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La vallée del Bove et la végétation de la région supérieure de l'Etna

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La vallée del Bove et la végétation de la région supérieure de l'Etna

CHAIX, Émile

CHAIX, Émile. La vallée del Bove et la végétation de la région supérieure de l'Etna. Le Globe, 1891, vol. 30, no. 1, p. 1-32

DOI : 10.3406/globe.1891.1794

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:140847

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©

MÉMOIRES

LA VALLEE DEL BOVE

VÉGÉTATION DE LA RÉGION SUPÉRIEURE DE L'ETNA

PAR

M. Émile CHAIX

Secrétahe général de la Société de géographie de Genève.

I

\TALLÉR DEL HOVE.

L'Etna se présente sous un de ses aspects les plus curieux lorsqu'on le voit de Giarre-Riposto, à son pied E. -N. -E., ou de quelque endroit légèrement plus méridional, vers Torre Archirafi 1

1 Pour la nomenclature, je suis obligé de renvoyer le lecteur à une carte volcanologique de l'Etna qne je vais publier chez H. Georg, à Genève, car iJ m'a été impossible de faire exécuter une petite carte de la Vallée del Bove pour accompagner cet article. On peut aussi consulter l' Atlas ·de l'Etna de W. Sarto- rius von vValtershausen <Bibliothèque publique).

LE GLOBE, T. xxx, 18Dl. 1

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2 LA VALLÉE DJ•~L HOVE.

Au pre1nier plan se trouve une région profondé- ment ravinée, mais revêtue de végétation et pittores- que. En arrière, .flanquant une longue ligne noire

horizontale, co1nme les piliers d'un gigantesque por- tail, se dressent deux pyramides à pentes rapides, 30° sur le versant extérieur, 45° sur ·l'intérieur.

Enfin, dans le lointain, exactement entre les deux pyramides, le cône terminal de l'Etna s'élève dans le ciel, avec son panache de vapeur.

Si ce cône était plus rapproché, on croirait voir un Vésuve avec un Monte Somma et un Atrio del Cavallo de chaque côté. Mais le cône est à 7 ou 8 km. en arrière du portail de la vallée, en sorte que celle-ci n'est qu'un Atrio sans Vésuve, une vaste et profonde écorchure en forme de fer à cheval allongé, avec ouverture à l'E. C'est ce qu'on appelle la Valle del Bove, ou, en sicilien, del Bue.

Le paysage vu de Giarre ou d' Archirafi, sans doute plus curieux que beau. comme presque tous ceux que l'on rencoùtre sur l'Etna, laisse une impression profonde, même lorsqu'on a exploré le volcan pendant plusieurs semaines, com1ne c'était mon cas, et qu'on l'a vu sous bien des aspects. C'est une vue siuguliè- ren1ent caractéristique et suggestive.

Pour ma part, elle 1ne fortifia dans la première iln- pression que j'avais ra1lportée de l'examen des bords

· méridionaux et occidentaux de la va1lée et de la reconnaissance que j'y avais déjà poussée en descen- dant par 1a Serra dell' Acqua et en remontant par la Serra Giannicùla.

Cette pre1nière impression était que j'avais devant

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J,A VALLih: DEL UO\'E. 3

tnoi un cratère gigantesque, ébréché et resté muet depuis des temps où l'Etna était une montagne plus terrible que de nos jours.

La va.liée del Bove est si bien un des points les plus intéressants de l'Etna, qu'on ne saurait mieux faire, quand on a bon pied et que

r

on ne craint pas une nuit à la belle étoile, que d'aborder le volcan de -ce côté, malgré les quelques complications pratiques ,que cela entraîne.

C'est à Zafferàna que l'on trouve tout ce qui est nBcessaire pour organiser une excursion de quelques jours, même un guide si l'on en veut un. Mais il ne faut pas oublier que pendant ces quelques jours on ne trouvera rien - à peine quelques gouttes d'eau, 1nême en sachant où les aller chercher.

Dès qu'on sort de Zafferàna (565m), et longtemps avant d'être à l'entrée de la vallée del Bove, on ren-

·Contre une énorme coulée de lave sombre, qui en est sortie en 1852 et s'est amoncelée au pied des der- niers éperons de la plus n1éridionale des deux pyra- n1ides dont j'ai parlé. Elle présente, dans certains endroits, une structure curieuse : il semble qu'elle soit revêtue d'une gaine cylindrique continue.

Au bout d'une demi-heure, on atteint un premier petit col, la Portella di Calanna (957m), entre la lave de 1852 et le Sciuri Côsimu ou Fior di Cosimo, extré- mité orienta.le de la Serra del Solfizio. On presse le pas, s'attendant à voir la vallée. Cet espoir est déçu.

Pourtant ce qu'on a sous les yeux est très intéres- sant : c'est un petit vallon triangulaire, de 200 ou 300 pas de largeur, bordé au S. par les éboulis et

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4 LA VALLÉE DEL HOVE.

les rochers de Sciuri Côsimu, au N .-E. par la lave de 1852, amoncelée plus qu'ailleurs, enfin au N.-0.

par une cascade de laves de 200 à 300 mètres de hauteur, comprise entre le Monte Zoccolaro, une des saillies de la Serra del Solfizio, et le Monte Calanna (1331 m), gros piton ·conique de laves et de tufs anciens.

Tout ce qui entoure cette petite Valle di Calanna est escarpé. On peut dire que toutes les pentes ont 40°.

Ce qui captive le plus, c'est la cascade de laves, dite Salto della Giumenta. C'est un amoncellement de nappes ou de coulées étroites de lave, soit superpo- sées les unes aux autres, soit juxtaposées, et d'âges divers, 1 702, 1 792, 1819 et 185 2. Ces coulées arri- vent généralement jusque sur le fond de la vallée de Calanna, 1nais quelques-unes restent accrochées, ar- rêtées à mi-côte sur une pente où il semble impossible que quelque chose puisse s'arrêter, - excellente preuve de _la ténacité de la lave liquide. Ces nappes ont réservé entre elles quelques éperons gris jaunâtre formés de tufs et de conglomérats volcaniques contem- porains de ceux du Monte Calanna.

Le sentier habituel monte en zigzag à l'E. du l\lonte Calanna dans la lave de 1852, puis contourne le pied septentrional de ce piton et longe la crête du Salto della Giumenta jusqu'au pied du iVIonte Zocco- laro.

lVIais on peut aussi remonter le bord de la cascade de laves en suivant le pied des contreforts du Zocco- laro. Cela donne l'occasion de voir une chose bien

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LA YALL;:E DEL HOVE. 5

rare sur l'Etna : une source! qui porte-le nom pom- peux d' Acqua Grande. Elle jaillit sous une coulée de laves et forme un ruisseau de om,30 de largeur et

om, 05 de profondeur, qui parcourt bien 1 om à l'air libre avant d'être absorbé par le terrain volcanique extrêmement poreux. Pour une altitude supérieure à f>QQm tant d'eau est un phénomène rarissÏine.

Quand on est parvenu sur la crête du Salto della Giumenta, c'est-à-dire à la Porta, on ne voit pas encore la vallée del Bove; on voit seulement un re- plat, à peine sensible, qui continue vers le N. -E. 1

puis vers le N. an delà du .iVIonte Calanna et en tra- vers de la vallée del Hove jusqu'à la Rocca Capra.

Ce n'est qu'après vingt minutes de montée le long du pied N.-E. du Zoccolaro que l'on parvient, juste au N. de cette sommité, sur un nouveau rebord de cascade, à pente plus douce que la précédente, d'où l'on voit enfin s'ouvrir l'immense cirque de la vallée.

Ce second rebord de cascade s'étend au N. en s'incur-:- vant et relie des roches saillantes jusqu'à la Serra delle Concazze : le Mou te Finocchio inferiore, la Rocca l\ilusarra, la Rocca Palomb.e.

A partir de ce point, on a devant soi plusieurs ki- lomètres à plat, en longeant le pied de la Serra del Solfizio, sur les laves de 1 792 et de 1819, qui sont plus ou n1oins recouvertes de décombres arrachés aux escarpements voisins par les eaux d'orage ou de fonte.

C'est un terrain assez uni pour que l'on puisse admirer la vue en avançant.

Certes nos montagnes nous offrent mieux que cela

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6 LA VALLÉE DEL HOVE.

sous le rapport esthétique; car la vallée del Bove n'est qu'une plaine circulaire de lave aride de 3 km.

de diamètre, bordée d,escarpements presque aussi arides, qui la dominent de 800 à 1200m. Mais ces es- carpen1ents ont mille teintes curieuses; ceux qui sont dans le lointain sont habillés d'une légère gaze de brume transparente qui les rend assez jolis; puis il y a quelques hêtres et quelques petites plantes à leur pied. Enfin tout cela est le produit de bien des siècles d'activité volcanique intense, ancienne et moderne,.

intérêt qui manque chez nous.

Un curieux monticule, coiffé de hêtres, rompt la régularité du bord S. de cette vallée. C'est le Poia- reddu, Capella ou Canfareddu. Il s'avance dans la plaine de laves, au pied d'un contrefort du milieu de la Serra del Soltizio. ~lais ce n'est pas un cône éruptif.

Les couches de cette colline et ce11es de la serra voisine ne sont pas synclinales, comn1e on pourrait s'y attendre, mais anticlinales. Comme ii n'est pas possible de supposer l'existence d'un cratère entre colline et serra, il faut admettre que la Capella n'est qu'un morceau de l'escarpement voisin qui a culbuté d'environ 60°. Un embranchen1ent de la coulée de 1792 a commencé à séparer la Capella de la chaine voisine.

C'est à 500 pas à l'O. de cette hauteur que je pla- çai 111a tente, en août 1890, au pied d'une ravine qui contenait encore un petit tas de neige. De là, pendant huit jours, je rayonnai en tous sens pour étudier la vallée.

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LA V ALLÉR DEL BOVE. 7

Diverses hypothèses sur l'origine de la vallée del Bove ont été proposées. Toutes, du moins les plus plausibles, admettent qu'il y a eu un cratère là où se trouve la vallée. Cette idée est due à Mario Gemmel- laro, et la preuve de son exactitude a été faite par le baron

,v.

Sartorius von vValtershausen 1

Selon ce dernier, le centre d'activité de l'Etna s'est déplacé sur une ligne ou fente maîtresse orientée du N .-0. au S.-E. Il y a eu un cratère dans la vallée del Bove, le cratère du Trifoglietto; il y en a eu un dont le centre était au N .-0. de l'actuel, c'était le Cratère elliptique; enfin, le centre moderne d'activité a donné d,abord naissance à un cratère sur le bord duquel est la Casa Etnea ( ancienne Casa inglese), le cratère del Piano, beaucoup plus grand que celui d'aujourd'hui.

Tous ces cr~tères ont laissé des traces parfaitement reconnaissables. Ainsi la Casa .Etnea est sur un talus bien visible qui fait, à près de 3000m d'altitude, le tour du cône terminal actuel. Le parapet du Cratère elliptique est parfaitement bien conservé au N. -0. et au N .-E. du cône terminal.

Ces cratères étaient tous de très grande dimension.

Ainsi le cratère del Piano a 3 km. de diamètre et le Cratère elliptique a des axes d'environ 3 et 5 km.

Celui du Trifoglietto a dû, selon "\Valtershausen~

avoir son centre à peu près à mi-distance entre le Poiareddu ou Capella et le bas de la Serra Giannicùla Grande. L'histoire de chacun de ces cratères doit

1 Voir son Atlas remarquable et l'excellent ouvrage intitulé Der .2Etn.a, publié par A. von Lasaulx d'aprôs les notes de \Val- tershausen (Bibliothôque publique).

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8 LA VALLÉE DEL non,~.

ressembler plus ou moins à celle de l'Etna actuel. Or l'un des traits de son activité est qu'à chaque éruption il se forn1e une ou plusieurs fentes rayonnant autour de l'axe du cratère et que la lave s'élève dans ces fen- tes jusqu'à quelque point d'où elle puisse s'écouler.

Si donc on pouvait trancher tout le haut de l'Etna, on trouverait un sol sillonné de fentes rayonnantes comme une vitre traversée par une pierre. Quelques- unes de ces fentes pourraient bien être encore béan- tes, mais le plus grand nombre serait probablement occupé par une tranche ou· nappe verticale de lave qui s'y serait figée. Il est évident que tout le volcan est traversé ainsi par un squelette de lamelles plus ou moins épaisses de lave refroidie sous pres- sion. Cette lave doit être plus compacte que celle qui s~est épanchée à la surface, et lorsq~e les agents atmosphériques dénuderont les pentes, ce seront ces lamelles qui résisteront le plus longtemps, en sorte qu'elles survivront aux matériaux ambiants sous forme de murailles ou dykes de roche dure.

Or, dès que l'on fait quelques pas au pied des fiaucs de la vallée ou sur leurs pentes, on voit surgir de tous côtés de ces murailles, dykes ou filons de roches volcaniques diverses, isolés par érosion. Leur épais- seur varie entre 2 décimètres et 20 mètres, et leur hauteur va jusqu'à une quarantaine de mètres.

C'est au travail acharné de l\I. de ,valtershausen pendant plusieurs années que nous devons la carte exacte de tous ces filons '.

1 Les prindpaux se retrouveront dans ma cart(~.

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LA VALLÉI<~ DI•~L BOVE. 9

Déjà en les observant attentivement dans le laby- rinthe où ils se trouvent, on saisit une certaine régu- larité dans leur orientation. Quand on les considère sur la carte, cette impression de régularité est corro- borée : un certain nombre de dykes se dirigent de divers points vers le centre du Trifoglietto, d'autres vers le centre du Cratère elliptique, d'autres vers le centre actuel ou celui du cratère del Piano, qui sont identiques. lVIais un assez grand nornbre ont des di- rections différentes. Cette irrégularité partielle n'est pas une raison pour fermer les yeux sur la régularité générale, car il se forme aussi de nos jours des fentes non radiales, quoique presque toutes le soient; ainsi Jes foyers de l'éruption de 1869, au haut de la vallée del Bove, ceux de 1865, sur le versant N .-E. de l'Etna, et bien d'autres, ne sont pas orientés sur le grand cratère. Il faudrait aussi chercher s'il n'y a pas dans la vallée quelque autre centre de rayonne- ment, - peut-être dans la région du :i\lonte Lepre.

Eu tout cas, la grande majorité des filons peuvent êtrè rapportés aux trois centres de W altershausen, et une observation capitale de ce savant est que ceux de pyroxénithé verte (Grünstein) rayonnent autour du T'rifoglietto et ceux de phonolithe (Klingstein) au!our du centre du Cratère elliptique.

Ces dykes sont une preuve évidente de l'existence de ces anciens centres éruptifs. Grâce à eux on peut même déterminer l'âge relatif des trois cratères : les dykes de pyroxénite verte étant souvent traversés par des filons de phonolithe, tandis que le cas con- traire n'a jamais lieu, cela assigne aux derniers une

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10 LA VALLÉJ<:: DJ<::I.., BOVE.

origine plus récente, par conséquent ]e cratère du Trifoglietto aura précédé !'Elliptique. Quant aux dykes de dolérite, etc., ils traversent généralen1ent les deux premiers groupes et rayonnent surtout au- tour du cratère del Piano, qui sera donc le plus récent.

Sir Charles Lvell admet l'existence du cratère du ., Trifoglietto, mais il semble supposer qu'il coexistait aYec l'actuel, puis il ne mentionne nullement le Cra- tère elliptique c01nme ancien centre d'activité; il paraît penser que ce n'est qu'un souvenir de quel- qu'une de ces catastrophes qui auraient tronqué l'Etna au Jer siècle de notre ère, en 1179, 132~•,

1444, 1669.

Il ne faut pourtant pas ignorer le nombre très con- sidérable de dykes qui rayonnent autour d'un point situé au N.-0. du cratère actuel, dans le Cratère elliptique de

,v

altershausen.

(~uant à la coexistence de deux cratères conjugués, elle est peu probable, car, dans ce cas, des filons de pyroxénite pourraient traverser des filons d'autres roches, ce qui n'a pas, à ma connaissance, été con- staté.

· Les filons éruptifs ne sont pas la seule preuve de i'existence ancienne d'un cratère dans la vallée del Bove. Une preuve non moins concluante est la strati- tication pérîclinale des tufs, conglomérats et laves dans les parois de la vallée, montrant que tous ces matériaux sont des éjections parties d'un centre con1- mun. Ainsi que le montre notre planche I, dans la Serra del lVIonaco, et le deuxième plan de la plan-

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LA VALLÉE DE.L llOVF;. 11

che li, dans la Serra Perciata, ces couches se relè- vent d'une manière assez régulière vers la vallée. Il en est de même dans la Serra delle Concazze, flanc septentrional de la vallée, dans la Rocca Musarra~ à l'.E., et dans la partie inférieure de la Serra Gianni- cola Grande, à l'O. lVIais dans cette dernière les cou- ches médianes n'ont pas 20 à 30° d'inclinaison comme les inférieures; leur pente diminue à mesure qu'on s'élève et les couches supérieures sont inclinées en sens contraire, de 5° environ.

Évidemment ces couches ont été amoncelées non autour du cratère du Trifoglietto, comme les autres, niais autour du Cratère elliptique ou de celui del Piano. Cependant, pour expliquer cela, il nous semble inutile de supposer, comme 1\1. Lyell, la coexistence- des deux volcans. Évidemment les tufs et conglo- mérats, en s'amoncelant sur les pentes du cône du Trifoglietto déjà formé, n'ont pas pu dès l'abord en renverser la direction; c'est peu à peu que, l'a111on- cellement se faisant de l'O., le renversement se sera.

effectué, par la raison que la partie orientale des cou- ches était moins épaisse.

S'il n'y a pas de doutes à avoir sur l'existence an- cienne d'un cratère dans la vallée del Bove, il est plus difficile de décider si ce cratère ancien, avant de s'éteindre définitivement, a. fait explosion et s'est ainsi élargi et ébréché, ou si la. vallée n'est que ce n1ême- cratère ancien dans ses dimensions presque na tu-- relies; dans ce cas, il faut chercher encore pourquoi il est ouvert à l'E.

Parmi les hypothèses mises en avant, il eu est une

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12 LA YALLÉE DE[~ BOVl<c~.

qui peut être passée sous silence comme évidemment fausse, c'est celle qui attribue la formation de la val- lée à un gigantesque phénomène d'érosion.

M. Lyell admet la possibilité d'effondrements par- tiels, 1nais c'est, selon lui, surtout à une ou plusieurs explosions que la vallPe del Bove doit son origine.

On est en effet tenté, au premier coup d'œil qu'on jette sur la vallée, d'expliquer sa formation par l'explo~ion ~ et cette opinion est très répandue.

l\lai~ les doutes surgissent bientôt. Puisque les dykes, même ceux qui sont à cheval sur les crêtes des deU:x serras, sont debout, c1est que les serras ne sont pas formés des débris de l'explosion~ mais que ces débris~ s'il y a eu explosion~ ont dû les recouvrir.

Or on ne les retrouve nulle part sur les versants exté- rieurs~ tandis qu'on y trouve, par exen1ple sur les arêtes qui enclosent la vallée del Tripodo, des cou- ches de laves intactes et en place, sur des pentes de 25°. Pourtant le cubage d'un cône. remplissant t.oute la va IJée del BoYe a dü être énorme.

Il n~y a de monceau de décombres qu'au-dessous de l'entrée de la ,·allée del Bove1 vers )Iacchia. ;\fais une explosion n'aurait pas tout jeté de ce côté. Puis il semble peu naturel que le· cratère du Trifoglietto ait justement fini une existence évidemment loug,ue par cette grande exhibition de puissance, et que la vie Fait ensuite si brusquement et si absolument aban- donné qu'il n'ait pas commencé ù reformer nn cône au n1ilieu du grand gouffre~ comme le Vésuve, le I(raka- tao et tant d~autres.

Une autre théorie, moins attaquable sans doute,

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LA V ALLÉE DJ<3L BOVE. 13

car elle implique la disparition des pièces à conviction, c'est celle de M. Élie de Beaumont, qui admet un effondrement en grand, comme celui qui atteint par- fois le plancher d'un cratère après éruption. ~lais il ne semble pas qu'on ait pour appuyer cette hypothèse hardie des observations sérieuses sur des phénomè- nes de ce genre. Même le Cisternazzo, cette excava- tion située au bord du Pia.no del Lago et souvent citée comme effrondement survenu en 1792, ne peut guère servir de preuve, car il n'est pas reconnu par tout le inonde comme effondre1nent, notamment par

~1. le professeur Orazio Silvestri.

l\tlais il se pourrait encore que la vallée del Bove ne fût que le cratère normal d'une époque de grande activité, simplement élargi par l'éboulement des pa- rois et par l'érosion.

La plaine de lave du fond a 3 km. en tous sens et les crêtes des deux serras, là où elles sont le plus écartées, se trouvent à 5 km. l'une de l'autre. Il y a sans doute loin de ce chiffre aux

.6oom

de diamètre du cratère actuel. Pourtant ce cratère, tel que je l'ai vu, avec ses parois intérieures presque verticales, aurait bien vite

1 ooom

de diamètre quand leur pente serait réduite à 35° ou 40° par suite de l'érosion, et il fe- rait une vallée del Bove de tiers grandeur si des flots de lave venaient combler le fond de l'entonnoir ainsi formé. Or l'Etna peut avoir été plus violent que de nos jours.

Il est vrai que l'on ne trouverait presque pas de dykes de laves dans les parois du cône terminal ac- tuel; niais bien à 200m au-dessous de sa crête; et le

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14 LA VALLÉE DEL BOVI•~.

.cratère du Trifoglietto a dû s'élever à 2500m et son rebord a été abaissé.

En somme il n'est pas absolument inadmissible que la vallée del Bove ait été le cratère normal de rEtna

à une époque ancienne; il ne semble pas en tout cas nécessaire de recourir à de grandes catastrophes.

l\iais pourquoi est-il ouvert à l'E. ?

En 1872, M. Henri de Saussure observa sur le Vésuve que, la lave s'écoulant du cratère par une -0uverture au-dessous du rebord, toute la partie sur- .incombante de ce rebord fut entraînée et descendit,

portée par la lave, laissant une brèche béante.

Nil\-'I. de vValtershausen et Lasaulx, sans nier la pos- sibilité d'une explosion, admettent cette explication pour l'ouverture de la vallée del Bove, et ils pensent que l'amoncellement de débris qui forme le premier plan accidenté vu de Giarre n'est autre chose que l'ancien rebord entraîné et bouleversé.

Ils font remarquer, à l'appui de leur hypothèse, que le bord oriental de tous les cratères successifs de l'Etna semble avoir été plus faible que les autres, observation parfaitement exacte.

En effet, les couches intactes de la vallée del Bove vont en s'abaissant vers l'E. ; le Cratère elliptique est crevé à l'E. et n'a laissé de ce tôté qu'une ondula- tion, tandis qu'il est intact au N.-0. et au N.-E.; Je cratère del Pia.no est dans le même cas. Même le cône actuel est dans ce moment plus escarpé et par consé- quent plus mince de ce côté.

La vallée del Bove était donc prédestinée par sa constitution à s'ouvrir du côté oriental et elle fait

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LA \.ALLi;:E DEIJ HOYE. If>

partie d'une serie de crateres successifs ebreches du 1nen1e

cote.

Rappelons qu'il semble qu'il y ait deux anciens remparts et non un seul

a

l'E. de la va1lee, tous deux plus ou moins detruits et recouverts par des flots de laves recentes : l'un s'etend entre le pied oriental du )'!onte Zoccolaro, le l\'Ionte Calanna et la Rocca.

Capra, l'autre entre l'eperon septentrional du Zocco­

laro, la Rocca l\tiusarra et le lVIonte Scorzone.

Dans la grande cataracte de laves qui descend du pied du cone tenninal actuel jusque da.ns la vallee del Bove, c'est-a-dire de 3000m a 1600m environ, il y a aussi deux gradins distincts, qui ne peuvent qu'indi­

tJuer la place de deux bords de cratere. Le gradin inferieur, evidernment l'ancien Cratere elliptique, passe par la Serra Giannicula piccola et va rejoindre la Rocca della Valle, point culn1inant de la Serra delle Concazze (2825m), en longeant la vallee del Leone

a

l'E.; l'autre, evidemment l'ancien cratere del Piano, part de l'angle saillant de celui-ci et passe par le petit cratere de 1819 et le Belvedere, puis s'efface

a

l'O. de la vallee del Leone.

Certes tout n'est pas dit encore sur la vallee del Bove. II faudrait notamment terminer l'etude, deja poussee tres loin par W altershausen, de la nature mineralogique relative de tons les dykes et de leur orientation, achever l'examen du rapport qui existe entre la nature de la pierre et !'orientation., etudier tous les cas de penetration reciproque des diverses roches. On pourrait ainsi savoir definitivement s'il y a eu trois centres anciens d'activite ou seulement ·

(17)

16 LA VALLÉE DEL BOVE.

deux et si leur activité a été simultanée. Il faudrait aussi trouver des exemples comparables et bien éta- blis, soit d'explosions sans réveil ultérieur d'énergie, soit d'enlèvement complet des débris d'une grande explosion, soit de grands effondrements, soit d'éten- .due considérable d'un cratère normal.

::\'lais la vallée del Bove, même pour celui qm ne cherche pas à pénétrer le mystère ùe son origine, présente une foule. de choses intéressantes.

Ainsi que je l'ai dit ailleurs 1, on finit, qu'on le veuHle ou non, par ne plus songer qu'aux filons érup- tifs et aux dykes; cela devient le grand intérêt de

l'excursion.

Or ou en découvre partout; chaque contrefort de la Serra del Solfizio ou de la Serra delle Contazze en est hérissé.

Notre planche II représente deux dykes de la Serra dell' Acqua vus d'assez près pour qu'on remarque la différence de leur nature. Derrière eux se voit une partie de la Serra Perciata, où l'on distingue une foule de ces murailles. Chaque saillie rocheuse sur les pentes de débris que l'on aperçoit plus loin .en contient une quantité, dont quelques-uns à peine sont visibles à cause de la distance.

l\iais il y a des endroits plus particulièrement cu- rieux à ce point de vue. Le plus remarquable, par le nombre et l'importance de ses dJkcs, c'est la Serra Giannicùla Grande, le grand contrefort qui descend à

r

E. de la Casa Etnea et du Cisternazzo.

1 Jounwl de (ielii'~'<\ Hi sept. 18!JO el jours suivants : Une

~ourse à FEtna.

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LA VALLÉE D:I<:.L BOVE. 17

Le bas de cette serra a été profondén1ent attaqué par les eaux, qui y ont creusé un ravin des plus inté- ressants pour le géologue. C'est là que se trouve le plus gros dyke de l'Etna, de 22m d'épaisseur à sa base; puis plusieurs filons s'y pénètrent mutuellement.

Mais l'exploration de cette ravine est un peu dan- gereuse et les parties plus accessibles de la serra pré- sentent des phénomènes presque aussi re111arquables.

On peut voir un bout, très dégradé il est vrai, du gros filon, en remontant la pente extérieure septen- trionale de la serra. Ce bout de dyke ébréché forme ce que M. de Waltershausen a nommé la Porta del Teatro; il n'a plus là que 1 Qm d'épaisseur.

Dès qu'on a franchi la porte, on se trouve dominé par une série de grandes 1nurailles à peu près paral- lèles, à cheval sur une petite crête de lave doléritique.

C'est le Teatro Grande, avec ses gigantesques coulis- ses. Il se compose de sept dykes. Celui d'en .haut, formé de dolérite, a 3m d'épaisseur et, dans sa partie la plus élevée, il doit mesurer 30m de hauteur. Il s'émiette en lamelles verticales.

Son voisin le traverse à un angle très aigu. Le troisièmedyke, de phonolithe, a 2m d'épaisseur et une quinzaine de mètres de hauteur maximale. Le dernier, de la même pierre, a environ les mêmes dimensions.

Toute cette construction est fantastique, impo- sante, incroyable . .En tout autre lieu on la déclarerait faite de main d'homme.

Mais lorsqu'on se retourne et qu'on lève les yeux vers la pente d'éboulis qui se dresse à l'O., on n'ose plus nier l'intervention de l'homme. On a en effet

LE GLOBE, T. XXX, 1891. 2

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18 LA V ALLÉE DF;L BOVI<~.

devant soi une construction qui ne peut être qu'un vieux château ruiné. Pourtant, un château en ruines dans un tel désert infernal, cela renverse toutes les notions de probabilité.

Ce n'est que lorsqu'on s'est beaucoup approché que l'on peut enfin déclarer que cette construction n'est pas un château; mais la ressemblance est frappante.

Ce groupe de dykes, figuré sur la planche III, a été baptisé du nom de Teatro Piccolo. Ces filons, qui sont plantés dans d'épaisses couches presque horizontales de lave doléritique, sont pour la plupart le prolonge- ment de ceux du Teatro Grande. Le grand de gauche a 7m d'épaisseur à sa base. On peut donc lui donner

40m de hauteur; c'est certainement le plus élevé que j'aie vu.

Il est relativement lisse sur presque toute sa sur- face. Ce n'est que vers le sommet que la roche se dé- lite. Mais il a des blocs de lave et de scories collés à la croûte grise qui le recouvre et qui restent ainsi suspendus en l'air, depuis fort longtemps sans doute.

Ce fait montre quelle est la force d'adhésion de cette lave comprimée qui a passé liquide entre les deux parois de la fente éruptive; car le haut du filon s'émiette, mais les blocs attachés ne se décollent pas.

Quelque curieux que soient le Teatro Grande et le Teatro Piccolo, le Castello est plus remarquable encore.

C'est un formidable dédale de dykes de toutes di- mensions, amoncelés sur une pente de 45°, collés les uns aux autres ou se traversant mutuellement 1

1 Voir l'une des trois photogravures faites d'aprôs mes photo-

(20)

LA VALLÉE DEL BOVE. 1 !J

Ils ont généralement les trois orientations dominan:- tes reconnues par ,valtershausen. Mais en cet endroit ces trois orientations diffèrent très p.eu l'une de l'au- tre, en sorte qu'ils s'entre-croisent sous des angles très aigus. Le fait qu'ils puissent, dans ces circons- tances, se traverser au lieu de se coller l'un à l'autre est une nouvelle preuve de leur puissante adhésion .aux parois de leur fente. Cela permet de mettre eu doute la réouverture d'anciennes fentes lors d'érup- tions subséquentes.

Une fois qu'on a fait connaissance avec les roches des dykes, on peut généralement les reconnaître à distance d'après la manière dont chacune se désagrège.

Les filons de la planche II donnent une idée de cela : Yun se morcelle en colonnettes dans le genre de celles du basalte, l'autre, de phonolithe, s'émiette en petites plaques dressées et se prête beaucoup à l'action des météores.

·n

n'y a pas rien que la Serra Giannicola Grande qui soit intéressante. Les serras moins saillantes si- tuées entre elle et la Serra Perciata et à peine visibles sur l'arrière-plan de la planche II, ont chacune leur intérêt : la Serra Cuvigghiuni, de fort gros filons de pyroxénite verte ; la Serra Intermedia, une série remarquablen1ent régulière de dykes longitudinaux -orientés sur le centre du Trifoglietto; la Serra Vava- laci, au contraire, des filons transversaux recoupés par un seul longitudinal. Enfin, au-dessus de ces deux

·dernières et des Serras Perciata et dell' Acqua, s'étend

graphies et publiées dans le Bulletin of' the American geo[Jraphical Societv, 81 mars 1891.

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20 LA VALLt:E DEL BOV.E.

1,1n dyke de plus d'un kilomètre de longueur, à peine- interrompu en quelques endroits et orienté sur le- centre actuel. Le pied de la Rocca della Valle, dans.

la Serra delle Concazze, présent.e plusieurs intersec- tions remarquables.

~lais un voyageur qui ne pourrait pas parcourir toutes les parois de la vallée ne saurait nlieux faire·

que de visiter la Serra Giannicôla Grande à fond. Il y trouverait en quelque sorte le résumé des curiosités.

de toutes.

Il ne faut pas s'imaginer que l'on puisse visiter cela sans fatigue, car toutes ces pentes à 40° sont con1posées de matériaux sans cohésion et la montée y est très pénible. Je ne puis vraiment pas conseiller de faîre, ainsi que je l'ai fait, l'ascension par la Serra Giannicùla des 1 200m qui séparent le fond de la vallée·

du bord du Piano del La.go pour aller à la Casa Etnea.

1'-iieux vaut faire un détour en passant par le ru_di-- ment de sentier qui remonte la vallée del Trifoglietto~

entre la Serra dell' Acqua et la Serra del lVIônaco.

On y marche sur le roc et non sur les débris de sco- ries, puis ce passage conduit à une pauvre petite·

source, extrêmement parcimonieuse mais constante, et qui peut être précieuse, car c'est la seule de toute la vallée. Ensuite on longe la Schiena dell' Asino, au- dessus des Serras Intermedia et Cuvigghiuni, le pied de la Montagnuola, puis le rebord du Pia.no del Lago, toujours avec une vue magnifique .

.A quelque endroit de la vallée que l'on se trouve, on aperçoit au bord oriental du cirque de laves une sorte de pain de sucre sombre. C'est la Rocca Mu-

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21

-sarra, qui fait pendant au Monte Calanna, situé, il

€St vrai, un peu plus bas.

Cette Rocca Niusarra, comme le J\Ionte Calanna~ · -comme sa petite voisine septentrionale la Rocca

Palombe et comme une partie de son voisin méridio- 11al le Monte Finocchio inferiore, est c01nposée de cou- ches périclinales de conglomérats, etc., relevées du -côté de la vallée centrale. Toutes sont traversées de filons de laves antiques, comme les serras. :Mais les filons de la Rocca Musarra, au Heu de se dresser verticalement, sont penchés vers le sud.

Aucune de ces pyramides plus ou moins escarpées, ne peut avoir été amoncelée i.solén1ent. Elle ne peu- ventêtre que des restes de quelque chose de plus vaste, d'un ou de deux rebords de cratère, ainsi que nous l'avons vu.

Le Monte Finocchio et la. Rocca Palombe sont déjà surmontés par l'afflux de Ja ves récentes ( 1811 ). La Rocca :Nlusarra Jève encore la tête à plus de 60m.

Mais· elle est ravinée du côté d'aval, et il s'est formé un gros bourrelet de lave en amont, devant son pied.

Encore trois déloges de lave comme ceux de 1811 ou de 185 2 et la Rocca 1\fusarra ne sera plus saillante du tout, tandis que ses voisines n'existeront plus que dans les livres.

Cette considération m'encourage beauc9up, malgré.

l'absence de vigies semblables à la _Rocca l\ilusarra, à reconnaître d'anciens bords de cratère dans les gra- dins qui sont visibles entre Calanna et Capra et au

pied du grand cône entre la Rocca della Valle et la Serra Giannicola piccola, entre la Valle del Leone et

(23)

22 LA VALLÉE DEL BOVE.

l_e coin du Piano del Lago. Des rochers comme la Rocca ]\'Iusarra peuvent s'y trouver ensevelis ou 111ême culbutés par le déluge de laves descendu du cône.

La cascade qui entoure la Rocca Musarra est belle,.

sans être aussi grande que celle du Salto della Giu- 1nenta. La lave s'est arrêtée au pied supérieur du rocher, puis l'a contourné des deux côtés en s'en écartant un peu, comme un courant d'eau frappant un obstacle, enfin les deux bourrelets formés ainsi se rejoignent plus bas, laissant entre eux une petite vallée de scories semée de quelques genista œtnensis.

Quand on est dans cette maigre petite oasis entou- rée de murs de lave, on ne désire pas que quelque gigantesque coulée vienne renouveler le même · exploit.

De toutes les coulées de lave de la vallée del Bove, la plus récente date de ~869. Mais il y en a de 1851, 1842, 1838, 1819, 1811, 1802, 1792,.

1702, 1689, 1284, puis de tout petits lambeaux de 1682 et 1688, enfin une dont on ignore l'âge.

Combien y en a-t-il par-dessous? probablement une multitude ; car les coulées suècessives font très rapidement disparaître les anciennes. Ainsi celle de 1792, qui était énorme, n'a plu~ qu'un kilomètre carré de sa surface qui ne soit pas recouvert par . celle de 1~19; celle-ci, qui avait 7 ~ 8 kilomètres carrés, est réduit~ à moins d'un seul, recouverte par la lave de 1852, qui est encore intacte.

Celle de 1802, a presque disparu; il n'en reste pour ainsi dire que des miettes. Celle de 1682 aussi.

La coulée de 1869 a été certainement l'une des

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LA V ALLÉE DEL BOVE. 23

plus rapides de l'Etna. Son émission, selon W alters- hausen, qui se trouva justement pour y assister, ne dura que 5 heures. Pendant ces 5 heures elle fit 7 kilomètres sur la grande pente qui descend du cône terminal dans la vallée et s'arrêta devant le Monte Finocchio superiore.

Un des bergers que je trouvai dans la vallée avait assisté à cette descente. Cela avait l'air, 1ne disait-il, d'un grand torrent rouge arrivé là sans qu'on s'y atten- dît, brusquement, et aussitôt arrêté qu'arrivé. Comme ce torrent de feu n'inondait que des laves récentes et sans végétation, il ne pouvait pas faire de dégâts.

Ses bouches d'émission, situées au pied ~.-E. du cône terminal, sont orientées d'une façon anormale : au Jieu d'être alignées sur un rayon partant du centre d'activité, elles sont rangées sur une ligne qui y est perpendiculaire.

La coulée de 185 2 est très considérable et présente vers son point de départ une foule de ces nappes plus unies, formées par des jets de lave liquide sortant tout à coup par les fissures formées dans la carapace de scories de la coulée. Cela donne naissance à des espèces de trottoirs, qui sont les bien-venus quand on e;t obligé de franchir un champ de lave.

Le plus petit de ses trois foyers, celui des Monti Centenari·, est entouré de blocs énormes, de 3 à 4m en tous sens, qu'il a lancés en l'air, probablement à l'ins- tant de sa première explosion. Les deux autres en ~

ont bien fait- autant sans doute, ~ais ces premiers projectiles y· sont recouverts d'une multitude d'au- tres, notamment de beaucoup de larmes de toute

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24 LA VALLÉE DEL ROVE.

grandeur, tandis que le plus petit cône n'a pas amon- celé de déjections considérables.

Outre les Monti Centenari, la vallée del Bove con- tient un autre grand cône adventif, le Monte Simone, puis trois ou ·quatre plus petits. l\'Iais la Serra del Solfi- zio présente un -grand nombre de petites coulées, soit à

l'intérieur, soit à l'extérieur, qui datent de 1792 et qui ont suinté de partout sans former le 1noindre petit cône à leur point de sortie. (Un bout d'une de ces coulées est figuré au premier plan de la planche II.) C'est un fait curieux que la sortie de cette lave vers le haut d'escarpements à pentes si rapides. C'est certai- n·ement une preuve du peu d'importance de la pres- sion hydrostatique de la lave dans le phénomène de la fente éruptive; car si la fente se faisait sous l'action d'une force dont le siège fût près de la surface, elle ne passerait pas par le sommet de la serra, 1nais se formerait toujours à son pied, où la résistance est certainement moindre.

Tout au haut de la vallée, au coin du cratère del Piano, non loin de la Casa Etnea, se trouve un petit cratère de 1819 que la coulée de 1838 a envahi, eomblé en partie et changé en un cirque de l~ves. Il -est intéressant parce qu'il présente aujourd:hui en petit l'aspect que la \laJlée del Bove a pu présenter .avant que Jes laves en eussent surmonté le bord oriental. La prochaine coulée de lave le combler.a entièrement et formera cascade par-dessus son re- bord, comme dans- la vallée.

I~es coult~es de laves anciennes sont peu à peu par-

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LA VALLÉE DEL HOVE. 25

semées des coussins d'épines de l' astragal,us siculus ; le pied des serras a des hêtres, quelques rares plan- tes de houx, quelques seneçons, et leurs corniches sont tachetées du traditionnel ge-nista œtnensis. Tout cela est loin de former un tapis de verdure rafraî- chissant; mais on est condamné, sur le haut de l'Etna, à se contenter de si peu, qu'on apprécie cette maigre verdure comme celle des oasis.

Puis c'est elle qui est le prétexte du peu d'anima- tion de la vallée. C'est pour elle que les chèvres sau- tillent sur les arêtes des serras et en font tomber des grêles de pierres; que les moutons, l'air désespéré, errent en troupeau dans la plaine, ou en intermina- bles files indiennes sur les corniches des serras ou sur les talus d'éboulis. C'est enfin à cause d'elle que les bergers ont là leur habitation, vraie habitation d'hom-

me primitif, au _pied de la vallée del Trifoglietto.

C'est à cette pauvre verdure que ce désert calciné doit d'avoir un propriétaire, même un propriétaire haut placé, l'archevêque de Catane. Puisse-t-il avoir d'autres revenus pour vivre !

Pour l'intérêt volcanologique, deux régions del' Etna.

peuvent rivaliser avec la vallée del Bove : le grand cratère et le versant septentrional supérieur. Mais ce sont des déserts affreux, bien inférieurs au point de vue esthétique à la vallée del Bove.

Il y a quelques points d'où cette vallée· est saisis- sante : par exemple du sommet du Monte Zoccolaro, de la Schiena dell' Asino, de tout le rebord du Piano del Lago, enfin, du haut d'un ancien petit cône, tout en- touré des traces de ces torrents de boue qu'occasionne

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26 LA VALLÉE DEL BOVE.

en temps d'éruption la fonte brusque des neiges ense-- velies et conservées sous le~ cendres, inondé par la lave de 1838 et entouré par une ramification de celle de 1869, au pied E.-S.-E. du cône terminal. Je l'ai baptisé du nom de Belvédère.

Cette vue-là est la contre-partie de celle de Giarre : la cataracte des laves supérieures fuit sous vos pieds jusque dans le fond de la vallée, à gauche et à droite·

la Serra delle Concazze et celle du So1fizio se dévelop- pent majestueusement, s'écartant d'abord, vers la Rocca della Valle (2825m) et la Montagnuola (2643m),- pour se rapprocher ensuite un peu dans le fond, où elles semblent se terininer par deux pyramides : le

~'lonte Zoccolaro (1735m), avec le cône éruptif du Pomiciaro, et le Monte Scorzone (1750m), avec le cône du Hinatu. Plus bas, par ce portail imposant, on entrevoit dans un lointain bleu, le _déluge de ver- dure au milieu duquel Giarre élargit sa tache jau- nâtre ; puis la mer avec de longues traînées bleues suivant sans trêve de petits points noirs qui laissent de la fumée derrière eux; enfin la Calabre avec l' As- promonte.

A gauche, de partout, on voit un cap hardi, tantôt.

d'une blancheur remarquable, tantôt rougeâtre, c'est Taormina.

Toutes ces vues sur la vallée et hors de .la vallée sont remarquables, quand on ne demande pas un premier plan de belle verdure. Aussi, chaque fois qu'on s'accorde un instant de repos, après avoir esca- ladé des rochers ou des pentes croulantes, on a devant les yeux quelque chose de beau et de reposant_

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VÉGÉTATION SUPÉRIEURE DE L1ET:NA. 27

II

VÉGÉTATION DE LA RÉGION SUPÉRIEURE DE L'ETNA.

On répète toujours que les pentes de l'Etna sont divisibles en zone cultivée, zone boisée et zone dé- serte. Parfois on joint quelques détails à cette subdi- vision générale : la première zone est toute couverte de vignes, qui parviennent jusqu'à 1300m d'altitude, la seconde est occupée, jusqu'à 1800 ou 2000m, par le châtaignier sur les pentes du S.-E., par le bouleau ( betula verrucosa) sur celles du N .-E., par le pin (pinus nigricans) au N. et à l'O. , enfin par le hêtre au N .-0., avec des chênes dispersés un peu partout, surtout au N.

:vrais la notion de cette zone déserte dans le haut de la montagne est défectueuse ; car la végétation ne cesse pas brusquement à la limite supérieure des forêts; elle change seulement de caractère. Il faudrait ajouter une subdivision de plus, et ne jamais l'omet- tre, quelque chose comme une zone alpine, ou plutôt, pour ne pas qu'on s'imagine que le ·pâturage etnéen ressemble au pâturage suisse, une zone découverte.

Ce terme, adopté par le professeur Strobl pour la région supérieure des Nébrodes, a l'avantage d'impli- quer simplement l'absence de forêts.

La végétation de cette zone · découverte, toute pauvre qu'elle est, n1'a assez intéressé pour que la pensée me soit venue qu'elle pourrait intéresser d'au- tres voyageurs.

(29)

LA YALLÉE DEL BOYE .

. J'ai donc profité de l'amabilité de lVI. Émile Burnat, -qui a bien voulu · me prêter l'ouvrage de Gussone, Synopsis I?lorœ siculœ, et celui du professeur Gabriel :Strobl, Ii'lora cles ..,:7tJtna (Oesterreichische botanische Zeitschrift, 1880 à 1884) et j'ai largemement puisé -dans ces travaux pour compléter mes souvenirs, sans avoir la prétention de présenter une étude complète.

Dans les forêts ou à côté d'elles, deux plantes sont -earactéristiques sur l'Etna : la fougère pferi;r aqui-

lina de 700 à 2000m, et le ,qertista œt nensis, papilio- nacée à jolies fleurs jaunes, mais dont le feuillage se réduit à un buisson de tiges vertes.

Ce genêt (ginestra en italien) pousse dans des en-

·droits qui semblent absolument inhospitaliers, comme les plaines ou pentes de petites scories~ entre 160 et 2100m d'altitude1 Après une éruption, c'est la gines- tra et une petite fétuque que_ l'on plante sur les amas -de scories fraîches, qui plus tard pourront recevoir -des châtaigniers.

Les fougères, en maints endroits, forment une véritable zone compacte jusqu'à 100 ou 200m au-des-

sus de la limite des forêts.

. A partir de 2000m la flore etnéenne s'appauvrit très rapidement. Voici les chiffres auxquels je suis arrivé en dépouillant les indications de Strobl : à 20QOm il reste encore 51 espèces phanérogames un peu répan- -<lues, appartenant à 17 familles ; à 2200111 il n'y a

1 La neige hivernale est très épaisse sur l'Etna; ainsi la Casa Etnea est ensevelie jusft n'à. sa coupole, et les châtaigniers de la ( 'asa <lel Bosco disparaissent, ce qui indique nne épaisseur de plns -tle quatre mètres. Puis le sol poreux de l'Etna eonsen-e très bien l'humidité à une certaine profondeur.

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VÉGÉ'l'ATION SUPl~IUEURE DE L'ET.NA. 29'

plus que 27 espèces, de 11 familles; à 2500m, 14 espèces, de 7 familles; à 2700m, 7 espèces, de 4 familles; enfin, depuis 2900m jusqu'au sommet, qui a 3313m d'altitude, il n'y a plus aucun phanérogame -- c'est la vraie zone déserte.

Pour se faire une idée bien nette de la modicité de·

ces chiffres, il suffit de les· comparer à quelques.

chiffres relatifs à la Suisse, quoique la différence de climat soit grandement à l'avantage de l'Etna.

D'après la ]:?fore suisse et ses origines, de H. Christ, les Alpes de la Suisse orientale possèdent dans la zone alpine, c'est-à-dire de 2100m jusqu'aux sommets, 487 espèces phanérogames au lieu de 51 ; dans les monta-- gnes de Glaris, au-dessus de 2762m, c'est-à-dire dans la zone des neiges éternelles, il y a 24 espèces au lieu de 7 ; sur le Piz Linard, entre 3 250 et 3417m, on trouve 11 espèces phanérogames. Il est vrai qu'une forte proportion de ces espèces sont boréales, élément qui fait entièrement défaut dans la flore sicilienne.

Il n'y a pas de neiges éternelles sur l'Etna pour arrêter l'extei1sion de la. végétation vers les hauteurs,.

et la brise diurne ascendante s'est montrée toujours si violente pendant les deux mois d'été que j'ai passés là, qu'elle doit contribuer grandement au transport des graines vers le sommet. J\'Iais le terrain que ces graines trouvent en montant est vraiment trop barbare ; puis dès qu'une espèce commence à s'établir plus haut qu'à l'ordinaire, une nouvelle pluie de sco-- ries, si ce n'est n1ême une coulée de lave, vient en.

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30 LA VALLi:~E DEL BOYE.

enterrer les pionniers et en faire reculer la limite à de grandes dista~ces.

Enfin les plantes ont, sur l'Etna, un ennemi plus terrible qu'il n'en a l'air et le renom, c'est le mouton;

et l'on est bien forcé de lui pardonner d'arracher et de dévorer tout ce qu'il rencontre, dans une région où l'on a plusieurs mètres à faire pour aller d'une toute petite plante à une autre toute petite plante.

Ses dégâts seraient bien plus grands encore, et la zone découverte serait bien une zone déserte, sans la présence de l' astragalus sicu.Zus.

C'est une papilionacée à fleur rose, très parfumée, à racine gigantesque, comme tant d'autres plantes des hautes montagnes, et qui forme, non des tapis, mais des coussins serrés, tout hérissés d'épines fort dou- loureuses. Les moutons, pour lesquels la feuille assez charnue· de l'astragale est évidemment un régal, s'acharnent inutilement sur ces hérissons, et c'est entre les épines protectrices que le galliu,'in cùiereum, Je cerastium repens œtneum et une foule d'autres plan-

tes se réfugient. Dans ces tristes piUurages etnéens, on ne trouve pas une seule de ces petites plantes en dehors des mamelons épineux de l'astragale; elles ne pourraient pas subsister sans ce refuge.

Pour l'altitude de 2500m la liste des espèces est

~ssez courte pour qu'on me pardonne de la donner en entier:

Graminée:

festuca rhœticct (œtnensis) Polygonée :

ru1nea~ œt;iensis

limite à 2600m

2soor:1

(32)

vf:GÉTA'.rION SUP~~RIEURE DE L'ETNA. 31

Composées:

tanacetu1'J) siculurn ( œtnense) anthernis œtnensis

senecio œtnensis robertia faraxoides l{ubiacée :

galliw;n cinereuni ( glaucwni) Violariée:

,viol a par·vttlct .Caryophyllées :

scleranthu.c-; vulcanicus spergula subulata

spergula radicans (rubra) cerastium repens œtneum · saponcir-ia <lepre.ssct ( œtnensls) Papilionacée :

astragalus siculus 1

limite à 2500m

2soom 2soom

2600m 2500lll

(?) 3000m

27oom 26oom 2soom 2soom

2600m 26QOm On voit par les chiffres d'altitude de la limite supé- rieure de ces quatorze espèces qu'il ne reste plus à .2700m que les 7 espèces suivantes :

rumex œf nensis anthemis œtnensis senecio œtnensis

scleranthus vulcanicus

spergula radicans cerastium repens viola parvula

On dit que cette dernière s'élève jusqu'à 3000m, mais je n'en ai certainement pas vu une seule au-

1 Les Nébrodes, groupe montagneux situé au N. de l'Etna, n:ont pas rnmex œtn., antheniis œtn., senec-io œtn., robert-ia., scle- .ranthus vulc., spe·rgula subtil., 8pergiûa radican..s. Les Alpes n'ont à ma connaissance, aucune des espèces de la zone découverte de l'Etna.

(33)

32 LA VALLÉE DEL BOVE.

dessus de 2900m, ni sur le versant méridional, ni sur le versant septentrional. Cependant c.'est bien cette

· pauyre petite violette annuelle de teintes variées qui va le plus haut, en exemplaires isolés.

·Sa· voisine, le senecio œtnensis, est la plus vigou- reuse de toutes ces plantes du haut de l'Etna. Avec ses feuilles d'un vert franc et ses fleurs jaune vif, le seneçon etnéen a l'air d'être prêt à défier tous les élé- ments ennemis, tandis qu'il semble que les autres P.la1~tes se sentent étrangères, intruses dans ces

· régions. Elles paraissent y être posées plutôt qu'en- racinées.

La plus jolie de ces plantes timides, c'est l'antlu:- mis œtnensis, une charmante marguerite blanche, à

cœur rouge ou grenat, à f euiilage très délié.

Mais malgré la présence de ces sept espèces végé- tales, on peut, à partir de 2600 ou 2700m d'altitude, -marcher plusieurs heures dans des déserts de lave, particulièrement .sur le versant septentrional, sans voir une seule plante.

Aussi est-ce un vrai régal pour les yeux, lors- qu'a près quelques semaines d'existence de sauvage dans ces déserts noirs, on se retrouve au milieu de ce déluge de vignes, de figuiers, de cactus opuntia, d' arundo donax, d'agavés, etc., qui inonde la base orientale ·de l'JiJtna.

(34)

SE lt lt A U EL SOL FI Z l 0

Flanc méridional de la Vallée del Bove, vue de l'Ouest,

a. :--,·1Ta d,·J ,1fln:u:fl. - b. (';1p,•ll:t 011 Poi,11·,•,Jd11 . - c. ,1011tP %oi·1·(1la1· ... - d. \1011t,• ('al :11111a.

ee. Ph int:>s dc la\"es. - f. ~Io11tt> Po11til'i;1ro.

Pl. l.

(35)

DYKES CO!\VEHGENTS Pl. IL

de la Serra dell' Acqua, dans la Serra del Solfizio.

Au fo nd lt-> 1·eho 1·d d11 Pia n o del La, .. :-o ..

Au ,;econ <l pl:111 : la SetTa Pe1·eiata ..

(36)

TRATRO PICCOLO Pl. III.

au N. de la Serra Ciannicola Grande, dans la Vallée del Bove, vu de l'Est.

Le µros dyke de Fauche a ï mèu·e;; d'épaisseur it sa hasP-.

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