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Texte intégral

(1)

•J-

X

Il V a 1 6 0 0 ans, f des barbares

• Burgondes débar- ,;

quaient sur les >

;

bords du Léman

Cette étrange peuplade au crâneparfo'u déforme venait des bordé du Rhin.

Sur ordre de Rome.

Loin d'apprendre leé parlera germanlqueé aux autochtones,

elle eét devenue latine.

A la recherche

des glaciers invisibles, parce que

souterrains

Le sida:

ce qu'il a changé à la sexualité des Romands

I N T E R V I E W : L ' H E B D O E S T - I L V R A I M E N T « B O N P O U R L A T Ê T E » ?

•pVfliPII D R O I T : U N E N O U V E L L E C O N S T I T U T I O N , Q U ' E S T - C E Q U E

L

U

llll irl^ffl CA C H A N G E ? • L I T T É R A T U R E : S H A K E S P E A R E E S T P A R T O U T

(2)

B C V - C a m p u s

I C o n c o u r s e t a v a n t a g e s H l

I r é s e r v é s a u x é t u d i a n t s

A GAGNER: DES CARTES DE MEMBRE DU MAD ET DES PLACES POUR LE CONCERT DE SENS UNIK A RECEVOIR ÉGALEMENT: DES INVITATIONS POUR DES SOIRÉES ET DES SPECTACLES, POUR DES RENCONTRES INTERACTIVES À L'UNIL, UN BON POUR L'ACHAT D'UN CD...

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Le journaliste entre-t-il en concurrence avec le politicien et l'intellectuel?

Dans son livre, «Bon pour la tête, L'Hebdo?», Didier Erard, assistant à l'Institut de sociologie politique de l'Université de Lausanne, se livre à une analyse approfondie du seul news- magazine romand, comme des valeurs défendues consciemment ou non par les journalistes. Interview de l'auteur de la première étude politologique d'un média romand. Page33

Une nouvelle Constitution?

Pourquoi pas, mais comment la voulez-vous?

Notre loi fondamentale, qui date de 1848, pourrait être révisée. Du moins, certains juristes l'espèrent. Mais la procédure traîne en longueur. Parce que derrière les modifications qui pourraient être apportées à la formu­

lation des articles se dissimulent des enjeux de société. Parfois polé­

miques.

Explication) d/tailUu, page 12

IMPRESSUM

Allez savoir!

Magazine de l'Université de Lausanne

№ 6, octobre 1996 Tirage 20 000 ex.

Rédaction:

Service de presse de l'UNIL

Axel-A. Broquet resp., Florence Klausfelder BRA, 1015 Lausanne-Dorigny

Tél. 021/692 20 71 Fax 021/692 20 75

Internet: http:/www.unil.ch, rubrique journaux et magazines de l'UNIL.

Rédacteur responsable: Axel-A. Broquet Conception originale et coordination:

Jocelyn Rochat,

journaliste au Nouveau Quotidien Ont collaboré à ce numéro:

Jérôme Ducret, Sylvie Fischer, Thierry Meyer, Alexandra Rihs, Matthias Wirz, Véronique Zbinden Photographes: Nicole Chuard, Alain Herzog Dessins: Enrico

Correcteur: Albert Grun Concept graphique:

Richard Salvi, Territet/Montreux Imprimerie et publicité:

Presses Centrales Lausanne SA Rue de Genève 7, 1003 Lausanne Tél. 021/ 320 59 01

Photos de couverture:

Burgondes: Musée cantonal d'archéologie et d'histoire de Lausanne/Fibbi Sida: DR

Glaciers: DR.

Sommaire

Edito page 2

I1STOIRE

Les Burgondes, ces Barbare** qui nous ont permis

de rester latins page 3

Les crânes déformés page 7 La loi Gombette page 8 Le saint assassin page 9

Une nouvelle Constitution? Pourquoi pas,

mais comment la voulez-vous? page 12

Au tait, à quoi ça sert? page 13 Interview du professeur Etienne Grisel page 14

• • • H H B H H H H H H H H B H H H

A la recherche des glaciers invisibles

Les secrets du permafrost page 19 Les glaciers vont-ils disparaître? page 24 IliiliM

L'après-révolution sexuelle s'appelle Stop Sida

Qui sort couvert? page 26 Le test du sida, rite de passage d'aujourd'hui? page 32

Didier Erard: «Le journaliste s'affirme

de plus en plus comme un concurrent du politicien

et de l'intellectuel» page 33

«L'Hebdo», bon pour la tête? réponse en page 34

A la recherche de Shakespeare page 39

Shakespeare, l'UNIL et le cinéma page 40 Le mystère Shakespeare page 44

La vache folle ou le déclin de la raison sacrificielle

Le point de vue de Mondher Kilani,

professeur à l'Institut d'anthropologie et de sociologie page 46

WÈÊÊKÊÈÊÈÊÈÊËÊÈËÊÊÊÊÊÊÊÊÊËÊËÈÊËÈÊÊÊÈÊÊA

L'ouverture au monde de l'UNIL:

dernières nouvelles en bref page 50

Accords bilatéraux de l'UNIL page 51

D'ERASMUS à SOCRATES page 51

Qui fait quoi dans le secteur des Relations internationales? page 53

Tournesols helvétiques dans le dédale européen page 54

Des écus pour l'Euroguichet page 54

Abonnez-vous, c'est gratuit page 56

(3)

Edito

LE PASSÉ CHANGE TOUT LE TEMPS!

LES HISTORIENS Y TRAVAILLENT

L'image qu'on se fait du passé, de notre histoire, a la forme floue d'un lointain souvenir scolaire. Ce sont des dates, des noms de c h a m p s de bataille, des périodes, des civilisations et des empires qui se suc­

cèdent. Pour les plus jeu­

nes, ces souvenirs prennent

la forme d'une vision plus sociale de l'histoire. Ce sont alors des anecdotes concernant la nourriture des p a y s a n s au M o y e n - A g e , leur manière de se vêtir, les a n i m a u x qu'ils élevaient à la ferme et le poids g é n é r a l e m e n t e x o r b i t a n t des impôts dont ils devaient s'acquitter.

O u ils soient chronologiques ou so­

ciaux, ces souvenirs datent. Depuis la fin de notre scolarité, l'histoire a bien changé. Pas forcément parce que des révisionnistes animés d'inavouables intentions politiques l'ont réécrite, mais parce que la recherche progresse.

D e nouvelles tombes ont été décou­

vertes, d'autres inscriptions funé­

raires antiques ont été déchiffrées, des pièces de monnaie supplémen­

taires ont été a n a l y s é e s , des poteries inconnues ont été a r r a c h é e s a u x g r a ­ v a t s et des manuscrits méprisés jusqu'alors ont enfin attiré l'attention d'un traducteur.

L'ensemble de ces trouvailles, repen­

sées et réinterprétées, a modifié la vision que nous nous faisions de notre passé. M a i s la plupart du temps, ces réinterprétations restent propriétés d ' h i s t o r i e n s . De p e t i t s c e r c l e s savants, de c u r i e u x ou de privilégiés.

Et pour que les idées nouvelles fas­

sent leur chemin entre ces initiés et le g r a n d public, il se passe g é n é r a l e m e n t une bonne vingtaine d'années.

Le temps nécessaire pour q u ' u n e autre génération découvre à son tour, sur les bancs d'école, des m a n u e l s d ' h i s t o i r e r e m o d e l é s . Et q u ' e l l e a p p r e n n e à s e s p a r e n t s un soir à table que le passé est autre.

A y a n t la chance d'être édité bien plus souvent qu'un nouveau manuel d'his­

toire, c'est volontiers q u ' « A l l e z sa­

voir! » se charge de faire bénéficier ses lecteurs du résultat de ces recherches historiques de pointe. Ainsi, d a n s ce numéro, nous vous révélons le passé b a r b a r e de la S u i s s e r o m a n d e . G r â c e a u x t r a v a u x patients de J u s ­ tin Favrod, un « â g e obscur» de notre histoire est soudain éclairé d'une lumière nouvelle. Alors qu'on imagi­

nait que le déclin de Rome signifiait pour nos contrées paisibles l'arrivée de hordes s a u v a g e s a u x parlers ger­

m a n i q u e s , on découvre les Bur- gondes. Des Germains, certes, mais qui respectent les coutumes locales, qui cherchent une manière h a r m o ­ nieuse de vivre avec les autochtones, qui se mettent à parler le latin et qui sont même allés se faire massacrer par Attila, pour défendre les bords du L é m a n . Des Germains g r â c e à qui nous sommes restés latins.

U n e p r e u v e de plus qui montre que l'on a u r a toujours tort d'imaginer le passé sur la base des préjugés de son époque.

Jocelyn Rachat

2 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

H I S T O I R E

Les Burgondes

Ces Barbares méconnus qui nous ont permis de rester latins

t^jii venant d 'implanter dur led rived du lac Léman, verd 443 aprèd Jédud-

Chrut, led Burgonded ont reçu ded Romaine la middion de défendre la région lémanique (maid auddi led routed qui mènent en Italie) ded incurdiond ded Hund, Alamand et autred Barbared. Ce faidant, led Burgonded ont empêché leur nouveau territoire de badculer dand l'univerd germanique. Grâce à eux,

et à leurd effortd

d'adaptation rapide, la Suidde romande edt redtée... romande!

Magnifique et trè.< rare casque de guerre burgonde,

découvert à Vézeronce (I.iire) ,mr le lieu d'une bataille que ,<e ,iont livré.' Franc.) et Burgono'e.i en 524

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 3

(4)

H I S T O I R E : L e s B u r g o n d e s , c e s B a r b a r e s m é c o n n u s

P

our la plupart d'entre nous, les Burgondes représentent un loin­

tain souvenir scolaire. Q u e l q u e s lignes dans un manuel d'histoire, d'ailleurs fort incomplètes, sur ce peuple « b a r b a r e » mal connu qui s'est installé sur les bords du Lac Léman vers 443 après Jésus-Christ. Une peu­

plade venue des rives du Rhin pour s'installer entre Genève, N y o n et Avenches, dans un territoire nommé Sapaudia, et cela sur l'ordre d'un géné­

ral romain.

Peuple sans historien, les Burgondes ne sont pas tout à fait sans histoire. Cer­

taines allusions d'auteurs antiques, des notices de chroniqueurs, des lettres de contemporains, des Vies de saints ou des textes législatifs, ecclésiastiques et témoignages épigraphiques, permet­

tent de reconstituer quelques morceaux du puzzle. «Contrairement à une idée reçue, les documents portant sur cette époque sont nombreux, mais ils sont

Justin Favrod, historien et auteur d'une thèse sur les Burgondes, défendue récemment à la Faculté des lettres

de l'Université de Lausanne

d'un usage difficile, parce qu'ils ne par­

lent des Burgondes que par allusions », note J u s t i n Favrod, auteur d'une thèse sur le sujet, défendue récemment à la Faculté des lettres de l'Université de Lausanne («Histoire politique du royaume burgonde, 443-534», qui sera prochainement publiée dans la Biblio­

thèque Historique Vaudoise).

Des envahisseurs venus du Nord

On sait peu de choses sur les Bur­

gondes avant 4 1 1 . Notamment parce qu'ils étaient séparés des Romains (notre source principale) par les Ala- mans, un autre peuple «barbare» qui jouera un rôle important dans le des­

tin de la future Suisse. Les Burgondes faisaient partie de ces envahisseurs venus du Nord (peut-être de la Scan­

dinavie, puis des bords de la Baltique, puis de l'Oder et de la Vistule) dont

l'arrivée vers les frontières, le tameux

«limes», a fini par inquiéter un empire romain déclinant.

En 4 1 1 , un roi burgonde du nom de Gondichaire participe à la proclama­

tion, sur le Rhin, du nouvel empereur romain, un certain J o v i n . M ê m e si ce dernier fut rapidement pris, destitué et exécuté, il eut tout de même le temps d'offrir des terres aux Burgondes, avec, à la clé, le statut de fédérés au sein de l'empire romain. «Les Burgondes avaient alors le droit de suivre leurs chefs et voyaient leur subsistance assu­

rée. En contrepartie, ils devaient ser­

vir dans l'armée romaine et protéger leur portion de frontière contre d'autres barbares», relève J u s t i n Favrod.

Quel était ce territoire? La question a suscité des débats interminables, parce qu'elle est liée à la célèbre épo­

pée des Niebelungen, que les Bur­

gondes auraient inspirée.

4 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

Sur les bords du lac Léman, vers 434 après J.-C, arrivent les Burgondes.

Ces immigrants germains sont chargés par Rome de défendre ce territoire contre les autres Barbares

Des Barbares pour se protéger des Barbares

Les sources se taisent jusqu'en 435.

Sans doute parce que les Burgondes ont paisiblement gardé leur morceau de frontière. M a i s cette année-là, les guerriers du Nord quittent le territoire qui leur était attribué pour tenter de conquérir une partie de la Gaule bel- gique. Une tentative stoppée net par le général romain Aetius, qui taille les Burgondes en pièces.

En 443, pourtant, ce même Aetius permet la naissance du royaume bur­

gonde, en octroyant des terres aux sur­

vivants. Le Romain organise alors la migration des Burgondes du Rhin vers les bords du Léman, et plus particu­

lièrement dans trois cités: Genève, Nyon et Avenches. Pour se mettre en paix avec sa conscience, suite au mas­

sacre qu'il avait préalablement infligé aux Burgondes?

«En fait, Aetius se montrait habile, estime J u s t i n Favrod. Il ne concédait pas une région vitale sur le plan éco­

nomique. Les Gallo-Romains qui l'ha­

bitaient (réd. des Gaulois romanisés) continuaient à dépendre de l'adminis­

tration romaine quand elle était assez forte pour se faire entendre. L'idée d'Aetius était de placer une garde sur un axe routier sensible, notamment le col du Grand-St-Bernard (accès à l'Ita­

lie) et le col de J o u g n e (vers Vallorbe).

Ainsi placés, les Burgondes pouvaient stopper une éventuelle progression des Alamans. En attribuant ce nœud rou­

tier à un barbare pas trop puissant, Aetius économisait des garnisons en assurant la sécurité de vastes zones.»

J u s q u ' à l'anéantissement de leur nouveau royaume, en 534, les Bur­

gondes vont jouer le rôle attribué par Aetius: s'opposer aux Barbares venus du Rhin et protéger les cols. Etre une moyenne puissance au rôle stratégique.

Un Etat-tampon entre Francs et Ostro­

goths. Un royaume trop peu puissant pour menacer ses voisins, mais suffi­

samment important pour servir d'obs­

tacle entre l'Italie, la Gaule tranque et l'Alamania. Une position intenable que les Burgondes ont toutefois tenue près d'un siècle.

Un siècle durant lequel un univers aura basculé. Les rivages du Léman seront définitivement sortis de l'orbite romaine, pour entrer dans un nouvel âge: l'après-Rome. Le Moyen-Age.

Des arrivants bien exotiques

L'une des principales missions poli­

tiques des rois burgondes tut de créer une cohésion entre des autochtones romanisés et très largement majori­

taires, et des guerriers germaniques, peu nombreux mais influents. Car les Burgondes ne sont pas arrivés par cen­

taines de milliers en Sapaudia, nom de

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 5

(5)

H I S T O I R E : L e s B u r g o n d e s , c e s B a r b a r e s m é c o n n u s

Cette inscription provient de l'ancien couvent de St-Offenge, à Lugrin, en Haute-Savoie.

Il s'agit d'une inscription funéraire, datant de 527 ap. J.-C, qui mentionne le nom

du roi burgonde Godomar

ce nouveau territoire lémanique que Rome leur commandait de partager avec les autochtones. «Déjà minori­

taires au départ, lorsque le royaume ne compte que trois cités, les Burgondes sont encore plus minorisés lorsque la Burgondie s'aggrandit considérable­

ment, vers 500, et qu'elle compte 25 cités», estime J u s t i n Favrod.

Ces soldats et leurs familles ont dû p a r a î t r e bien exotiques a u x autoch­

tones qui peuplaient la vallée du Rhône. Les B u r g o n d e s parlaient en l a n g u e g e r m a n i q u e et avaient des coutumes fort différentes. Prenez le mariage, par exemple. Alors que dans la cérémonie romaine qui a cours sur les bords du Léman, la dot est ver­

sée p a r la famille à l'époux, le Bur­

gonde, lui, achète sa femme. S a n s parler des condamnations farfelues que les B a r b a r e s ont pour habitude d'édicter. La punition du voleur de chien, qui consistait à devoir e m b r a s ­ ser l'arrière-train de la bête en public, a dû s u r p r e n d r e plus d'un Gallo- Romain.

La Gaule s'est lentement détachée de Rome

Comment les autochtones ont-ils réagi à cette invasion ordonnée? «Deux courants traversaient l'aristocratie gauloise. Le recours aux Barbares, qui offrent une autonomie à la Gaule par rapport au pouvoir de Rome, a attiré les sympathies de certains. D'autres voyaient l'arrivée des Burgondes comme une menace pour la romanité.

Tous.avaient raison, répond l'historien.

La Gaule s'est lentement détachée de Rome pour ne plus dépendre que des rois barbares.»

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pERV t r

Reste, modère J u s t i n Favrod, que le recours aux mercenaires barbares permit aussi à la région d'échapper à un grand fléau. Le Fléau de Dieu, le Hun Attila, que le général romain Aetius et les rois barbares fédérés (dont les Burgondes venus des bords du Léman qui ont payé un lourd tribut dans ce conflit) mirent en déroute lors de la bataille des Champs catalau- niques, en 4 5 1 .

Des Barbares utiles mais infréquentables

Dans ce choc des cultures, qui des Burgondes ou des indigènes léma- niques allait l'emporter? « L a fusion entre les Burgondes et les autochtones s'est faite dans le sens d'une romani- sation des Barbares. Ils ont appris le latin, ont adopté le rites funéraires et la religion chrétienne des populations locales», relève J u s t i n Favrod. Les

Ce crâne déformé, de la période 450-500 ap. J.-C, a été découvert à Dully. On en a retrouvé de

nombreux <mr le,i bords du Léman, liés à l'arrivée des Burgondes

archéologues rencontrent ainsi de grandes difficultés pour différencier les tombes des Burgondes de celles des Gallo-Romains de la même époque.

Seules les fameuses tombes à tête modi­

fiée (voir encadré ci-contre) font exception. Mais il s'agit de Burgondes de la première génération, cette cou­

tume disparaissant très rapidement.

De leur côté, les aritocrates indi­

gènes commencent par ignorer les nou­

veaux-venus. «S'ils voient l'utilité des Barbares, ils ne voulaient pas être mêlés à eux, note J u s t i n Favrod. Ils vivaient donc comme avant, vaquaient à leurs occupations mais étaient déten­

dus par d'autres. Et les princes bar­

bares, qui étaient conscients de ne rien pouvoir imposer par la lorce, jouaient le jeu, ce qui explique la gentillesse attribuée aux Burgondes. Un roi comme Hilpéric écoutait les conseils que les nobles locaux donnaient à son épouse catholique, il mangeait avec l'évêque, dotait les monastères du J u r a et recherchait les titres romains.»

En fait, les rois burgondes n'appor­

teront de modification au paysage tra­

ditionnel que lorsqu'il faudra définir les modalités de la cohabitation entre indi­

gènes et nouveaux-venus, particuliè­

rement dans le domaine des lois (lire l'encadré en page 8 ) .

Un royaume dépecé pour cause de problèmes familiaux

Pendant longtemps, les Gallo- Romains des bords du Léman se sont considérés d'abord et surtout comme des Romains. Le nouveau royaume burgonde n'avait d'ailleurs pas de nom.

En fait, on ne commence à parler de Burgondie que lorsque cette entité poli-

6 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

es archéologues identifient les premiers cimetières b u r ­

gondes grâce à la présence d'individus au crâne déformé. La majorité des ossements particuliers ont été découverts sur les rives du Léman, notamment à Genève, N y o n ,

Genolier, St-Prex, Lausanne et La Tour-de-Peilz.

Une coutume barbare voulait en effet que le crâne des enfants soit déformé pour des raisons esthétiques. Les ossements modifiés proviennent en majorité de femmes. Cette pratique venue d'Orient avait cours chez les peuples nomades. «Il est donc tentant de supposer que ces crânes déformés ont appartenu à des individus étran­

gers qui se sont associés aux Bur­

gondes par mariage, dit Justin Favrod. On peut penser aux Alains, peuple d'origine iranienne qui est entré en contact avec les Burgondes sur le Rhin. Les Burgondes n'étaient en effet pas un peuple au sens géné­

tique. Toute personne qui recon­

naissait les rois et les lois burgondes faisait partie du peuple.» Q u o i qu'il en soit, cette p r a t i q u e de la défor­

mation des crânes n'a pas perduré.

Elle semble même disparaître très rapidement dès la fondation du royaume.

Etendue probable de la Sapaudia,

au moment de l'arrivée des Burgondes, vers 434 ap. J.-C.

NV °n • Lac Léman Genève •

Le territoire burgonde

à son expansion maximum. \~« Langres vers 517 ap. J.-C.

• Nevers

Genève •

Lyon •

• Vienne

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 7

(6)

H I S T O I R E : L e s B u r g o n d e s , c e s B a r b a r e s m é c o n n u s

Ce bijou est une «fibule ansée», ou agrafe de vêtement,

découverte en 1989 à La Tour-de-Peilz.

Ces bijoux étaient caractéristiques de la femme burgonde

La loi G o m b e t t e

L

e roi burgonde Gondebaud tenta, entre 500 et 506, de donner une coloration plus romaine aux lois barbares. «Gonde­

baud cherchait à rendre viable son royaume, notamment en consolidant l'entente entre les différentes com­

posantes», analyse Justin Favrod. En édictant sa loi Gombette, le monarque cherchait à éviter les heurts entre indigènes et Bur­

gondes. Il voulait surtout éviter que ses «compatriotes» profitent de leur situation pour abuser des Gallo- Romains.

Gondebaud va ainsi adopter des peines ou «wergeld» (litt. le prix d'un homme) similaires pour tous les habitants du royaume. Il en coûtera désormais autant si on tue un Bur­

gonde ou un Romain. Idem pour une dent cassée. On note aussi un article interdisant à un Burgonde d'envoyer un ambassadeur étranger de passage manger et dormir chez un Gallo- Romain, histoire de faire des écono­

mies. La preuve que de telles pra­

tiques existaient.

Ces aquarelles de S. Kohler permettent de voir comment étaient portées les nombreuses fibules retrouvées par les archéologues.

Ici, une Burgonde de la génération des immigrés (Ht. de gauche) et une Burgonde romanisée

tique disparaît. Notamment vers 530, lorsque le royaume vit ses dernières années en faisant face aux attaques suc­

cessives des Francs et des Ostrogoths.

Ayant fait assassiner son fils, le roi burgonde Sigismond, qui est encore devenu saint (voir ci-contre, en page 9), déchaîne la colère d'autres rois ger­

maniques. Et par le jeu des liens fami­

liaux, une série de raids vengeurs met­

tent le royaume à genoux.

Le successeur de Sigismond, Godo- mar, ne pourra empêcher la dislocation du royaume. Entre 523 et 534, les

Francs qui ont à leur tête des rois méro­

vingiens vont conquérir les terres bur­

gondes. Les Mérovingiens, qui se par­

t a g e n t les t e r r e s de Godomar, découvrent alors les signes d'une natio­

nalité burgonde. Les habitants du royaume se considèrent comme un peuple et veulent être considérés comme tels. «Le lent processus d'assi­

milation des Burgondes a quand même

fini p a r d o n n e r des r é s u l t a t s » , remarque J u s t i n Favrod.

Ce n'est donc qu'avec le traité de Verdun (en 843) que la Burgondie fut définitivement partagée en deux par­

ties par les Francs, et qu'elle ne lut, dès lors, plus jamais recréée. « S u r les cendres du royaume naquirent encore plusieurs Bourgognes, mais elles n'avait plus rien à voir avec le royaume de Gondebaud», conclut l'historien.

Quel héritage?

Si les Francs sont considérés comme les fondateurs lointains de la France, le royaume suève préfigure le Portugal et celui des Wisigoths annonce l'Espagne, les Burgondes, eux, ne sont à l'origine d'aucun Etat moderne. Ni de la Bourgogne, ni de la Savoie médiévale (dont seul le nom, Sapaudia, restera), et encore moins de la Suisse romande, comme l'ont cru cer-

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

Haches de guerre burgondes

L e s a i n t a s s a s s i n

Sigismond devient roi de Genève vers

505-506,

alors que son père Gonde- baud est encore roi des Burgondes, mais qu'il reste basé à Lyon.

Rapidement, Sigismond se convertit au catholicisme (jusque-là, comme la plu- part des Burgondes, il était hérétique).

Il est alors l'un des premiers Burgon- des de haut rang à faire ce geste.

Devenu catholique, Sigismond mène une politique religieuse très active. Il entreprend notamment de rénover la cathédrale de Genève, puis fonde le grand monastère d'Agaune, près de l'actuelle ville de St-Maurice, qu'il inaugure le 22 septembre 515.

«Ayant doté le monastère d'impor- tantes richesses, le roi y institua une pratique d'origine orientale, la

« un geste politique et religieux sans précédent»

Louange perpétuelle. Dirigés par six anciens abbés et un prêtre, sept grou- pes de moines devaient assurer une psalmodie ininterrompue à la louange de Dieu», raconte Justin Favrod.

Sigismond confie encore le titre de premier abbé à un Burgonde converti nommé Hymnémode. Un geste politi- que et religieux sans précédent chez les Barbares, qui devait encore inciter

ses compatriotes à se convertir. En 516, à la mort de Gondebaud, Sigis- mond succède à son père. Peu après son accession au trône, le nouveau roi fait cependant une grosse erreur poli-

tique: il fait assassiner son fils Ségéric pendant sa sieste. Peut-être parce qu'il complotait pour prendre sa place, peut-être à cause des calomnies de sa femme, la belle-mère de Ségéric.

Par le jeu des liaisons familiales, Sigis- mond se brouille ainsi avec de puis- sants princes barbares qui obtiendront sa tête moins d'une année après cet infanticide. Cette triste fin n'empêcha cependant pas Sigismond de devenir saint quelques années plus tard. Sa politique religieuse comme les lieux de culte de Genève et St-Maurice valaient sans doute bien un billet pour le paradis.

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 9

(7)

H I S T O I R E : L e s B u r g o n d e s , c e s B a r b a r e s m é c o n n u s

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

4

-If" ^

4

tains historiens du X I Xe et de la pre­

mière moitié du X Xe siècle.

Pour J u s t i n Favrod, «ces historiens étaient encouragés par quelques pas­

sages dans les sources, qui, sortis de leur contexte, suggéraient que les Bur­

gondes étaient des Barbares plus doux que les autres. On pouvait ainsi les opposer aux Alamans que certaines sources dépeignent comme des bêtes féroces, et déduire que les Burgondes avaient protégé la civilisation en Suisse romande, tandis que les Suisses alle­

mands plongeaient dans la barbarie.»

Et d'ajouter que la Suisse de langue française ne constitua jamais un ensemble homogène. «Tout au plus

peut-on admettre que la présence res­

pective des Burgondes et des Alamans sur le Plateau suisse a déterminé à long terme la frontière des langues.» Les Burgondes permettant à une partie de la future Suisse de rester dans l'orbite latine, alors que l'autre partie, sous l'influence des Alamans qui ont pro­

gressé sur le Plateau suisse jusqu'au V I Ie siècle, passait dans le monde ger­

manique.

Jocètyn Rachat

R e m e r c i e m e n t s

La plupart des illustrations de ce dossier proviennent du Musée cantonal d'archéologie et d'histoire de Lausanne.

On trouve une bonne partie de ces photos dans un fascicule in- titulé «Archéologie du Moyen- Age». On peut acheter cet ou-

vrage fort utile à la sortie du inusée, au Palais de Rumine, où sont encore exposées guel- gues belles pièces burgondes, dont le fameux crâne de jeune fille artificiellement allongé.

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Une nouvelle Constitution?

Pourquoi pas, mais comment la voulez-vous?

j^/otre loi, quidate de 1848, pourrait être révisée. Du moins, certains juristes L'espèrent. Mais La procédure traîne en Longueur. Elle n'aboutira peut-être jamais. Parce que derrière les modifications qui pourraient être apportées à

la formulation des articles se dissimulent des enjeux de société. Parfou polé- miques. Explications détaillées.

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Réforme da la Constitution fédérale

•1 Introduction

«Projet de Commotion o TeaecomtiMionneuvecwiartes o TeNe de^maHère»

o RéTorrnc dea droga oopurejrea o Pel amie

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o Notes o Tebte de concordance

£• Expose des molila

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o tAaeaiour du drat constitutionnel

° Cementare d.u peçje' fleCon;^ utian o varient ea o Retc-.Tv i> zo" :•• piastre? o Retorme deleinage

•Aerèvielion»

«Questionnaire

«Devnloading binôme Peoe

iiteatton» el commenteree Re^aioneBO cjpdinel ch

O

ui aurait cru que la révision de la Constitution, un sujet à première vue plutôt aride et réservé à quelques juristes, passionnerait autant le public?

Notre loi fondamentale date en effet de 1848. S a nouvelle mouture, proposée par le Département fédéral de justice et police, s'est diffusée comme un roman à succès au sein de la popula­

tion. 170'000 exemplaires ont été demandés, et plus de 8 000 personnes ont par la suite communiqué leurs remarques a u x rédacteurs. Grâce à l'Institut de Droit comparé, ce texte a même été mis à disposition sur le ser­

veur Internet de l'Université.

Depuis, le débat s'est encore animé entre ceux qui, comme le pamphlétaire Beat Kappeler, estiment cette «réfor- mette» inutile pour sortir la Suisse de sa léthargie, et ses partisans qui espè­

rent qu'elle «renforcera la cohésion du pays». A la fin de l'année, le projet défi­

nitif sera connu.

Au fait, à quoi ça sert?

M a i s au fait, à quoi doit servir une Constitution? «S'il s'agit de résoudre les problèmes nouveaux posés par le chômage ou l'environnement, ce n'est pas le bon moyen», avertit Etienne Gri- sel, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Lausanne, avec qui

«Allez savoir! » s'est entretenu (voir ci- dessous). «Elle ne peut assurer l'Etat social, résoudre la question européenne ou assainir les finances», renchérit le conseiller fédéral Arnold Koller, sou­

cieux d'endiguer l'inquiétude des patrons. M a i s il ajoute: «En sensibili­

sant les gens à ces questions, elle va en favoriser la résolution à moyen terme».

Le diable est dans les détails

La Constitution actuelle règle des questions ayant trait au régime poli­

tique de la Suisse. Elle dit combien de signatures sont nécessaires pour lan-

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

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D R O I T : U n e n o u v e l l e C o n s t i t u t i o n , q u ' e s t - c e q u e ç a c h a n g e ?

Etienne Grisel, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Lausanne

doxalement, en voulant hger un droit constitutionnel vivant, les rédacteurs de la révision se montrent peut-être plus conservateurs que leurs adver­

saires.

Allez savoir!:

Etienne Gruel, dans quelques mois, on devrait connaître le projet de révision de notre Constitution, assorti du Message du Conseil fédéral.

Pourquoi ressent-on aujourd'hui le besoin de du poser d'une nouvelle loi fondamentale?

Etienne Grïsel: La Constitution sert à réglementer l'action de l'Etat. Dans un pays comme le nôtre, cela signifie résoudre les problèmes de compétences entre Confédération et cantons, insti­

tuer les instruments de la démocratie directe (référendum, initiative popu­

laire) et définir les Droits de l'homme.

La Constitution actuelle fait tout cela.

La Constitution ne dit pas comment résoudre les problèmes posés par le chômage

cer une initiative populaire, pour réagir par référendum contre un projet de loi.

Elle institue l'existence d'un Parlement à deux chambres, le Conseil national et le Conseil des Etats, elle pose un gou­

vernement collégial de sept membres, le Conseil fédéral. Chacun de ces élé­

ments, comme un puzzle, dessine le visage d'un régime qui n'est au­

jourd'hui fondamentalement contesté par personne, y compris parmi les par­

tis les plus extrémistes, constate encore le professeur Grisel.

C'est donc dans les détails, dans ce qui touche à la rédaction de ses articles vieillis, enrichis de multiples règles tirées de la jurisprudence (l'article 4, sans que son texte le sous-entende en aucune façon, est invoqué par exemple lorsqu'il s'agit d'assurer à un prévenu démuni l'assistance d'un avocat), qu'il s'agit de la réformer.

L'exercice est périlleux, comme le démontre notre interlocuteur. E t p a r a -

I l y a cependant des lacunes concer­

nant les libertés individuelles - la liberté d'expression, la liberté personnelle et la liberté de réunion sont certes recon­

nues en pratique, mais ne figurent pas en toutes lettres dans le texte. Notre Constitution, qui a été modifiée plus de cent fois depuis 1874, a un aspect hété­

roclite. Son plan n'est pas bon: jusqu'à l'article 70, le chapitre premier mélange des thèmes ayant trait à l'armée, à l'éga­

lité, aux tâches de l'Etat, à la sécurité sociale. On ne sait pas où trouver les choses! D'autres articles sont désuets.

L'article sur les apatrides, par exemple, n'est plus appliqué depuis longtemps.

D'autres encore, comme l'article sur la procréation artificielle et le génie géné­

tique, sont beaucoup trop détaillés - presque une page- pour une loi fonda­

mentale.

Des pays européens voisins onl-ils ce même problème?

Leur situation n'est pas la même. La plupart des pays qui nous entourent ont une Constitution postérieure à la Seconde Guerre mondiale. Et surtout, ils la modifient beaucoup moins sou­

vent. En Suisse, à chaque fois que l'on veut modifier les impôts, ou que l'Etat veut se fixer une tâche nouvelle, on doit réviser la Constitution. En outre, pour assurer un vote positif devant le peuple, les articles sont de plus en plus précis, car il faut tenir compte des multiples courants d'opinion. Cela a pour consé­

quence des dispositions trop détaillées, par exemple concernant les assurances sociales ou le troisième pilier.

Quelle serait la portée d'une réforme de la Constitution?

On peut réviser la loi de deux manières: on peut changer sa seule forme - ce que j'appellerais une «opé­

ration cosmétique»- ou on peut en

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

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D R O I T : U n e n o u v e l l e C o n s t i t u t i o n , q u ' e s t - c e q u e ç a c h a n g e ?

modifier le fond. Le Départe­

ment fédéral de justice et police a décidé de faire les deux choses en même temps.

Son avant-projet, publié en juin 1995, prévoit à la fois une révi­

sion qui prétend n'être que purement formelle, et une révi­

sion portant sur le fond, qui veut modifier la

Constitution par paquets, en com­

mençant par le f o n c t i o n n e m e n t des droits populaires et du Tribunal fédéral. Si le Parle­

ment accepte le projet «cosmé­

tique», on pourrait voter en 1998, pour le 1 5 0e anniversaire de l'Etat fédéral. S'il se saisit du fond, cela peut prendre encore dix a n s !

Pourquoi parlez-vous d une

révision «prétendumentformelle» ?

Parce qu'il est tout simplement impossible de faire une révision pure­

ment formelle. Quand on change les mots d'un texte, on modifie également son sens. Celui qui sera chargé de la rédaction du nouveau texte doit for­

cément faire des choix controversés.

Prenons l'exemple de l'article 18 est,

«tout Suisse est tenu au service mili­

taire». Qu'entend-on par «Suisse»? le texte de l'avant-projet résout la ques­

tion: «uniquement les hommes». Cette interprétation est conforme à celle rete­

nue actuellement, mais c'est oublier un peu vite l'arrêt du Tribunal fédéral qui impose que l'article sur l'égalité entre hommes et femmes (4 al.2cst) l'emporte sur les normes antérieures. J u r i d i q u e ­ ment, à mon avis, la question n'était pas tranchée et le rédacteur du nouveau texte, de sa propre initiative et sans demander au peuple son avis, l'a fait.

Cette révision formelle, en figeant le droit constitutionnel, est à la fois

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

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D R O I T : U n e n o u v e l l e C o n s t i t u t i o n , q u ' e s t - c e q u e ç a c h a n g e ?

L'article 9 al.l de l'avant-projet dit que «Toute personne a droit à la vie».

Il pourrait être invoqué par les comités anti-avortement

conservatrice et dangereuse du point de vue de la sécurité du droit. Pour chaque thème abordé, il faudra se demander si la rédaction du nouvel article introduit une modification du sens de la loi ou non.

Dans d'autres articles modifiés par l'avant-projet, les choix politiques du chef du Département fédéral de justice et police, le

démocrate-chrétien et catholique Arnold Koller, seraient même

lijil)les selon vous?

Quel que soit le talent du rédacteur, on ne peut résumer une jurisprudence nuancée en quelques lignes. Et il y a des changements subreptices qui sont lourds de sens. Par exemple, dans le domaine des libertés non écrites:

l'article 9 al. 1 de lavant-projet, qui dit que «Toute personne a droit à la vie», va certainement être invoqué par les

comités anti-avortement. Or le peuple et les cantons ont refusé de reconnaître sous cette forme le «droit à la vie», ce dont le texte ne rend pas compte.

Prenons un autre exemple: la Cons­

titution actuelle parle des vingt-trois cantons s u i s s e s , dont trois sont parta­

gés en demi-cantons. Dans l'avant-pro- jet, la mention des demi-cantons dis­

paraît et on énumère simplement l'existence d e . . . vingt-six cantons, dont six ont un statut diminué. M a i s celui- ci devient alors incompréhensible. On a l'air de ne pas changer grand-chose, mais politiquement, c'est intéressant.

(Arnold Koller, qui vient d'Appenzell Rhodes Intérieures, est sans doute favorable à un meilleur statut des demi- cantons,

ndlr).

Seriez-vous un partisan du statu quoi

J e ne dis pas cela. Concernant la révision de fond, je pense que le volet

qui concerne les droits populaires est mal venu, ne serait-ce que parce qu'il réduit le droit d'initiative en portant de ÎOO'OOO à 200'000 le nombre de signa­

tures nécessaires.

En revanche, le chapitre sur la réforme de la justice est des plus néces­

saires et urgent. Il prévoit un recours général au Tribunal fédéral, qui n'existe pas actuellement, et le contrôle de constitutionnalité des lois fédérales, qui devient indispensable. Un seul exemple de loi contraire à la Constitu­

tion? La loi sur la discrimination raciale. Autant il est inadmissible d'insulter un peuple ou une race, autant le fait que l'on ne puisse utiliser un terme différent de celui de «génocide»

ou faire des recherches historiques por­

tant sur le nombre des victimes de la Shoah me semble contraire à la garan­

tie de la liberté d'expression.

Sylvie Fischer

1 8 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

A la recherche des glaciers invisibles

mal connue, Les phéno- mènes périq lactaires

r

«y

(permafrost, glaciers rocheux) révèlent peu à peu leurs secrets. Une

tentative pour modé- liser Leur distribution en Suisse occidentale, mieux comprendre l'é- volution climatique de nos régions, voire pré- venir des catastrophes naturelles.

A

utant les plus grands glaciers de Suisse sont suivis attentivement par les scientifiques depuis le milieu du siècle dernier, date à laquelle ils ont commencé de régresser, autant les phé­

nomènes de type périglaciaire ont été négligés jusqu au début des années sep­

tante. Il est vrai que les premiers ont l'inestimable avantage d'être visibles (et même spectaculaires) et répertoriés sur des cartes. En revanche, le perma­

frost (ou pergélisol, selon la termino­

logie en vigueur en France) et les gla­

ciers r o c h e u x sont difficilement identifiables, et leur apparence n'a rien d'impressionnant. Conséquence, qui explique aussi l'absence de documen­

tation historique en matière périgla­

ciaire, l'étude du permafrost est plus longue et plus onéreuse que celle des glaciers.

Autre différence, si les glaciers représentent, pour certains du moins, un enjeu économique en permettant

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 1 9

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S C I E N C E S : A la r e c h e r c h e d e s g l a c i e r s i n v i s i b l e s

de l'Université de Lausanne

une exploitation pour un domaine skiable, l'intérêt qu'on pourrait mani­

fester envers les zones périglaciaires est moins évident. Or, l'incidence du per- mafrost sur les constructions alpines, ou sur la probabilité de dangers natu­

rels, est loin d'être négligeable. Avec le réchauffement constaté et présumé du climat, l'observation des zones péri­

glaciaires se renforcera sans aucun dou­

te. Déjà, les travaux entrepris par l'Ins­

titut de géographie de l'Université de Lausanne (IGUL), principalement par Emmanuel Reynard et divers collabo­

rateurs, ont obtenu le soutien d'entre­

prises actives dans de telles zones.

Une couche de la croûte terrestre gelée en permanence

Permafrost. Un nom qui évoque ins­

tantanément les frimas de la toundra, les grandes plaines de Sibérie du Nord, ou les reliefs tourmentés de l'Islande.

Pourtant, le permafrost est aussi «cet élément caché de la géomorphologie et de l'hydrologie alpines», comme le rap­

pelle Emmanuel Reynard. Caché? En effet, une zone périglaciaire se décom­

pose, en coupe, en deux tranches super­

posées. Au-dessus des zones réchauf­

fées par le flux géothermique de la croûte terrestre, une couche plus ou moins épaisse reste gelée en permanen­

ce; c'est le pergélisol proprement dit. Au- dessus, la couche visible, elle aussi d'é­

paisseur variable, gèle et dégèle au gré des saisons; elle est baptisée mollisol.

Le glacier rocheux, lui, est plus faci­

lement repérable, par sa forme carac­

téristique, qui rappelle celle du glacier normal. De quoi s'agit-il? «Deux théo­

ries expliquent la formation de glaciers rocheux, détaille Emmanuel Reynard.

La première est la plus couramment vérifiée: une masse d'éboulis plus ou moins gros et compacts reçoit des infil­

trations d'eau, qui gèle; en profondeur

d'abord, la glace ne fond plus entière­

ment. Puis, au fil des ans, l'accumula­

tion de glace intersticielle est suffisante pour que le tout commence à fluer, c'est-à-dire à descendre régulièrement la ligne de pente, à la manière d'un gla­

cier normal.»

Une théorie controversée

La deuxième théorie est plus contro­

versée. Elle part d'un glacier «noir» ou

« c o u v e r t » , c'est-à-dire fortement chargé de moraine superficielle (le matériel transporté par le glacier).

Lorsque la couverture morainique est très importante et recouvre totalement la masse de glace, le glacier se trans­

forme peu à peu en un glacier rocheux avec noyau de glace.»

La première version semble nette­

ment la plus courante. Certains sémi­

naires spécialisés ont vécu des batailles homériques entre tenants des deux

2 0 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

Au centre-inférieur de la photo, venant depuis la gauche, on distingue nettement un glacier rocheux dans la région de la Sasseneire, entre le val d'Hérens et le Val d'Anniviers

théories. Un mélange des deux phé­

nomènes est envisageable - cela a été notamment constaté lors de l'observa­

tion du glacier rocheux de Lona, au- dessus de Grimentz, dans le Val d'Anniviers.

On a également observé une inter­

action entre glacier normal et glacier rocheux, le premier recouvrant le second, puis se retirant au gré des stades et des interstades glaciaires. En revanche, on ne sait pas encore déter­

miner avec précision l'interaction entre névés (plaques de neige plus ou moins permanentes) et permafrost.

Un réseau de collaborations entre les hautes écoles suisses

Les travaux de l'IGUL, qui s'est spé­

cialisé dans ce domaine depuis le début des années 1990 en achetant du maté­

riel instrumental de pointe, se sont ins­

crits dans un vaste programme de recherches au niveau suisse, en parti­

culier avec l'Ecole polytechnique fédé­

rale de Zurich et les Instituts de géo­

graphie des universités de Fribourg et de Berne. Ce réseau fonctionne à deux vitesses: premièrement, d'une manière informelle, entre assistants, notamment sous la forme d'échanges d'articles.

M a i s surtout, sous l'égide du groupe de coordination permafrost de l'Aca­

démie suisse des sciences naturelles, un modèle de mesures commun à tous les instituts de Suisse a été adopté, notam­

ment à la suite d'un week-end de tests dans les Grisons, où chaque méthode a été confrontée. Depuis, une base de g données nationale est mise sur pied, qui 1 sera disponible sur Internet dès no- S. vembre de cette année.

Un imposant glacier rocheux (à droite), sous le Weisshorn, entre le Roc de la Vache et la cabane Traçait.

Altitude de l'extrémité supérieure du glacier rocheux: 2'606 m.

Découvrir

les Hautes Alpes calcaires

A cette œuvre de grande envergure, la contribution de l'IGUL est impor­

tante, puisque les chercheurs de l'Uni-

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 2 1

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S C I E N C E S : A la r e c h e r c h e d e s g l a c i e r s i n v i s i b l e s

versité de Lausanne défrichent un ter­

rain jusqu'ici ignoré, les Hautes Alpes calcaires. En effet, comme l'explique Emmanuel Reynard, on partait du principe que le versant nord des Alpes, froid et humide, était plutôt favorable aux glaciers, alors que le versant sud, froid et sec, devait compter davantage de permafrost. C'est ainsi que les recherches s'étaient concentrées sur des régions telles que les Grisons (l'Engadine en particulier) et la rive gauche du Rhône, dans le Valais cen­

tral. Or, les travaux des chercheurs lau­

sannois démontrent que ce parti-pris est partiellement éronné: dans une étude publiée cette année par les cahiers UKPIK de l'Université de Fri- bourg, dans le cadre des Actes de la Réunion annuelle de la Société suisse de géomorphologie, M a r c i a Phillips (qui entre-temps a été poursuivre ses travaux à l'Institut fédéral pour l'étude de la neige et des avalanches du Weiss-

fluhjoch, à Davos) et Emmanuel Rey­

nard estiment que la morphologie de la région (les Alpes calcaires des Dia- blerets au Wildstrubel) est détermi­

nante sur l'importance et l'altitude du permafrost discontinu, au moins autant que le climat.

La morphologie d'une région influence le permafrost

La conclusion de leur texte, intitulé

«Influence régionale du climat et de la morphologie sur la distribution du per­

mafrost: l'exemple des Hautes Alpes calcaires», indique que «les caractéris­

tiques climatiques de la région (plu­

viométrie et hauteurs de neige relati­

vement élevées) devraient diminuer l'aire d'extension du permafrost par rapport aux zones plus continentales des Alpes pennines et grisonnes. Or, il apparaît que les limites inférieures du permafrost probable obtenues sur la

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

base de mesures B T S (réd: mesures de la température du sol sous la couver­

ture neigeuse) sont globalement infé­

rieures à celles des Grisons. Nous émet­

tons l'hypothèse que la morphologie de la région est le facteur principal influençant la distribution du perma­

frost discontinu.»

En effet, les hautes parois rocheuses des Alpes calcaires protègent les gla­

ciers rocheux de l'ensoleillement direct;

elles contribuent aussi, par l'action de gel-dégel, à alimenter sans cesse ces gla­

ciers rocheux. De plus, la formation antérieure de profonds vallons orien­

tés au Nord par des glaciers locaux a créé un terrain favorable au permafrost.

Recherches à Verbier et à la cabane des Diablerets

Afin de comparer plus précisément encore les régimes sec et humide, l'IGUL a poursuivi ses recherches en

se concentrant sur deux sites, les alen­

tours de la Cabane des Diablerets, sur le versant nord du massif, et la région du Mont-Gelé, au-dessus de Verbier.

Le but est de produire de nouvelles mesures permettant, par l'introduction de nouveaux paramètres, un affichage de la modélisation informatique qui autorise une identification plus facile de la répartition du permafrost en Suisse occidentale. La modélisation prend notamment en compte divers facteurs, regroupés sous quatre thèmes:

altitude, orientation, radiation solaire et couverture du sol.

Pour découvrir du permafrost, l'observation sur le terrain demeure le point de départ de toute recherche.

Ensuite, plusieurs méthodes indirectes se recoupant permettent d'affiner l'étude. En hiver, on mesure la tempé­

rature du sol sous la couverture nei­

geuse ( B T S ) . En été, c'est la tempéra­

ture de l'eau de source qui s'échappe

du terrain étudié qui est auscultée: si elle est inférieure à 1 degré C, voire à 2 degrés, on sait qu'il y a glace. Des mesures géoélectriques permettent également de déterminer la résistivité du sol, qui est différente suivant qu'il est gelé ou non.

Les glaciers, baromètres des changements climatiques

L'IGUL a acquis cette année un nou­

veau matériel, des petites sondes de température qui restent en place durant six mois à un an, et qui permettront des mesures plus fines de la température du permafrost en rapport avec la tem­

pérature de l'air.

Car vingt ans d'observations du per­

mafrost ont déjà indiqué, de manière partielle et locale, que le domaine péri- glaciaire subit lui aussi les effets du réchauffement climatique: quelques forages effectués par l'EPFL ont mon­

tré qu'il s'est dégradé durant la décen­

nie 80. M a i s si les glaciers sont des baromètres rapides des changements climatiques (lire en pages 24 et 2 5 ) , le permafrost réagit plus lentement, et ne montrera sans doute que des phases de plusieurs dizaines d'années. En effet, l'inertie thermique du sol est plus grande que celle de la glace en surface:

la différence journalière de tempéra­

ture a une incidence sur une épaisseur de 20 à 30 centimètres, la différence sai­

sonnière se mesure sur un à deux mètres. Or, le permafrost atteint cou­

ramment dix mètres de profondeur.

Le dégel peut provoquer des catastrophes climatiques

Reste toutefois que le réchauffement climatique (et pas seulement ce phé­

nomène) doit inciter à observer atten­

tivement les zones périglaciaires, sus- ' ceptibles de provoquer par leur dégel

des catastrophes naturelles sous forme de laves torrentielles. En 1987, lors des

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 P.

3

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S C I E N C E S : A la r e c h e r c h e d e s g l a c i e r s i n v i s i b l e s

inondations de la vallée de Conches (dans le village de Munster en par­

ticulier), de Poschiavo aux Grisons et d'Uri, la plupart des zones de déclenchement des laves torrentielles étaient situées dans des secteurs à permafrost.

Autre incidence très pratique du permafrost, tout ce qui concerne les constructions au-delà de la limite moyenne du pergélisol, soit environ 2500 m. L'ancrage d'un pylône, par exemple, nécessitera une technique particulière s'il est situé sur une zone périglaciaire. Dans le cadre du chan­

tier de Cleuson-Dixence, l'installa­

tion du téléphérique de la Dent de Nendaz s'est heurtée à du perma­

frost. Lors de la construction de la station supérieure du téléphérique du Petit-Cervin, à Zermatt, les ingé­

nieurs ont dû mettre au point une technique d'ancrage évitant de forer la roche du permafrost et d'y injec­

ter du béton; le réchauffement pro­

voqué par le durcissement du ciment aurait risqué d'engendrer le dégel, donc la dislocation du permafrost.

Un problème similaire s'est posé lors de l'agrandissement de la gare du Jungfraujoch.

Et que se passe-t-il lorsque le cli­

mat se réchauffe, et que les glaciers rocheux fondent au point de dispa­

raître? Ils se fossilisent. Philippe Schoeneich, chercheur à l'IGUL, en a recensé une quinzaine dans les Pré- alpes vaudoises. Ils fournissent de précieux renseignements pour la

«reconstruction paléoclimatique», autrement dit pour connaître l'évo­

lution du climat de nos régions lors des derniers millénaires.

Thierry Meyer

Les glaciers vont

Les deux mille glaciers que compte la Suisse sont des baromètres fidèles et très sen- sibles de l'évolution de notre climat. Grâce à l'observation systématique des plus grands d'entre eux depuis la fin du

«petit âge glaciaire», aux alentours de 1850, on a pu reconstituer la dynamique entre changement climatique et évolution des glaciers.

Le glacier de Tsanfleuron, vu

du sud-est, en octobre 1994.

On voit à droite en bas, les di- verses moraines

antérieures qui indiquent les tailles diverses du glacier

O

n sait désormais que l'évolution du climat de la Terre se scinde en deux tendances. La première, dont les stades et interstades se rythment en dizaines de milliers d'années, dépend de la position de notre planète par rapport au soleil. On l'appelle «signal orbital». Son amplitude est considérable.

La seconde, au rythme plus court, dépend de changements climatiques régionaux, ne résultant pas de la posi­

tion spatiale de la Terre, mais par exemple de l'activité solaire. Les stades sont séparés par des périodes de quelques siècles, eux-mêmes subdivisés en périodes de dizaines d'années.

La période holocène

La période holocène, c'est-à-dire cel­

le que nous vivons et qui démarre à la fin de la dernière grande glaciation (il y a quelque dix mille ans), a déjà connu des retraits glaciaires plus importants

que ceux que nous constatons aujour­

d'hui. Par exemple, on trouve chaque année des bois charriés par le Glacier d'Aletsch, ce qui prouve qu'avant de se retirer comme il le fait depuis 1850, il a connu une limite inférieure plus élevée en altitude qu'actuellement.

Un petit âge glaciaire, du XVII

e

au X I X

e

siècle

Du X V I Ie au milieu du X I Xe siècle, probablement sous l'influence de taches solaires, la Terre a connu un «petit âge glaciaire» qui a vu les glaciers progres­

ser fortement. Une heureuse coïnci­

dence veut que les géographes suisses aient cartographie les glaciers du pays en 1850, au moment de leur extension maximale (carte Dufour). Depuis, les principaux appareils glaciaires ont été observés très régulièrement.

Dans ce domaine, l'Université de Zu­

rich fait oeuvre de pionnier - avec des

2 4 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

Tsanfleuron vers 1905. La comparaison est éloquente..

collaborations d'autres Hautes Ecoles, à commencer par l'Université de Lausanne. Actuellement, sous la direc­

tion du Dr M a x Maisch, les Zurichois procèdent à un recensement de tous les glaciers suisses. Sur la base de l'évolu­

tion constatée ces cent cinquante der­

nières années, ils élaborent aussi des scé­

narios pour le futur.

Philippe Schoeneich, qui a souvent travaillé avec eux, et qui a traduit des pu­

blications de l'Institut de géographie de l'Université de Zurich, explique l'origi­

nalité de la démarche; «Au lieu de tenter de prévoir quelle taille les glaciers auront à une date donnée, Maisch et ses col­

laborateurs proposent divers scénarios basés sur l'élévation de la température.»

L'exemple

du glacier de Tsanfleuron

Si l'on prend l'exemple du glacier de Tsanfleuron (massif des Diablerets),

particulièrement sensible en raison de sa faible déclivité et de son exposition, on constate qu'il a déjà perdu 4 7 % de sa surface entre 1850 et 1973, date du dernier recensement. M a x Maisch estime que depuis, il a encore perdu 20%, malgré les légers gains des années 80. L'élévation de la ligne d'équilibre, qui sépare la zone d'accumulation (où la neige se transforme en glace) de la zone d'ablation (où la glace fond), a été, entre 1850 etl973, de 135 mètres (de 2580 m à 2715 m ) .

Selon un scénario d'élévement de la ligne d'équilibre de 100 mètres, ce qui correspond à une hausse de la tempé­

rature moyenne de 0,6 degré, Tsan­

fleuron diminuera encore de moitié, soit de trois quarts par rapport à sa taille de 1850. De 7,18 km2, il aura passé à 1,86 k m2. Le scénario «business as usual»

(c'est-à-dire sans aucune modification de la tendance actuelle, donc sans aucune mesure visant à réduire les éma­

nations de C O2) prévoit que ce stade sera atteint en 2010 déjà. Un scénario moins pessimiste envisage ce retrait en 2020. L'extrême diversité de nature et d'orientation des glaciers suisses rend par ailleurs délicate une modélisation uniforme de leur évolution.

Et les effets

du gaz carbonique (CO

2

)?

Difficile de dire pour l'heure, au vu des connaissances actuelles, si l'apport artificiel de C O2 accélère ou non le retrait glaciaire, et donc le réchauffe­

ment climatique. On en a de fortes pré­

somptions. Mais lors de réchauffements préhistoriques, la quantité de C O2 dans l'atmosphère a aussi considérablement augmenté.

Alors, les glaciers pourraient-ils fon­

dre totalement? Trop tôt pour l'affirmer.

T. M .

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 2 5

(16)

L E S I D A

L'après-révolution sexuelle s'appelle Stop sida.

Tout le monde le sait.

Mais qui sort couvert?

1986: un envoi tous ménages lance la première campagne de prévention de l'Office fédéral de la santé publique. 1996: les enfants nés en même temps que

l'épidémie ont tous entendu parler du sida. Dix ans d'actions de prévention: n 'en reste-t-ilqu 'un slogan au fond des mémoires ou chacun a-t-il souscrit son assurance-vie de poche? Petit bilan de santé publique.

2 6 A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6

«Cl

e qui a changé? Avant 'tout, un comporte­

ment de protection, donc l'usage du préservatif. Dans toutes les tranches de la population.

Il est clair qu'il reste beaucoup à faire.

Mais combien de temps a-t-il fallu pour que se brosser les dents régulièrement devienne une règle de vie?» A l'Insti­

tut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne, Françoise Dubois-Arber, médecin, est bien pla­

cée pour tirer un bilan provisoire des années sida. Elle et ses collègues de l'Unité d'évaluation des programmes de prévention sont précisément man­

datés par l'Office fédéral de la santé publique pour évaluer la stratégie mise en œuvre en Suisse depuis 1986.

Une baisse des cas de

séropositivité s'est s'amorcée

En vitrine, les campagnes d'affi­

chage sur nos murs, les spots sur petit et grand écran: destinés à rappeler que

«ça» existe, leur impact est impossible à définir. En sous-sol, un long travail sur tous les terrains possibles, des consommateurs de drogue aux prosti­

tuées, des écoliers aux migrants. Ages cibles de l'évaluation: les 17-45 ans.

Une baisse des cas de séropositivité s'est s'amorcée. Cependant, relève

F r a n ç o i s e D u b o i s - A r b e r ,

«l'allongement du temps de latence dû aux traitements entraînera à terme une accumu­

lation de cas déclarés de sida. Nous vivons probablement une période de stabilisation avant diminution. Il serait tentant de la relier à l'utilisation du pré­

servatif, mais comment l'affirmer?»

Dans l'attente du cinquième rapport de synthèse 1993-95, à paraître cet automne, les précédentes phases de la stratégie nationale, chacune riche de dix à vingt études différentes, autori­

sent pourtant quelques constats. Pru­

dents et limités, faute de base compa­

rative: «Nous manquons de données chiffrées sur les comportements sexuels

A L L E Z S A V O I R ! / № 6 O C T O B R E 9 6 2 7

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