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Article pp.188-190 du Vol.2 n°3 (2012)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Rupture de vessie au cours de l ’ intoxication ethylique aiguë

Urinary bladder rupture during acute alcoholic intoxication

P. Menecier · P. Bernard · E. Odet · H. Nefti · L. Menecier-Ossia

Reçu le 28 novembre 2011 ; accepté le 18 janvier 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Les intoxications éthyliques aiguës (IEA) représentent un fréquent motif de recours à des soins hospitaliers à travers les services d’urgences [1]. À côté de leurs signes propres (désinhibition, ébriété, agitations, troubles de vigilance, coma,…), leurs complications sont classiquement envisa- gées, avec notamment des hypoglycémies, des convulsions, des inhalations, des acidocétoses, des troubles du rythme cardiaque supra-ventriculaire…ainsi que toute la traumato- logie induite.

Souvent redoutées, la prévalence réelle de ces complica- tions non traumatiques est rarement établie, et beaucoup d’impressions générales demeurent. Ainsi nous avons pu observer l’extrême rareté des hypoglycémies, voire leur absence en dehors d’autres facteurs favorisants (médicament hypoglycémiants ou insuffisances hépatocellulaires sévères) [2]. Les crises convulsives apparaissent beaucoup plus sou- vent à distance de l’alcoolisation, parmi les manifestations de sevrage plutôt qu’à la phase aiguë de l’IEA [3,4].

Par ailleurs, d’autres complications exceptionnellement envisagées sont même parfois difficiles à imaginer pour des cliniciens pouvant en ignorer la possibilité. C’est le cas

des ruptures spontanées de vessies, dont nous rapportons trois observations survenues en deux ans dans un centre hospitalier de moyenne importance (465 lits de court séjour, avec un service des urgences recevant 34000 passages annuels), qui accueille chaque année plus d’un millier d’IEA.

Observations

Une femme de 41 ans arrive aux urgences de nuit, pour des douleurs abdominales évoluant depuis une journée sans amélioration sous antispasmodiques banals. À l’admission, le ventre est globalement douloureux, avec défense diffuse.

Il existe un retentissement général, avec tachycardie, malaise, sueurs… La biologie sanguine retrouve une hyponatrémie et hyperkalièmie débutante (Na 130 meq/l, K 5.1 meq/l), avec insuffisance rénale modérée (urée 9.3 mmol/l, créati- nine 186 μmol/l), et une hyperglycémie 10.5 mmol/l. Un scanner abdominal retrouve un épanchement intrapéritonéal abondant et diffus, de densité hématique, avec une image hyperdense intravésicale. Aucun traumatisme abdominal n’est signalé, mais la patiente se souvient mal des dernières heures (ou journées) du fait d’une alcoolisation importante, répétée dans un cadre festif. Un sondage urinaire évacue peu d’urines franchement sanglantes. Devant ce tableau périto- néal aigu, une exploration abdominale cœlioscopique retrouve un abondant hémopéritoine, avec de nombreux caillots sanguins dans le pelvis dont l’évacuation permettra de découvrir une rupture du dôme vésical de 7 cm qui fut suturée (Fig. 1).

Un homme de 56 ans est hospitalisé en urgence un soir pour impossibilité d’uriner depuis le matin, et suspicion de globe vésical. Au lendemain une forte alcoolisation, il se plaint de douleurs abdominales diffuses, et de ne pas avoir émis d’urine de la journée. Toujours alcoolisé à l’admission (2,28 g/l), un sondage urinaire ne retrouve qu’un peu d’urine franche- ment sanglante. La biologie initiale ne retrouvait qu’une élé- vation de la créatininémie 170 μmol/l, avec urée normale 5.0 mmol/l ; sans troubles hydro-électrolytiques (natrémie

P. Menecier (*)

Unité daddictologie, Consultation mémoire, Hôpital des Chanaux, boulevard Louis Escande, F-71018 Mâcon Cedex, France

e-mail : pamenecier@ch-macon.fr P. Bernard · E. Odet

Service de chirurgie viscéral, Hôpital des Chanaux, boulevard Louis Escande, F-71018 Mâcon Cedex, France H. Nefti

Service de néphrologie, Hôpital des Chanaux,

boulevard Louis Escande, F-71018 Mâcon Cedex, France L. Menecier-Ossia

Service de gériatrie, Hôpital local, place Gilbert Voldoire, F-01190 Pont de Vaux, France

P. Menecier

Laboratoire SIS (EA 4129) Institut de psychologie, Université Lyon 2

Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:188-190 DOI 10.1007/s13341-012-0168-y

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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138 meq/l, kaliémie 4.2 meq/l). Devant une rapide dégradation clinique avec collapsus, un scanner abdomino-pelvien retrouve un épanchement intra-péritonéal avec une solution de continuité de la paroi antérieure du dôme vésical. Un cys- toscanner confirme le passage du produit de contraste de la vessie dans la cavité péritonéale (Fig. 2). Le traitement chirur- gical per-cœlioscopique avec suture sur 5 cm eut des suites simples.

Un homme de 41 ans, est amené à l’hôpital par les pom- piers, retrouvé inconscient dans la rue, alcoolisé (alcoolémie 4,43 g/l), sans contusion ni ecchymose. Le bilan biologique découvre une hyperglycémie (et un diabète secondaire à une pancréatite chronique sera retenu), et une insuffisance rénale aigue (créatininémie 267μmol/l, urée 9.5 mmol/l) sur réten- tion d’urine (natrémie 140 meq/l, kaliémie 5.9 meq/l). Il se

surajoutait un diabète décompensé : glycémie 12.3 mmol/l.

Un globe vésical de 600 cc est évacué, avec des urines héma- tiques. Au lendemain de l’intoxication éthylique aigue, le patient se plaint de douleurs du bas ventre, avec un abdomen souple, sensible, sans défense. Un uroscanner devant une rétention d’urine avec insuffisance rénale chez un homme jeune ne retrouve pas d’anomalies de l’arbre urinaire, mais un épanchement intrapéritonéal abondant, avec quelques bulles de densité gazeuse, et un épaississement du bulbe duodénal. L’hypothèse d’un ulcère perforé n’est pas retenue et un avis urologique amène à réaliser une cystoscopie qui objective une lésion du dôme vésical, qu’une injection intra- vésicale de produit de contraste confirme en radiologie comme rupture de vessie. La laparotomie (difficile car anté- cédents de plusieurs laparotomies sur pancréatites aigues), retrouve une plaie du dôme vésical de 3 cm, avec une anse grêle accolée réalisant une fermeture de la brèche.

Discussion

Des ruptures spontanées de vessie satellites d’alcoolisations ont été décrites depuis plus de plus de 40 ans. Une revue de bibliographie retrouve au moins 24 publications indexés Medline, rapportant plus de 50 cas différents depuis 1972.

La littérature française rapporte aussi quelques observations [5-7]. Parmi les différentes causes de ruptures de vessies, 20 % seraient imputables à l’alcool [8], parfois répétées chez le même sujet [9], essentiellement au décours d’IEA ou plus exceptionnellement lors de sevrage alcoolique [10].

L’alcool est un facteur favorisant classique de ruptures spontanées de vessies, à côté de possibles altérations de la paroi vésicale associées à diverses affections [5]. Si le carac- tère spontané de ces ruptures a pu être discuté lors d’IEA du fait d’éventuels traumatismes passés inaperçus [7,8], ces tableaux surviennent a priori sans chocs ni traumatismes identifiés. Dans une série de 61 ruptures de vessies entre 1969 et 1983, Renvall et al. ont pu préciser la répartition des causes entre 48 % de traumatismes accidentels, 28 % de traumatismes iatrogènes et 21 % de traumatismes mineurs associés à un abus d’alcool [8]. La discussion entre rupture spontanée stricto sensu ou secondaire à un traumatisme minime passé inaperçu reste ouverte.

La diurèse forcée par des prises liquidiennes abondantes a pu être mise en cause, se surajoutant aux effets anti-ADH de l’alcool. La polyurie associée à l’hyperglycémie ne fait que majorer cela comme dans les trois observations. Un effet favorisant sur la continence, avec des rétentions aiguës d’urine est aussi imputé à l’éthanol lors d’ingestions massi- ves [11], comme à d’autres produits à effet sympathicomi- métiques (cocaïne, métamphétamine… parfois associés) [5,9]. L’éthanol diminue le tonus et la contractilité du détru- sor tout en inhibant la relaxation de l’urètre proximal chez Fig. 1 Vue cœlioscopie : rupture du dôme vésical avec ballonnet

de la sonde urinaire visible

Fig. 2 Temps tardif du scanner, avec opacification vésicale par la sonde urinaire : produit de contraste dans la vessie (1) et extravasation péritonéale (2)

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l’animal [12,13], constituant ainsi une explication aux réten- tions aiguës d’urine associées à des alcoolisations aiguës, et peut-être aux ruptures vésicales. Les effets antalgiques de l’alcool vont de plus diminuer la sensibilité vésicale lors d’une distension, qui est elle-même déjà plus facile [5], les troubles de vigilance (jusqu’au coma éthylique) majorant enfin l’absence de perception de réplétion vésicale douloureuse.

Le diagnostic actuel repose sur l’imagerie : tomodensito- métrie à rayon X (scanner abdominal et uro-scanner princi- palement) ou imagerie par résonnance magnétique nucléaire (IRM : moins accessible en urgence), et parfois cystographie rétrograde [5,7], qui peut d’ailleurs être réalisée lors du scan- ner en cas de doute diagnostique, où elle montre une fuite du produit de contraste dans la cavité abdominale.

La prise en charge initiale doit prendre en compte les par- ticularité métaboliques secondaires à la conjonction de plu- sieurs éléments pathologiques : uropéritoine pouvant induire des élévations de la créatininémie, hyponatrémies et hyper- kaliémies associées à des phénomènes de réabsorption d’urine par le péritoine [14], insuffisance rénale aiguë sur obstacle, avec troubles hydro-électrolytiques surajoutés et alcalose métabolique qui peuvent avoir de multiples origi- nes ; secondaires à des vomissements et à une (sub)occlu- sion, à l’insuffisance rénale, ou à l’alcoolisation elle-même.

Le traitement est préférentiellement cœlioscopique à ce jour [15], hormis lors de lésions proches du trigone ou du trigone lui-même avec atteinte urétérale [6]. Une sonde uri- naire est laissée en place une semaine le temps de la cicatri- sation de la vessie.

Conclusions

Connaitre l’éventualité de ruptures spontanées de vessie dans les suites d’une IEA permet d’éviter des errements diagnostiques, car elles ne sont pas exceptionnelles. Loin de la seule anecdote, cette complication rare des IEA souligne, parmi d’autres éléments, l’utilité à médicaliser l’ivresse [16], en particulier lorsqu’elle arrive dans un lieu de soin comme les urgences hospitalières, et d’éviter toute banalisation ou défaitisme empreint de dégout devant ces situations qui repoussent parfois les soignants.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt

Références

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190 Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:188-190

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