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PHILOSOPHIE MARTIALE ET ESPRIT DES ARTS MARTIAUX. Un regard sur les Arts Martiaux de, Jean rodrigue MBOE

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Academic year: 2021

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AVANT-PROPOS

Les Arts Martiaux sont ce que l’on a coutume de qualifier de vaste ensemble de Sports de Combat ou de disciplines martiales ayant en leur sein, des règles, des exigences voire des normes qui les régissent. Lesdites normes peuvent être assimilées ce que l’on appelle « éthique martiale » conduisant à une certaine philosophie dite martiale. Cette philosophie dans son sens général démontre que l’art martial est détentionnaire d’une certaine sagesse morale capable de réguler les comportements des pratiquants d’Arts Martiaux. Mais comment cela est-il possible ? La réponse à ce questionnement relèverait d’un processus de gradation de l’activité martiale ; c’est-à-dire, ne peut véritablement donner suite à cette question, que le pratiquant ayant expérimenté la nature du sujet ; en d’autres termes, celui ayant acquis une certaine expérience dans le domaine, peut et doit inéluctablement apporter des éléments de réponse à ce questionnement. C’est dire que la sagesse, entendue comme philosophie ou comme mode de vie, s’acquiert au bout d’un certain temps de pratique de la discipline martiale. Notons qu’elle ne s’acquiert que dans le respect strict et assidu des normes régissant la pratique martiale. Pour acquérir cette sagesse, il faut la vouloir, la désirer afin d’en faire le socle et la finalité de notre pratique martiale. Il s’agit ainsi d’un exercice constant et permanent dans lequel, le pratiquant doit être plongé afin d’atteindre résolument ce que l’on appelle « éveil spirituel ».

L’objectif de ce document est d’abord d’exposer la notion de philosophie martiale dans son ensemble, ceci en mettant en exergue une certaine pédagogie s’inscrivant dans un processus de gradation des valeurs qu’elle prône. Lesdites valeurs sont essentielles et primordiales ; en ce sens qu’elles constituent désormais une philosophie de vie voire un art de vivre conduisant à une acquisition d’un certain bien-être.

De nombreux éléments nous aideront à explorer ce vaste terrain qu’est la philosophie martiale. Une question est née au cours de notre périple reflexionnel : Existe-t-il une éthique martiale ? Parler d’éthique reviendrait à faire mention de l’existence d’une morale en Arts Martiaux. Morale qui semble incontournable dans notre quotidien et nos agirs, parce que régulant nos comportements. Étant donné que les Arts Martiaux prônent une certaine sagesse qui renverrait à un ensemble de normes normalisantes, il serait donc convenable de penser à l’existence d’une éthique martiale. Car, qui dit norme dit loi ; et qui dit loi dit éthique ou morale. Par ailleurs, évoquant la notion d’esprit des Arts Martiaux, précisons que nous embrasserons tous les sens du mot « esprit » ; tant comme ‘’entité’’ et tant comme ‘’caractère’’. Dans ces conditions, nous aborderons la dimension spirituelle qui est l’une des finalités des Arts Martiaux dans la logique de la symphonie corps-esprit. De plus, un regard vertical et horizontal sera posé sur les Arts Martiaux de notre temps comme reflet des sociétés dans leur dimension sociale voire socio-culturelle. Précisons également qu’au cours de notre travail, nous ressortirons les dimensions psychologiques et thérapeutiques des Arts Martiaux. Car, au-delà de leurs fonctions martiales et spirituelles, les Arts Martiaux sont également des disciplines qui touchent le domaines psychologique et thérapeutique visant à comprendre la personne humaine, tout en lui permettant de se comprendre elle-même dans le processus de son évolution.

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Débutons donc ce long et périple travail qui, certainement aidera plus d’une personne, à mieux saisir l’univers des Arts Martiaux dans leur ensemble en sortant des idées préconçues et à déceler si possible (pour les plus avisés), la sagesse qui s’y cache.

L’auteur

Sensei Jean Rodrigue MBOE

Ceinture Noire 2ème Dan

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3 PRÉFACE

Parler de la philosophie martiale ou philosophie des Arts Martiaux, c’est démontrer l’ultime sagesse qui se dégage dans la pratique assidue de ces derniers. Ainsi, la philosophie martiale repose sur les valeurs que véhiculent les Arts Martiaux dans leur dimension spirituelle. Les Arts Martiaux constituent ainsi une philosophie de valeurs allant jusqu’à devenir un mode de vie, un état d’être et un art de vivre. En jetant un regard panoramique sur le monde, on observera l’érection de nombreux arts martiaux à l’instar du : Karaté, Taekwondo, Kung-Fu, Tai-chi, Judo, etc. Mais au-delà de cette pluralité de disciplines martiales, se dessine une philosophie martiale.

La philosophie martiale est une : elle est universelle. Sa finalité concerne le sens de l’honneur, la quête de justice, de vérité, de vertu. C'est une voie active de connaissance de soi. La philosophie martiale n’a pas une finalité bassement matérielle basée sur les désirs. Elle n'a rien à voir non plus avec l'utilisation de la force pour asservir autrui. On retrouve ainsi la philosophie martiale dans toutes les grandes civilisations. Le vécu d’une philosophie martiale est nécessaire dans les périodes de perte des repères individuels et collectifs. On retrouve cette philosophie dans les sociétés où priment l’injustice, l’appât du gain, le matérialisme, la domination des forts et des riches sur les faibles, l'asservissement des masses etc. Il s’agit de découvrir ce qu'il y a de plus noble dans l'être humain.

L’esprit martial quant à lui est une quête perpétuelle de la perfection. Ladite quête n’est possible qu’à travers une pratique continue et assidue de l’art martial dans un but d’acquisition d’une expérience assez considérable et consistante.

Ce livre de mon jeune frère, ami et maître déjà, Jean Rodrigue, est une occasion de comprendre avec plus d’attention aujourd’hui, l’existence d’une philosophie dans le cadre des Arts Martiaux, ses attributs, ses caractéristiques et sa finalité. D’autre part, le livre enrichit notre connaissance sur l’esprit martial et sa pluralité de sens ; ceci en passant par une explication précise et concise du sujet. Sensei Jean Rodrigue jette de ce fait, un regard singulier sur ce que sont devenus les Arts Martiaux dans la société actuelle et enfin, présente, avec un point de vue nouveau, les diverses dimensions que peuvent revêtir les Arts Martiaux.

Sensei Georges Dupont

Ceinture Noire 7ème Dan

Karaté-Do Shotokan Expert fédéral, Paris-France.

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PREMIÈRE PARTIE :

GÉNÉRALITÉS SUR LES ARTS

MARTIAUX.

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Chapitre I : Analyse singulière des Arts Martiaux

I. Approche historique

1. Naissance et processus évolutif

Les Arts Martiaux ont diverses origines ; ceci étant, d’aucuns sont d’origine asiatique, d’autres d’origine européenne, d’autres encore d’origine africaine et bien d’autres. Nous présentons ici la naissance, l’origine des Arts Martiaux et leur processus évolutif, tout en dégageant leur histoire selon les différents Continents.

a. Origine des Arts Martiaux au sens large

Premièrement, pour comprendre l’origine des arts martiaux, il faut en comprendre l’étymologie. Le nom “art martial” (ou arts martiaux) connaît une signification bien précise. Il est ainsi scindé en deux parties bien distinctes :

Art : qui met en avant une habilité, une manière de faire, exécutée avec un sens esthétique. Martial : qui est relatif à la guerre, au combat et à l’affrontement.

Un art martial est donc une pratique visant l’apprentissage, le partage et l’application de techniques martiales dans un cadre de perfection et d’esthétique. Mais pas seulement, dans les arts martiaux asiatiques, une dimension philosophique et spirituelle fait partie intégrante de la discipline. On recherche le développement des aptitudes physiques au combat ainsi qu’un travail sur la mentalité et les émotions. Des formes d’arts martiaux sont nées en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique… en fait partout dans le monde, indépendamment les uns des autres. Pourtant, on retrouve des techniques similaires dans chaque branche. Pourquoi ? Simplement parce que nous avons tous une tête, deux bras, et deux jambes.

Par ailleurs, lorsque les arts martiaux primitifs arrivèrent en Extrême-Orient, ils y prirent racine et se diversifièrent graduellement en un certain nombre de disciplines. Malheureusement, nous ne savons presque rien de cette première période qui se perd dans le mythe et la légende. Quelques rares éléments d'information disséminés dans les anciennes traditions littéraires et artistiques de la Chine et de l'Inde nous laissent croire cependant que le début du développement des arts martiaux dans ces civilisations se situerait entre le 5ème siècle avant Jésus-Christ (époque où la chine commençait à fabriquer des sabres en grand nombre) et le 3ème siècle après Jésus-Christ (date à laquelle sont transcrits pour la première fois les exercices fondamentaux des arts martiaux).

Les documents ou objets sont fort rares au début de l'histoire des arts martiaux. En fait de nombreux maîtres pensent aujourd'hui que leur art a vu le jour en Chine au début du 6e siècle de notre ère. Cette conviction repose sur une légende qui raconte comment arriva un jour au temple Shaolin, au pied des monts Song-Chan du royaume de Wei, en Chine, un moine venu de l'Inde, Bodhidharma. Ce moine enseignait une nouvelle forme de bouddhisme, plus directe, dans laquelle le disciple cherchait à atteindre l'illumination par la méditation perpétuelle. Bodhidharma serait lui-même resté neuf ans assis à contempler le fond d'une grotte avant de

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former d'autres moines à son école. Pour les aider à supporter ces longues heures de méditation, Bodhidharma leur enseigna des techniques respiratoires et des exercices qui leur permirent de s'endurcir et de mieux se défendre dans les montagnes reculées ou ils vivaient. De ces enseignements serait né le dhyana, c'est-à-dire l'école du bouddhisme méditatif que les Chinois appellent ch'an et les Japonais zen.

L'art martial connu sous le nom de shaolin ch'uan-fa, ou la boxe du temple de Shaolin, serait lui aussi fondé sur ces exercices, tout comme de nombreux autres arts martiaux de la Chine et du Japon seraient issus de la même tradition. Pourtant, une étude attentive des documents historiques montre que les arts martiaux étaient déjà florissants en Inde comme en Chine, bien avant le voyage de Bodhidharma

b. Diffusion des Arts Martiaux

L'histoire des arts martiaux à partir du 3e siècle est celle du développement graduel de leurs techniques, de l'enrichissement de leurs philosophies et de leur lente diffusion dans d'autres pays, généralement sur les pas du bouddhisme. De nombreux arts martiaux différents sont apparus en Inde et en Chine au cours des mille cinq cents dernières années. Nombre d'entre eux sont toujours pratiqués, et la plupart sont issus de quelques grandes écoles fondatrices. Par exemple, la majorité des écoles de kung-fu paraît s'inscrire dans la tradition de la boxe du temple de Shaolin. C'est sous forme systèmes complets, constitués d'une idéologie autant que d'une pratique ou d'une technique, que les arts martiaux ont franchi les frontières de la Chine et de l'Inde pour se répandre en Corée, au Japon et dans le sud-est de l'Asie. Ces pays devaient posséder aux aussi leurs propres arts martiaux, mais les techniques et les idées venues de l'étranger s'imposèrent par leur supériorité et firent évoluer peu à peu les arts indigènes, les transformant en arts martiaux authentiques.

Les arts martiaux actuellement pratiqués en Birmanie, en Thaïlande, en Malaisie, en Indonésie, en Indochine, en Corée sont tous clairement apparentés à la boxe chinoise. Cependant, c'est son contenu intellectuel qui distingue un art martial d'un art de combat. Même si nous savons comment les arts martiaux se sont propagés d'un pays à l'autre, nous ignorons encore quand a eu lieu cette assimilation plus profonde qui transforma les arts indigènes en arts martiaux.

Les Japonais, fortement influencés par la culture chinoise, ont surtout appris les leçons des anciens maîtres au début de leur histoire, puis mirent lentement au point leurs propres arts martiaux. Aujourd'hui, le japon est le pays le plus riche d'Asie par la diversité de ses arts martiaux et par le nombre relatif des personnes qui les pratiquent.

c. Les Arts Martiaux en Occident

Le monde occidental ignorait pratiquement tout des arts martiaux d'Orient avant le 20e siècle. Les premiers voyages d'exploration des Européens ne datent que du 14e siècle. A partir de 1400, leurs explorations successives leur révélèrent peu à peu un monde qui les remplit d'étonnement. Les premières disciplines martiales bien connues qui soient purement

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européennes sont celles qui étaient pratiquées aux grandes fêtes et compétitions de la Grèce antique. Les plus célèbres d'entre elles furent naturellement les jeux Olympiques, ou se déroulaient des combats de lutte et de boxe, à côté d'activités plutôt liées au maniement des armes, comme le lancer de javelot. Le pancrace, un assaut de lutte et de boxe qui se terminait parfois par la mort du perdant, était le plus brutal. Mais ces jeux, aussi sanglants qu’ils aient pu être, étaient essentiellement des sports, exécutés devant un public, dans un esprit de compétition et de divertissement. Rien ne permet de croire qu'ils aient eu des objectifs plus profond de développement personnel. Environ mille ans plus tard, l'Europe médiévale vit naître une classe de guerriers qui, à plus d'un égard, furent les archétypes européens des adeptes des arts martiaux. Le chevalier médiéval, dont l'adresse et le courage étaient trempés au combat, vivait selon un code ou l'emploi des armes jouait un rôle clé.

Les arts martiaux du moyen âge n'étaient pratiqués que par les chevaliers. Les meilleurs d'entre eux au champ de bataille ou dans la lice s'efforcèrent de créer une idéologie compatible avec les arts qu'ils pratiquaient. Au 15e siècle apparut cependant une discipline plus sérieuse. En Angleterre commencèrent à s'installer des personnes qui se donnaient le titre de "maîtres des nobles arts de défense". Ces hommes enseignaient les techniques de combat aux civils et aux gens d'armes. Leurs disciplines favorites étaient l'escrime au bâton et à l'épée, les parades à l'écu et la lutte à coups de poing. Un de ces maîtres n'est autre que James Figg premier champion reconnu de boxe. James Figg attira l'attention de la bonne société londonienne, et l'engouement qui ensuivi donna naissance à la boxe sportive.

Etrangement, il existe cependant en France une discipline très semblable sur le plan technique aux arts de combat asiatiques. Appelée autrefois la savate ou le chausson, elle fut perfectionnée au 19esiècle pour devenir ce qu'on appelle aujourd'hui la boxe française. Il semblerait qu'elle soit née d'un art de combat populaire dans lequel coups de poing, coups de pied et crocs-en-jambe étaient autorisés. Ces techniques sont semblables à celles du karaté, et il n'est pas impossible qu'elles aient subi une certaine évolution lorsque les arts asiatiques commencèrent à se répandre en Europe Malgré ces ressemblances, la boxe française n'a d'autre prétentions que d'être un sport de détente et de défense, sans constituer le moins du monde une "voie" ou un "mode de vie".

2. Les Arts Martiaux et leur histoire

Parler de l’historicité des Arts Martiaux, reviendrait à retracer leur évolution à travers les continents, tout en décelant les principaux axes de ladite évolution.

a. Arts Martiaux Asiatiques

Si l'histoire des arts martiaux est bien documentée à partir de l'époque moderne, il n'en va pas de même de leur histoire ancienne. Cette relative absence de sources repose essentiellement sur deux raisons. D'une part, il est très probable que l'origine de la notion soit à chercher en Inde, qui a une conception de l'historiographie très différente de la conception européenne, mettant l'accent sur la valeur symbolique du récit plutôt que sur son exactitude

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historique. D'autre part, les arts martiaux sont souvent intimement liés à des images d'identité nationale. Retracer leur genèse revient donc souvent à souligner l'influence de pays étrangers.

Bien qu'il existe des représentations de techniques de combat remontant à l'époque mésopotamienne, il est probable que la fusion entre les techniques de combat et les pratiques spirituelles se soit d'abord faite en Inde, sous une forme proche du kalaripayat moderne. Ce dernier, pratiqué à l'origine à proximité des temples, combine des techniques martiales inspirées de l'observation des animaux, par le yoga. La médecine amenait avec elle une connaissance des points vitaux du corps, et le yoga une maîtrise callisthénique et respiratoire.1

Pour comprendre ces deux éléments, revenons au vie siècle av. J.-C., époque probable de composition de L'Art de la guerre de Sun Tzu. À cette époque, la Chine est découpée en une multitude d'États se faisant la guerre, un peu à l'image de la Grèce antique. Mais contrairement à la Grèce, la Chine comprend de vastes plaines peuplées, ce qui favorise des batailles de grande ampleur (plusieurs centaines de milliers d'hommes). L'essentiel de la tactique consiste donc dans la manipulation de grandes masses paysannes peu entraînées et surtout peu motivées, la mort au champ de bataille n'apportant aucune gloire.

L'Art de la guerre acquit rapidement le statut de classique, que tout lettré se devait de connaître en profondeur. De ce fait, on peut lire l'influence durable de cette conception de la victoire sans combat dans l'ensemble de la réflexion chinoise plus japonaise sur la guerre (beaucoup plus que dans une réalité au contraire très sanglante).

Ces idées n'étaient sans doute pas étrangères aux moines de Shaolin, expliquant leur introduction dans le contexte bouddhiste des pratiques importées d'Inde. De même, la fréquence de l'instabilité politique en Chine suggère que le choix de pratiques physiques martiales fut avant tout pragmatique. Les monastères bouddhistes bénéficiaient de nombreuses donations, souvent sous la forme d'instruments rituels précieux. Cette richesse faisait d'eux des proies de choix pour les pillards qui abondaient au cours des périodes d'instabilité. L'entraînement martial avait ainsi l'avantage de combiner l'exercice physique nécessaire à la pratique de la méditation et les nécessités de l'autodéfense.

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Illustration des arts martiaux asiatiques

b. Les Arts Martiaux Européens

Les arts martiaux européens prennent source dans la Grèce antique où la lutte était alors un sport valorisé. Il n'y a que peu de documentation concernant les arts martiaux pratiqués durant l'antiquité (comme la lutte gréco-romaine ou la gladiature) pour lesquels seuls l'archéologie expérimentale permet de deviner le style;2 cependant, il y a une vaste quantité de

traités datant de la fin du Âge et du début de la période moderne. A la fin du Moyen-Âge, on distingue une forte contribution germanique et italienne, dont on garde des traces dans de nombreux traités sur l'art du combat (Fechtbucher). Ces traités, comme celui de l'Italien Fiore dei Liberi ou ceux de la tradition germanique de Johannes Liechtenauer, couvrent l'ensemble du spectre des arts martiaux avec des systèmes complets et perfectionnés de lutte à main nue, d'autodéfense contre une personne armée d'une dague, de combat à l'épée, armes d'hast, avec ou sans en armure, à pied ou à cheval, le tout avec une terminologie souvent commune aux différentes sous-disciplines. À l'époque de la Renaissance, l'escrime devient peu à peu favorisée par la noblesse et la bourgeoisie, au détriment de la lutte, dont des formes paysannes d'époque sont conservées en particulier par l'effort de sauvegarde de l'allemand Paulus Hector Mair. L'escrime se développe, avec initialement la prépondérance de l'école italienne, suivie par des écoles espagnoles, françaises, anglaises et écossaises d'escrime durant la période moderne. L'escrime est principalement consacrée à l'autodéfense et au duel dans le cadre civil, en restant bien sûr également présente dans un cadre purement militaire, mais l'utilisation de l'escrime comme divertissement est aussi parfaitement attestée dans toute l'Europe dès la Renaissance.

Est également notable, à la fin du xxe siècle, l'apparition d'une démarche nommée Arts Martiaux Historiques Européens, qui depuis les années 1990 a pour but de redécouvrir les techniques de combat utilisées dans l'histoire européenne jusqu'à la fin de la Belle Époque, avec

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une finalité triple: une démarche d'historien, une démarche pédagogique pour briser les idées reçues du grand-public sur le combat typiquement médiéval, et enfin, une démarche sportive, afin de combattre les armes à la main avec des protections.

Illustration européenne des arts martiaux

c. Les Arts Martiaux Africains

Les nomades chamitiques Beja qui vivent dans les montagnes qui longent la Mer Rouge pratiquent une danse de combat avec des épées et des boucliers en peau d’hippopotame ou de girafe. Cette danse polémique se retrouve de l’Égypte jusqu’à la Somalie. La technique se caractérise par l’utilisation de bonds à partir d’une position accroupie, ainsi que des parades et des esquives. Certains historiens ont fait remarquer que le style vestimentaire des guerriers Masaï a certainement subi l’influence des légionnaires romains qui contrôlaient l’Égypte. Ainsi, les Masaï portent une coiffure qui ressemble au casque romain, ils sont vêtus de toges, portent des épées courtes et ont pour armes de jet une version africaine du pilum romain.3

La lutte Nuba, remonte à plus de 3000 ans. Une peinture montrant des lutteurs nubiens a été découverte dans la tombe de Tyanen, un officier égyptien mort en 1410 av. J.-C. Nous savions que les archers nubiens étaient recrutés dans l’armée égyptienne, et il semble bien que la lutte faisait partie de leur entraînement. Bien que le terme « nubien » désigne indistinctement les populations noires, il semble de plus en plus certain aux historiens, archéologues et anthropologues, que les Nubas actuels du Kordofan sont les descendants des archers et lutteurs nubiens de l’antiquité. Les Nubas pratiquent aussi le combat au bâton et une forme singulière de combat avec bracelet coupant unique dans le monde. Des compétitions sont organisées à certaines époques de l’année. Ces rencontres sont à la conjonction du sport, de la foire, du rituel religieux, des formes sociales de séduction en vue du mariage. Il semble qu’un facteur décisif, comme les razzias arabes, a conduit les Nubas à considérer le combat au corps à corps comme une nécessité de survie.

L’Iskandarâni est un art martial égyptien aujourd'hui disparu. Cet art martial aux origines certainement très anciennes était originaire de la ville d’Alexandrie (Iskander est le nom arabe d’Alexandre). Il était enseigné sous forme de danses (Raqs) dans le quartier

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populaire de Ras-El-Din. Sa pratique se décomposait sous forme de « mimes » ou intervenait quatre actions principales 1-poignarder, 2- taillader, 3-Trancher la gorge, 4-frapper avec la tête. Le Tahtib (du mot bois à brûler) est peut-être l’art martial égyptien le plus ancien encore pratiqué. Les combattants de Tathib utilisent des bâtons mesurant 1,60 m qu’ils tiennent à une ou deux mains.

Lutte africaine

d. Les Arts Martiaux Américains

Il apparut très vite aux premiers européens que les tactiques militaires européennes avaient peu d'efficacité dans le cadre nord-américain. Ici pas de champ de bataille à aire ouverte, pas de déplacement en rangée. La guerre se faisait par des raids en forêts ou des descentes de rivières en canot. La milice canadienne adopte vite les techniques martiales amérindiennes. Elle peut attaquer des villages dans le Nord des États-Unis par des expéditions rapides en raquettes et revenir à son lieu de départ de Québec, Montréal ou Trois-Rivières. Les armes de base étaient le fusil, le tomahawk et le poignard.

L’entraînement se concentrait sur l’art de « la petite guerre » : le combat au corps à corps, la précision du tir à longue distance, la mobilité en terrains difficiles, principalement l’utilisation de la course tactique en forêt. Ces méthodes étaient donc très différentes de l’entraînement d’un bataillon traditionnel. L'art de la guerre indienne appelée « petite guerre » est aujourd'hui modernisé sous le terme de « guérillas ». Ce sont les Iroquois qui ont développé, en 1651-53, ce système de combat efficace.4

Au Brésil, les esclaves venus d'Afrique (Angola) pratiquent des danses rituelles polémiques désignées sous le nom de capoeira. Ces danses seront codifiées au début

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du XXe siècle. C'est Maître Bimba (1900-1974) qui réintroduisit La Capoeira au brésil, en lui

donnant un nouveau nom (capoeira régional de bahia) car la capoeira était encore interdite au brésil, et grâce à ses connaissances en arts martiaux, il introduit dans la capoeira d'autres arts martiaux tels que le karaté et le jiu-jitsu. Maître Pastinha (189-1981) restructure la capoeira "Angola", qui est plus basée sur la capoeira respective, autour d'un jeu aux positions très basses. La capoeira est ainsi devenue un mélange de lutte, de danse, de jeu, d'art et de culture. Pour beaucoup d’adeptes de la Capoeira, elle est un symbole de solidarité réunissant l'Afrique, l'Amérique et la fierté des hommes libres. Alors que cet art fut celui des esclaves, puis celui des Brésiliens, ce n'est qu'en 1931 que la capoeira fut officiellement autorisée.

3. Arts Martiaux : entre mythe et réalité

Historiquement parlant, les techniques fondamentales des arts martiaux auraient bien sûr été développées pour la formation militaire de l’armée chinoise des siècles avant J-C. Des techniques furent ainsi développées pour apprendre à se défendre contre un adversaire armé et désarmé. D’un point de vue plus pragmatique, la base des techniques chinoises devait remonter bien plus loin dans la formation des soldats.

L’influence des idéaux martiaux s’est propagée ultérieurement dans la société pour devenir une pratique à part entière.

Ce n’est pas différent pour les arts martiaux japonais. Même si la légende du docteur Akiyama5 entre parfaitement en compte avec l’éthique du jiu-jitsu, l’origine des techniques remonterait à l’époque des samouraïs.

5 Le docteur Akiyama était un japonais qui voyageait en Chine. Lors d’une escale en Mandchourie, il fut autorisé

à regarder les entraînements d’une secte religieuse qui pratiquait une forme de self-défense (kung-fu). Akiyama fut impressionné par les techniques utilisées. Mais n’eut pas la possibilité de les pratiquer lors de son périple en Chine.

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En effet, de nombreuses techniques à mains nues ont été élaborées en prenant en compte le port de l’armure et le désarmement du katana. Un art martial “codifié” existait bel et bien avant l’apparition du docteur Akiyama.6

Ce même principe peut, je pense, s’appliquer sur chaque continent de notre planète. Des techniques martiales ont été développées partout dans le monde il y a des milliers d’années. L’homme a donc toujours cherché à développer des systèmes de lutte et d’affrontement.

Que ce soit le pancrace durant de l’Antiquité en Grèce, la lutte sénégalaise en Afrique, ou encore la coreeda en Australie, presque toutes les civilisations ont développé des systèmes de combat, pour se défendre ou simplement pour le sport.

II. Approche sociale

Comment les Arts Martiaux sont-ils vus dans la société ? Questionnement ambigüe auquel nous essaierons de donner des éléments de réponse.

1. Approche socio-historique

a. La professionnalisation des combattants7

La figure du combattant professionnel moderne apparaît en Angleterre au XVIIIe siècle, dans le cadre de combats-spectacles sur lesquels on mise de l’argent8. Les lutteurs commencent à se consacrer exclusivement à cette activité à partir du moment où les paris (et donc les gains) réunis autour de certains combats commencent à atteindre des montants suffisants. L’ampleur croissante des paris entraîne un autre effet : elle renforce la codification de l’activité. On tend en effet à vouloir contrôler et maîtriser les conditions de déroulement des combats en garantissant un cadre convenu à l’avance. Les règles de Broughton (1743), les London Prize Ring Rules (1838) et les règles du Marquis de Queensberry (1867) posent ce cadre. Norbert Elias, puis Georges Vigarello ont mis en évidence le rôle majeur de ces règles dans l’abaissement du seuil de violence toléré dans les combats.9 Mais ils n’ont pas souligné combien

elles permettaient l’accroissement des sommes d’argent mises en jeu. Or, règles et paris se renforcent en boucle : l’augmentation des paris incite à un renforcement du cadre réglementaire qui, en retour, garantit un cadre de déroulement des combats favorable à la prise de risques financiers. La même logique qui avait affecté la boxe prévaut dans la codification d’autres combats. La boxe thaï, mais aussi certaines luttes africaines telles que la lutte sénégalaise10

le kokowa nigérien se sont également dotés d’une réglementation contraignante et précise sous

6 Texte inspiré de l’article de Nicolas, L’origine des Arts Martiaux, un mythe ou une réalité ? Article publié le 30

octobre 2016 in le site www.mmartial.com

7 Benoit Gaudin, La codification des pratiques martiales une approche socio-historique Dans Actes de la recherche en sciences sociales 2009/4 (n° 179), pages 4 à 31

8 L’Antiquité connaissait aussi des professionnels du spectacle de combat. Mais on n’en trouve plus trace après la

Rome antique.

9 Georges Vigarello, « La technique sportive : reflets changeants », in Claude Genzling, Le Corps surnaturé. Les

sports entre science et conscience, Paris, Autrement, 1992, p. 38.

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l’influence des enjeux liés aux volumes des paris misés sur les combats. C’est également selon cette dynamique que le sumo est devenu la première forme de combat extrême-orientale à se transformer en sport de combat.

Bunkai de karaté

b. L’enseignement et la professionnalisation des maîtres11

Parallèlement à la professionnalisation des combattants, certaines formes de combat ont été affectées par une autre dynamique de commercialisation : elles ont été transformées en éducations physiques marchandes. Les combats qui ont traversé ce processus ont vu se modifier de manière radicale leur configuration sociologique. Dans ces nouvelles activités « en salle » des grandes villes européennes et japonaises, l’enseignant est devenu un professionnel rémunéré pour ses services par des apprenants qui sont ses clients. Il s’agit là d’une constatation qui relève du truisme dans le monde des services, mais les réticences du milieu des combats à reconnaître cet état de fait sont unanimes ; elles sont d’ailleurs révélatrices d’une dimension spécifique à ces activités, qui reste à analyser, sur l’ambiguïté de l’économie symbolique de la relation de transmission des savoirs dans les combats codifiés.

La nouvelle distance sociale entre enseignants et apprenants se manifeste par l’apparition de termes nouveaux, qui témoignent de l’exotisme sociologique qui caractérise les interactions entre ces deux populations. Des vocables comme maître, académie, art, science et le terme japonais do font alors leur apparition pour s’appliquer à des personnes, des lieux et des pratiques qui étaient auparavant stigmatisés. La boxe anglaise devient la noble science puis le noble art, les simples techniques (jutsu) accèdent au rang de voie (do), le simple combattant doué devient maître, sa salle une académie et son enseignement un art : quand la haute société s’empare d’une activité, elle lui attribue des appellations prestigieuses et valorisantes.

Le terme « art » joue sur sa polysémie : à l’origine, il fait référence à l’acception ancienne du terme, qui a donné « artisan » et qui signifie « technique », comme dans

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l’article Arts de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Par la suite, son aura esthétisante entraîne un glissement vers son acception actuelle ; les anciennes techniques de combat se retrouvent sur le même plan que les spécialités des sept Muses de l’Antiquité. Ainsi, les pratiquants anglo-saxons n’hésitent-ils pas aujourd’hui à se qualifier d’« artistes martiaux » (martial artists). Le qualificatif « martial » est, quant à lui, paradoxalement attribué à des formes de combat qui ont justement cessé d’être utilisées sur les champs de bataille, supplantées par les armes à feu.

L’organisation structurée des apprentissages, fondée sur une progression pédagogique, encadrée par des enseignants investis d’une autorité statutaire et formalisée dans des ouvrages de méthode : l’ensemble de ces changements entraînent d’autres changements, qui vont dans le sens d’une rationalisation de l’activité. En effet, la nouvelle façon de transmettre les savoirs mène à une standardisation gestuelle et à une homogénéité motrice parmi les apprenants. Les ouvrages de méthode permettent une diffusion au-delà de la simple salle du maître : la méthode peut être reprise par d’autres enseignants, la pratique peut se diffuser et le nombre de pratiquants croître. Standardisation motrice et diffusion démographique rendent plus facile l’expansion géographique d’une activité et l’organisation de rencontres réglementées. Rationalisation de l’apprentissage, standardisation motrice : c’est également en référence, mais aussi souvent en opposition à ces caractéristiques que s’est constitué le champ des combats actuels.

Illustration de la professionnalisation des maîtres

c. La transformation des Bujutsu en Budo

Les pratiques de combat japonaises traversent une dynamique très spécifique entre les années 1880 et 1940 : sans être transformées en « sports de combat », elles subissent une standardisation et une codification qui les mènent à devenir des activités pédagogiques de masse au service du nationalisme nippon. Cette évolution se réalise sous la houlette centralisatrice de la Dai Nippon Butokukay, à partir d’un modèle qui est celui du judo de Jigoro Kano, dans une perspective de « disciplinarisation » des corps et des esprits.12

Jigoro Kano n’est pas un traditionnaliste (contrairement à de nombreux professionnels de l’enseignement qui se réclament de lui). Son ambition pour la synthèse qu’il invente sur une

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base de bujutsu (le judo) est de fonder une méthode éducative « soucieuse de la santé physique et morale du peuple japonais et [qui participe] à l’élan général du Japon de Meiji vers l’Occident et la modernité13. » S’il emprunte le concept de do à la tradition martiale des samouraïs, il en altère néanmoins le sens : sa « voie » (do) fait moins référence au bushido, le code de valeurs des samouraïs, qu’à une ambition pédagogique de formation adaptée à la nouvelle époque. En ce sens, Kano est plus proche de Coubertin ou de Georges Hébert que des combattants du Japon médiéval.

À l’opposé du jujitsu qui est un art au sens ancien du terme (celui de technique de l’artisan), le judo de Kano est un logos.14 En effet, sa volonté pédagogique le mène à formaliser son enseignement en créant des séquences motrices standardisées et hiérarchisées, les katas15. Assisté par quelques autres maîtres, il élabore une gradation des étapes de l’apprentissage, qu’il nomme Gokyo, qui décompose la progression pédagogique en groupes de mouvements (kyu ou kyo) classés par ordre de difficultés et correspondant à des niveaux menant au dan, la ceinture noire. Cette mise en méthode s’accompagne bien sûr d’une élimination des mouvements dangereux.16

Le travail de pédagogisation et de codification du judo par Kano rencontre un relais institutionnel majeur dans la Dai Nippon Butokukay. Cette institution est, dès sa fondation, pensée comme un outil de centralisation, de contrôle et standardisation des pratiques de combat : elle est chargée d’organiser et de classer les styles et écoles des divers bujutsu dans un cadre légal et officiel. Un comité d’experts spécialement constitué reçoit mission d’authentifier les grades et titres des maîtres.

Bujutsu

d. Spiritualisation des combats

On ne peut pas reprocher au sport son manque d’efficacité ; la victoire est même son unique but. Par contre, on pourra lui reprocher sa pauvreté dans la palette des gestuelles mobilisées ou un manque d’esthétique. Par exemple, les tenants du « beau judo » déplorent les

13 M. Brousse, op. cit., p. 35 (souligné par l’auteur). 14 J.-L. Boilleau, op. cit., p. 238-239.

15 Florence Braustein, Penser les arts martiaux, Paris, PUF, 1999, p. 176.

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« batailles de chiffonniers » des compétiteurs de leur forme de combat. Ainsi sont-ils amenés à dévaloriser le geste et à le subordonner à un but supérieur, qui serait un « esprit » ou un « message ». Le geste mènerait à l’esprit, véritable but de l’initiation. Face au judo sportif, les déçus du modèle compétitif cherchent historiquement à développer un « beau judo » avant de franchir le pas et de changer d’activité. Ils se sont tournés vers l’aïkido. Ce n’est pas un hasard. Fondé par Morihei Ueshiba (1883-1969), l’aïkido est historiquement la première activité à s’appuyer sur une conception introspective du do. Alors que depuis 1923 Ueshiba enseignait une forme de combat qu’il nommait aïkijutsu, c’est sous le nom d’aïkido qu’il enregistre son activité à la Butokukay en 194217. Il vient alors d’être touché par sa « troisième vision » qui lui inspire une nouvelle acception du do : il s’agit d’une voie qui mène non plus à la formation d’un citoyen adapté au monde moderne (Jigoro Kano) ou à l’instruction d’un sujet obéissant et dévoué à son Empereur (Hiromichi Nishikubo), mais d’une voie dont le but est l’épanouissement de la personnalité de l’individu par le dépassement de ses pulsions d’agression. Avec Ueshiba, le concept de do est réinterprété, la voie change (encore) de destination. À ce titre, Jean-Pierre Giraud écrit : « Novateur, il [Ueshiba] sut rompre, au bon moment, avec l’image du guerrier terrifiant des mythes ou des légendes, engendrant ainsi une sorte de néo-budo visant avant tout à une prise de conscience tant corporelle que spirituelle »18.

2. Le monde des Arts Martiaux : l’arrière scène

Les Arts Martiaux sont aussi populaires que complexes. Afin de bien comprendre ce qu'est vraiment l'univers des arts martiaux, les auteurs proposent de les aborder par le biais des sciences sociales.

Les arts martiaux sont populaires comme nous disions plus haut. Même si la plupart des gens en ont une idée plus ou moins précise, chacun possède une référence ou une image qui lui permet d’en parler sans être un expert. Cependant, se pourrait-il que les experts dans le domaine en question, soit les pratiquants eux-mêmes, n’arrivent pas à expliquer et à comprendre ce qu’est le vaste monde des Arts Martiaux. Si cet exercice est difficile, c’est parce que la multitude de disciplines qui composent l’univers des arts martiaux forment une mosaïque hétéroclite, un casse-tête dont les pièces ne semblent pas toutes être faites pour s’emboîter et y

17 F. Braunstein, op. cit., p. 163. 18 Ibid.

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déceler une idée précise. Pour être capables de déchiffrer la logique de l’organisation sociale qui se cache derrière l’incohérence apparente de tout ce qui compose l’univers des arts martiaux, nous avons besoin d’une clé ! L’accès à cette clé nécessite de prendre du recul, de marquer une pause, un temps d’arrêt qui nous amène à utiliser des outils différents pour regarder avec clarté et pertinence, quelque chose que nous pensions connaître. Ces outils sont les sciences sociales et la clé de lecture que lesdites sciences proposent, est de voir les arts martiaux comme un phénomène complexe voire même un phénomène alambiqué. Le fonctionnement de notre société est complexe, alors pourquoi en serait-il autrement avec les arts martiaux ? À chacun d’y apporter un élément de réponse.

3. L’univers social des Arts Martiaux

La société voit les arts martiaux pour ses aspects biomécaniques, comme les entraînements et compétitions. Il y a pourtant des aspects sociologiques associés à cet univers.

Du point de vue de la sociologie, les représentations sociales des pratiquants d’arts martiaux permettent de comprendre ce dans quoi ceux-ci s’inscrivent actuellement : les loisirs sportifs et plus globalement les valeurs admises au sein de la société dans laquelle vivent les pratiquants. À partir de ce que pensent les pratiquants avancés des arts martiaux, il est possible de comprendre la notion de maître, établir le profil de l’attitude et du comportement de l’étudiant parfait, prôner des vertus qui font des pratiquants un citoyen idéal, ou se prononcer sur la valeur des grades, on voit se dessiner des variations et des différences qui vont au-delà de la critique intergénérationnelle. Ces critiques que l’on associe souvent à un fossé entre les générations sont plutôt un moyen détourné pour parler des changements survenus dans l’univers des arts martiaux. Les représentations sociales des pratiquants d’aujourd’hui sont des indices de la démocratisation des disciplines martiales correspondant aux aspects fonctionnalistes du loisir sportif contemporain.19

Ce partage des valeurs communes entre les pratiquants peut se nommer le sport commun. Il peut se comprendre comme des expériences communes vécues à côté des institutions sportives comme un phénomène de masse. C’est exactement ce que sont les arts martiaux : des écoles, des clubs aux finalités et aux objectifs divers, qui peuvent prendre des formes allant de la pratique sportive au divertissement ludique de loisir.

Toutefois, il importe de ne pas oublier que cette réalité n’a rien de dichotomique et ne se découpe pas uniquement entre les activités de sport et de loisirs, mais se présente plutôt sous la forme de centaines de clubs ou d’écoles, qui se situent à des degrés divers sur une échelle entre deux pôles. Et, à cet égard, la compétition sportive institutionnalisée n’est pas la seule différence. Certes, la forme compétitive est la plus visible et la plus connue, mais il s’agit plutôt de voir la configuration des modes de pratique que permet la démocratisation en récupérant et en institutionnalisant les nouvelles manières de pratiquer des arts martiaux, et, cela, sans

19 BERNARD, Olivier. (2014). Les arts martiaux : entre sports et loisirs. Dans BERNARD, Olivier.

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nécessairement en faire un sport de compétition. Ne pensons qu’aux divers types de spectacles qui mettent en vedette des performances martiales : par exemple, le Cirque du Soleil a récemment recruté de jeunes québécois spécialistes de kata acrobatique dans sa troupe et continue de chercher d’autres personnes possédant ce genre de talent.20

Prises dans leur ensemble, les disciplines martiales peuvent prendre des configurations et proposer des objectifs qui varient énormément les uns par rapport aux autres. Les notes d’observations, les entrevues semi-dirigées et les multiples observations participantes (Bernard, 2014) portant sur les clubs et les écoles d’arts martiaux sont les sources d’informations privilégiées qui permettent le classement des dits clubs et écoles sur l’échelle des modes de pratiques. Leur situation sur l’échelle ne signifie en rien que toutes les disciplines portant le même nom se classent au même endroit. Leur position confirme seulement l’existence d’un état de fait montrant que les arts martiaux oscillent entre les pôles que sont le sport et le loisir, ou encore les sports de combat et les loisirs d’inspiration martiale, voire à connotation martiale imaginaire.

Il s’agit d’une réalité qui les tiraille, car ces disciplines doivent se soustraire aux attentes des gens qui voudraient les pratiquer et aux modes d’aujourd’hui pour continuer à être actives dans la société. Sans participer à la logique économique et d’offre de services propre à notre société, les arts martiaux pourraient alors demeurer des disciplines plus marginales.21

Or, on remarque facilement que ces disciplines ne sont pas marginalisées, car, outre les écoles et les clubs d’arts martiaux qui s’affichent dans les villes et villages, on les rencontre à une multitude d’endroits : les sports olympiques, les spectacles de danse, au cinéma, dans les publicités, les émissions pour enfants, les dessins animés, dans les foyers pour personnes âgées en tant que technique de physiothérapie, dans les milieux défavorisés en tant que moyen d’intervention auprès des jeunes en difficulté, dans les programmes de sport-étude pour les élèves des écoles primaires et secondaires, dans les romans, les manga, les bandes dessinées, les vidéoclips, sans oublier les publications et les recherches universitaires qui s’y intéressent abondamment etc.

On peut comprendre la réalité des clubs et des écoles d’arts martiaux comme un grand espace dynamique : un univers du loisir sportif qui tente de satisfaire les multiples exigences d’une clientèle tout aussi variée. Cet espace est également compris comme une échelle graduée, où chacun des échelons se définit comme un point spécifique représentant un mode de pratique. Chaque mode de pratique se compose de caractéristiques qui le situent entre le pôle des activités sportives et celui des activités de loisirs. C’est pourquoi la plupart des écoles possèdent des caractéristiques propres à ces deux sphères sociales. Plus on est dans les extrémités de l’échelle, plus l’activité se définit simplement. Les ambiguïtés s’accumulent du moment où les disciplines offrent un produit diversifié dans le but de satisfaire le plus grand nombre d’attentes possibles. Pour en parler, il devient nécessaire d'utiliser le terme de sport dans ses deux acceptions, stricto sensu (institutions, règlements, compétition) et lato sensu (activités et produits dérivés du sport). Conséquemment, les orientations économiques, politiques et d’enseignements des

20 Ibid. 21 Ibid.

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écoles et des clubs tentent de trouver le juste milieu entre les diverses facettes qui composent la réalité sociale de notre époque.

Les différentes disciplines martiales se classent donc sur l’échelle des modes de pratique à l’intérieur de l’univers social des loisirs sportifs à partir de la répartition ou du « dosage » des différentes dimensions qui les composent et les caractérisent. Cette oscillation entre deux pôles se caractérise par les intérêts et les orientations des écoles et des clubs d’arts martiaux, en grande partie assujettis aux attentes et aux désirs des diverses générations de pratiquants qui les fréquentent.

Si l’on veut donner une portée plus générale à ces propos, on peut dire que les diverses formes de combats codifiés se positionnent entre les divers pôles que sont 1) la performance sportive et la transmission de valeurs, 2) l’accessibilité à tous et les besoins spécifiques des gens de la région, 3) l’efficacité technique et l’esthétique des mouvements, 4) le désir de rayonner internationalement et le besoin de demeurer une communauté chaleureuse.

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Chapitre II : Catégorisation, typologie d’Arts Martiaux et points essentiels

I. Catégorisation et typologie d’Arts Martiaux

1. Écoles et Styles

a. Du TO-DE à l’OKINAWA-TE

À l'origine, karaté était écrit « Tō-de », « la main de Chine ». En 1935, en raison de la montée du nationalisme japonais, et aussi surtout à cause de l'antagonisme sino-japonais, et pour faciliter la reconnaissance et la diffusion du karaté, Gichin Funakoshi a remplacé ces kanjis par l'orthographe actuelle, pour « gommer » l'origine chinoise, sacrifiant ainsi à l'usage japonais du moment.

TO dans la langue d'Okinawa, désigne la « dynastie des Tang » (618 - 906), et par extension, en okinawaïen, TO désigne tout ce qui vient de Chine, ainsi que le pays lui-même.

Et que DE, voisement de « TE », signifie « technique » en chinois comme en okinawaien, et par extension en japonais la « main » qui réalise ces techniques.

D'où tō-de, « technique des Tang » ou « technique chinoise », par référence à ses origines, devenu « main de Chine » depuis la « colonisation » d'Okinawa par le Japon en 1609. Vers le XVIIe siècle, le Tō-te s'est divisé en trois branches distinctes, car les techniques étaient plus ou moins différentes selon la localité où elles étaient pratiquées. Le « Te », Main, portait donc le nom de sa localité d'origine :

 Le Shuri-te ;

 Le Naha-Te ;

 Le Tomari-te.

Tō-te restant l'appellation générique.

Plus tard, vers la fin du XIXe siècle, du fait de la « colonisation » d'Okinawa par le Japon(depuis 1609, année pendant laquelle le clan Satsuma envahit les îles Ryūkyū dont Okinawa est l'île principale) et pour se démarquer, le Tō-te est devenu Okinawa-te. Vers 1920, l'Okinawa-te est introduit au Japon, et là, du fait de la guerre sino-japonaise, toute référence à la Chine devant être supprimée du vocabulaire, il devient karaté, la main vide.

Le Tôde est basé sur des techniques de percussion utilisant les différentes parties du corps comme des armes naturelles (doigts, mains ouvertes et fermées, avant-bras, pieds, tibias, coudes, genoux, tête, épaules, etc.) en vue de bloquer les attaques d’un ou plusieurs adversaires et/ou d'attaquer, mais également sur des techniques regroupant des parades, des esquives, des balayages, des projections et des clés.

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Karaté d’OKINAWA b. KOBUDO

Le terme kobudō venant des trois caractères chinois ayant gardé le même sens en japonais ; ko qui signifie « ancien », bu, « martial », et dō « la voie ». L'acception moderne du terme recouvre toutes les pratiques d'armes associées aux arts martiaux japonais.

Sur l'île principale, Honshū, l'éducation martiale, dispensée au sein des koryus (écoles traditionnelles anciennes), comprenait l'étude du sabre, considéré comme noble, ainsi que d'armes complémentaires telles que la lance (yari), le bâton long (bō, environ 1,80 m), ou le bâton court (jō). Des koryus se spécialisèrent dans certaines armes exotiques telles que le kusarigama (la faucille-chaîne), par exemple. Cette éducation s'adressait à une « élite aisée ». On retrouve dans toutes ces koryus des déplacements typiques du maniement du sabre, ainsi que dans les arts qui y sont affiliés tels que l'aïkido ou le jujitsu.22 On parle donc de kobudō pour

désigner la pratique des armes de l'aïkido, ou celle des écoles de sabre pluridisciplinaires (telles que les Araki Ryu, Sekiguichi Ryu, Shinto Muso Ryu, Suiō Ryu, Katori Shintō Ryu et Yamate Ryu) ou encore des écoles de jujutsu qui intègrent des armes dans leurs curriculum (Hakko Ryu Jujutsu, 1941).

Par ailleurs, dans les îles méridionales de l'archipel du Japon et notamment à Okinawa, plusieurs édits qui ont émané soit de la tutelle japonaise des Satsuma, soit directement du gouvernement de Shuri, ont interdit la possession et l'usage des armes tranchantes à la population. Ces édits à valeur commerciale, puisqu'ils ramenaient le royaume de Ryūkyū dans le giron isolationniste du Japon impérial, ont souvent été interprétés à tort comme un moyen d'éviter les rébellions. Ce sont ces interdictions qui ont favorisé le développement poussé des techniques de combat à mains nues, le Tō-de devenu plus tard karaté, ainsi que l'utilisation, en tant qu'armes, des ustensiles de la vie quotidienne, les kobudō. De plus, le caractère subversif de la pratique l'a longtemps confiné au secret, ce qui, ajouté à la géographie parcellaire des îles et à la lenteur des voies de communication, explique qu'il n'existe pas un kobudō mais des kobudō, donc plusieurs façons de faire par arme, par île, par village, par expert.

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Le kobudō a été développé et enrichi dans les classes sociales des fonctionnaires et officiels du gouvernement de Shuri (les shizoku), dont la provenance (Kume), l’éducation (les classiques chinois pour le concours de mandarin), et les séjours en Chine à l’École des mandarins, expliquent l'attrait pour la culture chinoise en général. Cette fois-ci, la pratique n'est plus asservie à l'appartenance à une classe, mais au jeu complexe des relations humaines.

Au XXe siècle, le kobudō dépérissait avec la perte d'intérêt croissante du public japonais

pour une activité perçue comme anachronique. La pratique des armes perdurait comme pratique complémentaire du karaté, souvent introduite tardivement et à la diffusion locale, tandis que certains experts préservaient une pratique à la diffusion familiale et à huis-clos, et que d'autres experts enfin, moins chanceux peut-être en enseignement, maintenaient seul, leur pratique. Dans ce classement à 3 niveaux, qui s'applique aussi d'ailleurs à la pratique du karaté à Okinawa, le grand public n'a souvent accès qu'aux dojos établis du premier niveau, et ignore tout des seconds et 3e niveaux. On comprend donc la révolution que représente l'ouverture au public d'un style familial, souvent connu de réputation mais protégé par les liens familiaux. Ce fut le cas pour l'ouverture du style ryūei ryū par la famille Nakaima (qui comprend karate et kobudō). Ce fut le cas aussi pour la famille Matayoshi (aussi en karate et en kobudō).

Kobudo : maniement des armes

2. Les Arts Martiaux dit « externes »23

Lesarts martiaux « externes » sont ceux qui misent davantage sur le développement muscu laire, sur la fortification du corps, sur le développement de la vitesse. L’école chinoise de shao linest habituellement considérée comme l’archétype de cette tendance, mais certains font égal ement entrer dans cette catégorie le karaté (Japon) dont nous ferons mention plus tard dans l’œuvre et le taekwondo (Corée). Nous mentionnons ici juste quelques disciplines qui entrent dans cette catégorisation.

23 Article Dominic LaRochelle, Ph.D., La « Tour de Babel » des arts martiaux. Un essai de typologie des pratiques

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a. Shaolin Kung-fu

Le kung-fu Shaolin ou Shaolin kung-fu est un art martial chinois traditionnel, se référant à l'ancienne école du monastère Shaolin, lieu où il aurait été créé. Des centaines d'arts martiaux chinois se réclament de « l'héritage Shaolin », ou d'un des monastères associés au nom « Shaolin ».

D'après la tradition, le moine bouddhiste Bodhidharma (Ve siècle) aurait enseigné le kung-fu Shaolin aux moines du temple Shaolin, pour les aider à se défendre des animaux et des brigands qui rôdaient autour du monastère. Les recherches académiques critiquent cette thèse dès le XVIIIe siècle, et certains historiens font remonter cette légende au XVIIe siècle, avec la mention de pratiques physiques à Shaolin (Qi gong) dans des passages du Yì Jīn Jīng, dont l'authenticité (on le prétend daté du VIIe siècle) est mise en doute par les historiens (qui l'estiment postérieur au XVIIe siècle). Le moine bouddhiste Bodhidharma a été considéré comme le créateur des arts martiaux Shaolin. Cette attribution provient d'un taoïste ayant rédigé le Yijinjing en 1624, qu'il prétendit avoir découvert. La première des deux préfaces de ce manuel retrace la succession du style qi gong à partir de Bodhidharma jusqu'au général Li Jing, à travers une chaine de saints et héros de guerre bouddhistes. Les chercheurs considèrent ce travail comme une falsification, en raison de ses nombreux anachronismes et du fait que des personnages fictifs de la littérature chinoise y soient répertoriés comme maîtres de lignée. Ling Tinkang (1757-1809), un érudit de la dynastie des Qing, décrivait déjà cet auteur comme un « maître ignorant de village ». Il inclut 708 séquences de routines armées et à mains nues et 156 séquences d'exercices de respiration qigong, certaines d'entre elles préservées et documentées dans des manuels historiques d'arts martiaux. Les disciples du monastère sont de jeunes garçons sélectionnés généralement parmi les meilleurs élèves des écoles martiales de la région ou du reste de la Chine. La formation martiale de ces disciples dure généralement entre deux et quatre ans, plusieurs heures par jour. Au terme de cette période, ils peuvent devenir moines. Tous les moines n'étudient pas le bouddhisme chan (zen), ni les pratiques les plus traditionnelles (méditation, qi gong, techniques authentiques d'autodéfense). La plupart des moines se concentrent sur les démonstrations acrobatiques et les exercices de casse, afin de satisfaire les groupes de touristes. Les moines martiaux plus doués intègrent les tournées mondiales de démonstration, pendant quelques années.

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b. Wushu kung-fu

Le wushu ou wushu moderne est le sport de compétition des arts martiaux chinois traditionnels. Il a été créé en République populaire de Chine après 1949. La majorité des formes martiales(taolu) présentées en compétition, ont été définies par des comités désignés par le gouvernement, d'après des formes traditionnelles. À l'époque actuelle, le wushu est devenu un sport international à l'initiative de la Fédération internationale de wushu (IWUF), qui organise des championnats mondiaux tous les deux ans.

Il y a une tentative de repenser les arts martiaux chinois traditionnels dans une perspective plus « moderne » : préparations physiques, spécificités des échauffements, hygiène du sportif, conceptions gymniques des mouvements, etc. C’est-à-dire mettre en place les bases d'une « éducation physique » des arts martiaux. C’est en 1956 qu’eut lieu la création officielle de la section wushu au Centre National des Sports de Pékin (équivalent de notre Fédération) et de douze ligues dans les provinces. Politique de développement du wushu par la mise en place de démonstrations avec classement selon le niveau de pratique.

Le wushu est aujourd'hui une discipline sportive avec une fédération internationale (IWUF), des fédérations continentales et des fédérations nationales (Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées) toutes reconnues par le comité international olympique (CIO). Les championnats du monde ont lieu tous les deux ans. Trois compétitions ont lieu durant les championnats internationaux : compétition de San Da, compétition de taolu (enchaînements) et compétition de taiji quan. Le premier championnat du monde de wushu a eu lieu à Pékin en 1991.

Des tournois pour adultes et enfants sont également organisés en Europe et aux États-Unis depuis les années 80.

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3. Les Arts Martiaux dit « internes »24

Ce sont ceux qui misent davantage sur le développement de l’énergie (qi, ki, ou prana), sur la douceur et la lenteur dans l’entraînement, sur l’idée que l’on doit « céder » à la force brute de l’adversaire pour rediriger son énergie violente contre lui et ainsi le vaincre. On estime que les arts martiaux de cette tradition insistent particulièrement sur l’aspect thérapeutique et méditatif de la pratique. Entrent dans cette catégorie les arts martiaux chinois du taiji quan, du bagua zhang et du xingyi quan.

L’aïkido japonais pourrait également s’accorder avec cette description. Quelques disciplines de cette catégorie :

a. Taiji Quan

Le tai-chi-chuan ou tai chi ou taiji quan est un art martial chinois dit « interne » (neijia) souvent réduit à une gymnastique de santé. Il peut aussi comporter une dimension spirituelle. Il a pour objet le travail de l'énergie appelée chi. Les origines du tai-chi-chuan sont encore mal connues et sources de nombreuses controverses. Pour mieux marquer son origine, il convient d'abord de le distinguer d'autres pratiques corporelles chinoises plus anciennes liées ou non au taoïsme. Plusieurs hypothèses existent alors, certaines relevant des mythes et d'autres mieux fondées historiquement.25

Le tai-chi-chuan en tant qu'art martial interne(nei dan) insiste sur le développement d'une force souple et dynamique appelée jing, par opposition à la force physique pure li. Une des règles du tai-chi-chuan est le relâchement song. Ce relâchement garantit la fluidité des mouvements et leur coordination. Une fois la relaxation song installée, le pratiquant va développer le pengjing, force interne consistant à relier chaque partie du corps en restant relaxé. Selon un dicton : « Une partie bouge, tout le corps bouge ; une partie s'arrête, tout le corps s'arrête ». Le pengjing est la force caractéristique du tai-chi-chuan ; on peut lui trouver une analogie avec une boule élastique. Frappez la boule et votre coup sera retourné contre vous. Plus simplement, le tai-chi-chuan contrôle les mouvements en exerçant des forces tangentielles ou de rotation

Lors des frappes, l'énergie est tout d'abord concentrée dans le dantian inférieur, qui est un des centres fondamentaux du qi(aussi connu sous la désignation hindouiste « second chakra »). Puis elle est libérée, accompagnée d'une onde de choc propagée par l'ondulation des articulations du pratiquant, tel un fouet. On appelle cette action faire jaillir la force, ou fajing.

Le tai-chi-chuan porte une attention particulière à l'enracinement. L'énergie doit aussi s'élancer des « racines » que constituent les pieds, puisque ce sont généralement eux qui, dans la majorité des cas, vont amorcer le coup que transmettra la main, ou tout autre partie frappante. On dit parfois, « le pied donne le coup, la hanche dirige et la main transmet ». L'énergie provient des pieds, puis elle est dirigée par la taille avant d'être transmise par les mains.

24 Ibid.

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En dehors de l'apprentissage des mouvements, postures et respirations, la pratique du tai-chi-chuan comprend des exercices d'assouplissement et de relâchement des muscles et des articulations, destinés à favoriser la circulation du qi et appelés daoyin fa. L'enchaînement proprement dit se nomme taolu, encore nommé gongjia ; perfectionnement du style. Il peut être pratiqué à trois vitesses ; une fois à vitesse normale pour corriger les mouvements, une seconde fois un peu plus rapidement pour habituer le corps à l'unité dynamique du début à la fin, et une troisième fois lentement, comme une phase méditative, pour travailler la circulation du qi.

Taiji Quan

b. Qi Gong

Le qi gong, chi gong ou chi kung est une gymnastique traditionnelle chinoise et une

science de la respiration fondée sur la connaissance et la maîtrise du souffle et qui associe mouvements lents, exercices respiratoires et concentration[1]. Le terme signifie littéralement

« réalisation ou accomplissement (gong) relatif au qi », ou « maîtrise du souffle ».

Les racines du Qi gong sont millénaires et indissociables de la tradition taoïste. Le travail sur le souffle et l'énergie interne était déjà pratiqué par les sages de l'Antiquité, aussi existe-t-il des écoles taoïstes, bouddhistes et confucianistes de Qi gong, lesquelles ont grandement influencé le développement de la médecine chinoise traditionnelle. Se transmettant de façon le plus souvent privée et secrète entre maîtres et initiés, la pratique du Qi gong a connu une popularité croissante au XXe siècle, tant au sein de la population chinoise qu'à l'extérieur

de la Chine, notamment grâce aux contacts des sociétés occidentales qui s'y intéressent de plus en plus à partir des années 1960.26

Le père du qigong moderne est Liu Guizhen (1920-1983), un cadre du Parti communiste chinois. Après s'être fait soigner pour un ulcère par un maître qui lui enseigna une méthode de méditation et de contrôle de la respiration en position debout, il fut chargé par ses supérieurs de développer cette technique de maîtrise du souffle, mais débarrassée de ses éléments religieux. Le qi gong compte plusieurs branches, lesquelles recouvrent des centaines de styles différents : le qi gong santé et bien-être (préventif), le qi gong martial, le qi gong médical (curatif), le qi

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gong sexuel et le qi gong spirituel. Les effets allégués d'une pratique régulière du qi gong vont de l'augmentation de la capacité de prévention et de guérison des maladies et des blessures, du maintien en bonne santé, de l'augmentation de la qualité de vie, de la longévité, du développement de soi, voire jusqu'au développement de dons de guérison et d'autoguérison, d'une force surhumaine et de pouvoirs surnaturels

Qi Gong

c. Bagua Zhang

Le bagua zhang appartient à la famille des arts ou styles dits « internes », nei jia quan. C'est une boxe originaire du Nord de la Chine (Pékin). Dans cette famille des arts internes à laquelle appartient le ba gua zhang, on trouve aussi, pour ne citer que les plus connus, le xing yi quan et le taiji quan (ou tai-chi-chuan).

On considère que Dong Hai Chuan, né dans le Hebei (1793-1883), est le fondateur de ce style, bien qu'en Chine même, il y ait toujours des discussions pour savoir si Dong Hai Chuan employait bien le terme « ba gua zhang » pour désigner sa gestuelle et ce qu'il enseignait à ses élèves. À tout le moins, il semble avoir été le premier à formuler ou répandre les principes d'une gestuelle qui se déclina différemment avec ses disciples. L'art du ba gua zhang est fondé sur une stratégie du contournement. Les déplacements circulaires visent à esquiver les pièges d'un rapport de force qui jouerait au détriment du pratiquant. Il s'agit de se dérober au face-à-face et de passer sur les côtés ou dans le dos de l'adversaire. Les esquives du corps fondés sur ces déplacements se font par frottements des membres supérieurs, plutôt que par chocs. Ce style inclut également un travail de frappe, et un travail de projection - surtout dans la lignée Cheng, puisque Cheng Tinghua était un spécialiste de Shuai Jiao, la lutte chinoise. Quant au travail de frappe, il est rendu difficile par l'inertie de la force centrifuge. C'est la raison pour laquelle le ba gua zhang est souvent étudié en synergie avec des styles qui compensent cet inconvénient27. Le plus souvent, il est étudié en même temps que le Xing Yiquan, « la Boxe de la Forme et de l'Intention ». L'un des derniers grands maîtres vivants, Liu Jingru, le pratique aussi en synergie avec le Liu He Tang Lang Quan, « la Mante Religieuse des Six Harmonies ». Ces deux derniers styles appartiennent aussi à la famille interne : mais ce sont des styles linéaires qui permettent au contraire de travailler en ligne droite, dans l'axe de l'adversaire.

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29 Bagua Zhang

4. Les Arts d’auto-défense (Self-defense arts)28

Ce sont l’apanage d’écoles qui misent sur l’entraînement au combat en vue d’une situation réelle. Dans ces écoles, les pratiquants cherchent le réalisme à travers l’entraînement. L’objectif est littéralement d’apprendre à se défendre en situation d’agression.

a. Jujitsu

Le ju-jitsu, ou jūjutsu ou encore jiu-jitsu littéralement « art de la souplesse » regroupe des techniques de combat qui furent développées par les samouraïs durant l'époque d'Edo. Elles enseignaient aux samouraïs et aux bushis à se défendre lorsque ceux-ci étaient désarmés lors d'un duel ou sur le champ de bataille.

Le concept principal du ju-jutsu est le jū, littéralement la « souplesse », c'est-à-dire éviter l'attaque frontale pour contrôler un adversaire plus fort, sans opposition de force. Cette approche se retrouve dans l'expression (jū yoku gō wo sei su) : le doux maîtrise le fort. Ce principe a donné naissance à un ensemble de techniques sophistiquées d'évitement, de canalisation de la force adverse, et de contrôle de l'adversaire par des déplacements, des frappes et des immobilisations obtenues grâce au contrôle des points vitaux et des articulations.

Les méthodes de combat connues comme le ju-jutsu sont vieilles de 1 500 ans au moins. Les débuts du ju-jutsu peuvent être situés dans la période turbulente au Japon qui s'étalait entre le VIIIe et le XVIe siècle. Cette période connut d'incessantes guerres civiles et les systèmes d'armement classiques furent développés et éprouvés sur les champs de bataille. Les techniques de combat rapproché faisaient partie intégrante de ces systèmes afin de combattre efficacement des adversaires portant armes et armure.

28 Op. Cit . Article Dominic LaRochelle, Ph.D., La « Tour de Babel » des arts martiaux. Un essai de typologie des

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Illustration des arts martiaux asiatiques
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