Traité de la Tafna; deuxième expédition de Constantine, prise de cette ville

1838. Établissement de camps près de Koléa, Blida et El-Harrouch. Création de Philippeville (Skikda)

1839 Occupation de Blida; prise de Djidjelli. Expédition des Portes de fer. Défaite des lieutenants d'Abd el-Kâder à la Chifa

1 Roland Courtinat, La piraterie barbaresque en Méditerranée : xvie-xixe siècle, Serre Editeur, p. 27 2 Serge Jodra, op. cit

(19)

1840 Défense héroïque de Mazagran. Prise de Cherchell, de Médéa, de Miliana

1841 Combat du Sig. Destruction des villes de l'émir, Boghar et Taza. Expéditions de Takdemt et de Mascara. Occupation de Mila

1842. Destruction de Sebdou. Occupation de Tlemcen. Expédition de Kabylie et entre le Chélif et la Mina. Reconnaissance sur Tébessa.

1843. Expédition chez les Beni-Menasser et les Beni-Monad. Fondation de Téniet-el-Had, de Tiaret, d'Orléansville et de Ténès. Expédition dans l'Ouarsenis. Prise de la smala d'Abd-el-Kader. Nombreux combats contre l'émir dans la province d'Oran. Expéditions dans le Sud, au djebel Amour et chez les Oulad-Sidi-Cheikh.

1844 Prise de Biskra et de Dellys. Création de Batna, soumission des Flitta et des Amraoua. Expédition de Laghouat. Bataille d'Isly gagnée sur les troupes marocaines

1845 Insurrection du Dahra réprimée par le colonel Pélissier. Soumission de l'Ouarsenis. Expédition dans l'Aurès. Massacre de la colonne

Montagnac à Sidi Brahim. Soumission des Hachem-Gharaba et du Hodna. Expédition chez les Trara

1846 Soumission des Flitta. Défaite de Bou-Maza près de Ténès. Abd-el-Kâder est repoussé de la Kabylie. Fondation d'Aumale

1847 Défaite des Oulad-Dlellal, soumission des Nemencha. Reddition de Bou-Maza. Expédition entre Mila et Collo. Reddition d'Abd eI-Kâder (23 décembre).

1848. Soumission de Moulay-Mohammed et de Ahmed, ex-bey de Constantine. Expédition chez les Beni-Senous.

1849 Siège et prise de Zaatcha. Soumission de Bou-Saâda. - 1850. Expédition en Kabylie et dans l'Aurès

1851 Bou-Baghla se soulève en Kabylie. Expédition entre Béjaia et Collo 1852 Création de Djelfa. Prise de Laghouat

1853 Expédition en Kabylie et à Ouargla. Bou-Baghla est tué chez les Beni-Mellikech

1854 Expédition en Kabylie

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1857 Soumission de la grande Kabylie 1857 Expédition sur la frontière du Maroc

1860 Insurrection du Hodna. Pacification de la Kabylie orientale. 1862. Prise du Chérif Mohammed ben Abdallah à Ouargla

1864 Insurrection des Oulad-Sidi-Cheïkh de Si-Lazreg, dans la province d'Oran, et de Si-Lala dans le Sud de la province d'Alger. Insurrection dans la Kabylie orientale.

1865 Soumission des Oulad-Sidi-Cheikh.

1868 Insurrection dans le Sud de la province de Constantine

1871 Grande insurrection des Kabyles de la province d'Alger et de celle de Constantine

1876 Insurrection d'EI Amri

1881 Insurrection de Bou-Amama dans le Sud-Ouest de la province d'Oran

1.1 El Milia, présentation générale :

Dans cette partie consacrée à un bref aperçu historique et linguistique de la région d’El Milia, il nous semble nécessaire de rappeler que :

Ce ne sont ni les romains, ni les Turcs ni les français qui ont réalisé de l’extérieurs les conditions de l’existence de la formation sociale algérienne. Le processus de la construction de la formation sociale algérienne en tant que réalité sociale dotée d’une permanence spatiale, d’une solidarité politique et d’une temporalité particulière commence au troisième siècle avant J-C. cette construction s’est faite sur la base d’une maturation interne.1

Nous allons exposer dans cette partie, d’une manière brève et inachevée, deux théories en concurrence traitant le theme de l’origine de la population des tribus de Jijel2,

en empruntant l’expression de Abdelatif Soufiane . La théorie dite de repeuplement de Housni Kitouni et La théorie de D. Abdelatif Soufiane dite concurrence ou/ et unification.

1Lachref Mostefa et Djeghloul Abdelkader, Histoire, culture et société, ed ANEP, 2002 p58 2 2019 لصاوتلاو ءافولا ةيعمج تاعوبطم ،رداصملا للاخ نم لجيج ةقطنم لئابق لوصأ

(21)

La théorie de Kitoune parle d’un repeuplement continue de la région. Selon ses dires, dans son livre La Kabylie Orientale dans l’Histoire1 (un livre, certes, riches en

informations surtout en ressources bibliographiques), il y avait, tout au long de l’histoire, un repeuplement continue de la région. C’est-à-dire, des tribus qui venaient s’installer dans la région pour une periode donnée puis seront remplacés par d’autres et ainsi de suite.

Cette vision nous semble fantaisiste et décalée de la réalité des faits historiques, archéologiques et linguistiques propres à la région. A savoir à titre d’exemple : les toponymes : comment ont-ils peut résister sur une periode qui s’étale sur des siècles ?

Ainsi nous allons écarter cette théorie pour la cause citée précédemment d’un côté. De l’autre côté, l’auteur part d’une vision ethnique très serrée liée à une idéologie capricieuse : un conflit qui date de siècle passé et qui est remis à l’ordre de jour par l’écrivain. Le livre comporte une vengeance personnelle et tribale de la région d’El Milia, qui ne la cite d’ailleurs que brièvement dans des passages où il n’est plus possible d’y passer. Une attitude qui n’est pas digne d’un chercheur.

La théorie de D. Abdelatif Soufiane parle d’un brassage entre les différentes populations : concurrence et/ou unification. Une théorie basée sur l’observation des faits, comparaison de différents documents historiques, analyse et critique sur une base scientifique stricte. Dans son livre (déjà cité), il conclue que la région de kutama est, par des considérations historiques et surtout religieuse, a été au centre d’un conflit chiisme/ sunnite, ce qui a rendu l’ethnonyme de kutama source d’embarras et de gênes. Pour cela, les populations avaient tendance à ne pas se déclarer kutamien pour, peut-on dire, brouiller les pistes.

Ouled Aidoun est l’ethnonyme de la région : Ouled Aidoun est une branche de Kutama : Dans l’antiquité, ils étaient loin de l’influence des Phéniciens dont la présence se limitait aux comptoirs côtiers.

Avec l’apparition des Royaumes Numides de Massinissa et de Massilia, au 3è siècle avant Jésus-Christ, Oued-el-kebir fut la limite séparant les deux royaumes. Au 1er siècle c’était l’occupation romaine de toute la région. Ils ont fondé plusieurs centres urbains et militaires pour soumettre toute la région et exploiter ses richesses

(22)

essentiellement à Bouna, Choulou, Cirta, Idjildjili : Les ruines historiques existantes nous révèlent leur présence dans la région d’El-Milia : à Sidi-Maarouf, dans la plaine de Bellara, Tanafdour à titre d’exemple.

Comme nous l’avons signalé précédemment, pendant l’occupation vandale au 5è siècle, les petites tribus des alentours d’El-Milia sont restées hors influence. Même chose durant l’occupation byzantine au 6è siècle. L’influence de Byzantins se limite à quelques ports, comme Jijel et Bejaïa.

1.2 Sur le plan linguistique :

Comme Ouled Aidoun est une branche de Kutama, sur le plan linguistique, les Kutuma sont un peuple berbère, bien évidemment. Ainsi, parler de la langue c’est aussi chercher la langue des kutamien : selon Mouhamed El Hadi Harech1 -de notre

traduction*2- les dialectes berbères sont issues de la langue libyque qui est une branche

de la famille hamitique.

Une stèle3 contenant des inscriptions en libyque découverte à Boukhdech au sud

d’El Milia en est une preuve solide. (Voir l’annexe)

1115 ص ،2013 ،رئازجلا ،ةموه راد ،ةميدقلا روصعلا يف برغملا نادلبو رئازجلا خيرات يف ثوحبو تاسارد ،يداهلا دمحم شراح 2 " ةيماحلا ةعومجملا نمض ةيبيللا ةغللا فنصت"

(23)

2. Le français en Algérie :

Dans son livre intitulé : La langue étrangère: réflexion sur le statut de la langue

française en Algérie Dalila Morsly confirme que la détermination d’un statut dévolu au

français en Algérie n’est pas une entreprise facile. Le français est tour à tour qualifié comme une : « langue étrangère, langue étrangère à statut particulier, langue

scientifique et technique , ou langue fonctionnelle »1 cette diversité des désignations qui

lui sont accordées ne peut qu’en témoigner. Paradoxalement, les textes officiels algériens, la constitution et le journal officiel, sont rédigés et publiés en arabe et en français, ces textes ne mentionnent la langue française, dans laquelle ils sont rédigés, que d’une manière allusive or (ou) emblématique.

Dans le chapitre consacré aux langues nationales dans la Charte Nationale, le français n’est pas clairement cité : « Cette récupération totale de la langue nationale et

sa nécessaire adaptation à tous les besoins de la société n’exclut pas un ferme encouragement à l’acquisition des langues étrangères.»2. Ne pas la nommer implique de

la mettre sur un pied d’égalité avec les autres langues étrangères et de ne pas tenir compte de son statut spécifique par rapport à ces dernières.

La langue française se trouve donc banalisée. Dans le discours du Président Boumediene (une déclaration qui prend en compte la réalité linguistique du pays en reconnaissant le statut particulier du français) lors de la conférence nationale sur l’arabisation (14 mai 1975) : « La langue arabe et la langue française ne sont pas à

comparer, celle-ci n’étant qu’une langue étrangère qui bénéficie d’une situation particulière du fait des considérations historiques objectives. »3.

Cette déclaration malgré le fait qu’elle prend en considération la réalité linguistique du pays, cependant elle établit indirectement une hiérarchie (une vision

1 Morsly Dalila, « La langue étrangère: réflexion sur le statut de la langue française en Algérie », Le Français dans le monde,n°189, Hachette, Vanves, 1984, p. 22-26

2 Charte Nationale, 1976, p.66

3 Discours cité in : Afaf Boudebia-Baala. L’impact des contextes sociolinguistique et scolaire sur l’enseignement/apprentissage du français dans le Souf à travers l’analyse des représentations comme outil de description. Linguistique. Université de Franche-Comté, 2012. Français. <NNT : 2012BESA1042>. <tel-00942722> , p 24

(24)

diglossique) entre le français et les autres langues en présence à savoir l’arabe et le berbère.

Parmi les désignations accordées à la langue française, Morsly relève l’usage de la formulation « la langue étrangère » qui est utilisée dans les différentes interventions relatives à la situation du français en Algérie : la langue nationale est opposée à la langue étrangère. Cette dernière n’est pas nommée mais tout le monde sait que c’est le français qui est qualifié ainsi. Pour l’auteure cette formulation c’est relégation du français au rang de tabou. Ceci contribue à redonner à la langue arabe sa place légitime.

Dans le domaine de l’enseignement, et après la loi de 1848 qui considère que l’Algérie est une partie inséparable de la France, la politique éducative française imposée par la suite en Algérie vise trois points considérés comme primordiales : « la politique éducative française en Algérie se concentre sur trois points et visées importants qui sont : la francisation, le christianisation et l’intégration »1-de notre traduction*2 -. Le discours

de Boumediene et l’idéologie qu’il véhicule est en réaction naturelle à cette politique en exécution depuis presque 130 ans en Algérie. La langue française est depuis l’arrivée de Boumediene est enseignée : « dans une perspective plus large pour pouvoir répondre à des besoins immédiats définis par des paramètres extérieurs à l’école. En analysant des extraits du programme fonctionnel de l’enseignement secondaire »3 l’auteure (Morsly)

relève quelques imprécisions :le français « est un instrument de communication dans les situations scientifiques et techniques même si on considère le français dans une conception fonctionnelle, son enseignement vise l’aspect scientifique et technique »4.

Pour l’auteure les hésitations constatées dans le domaine de l’enseignement traduisent les contradictions manifestées dans le discours officiel.

Depuis l’arrivée de Bouteflika à la présidence en 1999, « des changements dans la perception du statut et des fonctions du français commencent à apparaître »5 dans le

discours officiel algérien. Il est nouveau qu’un président algérien s’exprime en français

1 63 ص 2013،رئازجلا ،ةملاا راد ،رئازجلا يف ةيميلعتلا اسنرف ةسايس ،شولح رداقلا دبع

2 * "جامدلاا اريخأو ريصنتلاو ةسنرفلا يه ،ةيساسأ فادهأو رواحم ةثلاث ىلع رئازجلا يف ةيسنرفلا ةيميلعتلا ةسايسلا زكترت" 3A. Boudebia-Baala, op. Cité, p 26

4 id 5 id

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dans des manifestations publiques en Algérie et à l’étranger.

Dans son discours devant l’assemblée nationale le 14 juin 2000, il déclare :

La langue française et la haute culture qu’elle véhicule restent, pour l’Algérie, des acquis importants et précieux que la réhabilitation de l’arabe, notre langue nationale et officielle, ne saurait frapper d’ostracisme. C’est là une richesse à même de féconder notre propre culture et c’est pourquoi le français, à l’instar d’autres langues modernes, et plus encore en raison de ses vertus intrinsèques et de son ancienneté dans notre pays, gardera une place qu’aucun complexe, aucun ressentiment ni aucune conjoncture quelconque ne sauraient lui disputer.1

Ce discours exclut toute nuance sur le rôle du français et son importance dans la scène linguistique algérienne.

L’attitude du Président par rapport aux problèmes des langues se caractérise par une grande ouverture à l’égard des langues étrangères. Dans ce sens, il affirme par exemple : « il est impensable… d’étudier des sciences exactes pendant dix ans en arabe alors qu’elles peuvent l’être en un an en anglais »2 . Ces déclarations à propos de la

francophonie illustrent également cette nouvelle attitude face à la question de la gestion des langues : « L’Algérie est un pays qui n’appartient pas à la francophonie mais nous n’avons aucune raison d’avoir une attitude figée vis-à-vis de la langue française qui nous a tant appris et qui nous a, en tout cas, ouvert la fenêtre de la culture française. »3. Ces

propos marquent le début de la fin des tabous linguistiques en Algérie. L’une des actions les plus importantes du président est la préparation d’une réforme de l’enseignement, du primaire au secondaire, qui a commencé par l’installation de la commission nationale de réforme du système éducatif longtemps critiquées et remise en cause par de nombreuses mises à jour et qui reste stérile et en situation d’échec d’après les observateurs .

Ainsi, parler de l’évolution de la situation linguistique en Algérie c’est la situer dans les contextes politiques dans lesquels elle s’inscrit. L’histoire sociolinguistique de l’Algérie depuis 1830 jusqu’à nos jours peut se résumer en deux phases : la francisation

1 Discours cité in : https ://www.gov.dz,dis.guv.dz/129555op48PKNbfb,llozb/htpma 2 Le Matin, 22 mai 1999

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et puis l’arabisation. Les politiques linguistiques suivies pendant ces deux phases se fixaient pour objectif « la promotion d’une langue et d’une seule aux dépends des autres langues utilisées dans le pays. »1

1 MORSLY Dalila, L’Algérie : Laboratoire de planification linguistique. , in Dumont (P.), Santodomingo (C.),La coexistence des langues dans l’espace francophone. Approche macrolinguistique, AUPELF/ AUREF, Montréal, 2000 p. 285

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3. Politique et planification linguistique

Les langues en présence en Algérie représentent à la fois un enjeu identitaire et un combat politique. La question des langues comme un des plus importants facteurs déterminant de l’identité constituait une composante primordiale de la société algérienne pendant la colonisation et après l’indépendance.

La notion de politique linguistique, appliquée en général à l’action d’un État :

désigne les choix, les objectifs, les orientations qui sont ceux de cet État en matière de langue(s), choix, objectifs et orientations suscités en général (mais pas obligatoirement) par une situation intra- ou intercommunautaire préoccupante en matière linguistique (on songe à l’Espagne au sortir du franquisme ou à la Yougoslavie de Tito) ou parfois même ouvertement conflictuelle (comme c’est le cas de la Belgique aujourd’hui).1

On différencie deux types de traitement politique du plurilinguisme :

 Les politiques linguistiques basées sur le principe de territorialité : « selon lequel l'État est divisé en différentes régions ayant chacune une langue officielle déterminée (c'est le cas par exemple de la Suisse et de la Belgique). L'utilisation de la langue est donc liée au sol »2 ;

 Les politiques linguistiques basées sur le principe d'individualité : « selon lequel l'État reconnaît sur l'ensemble de son territoire plusieurs langues officielles, qui sont toutes utilisées par l’administration, chaque citoyen étant en principe libre de faire usage et d'être pris en charge par les institutions dans la langue de son choix. L'utilisation de la langue est rattachée à la personne dans ce cas (d'où principe d'individualité) »3. Le principe d'individualité est appliqué au Canada.

De nombreux pays mènent une politique linguistique, qu'elle soit officielle ou implicite

L’expression politique linguistique employée ici entre dans le champ de la sociolinguistique « la sociolinguistique appliquée (à la gestion des langues) semble avoir

1 Henri Boyer, « Les politiques linguistiques », Mots. Les langages du politique [En ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 06 novembre 2012, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/

mots/19891 ; DOI : 10.4000/mots.19891

2 Politique linguistique, in Wikipedia,https:// fr.wikipedia.org /wiki/ Politique_linguistique# citenote- 1 3 Idem

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été utilisée tardivement (dans les années soixante-dix du 20e siècle) à la fois aux États-Unis et en Europe »1 bien après celle de planification linguistique, traduction de language planning2 expression qui se verra par la suite concurrencée par normalisation

linguistique3 et aménagement linguistique4. « Enfin Jean-Baptiste Marcellesi et Louis

Guespin proposent le terme glottopolitique avec, semble-t-il, le souhait d’élargir la qualification afin d’englober tous les faits de langage où l’action de la société revêt la forme du politique »5

En matière de gestion des langues une politique linguistique comme toute politique publique : éducative, sanitaire, environnementale… :

(…) ne s’arrête pas au stade des déclarations et passe à l’action, il faut qu’elle mette en place un dispositif et des dispositions : on passe à un autre niveau, celui de l’intervention concrète, et c’est alors qu’on peut parler de planification, ou d’aménagement ou de normalisation linguistiques. À cet égard, une politique linguistique peut : – concerner telle langue dans ses formes : il peut s’agir alors d’une intervention de type normatif (visant, par exemple, à déterminer une forme standard, à codifier des fonctionnements grammaticaux, lexicaux, phonétiques…, ou encore à modifier une orthographe, etc., et à diffuser officiellement les [nouvelles] normes ainsi fixées auprès des usagers) ; – concerner les fonctionnements socioculturels de telle langue, son statut, son territoire, face aux fonctionnements socioculturels, au(x) statut(s), au(x) territoire(s) d’une autre/d’autres langue(s) également en usage dans la même communauté, avec des cas de figures variables (complémentarité, concurrence, domination, etc.). Une politique linguistique peut aussi présenter une double visée : linguistique et socioculturelle, et les deux types d’intervention évoqués sont alors parfaitement solidaires. C’est ce qu’on entend par normalisation en Espagne dans la période actuelle où, en Catalogne par exemple. 6

Louis-Jean Calvet introduit la notion de « politologie linguistique ». Considérant les politiques linguistiques comme des « pratiques », néanmoins « l’ensemble des

1 Calvet Louis-Jean., La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot 1996, p6 2 language planning dont la paternité revient, selon Louis-Jean Calvet à Einar Haugen. 3 Aracil, 1965, pour le domaine catalan-espagnol

4 Corbeil, 1980, pour le domaine québécois-francophone

5 Guespin Louis., Marcellesi Jean-Baptiste., « Pour la glottopolitique », Langages, 1986 no 83, p. 5 6 Boyer Henri, op, cite p. 69

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analyses contenues dans l’ouvrage qui affiche ce projet continuent de se focaliser essentiellement sur la mondialisation et les politiques linguistiques. »1

Pour L. V. Aracil dans le premier tiers du 20e siècle La normalisation réponse pertinente « à la dynamique de substitution que ne manque pas de créer un conflit diglossique en faveur de la langue dominante »2, donc la normalisation ne peut se limiter

aux aspects linguistiques, mais elle doit prendre en compte en même temps un tas de facteurs sociaux et même essentiellement politiques.

La normalisation est une décision cruciale pour l’avenir d’une communauté et suppose l’exercice d’un certain pouvoir :

On comprend pourquoi la normalisation efficace exige, ou bien la pleine indépendance politique (= souveraineté), ou du moins un degré substantiel de self-government de la communauté linguistique concernée. (Aracil,1982, p. 33 ; c’est moi qui souligne ; je traduis du catalan) Du reste, le couple notionnel normalisation/normativisation correspond assez bien à la dichotomie proposée par Heinz Kloss (1969) et adaptée par Einar Haugen (1983) dans le cadre d’une modélisation plus complexe, en vigueur dans la littérature anglo-saxonne du domaine : status planning (planification du statut) / corpus planning (planification du corpus) ; le status planning « vise le statut social de la langue » ; quant au corpus planning, il s’agit de l’aménagement de la langue elle-même 3

La figuration suivante peut résumer ce qui précède :

1 H. Boyer, op, cite p. 69

2Aracil Lluís Vicent, Les langages du politique in Langages n° 94 novembre 2010 cité in Henri Boyer, « Les politiques linguistiques », Mots. Les langages du politique [En ligne], 94 | 2010, mis en ligne le 06 novembre 2012, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ mots/19891 ; DOI : 10.4000/mots.19891

3 Daoust D., Maurais J., « L’aménagement linguistique », Politique et aménagement linguistiques, J. Maurais éd., Québec, Gouvernement du Québec, Conseil dela langue française, 1987, p. 9-10

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Figure 2 : politique et planification linguistique

Pour le cas de l’Algérie, la politique coloniale a été marquée par une grande hostilité envers l’islam et la langue arabe. Hostilité manifestée notamment par la confiscation des biens habous (fondations pieuses qui finançaient les lieux de prières et d’enseignement du Coran et de la langue arabe). Ces confiscations ont entraîné un analphabétisme en arabe résultant de l’effondrement des structures de l’enseignement de l’islam et de l’arabe. Cette politique s’est poursuivie par la confiscation des grandes mosquées et leur transformation en églises. Cependant :

« cette politique n’a pas donné les effets attendus car elle a conduit la population à cristalliser l’islam comme point fort de son identité et à lutter contre toutes les menaces d’aliénation surtout par l’intermédiaire de la scolarisation et de l’extension de la langue française ».1

Mais la population qui s’est approprié la culture française par le biais de la scolarisation en provoquant ainsi le deuxième type de réaction à la colonisation, le premier étant le refus absolu.

Ces deux types de réactions ont déterminé deux couches sociales, l’une bourgeoise et l’autre plébéienne »2La première, comptant « (…)les grandes familles caïdales ou

confrériques, trouvait dans l’appropriation de la langue et la culture françaises un moyen de confirmer sa supériorité sociale. Cette appropriation s’accompagnait parfois d’un

1 A. Boudebia-Baala, op. Cité, p17

2 Grandguillaume Gilbert, « Les enjeux de la question des langues en Algérie », in Bistolfi (R.), Les langues de la méditerranée, le Harmattan, Paris, 2002, p.141

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abandon de la culture arabe, mais souvent d’un apprentissage double d’une culture arabe et française (…) la couche plébéienne était restée en marge de la scolarisation française pour des raisons diverses : économiques (la pauvreté), géographiques (zones sans écoles indigènes), ou idéologiques (refus d’aliénation culturelle) 1.

On peut dire ainsi que l’appropriation de la langue française a été considérée comme une nécessité économique et sociale par les uns, et/ou comme un moyen pour mieux se défendre et dénoncer l’oppression et l’injustice de l’occupant par les autres.

Malgré l’évolution des attitudes et des représentations, une faible partie de la population a été scolarisée : « 2% en 1888, 3,5% en 1902, 4,5% en 1912, 5% en 1914, 8,9% en 1938 et 15% en 1954 »2.

Le taux de scolarisation a été plus élevé dans les centres urbains. Dans les zones rurales, la forte opposition des colons à tout effort de scolarisation des indigènes a conduit à un résultat inférieur.

3.1 La politique de l’arabisation

Les politiques d’arabisation s’inscrivent dans la démarche de réappropriation identitaire entreprise par les autorités politiques de l’Algérie indépendante. Son premier président, Ahmed ben Bella, a posé dans son discours du 5 juillet 1963, le cadre dans lequel devait se définir l’identité algérienne : «Nous sommes des Arabes, des Arabes, dix millions d’Arabes […] Il n’y a d’avenir dans ce pays que dans l’arabisme»3. C’est la

constitution de 1962 dans son article 3 qui a déclaré que l’arabe est la langue nationale

et officielle.

Dans une étude de Centre de recherches et d’études sur les sociétés

méditerranéennes qui tente d’aborder le problème de l’arabisation et d’analyser les

conditions et les conséquences de la rencontre avec la civilisation occidentale :

1 Grandguillaume Gilbert, op. cit p 165

2TALEB IBRAHIMI Khaoula, Les algériens et leurs langues, Eléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, éd. El Hikma, Alger 1997 P 97

3 ZENATI Jamel, « L’Algérie à l’épreuve de ses langues et ses identités : histoire d’un échec répété », Mots, le langage du politique, 2004, p.137-145, in :

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coexistence, domination de l’une sur l’autre ou conflits postule que « (…)le problème de l’arabisation se pose dans tous les pays arabophones qui, de gré ou de force, ont été ouverts à la civilisation occidentale. Mais c’est en Algérie qu’il prend le plus d’ampleur en raison des effets de 132 ans d’une colonisation caractérisée par sa politique de francisation»1.

L'arabisation désigne un processus qui conduit des populations à adopter la langue et la culture arabe. Dans son sens courant, « le mot renvoie au processus qui a été amorcé au moment la conquête arabe du VIIe siècle, et qui a abouti à la diffusion d'une nouvelle culture dans les territoires passés sous administration arabe. Dans un sens plus spécifique qui s'inscrit dans le contexte historique actuel, le mot renvoie à une politique visant à promouvoir la langue arabe concurrencée par les langues des colonisateurs occidentaux. »2

On distingue trois phases dans l'arabisation - toujours incomplète – en Algérie ; elles ont touché des populations distinctes :

 La première phase « du VIIe au XIe siècle, est celle qui suit la conquête arabo-musulmane, elle touche principalement les populations citadines, et la langue qui se répand alors est l'arabe classique »3.

 La deuxième phase :

au XIe siècle, est celle qui suit l'arrivée de tribus hilaliennes au Maghreb, ces tribus arabes bédouines qui ont arabisé une grande partie des populations nomades berbères. La langue qui se répand alors est un arabe plus populaire, l'arabe bédouin3. Quelques décennies

après l'invasion des tribus de Banu Hilal arrivèrent toujours au XIe siècle des groupes

d'Arabes yéménites, les Banu Maqil, ainsi que des groupes juifs nomades qui contribuèrent à renforcer les communautés judaïques du Maghreb4

1 Centre de recherches et d’études sur les sociétés méditerranéennes, Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, Éditions du CNRS, Aix-en-Provence, 1975

2 Arabisation, article in Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Arabisation

3 Gabriel Camps, 'Comment la Berbérie est devenue le Maghreb arabe'.. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, no 35, 1983. p. 15

4 Gabriel Camps, 'Comment la Berbérie est devenue le Maghreb arabe'.. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, no 35, 1983. p. 15

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Gabriel Camps souligne le caractère surprenant de cette deuxieme phase « la transformation ethno-sociologique de plusieurs millions de Berbères par quelques dizaines de milliers de Bédouins »55. En ajoutant aux Banu Hilal les apports ultérieurs

que forment notamment les Banu Maqil, le nombre des personnes de sang arabe arrivées au Maghreb ne dépasse pas les 100 000. Gabriel Camps compare ce chiffre à celui presque équivalent des Vandales qui envahirent l'Afrique du Nord au Ve siècle, et dont la présence n'a laissé que bien peu de traces. En revanche, à la suite de l'arrivée des tribus bédouines, les pays du Maghreb sont devenus des pays arabes. Pour expliquer ce phénomène d'arabisation, G. Camps invoque d'une part « l'identité du genre de vie partagé par les tribus bédouines et par les tribus berbères nomades, qui favorisa la fusion »56 ;

d'autre part, « la grande mobilité des tribus arabes qui à l'occasion de migrations pastorales ou d'actions guerrières pénètrent tout le territoire »57.

Aujourd'hui dans le Maghreb les régions berbérophones sont des régions montagneuses qui ont servi de refuges tandis que les populations des plaines sont arabisées.

L’arabisation en Algérie est liée au processus de décolonisation, au nationalisme algérien. C'est une politique qui prend beaucoup d’ampleur après plus de 130 ans de colonisation. Durant la période où l’Algérie est française, la langue arabe n’était enseignée dans aucune école primaire officielle, même si elle reste importante dans sa forme parlée. Néanmoins, dès 1925 se développe un mouvement de réformisme religieux fondé par un groupe d’intellectuels arabophones avec le Cheikh Abdelhamid Ben Badis qui prône un retour à la civilisation arabo-musulmane. Cela donne lieu en 1931 à l’association des oulémas musulmans algériens. Soutenus par une partie de la population, ils mettent en place des moyens de faire perdurer la langue écrite arabe, notamment grâce à la création de journaux, de clubs culturels et d’écoles libres. Ils font néanmoins face à une répression.

À l’indépendance de l’Algérie, la politique d'arabisation est enclenchée dès les années 1960, par le président Ben Bella. L’arabe est proclamé seule langue nationale. De même, pour le Président Houari Boumediene l’arabisation constitue un des objectifs

55 Gabriel Camps, op cit p.17 56 Id p.19

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fondamentaux. « Le gouvernement rejette cependant dans un premier temps l'idée de mettre à égalité les langues berbères et arabes. L'un des arguments avancés est que cela pourrait encourager un nationalisme et un séparatisme kabyle et favoriser indirectement la France »58. Durant l’époque de Boumediene (1965-1978), l’arabe constitua l’option

fondamentale de l’éducation nationale. Le ministre de l’éducation à l’époque Taleb Ibrahimi comptait sur l’école pour anéantir « ce mélange d'éléments de cultures disparates, et souvent contradictoires, héritées des époques de décadence et de la période coloniale, [pour] lui substituer une culture nationale unifiée, liée intimement à notre passé et à notre civilisation arabo-islamique »59.

Le système éducatif fut donc le premier secteur visé par les politiques linguistiques du pays. L’école algérienne a connu trois périodes différentes : l’école provisoire préparant à une école arabisée, l’école fondamentale et l’école réformée. Nous aborderons brièvement l’arabisation du secteur universitaire avant de décrire la chronologie de ces trois écoles. Pour étendre l’arabisation algérienne, « une politique d’enseignement est mise en place progressivement ainsi qu’une méthode pratique d’organisation de l’arabisation dans tous les domaines et niveaux éducatifs. »60 Cependant, cette politique

d’arabisation « (…)connaît des limites et des remises en cause.(…) - D’une part- même si l’arabe est une langue prédominante »61, le français reste très présent, notamment pour

les postes à haute responsabilité. Il existe aussi plusieurs critiques concernant les méthodes de son application « pédagogie dans les enseignements secondaire et supérieur, précipitation, démagogie »62. D’autre part, « (…) cette arabisation s’est faite au détriment

de la culture et de la langue berbère ce qui conduit à plusieurs remises en cause et révoltes »63.

Ainsi La politique linguistique et culturelle mise en œuvre par l’état algérien, depuis l'indépendance, ainsi que par les différents gouvernements qui se sont succédé, a constamment favorisé l'arabisation et l'islamisation de la société algérienne.

58 Martin Evans and John Phillips, Algeria : anger of the dispossessed,Yale University Press, 2007, p 87 59 LECLERC (J.), 2012, L’aménagement linguistique dans le monde, l’Algérie, in

http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/algerie.htm

60 https://www.persee.fr/doc/mots_0243-6450_1997_num_52_1_2466

61 SOURIAU, Christiane. XVI. L’arabisation en Algérie In : Introduction à l’Afrique du Nord contemporaine [en ligne]. Aix-en-Provence : Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, 1975 (généré le 06 04 2019)<http://books.openedition.org/iremam/141 .

62 https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1971_num_22_4_407984_t1_0714_0000_001 63 SOURIAU, Ch, op.cit.

(35)

Les constitutions successives depuis 1963 restent invariables sur ce plan: l'islam est la religion de l'État et l'arabe, sa langue nationale et officielle.

On constate bien en réalité que les changements sont mineurs. Certes, le Tamazight est déclaré également langue nationale et officielle, mais il demeure subordonné à l'arabe. Si l'arabe « demeure la langue officielle de l'État -ce n'est pas le cas pour le Tamazight- (…) L'État algérien s'engage à utiliser l'arabe (classique), mais se contente d'œuvrer à la promotion et au développement du tamazight dans toutes ses variétés linguistiques, ce qui n'implique pas que l'État l’utilisera - De plus- (…) le fait de privilégier toutes les variétés amazighes, mais une seule variété d'arabe, risque de noyer le poisson dans l'eau ».64

Les Berbères comptent en Algérie pour près du tiers de la population, soit 8,8 millions d'Algériens représentant ainsi 27,4 % des citoyens (34,8 millions d'habitants en 2008), par rapport à 72 % d'arabophones. Néanmoins L'Algérie a développé et imposé une idéologie arabo-islamique, laquelle considère que la diversité linguistique est un danger pour l'unité nationale et un germe de division, et que seul l'unilinguisme arabe peut être garant de cette unité nationale.

Une trentaine de lois ayant trait à l'arabisation ont été adoptées : nous allons citer dans l’ordre les lois arabisantes65 décréter par les présidents algériens successifs :

a) Ben Bella :

 Le décret du 22 mai 1964 promulguer par le président, le premier décret portant sur l'arabisation de l'administration. Ce décret fut suivi du décret 64-147 du 28 mai 1964.

b) H. Boumediene :

 l'ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966 portant code de procédure pénale (1966);  l'ordonnance n° 68-92 du 26 avril rendant obligatoire, pour les fonctionnaires et

assimilés, la connaissance de la langue nationale (1968);

 l'ordonnance n° 70-20 du 19 février relative à l’état civil (1970);

64 http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-3Politique_ling.htm 65 http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie-3Politique_ling.htm

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 - l'ordonnance n° 73-55 du 1er octobre relative à l'arabisation des timbres nationaux (1973);

 - le décret n° 74-70 du 3 avril 1974 portant arabisation de la publicité commerciale (1974);

 le décret n° 81-36 du 14 mars 1981 relatif à l'arabisation de l'environnement (1981);

 l'ordonnance no 76-35 du 16 avril, portant organisation de l’éducation et de la formation (1976);

 le décret n° 76-66 du 16 avril relatif au caractère obligatoire de l'enseignement fondamental (1976) ;

 le décret n° 76-67 du 16 avril 1976 relatif à la gratuité de l'éducation et de la formation (1976);

 le décret n° 76-70 du 16 avril portant organisation et fonctionnement de l'école préparatoire (1976);

 l'arrêté du 21 avril 1976 relatif à la publicité des prix (1976);

 la Déclaration universelle des droits des peuples (1976).

c) Chadli Bendjedid :

 le décret n° 80-146 du 24 mai modifiant le décret n° 66-306 du 4 octobre 1966 relatif au fonctionnement de l'École nationale d'administration (1980) ;

 le décret n° 81/26 du 7 mars 1981 portant établissement d'un lexique national des prénoms (1981);

 le décret n° 81-28 du 7 mars relatif à la transcription, en langue nationale, des noms patronymiques (1981);

 le décret n° 81-36 du 14 mars 1981 relatif à l'arabisation de l'environnement (1981);

 la loi n° 86-10 du 19 août portant création de l'Académie algérienne de langue arabe (1986);

 la loi n° 89-11 du 5 juillet 1989 relative aux associations à caractère politique (1989, abrogée);

 le décret présidentiel n° 89-124 du 25 juillet 1989 instituant le «Prix Houari Boumediene pour la promotion de la création en langue nationale» (1989);

(37)

 la loi n° 90-07 du 3 avril relative à l'information (1990);  le décret exécutif n° 90-366 du 10 novembre (1990);  le décret exécutif n° 90 - 367 du 10 novembre (1990);

 la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe (1991);

 le décret législatif n° 92-02 du 4 juillet relatif à la mise en œuvre de la loi n° 91-OS du 16 janvier 1991, portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe (1992);

 le décret présidentiel n° 92-303 du 4 juillet relatif aux modalités de la mise en œuvre de la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 relative à la généralisation de l'utilisation de la langue arabe (1992);

d) Ali Kafi :

 le décret présidentiel n° 92-303 du 4 juillet 1992 «la généralisation de l'utilisation de la langue arabe, comme langue nationale et officielle, dans toutes les administrations publiques, les institutions, les entreprises et les associations [...] est un principe fondamental irréversible».

e) Liamine Zeroual :

 l'ordonnance no 96-30 du 21 décembre (1996) ;

 la loi no 99-05 du 4 avril portant loi d'orientation sur l'enseignement supérieur (1999) ;

 l'ordonnance n° 97-09 6 mars portant loi organique relative aux partis politiques(1997) imposant la langue arabe.

f) Abdelaziz Bouteflika :

 la loi n° 91-05 du 16 janvier 1991 portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe qui constitue le texte le plus important depuis l'indépendance de l'Algérie. Cette loi vise à exclure l'usage et la pratique du français dans l’administration publique, la justice, le monde de l’éducation (incluant les universités), les hôpitaux, les secteurs socio-économiques, etc. Elle vise également à évincer l'élite francisée formée essentiellement dans les écoles

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d’administration publiques algériennes et représentant l'encadrement technique et scientifique de tous les secteurs d'activité. En définitive, la loi de 1991 impose l'usage unique de la langue arabe, interdit toute « langue étrangère » et prévoit pour les contrevenants de fortes amendes (équivalant de 150 $ à 1200 $ US).

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Chapitre II

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1. Représentations et attitudes sociolinguistiques :

Dans notre département et ailleurs, nombreux sont les étudiants qui travaillent sur les représentations ou une partie de leur mémoire qui traite de cette thématique. Donc ce que nous allons essayer d’apporter dans ce chapitre n’est pas notre propre point de vue sur ce sujet après les locuteurs que nous en avons effectué. C’est un atelier, en quelque sort, visant à clarifier conceptuellement les notions représentations et de attitudes et à examiner leurs conséquences dans les situations sociolinguistiques ordinaires dans le chapitre suivant. C’est ce double objectif, à la fois théorique et empirique, que nous essaierons de viser dans ce travail de recherche.

Nombreuses sont les recherches menées en milieu scolaire qui ont prouvé que les attitudes et représentations forgées par les apprenants à l’égard des langues, ont un grand impact sur le désir et la motivation de les apprendre. Ce qui, par conséquent, a un impact, positif ou négatif, sur la réussite ou l’échec de cet apprentissage :

« C’est pourquoi différentes démarches didactiques et politiques linguistiques éducatives focalisent leur réflexion sur l’explication et l’analyse des représentations et images des langues chez les apprenants, les mettant au cœur des processus d’apprentissages, pour les exploiter en vue d’apporter quelques réajustements pédagogiques et didactiques plus favorables à l’apprentissage de ces langues. »66

La notion de représentation présente de nombreux points de rencontre avec la notion d’attitude car elle est polysémique par sa mobilité et son usage dans plusieurs disciplines telles que la psychologie, la sociologie, l’histoire et la philosophie. Les deux notions ont été souvent utilisées l’une à la place de l’autre.

Nous énoncerons quelques définitions de chacun de ces concepts afin de pouvoir les distinguer.

66T. Toumert, le pouvoir des représentations, article in Billets, penser une expérience le 03/03/2017

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