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JEAN-MAXIME LÉVÊQUE LES BANQUES PRIVÉES

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Academic year: 2022

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LES

BANQUES PRIVÉES

J

e suis reconnaissant à la Revue des Deux Mondes de m ' a v o i r p r o p o s é de c o m p l é t e r , par ces pages c o n s a c r é e s aux banques privées, la suite de deux articles qu'elle a r é c e m m e n t p u b l i é s sur les questions bancaires et q u i ont permis à ses lecteurs de parfaire leur connaissance d'abord des banques d'affaires sous la conduite de Pierre M o u s s a , puis des banques n a t i o n a l i s é e s sous celle de M a u r i c e L a u r é .

D u fait qu'elles sont m e n a c é e s de nationalisation par les tenants du programme c o m m u n de l a gauche, les banques p r i v é e s figurent p a r m i les enjeux de l'affrontement q u i marque actuelle- ment l a vie politique de notre pays. Elles sont de plus en plus souvent citées dans les d é c l a r a t i o n s et les discours é l e c t o r a u x . E t c'est avec la passion propre aux d é b a t s politiques que leurs m é r i t e s sont c o n t e s t é s , leur p r é t e n d u s torts d é n o n c é s , et qu'elles sont v o u é e s au d é m a n t è l e m e n t comme si elles é t a i e n t les Bastilles des temps modernes. Il est donc p a r t i c u l i è r e m e n t opportun d'en donner, à l'intention du public éclairé, mais non technicien, que constituent les lecteurs de cette revue, une p r é s e n t a t i o n exacte et a c t u a l i s é e .

C

ette p r é s e n t a t i o n consistera d'abord à situer les banques privées par rapport à l'ensemble du s y s t è m e bancaire f r a n ç a i s . L e u r part dans ce s y s t è m e est de l'ordre de 15 % .

Les autres organismes bancaires, q u i occupent donc de l o i n l a place la plus importante, r e l è v e n t presque tous, d'une m a n i è r e ou d'une autre, de l ' E t a t . Les uns exercent une a c t i v i t é identique à celle des banques privées et fonctionnent de la m ê m e m a n i è r e qu'el- les, mais ils s'en distinguent par le fait que leur capital, au lieu d ' ê t r e en mains privées, appartient à l ' E t a t ; ce sont les banques, autrefois privées, q u i ont é t é n a t i o n a l i s é e s en 1945, et q u i sont

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aujourd'hui au nombre de trois : la Banque nationale de P a r i s , le C r é d i t lyonnais, l a Société g é n é r a l e . D'autres fonctionnent selon le principe mutualiste et sont fédérés au sein d'organisations coiffées par des é t a b l i s s e m e n t s publics ou semi-publics : ce sont le C r é d i t agricole et le C r é d i t populaire. D'autres ont é t é créés à l'initiative de l ' E t a t , soit avec des capitaux publics, soit avec des capitaux privés, pour r e m p l i r des t â c h e s d ' i n t é r ê t g é n é r a l : les principaux sont le C r é d i t foncier de F r a n c e , le C r é d i t national, l a Caisse natio- nale des m a r c h é s de l ' E t a t et la Banque française du commerce e x t é r i e u r . I l faut encore citer les caisses de c r é d i t m u t u e l , dont la c r é a t i o n est due à l'initiative privée et q u i exercent l a m ê m e activité que les banques, mais bénéficient de la part de l ' E t a t de certaines faveurs, et les caisses d ' é p a r g n e , q u i ne sont pas à proprement parler des banques, mais q u i , en obtenant de l ' E t a t , d ' é t a p e en é t a p e , le droit d ' é t e n d r e leurs activités, leur ressemblent de plus en plus. A cette liste, pourtant déjà longue, s'ajoutent enfin l'adminis- tration des c h è q u e s postaux et la Caisse d ' é p a r g n e postale.

U n e p r e m i è r e constatation s'impose a p r è s cette é n u m é r a t i o n : les banques privées ne r e p r é s e n t e n t qu'une faible part d u m a r c h é bancaire f r a n ç a i s .

U n e d e u x i è m e constatation vient ensuite à l'esprit. L e système bancaire f r a n ç a i s comprend une grande v a r i é t é d'organismes, dont les statuts sont différents les uns des autres et entre lesquels, de ce fait, l a concurrence n'est pas toujours égale. P o u r simplifier, on peut r é p a r t i r ces organismes en deux groupes : d'une part, ceux q u i sont à proprement parler des banques, en ce sens qu'ils exercent ou peuvent exercer i n d i f f é r e m m e n t toutes les activités financières et bancaires ; d'autre part, u n grand nombre d'organismes, g é n é r a l e - ment publics ou para-publics, q u i attirent une part importante des capitaux d ' é p a r g n e pour financer certains investissements jugés prioritaires par l ' E t a t . D a n s la p r e m i è r e c a t é g o r i e , figurent les trois banques n a t i o n a l i s é e s , les banques privées, le C r é d i t agricole, les banques populaires et le C r é d i t mutuel. Dans la suite de cet article, je m'attacherai à d é c r i r e les banques privées en les situant surtout par rapport aux organismes q u i appartiennent à cette p r e m i è r e c a t é g o r i e , et plus p a r t i c u l i è r e m e n t par rapport aux banques natio- nalisées. Cependant i l est utile de préciser tout de suite q u ' à l'inté- rieur de cette c a t é g o r i e , banques n a t i o n a l i s é e s , banques privées et banques populaires se font concurrence sur une base à peu près égale, tandis que le C r é d i t agricole et le C r é d i t mutuel bénéficient de privilèges, notamment fiscaux, q u i expliquent en grande partie

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leur prodigieux et r é c e n t d é v e l o p p e m e n t . A i n s i le C r é d i t agricole est-il totalement e x o n é r é , p a r m i divers i m p ô t s , de l ' i m p ô t sur les sociétés, alors que le C r é d i t commercial de France, banque p r i v é e beaucoup plus petite que l u i , acquitte actuellement, au titre de ce seul i m p ô t , une cinquantaine de millions de francs par an. L a d e u x i è m e constatation est donc que les banques privées sont enga- gées dans une c o m p é t i t i o n à m a i n nue avec une grande v a r i é t é d'or- ganismes qui, eux, bénéficient tous, d'une m a n i è r e ou d'une autre, de l'appui protecteur de l ' E t a t .

L a troisième constatation conduit é g a l e m e n t à situer les banques privées à un rang somme toute modeste au sein du systè- me. Chacune d'elles est de dimension très inférieure à celle des organismes qui les entourent. A i n s i la banque que je viens de citer et que j ' a i l'honneur d'animer est-elle une des principales banques de d é p ô t s privées, mais ne représente-t-elle, en dimension, que le sixième de la Société g é n é r a l e , le septième du C r é d i t lyonnais, le h u i t i è m e de la Banque nationale de Paris et le dixième du C r é d i t agricole.

yant situé les banques privées par rapport au reste du s y s t è m e 1 A . bancaire français et en ayant en quelque sorte fait ainsi le tour, poursuivons notre exploration en p é n é t r a n t à l ' i n t é r i e u r du sous-ensemble qu'elles constituent.

De nouveau, nous sommes frappés par la v a r i é t é des entrepri- ses que nous rencontrons.

V o i c i en premier lieu les banques d'affaires, dont i l n'est pas utile de donner la liste, ni de d é c r i r e les activités, puisque g r â c e à Pierre Moussa les lecteurs de la Revue des Deux Mondes les connaissent aujourd'hui parfaitement.

Voici les grandes banques de d é p ô t s privées, qui, bien que leur réseau soit beaucoup moins dense que celui des banques nationali- sées, ont n é a n m o i n s ouvert des guichets à Paris et en province. C e sont : le C r é d i t industriel et commercial, à la fois banque parisienne et principal actionnaire de neuf banques régionales (1) ; le C r é d i t du N o r d ; le C r é d i t commercial de France. P o u r a p p r é c i e r à leur

(1) Banque régionale de l'Ain, Banque régionale de l'Ouest, Société bordelaise de crédit industriel et commercial, Société lyonnaise de dépôts et de crédit industriel, Société nàncéienne de crédit industriel et Varin-Bernicr, Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, Crédit industriel de Normandie. Crédit industriel de l'Ouest, Banque Scalberl-Dupont.

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juste mesure l'extension prise par ces banques, précisons, par exem- ple, que le C r é d i t commercial de France comprend en France un peu plus de 200 guichets, alors que chacune des banques nationali- sées en comprend de 1.800 à 2.000, et le C r é d i t agricole 4.500.

V o i c i encore les banques r é g i o n a l e s . C o m m e les banques affi- liées au C r é d i t industriel et commercial, mais sans toutefois faire partie d ' u n groupe, elles limitent leur activité à une r é g i o n , voire un d é p a r t e m e n t . Les unes et les autres sont é t r o i t e m e n t mêlées à l a vie é c o n o m i q u e de leur province et y jouissent d'une n o t o r i é t é et d'une p o p u l a r i t é bien c o m p r é h e n s i b l e s , que les banques nationales, qu'el- les soient n a t i o n a l i s é e s ou privées, leur envient souvent. L a Banque de Bretagne, la Banque de Savoie, la Société marseillaise de crédit, la Banque M o r i n - P o n s à L y o n , la Banque C o u r t o i s à Toulouse, la Banque C h a i x à A v i g n o n et la Banque Hervet à Bourges, q u i a aussi essaimé à Paris, sont les plus importantes parmi ces banques r é g i o n a l e s i n d é p e n d a n t e s .

Il existe aussi un assez grand nombre de banques locales, qui sont naturellement de dimensions plus r é d u i t e s , et q u i ont été créées par des p e r s o n n a l i t é s du cru, à la fin du x i xe siècle ou au d é b u t du x xe siècle. Elles jouent un rôle semblable à celui des banques régio- nales, mais à l'échelle d'une ville et de ses environs i m m é d i a t s . Revenant à Paris, nous y trouvons des banques q u i , à la diffé- rence de toutes les p r é c é d e n t e s , ne se sont pas a t t a c h é e s à exercer la gamme c o m p l è t e des activités bancaires, mais se sont spécialisées dans certaines o p é r a t i o n s , pour lesquelles elles ont acquis une répu- tation de premier ordre. L e u r spécialisation leur permet générale- ment de mieux accomplir ces o p é r a t i o n s , ou de les accomplir à moindre c o û t que les autres banques. Faisant œ u v r e d'innovation, certaines d'entre elles ont purement et simplement créé, ou intro- duit, en France, ce type d ' o p é r a t i o n s : elles d é t i e n n e n t alors, sur les autres banques, une avance technique difficile à rattraper. A i n s i la Compagnie bancaire et ses filiales ont-elles, dans les vingt d e r n i è r e s a n n é e s , créé et développé en France les formules modernes de crédit à la consommation et de crédit immobilier.

D a n s une catégorie voisine, i l faut é g a l e m e n t citer le cas des banques q u i se sont créées pour r é s o u d r e les p r o b l è m e s financiers propres à certaines professions, comme la Banque corporative du b â t i m e n t et des travaux publics, la Banque c o t o n n i è r e , la Banque de l ' U n i o n m e u n i è r e ou le C r é d i t sucrier et alimentaire.

Il faut encore citer les banques créées par certains groupes industriels en vue, essentiellement, de g é r e r directement la trésore-

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rie de ces groupes et de leurs filiales, les banques q u i , à l'opposé, se consacrent plus s p é c i a l e m e n t à la gestion des patrimoines de parti- culiers — parmi lesquelles se situent notamment les é t a b l i s s e m e n t s qui constituaient autrefois la « haute banque » et dont les attaches protestantes sont bien connues —, sans oublier les maisons de r é e s c o m p t e , qui s'entremettent entre les banques elles-mêmes sur le m a r c h é m o n é t a i r e , c'est-à-dire sur le m a r c h é de l'argent à court terme entre banques.

Cette liste des différents types de banques privées, bien q u ' i n - c o m p l è t e , aura, je l'espère, d o n n é au lecteur quelque idée de la diversité du secteur bancaire privé. M a i s i l convient maintenant de d é g a g e r , à travers cette diversité, ce qui est commun à toutes ces banques.

L a principale p a r t i c u l a r i t é des banques privées, dont d é c o u l e n t toutes les autres, réside é v i d e m m e n t dans le fait que leur capital n'appartient pas à l ' E t a t .

Dans les pays où i l n'existe pas de banques n a t i o n a l i s é e s , qui constituent la très grande m a j o r i t é parmi les pays du monde libre, i l est d'usage de désigner sous le nom de banques privées les banques dont le capital est c o n t r ô l é par des familles. E n France, cette situa- tion ne se rencontre que très exceptionnellement chez les banques parisiennes ou nationales, et se rencontre plus f r é q u e m m e n t chez les banques régionales, et surtout locales. A l'exception des banques appartenant à des groupes industriels, qui sont purement et simple- ment des filiales de ces groupes, la plupart des banques privées françaises ont, comme les grandes banques du monde libre, un capi- tal r e p r é s e n t é par des actions cotées en Bourse et largement diffu- sées a u p r è s du public, des compagnies d'assurances et des caisses de retraite.

Il résulte de cette situation un certain nombre de consé- quences.

Les banques privées, comme toutes les sociétés dont les actions sont cotées en Bourse, sont astreintes — en fait, en morale et en droit — à publier, à l'usage de leurs actionnaires, des informations très complètes sur leurs activités et sur les r é s u l t a t s de leur exploita- tion. Il n'en était certes pas ainsi avant la d e r n i è r e guerre mondiale, car les m œ u r s é t a i e n t alors différentes. Les p r o g r è s accomplis depuis dans ce domaine se sont encore a c c e n t u é s au cours des d e r n i è r e s a n n é e s , notamment sous l'influence de la Commission des o p é r a t i o n s de Bourse. O n a déjà vu combien peu fondé est le

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reproche fait traditionnellement par la gauche aux banques privées de constituer des puissances susceptibles de faire pression sur le pouvoir politique ; on voit combien est é g a l e m e n t peu fondé le reproche que l a m ê m e gauche leur fait tout aussi traditionnellement de constituer des puissances occultes. Les banques privées f r a n ç a i - ses, surtout les plus importantes q u i sont p a r t i c u l i è r e m e n t d é p e n - dantes du m a r c h é boursier, s'attachent au contraire aujourd'hui à rendre compte très c o m p l è t e m e n t de leurs activités à leur public d'actionnaires, et i l est juste de souligner qu'elles sont, à cet é g a r d , en avance par rapport à la plupart des banques analogues des autres pays.

L e u r condition p a r t i c u l i è r e impose aux banques privées une seconde série d'obligations que l ' o n peut r é s u m e r d ' u n mot : l a rigueur. N e pouvant compter en aucune m a n i è r e sur l ' a p p u i , le secours ou l'indulgence de l ' E t a t , les banques privées ne peuvent se permettre aucune défaillance, que ce soit dans le respect de l a l o i et de la r é g l e m e n t a t i o n en m a t i è r e de change, de c r é d i t ou d ' i m p ô t s , ou dans l'observation des principes de saine gestion bancaire. T o u t faux pas risque pour elles d ' ê t r e mortel, puisque, à l a différence des autres é t a b l i s s e m e n t s , le c r é d i t dont elles jouissent repose n o n sur l'assurance du soutien de l ' E t a t — avec le poids que celui-ci r e p r é - sente, du fait de sa p é r e n n i t é et de sa puissance —, mais sur la confiance qu'elles inspirent au public et aux autres banques dans le monde entier.

E n é c r i v a n t ces lignes, je devine déjà les protestations qu'elles soulèveront de la part des d é t r a c t e u r s s y s t é m a t i q u e s des banques privées.

Certains citeront l ' é n o r m e faute d é c o u v e r t e r é c e m m e n t dans l'une des principales banques suisses, q u i p r é c i s é m e n t est une banque privée. E n réalité, l'exercice du m é t i e r de banquier n'est pas une t â c h e simple et i l existe des exemples de fautes aussi lourdes commises par des banques publiques. L a plus grosse perte jamais réalisée dans le monde par u n é t a b l i s s e m e n t bancaire l ' a é t é i l y a quelques a n n é e s par u n organisme bancaire allemand dont le capi- tal é t a i t d é t e n u par u n E t a t provincial, à l ' é p o q u e sous c o n t r ô l e socialiste.

D'autres citeront, comme ils l'ont déjà fait (2), les deux défail- lances, au demeurant t r è s limitées, c o n s t a t é e s en F r a n c e m ê m e au

(2) Cf.article de M . Jean-Pierre Barel paru dans la Revue politique et parlementaire n° 867 mars-avril 1977 : « La pierre angulaire d'une organisation économique socialiste ».

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cours des a n n é e s r é c e n t e s et q u i ont d o n n é lieu, en faveur des c r é a n - ciers et des d é p o s a n t s des banques c o n c e r n é e s à des interventions de sauvetage de l a part de l'ensemble des banques f r a n ç a i s e s , y compris les banques n a t i o n a l i s é e s . Ces cas ne sont pas probants.

L ' u n concernait le groupe P r é t a b a i l , f o n d é par u n homme q u i se d é c l a r a i t publiquement sceptique quant au b i e n - f o n d é des règles de gestion prudente observées par les banques privées, et l'autre l a B a n q u e B a u d , à E v i a n , dont le capital venait d ' ê t r e acquis par u n groupe ne p r é s e n t a n t pas les qualifications habituellement requises par les a u t o r i t é s m o n é t a i r e s lorsqu'elles autorisent de telles cessions. D a n s les deux cas, l a sanction naturelle s'est d'ailleurs exercée : le groupe P r é t a b a i l a perdu son i n d é p e n d a n c e et l a B a n q u e B a u d a é t é l i q u i d é e . L e fait que les banques f r a n ç a i s e s se soient alors a t t a c h é e s à é v i t e r des c o n s é q u e n c e s dommageables p o u r les c r é a n c i e r s et les d é p o s a n t s est à l'honneur de l a c o m m u n a u t é bancaire. D a n s le cas de l a B a n q u e B a u d , i l a ainsi é t é r e m é d i é aux c o n s é q u e n c e s d'une lacune regrettable d u r é g i m e bancaire f r a n ç a i s : l'absence d ' u n s y s t è m e obligatoire d'assurance en faveur des d é p o s a n t s . D a n s le cas du groupe P r é t a b a i l , l ' a c t i o n entreprise a permis de p r é s e r v e r l a bonne r é p u t a t i o n et le bon fonctionnement du m a r c h é m o n é t a i r e de P a r i s , par l ' i n t e r m é d i a i r e duquel ce groupe avait obtenu ses financements, notamment a u p r è s de banques é t r a n g è r e s .

Les banques privées sont d'autre part conduites, pour soutenir avec succès l a concurrence des organismes puissants et massifs q u i les entourent, à faire preuve, à l ' é g a r d de l a clientèle, de q u a l i t é s que celle-ci risque de ne pas toujours trouver a u p r è s d'organisations trop vastes. I l serait certes inexact de p r é t e n d r e que l a q u a l i t é d u service rendu, le soin particulier a p p o r t é à l a r é a l i s a t i o n des o p é r a - tions complexes, l a prise en c o n s i d é r a t i o n de l a situation p a r t i c u l i è - re de chaque client, le souci des relations humaines, sont en F r a n c e l'apanage exclusif des banques p r i v é e s . M a i s si ces valeurs demeu- rent g é n é r a l e m e n t respectées par l'ensemble des banques f r a n ç a i s e s , c'est parce que l a c o m p é t i t i o n bancaire s'exerce entre des établisse- ments de toutes dimensions et que, de ce fait, les plus grands d'entre eux doivent, pour attirer et retenir leurs clients, é t a b l i r constam- ment une balance entre, d'une part, les avantages qu'elles peuvent tirer, en ce q u i concerne le c o û t de revient des o p é r a t i o n s bancaires, de l'effet de masse et, d'autre part, l'attrait q u ' u n service personna- lisé, tel q u ' o n peut le trouver dans les banques privées, exerce sur l a clientèle.

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Divers, volontiers r é g i o n a l , souvent spécialisé et novateur, rigoureux dans l a gestion, naturellement o r i e n t é vers l a q u a l i t é p l u t ô t que vers la q u a n t i t é , le monde des banques privées est aussi u n monde p r é d i s p o s é à l ' é v o l u t i o n et au mouvement. L e u r capital é t a n t par définition cessible, les banques privées peuvent, en effet, s'adapter facilement à l ' é v o l u t i o n é c o n o m i q u e rapide de notre é p o q u e par des transformations dans l a composition de leur capital.

Les associations, les regroupements, et aussi les c r é a t i o n s de nouvel- les institutions, sont des é v é n e m e n t s courants dans le monde des banques privées. Certaines de ces associations ont d é p a s s é le cadre national, et des relations p a r t i c u l i è r e m e n t confiantes et fructueuses se sont, par ce moyen, établies entre banques privées françaises et banques privées é t r a n g è r e s , favorisant ainsi le d é v e l o p p e m e n t des relations é c o n o m i q u e s internationales et le rayonnement de notre pays.

Q u a n t à leur nombre, les banques privées françaises r e p r é s e n - tent u n ensemble de deux cents banques environ, nombre dont i l faudrait toutefois retrancher, pour ê t r e tout à fait précis, quelques é t a b l i s s e m e n t s ayant toutes les apparences des banques privées, mais dont l a m a j o r i t é du capital a é t é acquise... par les banques n a t i o n a l i s é e s elles-mêmes.

A ce nombre, s'ajoute celui des cent cinquante banques é t r a n - gères installées en France. C e sont presque toutes é g a l e m e n t des banques privées, à la seule exception de quelques t r è s rares établis- sements c o n t r ô l é s par des Etats communistes ou des Etats du tiers- monde, et dont le plus important est de loin la Banque commerciale pour l ' E u r o p e du N o r d , appartenant en t o t a l i t é à l ' E t a t soviétique.

C'est le moment de rappeler que, de tous les pays i n d u s t r i a l i s é s du monde libre, la France est celui dans lequel le secteur bancaire et financier é t a t i q u e a reçu de loin la plus grande extension, avec la petite A u t r i c h e , où les deux principales banques, n a t i o n a l i s é e s pour des raisons historiques, d é t i e n n e n t une part p r é p o n d é r a n t e du m a r c h é bancaire autrichien.

S i , comme le p r é v o i t le programme, c o m m u n de l a gauche, les banques privées françaises é t a i e n t n a t i o n a l i s é e s , la F r a n c e s'aligne- rait, du point de vue de son organisation bancaire, sur les pays communistes. Elle ferait alors la m ê m e e x p é r i e n c e que le Portugal q u i , au moment de la r é v o l u t i o n de l'œillet, a n a t i o n a l i s é l'ensemble de son système bancaire sous l a pression du parti communiste, et dont on sait avec quelle difficulté i l tente aujourd'hui de sortir d'une situation m o n é t a i r e et é c o n o m i q u e t r è s o b é r é e .

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ans son lumineux article sur les banques n a t i o n a l i s é e s françaises auquel je me référais plus haut, M a u r i c e L a u r é a t r a i t é de la coexistence des banques n a t i o n a l i s é e s et des banques privées. I l serait logique que je me livre au m ê m e exercice, mais en me p l a ç a n t du point de vue des banques privées. C o m m e j'approuve la plupart des remarques q u ' i l a f o r m u l é e s à cette occasion, je risquerais toutefois de lasser le lecteur, et ceci d'autant plus inutile- ment que je ne parviendrais pas à donner à notre pensée commune une formulation aussi heureuse que celle q u ' i l a su trouver.

C o m m e i l l ' a m o n t r é , la subsistance en France, m a l g r é les nationalisations de 1945, d ' u n secteur bancaire privé actif, et la v o l o n t é des banques n a t i o n a l i s é e s de se conduire comme des banques privées, ont permis à notre pays de conserver l'organisa- tion bancaire d'un pays libre, de c o n n a î t r e un d é v e l o p p e m e n t é c o n o m i q u e et un p r o g r è s social rapides, de participer largement à l'expansion des é c h a n g e s internationaux de toutes sortes, et de four- nir u n service bancaire de q u a l i t é aux F r a n ç a i s e u x - m ê m e s , aux nombreux é t r a n g e r s qui f r é q u e n t e n t nos banques, aux entreprises f r a n ç a i s e s , et aux entreprises du monde entier q u i , d'une m a n i è r e ou d'une autre, sont en contact avec la France.

Q u ' i l me soit toutefois permis d'apporter quelques nuances dans l a comparaison q u ' i l a établie entre les banques n a t i o n a l i s é e s et les banques privées, en ce q u i concerne l'affectation des bénéfices d'exploitation.

Je reconnais bien volontiers que la r e n t a b i l i t é des banques n a t i o n a l i s é e s est actuellement comparable à celle des banques privées, à certaines exceptions près, q u i se trouvent d'ailleurs situées d'un côté et de l'autre. Je souligne seulement au passage, comme M a u r i c e L a u r é y a d'ailleurs fait allusion, que c'est seule- ment depuis quelques a n n é e s que les banques n a t i o n a l i s é e s publient des informations claires et détaillées sur leurs r é s u l t a t s . L'exemple é t a i t , à cet é g a r d , venu des banques privées, et les remarques que celles-ci avaient formulées en public quant à l'insuffisance des informations publiées sur les comptes d'exploitation des banques n a t i o n a l i s é e s ont probablement été en partie à l'origine de cette heureuse é v o l u t i o n .

E n revanche, je continue à juger regrettable que les banques n a t i o n a l i s é e s ne suivent pas l'exemple des banques privées en ce q u i concerne l'affectation de leurs bénéfices. S u r ce point, les explica- tions de mon confrère ne m'ont pas convaincu.

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P r é c i s o n s à cet é g a r d que les banques n a t i o n a l i s é e s ont, avec l'accord d u m i n i s t è r e des Finances, pris l'habitude de ne verser à leur actionnaire, l ' E t a t , que des dividendes insignifiants. Les banques privées s'efforcent, au contraire, comme toutes les sociétés dont le capital est largement diffusé dans le public, de r é m u n é r e r convenablement leurs actionnaires, et elles distribuent chaque a n n é e une part importante de leurs bénéfices.

L a r é t e n t i o n o p é r é e par les banques n a t i o n a l i s é e s sur leurs bénéfices va si l o i n qu'elles ont décidé, pour le dernier exercice, de ne verser aucun dividende à l ' E t a t , et qu'elles se sont c o n t e n t é e s de l u i délivrer des actions gratuites. Il est clair que si ces nouvelles actions, ainsi que les p r é c é d e n t e s , continuaient à ne donner droit q u ' à des dividendes nuls ou insignifiants, cette distribution d'ac- tions gratuites é q u i v a u d r a i t à un faux-semblant.

Cette politique confère aux banques n a t i o n a l i s é e s u n avantage certain dans la concurrence qu'elles font aux banques privées, puis- qu'elle leur permet de mettre en réserve, d ' a n n é e en a n n é e , une part très importante de leurs bénéfices, et de disposer ainsi gratuitement de fonds qu'elles peuvent investir en vue de leur d é v e l o p p e m e n t futur. Certes les banques privées peuvent, comme l ' a souligné à juste titre M a u r i c e L a u r é , proposer à leurs actionnaires de souscrire à des augmentations de capital, mais les fonds qu'elles se procurent ainsi ne sont pas gratuits, puisqu'elles devront les r é m u n é r e r par des dividendes accrus, faute de quoi lesdits actionnaires risque- raient fort, dans l'avenir, de bouder toute nouvelle augmentation de capital.

Ces querelles de banquiers p a r a î t r o n t sans doute mesquines à certains lecteurs. L e niveau des fonds propres des banques, et par c o n s é q u e n t le niveau de leurs bénéfices, ainsi que l'usage qu'elles en font, sont pourtant des questions d'importance. C'est en effet du volume de leurs fonds propres, c'est-à-dire du total c o n s t i t u é par leur capital et leurs réserves, que d é p e n d e n t en définitive l ' é t e n d u e des risques qu'elles peuvent accepter, l a confiance qu'elles inspirent et le d é v e l o p p e m e n t qu'elles sont en mesure de donner à leurs o p é r a t i o n s .

Il m ' a r r i v e d ' ê t r e é t o n n é , p l u t ô t q u ' é m e r v e i l l é , lorsque je constate que quatre banques françaises, le C r é d i t agricole et les trois banques n a t i o n a l i s é e s , figurent p a r m i les huit plus grands é t a b l i s s e m e n t s bancaires du monde. E t je ne suis pas éloigné de penser que les facilités p a r t i c u l i è r e s dont ces quatre é t a b l i s s e m e n t s

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disposent pour accumuler des réserves ne sont pas tout à fait étran- gères à leur remarquable développement.

L es banques privées mènent depuis trente ans un combat diffici- le, face à des concurrents généralement mieux armés qu'elles.

Ce faisant, elles ont conscience d'apporter beaucoup à la collectivité nationale.

Grâce à elles, la profession bancaire reste en France une profession ouverte. Elles sont, pour l'ensemble du système bancaire et financier français, une référence. C'est parce qu'elles existent et qu'elles font preuve de vitalité que les banques étrangères se sentent encouragées à venir, elles aussi, s'installer à Paris, ce qui, par mesure de réciprocité, permet aux banques françaises d'essaimer à l'étranger.

Qu'elles viennent à disparaître, tout se modifierait peu à peu dans la société française. Le crédit aux entreprises, grandes et peti- tes, le crédit aux particuliers, la gestion des patrimoines privés, seraient pris en main par un monopole d'Etat, étroitement soumis au contrôle du pouvoir politique. Les relations financières avec le monde extérieur s'interrompraient ou s'étioleraient progressive- ment.

Les responsables des banques privées savent que leur combat n'est autre que celui des libertés individuelles, de l'entreprise libre et de l'ouverture de la France sur le monde.

Il n'est pas surprenant que le parti communiste français et l'extrême gauche, dont les doctrines s'opposent à toutes ces valeurs, s'acharnent à obtenir la nationalisation et, par conséquent, la disparition des banques privées. Il est moins compréhensible que leurs partenaires au sein de l'union de la gauche se soient, eux aussi, engagés dans cette voie. L'aveu fait un jour par un des diri- geants du parti des radicaux de gauche à propos du programme commun fournit cependant l'explication : « Et sans doute le vaste

programme de nationalisations que le parti communiste a pu faire accepter est-il le prix idéologique dont le parti socialiste a payé l'union de la gauche (3) ».

JEAN-MAXIME LÉVÊQUE

(3) Cf. article de M . Jean-Denis Bredin, vice-président du mouvement des radicaux de gauche, paru dans le Monde du 18 janvier 1977 : « Le débat sur les nationalisations ».

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