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13 étoiles : reflets du Valais = Wallis im Bild = Treize étoiles : reflets du Valais = Wallis im Bild

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L a re p ro d u c tio n d e t e x te s o u d ’illus­ tratio n s, m ê m e partielle, n e p e u t être faite s a n s u n e a u to ris a tio n d e la rédaction. C o u v e r tu r e : F ê te d es fifres e t t a m ­ bo u rs, S ta ld e n ried . T a g d e r F a h n e n , T r o m m l e r u n d d e r Pfeifer, S t a l d e n ­ ried. P h o t o O s w a ld R u p p e n .

Editorial

Il est malin, m a d ré , costaud. P a y s a n ? Certes. Et bien d e sa v a l­ lée, ave c son ru d e accent, ce p arle r qui p r o c è d e p a r saccades, cet esprit qui n e saisit ja m a is les objets p a r le côté q u e l’o n a tte n d .

J e le revois ce printe m ps-là, vers P â q u e s , a u r e to u r d ’u n e lon g u e r a n d o n n é e d a n s la neige un p eu lourde. A u rende z-vous, p a s u n m ot. Me reconnaît-il s e u l e m e n t ? S o n re g a rd plissé s ’a t t a r d e su r la m o n t a g n e q u ’il a d e s c e n d u e , p a r ­ co u rt l’éc h in e d e s sapins. Et puis il h u m e à pleines n a rin e s l’o d e u r qui se d é g a g e d u sol : u n cu rie u x p a r f u m d e fe rm e n ta tio n , à c a u s e d e la d é g r a d a tio n d e s feuilles m o r te s sous le soleil ta ndis q u e le sol est e n c o r e s a tu ré d ’eau.

Il p lo n g e so n nez d a n s u n verre d ’arvine, boit à p etites gorgées, p o se le v e rr e et se ren c o g n e. Et b r u s q u e ­ m e n t se m e t à sourire. M aurice C h a p p a z m e rejoint enfin, il a m o ­ m e n t a n é m e n t f e rm é son livre d ’images.

T o u t à l’heu re , la g é n é ro sité d u vin et la tié d e u r d e l’air d élient les la ngues, la co n v e rsa tio n va et vient av e c vivacité. Mais voilà q u ’il s’agit d e d o n n e r son avis su r q u e lq u e point qui intéresse C h a p p a z . J ’a tte n d s so n opinion. Mais il me la n ce av e c im p atien ce : Vous, vous d ’abord, dites-moi ce q u e v o u s p e n ­ sez. Et ses y eu x pétillent d e curio­ sité, d e malice. J ’e n t e n d s le gosier de grive qui c h a n t e : «Eh! Ludivine, M arguerite, C a th e rin e , dites to u t de vous. »

La n a t u r e s ’a b a n d o n n e o u se d o n n e à qui veut. P a s les gens, to ujours inquiets d e se découvrir. Or, le b a v a r d a g e n ’intéresse p a s C h a p p az , mais a u c o n tra ir e ces ac cè s d e vérité p r o fo n d e qui surgissent b r u s q u e ­ m e n t a u t o u r n a n t d ’u n e c o n v e r s a ­ tion.

C h a p p a z , oiseleur, c h a sse à l’affût, g u e t te u r inlassable d e ces m o m e n ts privilégiés o ù les être s ap p a r a iss e n t d a n s le ur vérité. Ah! mais vous croyez p e u t -ê tr e q u e C h a p p a z est u n affab u la te u r. Moi non. S ’il in­ vente, c’est d a n s le langage. Mais je suis sû r q u ’il a vu, e n t e n d u , surpris to u te s les ch o s e s q u ’il a écrites. J e a n - F r a n ç o is Lovey et P ierre Im­ hasly v o u s p r o p o s e n t d a n s cette édition u n e le ctu re d e C h a p p az . C h a c u n p é n è t r e d a n s l’oeuvre avec u n e g r a n d e liberté, u n e g r a n d e s u b ­ jectivité. Ils v o u s e n g a g e n t à lire et relire C h a p p a z ; accueillez le ur invi­ tation. O n n e r e n c o n tr e p a s so u v e n t d a n s la litté ra tu re d e s p o è t e s de c e tte taille.

(11)

SOMMAIRE

M aurice C happaz c h em in e sur l ’arête a ig u isée de la p o é sie , à é g a le d ista n ce lointaine d e la gloire et de la vanité. Connu, p a s vraim ent reconnu. Solitaire comme un fa u v e su perb e. Pierre Im- h asly et Jean-François L ovey n o u s in i­ tient à l ’hom m e et à l ’œ u v re . (P age 12)

Tandis que d’autres c ité s cu ltiven t le p a s sé a v e c p lu s ou m oin s de co m p la i­ sa n ce et de rom antism e, M on th ey s ’e n ­ gage dan s so n aven ir a v e c de grands projets d’urbanism e. Solange Bréganti dirige le projecteur sur q u elq u es réa li­ sations qui sin gu lariseron t la capitale du C h ablais au s e u il de l ’an 2000.

(P age 33)

On dit v olon tiers que le s iè c le à venir sera dom iné par le s bio tech n iq u es, sur le p lan scien tifiq u e. Im agine-t-on que le Valais pourra participer activem en t à cette en trep rise im m en se? Il le fait d'ores et déjà, à son é ch elle, grâce à Cytotech qui regroup e une q u inzain e de bioch im istes travaillant sur l ’interfé- ron. (P age 44)

Editorial

8

Choix culturels

Mémento d e s activités culturelles

10

M aurice Chappaz, comme une fleur sur le fleuve

12

Les G éorgiques d e Virgile et d e Maurice Chappaz

16

Engelzunge ganz aus Mensch

17

Mizette Putallaz, du visible à l’invisible

18

Das abenteuerlische Leben

d e s Johann-Christian Theler

20

Un M usée cantonal d'art m oderne

24

Activités agricoles

Au CERM d e Martigny, 4e Foire agricole du Valais

25

O rd re d e la Channe, les bouteilles et leur histoire

28

Tourisme et loisirs

W alliser Tourismus in Schlagzeilen

31

Nouvelles du tourisme valaisan

32

Monthey en m arche vers l'an 2000

33

«Patrouille d e s Glaciers», 45 ans a p rè s

37

Ivresse entre neige et ciel

38

R ep ères d ’information

Potins valaisans - Am Rande verm erkt

39

Le bloc-notes d e Pascal Thurre

40

Vu d e G enève et d e Berne

43

Domaine industriel

Quinze ch erch eu rs sur la b rèch e

44

Société

Fleuron du Chablais, l'Ecole d e musique d e Monthey

48

Sion, la Bourgeoisie, âme d e la cité

52

E spaces verts

Le retour du lynx

54

D étente

Planche originale d e BD

56

Grâchen, parad is blanc, parad is vert

57

(12)

Mémento

des

activités

culturelles

Aux cim aises

I N A T E R S 1 K u n s tb a u s z u r L inde H c h . O s w a l d I k o n e n A u s stellu n g 17. M ärz - 28. April K u n s tb a u s z u r L inde A l f o n s S t u d e r Plastik en 18. Mai - 11. A u g u s t I S1ERRE I C h a t e a u d e Villa P h i l i p p e M a h l e r P e in tu re s j u s q u ’a u 2 9 avril C h a t e a u d e Villa B a b e t t e O l s o m m e r P e in tu re s d è s le 12 m ai 1 VERCORIN I G alerie F o n t a n y W a l t e r W i ll i s c h P e in tu re s, g ra v u re s , dessins j u s q u ’a u 2 8 avril G alerie-clu b M igras Exposition d e t r a v a u x d e s éco les clubs

L’arbre

B rigue: 16 avril - 2 mai S ion: 7 m ai - 2 3 m ai M artigny: 2 8 m ai • 15 juin I SION I G alerie-club M igras E xpédition suisse a u G r o e n la n d A u x p o r t e s du P ô l e N o r d

P h o t o s de F ran cis P arel e t R o g e r F ra g n ière 5 avril - 2 m ai G alerie G r a n d e - F o n ta in e R o w l a n d F a d e J o s e t t e B a r d o u x P e in tu re s O r g a n is a tio n : L es A m is d e s A rts et.A rtis tes A ssociés (A.A.A.A.) 1 0 4 m ai - 2 juin G r a n g e - à - l’E v ê q u e G il b er t C o n s t a n t i n P e in tu re s, g ra v u re s , s c u lp tu re s 5 a u 2 7 m ai M aison d e la D iète C a m i l l o Huiles, sc u lp tu re s, vitrau x 2 a u 3 0 m ai M o n t d ’O r g e s u r S ion G alerie Le vieux J a c o b F e r e n c B u g y i l P e in tu re s , dessins, g r a v u r e s 14 avril - 6 m ai J a n B u d z i n s k i

Huiles, acriliques, dessins 12 m ai a u 10 juin 1N E N D A Z1 A telier M a d ra s S k i e r e t v i v r e à N e n d a z J e a n A u g a g n e u r : b a n d e s d e ssin é es J a c q u e s F a v re , cin é a ste

M yriam M artin : p e in tu re s, d essin s S im o n e O p p lig er: p h o to s P la n tu , d e s s in a te u r d e p re sse a u M o n d e : c a ric a tu re s

M arlyse T schui, jo u rn a lis te à la R S R : tex te s

O r g a n is a tio n : A rt-E n -C iel j u s q u ’a u 6 m ai I MARTIGNY | G alerie-clu b M igras A u fil du R h ô n e . . . . A u fil d e s s i è c l e s G r a v u r e s a n c ie n n e s 9 avril - 18 m ai F o n d a tio n P i e r r e - G ia n a d d a M iz e tt e P u t a l l a z P e in tu re s A u foyer: L es p e in tu r e s d e M a lo u L es p h o t o g r a p h i e s d e Y a n j u s q u ’a u 6 m ai F o n d a tio n P ie rre - G ia n a d d a R o d in 12 m ai - 21 o c to b re G alerie d e la D r a n s e A l a i n H o n e g g e r P astels, a q u a r e lle s 2 0 m ai - 3 juin G alerie d e la D ra n s e Le p r i n t e m p s d e s p o è t e s en m ai p o u r la d a t e ex ac te, veuillez c o n s u lte r vos q u o tid ie n s L e M an o ir

R a y m o n d M e u w l y (1920-1981)

P e in tu re s 19 m ai - 2 4 juin

(13)

Ferenc Bugyil, l ’h eure de la licorne, 84

Sur les scènes

I BRIG I O berwalliser K e lle rth e a te r 4. Mai u m 2 0 .3 0 U h r Der K l a s s e n f e i n d T h e a te r g r u p p e n M.A.R.I.A. O berwalliser K e lle rth e a te r 11. Mai u m 2 0 .3 0 U h r S c h l u s s p u n k t durch d a s K e lle rth e a te r

I

S1ERRE

I

La S a c o c h e II m ai à 2 0 h 3 0 B ol ero T eatro A n to n in A r ta u d Interprètes:

M a rio n n ettes d e Michel Poletti O rg an isatio n : G R A , S ierre

[ SION

I

P etith éâtre

3, 4, 5 m ai à 2 0 h 3 0

Sur u n e île

Une c ré a tio n d e l’A telier-T h éâtre O riph’L am Réalisation: Françoise M oret, P a s c a l D ay er

M usique classique

I BRIG

I

S t o c k a lp e rs c h lo s s 8. Mai u m 2 0 .3 0 U h r V i v i a n e G o e r g e n , K lavier D a n i e l R o b e r t Graf, V ioloncello O r g a n is a tio n : S c h lo s s k o n z e r te I SAINT-MAUR ICE | S a lle d u C ollège 4 m ai à 2 0 h 3 0 E n s e m b l e i n s t r u m e n t a l d e G r e n o b l e Soliste: S u s a n n a M ildonian, h a r p e D irection: S t é p h a n e C a r d o n O r g a n is a tio n : J e u n e s s e s culturelles d u C hab lais, S a in t-M au ric e

Sur grand écran

I

m a r t i g n yI

C in é m a Etoile 8 m ai à 2 0 h 30

A l a s k a

C in é -c o n fé re n c e

O r g a n is a tio n : V isages e t réalités d u m o n d e

Variétés

I SIERRE I L a S a c o c h e 2 5 m ai à 2 0 h 3 0 H u m o u r p a r P e t e r W y ssb ro d O r g a n is a tio n : G R A , S ierre

Folklore et tradition

I VA L-D’ILLIE Z/LES C R O S E T S | 4 a u 6 mai F ê t e d e m u s i q u e c h a m p ê t r e [ m o n t h e y! S a lle d e la G a r e e t ru e s p ié to n n e s 18, 19 et 2 0 mai C o n c e r ts publics (o u t e t in doo r) 2 5 e a n n i v e r s a i r e du j u m e l a g e M o n t h e y - T u b i n g e n

O r g a n is a tio n : c o m m issio n culturelle d e la Ville de M o n th e y

Docum entation: Lucien Porchet

A n n o n c e z p a r écrit to u t e s vos m an ifesta tio n s culturelles e t fo lk ­ lo riques p o u r le 2 5 d u mois qui p r é c è d e la p a ru tio n , à l’ad re sse su iv a n te : M. Lucien P o rc h e t, 1906 C h a rr a t : * : ■ :: ! / : !

(14)
(15)

M aurice Chappaz

en légende et en vérité

(16)

Comme une fleur

sur le fleuve

Il f u t u n t e m p s o ù le s r o i s a v a i e n t u n b o u f f o n q u i l e u r é t a i t u n e c o n s c i e n c e d e p l u s e t q u i d é v o i l a i t à l e u r s y e u x d ’a c c o u t u m a n c e la f a c e s o l a i r e d e s c h o s e s c a c h é e s . L es r o y a u m e s d ’a l o r s s e n o u r r i s ­ s a i e n t d e c e s p a r o l e s v e n u e s d ’a i l l e u r s , d ’i r o n i e o u d ’o r a i s o n . Les p r i n c e s d ’a u j o u r d ’h u i n ’o n t p l u s c e t t e s a g e s s e ; ils l a i s s e n t à la p o é s i e le s o i n d e c l a m e r s e s v é r i t é s d a n s le s b o r d u r e s d u q u o t i d i e n , à l’o m b r e d e s p r o g r è s e t d e s s a u l e s .

R isquons un in stan t la lumière! O n n e sait p a r o ù a b o r d e r M aurice C h a p p a z . S a b a n q u is e est m o u ­ v a n t e et sa p a ro le surgit to u jo u rs d ’un lieu o ù o n n e l’a t te n d pas, la poésie se c o n j u g a n t m al av e c l’évi­ dence. P e u t- ê t re conviendrait-il d e n ’en p a r le r q u ’à mi-voix, p a r m u r m u re , p a r ellipse, à m i-chem in e n t re la cra in te d e le s u r p r e n d r e et l’espoir d e le ce rner, et d e re s p e c te r chez lui le silence d o n t il a si bien dit les se n teu rs. Mais cela n e se peu t. N’a t te n d o n s p a s l’office d e s n é c ro lo ­ gies p o u r lui dire n o tr e g r a titu d e et p r é s e n te r à l’archipel d e s lettres la v aste p a le tte d e ses sortilèges. La poésie a besoin parfois d u g ra n d jour, des r a y o n s m a g n a n im e s , des v e n ts forts, des e a u x to u r b ill o n n a n ­ tes, des sa luts c h a le u re u x et des voix offertes.

M aurice C h a p p a z est u n c o n t e m p o ­ rain capital.

(17)

Q u ê t e , t r a n s p a r e n c e e t g é n é r o s i t é

Son c h a n t est d ’u n e vie, d ’u n pays, d’u n e exigence. Il n o u s invite à rien de m oins q u ’à l’essentiel : n o u s s o m ­ mes é p h é m è r e s et, d a n s ce p a s sa g e qui est le n ôtre, n o u s s o m m e s a p p e ­ lés à n o u s c o n s u m e r ple in em en t. Dans l’a m o u r et d a n s la m ort. Ecrire n’est p a s u n ac te d e décoration, mais d e conjuration.

J ’ai t o u j o u rs a im é chez lui cette sensation d e freiner le te m p s, d e lui in venter des obstacles, d e rejoindre la rive p o u r voir s’éc o u le r le fleuve, de p r o p o s e r à l’h o m m e u n point d’a n c r a g e o ù il se sa c h e h o m m e , périssable et aim an t, si noble et si fragile.

J ’ai t o u j o u rs a im é cette q u ê t e t r a n s ­ p a r e n te d e l’origine, d e ce qui n o u s distingue, d e ce qui unit, d a n s le mystère, l’h o m m e à la n a t u r e et la n a tu re a u x dieux. C ’est là bien plus q u ’u n e q u e l c o n q u e échelle d e s v a ­

leurs faisant à n o tr e e n g e a n c e u n e filiation d e prestige. L’écriture r e s ­ ta u re . Elle a ce ra re privilège de c h a n te r n o tr e source, d e n o u s d es ti­ n e r u n ailleurs et d e «ressusciter la sublim e te rre d o n t n o u s s o m m e s le d i a m a n t p e r d u » ( T e s ta m e n t d u H a u t-R h ô n e ) .

J ’ai to u jo u rs aimé, face a u x sujets graves, face à la m o r t qui glace, cette exquise délicatesse du rire qui écla te en pirouette, c e tte attitu d e so c ra tiq u e o ù l’h u m o u r in a tte n d u est u n e a u t re politesse d u désespoir. J ’ai to u jo u rs aim é c e tte générosité lyrique, ce m é la n g e d e trivialité et d ’incantation, c e tte m o s a ïq u e des c o u t u m e s et des vins.

U n r i c h e t e r r i t o i r e

O n ne lit p a s C h a p p a z les yeux distraits, c o m m e p a r h a s a r d ou p a r effraction. O n le relit, av e c cette p a tie n c e et cet ém e rv e ille m e n t qui font les é m o tio n s durables. O n s’y

p r o m è n e c o m m e e n u n pays d o n t o n co n n a ît p e u à p e u les trac es et les erra n c e s. O n y m a r q u e des repères, o n s’y perd, on revient sur ses signes, h e u r e u x d e tr o u v e r un refuge et d e savoir q u ’o n n ’est plus seul. C a r cette poésie n o u s est u n e m a n iè r e d e c o m p a g n e .

U n e te rr e n ’existe q u ’à s’in v e n te r un la n g a g e et à se désigner u n scribe. Le Valais existe. Magnifié, d o u l o u ­ reux, p ro m e tte u r .

J e l’ai re n c o n tré chez C h a p p a z avec son p a s sé r u d e et flam boyant, avec ses rites, ses rires, sa d é m e s u re , ses frôlem ents, ses entailles et ses e s p é ­ rances.

P e u t- ê t r e l’écrivain est-il u n p e u l’a n tiq u a ire d e n o u s-m ê m e s.

Texte: Jean-François Lovey Photos: O sw ald Ruppen

(18)

Les Géorgiques de Virgile et de Maurice Chappaz

En d é c e m b re 1983, les Editions

C astella o n t réédité d e u x o u v r a g e s d e M aurice C h a p p a z et d ’Eric Ge- nevay, soit les tra d u c tio n s re v u e s et corrigées d e s Idylles d e T h é o c rite et des G é o rg iq u e s de Virgile, t r a d u c ­ tions qui o n t p a r u la p re m iè re fois e n 1951-1954 a u x Editions R e n c o n ­ tre à L a u sa n n e . P a r la le ctu re des G é o rg iq u e s de Virgile, n o u s r e m o n t o n s e x a c t e ­ m e n t à d e u x mille ans, a u x q u e l ­ q u e s a n n é e s qui o n t p r é c é d é la naissan c e du Christ.

D a n s les G éorgiques, Virgile c h a n te la terre, les saisons et les jours, n o n p a s p a r d e g r a n d e s e n v o lé e s lyri­ ques, mais p a r un réalism e très p oétique. Il décrit les tr a v a u x d e la te rre av e c la précision d ’u n h o m m e d e la terre, fait p a r t d e ses e x p é r ie n ­ ces, o b se rv e les p la n te s et n o u s dit la te rre qui le u r convient, n o u s dit les a n i m a u x d o m e s tiq u e s et c o m ­ m e n t il fau t p r a ti q u e r l’élevage. C ’est u n véritable traité d ’a g ric u l­ tu r e et u n g r a n d p o è m e , d ’u n seul souffle, écrit p a r u n p o è te -p a y sa n . S e s conseils p ra tiq u e s s o n t e n c o r e valables a u j o u r d ’hui, p o u r celui, to u jo u rs p lus rare, qui cultive e n ­ co re ses lopins d e te rr e a v e c a m o u r. Voilà le m o t lâ ché: a m o u r. Ne souriez pas, v o u s les p a y s a n s d ’hier, les p r o d u c te u r s d ’a u j o u r d ’hui s o u ­ mis a u m a rc h é d e l’a r g e n t et à la d ée sse rentabilité. T o u jo u rs m é c o n ­ te n ts du tr o p ou du tr o p peu. Le p a y s a n de Virgile peine d a n s le c o n t e n te m e n t, récolte et v e n d a n g e d a n s la joie et la gratitude. Il g o û te à to u s les fruits d e sa te r r e n o u r ri­ cière. N ’est-ce p a s le m ê m e q u e ce p a y s a n d u Valais o u d ’ailleurs, de nos p è r e s et m è re s d ’il y a soixante a n s à peine, d e nos a n c ê t re s d ’il y a mille o u d e u x mille ans. C om bien, je m ’e n souviens, on était irré ducti­ b le m e n t a tta c h é s a u x parcelles, si m aigres fussent-elles, d e n o s h é r it a ­ ges, com bien en ra c in é s c o n tre t o u te logique. O n aimait n o tr e terre, elle

n o u s le renda it bien p a r le plaisir de g oûte r, d e d é g u s te r les fruits tirés d e n o tre sol. La te rr e nou rrit t o u ­ jo u r s so n h o m m e , o n n e cessait de le rép é ter. A u jo u r d ’hui, il n ’y a plus d e r e to u r à c e tte vie in d é p e n d a n te , sous le seul jo u g d e la nécessité. A m oins d ’u n e c a t a s tr o p h e m e n a ç a n t la vie des plantes, des an im a u x , des h o m m e s.

D a n s ses C h a n t s d e s G é o rg iq u e s de I à IV, Virgile n o m m e , a p p e lle les c hoses et les c h o s e s v ie n n e n t à nous. Elles surgissent telles q u e n o u s les a v o n s vues, observées, au lo ng d e nos chem ins, d e n o s vastes c a m p a g n e s . N o u s s o m m e s ravis p a r l’e x a c titu d e d e s p lus infimes détails, d ’u n e plante, d ’un arbre, il les dit s a n s fioritures, en c o n ta c t direct avec la te rr e et sa poésie n ée s p o n t a n é m e n t d u réel, d u vrai. T o u t ce q u ’il décrit, s’o r d o n n e e n p o èm es, e n cha nts. N o m m e r les ch o ses c ’est les é v o q u e r, c a r sa n s n o m elles ne se ra ien t pas.

C h a p p a z et G ene vay, en e n t r e p r e ­ n a n t la tra d u c tio n des G éo rg iq u e s e n la n g u e française, se so n t d o n n é u n e t â c h e bien difficile. C a r c o m ­ m e n t p a s s e r du latin « cette la n g u e faite p o u r le m a r b r e qui ne b a v a rd e p a s » à n o tre français soum is a u x règles ac a d é m iq u e s. C h a p p a z y réussit p arf a ite m e n t, g râ c e à cette am itié et intim e p a r e n t é q u ’il é p r o u ­ ve p o u r Virgile. Virgile, son am i d ’il y a d e u x mille ans, in te rp rè te d e C h a p p a z , C h a p p a z in te r p rè te de Virgile. Et c’est p o u r q u o i il p e u t sa n s pein e s’identifier à Virgile, le tra d u ire et n e le po in t trahir. C h a p ­ paz, tr a d u c te u r o u a u t e u r p e u im ­ p o rte, il r e c ré e les G é o rg iq u e s en u n e n o u v elle langue, il s’efface et Virgile d e m e u r e to u jo u rs p ré se n t to u t a u lo ng d e la lecture.

J e n ’ai p a s ap p ris le latin et je ne puis p a r le r ni p é n é tr e r le génie d e c e tte langue. D a n s l’e n s e ig n e m e n t scientifique q u e j’ai reçu, o n co n si­ déra it le latin, le grec, c o m m e des

la n g u e s m ortes. O n n o u s a r e t r a n ­ ch é s d e ces g r a n d e s civilisations d ’a v a n t le christianism e et d e ses débuts. Mais e n lisant la trè s belle tra d u c tio n d e s G éorgique s, je me r e n d s c o m p te q u e le latin n ’est pas u n e la n g u e m o rte , mais u n e langue a u x vérités d e to u jo u rs, bien vi­ vante.

«Il n ’y a rien d e n o u v e a u so u s le soleil»: ce q u e Virgile a observé ave c t a n t d e précisions et c h a n t é il y a d e u x mille ans, c ’est ex a c te m e n t ce q u e n o u s a v o n s o b se rv é et trouvé si s im p le m e n t b e a u d u r a n t notre vie.

Texte: A lbert Mathier Photo: O sw ald Ruppen

(19)

Engelszunge ganz aus Mensch

Nein, es stim m t nicht, dass C h a p p a z a m B a h n h o f in L a u s a n n e einen R uc ksac k d e p o n ie rt hätte, d e n er je desm al abholte, e h e er d e n G r a n d P o n t hin aufzockelte, R u c k s a c k s o ­ zusagen zu d e m einen Z w eck: p o u r

faire plus C h appaz.

A ndererseits: Vielleicht g e h t e r d e n ­ noch mit d e m R u c k s a c k ins Bett, und in d e n h o h e n S c h u h e n ; weil er nämlich im m e r u n te rw e g s ist. Allerdings: N ie m a n d e n m ö c h t e es v e rw u n d e rn , b e d ü r f te C h a p p a z d e r Viktualia ü b e r h a u p t nicht, d e n n sei­ ne S ta tio n e n sind alle d u r c h einen m e ta p h y s isc h e n Eros k arto g rafie rt I (M eta physik? M odische E t h n o lo ­

gen s a g e n g e r n e : s u p r a n o r m a l ; w as nichts b ed e u te t, a u s s e r dass sie hier nichts zu d e u t e n , n u r n o c h zu d e u ­ teln h a b e n ; q u a n t a fo rm u la - q u a n t a form ai! qu el Cam em bert...). G esc h ic h tch e n u m M aurice C h a p ­ paz gibt es h u n d e r t. D as p la tt m a t e ­ rialistische Wallis ist keine Fabel m e h r; jetzt m a c h t es se in en Dichter zu ein er solchen. D er Reiz dieser G eschichte: alles, w as d e m g u te n M ann a u s R e s s e n tim e n t a n g e d ic h ­ tet w u rd e , w as a u s Neid e r s o n n e n war, es h a t sich zur p u r e n V e r k lä ­ r u n g sle g e n d e g e m a u se rt. Kraft d e r Kraft dieses S tre ite rs - k raft seiner

endurance. C h a p p a z m u ss te lange

bittere G e g n e rs c h a f t e rtra g e n , ec h te Feindschaften. J e tz t k o m m t es ihm auf ein bisschen A p p la u s von der falschen Seite, la m e d e sim a , auf ein pa a r falsche n e u e F re u n d e von im m er a u c h nicht s e h r an. Es ist Tribut, d e n er d e m Erfolg bezahlt. Ja, es stim m t, M aurice m u ss te d en Weg ü b e r die G e r m a n o p h o n i e n e h ­ m en, u m sich, via R u h m , bei seinen engsten L a n d s le u te n j e n e n R e sp e k t zu verschaffen, d e n sie seinem B ren n e n , se iner Liebe v e rw e h rt h a t ­ ten.

Ja, es stim m t, ich h a b e s c h o n e tw a geflucht beim Ü b ersetze n ; w e n n es so v e r tra c k t w a r u n d so schwierig. Öfter a b e r h a b e ich gebetet, H e r r ­

gott, e rh a lt u n s diesen M a n n seine h u n d e r t J a h r ; weil es so s c h ö n war, so gut, so viel w eiter v ersp re c h e n d . Nein, w er - n a c h d e r stre n g e n Arbeit - nie v o n ihm g e h ö r t h a t:

v e n ez, allons f u m e r u n e cigarette e n sem b le , d e r k e n n t d e n Tonfall,

k e n n t d e n w a h r e n W e rt b ein ah e ange lische r d é t e n t e nim m er. C h a p p a z : die A u g e n a u f m a c h e n u n d P o e t sein, fa u t le faire. Das H ö c h ste sagen, als w ä r e es nichts. D em Nichts e n tg e g e n tr e te n - u n d alles holen. Ein stecken, ein ste ck e n - u n d die ewig verschissene M e d io ­ krität ist es, die a m g e m e in s te n zuschlägt, im m e r u n t e r die G ürtelli­ nie - a b e r dabei sicher u n d sicherer w e rd e n , d e r S c h m e rz wird sich v e r ­ silbern. Zwanzig J a h r e g e te e rt u n d gefedert, u m d a n n als s c h ö n s te r H a h n a u fz u ste h n . D en H e n n e n a n d e n H als fahren. A ngst h a b e n , u n d sich mit e in em w iederfinden als d e r S tärkste. V on d e r uneigentlichen zur eigentlichen L e g e n d e w erd en . Der R o u tin e e n tg e h n , d a s W u n d e r d e r K re ation nie (v)erlernen, d e m ü ­ tig a n n e h m e n d a s M ysterium ; wie d e r P riester d a s Ministerium. Die H a k e n ste lle r mit d e r U nbotm ässig- keit eines Kindes vo n v o rn a n g e h n . Wissen, wie m a n e in sam bleibt, u n d abstinent, trotz d e s Zulaufs, u m disponibel zu sein d e r G n a d e : das ist, w as ein en zuw ä chst, weil m a n es er d u ld e t hat, e rd a u e r t. Im Artisti­ sc h e n keine Konzession m a c h e n - u n d d e n n o c h v o n all je n e n gelesen w o rd e n sein, die nie ein B uch auf- schlagen, fa u t le faire. Einer J u g e n d n a c h tr a u e r n , die unwiederbringlich ist, u n d d a r a u s d e r Z u k u n ft d o ch eine A lternative weisen, u n d zwar die einzig m ögliche fast, falls es sie d e n n g eb e n sollte, diese Z ukunft,

fa u t le faire. Bald ein m al mit d en

N achtigallen red e n , so rein ist er g ew o rd en , d e r tiefinnere S ang, d e r

C a n te jo n d o , fa u t le faire.

D as H erz eines francoprovenzali- sc h en T ro u b a d o u r s , die Militanz,

d e r p u n c h vo n C h a rle s P éguy, die visionäre K raft eines William Blake u n d die g estalterische M acht des s p ä te n Rilke: z u s a m m e n ergibt d a s nicht d e n g a n z e n C h a p p a z !

Ich frässe G ras, B ä u m e risse ich aus, w ü sste ich, wie er d a s m a c h t. Ich weiss es nicht. Ich a h n e nur, dass er d e m K o c h to p f in d e r L e g e n d e n k ü ­ ch e einen r e c h te n Deckel aufge setz t h a t mit: « A rire et à m ourir», seinem letzten Buch, einer s u m m a (letzten im S in n e v o n neu, v e rs te h t sich).

Finis legen d ib u s!

Hier wird alles eins. U nd d a s Eine ist d a s G rosse, d a s G rosse im Klei­ nen, d a s Kleine ein Fanal.

Texte, in d e n e n die Präzision m y ­ stisch wird u n d die Mystik zum P räzisionsinstrum ent. P oesie als H e rm e n e u tik , ihrer selbst, u n d H e r ­ m e n e u tik als e x a k te W issenschaft. Diese W issenschaft hier, die a lle r­ dings ist nicht wertfrei. Sie ist E x o r ­ zismus u n d P a m p h l e t. Exorzism us des Todes, P a m p h l e t d e s Lebens. Nichts m e h r von S ym bolism en, keine S tellvertreterei - C h a p p a z wird d a s Leben. B esser d e n n je d er Preis h a t dieses B uch ihn geadelt. C h a p p a z wird d a s L eben selbst.

P o u r faire plus C h a p p a z, d a s wird

schwierig w erd en !

C H - zeitgenössische L ite ra tu r? (Den D ü r r e n m a t t h a lte n sie für ein Kaliber für sich, h a lte n sie.) Über d e m D u n st aller N ied e ru n g e n se he ich d a s H a u p t von Frisch. D a n e b e n steile ich M aurice C h a p p a z . D a n n se h e ich la n g e nichts m ehr. L a u te r Dunst.

- C h a p p a z ? - C h a p e a u !

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A lors q u e les d e rn iè res d é c e n n ie s o f ­ fraient le sp e c ta c le d ’u n e p e in tu re -d é- sarroi, il suffit d e v a n t les oeu v res de Mizette Putallaz, d e se m e t t r e en éta t d ’e n f a n c e et d e re g ard e r. C a r le plaisir d e p e in d re e st chez elle p lu s p h y siq u e et affectif q u ’intellectuel: elle e s t u n e fille d e la terre, et c ’est s o n m o n d e a g raire lié a u x so u v e n irs d e s o n e n f a n c e q u ’elle v e u t e x p r im e r c o m m e u n e r e v e n d ic a ­ tion à so n id entité et à ses racines. C ’est d o n c d a n s l’é v o ca tio n et le té m o ig n a g e d ’u n e civilisation p a y s a n n e , alo rs q u e les t r a v a u x é ta ie n t rudes, la te r r e a v a r e et les tâ c h e s sim ples, q u ’elle t r o u v e so n au th en ticité.

P o u r in te r c e p te r c ette réalité, loin de faire e x p lo s e r les ob jets et les êtres, l’a rtiste les c e r n e et les simplifie. S o n œ il e x erc é lui p e r m e t d e n ’en re te n ir q u ’u n e fo rm e c o n d e n s é e , voire elliptique, r é ­ d u ite à l’indispensable. Ainsi l’e x e m p le d e l’o ise au d a n s s o n oeuvre: il a p e r d u bec, œil, p a tt e s et s o u v e n t q u e u e . Il est ré d u it à u n e fo rm e g é o m é tr iq u e ou plusieurs. 11 e n va d e m ê m e p o u r les p e r s o n n a g e s qui o n t p e r d u le u r reg ard , leu r id entité faciale p o u r n ’ê tre plus q u ’u n v o lu m e , u n e form e, u n e a ttitu d e d écrite a v a n t to u t p a r u n v ê te m e n t simplifié lui aussi. C e tt e ré d u c tio n p o u r ­ rait p a r a îtr e u n a p p a u v r i s s e m e n t d e la vie à sa r é s o n n a n c e intellectuelle. Mais l’artiste é c h a p p e d ’instinct à cet écueil: p a r la répétition q u a s i o b sess io n n elle de la fo rm e simplifiée à l’in térieu r d e l’e s ­ p a c e pictural, elle re n d a u x ob jets et a u x ê tre s leu r a p p a r e n c e d e variété e t de c o m p le x ité e t leu r d y n a m is m e vital. 11 fa u t m a i n t e n a n t r e n d r e v ra is e m b la ­ bles ces fo rm es s u r u n e su rfa c e limitée. 11 s’agit d o n c d ’o r g a n is e r l’e s p a c e afin q u e c h a q u e é lé m e n t d u réel soit assimilé selo n d e s lois qui p e r m e t te n t de c réer u n n o u v e l o rg a n is m e . M izette Putallaz, p a r c e q u ’elle est p e in tre figuratif, distri­ b u e les v o lu m e s selon les lois d e la g é o m é trie , d e l’h a r m o n i e et d e l’é q u ili­ bre. Elle o rg a n is e c h a q u e toile, elle a ttrib u e à c h a q u e ê tre et à c h a q u e objet s a v a le u r d im e n sio n n e lle p o u r c rée r cet e n s e m b le h o m o g è n e et c o h é r e n t s a n s leq u el l’ex p res sio n p ictu ra le ne p e u t s’a c h e m in e r vers l’é m o tio n artistique. Mais a u - d e là d e la c o m p o s itio n , c’est la c o u le u r - d e rn ie r é lé m e n t d u visible - qui va a n im e r les f o rm e s et qualifier l’e s p a c e g r a p h iq u e . D e rn ier é lé m e n t de c o n n a is s a n c e p e rç u p a r les sens, elle est aussi le p re m ie r é lé m e n t i n d é p e n d a n t

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d u réalism e: elle est p a r t d e l’im a g i n a ­

Mizette Putallaz:

du visible à l’invisible

tion e t d u rêve. Ainsi p o r t o n s - n o u s to u s

e n n o u s n o s c o u le u rs c o m m e u n e h a r ­ m o n ie d e l’â m e , c o m m e u n e m u siq u e. U n objet o u u n e vision n o u s les restitue c a p té e s p a r d e s fo rm es e t d es lignes, m ais c’e s t la c o u le u r q u i la p re m iè re « r e m u e d e s s e n tim e n ts q u e les p a ro le s n e p e u v e n t e x p r im e r q u e d ’u n e m a n iè r e v a g u e» . Là e n c o re , l’artiste est fidèle à elle -m ê m e. L es to n s d e te r r e a v e c les noirs cô to ie n t t o u jo u r s s u r ses toiles les b lan cs e t les bleus. C o n t r a s te violent, to u jo u r s le m ê m e : o m b re -lu m iè re , blan- c h e u r-n o irc e u r, d u a lité to u jo u r s ré p étée , c o n s ta n te s qui so n t la p o r te o u v e r te v ers l’h u m a in , le m e n ta l e t l’affectif de celle q u i crée.

Ainsi, à tr a v e r s la co u le u r, a v o n s - n o u s q u itté le m o n d e r e g a r d é p o u r le m o n d e intérieur. A ce s ta d e d e l’o b s e rv a tio n , l’œ u v r e d ’a r t est d e v e n u e u n o rg a n is m e , u n e u n ité indissoluble. L’a rtiste lui- m ê m e s ’e n é t o n n e qu i y d é c o u v r e so n lan g ag e. L ’o s m o s e s ’est acc o m p lie , o ù la fo rm e p u ise sa force d a n s la significa­ tion et o ù le s e n s a p p a r a ît p o r té p a r les form es. Et c ’est la c o u le u r q u i n o u s ex p liq u e la p r e m iè r e qu i e st la f e m m e : elle est s o lid e m e n t terrie n n e, p r a g m a t i ­ q u e e t réaliste. Mais sa réalité ph y siq u e, c h arn elle, e x p r im é e p a r les b ru n s, est p r e s q u e a n ta g o n is te d u désir d ’ê tre p u r esprit. C a r le b lan c se fait d e p lu s en p lu s p ré s e n t. P lu s q u ’a utrefois, il e n v a ­ hit la toile j u s q u ’à d e v e n ir le su jet réel d u ta b le a u : h a r m o n i e s d e blancs, s e n s a ­ tion de b la n c h e u r, de lu m ière et d ’éclat. O r, l’im p a c t d e s c o u le u r s a été a n a ly s é p a r les scientifiques et t r o u v e a u c o u rs d e s siècles et m ê m e d es civilisations ses c o n s ta n te s et so n sy m b o lis m e universel. Le b lan c e t le bleu y s o n t les signes de la lu m ière intérieure, de la p u re té , de la spiritualité. Tel fut p e rç u V e r m e e r de Delft. C h e z M izette P u ta lla z ces ry th m e s d e b lan cs s o n t p r é te x te s à d es m o u v e ­ m e n t s d e l’esprit vers la sérénité. C e s vols d ’oiseau, s o u d a in fixés en plein e ssort, c ’est s o n â m e e n q u ê t e d ’e sp ace, d e p a ix e t d ’infini. S o n désir im m é d ia t d ’éternité.

Mais d e m ê m e q u e l’o ise au est forcé de r e d e s c e n d r e s u r la terre, l’a rtiste doit p r e n d r e pied d a n s la réalité. Et c ette réalité elle la choisit d ’instinct silen ­ cieuse. T o u te la p e in tu r e d e Mizette P u ta lla z est u n e m a n iè r e d e fuir le bruit. C a r d a n s sa vision d es réalités les plus sim ples, d ’où la civilisation m o d e r n e et le p ro g r è s s o n t a b s e n ts , s ’est installé u n g r a n d silence: la possibilité d ’ê tre p le in e ­ m e n t so i-m êm e . Tel ce p o è te , demi- dieu, q u i m a r c h e n u su r le c h e m in d é se rt o ù n ’existe p o u r to u te réalité q u e son

m o n d e in té rieu r illustré p a r ce n u ag e q u ’il p o r te d a n s s a tê te e t q u i e st sa s u b s ta n c e réelle, sa vérité, s a poésie. Ou bien e n c o r e celui-là qu i m é d ite s u r sa b r a n c h e , r e s c a p é d ’u n e a p o c a ly p s e ou as c ète nu , p e r d u d a n s les m é a n d r e s d ’un su b c o n s c ie n t a u ssi inextricable q u e l’e n ­ c h e v ê t r e m e n t d es b r a n c h a g e s .

Et la p o é sie éclate. Ici n é e d e l’é tra n g e d a n s u n e c o m p o s itio n p a r f a ite m e n t I m aîtris ée et s p a c ie u s e o ù le m eilleur de l’a rtiste s e re tr o u v e : le silence, la c o n ­ tem plation, la terre et l’espace, le rêve et le mystère. E n tre la com plexité de l’art et la com plexité de la vie, n o u s dirons q u e l’artiste n o u s offre ses meilleures œ u v r e s lo rsq u ’elle s’éloigne de l’anecdote p o u r des visions quasi surréalistes. Le p lu s s o u v e n t c e p e n d a n t la poésie n aît d es ob jets les p lu s sim ples. C a r ils o n t u n e â m e : ils im p liq u e n t la p ré se n ce de to u s c eu x qui o n t été, qu i so n t et qui s e ro n t: un b a n c, u n e fen être, un c h am p , u n bol, c’e st t o u jo u r s la m ê m e m an ière d e p a r le r d e s ê tre s aim és. C a r les objets viv en t e n o s m o s e a v e c les ê tre s les plus h u m b le s , c o n f o n d u s a v e c eux, d e m êm e v a le u r p s y c h o lo g iq u e e t esth étiq u e. Et c ’est a u ssi la m a n iè r e d é g u is ée et p u d i q u e d e M izette d ’e x p r im e r la fuite d u t e m p s v ers l’in élu c ta b le conclusion d e la vie. M ais l’a r t e s t u n exutoire s u p r ê m e et l’artiste, e n s ta tu f ia n t d ’ins­ tinct les ob jets e t les ê tre s d a n s leur p é r e n n ité et leu r universalité, a depuis l o n g te m p s a n e s th é s ié la vieille angoisse d e la m ort. Et t o u te l’œ u v r e e x p rim e la sé ré n ité et la lucidité d e celle qu i c o n n aît le b o n h e u r d e s c h o s e s d e la vie, baignée q u ’elle est d e l’a n ti q u e sa g e s s e p o p u ­ laire, c o m m e le s o n t ces vieilles silen­ cieuses e t a p a is é e s a p r è s u n e existence rocailleuse, a lo rs q u e les a c te s et les p e n s é e s m ê m e s s ’é c o n o m is e n t.

P a r v e n u à ce s ta d e de la m éditation, to u te l’œ u v r e écla te en c h a n t d ’a m o u r p o u r les ê tre s e t les c h o ses. Mizette P u ta lla z dit e x a c t e m e n t ce q u ’elle sent d e la vie: elle dit le q u o tid ie n b a n al, elle dit la fatigue, le sillon creux, l’a rb r e dans le c h a m p , l’en v o l d e l’o iseau , elle dit la terre n ourricière, m a te rn e lle et génitrice o ù l’ê tre h u m a i n p l a n t e ses racin es et est p r o lo n g é de g é n é ra tio n e n g é n é r a ­ tion s a n s violence; a u t a n t d e visions e m m a g a s in é e s d a n s la m ém o ire, a u ta n t d e s o u v e n irs d ’u n e e n f a n c e re co n s titu ée pièce p a r pièce, c o m m e les é lé m en ts d ’u n puzzle n o s ta lg iq u e fixé d a n s l’é te r ­ nité d e la toile.

Texte: Chantai G oeldlin-D eslarzes Photos: Osw ald Ruppen, Jucky Goeldlin

E x t r a i t d e la p r é s e n t a t i o n d e l’e x p o s i t i o n « M i z e t t e P u t a l l a z » à la F o n d a t i o n P i e r r e - G i a n a d d a , M a r t i g n y . M a r s 1 9 8 4 .

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Das abenteuerliche Leben

des Johann-Christian Theler

A usw anderung als Neubeginn

Ich v e r s u c h e mir vorzustellen, w as sich in d e m kleinen B erg d o rf Aus- se rbe rg u n d bei d e n V e r w a n d te n des J o h a n n - C h ris tia n T h e le r a b g e ­ spielt h a b e n muss, als e r mit seiner Familie 1892, kurz von W e i h n a c h ­ ten, n ac h A rgentinien a u s w a n d e r te . V erm utlich m ü ss te m a n einer B e rg ­ b auernfam ilie e n t s ta m m e n , die sich seit M e n s c h e n g e d e n k e n a n d en stotzigen H a ld e n d e s R h o n e ta le s a b m ü h t, u m d e n A ufb ru ch n a c h ­ vollziehen zu k ö n n e n u n d zu e r l e ­ ben w as in je n e n M e n sc h e n vorging. Ich b e w u n d e r e d e n M ut u n d d a s u n g e b r o c h e n e S e lb s tv e r tra u e n ei­ n e s Vaters, d e r sich mit d e n w e n i­ g en Habseligkeiten, zu d e n e n a u c h d a s H eim w e h g eh ö rte , mit d e n S e i­ n en auf eine solche Reise wagte. S e lb sta c h tu n g u n d S elb ste rh a ltu n g m ö g e n die G r ü n d e g e w e se n sein, die ihn d az u trieben, die B e rg h e im a t zu verlassen u n d a u f « der ä n d e r n Seite d e r Erde», u n te r M e n sch e n mit f re m d e r K u ltu r u n d f re m d e r Z u n g e eine n e u e Bleibe zu suchen. Wie viele M itbürger m ö g e n ihm vor d e m Schritt in eine solch u n b e ­ stim m te Z u k u n ft a b g e r a te n haben. N eb e n einer z ä h e n G e s u n d h e it w ar wohl sein wertvollstes G e p ä c k die e r e rb te G e n ü g s a m k e it u n d d e r u n ­ e r m ü d lic h e Arbeitswille. Mit d e r V e r a n t w o r tu n g u n d d e n S o rg e n einer fünfköpfigen Familie b e f r a c h ­ tet, wollte e r sich in Ambrosetti, im südw estlic hen A rgentinien a n s ie ­ deln.

Die T h e le rs bestiegen in Le H a v re d e n D a m p f e r «D on P e d ro » , d e r sie auf einer b eschw erlichen F a h r t n ac h B u e n o s Aires b rachte. Die M u tter tr u g ein w eiteres Kind als

R e ise g ep ä ck u n t e r ihrem Herzen. Zw eiundzw anzig K ilom eter v o n d e r k leinen B a h n s ta tio n Arruffò e n t ­ fernt, e r w a rb sich J o h a n n -C h r is tia n T h e le r zwei Lose to p f e b e n e n wilden G ra sla n d es. Er g ren z te seine zwei h u n d e r t H e k ta r e n mit F ä h n c h e n ab u n d b ega nn, n a c h W a sse r zu g r a ­ ben, d a s er in vier M eter Tiefe fand. Rasenziegel w u rd e n g e s to c h e n u n d in d e r b r ü te n d e n S o n n e zu B a u s te i­ n en getro c k n et. L e h m diente als Pflaster. Zwei G lasfe n ste r u n d eine verschliessbare T ü re so rg ten in d en fo lg en d e n zwölf J a h r e n für Licht u n d W ohnlichkeit. T h e le r k au fte zwei K ü h e u n d ein Kalb, zwei K ü h e b e k a m er von g u te n L e u te n g e ­ sc henkt, u n d zwei O c h s e n u n d vier K älber erhielt er a u f Kredit. Das arge n tin isc h e B a u e r n d a s e in b e ­ g ann. Bargeld w a r M a ngelw are, u n d Kredite m u s s te n bei ä n d e r n S iedlern erbettelt w e rd e n . A ber er k o n n t e sich a u f seine kräftigen A r ­ m e u n d seinen D urchhaltew illen verlassen. V on d e n K indern m u ss te er d a s A usserste abfo rd ern , was V e r n u n ft u n d g e s u n d e r M e n s c h e n ­ v e r s ta n d zuliessen. G lü ck lich e r­ weise b ra u c h te die Familie d e n Arzt nicht, d e r 150 K ilom ete r abseits praktizierte, d a f ü r a b e r w a r die H e ­ b a m m e fleissig a u f Besuch.

Trotz M issernten, T ro c k e n p e r io d e n u n d Viehdiebstahl d u r c h die ein h e i­ m ischen « p o s te ro s » b ra c h te es die Familie inne rt eines J a h r z e h n t e s zu a n s e h n lic h e m W o h lsta n d . 1910 zä hlte T h e le r 3 2 0 S tü c k H a u stiere auf se inem G r u n d u n d B oden. W as ihn a b e r b e d rü c k te, w a r d a s F ehle n einer S c h u le für seine vielen Kinder. Er entschloss sich, die F a r m zu v e r p a c h te n , die Tiere zu v e rk a u fe n

u n d n a c h A u sserb e rg z u r ü c k z u k e h ­ ren. U n d d o r t erging es ih n e n wie d e r G e m s e , die sich zu lange von R udel fe rn g e h a lte n hatte. Die Aus- s e rb e rg e r u n d die «N iw h ü ser The- lini » k o n n t e n sich nicht m e h r a n e i n ­ a n d e r g e w ö h n e n . M a h a t te nicht m e h r d e n gleichen S tallgeruch, also übersie d elten die M u tte r mit den K indern n a c h Naters, wo die S c h u ­ len ac h t M o n a te d a u e r t e n sta tt nur se ch s wie in A usserberg.

Ein Familienbild in d e m faszinieren­ d e n B uch vo n H a n s Theler, betitelt « E rin n e ru n g e n » , zeigt a u f einem F o to d reiz eh n Kinder, d e n e n M utter Maria J o s e p h a d a s L eben g e ­ s c h e n k t hatte. Drei s t r a m m e Buben u n d zehn a n m u tig e M ä d c h e n s t e ­ h e n n e b e n ihrer gütig d rein b lick e n ­ d e n M utter, d e r e n L ippe n nichts von d e r H ä r te des L ebe ns verraten. N e b e n ihr sitzt d e r V a te r mit h a r t g e ­ p r ä g te n G esichtsz ügen u n d e ig e n ­ willigen, k e c k e n A ugen. Ihn zog es 1919 sc h o n w ieder n a c h A rg e n ti­ nien, d a ihm in N a te rs die S ch u ld e n ü b e r d e n K opf g e w a c h s e n w aren u n d e r keine Möglichkeit sah, zu g rö sse re m V erdienst zu k o m m e n . Mit seinem S o h n J o s e f u n d einer T o c h t e r schifft er sich im März 1919 in Marseille w ieder ein. U ber B u e ­ nos Aires ging die Reise n ac h A m ­ brosetti zurück. D och w elc he E n t­ tä u s c h u n g ! S eine F a rm glich wieder e in er Wildnis. T h e le r k r e m p e lte die Ä rm el hoch. Volle drei J a h r e s c h u f ­ te te er u n aufhörlic h, bis er die F arm w ieder h o c h g e b ra c h t h a t te ; d a n n ergriff ihn die alte A b en te u erlu st. Er überliess die « H a c ie n d a » seinem S o h n u n d f u h r mit d e r E isenbahn n a c h Rosario. M an h a t te ihm e r ­ zählt, dass 1000 K ilom eter

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