NOTE SUR L’UTILISATION DES RÉSULTATS
DES ÉPREUVES DE DESCENDANCE
PAR LES SÉLECTIONNEURS DE PORC EN FRANCE DE 1956 A 1965
Zofia J. CZAJEWSKA L. OLLIVIER
Station deGénétique quantitative
etappliquée,
Centre national de Recherches
zootechniques, !8 - Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Une méthode est
proposée qui permet
de mesurerobjectivement
l’intensité de la sélectionpratiquée
en fonction des résultats desépreuves
de descendance. Ilapparaît
que, de 1956 à1965,
les sélectionneurs de porcs en Francen’ont,
engénéral, guère
tenucompte
de ces résultats dans le choix de leursreproducteurs.
Si la sélection a été
faible,
on constatecependant qu’elle
a étéplus
forte pour les critères de carcasse que pour les critèresd’engraissement, plus
forte dans le choix des mâles que dans celui des femelles etplus
forte dans la raceLarge
White que dans la race Landrace.INTRODUCTION
I,’épreuve de la descendance
est unoutil de sélection largement utilisé chez
le porc. Suivant l’exemple du Danemark, la plupart des pays européens l’ont adoptée. En France, l’épreuve de la descendance
aété mise à la disposition des
sélectionneurs
en10 53.
Cette technique suppose des investissements importants et,
enconséquence,
il est souhaitable de connaître l’usage qu’en font
ceuxà qui elle est destinée.
Nous
nousproposons ici de
mesurerobjectivement l’intensité de la sélection
qui
aété pratiquée
enfonction des résultats des épreuves de descendance,
enFrance, de 195 6 à 1965.
MÉTHODES
a) Principe
del’épreuve de
descendance et classement des verratsLa mise à
l’épreuve
d’un verrat sur sa descendancerequiert
l’envoi par l’éleveur de 3 groupes de 3descendants, chaque
groupe étant constitué d’un mâle castré et de 2 femelles issus d’une mêmeportée.
Lacomparaison
des verrats entre euxporte
sur 4critères,
legain
moyenquotidien
de 25 à 100
kilogrammes,
l’indice de transformation entre 25 et 100kilogrammes (c’est-à-dire
le nombre de
kg
d’aliment consommé parkg
degain
depoids net),
lepourcentage
de morceauxnobles
(jambon
etlonge)
et de morceaux gras(bardière
etpanne)
dans la carcasse. Pourchaque critère,
la moyenne du verrat estcomparée
à une moyenne annuelle de référence(établie
pourchaque:race
et danschaque porcherie).
Ces moyennes sont calculées comme suit :1 /3 (moyenne
des
mâles) +2/3 (moyenne
desfemelles)
pour éliminer les variations dues au sexe. Le verratreçoit
une note pourchaque
critère selon leprincipe
suivant : note 1 si la différence entre la moyenne du verrat et la moyenne de référence estnégative
etsupérieure
à un demiécart-type
de verrat, note 2 si cette différence est
comprise
entre-0,5
et+0,5
fois cetécart-type
et note 3si la différence est
positive
et excède le demiécart-type.
L’indice de transformation et le pour-centage
de morceaux grassont
affectés dusigne
- afin que la note 3corresponde,
pourchaque caractère,
à un verrat améliorateur.Une note
globale, égale
à la somme des 4 notes obtenuesainsi, permet
de classer les verratsen 2
catégories :
verrats améliorateurs si la noteglobale
est au moinségale
à9,
verrats non améliorateurs si la note est inférieure à 9.b)
Mesure de l’intensité de sélectionDans une
population,
l’intensité de sélection(I) peut
se mesurer par la différence entre la moyenne des individus sélectionnés et la moyennegénérale
de lapopulation
dont ils sonttirés,
différenceexprimée
enécart-type.
Enfait, chaque parent
sélectionné neproduit
pas le même nombre dedescendants,
cequi oblige
àpondérer
la valeur dechaque parent
par le nombre de ses descendants.Pour connaître l’intensité de la sélection
pratiquée
sur les verrats en fonction des résultats desépreuves
dedescendance,
il faut doncconnaître,
pour chacun des verrats misà l’épreuve,
le nombre de ses
descendants,
mâles etfemelles,
utilisés dans lesélevages
de sélection. Les Livresgénéalogiques porcins établissent,
au lerjanvier
dechaque
année, la liste desreproducteurs
mâles et femelles en service dans lesélevages
avec mention de leurpère. Cette
listepermet
deconnaître
pourchaque
verrat le nombre de ses fils et de ses fillesutilisés
commereproducteurs à
un instant donné. Pour un verratdonné,
ce nombre varie dans letemps. Quand
le verrat estjeune,
ce nombre estfaible;
ilaugmente
ensuite pour devenir nulaprès quelques
années. Parexemple,
si l’on considère tous les verrats soumis àl’épreuve
de la descendance en1960,
on constate que le nombre de leursdescendants
en service dans lesélevages
est maximum au 1?!janvier
1962.Nous avons, par
suite,
choisi de mesurer ledegré
d’utilisation d’un verrat par le nombre deses fils et filles en service dans les
élevages
de sélection un anaprès
la fin del’épreuve
dedescendance.
La mesure de l’intensité de sélection demanderait donc de
pondérer
la valeur dechaque
verrat mis à
l’épreuve
par le nombre de ses descendants mâles et femelles en service un anplus
tard. Une méthode
approchée
consiste à utiliser les notes définiesplus
haut au lieu des valeurs réelles dechaque
critère.Chaque
critère est alors traité comme un caractère àseuil,
résultant d’une distribution normalesous-jacente.
Connaissant le nombre d’individus danschaque
classede note
(1,
2 ou3),
onpeut
déduire(F ALCONER , 1960)
la moyenne(m) et l’écart-type (s)
de ladistribution
sous-jacente.
Parailleurs,
onpeut
calculer la moyenne(m’)
des notes des verratspondérées
par le nombre de leurs descendants. On a alors :Connaissant
I m
pour les fils etI
pour lesfilles,
l’intensité de sélection est(I m
+I f ) /2.
Pour un caractère à distribution
normale,
à unevaleur
de 1correspond
unpourcentage
p d’indi- vidus éliminés tel quez étant l’ordonnée de la courbe normale pour la valeur du caractère
correspondant
au seuil d’élimination.Le même
principe
a étéappliqué
pour la noteglobale
en considérant seulement 2 classes : améliorateurs(note > 9)
et non améliorateurs(note
<9).
Nous allons
montrer,
à l’aide d’unexemple,
lafaçon
de calculer I. Pour legain
moyenquoti- dien,
en raceLarge White,
les 268 verrats mis àl’épreuve
serépartissent
comme suit : 66 ontla
note1,
110 la note 2 et 92 la note 3.D’après
les tables de la distribution normale réduite on déduit que le seuil entre les notes 1 et 2 setrouve
à0,69 écart-type
au-dessous de la moyenne dela distribution
et le seuil entre 2 et 3 à0,40 écart-type
au-dessus(fig. 1).
Lalargeur de
la classecentrale est donc de
(0,69
+0,40)
s =1,09
s.Cette largeur correspond
à 1point
sur l’échellede notes
adoptée.
D’où s =1 /1,09 = 0,91 point.
Si nous attribuonslavaleurl,5 point
aupremier
seuil
(et 2,5 points
audeuxième),
la moyenne de la distributionsous-jacente supposée
est :Par
ailleurs,
le nombre de fils en service est de 75 pour les 66 verratsayant
la note1,
121 pour les 110 verratsayant
la note 2 et 169pour les
92 verratsayant la
note 3. D’où :RÉSULTATS
La méthode
ad’abord été appliquée
aux verratsde
raceLarge White contrôlés de 195 6 à I g65. Les résultats apparaissent
auxtableaux
iet
2.Ce dernier tableau montre que la sélection pratiquée
esttrès faible : 9 p.
iood’élimination
surle classement global
aulieu des 50 p.
ioothéoriquement recommandés
auxéleveurs.
Une sélection plus forte est appliquée
auxcritères de
carcasse.La sélection effec- tuée
surles filles des verrats mis à l’épreuve est pratiquement nulle.
En
raceLandrace, seuls les
verratscontrôlés de 105 8 à I g6 5 ont été consi-
dérés (tabl. 3 et 4 ). La sélection effectuée dans cette
raceest encore plus faible qu’en
raceLarge White, la sélection
surle classement global étant pratiquement
nulle. En effet, la sélection
vadans le
sensdésiré
en cequi
concerneles critères
de
carcasse,mais elle est négative pour les critères d’engraissement.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
Les estimations d’intensité de sélection qui viennent d’être présentées
netiennent pas compte de l’âge des
verrats aumoment de leur mise à l’épreuve.
Or, il est bien évident que les verrats très jeunes
outrès vieux ont, du fait même de leur âge, moins de descendants
enservice
un anaprès l’épreuve que les
verratsd’âge moyen. Il serait possible théoriquement d’appliquer des facteurs de
correc-tion
enfonction de l’âge, estimés
surdes
verrats nonsoumis à l’épreuve de des-
cendance. Mais si l’on suppose que la répartition par âge des
verratsmis à l’épreuve
est indépendante des résultats de cette épreuve,
onpeut admettre que les esti- mations ci-dessus
ne sontentachées d’aucune
erreursystématique.
Cette étude
nepermet pas de dire dans quelle
mesureles caractères consi- dérés ont pu être améliorés génétiquement
au coursdes dix années considérées.
S’il y
a euamélioration, elle n’a pas résulté de l’utilisation des épreuves de des-
cendance. On pourrait, dans
ce cas,invoquer soit
unesélection
surla conforma- tion, soit l’importation de géniteurs étrangers. La première méthode
estprésumée
peu efficace et d’autre part le nombre des reproducteurs importés
estfaible,
cequi conduit à supposer que le progrès génétique
aété faible, sinon nul,
au coursde la période considérée. Une étude visant à l’évaluer
exactement est en cours.D’autre part, cette étude démontre que l’attention portée par les éleveurs
auxrésultats de
carcassel’a
souventété
audétriment de la vitesse de croissance
etde l’indice de consommation,
cequi
aaffaibli la sélection pratiquée
surla note globale. Ceci indique qu’il est souhaitable de synthétiser les résultats des épreuves
de la descendance
sousforme d’une
noteunique (par exemple
unindex) qui doit, seule, intervenir dans la sélection.
Les sélectionneurs français
ontdonc, dans le passé, peu
tenucompte des résultats des épreuves de descendance dans le choix de leurs reproducteurs. Une
étude effectuée par S MITH ( 19 65) aboutit, par des méthodes différentes, à des estimations d’intensité de sélection très voisines. Il semble que, dans l’espèce porcine,
cetteméthode de sélection,
audemeurant peu efficace
surle plan théorique (D
I C K E RS O
N
etHA Z Ei<, z 944 ), soit difficile à utiliser correctement dans la pratique.
L’examen détaillé des résultats qui ont servi à cette étude
montrecependant
que l’intensité de sélection s’est légèrement
accrue cesdernières années.
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler,
enconclusion, la nécessité de s’as-
surer
de la bonne utilisation des techniques de sélection proposées,
surtoutquand
elles supposent des moyens financiers importants,
ensoumettant les utilisateurs à
uneréglementation très stricte dans le choix de leurs reproducteurs.
Reçu pcur !ublication
en octobrei 9 6s.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier M. J.
Owsrr,
Directeur des Livresgénéalogiques porcins, qui
abien
voulu mettre ses archives à notre
disposition
pour réaliser cette étude.SUMMARY
NOTE ON THE USE OV PROGENY TEST RESULTS BY PIG BREEDERS IN FRANCE BETWEEN
1956
AND1965.
A
simple
method isproposed
formeasuring objectively
the selectionintensity practised
in
light
of the results of the progeny tests. This method consists ofweighting
the scoregiven
to each boar at the conclusion of the test
by
the number of his sons anddaughters actually
usedas
breeding
stock in seedstock herds one year after the test.It appears that in France from 1956 to 1965 the results of the progeny tests have had a much more direct influence on the
choice
of males than on the choice offemales,
and that selec- tion on carcass score has been more intense than onfattening
score.However,
selection on the overall score isweak,
since in theLarge
White breed the selectionpracticed
wasequivalent
toculling
the lowest 9%
of the boarstested,
while in the Landrace selection wasessentially
nil.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
.Dic!xsorr G.
E.,
HnzEr, l,. N., 1944. !ffectiveness of selection on progenyperformance
as asupple-
ment to earlier
culling
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F ALC O NER
D.
S., 19 6 0
Introduction toquantitative genetics.
Oliver etBoyd,
I,ondon.S
MITH