• Aucun résultat trouvé

Pratiques paysannes et aménagement forestier dans l'Est du Cameroun : quelle résilience socio-économique des systèmes locaux de gestion de ressources ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Pratiques paysannes et aménagement forestier dans l'Est du Cameroun : quelle résilience socio-économique des systèmes locaux de gestion de ressources ?"

Copied!
71
0
0

Texte intégral

(1)

1

Centre de Coopération Internationale en

Recherche Agronomique Pour le Développement

AgroParisTech Projet POPULAR

Pratiques paysannes et aménagement

forestier dans l’Est du Cameroun :

Quelle résilience socio-économique des

systèmes locaux de gestion de ressources ?

Rapport de stage présenté par : TOISON Vincent Maître de stage: LESCUYER Guillaume

(2)

Remerciements

Mes remerciements vont à G. Lescuyer qui m'a accordé sa confiance pour cette étude et a encadré sa réalisation.

Un grand merci à Bernard, Martin, Robert avec qui nous avons travaillé sur le terrain et à toutes les personnes des deux villages qui m'ont accueilli chaleureusement et ont accepté de travailler avec nous.

Je tiens aussi à remercier Jeanne, Olive, Sandrine et Thelma pour m'avoir ouvert leur maison lorsque je travaillais à Yaoundé.

Ma gratitude va également au personnel de la SFID qui a facilité mes passages à Mbang et avec qui nous avons pu collaborer.

Je n'oublie pas non plus tout le personnel de la délégation régional du Cameroun qui a tout fait pour rendre mon séjour agréable et faciliter les démarches administratives.

Enfin je souhaite aussi remercier J.F. Trébuchon et I. Didiéjean pour le soutien très précieux en cartographie.

Cette étude n'aurait pu se faire sans l'aide de toutes ces personnes et c'est avec plaisir que j'ai eu à travailler avec elles.

*

Ce Travail a été réalisé grâce au soutien financier de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du « Programme Agriculture et Développement Durable », projet « ANR-05-PADD-0XX, Popular ».

(3)

Résumé :

Depuis une quinzaine d'année, le secteur forestier en zone tropicale cherche les voies d'une exploitation durable alliant rentabilité économique, durabilité écologique et développement local. Le Cameroun s'est doté d'une loi allant dans ce sens en 1994.

Ce travail se propose d'étudier, à partir un cas précis, l'impact réel de l'aménagement d'une concession forestière (UFA) sur le système locale de gestion des ressources naturelles. Il s'appuie sur un suivi socio économique détaillé réalisé en 1995-1996, réactualisé en 2008, faisant un état des lieux des évolutions survenues. Ce rapport présente les résultats et les conclusions préliminaires de ce suivi qui durera sur une année.

Cette étude montre que l'aménagement forestier modifie très peu le système de gestion locale qui évolue plutôt suivant le développement des débouchés commerciaux pour les produits villageois et l'augmentation de la population. Les évolutions observées sont principalement l’accélération de l’appropriation des terres cultivables et le durcissement des règles d’accès à certains PFNL commercialisés.

L'UFA n'est pas véritablement un facteur pris en compte par les populations locales pour leur accès et leur usage des ressources forestières. Les limites de la concession représentent peut-être un frein à l'implantation de nouveaux champs dans l'UFA, mais elles ne sont pas en mesure d'empêcher la création de nouveaux champs quand ils y a un intérêt marqué. En ce qui concerne les autres activités en forêt (essentiellement la chasse et la cueillette), les actions de l'exploitant ont très peu d'impact sur les pratiques villageoises.

Ce constat nourrit quelques inquiétudes en ce qui concerne la gestion de ressources pour les années à venir dans un contexte d'augmentation de la population et des débouchés marchands. Bien que l’espace et les ressources soient encore disponible, certaines se raréfient, notamment le gibier, et la compétition pour l’espace entre les villageois et avec l’exploitant risque d’aller en s’intensifiant.

Cependant, il semble que le nouveau cadre législatif ait conduit à la mise en place d'un contexte pouvant mener dans les années à venir à une concertation entre les différents acteurs et à terme une gestion plus durable des ressources. Actuellement les exploitants et les villageois souhaitent aller vers plus de communication et de concertation. Ceci pourrait permettre le succès de structures comme les comités paysans forêt et conduire à une meilleure gestion des ressources dans les années à venir.

Abstract :

For about fifteen years, sustainable exploitation of tropical forests has been looked for, combining economic profitability, ecological sustainability and local development. Cameroun adopted a law in this direction in 1994. This work was based on a precise case and studied the real impact of the new management of a forest concession (UFA) on the local practices of natural stock management. It is based on a detailed socio-economic follow-up, realized in 1995-1996 and updated in 2008, that studied the evolutions which had occurred. This report sets out the results and preliminary of this follow-up which will last over one year.

This study shows that forest management hardly modifies the system of local management which seems to evolve according to the development of the village products trade outlet and the increase in the population. The evolutions observed are mainly the increase in appropriation of the cultivable grounds and the hardening of the access rules to certain marketed NWFPs.

The UFA is not truly a factor taken into account by the local people to determine their access and use of the forest resources. Perhaps the limits of the concession represent a barrier to the creation of new fields in the UFA, but they are not able to prevent the villagers from creating new fields when they find there an interest. In regard to other activities in forest (mainly hunting and the gathering), actions of the forester hardly modify the village practices.

This report nourishes some fears concerning the management of resources for the years to come in a context of increase of the population and trade outlets. Although space and resources are still available, some such as the game tend to rarefy and the competition for space amongst villagers and with the forester is likely to intensify. However, it seems that the new legislative framework has led to a context which could lead to a dialogue between the various actors in the years to come, and to a more sustainable management of the resources. Currently the forester and the villagers wish to go towards more communication. This could make organisations like the Comités Paysans Forêt successful and result to a better stock management in the years to come.

(4)

Sommaire

LISTE DES TABLEAUX ... 5

LISTE DES FIGURES ... 5

INTRODUCTION ... 6

I. VERS UNE DECENTRALISATION DE LA GESTION FORESTIERE? ... 7

1. LE CONTEXTE DE LA REFORME FORESTIERE ... 7

a. Un contexte international tourné vers la gestion durable des forêts tropicales ... 7

b. Une filière génératrice de devises dans un pays en crise ... 8

2. OBJECTIF ET APPLICATION DES NOUVEAUX TEXTES FORESTIERS ... 9

a. Les nouvelles formes d’exploitation ... 9

b. Le domaine forestier permanent (DFP) ... 11

c. Le plan d’aménagement ... 13

d. La RFA, une redistribution controversée de la rente forestière ... 15

3. PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUE ... 18

II. CAS DE DEUX VILLAGES DE L’EST CAMEROUN EN PERIPHERIE D’UNE UFA .... 19

1. ENVIRONNEMENT NATUREL ET PRINCIPALES ACTIVITES ANTHROPIQUES: ... 19

a. Une zone forestière rurale de l’est camerounais ... 19

b. Le système lignager des sociétés forestières de l’est-Cameroun ... 24

2. LES DEUX VILLAGES D’ETUDE :GOUTE ET DJEMIONG... 27

a. Localisation des villages ... 27

b. Démographie des villages ... 28

c. Une augmentation significative des budgets des foyers ... 30

3. SUIVI DES ACTIVITES DE COLLECTE ... 33

a. La chasse villageoise ... 33

b. Les prélèvements de PFNL ... 38

III. IMPLICATION DE CE NOUVEAU MODE D’AMENAGEMENT FORESTIER : VERS UN SYSTEME PLUS DURABLE ? ... 40

1. UNE COMPETITION ACCRUE POUR L’ACCES A LA TERRE :CONSEQUENCE DE L’INTERDICTION DE CULTIVER DANS L’UFA OU EVOLUTION DUE AU CONTEXTE GENERAL ? ... 41

a. Les modalités d’appropriation de la terre ... 41

b. « La forêt va être rare, ça c’est sûr ! » ... 43

c. Impact de l'aménagement sur l'accès à la terre ... 46

2. UNE CONSEQUENCE INDIRECTE DE L’AMENAGEMENT SUR L’APPROPRIATION DE CERTAINESRESSOURCES DE LA FORET. ... 48

a. Une application des règles d’accès aux ressources qui évolue au gré des circonstances ... 48

b. Des pratiques villageoises globalement peu modifiées directement par l'aménagement .... 49

c. Une appropriation des ressources qui suit leur commercialisation ... 51

3. ETUDE DE L’IMPACT DE L’AMENAGEMENT SUR LE SYSTEME DE GESTION DANS UN CAS CONCRET : LA PISTE PRIVEE. ... 55

a. Les acteurs concernés ... 56

b. Histoire de la piste ... 57

c. Une situation économiquement avantageuse mais dévalorisée socialement ... 59

d. Attribution du foncier sur la piste ... 61

4. QUELLE EVOLUTION DES INTERACTIONS ENTRE LA POPULATION ET L’EXPLOITANT ? ... 63

a. Une implication des populations locales, pour l'instant, peu perceptible ... 63

b. Pour un rapprochement efficace des populations et de l’exploitant forestier ... 64

c. Vers une implication réelle des populations locales ... 66

CONCLUSION ... 68

(5)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Récapitulatif des différents titres d’exploitations au Cameroun ... 10

Tableau 2 : 10 principales essences exploitables présentes dans l’UFA 10-046 ... 23

Tableau 3 : Démographie des villages d'étude en 1995 et 2008 ... 29

Tableau 4 : Type de foyer dans les villages d'étude en 1995 et 2008. ... 30

Tableau 5 : Répartition des revenus pour les deux villages en 1995-1996 et en 2008. ... 31

Tableau 6 : Volumes commercialisés des 3 principaux produits agricoles en 1996 et 2008 ... 32

Tableau 7 : Répartition des captures en fonction des types d’animaux ... 33

Tableau 8 : Répartition des captures en fonction des poids des gibiers ... 34

Tableau 9 : Répartition des types d’espèces capturées en fonction des techniques de chasse ... 35

Tableau 10 : Répartition des captures dans les différentes zones. ... 37

Tableau 11 : Répartition des types de PFNL collectés à Gouté sur 6 semaines ... 38

Tableau 12 : Synthése des caractéristiques de la cueillette de PFNL alimentaires. ... 39

Tableau 13 : Matrice des maîtrises foncières exercées sur les ressources naturelles ... 54

Liste des figures

Figure 1 : Précipitation et température à Bertoua ... 20

Figure 2 : Calendrier des principales cultures vivrières ... 21

Figure 3 : Carte de la zone d’étude ... 27

Figure 4 : Répartition des types de revenus cumulés pour les deux villages, au cours de l’année pour la période 1995/1996. ... 30

Figure 5 : Cartes de zones d’activité de Gouté et Djémiong ... 36

Figure 6 : Images du satellite ASTER prises en mars 2007 illustrant les zones agricoles et les réserves foncières de Djémiong et Gouté ... 47

(6)

Introduction

L'exploitation forestière en milieu tropical est un sujet très sensible sur lequel les opinions divergent fortement. Une partie importante de l'opinion publique a sur cette activité la vision relayée par les ONG environnementalistes, celle d'un pillage des ressources de pays du sud qui s'accompagne d'une destruction de la forêt, une érosion de la biodiversité et des conséquences sociales graves (notamment pour les populations pygmées). Pour les pays, et la population locales, concernés l'exploitation forestière est d'abord considérée comme une activité génératrice de devises et porteuse d'un développement économique national et local important.

Certaines de ces ONG ont d'abord appelé à un boycott des bois tropicaux dans les années 1980 ce qui s’est soldé par un échec. Le fait est que cette activité répond à une demande croissante de bois tropical et qu'il est contestable d'interdire à ces populations de pouvoir tirer les bénéfices de l'exploitation de leurs ressources. Face à ce constat il semble par conséquent plus réaliste, et plus juste vis-à-vis des populations locales, d'encadrer cette activité que d'essayer de l'empêcher. C'est d'ailleurs cette décision qu'ont prise de nombreux Etats concernés en mettant en place des nouvelles législations et certaines ONG à travers la certification.

Le Cameroun est sur ce point le pays pilote dans la sous-région du bassin du Congo. Ce pays a le premier opéré, à partir de 1994, une réforme profonde de la filière forestière. Cette réforme s'appuie sur une gestion plus durable du massif et la participation des populations locales à l'aménagement forestier. En termes d'aménagement cela se traduit par la création de grandes concessions forestières que les exploitants s'engagent à exploiter sur une durée de trente ans. Pour les populations locales cela se traduit par la limitation de leurs droits dans ces concessions contre un dédommagement financier, la redevance forestière annuelle (RFA).

Quatorze ans plus tard cette étude se propose d'étudier comment cette politique a, ou non, modifié le système de gestion traditionnel des ressources forestières. Il s'agit ici de voir si la nouvelle législation qui promeut une gestion plus durable incite réellement les populations locales à des pratiques plus durables ou bien si elle a conduit à un déséquilibre du système local. Par ailleurs nous nous pencherons sur la participation des populations dans l’aménagement forestier pour savoir si la réforme forestière a permis, ou non, une plus grande implication de ces populations.

Cette étude s'appuie sur un suivi socio économique détaillé effectué pendant un an dans deux villages en 1995-1996 à partir d’enquêtes sur les budgets, les prélèvements et des entretiens semi directifs. Nous avons réactualisé ce travail treize ans plus tard pour répondre à notre problématique en se basant sur un cas concret.

La première partie rappelle le contexte dans lequel la réforme de la politique forestière a eu lieu et ses principales implications. La partie qui suit concerne l’étude des évolutions observées en treize ans dans deux villages de l’Est Cameroun situés en limite d’une UFA. La troisième partie s’attachera à évaluer les adaptations des pratiques villageoises au nouveau contexte et à déceler le rôle de la concession dans cette évolution. Enfin on y évoquera des pistes à explorer pour atteindre les objectifs de meilleure gouvernance.

(7)

I.Vers une décentralisation de la gestion forestière?

A partir de 1994, l'Etat camerounais s'est doté de textes législatifs dans le domaine de la gestion forestière. Ces derniers vont dans le sens d’une gestion plus durable des forêts qui prendrait en compte les problématiques environnementales et sociales.

Une telle évolution législative résulte d'incitations des organismes internationaux et de la volonté des politiques nationaux de développer le secteur forestier.

1. Le contexte de la réforme forestière

a. Un contexte international tourné vers la gestion durable

des forêts tropicales

Encore marginale il y a une vingtaine d'année, la prise en compte de l'environnement et le développement durable sont aujourd'hui devenus des enjeux affichés majeurs. De nombreux politiques, entreprises, collectivités locales, organisation nationales et internationales en ont ainsi fait leurs chevaux de bataille.

Les années 80 sont marquées par de graves crises environnementales et ont entraîné la montée en puissance d’organisations environnementalistes comme le World Wildlife Fund (WWF) et Greenpeace. Dans ce contexte des notions telles que la biodiversité et le développement durable (dont la définition est donnée en 1987 par le Rapport Brundtland) émergent dans le discours international et les engagements internationaux se multiplient.

Dans le domaine de la gestion forestière, ces années sont marquées par une sensibilisation de l’opinion publique au problème de déforestation notamment suite à des campagnes de boycott des bois tropicaux lancées par « Greenpeace, Rainforest Alliance, les Amis de la Terre et certains WWF nationaux » (Delvingt et Lescuyer, 2007).

A la suite de ces campagnes médiatiques, la Conférence des Nations unies pour l'environnement et le développement de Rio en 1992 donna lieu au premier engagement international en faveur d'une conservation de la forêt et d'un développement durable de l'exploitation forestière.

Ainsi, après avoir essuyé l’échec des boycotts réalisés dans le passé, et devant une demande mondiale croissante en bois tropicaux, le discours international opte pour le développement durable de l’exploitation forestière (Delvingt et Lescuyer, 2007).

Toujours dans une optique de développement durable, la dimension sociale du développement est mise en avant. La conférence de Rio est ainsi marquée par la reconnaissance des communautés locales et de leurs pratiques et savoirs traditionnels. Ces derniers sont présentés comme des éléments de « socio-diversité » à conserver et comme des moyens de gérer durablement les ressources forestières.

Cette évolution vers une « conservation participative » marque un changement radical d’orientation par rapport à la « conservation forteresse » qui était jusqu’à là la pensée dominante (Lamaud, 2007).

Fortes de cette prise de conscience, les organisations internationales ont cherché à imposer leurs décisions aux pays qui abritaient les forêts denses humides. Au Cameroun, la réforme de la loi forestière « porte clairement la signature de la Banque mondiale, œuvrant

(8)

b. Une filière génératrice de devises dans un pays en crise

Un pays marqué par une crise majeure durant la fin des années

80.

La fin de l’année 80 est marquée par une crise économique majeure pour le pays. La baisse du cours du dollar et de celui du pétrole (qui suivit le choc pétrolier) entraîna à partir de 1989 la chute des cours des produits agricoles d'exportation que sont pour le Cameroun principalement le cacao et le café.

« En 1992, les salaires des fonctionnaires étaient réduits au tiers de leur valeur

nominale, et en 1994 la dévaluation de 50 % du FCFA1 a laminé le pouvoir d’achat des urbains. En 1994, le PIB ne représentait que 58% de son niveau d’avant la crise de 1986. Conséquence de cette situation : les écosystèmes forestiers subissent les effets d’un retour à la terre des populations urbaines (38% de la population) » (Abena et Kuete, 2003).

Dans ce contexte, de crise, le Cameroun négociera avec le FMI trois plans d’aménagement structurels entre 1988 et 1994 et, dans le cadre du troisième plan, dévalue sa monnaie de 50%. Cette dévaluation aura un impact important sur le pouvoir d’achat des Camerounais sans réellement permettre une augmentation significative des volumes d’exportation (Banque Mondiale, 1996).

Importance de la filière d’exploitation du bois

Le Cameroun appartient à la sous région du bassin du Congo qui est, après l’Amazonie, la deuxième forêt dense humide du monde. En 1990, avec 28 millions d’hectares, la forêt représente plus de 60% du territoire national, elle ne couvrait en 2007 plus que 45,6% (FAO 2003 et 2007). Ces forêts représentent pour le pays un capital potentiel très important.

Durant la crise de la fin des années 80, tandis que les revenus pétroliers sont en baisse, la filière des produits ligneux s’impose comme un secteur moteur. En dépit du contexte mondial et national, elle maintient une croissance autour de 3% pendant la fin des années 80. (World Bank 1996) et de 6,8% entre 91 et 93 (Rousseau et Valles, 1994). Ce secteur est resté jusqu’à nos jours de première importance. En 2005 il était la deuxième source d’exportation (14,1%) derrière le pétrole (48,8%) (World Bank 2007).

Ces évolutions portent en 1994 la filière à 3,7% du PIB national ce qui représente près de la moitié de part des revenus pétroliers. Dans ces conditions, l’Etat camerounais annonce des objectifs importants pour développer la filière.

Aujourd’hui, le secteur forestier représente toujours 16% des exportations nationales (Marchés Africains, 2008)

Menace écologique portant sur les forêts

A cette époque, 59.6% (en 1996) de la population vivent en milieu rural (World Bank, 2007)2 et, dans les zones de forêt, pratiquent une agriculture d’abattis-brûlis. L’augmentation

1 1€ = 655,957 FCFA 2

(9)

de la population associée « au retour à la terre » (évoqué plus haut) augmente considérablement les pressions exercées sur la forêt.

Parallèlement à l’augmentation des surfaces agricoles, l’exploitation forestière se caractérise par le mode d’exploitation dit d’ « écrémages successifs » qui laisse supposer des menaces importantes sur le couvert forestier et la biodiversité. L’absence de planification de l’exploitation et les perturbations répétées entraînent des dégâts importants sur la forêt (Durrieu de Madron et al 1998). De surcroît, les pistes forestières ouvertes pour le débardage des arbres permettent une pénétration des populations dans des forêts jusqu’ici isolées.

En raison de ces deux principaux facteurs, cette période est marquée au Cameroun par une déforestation importante. Entre 1990 et 2000 les surfaces forestières du Cameroun étaient passées de 28 076 à 23 858 milliers d’hectares soit un taux annuel de déforestation de 0,9% (FAO 2001 et 2003).

A titre comparatif, dans les années 90, le taux annuel de déforestation était de 0,44 (3,8 millions d’hectares par an) en Amérique du sud, de 1,2% en Asie du sud-est (2,8 millions ha/an) et de 1,47% (380 milles ha/an) en Amérique centrale.

2. Objectif et application des nouveaux textes forestiers

Dans ce contexte de crise économique et écologique, le Cameroun engage une réforme du secteur forestier. Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux (Geschiere, 2005), le Cameroun adopte, en 1994, la loi N° 94/01 portant sur le régime des forêts, de la faune et de la pêche et, en 1996, la loi-cadre n° 96/12 relative à la gestion de l’environnement.

Dans la droite ligne du sommet de la terre de Rio, cette nouvelle législation affiche trois objectifs majeurs : la protection sur le long terme de la forêt et de ses ressources, une implication des populations locales dans la gestion de ces forêts et un développement économique local et national.

a. Les nouvelles formes d’exploitation

Dans le domaine de la foresterie, la loi de 1994 impose quatre grandes formes de titre d’exploitation : les forêts communautaires, les forêts communales, les ventes de coupes et les UFA (voir tableau ci contre). Il existe aussi des petits titres d’exploitation, autorisation de coupe personnelle, autorisation de récupération de bois et permis d’exploitation. Ces titres ont été suspendus en 1999 du fait d’un trop grand nombre d’abus et de la difficulté des contrôles (Poissonnet, 2005) mais cette suspension a entraîné une explosion du domaine informel et ils ont été réintroduits depuis.

Cette étude se penchera plus particulièrement sur les UFA. Ces unités sont des concessions forestières du domaine permanent, d’une superficie de moins de 200 000 ha, définie par le plan de zonage du Cameroun (réalisé en 1995). Elles sont attribuées à des exploitants forestiers pour une durée de 15 ans renouvelables contre une redevance forestière annuelle (RFA) payée par hectare et l’obligation de réaliser un plan d’aménagement. L’attribution se fait par évaluation des engagements pris par l’exploitant.

(10)

Titulaire DFP /

DFNP Surface

Limite en

volume Durée Contrainte

Implication des populations locales

UFA Personne physique ou

société. DFP < 200 000 ha Définie par le plan d’aménagement 15 ans renouvelables Plan d’aménagement - RFA - Consultation pour la définition des limites. - Prise en compte des

droits coutumiers Forêts communales La commune DFP 3 < 10 000 ha Définie par le plan d’aménagement Pas de limite (propriété privée) Plan d’aménagement Gestion de l’aménagement et des recettes Forêts communautaires La « communauté » constituée en entité juridique DFNP < 5 000 ha Définie par le plan simple de gestion 25 ans renouvelables Plan simple de gestion Gestion de l’aménagement et des recettes Ventes de coupes Personne de nationalité camerounaise DFP et DFNP < 2 500 ha Définie par la convention d’exploitation. 3 ans non renouvelables / RFA Permis d’exploitation Personne de nationalité camerounaise DFNP Définie par la convention d’exploitation. < 500 m3 1 an non renouvelable / / Autorisation personnelle Personne de nationalité camerounaise DFNP Définie par la convention d’exploitation. < 30 m3 3 mois non renouvelables Pas de commercialisation / Autorisation d’enlèvement de bois Personne physique ou société. DFP et DFNP / ? ? Bois déjà à terre. / Autorisation de récupération de bois Personne physique ou société. DFP et DFNP 1 000 ha ? ? Arbres se trouvant sur un futur chantier /

Droit coutumier Les personnes

« riveraines ». DFNP

Territoire

villageois / Pas de limite

Pas de

commercialisation /

Tableau 1 : récapitulatif des différents titres d’exploitations au Cameroun

3

(11)

b. Le domaine forestier permanent (DFP)

Définition juridique

Après l’indépendance, l’Etat a continué de considérer comme sa propriété toutes les "terres vacantes et sans maître". Ainsi, il s’est accordé la propriété de la quasi-totalité des forêts camerounaises. Dans la nouvelle loi, l’état divise l’espace en deux domaines.

La création d’un DFP est le principal outil de la loi forestière. Celui-ci a pour vocation de « couvrir au moins 30 % de la superficie totale du territoire national et [de] représenter

la diversité écologique du pays » (article 22 de la Loi Forestière 94/01). Outre l’objectif de

rendre ces forêts permanentes, il s’agit d’assurer « la production soutenue de produits

forestiers et de services, sans porter atteinte à la valeur intrinsèque, ni compromettre la productivité future de ladite forêt, et sans susciter d'effets indésirables sur l'environnement physique et social » (article 23 de la Loi Forestière 94/01).

L’objectif premier de la loi est bien la production de produits et de services mais il y a une contrainte de durabilité de la production et de conservation de l’environnement.

Dans le domaine permanent, les populations locales conservent leurs droits d’usage c'est-à-dire qu’ils peuvent « exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à

l'exception des espèces protégées en vue d'une utilisation personnelle » (article 8 de la Loi

Forestière 94/01). Ceci implique que les villageois ne peuvent faire une exploitation commerciale des produits qu’ils exploitent dans l’UFA. De plus ces droits peuvent être limités s’ils vont à l’encontre des objectifs de la forêt concernée. Par ailleurs l’agriculture n’est pas considérée comme un droit d’usage (car compatible avec la conservation de la forêt) et est donc interdite.

Le domaine permanent regroupe plusieurs types d’espace parmi lesquels on trouve les réserves et les parcs nationaux, les zones d’intérêt cynégétique, les forêts communales et les unités forestières d’aménagement (UFA).

Avec la création du domaine permanent est apparu son complément, le DFNP. Ce dernier est défini par défaut comme l’ensemble des forêts qui n’appartiennent pas au domaine permanent. Il regroupe forêts des particuliers et le domaine national. C’est dans le domaine national que les communautés villageoises peuvent pratiquer l’agriculture et faire la demande de création de forêts communautaires4.

La loi n’explicite pas ce que signifie une « communauté villageoise ». Dans la pratique il s’agit de villages, de groupements d’intérêt commun rassemblant plusieurs villages ou de communes.

La définition des DFP et DFNP se fait en 1995 avec plan de zonage. Bien que ce document ne soit pas définitif, il a été abondamment critiqué tant pour la vision de l’aménagement forestier qu’il impliquait que pour sa réalisation pratique (Le Roy et al, 1996 ; Karsenty et Marie 1998 ; Lescuyer, 2000 ; Poissonnet, 2005).

4 La création d’une forêt communautaire permet à la communauté villageoise de gérer elle-même l’exploitation des produits et services forestiers suivant un plan simple de gestion. La surface de ces forêts ne pouvant excéder 5 000 ha.

(12)

Une vision binaire de l’espace

La principale critique qui est formulée est que le plan de zonage instaure une conception géométrique, « européenne », de l’espace (Leroy, 1998). Cette vision qui sépare l’espace en zones à vocation unique est peu compatible avec celle des villageois qui autorise une grande souplesse et une évolution de l’utilisation de l’espace. Cette conception dite topocentrique, permet à un nombre important d’individus, ou de groupes d’individus, d’exercer différents droits et de pratiquer différentes activités sur un même espace. Se chevauchent alors les zones d’activités de plusieurs villages, des zones de chasse et des zones de champs… (Leroy et al, 1996)

« En distinguant un domaine forestier permanent de forêts non permanentes, cette

réglementation entérine une perception dichotomique de l'espace, séparé entre espace forestier d'un côté et espace agricole de l'autre. […] Si les droits coutumiers des populations ne sont pas remis en cause, ils ne donnent jamais lieu à une reconnaissance juridique d'une propriété sur le sol ou sur les ressources. De ce fait, ils sont considérés comme secondaires par rapport au mode principal de valorisation de la ressource, c'est-à-dire l'exploitation forestière. Cette représentation de la gestion forestière reste fondamentalement la même que celle mise en œuvre à partir de 1920 par les administrateurs coloniaux. » (Lescuyer, 2000)

Enfin, avec ce plan de zonage, l’Etat instaure des forêts « forteresses » sous son contrôle et des zones tampons desquelles il se désintéresse complètement (Leroy et al, 1996).

Cette politique ne semble pas en mesure d’enrayer le phénomène de déforestation au Cameroun. Alors que le taux annuel de déforestation était de 0,9% par an entre 1995 et 2000, il est passé à 1% par an entre 2000 et 2005 (FAO, 2007).

Une conception « descendante » réalisée indépendamment des

populations locales

En outre, par manque de moyens (et peut-être de volonté) ce plan de zonage a été réalisé « par le haut », c'est-à-dire sans prendre en compte les réalités du terrain et les besoins des populations locales. Ainsi, certains villages se sont vus attribuer une zone agro-forestière insuffisante pour leurs besoins tandis que d’autres villages étaient totalement inclus dans le domaine permanent. Bien que les populations aient été consultées lors du classement définitif des UFA, leurs doléances n’ont pour l’instant pas donné de suites5.

Ces aberrations (champs classés dans les domaines forestiers permanents) donnent lieu sur le terrain à des conflits d’intérêt entre l’exploitant qui paye la redevance sans pouvoir exploiter la zone et les villageois qui souhaitent conserver leurs terres. Comme nous le verrons dans la prochaine partie, des hameaux agricoles et des champs villageois ont été intégralement inclus dans l’UFA 10-056.

Enfin, désireux de générer un maximum de ressources fiscales, l’Etat a cherché à définir un domaine permanent le plus vaste possible parfois au détriment des communautés locales.

5 Dans le cas de la 10-056 le classement définitif n’est pas encore signé mais il est acquis que la limite de l’UFA au nord restera au niveau de la rivière Doumé ou elle est actuellement

(13)

c. Le plan d’aménagement

Promotion d’un aménagement planifié dans le temps.

Une évolution notable proposée par cette nouvelle législation forestière est la mise en place de plans d’aménagement. Auparavant l’exploitation forestière se faisait par licences et par ventes de coupe et il n’y avait pas de planification dans le temps.

Les UFA ont été créées dans le but de pérenniser la présence des exploitants sur une zone pour leur permettre de réaliser des investissements sur le long terme et les inciter à gérer leurs concessions durablement. Suivant cet esprit de durabilité, la loi impose la création d’un plan de gestion qui programme l’exploitation forestière sur 30 ans.

Ce plan d’aménagement doit comporter des inventaires d’aménagement qui recensent un échantillon6 des arbres exploitables. A partir de cet inventaire, l’exploitant divise son UFA en blocs quinquennaux divisées eux-mêmes en cinq assiettes annuelles de coupe (AAC) équisurfaces. Les blocs quinquennaux sont exploités pendant six ans puis sont fermés à toute exploitation jusqu’à ce que tous les blocs aient été exploités. De même les AAC sont prévues pour une durée d’un an (qui peut être allongée à deux ans). Avec l’inventaire d’aménagement, l’exploitant doit aussi calculer pour chaque essence un taux de régénération et un diamètre minimum autorisé (DMA)7 correspondant.

Par la suite, l’exploitant est tenu de respecter ce plan d’aménagement lors de l’exploitation de l’UFA.

La loi cadre sur l’environnement de 1996 impose un principe de participation des populations locales dans la réalisation de ces plans. Toutefois, pour les UFA, l’Arrêté n° 0222/A/MINEF du 25 mai 2002 qui définit les procédures d’élaboration des plans d’aménagement, ne mentionne que la réalisation d’une étude socio économique de la zone et une consultation des populations riveraines après que le plan d’aménagement a été fait.

En ce sens, malgré la volonté affichée d’impliquer les communautés locales, les textes relèguent, une fois de plus, les villageois au rang de spectateurs de l’aménagement des forêts.

Mise en place des nouvelles règles d’aménagement

S’il est une avancée de la réforme qu’il faut souligner, c’est bien celle d’avoir instauré les plans d’aménagement qui planifient l’exploitation forestière le long terme.

« La nouvelle politique forestière marque donc, du seul fait de son existence, un

progrès substantiel par rapport à la période précédente, caractérisée par l’absence d’une programmation de la politique forestière dans le temps » (Bigombe Logo et al, 2004)

6

« Le taux (intensité) de sondage pour l’inventaire d’aménagement doit être supérieur ou égal

à 1% pour une concession de superficie inférieure ou égale à 50 000 ha et supérieur ou égal à 0,5% pour une concession de superficie supérieure ou égale à 50.000 ha. » Arrêté n° 0222/A/MINEF du 25 mai 2002

7 Ce diamètre correspond en théorie au plus petit diamètre des arbres exploitables permettant un minimum de 50% de régénération du stock initial sur une rotation de trente ans. Cet indicateur prend en compte le taux de régénération de chaque essence (évalué sur le terrain par la densité de jeunes arbres), le taux d’accroissement, le taux de mortalité, les dégâts causés par l’exploitation forestière elle-même et par la durée entre chaque passage. Les valeurs des DMA sont de l’ordre de 50 à 100 cm de diamètre suivant les essences et les UFA considérées.

(14)

Outre les contraintes légales8, la perspective de rester sur place au-delà des trente premières années incite les exploitants à gérer leurs concessions de façon la plus durable possible pour ne pas hypothéquer les possibilités d’exploitation lors des rotations suivantes. Ainsi, on voit des exploitants s’orienter vers des pratiques d’exploitation à faible impact (EFI).

Ces pratiques visent à minimiser les dégâts d’exploitation. On estime que, suivant l’intensité de l’exploitation, ces dégâts détruisent entre 6% et 16% des tiges non exploitées. A titre indicatif Mbolo (1994 cité par Lescuyer 2000) avait estimé que pour le cas précis de la parcelle 24 exploitée par la SFID (moins d’une tige à l’hectare) quand un arbre est abattu 16 sont détruits et 14 sont abîmés et ne participeront pas à la régénération du massif. Ces dégâts proviennent pour la plupart de l’abattage, de l’ouverture des pistes et du débardage (qui est l’opération qui occasionne le plus de dégâts) (Durrieu de Madron et al (1998).

Les pratiques d’EFI concernent principalement l’optimisation du réseau de pistes secondaires et de piste de débardage (par un inventaire exhaustif des essences exploitables) et un abattage dirigé. On estime que ces mesures permettent de réduire de 50% les dégâts sur la forêt. (Durrieu de Madron et al., 1998)

Des réticences et des infractions de la part des exploitants.

Malgré ces progrès notables, la mise en pratique des nouveaux textes n’est pas complètement satisfaisante et est marquée par de nombreuses infractions. Les premiers rapports de l’observateur indépendant indiquaient de nombreux dépassements des limites des concessions (Global Witness, 2005) une politique importante de répression des infractions avait permis de réduire ce problème mais il semble que l’affaiblissement des contrôles et le caractère non dissuasif des peines ait entraîné une recrudescence des délits ces dernières années (REM, 2007).

De plus Vandenhaute et Doucet (2006) déplorent une qualité des plans d’aménagement globalement insatisfaisante : « Dans bon nombre de plans d’aménagement,

l’aménagiste a su trouver des solutions, souvent en conformité avec la loi, pour minimiser l’impact des prescriptions d’aménagement sur le mode de gestion pratiqué classiquement par l’entreprise. »

Par exemple, l’aménagiste dispose de libertés qui lui permettent de contourner légalement l’esprit de loi. Il est ainsi possible de ne pas aménager des essences pourtant majeures et ainsi de les exploiter à des diamètres ne permettant pas la reconstitution du stock initial9.

De plus, les résultats du logiciel mathématique qui sert à calculer les DME devraient être discutés au cas par cas. Ainsi une essence ayant un effectif réduit ou un déficit de régénération (peu de semis et de jeunes plans) devrait être aménagée en conséquence. Dans la

8 Pour l’exploitation, les principaux changements sont la prise en compte de la reconstitution du stock initial de bois et l’interdiction de faire de nouvelles exploitations d’une zone avant 30 ans.

9

« L’aménagiste doit porter au groupe 1 (essences principales aménagées) un minimum de 20 essences dont le volume exploitable représente au moins 75 % du volume exploitable initial des essences principales ». La démarche est dès lors classique, l’aménagiste s’arrange pour placer dans le groupe 1 des essences à gros volume et sans intérêt pour l’exploitant (comme l’Emien et l’Alep) avec, pour ces espèces, une remontée du DME sans le moindre sacrifice d’exploitabilité pour le concessionnaire. Quant aux essences susceptibles de se voir remonter le DME et ainsi diminuer le potentiel exploitable, elles sont placées dans le groupe 2 (essences principales non aménagées ou complémentaires) où elles sont exploitées au DME administratif. (Vandenhaute M. et al, 2006)»

(15)

pratique, les limites du modèle sont instrumentalisées pour obtenir les résultats souhaités et réduire l’impact du plan d’aménagement sur les pratiques d’exploitations.

En définitif, les résultats de ces calculs n’ont qu’un impact très relatif sur les niveaux d’exploitation.

En effet, dans bon nombre de cas, les études socio-économiques et écologiques sont avant tout vécues comme des formalités contraignantes. Elles sont en conséquence réalisées sans le soin nécessaire et l’utilisation de leurs résultats est insuffisante quand elle n’est pas inexistante.

Une nouvelle donnée au problème : la certification.

Ces entorses à l’esprit de la loi ne sont pour l’instant pas contrôlées par l’administration camerounaise mais cet état de fait pourrait être amené à changer pour les sociétés désirant obtenir la certification Forest Stewardship Council (FSC). La certification impose des contrôles plus contraignants que le cadre légal notamment sur des questions écologiques et sociales et on peut espérer que cela ait un impact sur les pratiques des forestiers10.

Depuis 2002-2003, un nombre croissant d’entreprises forestières européennes se dirigent vers la certification. Ce mouvement répond à une volonté de mieux valoriser la production sur le marché européen et au fait que l’Union Européenne a annoncé qu’elle allait rendre obligatoire l’obtention d’un certificat de légalité pour les bois tropicaux importés. Ceci pousse les exploitants à s’interroger sur les manières de prendre réellement en compte les populations locales et les problématiques écologiques.

Pour l’instant, cette initiative n’en est qu’à ses débuts (six UFA sont pour l’instant certifiées FSC au Cameroun) et les solutions en terme d’aménagement restent à trouver.

Bien qu’on puisse formuler bon nombre d’espoirs au sujet de la certification, il est à déplorer que les entreprises chinoises, qui sont de plus en plus présentes dans le bassin du Congo (elles représentent les deux tiers des bois exportés depuis le Gabon), ne s’orientent pas pour l’instant vers ce système de production. Elles ont même tendance à laisser de côté les plans d’aménagement et se soucient relativement peu des enjeux sociaux et écologiques. (Delvingt et Lescuyer, 2007)

d. La RFA, une redistribution controversée de la rente

forestière

L’autre changement majeur qu’implique l’instauration des UFA pour les villageois est le payement par les exploitants de la RFA. Le montant de cette taxe varie de 1000 FCFA/ha à près de 7000 FCFA/ha.

La répartition de cet argent est réglementée par l’arrêté n°122/MINEFI/MINAT du 29/04/1998. Les exploitants forestiers payent la totalité à l’Etat qui redistribue 40% aux communes forestières et 10% aux villages riverains. C’est la commune qui a la charge de reverser trimestriellement la redevance aux villages.

10

La certification FSC comporte 10 grands principes parmi lesquels on trouve le principe de conformité avec les lois, le principe de droits des peuples autochtones, le principe de bien-être économique et social des travailleurs et des populations locales, le principe de protection des fonctions écologiques et diversité biologique.

(16)

Dans les villages, l’arrêté impose deux contraintes majeures. Les villageois doivent créer un comité de gestion composé de 8 personnes (ou plus) dont un représentant du maire et le chef de poste forestier. De plus, cet argent doit exclusivement être alloué à la réalisation d’œuvres sociales (adduction d’eau, électrification, équipement de santé, école, voierie…). Le texte est assez souple sur ce point puisqu’il prévoit une dernière catégorie qui inclut tout ce que la communauté pourra décider elle-même.

Cette redevance représente donc, une arrivée d’argent importante (de plusieurs centaines de milliers de francs CFA par ans) et régulière pour les villageois et pour les communes11 (Ngoumou Mbarga, 2005).

Dans le cadre des UFA, cette redevance est le seul levier effectif d’implication des populations riveraines dans la gestion des revenus forestiers. La loi de 1994 marque le début de la redistribution d’une partie de « l’argent du bois » aux communautés villageoises. Jusqu’ici, ces dernières ne pouvaient prétendre qu’à des dédommagements insignifiants pour les dégâts occasionnés dans les champs ou des « sacrifices » en nature faits par l’exploitant (alcool, viande de bœuf, maillots de foot…).

Les résultats qui étaient attendus d’une telle politique étaient à la hauteur des sommes versées mais dans les premières années qui ont suivi la réforme l’efficacité de cette mesure a été largement remise en cause. Pourtant on assiste aujourd’hui à des évolutions qui méritent d’être soulignées.

Le Cameroun face à ses démons : corruption et détournement de

la RFA

En déléguant une partie de la gestion de la RFA aux populations locales, la nouvelle loi forestière avait comme objectif implicite de court-circuiter l’Etat et tous les intermédiaires qui compliquent la redistribution de l’argent destiné aux populations rurales. Malheureusement, en imposant un versement au ministère puis aux mairies et enfin aux villages, l’arrêté n°122/MINEFI/MINAT a remis en selle ces acteurs qui n’en demandaient pas tant.

Ainsi, Ngoumou Mbarga relevait en 2005 que dans les communes de Mbang et de Campo, la RFA effectivement perçue par les villages représentait entre 2% et 60% des montants attendus. Dans ces conditions, les montants dérisoires (35 000 FCFA en 5 ans) et l’irrégularité des versements ne permettent pas aux communautés villageoises de s’organiser pour une gestion de la RFA.

Problèmes posés au niveau local par la gestion communautaire

de la RFA.

L’évolution de la législation forestière vers une plus grande implication des communautés locales répondait à un courant de pensée basé sur un idéal de ce que pouvait être la gestion locale12.

11

La commune de Mbang, à laquelle appartiennent les deux villages d’étude, est la troisième commune qui touche le plus de RFA au Cameroun, son budget a été multiplié par 10 depuis l’instauration de la RFA (communication personnelle du maire). Entre 2000 et 2005, les 40% de la commune ont représenté plus de 700 millions de FCFA (Ngoumou Mbarga 2005)

(17)

De nombreux auteurs ont depuis déconstruit ce « mythe » de la communauté locale et rappellent que l’aspect communautaire d’une société n’exclut pas les comportements individualistes et peut même dans certains cas les exacerber (Karsenty 2008).

Le reproche le plus fréquent est que les effets de la RFA soient invisibles dans les villages. Il y a sur ce point de nombreux exemples de redevances « bues et mangées » par les villageois ou accaparées par les élites locales et le bureau de gestion. Certains évoquent une volonté de revanche des communautés qui, écartées depuis toujours du partage de la rente forestière, souhaiteraient maintenant boire et manger « l’argent de leur forêt » (Oyono, 2006).

Enfin, certains auteurs mettent en garde contre des dérives identitaires que peuvent occasionner, au niveau local, la définition des « communautés » :

« Dans la zone forestière, la notion de communauté est particulièrement difficile à saisir et à appliquer. Les formes locales d’organisation restent marquées par une forte segmentation et un balancement constant entre fission et fusion. Des groupes qui ont fait cause commune contre un intrus peuvent rapidement voler en éclats quand ils doivent se répartir des ressources. De plus, les villages ont une histoire mouvementée. Créés pour la plupart durant la colonisation, ils sont marqués par des tensions internes. En mettant en avant la communauté en tant qu’acteur, la nouvelle loi forestière peut déclencher des luttes sanglantes autour de questions comme: Qui appartient réellement à telle communauté ? Qui peut participer à l’administration des ressources forestières locales? Qui devrait, au contraire, en être exclu ? » (Geschiere, 2005)

Vers une gouvernance locale ?

Cette phase de déconstruction du mythe était indispensable pour trouver les solutions aux dysfonctionnements observés. Cependant, déçus par ces communautés en qui nous avions fondé trop d’espoirs, il serait injuste et contreproductif de se mettre maintenant à les condamner trop durement. Dans « Le sanglot de l’homme blanc », Bruckner (1983) montre comment, après la décolonisation, les Européens ont idéalisé le tiers monde par « cécité volontaire », puis l’ont rejeté avec autant de force qu’ils l’avaient porté au nues13.

Ainsi, sans négliger la partie de la redevance effectivement détournée ou dilapidée, il faut considérer avec la même attention celle qui est utilisée comme le prescrit la loi et contribue au développement des villages. Toujours selon Ngoumou Mbarga (2005), dans les 9 villages qu’il a étudiés, entre 44% et près de 100% de la RFA perçue par les villages a réellement été affectée à des projets communautaires. Ces sommes contribuant en général à

12

Le principe de subsidiarité de la loi cadre sur l’environnement de 1996 selon lequel « en

l’absence d’une règle de droit écrit, générale ou spéciale en matière de protection de l’environnement, la norme coutumière identifiée d’un terroir donné et avérée plus efficace pour la protection de l’environnement s’applique » montre à quel point les pratique locales, ou « normes coutumières », ont été consacrées sans

distinction ni recul. 13

L’introduction à cet ouvrage retrace la façon dont Christophe Colomb a lui aussi idéalisé puis diffamé les indiens d’Amérique du sud :

« Imperceptiblement, et sous l’emprise des difficultés croissantes, Colomb glisse d’une estimation positive sur la nature pacifique des indiens, à un jugement excessivement contraire. Ceux qui en 1492, « aiment leur prochains comme eux-mêmes » et manifestent ainsi une disposition naturelle au christianisme se sont métamorphosés deux ans plus tard en bêtes féroces propres à être réduites en esclavage. […]

A aucun moment les indiens n’ont eut le droit de manifester leur propre volonté. Le bon sauvage est coupable par avance d’avoir été déclaré parfait.»

(18)

l’achat de groupes électrogènes, de téléviseurs, la construction de bâtiments communs ou aux salaires des enseignants. Ce petit nombre de villages ne permet pas de faire de généralisation à tout le Cameroun mais cela remet en cause le discours qui voudrait que les villageois « bouffent » systématiquement l’argent qui leur est versé.

Il semble, en fait, que les communautés sont passées par une phase d’apprentissage (qu’ils évoquent eux même) au cours de laquelle, indiscutablement, des sommes importantes ont été « bouffées ». Pour certaine d’entre elles, ces communautés semblent sur le point de sortir de cette phase d’apprentissage comme en témoigne les parts de RFA réellement utilisées dans les villages. (Lescuyer et al., 2008).

Cependant, si une part croissante de la RFA est utilisée pour des projets d’intérêt commun, la réalisation de ces projets peut s’avérer insatisfaisante. Ainsi on observe des projets qui ne sont pas achevés (Poissonnet, 2005) ou qui ne durent pas, par manque d’entretien (Ngoumou Mbarga, 2005). Il y a donc aussi un manque de compétence pour gérer les projets communautaires.

3. Présentation de la problématique

La nouvelle législation camerounaise met donc en relation deux acteurs aux logiques d'action bien différentes : les exploitants forestiers et les populations locales, l'objectif étant de promouvoir une gestion plus durable des ressources de la forêt.

D’un côté, l'exploitant forestier se voit imposer des contraintes d'exploitation par la loi. De surcroît, la certification lui impose de prendre en compte les populations locales dans son aménagement et de s'occuper de la gestion des ressources naturelles dans l'UFA. Ainsi, l'exploitant est partagé entre des impératifs de rentabilité économique et des objectifs en termes écologiques et sociaux qui lui sont imposés par des acteurs extérieurs.

Notons ici que nous limitons notre sujet au système de gestion villageois. Par conséquent, nous ne nous interrogeons pas sur la durabilité de l'aménagement sur un plan purement forestier. Cette question est encore sujette à controverse et l'impact réel des nouvelles mesures d'aménagement n'est pas encore connu avec certitude (Karsenty & Gourlet-Fleury, 2006b). Incapables de se prononcer sur le caractère durable ou non durable de ces nouvelles formes d'exploitation, nous formulons ici l'hypothèse que les nouvelles contraintes d'exploitation, sous couvert qu'elles soient respectées, conduisent à une plus grande durabilité.

De l’autre côté, l’aménagement forestier tel qu’il est décrit dans la loi se traduit pour les villageois, par une diminution de leur zone d'activité (avec la limite de l'UFA) et par la mise en place de contrôles pour faire respecter les nouvelles interdictions. En contrepartie, les villageois doivent bénéficier de la RFA et sont censés participer à la réalisation de l'aménagement de la forêt.

L'objectif de notre étude et de voir, en s'attachant à un cas précis, comment le système traditionnel de gestion des ressources naturelles réagit à une nouvelle forme d'aménagement (ici une UFA) mise en place par la politique forestière. La première utilisation de l’espace donne lieu à de multiples usages peu intensifs tandis que la deuxième va dans le sens d’une utilisation unique et plus intensive de l’espace.

Cette nouvelle législation va t-elle véritablement faire la promotion d'un développement durable mis en place par les populations locales ou va t-elle, au contraire, déstructurer des systèmes locaux préexistants que nous supposons relativement durables ?

(19)

II.Cas de deux villages de l’est Cameroun en

périphérie d’une UFA

Cette partie présente les résultats du travail réalisé sur le terrain entre mars et juin 2008 dans les deux villages de Gouté et Djémiong riverains de l’UFA 10-056 gérée par la Société Forestière et Industrielle de la Doumé (SFID). Ils avaient été le lieu de la réalisation de deux thèses entre 1994 et 1996. Celle de Lescuyer, sur l’évaluation économique et la gestion viable de la forêt, soutenue en 2000 et celle de Takforyan, sur la gestion villageoise de la chasse, soutenue en 2001.

Après une brève description de la zone d’étude et du travail réalisé, nous présenterons les évolutions qui ont pu se produire dans ces villages (notamment vis-à-vis de l’attribution de l’UFA 10-056) et enfin nous étudierons quelles conséquences cela a pu avoir sur les pratiques locales.

1. Environnement naturel et principales activités

anthropiques:

a. Une zone forestière rurale de l’est camerounais

La province de l’Est

Le Cameroun possède 10 provinces, héritées de la colonisation. La province de l’Est est la plus vaste et la moins peuplée des provinces. Elle représente près d’un quart du territoire pour moins de 6% de la population totale.

La province de l’Est est une province forestière. La forêt couvre 71% de sa surface et l’exploitation du bois est pratiquement la principale activité industrielle.

Economiquement, cette province est en retard par rapport au reste du pays et reste très enclavée. Elle est reliée à Yaoundé par la route nationale N°10 entre Yaoundé Bertoua et Batouri. Cet axe aurait du être goudronné depuis plusieurs années mais l’argent qui y était destiné a été utilisé à d’autres fins. Aujourd’hui les travaux sont relancés avec des fonds européens mais cette route reste encore de mauvaise qualité, surtout en saison des pluies.

A l’intérieur du massif, le réseau de pistes se limite pratiquement à l’axe ouvert par les sociétés forestières pour l’exploitation de bois entre Dimako, Mbang et Yokadouma. Le sud-est de la province sud-est particulièrement enclavé et il faut plusieurs jours pour s’y rendre.

Par ailleurs, la ligne de train qui va vers le nord du pays s’arrête à Belabo qui se situe à 82 km au nord-est de Bertoua.

Un climat humide de type guinéen

Le climat de la zone d’étude est relativement humide, On enregistre en moyenne 1446 mm de précipitations annuelle à Bertoua. (SFID, 2007). Il est de type « guinéen », c'est-à-dire qu’on distingue une grande saison humide (de septembre à novembre), une grande saison sèche (de décembre à mars) une petite saison pluvieuse (d’avril à juin) et une petite saison sèche de (juillet à août). Les températures moyennes varient peu, elles oscillent entre 23 et 25°C.

(20)

23 24 25 26

Janvier Mars Mai Juillet Septembre Novembre

0 50 100 150 200 250

Temp. Moy. (°C) Précipitation (mm)

Ces quatre saisons, règlent le calendrier des activités villageoises (agriculture, chasse, pêche, et cueillette).

Figure 1 : Précipitations et température à Bertoua

(sources : SFID 2007)

Une économie dominée par l’agriculture itinérante sur

abatis-brulis

L’exploitation forestière est pratiquement la seule activité industrielle présente dans cette province. Au niveau des villages, quasiment toute la population vit de l’agriculture vivrière. Les rares personnes qui ne sont pas principalement agricultrices sont les maîtres des écoles et les petits commerçants, mais cela ne les empêche pas de pratiquer l’agriculture.

L’agriculture sur brûlis consiste à abattre la forêt et y mettre le feu pour créer des champs. Après une période qui varie de quelques mois à plusieurs années, la parcelle est laissée en jachère. Cette technique permet une reproduction de la fertilité mais elle représente surtout un moyen de lutter contre les adventices. C’est d’ailleurs le développement des adventices qui entraîne l’abandon du champ et non une baisse de la fertilité.

Traditionnellement, les hommes pratiquent le défrichage des champs vivrier tandis que les femmes réalisent la mise en culture et l’entretien. De plus ils gèrent seuls les cultures de rentes qui génèrent des revenus. La baisse des revenus liés aux cultures de rentes dans les années 80 et plus récemment la hausse des prix des produits vivriers a atténué cette division (Takforyan, 2001).

Le système agraire connaît deux grandes variantes, un cycle long sur la forêt secondaire (ou des jachères de plus de 15 ans) et un cycle « court » où les jachères peuvent être remises en culture la troisième année.

Le cycle long commence au début de la saison sèche (dès novembre). La parcelle est défrichée14 et le bois est laissé à terre où il sèche. A la fin de la saison sèche (vers

14 Lors du défrichage, les petits arbres sont tous coupés. Les gros arbres qui ont trop d’ombre sont aussi abattus mais certains sont conservés. La présence de ces arbres diminue la productivité du champ mais elle limite significativement la repousse des adventices c’est pourquoi ils sont conservés.

Les arbres sont aussi conservés en fonction de leur utilité. Ainsi les arbres qui pouvaient avoir une utilisation médicinale, les fruitiers ou les « arbres à chenilles » n’étaient pas abattus dans la mesure du possible. Aujourd’hui, ce sont les essences commerciales qui sont conservées.

(21)

mars) le feu est mis au champ. Dans ce nouveau champ, les villageois cultivent la courge15 quand la terre est encore à nu. Ensuite les villageois plantent des rejetons de bananiers plantains16 qui produiront au bout d’un an et pour une durée pouvant dépasser 5 ans si le champ est entretenu. Depuis quelques années, avec l’apparition de nouveaux débouchés commerciaux, la culture du piment s’est développée. Cette rotation est, de loin, la plus rentable, mais « casser la forêt » est un travail très physique et certaine personnes n’ont plus accès à de la forêt non cultivée et proche d’une route.

Le cycle court se fait sur des jachères de 2 à 5 ans qui ne sont pas encore reboisées. Il débute à la fin de la saison sèche (janvier-février). Après avoir coupé les herbes, comme précédemment, les villageois les laissent sécher et les font brûler. Pour cette rotation, un labour est nécessaire après le brûlis car la période de jachère ne permet de limiter suffisamment la repousse des adventices. Dans ces parcelles, les villageois peuvent implanter diverse cultures. Parmi elles on trouve en premier lieu le manioc, le macabo, l’arachide et le maïs. Ces champs retournent en général en jachère après la première récolte. Contrairement à la rotation longue, cette rotation peut représenter un risque d’épuisement du sol si elle est conduite de manière répétée sur un court laps de temps.

Un troisième type de champ, moins fréquent, peut être fait dans les marécages suivant le même schéma que pour le cycle court. Dans ces champs, il est possible de cultiver du riz et du maïs. Cette dernière technique permet de commencer les culture en avance par rapport aux jeunes jachères. Cela permet par exemple d’avoir du maïs dès le mois de mai (alors que le maïs produit dans les jachères n’est récolté qu’en juillet) et donc de le vendre au moment où les cours sont le plus hauts.

Figure 2 : Calendrier des principales cultures vivrières

(Takforyan, 2001) Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Défrichage

Semis Récolte

Manioc

(1 an après semis ; pendant 2 années)

(1 an après semis ; pendant 3 années)

Plantain Semis Récolte Semis Récolte Arachide Semis Récolte Maïs Semis Récolte Courge (Boli) (Boli)

15 La courge est appelée ici « concombre ». A la récolte, les villageois cassent le fruit et en extraient les pépins qu’ils font sécher. Les pépins sont ensuite ouverts et l’amande est récupérée. Elle sera utilisée pour faire les sauces. Cette culture demande beaucoup de travail mais elle est très rentable.

16

Le bananier plantain, et les autres variétés, sont originaires d’Asie du Sud et du Sud Est. Leur introduction dans cette zone est datée de – 2500 et reste un mystère. Cette plante a révolutionné l’agriculture qui était jusque là basée sur l’igname et le palmier à huile, moins productif et demandant plus d’entretien. (Vande weghe, 2004)

(22)

Cette figure illustre combien les travaux du champ sont étalés sur l’année. Le plantain et le manioc assurent une production continue, ce qui fait qu’il n’y a pas de période de soudure. La diversité des cultures permet aussi de limiter les risques liés aux dégâts que pourraient subir une culture.

Les villageois ont aussi des plantations de café et de cacao, pour la plupart héritées de la fin des années 80. Ces plantations étaient en grande partie à l’abandon mais elles sont en train d’être remises en exploitation à la faveur de la hausse des prix pour ces produits. Il faut noter qu’en 1994 ces plantations étaient aussi en train d’être réhabilitées, également suite à une hausse des cours.

Enfin, les habitants ont pratiquement tous des animaux (mouton, cochons, chèvres, poules et plus rarement canards) qui divaguent dans le village. Ces animaux ne reçoivent aucun entretien, néanmoins ils peuvent causer des dégâts dans les champs et ils obligent donc les villageois à faire leurs champs plus loin ou à les protéger par une barrière.

Ce système agricole est caractérisé par une optimisation du facteur travail (De Wachter, 2001). La terre n’est pas, pour l’instant, un facteur limitant mais, une fois qu’elle est défrichée, elle est utilisée de façon à rentabiliser le plus possible le travail qui y a été investi. Ainsi, plusieurs cultures sont implantées sur la même parcelle.

Les autres activités villageoises

Outre l’agriculture, les villageois exploitent beaucoup de ressources de la forêt. Ainsi pratiquent-ils la chasse, la cueillette, la pêche et plus récemment le sciage artisanal (et illégal) de bois.

En premier lieu, la chasse est très pratiquée dans les villages. Pratiquement tous les hommes du village sont au moins des chasseurs occasionnels depuis leur plus jeune âge. Ainsi, les plus jeunes apprennent à chasser en posant des pièges « attrape souris », puis ils commencent à tendre des pièges pour les plus gros gibiers et enfin, pour certains ils apprennent à tirer à l’arme. Cette chasse est principalement destinée à l’autoconsommation mais certains individus en font maintenant une activité au même titre que l’agriculture. Auparavant, les techniques de chasses étaient très diverses (Koch, 1968 ; Takforyan 2001), mais avec le temps, et peut être la raréfaction du gibier, beaucoup ont été abandonnées.

La pêche est aussi une activité importante, surtout pour les Boli pour qui elle est devenue une activité secondaire. La période la plus importante pour la pêche est la saison sèche quand les cours d’eau sont au plus bas. Comme pour l’agriculture, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes pratiques. Les hommes pêchent le plus souvent au filet, à la ligne ou en barrant un petit cours d’eau (appelé « lac ») à l’aide de nasses pour piéger les poissons. De leur côté les femmes pratiquent plutôt la pêche à l’aide de grandes nasses mobiles dans les flaques d’eau qui restent quand les rivières s’assèchent. Quelques fois, elles construisent des barrages en terre pour créer artificiellement des flaques.

Les villageois prélèvent aussi de nombreux PFNL (produits forestiers non ligneux) dans la forêt, surtout en saison des pluies quand la végétation est la plus développée. Les PFNL servent principalement à se nourrir mais ils sont aussi utilisés pour se soigner, pour construire les maisons ou réaliser des petits objets.

Références

Documents relatifs

Considérant que si, par la lettre susvisée, la Confédération nationale des syndicats dentaires (C.N.S.D.) a saisi le Conseil de la concurrence, d'une part, de pratiques qu'elle

Dans la décision ci-après, l’Autorité condamne la société Sanbri à une sanction de 3 200 euros pour s’être entendue de mars 2011 à mars 2016 avec certains de ses

Considérant que, par la lettre susvisée, le ministre chargé de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur de la conduite

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé par la société Laboratoires Odoncia sur le territoire national s'est élevé à 18 628 194 F au cours de l'exercice 1992 ; que,

démontré que le document interne a atteint des tiers et notamment des clients (CA Paris, 24 janvier 1967). A titre liminaire, il convient d’observer que les organes de

Considérant que le responsable de l'auto-école Jund a été à l'initiative de ces réunions et a pris une part prépondérante dans la direction des débats et la définition des

Considérant que ces actions, en incitant les adhérents de ces organisations professionnelles à adapter leurs achats de veaux nourrissons non à leurs propres perspectives de vente,

en matière de production et de commercialisation d'aliments d'allaitement et de viande de veau ont fait l'objet de plusieurs restructurations, de telle sorte qu'elles se