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Chantiers dans l'enseignement spécial - n°4 année 1987-1988 (139)

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(2)

L'Association École Moderne des Travailleurs de l'Enseignement Spécial

(Pédagogie Freinet)

• La commission Enseignement spécialisé de l'ICEM, déclarée en

«

Association École moderne des travailleurs de !'Enseignement spé- cialisé

»,

est organisée au niveau national en structures coopératives d'échanges, de travail, de formation et de recherches.

• Elle est ouverte à tous les enseignants, éducateurs, parents, pré- occupés par l'actualisation et la diffusion de pratiques, de techni- ques et d'outils pédagogiques permettant la réussite scolaire de tous les enfants, et plus particulièrement de ceux qui sont en difficulté.

• Elle a pour OBJECTIFS :

- une réflexion critique permanente sur les pratiques pédago- giques et leur adéquation aux difficultés des enfants et

à

leurs

besoins dans la société actuelle,

- la lutte permanente contre les pratiques ségrégatives dans l'institution scolaire,

- la formation des praticiens,

- la recherche de solutions pour pallier les carences du sys- tème éducatif.

• Elle articule ses travaux et recherches, en liaison étroite avec l'Institut coopératif École moderne - pédagogie Freinet, autour de

con~eptions sociopolitiques, humaines et pédagogiques basées sur

la coopération et l'épanouissement complet de chaque individu.

Pour tout renseignement s'adresser à :

Serge JAQUET Maison Burnet Rive gauche

73680 GILLY-SUR-ISÉRE

(3)

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EC.HEC.~ , 1 : '100

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C?~'E.S.T t.E qu'cN""

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! . Ainsi au grand jeu de l 'échec scolaire, ce seraient 100 m~lliards de fr~ncs

qui partiraient en fumée : le tiers du budget consacré aux dépenses d'éducation en France. C'est ce que révèle un rapport déjà fameux du Conseil Economique et Social , qui, pour· la première fois, évalue le coût des malfaçons scolaires. Une fois de plus, il rappelle ce chiffre sidérant : seuls 35 à 40% des enfants d'une classe d'âge 11réus sissent" à l'école. Devant l 'ampleur du désastre, sur fond de catastrophe nationale , ce n'est plus, ce ne peut plus être pour l'opinion publique "la faute des mauvais élè ves". Et la solution, même aux yeux les plus bornés des décideurs néo-libéraux , ne peut plus' être la retégation dans des filières spécialisées. Rude coup asséné à l'idé ologie des dons et à l'élitisme républicain.

Il fau·t· utilis·er- au maximum ce rapport pour faire avancer une réflexion ra tionnelle et progressiste sur l 'école. Cependant cette dénonciation est à haut ris- que ! A ~'e~ant bouc-émissaire, ne sera-t-il pas tentant de substituer l'enseignant coupable? Et pour être plus précis, l'enseignant novateur, en alimentant l'n~ti-péda

gogisme ambiant comme l'a fait une certaine gauche ? Ne risque-t-on pas de voir re- fleurir le retour au passé et aux bonnes vieilles méthodes éprouvées

?

Aussi, au-delà de ce chiffre que les journalistes en mal de scoop ont sur- tout mis· en exergue. (slogan facile pour tous les bords) , i l convient de rappeler une autre conclusion du rapport : l 'importance, d'une part, dans la genèse de 'l'échec sco laire, de. l'~bécillité programmée par le bourrage de c~âne, et , d'autre part, la né cessité pour y échapper d'une pédagogie véritablement différenciée .•

Comment· ne pas ·faire nôtre 1 'affirmation de considérer chaque apprenant com me un individu unique, ayant besoin d'une pédagogie.adaptée à ses rythmes et ses moti vations

?

Mais attention, une pédagogie différenciée n'est pas une pédagogie de souti en : il ne s'agit pas de réadapter les jeunes à une école inchangée où l'érudition ti ent lieu de science, la récitation de poésie et la leçon m~gistrale de réflexion suf- fisante !

I l s'agit encore ·et: toujours de lui substituer une pédagogie scientifique , centrée sur les enfants.

Bref, le grand mérite de ce rapport est de montrer que même le désordre éco nomique dominant ne peut se satisfaire de l'échec scolaire. C'est dans cette contra - · diction que nos brèches prennent tout leur sens et que nos solutio~s prendront tout

leur impact.

ERIC DEBARBIEUY.

(4)

N °4 DECEMBRE

SOMMfftRe

N° 139 -

1987-~8

EDITORIAL • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • . . • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p

3

SMIA.IR.E • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p

4 SEC TEUR "VIOLE NCE" : "Pierrot l a teigne" • •••••• • ••••• • • • •• ••••• • p 5

Serge JAQUET et l e secteur Viol ence .

EXPRESSION • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p26

Michel ALBERT

INS TI TUTIO NS E T AUI'ONO MIE : De l 'effet des instituti ons au

cours

d'une

journée

ordinair e en Se SES • • •• • • •• • • •••• •• • •• • • • • ••••••• •

p27

Monique MERIC

GEOMETRIE : Evaluati on

en

class e

de

Perf • •••••••• • •• • • • •• • • •• • • p35 Corinne P I TTI ON ROSSILLON

NOTES DE LECTURE

sur

"Les enfants des autres" T. HAYDEN • •• ••• •• • • p37 ''Monsieur Butterfly" H.BUTEN

"J ' ai

dit

non

à

l'école" M - L LAZINIER

"Insol.Dll.iss ion

à

l'école obligdtoire" C. BAKER Adrien PITTIO N ROSSILLON

DANS N O S CLASSES des écoles Gérard PHILIPPE (78) ••. •• .• • • •• •• •

p42

Communiqué par Bn.mo SC H ILLIGER

ENFANTS DE MIGRANTS : Portugal • • • • ••• • • • ••••••• • ••• • • •• • •• •••• • P44

Adrien PITTION ROSSILLON

LE DESSIN DE GREGOIRE "Chroniques de l a Haine ordinaire" •••• • • • P46 Pierre DESPROGES

INFORMATIONS I .C. E.M. ... .. .... ... ... ... ... .

Le

Comité Directeur de l ' ICEM

p47

ENTRAIDE PRATIQUE . • • • • • • • • . . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p49

Frédéric L E SPINASSE

FIC HE GENERAL D'ENTRAIDE PRATIQUE •••• ••• ••• •• ••••••• • • • •• ••• • • • p51

EXPRESSION • • • . . . • • • • • • • • • • • • • • • • . • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p53

Michel ALBERT

INFORMATIONS Vie et Activités

de

la Commission E. S •• • • • •.••••• •

p54

COURRIER DES L ECTEURS Réaction

à

l ' articl e "Pense

à

ton avenir" . p55

Michel ALBERT

.REPU DE PRESSE • • • • • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p56

Adrien P I TTI ON ROSSILLON

Michel FEVRE

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N° 4 Décembre 87.

En avant-première d'un futur livre, le secteur ''Violence" vous offr e

Pi e rrot la Teigne

ou la volont é d e vouloir

Septembre 1984 :

Jour de rentrée à l'EREA d'Albertville (1). Comme ~ ~a.o:::outu­

mée, les enfants arrivent. un à un en classe après avoir -visité l'école et s'être rendus dans les divers services. La séparation d'avec les parents, toujours douloureuse pour des enfants de douze ans qui vont fréquenter un internat pour la première fois s)effectue au seuil de la classe.

Ensui te, chacun doit se plonger dans un travail très scolaire;

il s'agit ici de rassurer, de montrer que cette école est identique à celles que les élèves connaiss2nt, de leur donner l'image qu'ils attendent.

Pierre s'est installé depuis une demi-heure; il est assis à la table la plus proche du bureau et semble oeuvrer conscien- cieusement. Soudain, sans qu'aucun signe ne le laisse présager, il saisit un cutter et se précipite sur Patrice qui était en train de me poser une question. Patrice s'enfuit, j 'attrape Pierrot au vol, le "désarme" et c'est son frère Alain (membre lui aussi de ce groupe de 6ème) qui le calme par la parole •..

"Rogntudjioui ! pensais-je, ça commence allègrement!

Est-ce 1éjà mon attitude et l'effet de l'étiquette qui ont induit la réaction de Pierrot ? Est-ce une manière de se montrer et de se constituer un public ? Est-ce que cette violence serait son unique moyen pour se dire ? Univocité de son expression face à une école qu'il rejette ?"

dans

D'emblée, je suis . interpelé , "accro" ; "Ç3. y est, je suis la classe, les vacances sont réellement terminées"... Et

.. ... ... ... .. . . .. ... ... .. .. . ... .. .. . .. . .. .... ... .

(1) Cette école se nomme EREA: Etablissement Régional d'Enseignement Adapté (autrefois ENP. Ecole Nationale de Perfectiennement) recevant environ 140 garçons de 12 à 18 ans, internes pour la grande majorité. Après 2 années passées en 6e puis Se où ils ne reçoivent q1un enseignement général, ils effectuent leur appren- tissage professionnel dans l'un des 4 métiers suivants : peintre, plombier, maçon, menuisier. Le fonctionnement des 6e, 5e est celui de groupes de niveaux ; 3 sortes de groupe : mathématique, français qui sont déterminés par des tests de connais- sances scolaires passé~ en début d 1 année, et éveil qui correspond à la classe d'âge. (Pour des explications complémentaires, se référer à un article d~ livier LODEHO et Se.rge JAQUET in CHANTIERS dans 11 Enseignement Spécialisé N° B, année 1983/84).

(7)

- 2 - 7. me revient en mémoire le choix des classes. Les mômes, dans ce groupe, arrivaient avec un passé présent et donc déterminant en partie leur futur. Pierrot étaient de ceux-là. Lui et son frère Alain ont un autre frère qui fréquente l' EREA depuis 2 ans ; celui-ci fut, au demeurant, trop remarqué à cause d'un comportement pas toujours correct et peu acceptable, si je puis me permettre cet euphémisme !

Et alors ?

Alors, l 'Imaginaire ! • . . Lorsque l'enseignant ou l ' éduca- teur entre dans une classe pour la première fois avec de nou- veaux élèves, elle· n'est pas vide, ni vierge, mais peuplée de. nombreuses images, de nombreux phantasmes. Si ceux-ci ne proviennent que du champ de la praxis, ils ont une chance de ne pàs trop interférer sur le Réel, de ne rester que fantômes évanescents.

Dans le cas de ce groupe, un discours

"ça risque d'être des pénibles ... ".

souhaitaient pas prendre cette classe du risque, par ... , avec le désir de aux idées reçues, je l'ai choisie.

venait de· m'être offert par Pierrot je n'allais pas être déçu.

existait au préalable Certains collègues ne en charge. Par goût lancer un pied de nez Le premier pied de nez quant aux risques ••.

QUI ES-TU PIERROT ?

Quelques indications objectivables sont indispensables. Elles permettront de mieux comprendre, de mieux cerner certains actes ou certaines paroles. Leur collationnement s'est effectué au cours des deux années de 6e et de 5e partagées avec Pierrot. Elles émanent de sa i'.)ropre voix, confirmées ensuite par les documents administratifs ou la famille.

Pierrot appartient à cette frange que nous pourrions nommer Prolétariat socio-affectif dont les enfants peuplent (hantent) les classes de perfectionnement et établissements spécialisés. Il n'a pas encore 12 ans lorsqu'il entre en 6e, après avoir suivi un itinéraire digne d •'un mauvais film de série B, qui en fait un écorché vif.

Il est l'avant-dernier d'une fratrie de onze enfants : 5 gar- çons et 6 filles, le dernier enfant étant de sexe féminin. Les parents sont immigrés : père espagnol, mère née en Espagne de parents tunisiens, pied~-noirs ; ils . sont divorcés depuis plusieurs années. Pour quelles raiso~s ? Pierrot évoque à plusieurs reprises : "les gnons de mon père quand il était saoul" ...

une que

C'est la mère ZUP comme vous les allocations

qui tente d'élever ces les connaissez ..• Pas familiales. Les "mômes"

avec l 'aide de la rue.

11 enfants dans d'autres revenus s'auto-éduquent Pendant les 2 années vécues en commun, Pierrot ne verra son père que deux fois pour des séjours de très courte durée alors qu'il en parle quotidiennement. Précédemment, il était suivi en psych;thérapie car il fai~ai t des crises de type

hysté~ique ; ce traitement n'a pas duré car, selon l'enseignan- te qui recevait Pierrot : "le psy ne l'a pas supporté".

(8)

Ajoutons à cela un rapide portrait physique : petit, très brun aux yeux marrons, il est hyper-extraverti, remue énormément, a des contacts corporels avec tout le monde (par- fois de manière br~tale), possède une voix grave avec un timbre très rauque qui transparaît dans les instants de détresse, parle beaucoup, grogne souvent ... 3ref, un enfant très dynami- que !

OU ES-TU, PIERROT ?

A l'EREA, Pierre partagera la scolarité de 12 camarades, tous internes pour la première fois comme lui, dans ce groupe (classe d'éveil) qui possède la particularité de réunir des

"cas", car bon nombre des enfants pou.ssent une difficulté sociale, affective, psychologique ... jusqu'~ son paroxysme. Cela suscitera la curiosité de mon Inspecteur qui demandera à venir observer ce groupe et en conclue ra : "Effectivement, ce sont des élèves dont on dit, entre adultes polis, qu'ils sont tr~s ... dynamiques ! Je n'aimerais pas passer une journée complète avec eux : ils sont trop exténuants, trop demandeurs".

A l ' internat, chaque groupe d'âge (environ 25 enfants) est pris en charge par 4 éducateurs qui assurent chacun une nuit , les couchers à trois en théorie, les repas et une activi- té éducative entre 17 et 19 heures chaque jour.

Ces éducateurs sont des instituteurs à part entière puisqu'ils ne reçoivent aucune formation spécifique si ce n'est un C.A.E.I.

(Certificat d 'Aptituc!e à l' Enfance Inadaptée) mention éduca- teur en internat, cette formation étant très voisine de celles qui sont assurées pour les CAEI "E" ou "F".

Pour Pierrot qui a besoin d'un public et d'une relation directe, de préférence binaire avec l'adulte, l ' internat joue un rôle capital. Il est donc indispensable de préciser certai- nes conditions particulières :

*

les éducateurs de 5e, groupe à Pierrot, sont 4 dont 3 nouveaux à l'EREA et débutants dans la profession !

R ... , éducateur dans l'établissement depuis de nombreuses années, répète fréquemment, pragmatique et lapidaire :

"Avec eux qui arrivent, on fait du "dressage" ; pendant au moins un trimestre, on gueule. Il faut tout leur apprendre de la vie collective : le respect des horaires, les repas, l'hygiène, le rangement, le respect des camarades ...

Si on se plante durant cette période, on payera les pots cassés, nous ainsi que les élèves, jusqu'à la fin de leur scolarité à l'EREA".

A mon avis, c'est plus qu'une erreur que de confier les 6è à de nouveaux éducateurs, mais . .. ce n'est pas là mon propos.

Les conséquences seront nornbreuses et diverses : bagarres, destruction de matériel, climat violent, insultes, coups dans des proportions 2 à 3 fois supérieures à l'ordinaire. Parfois, le matin, des enfants .demanderont à dormir en classe tant la soirée avait été "animée" fort tardivement !

(9)

- 4 - 9. QU'AGIS-TU, PIERROT ?

Dans la classe, comme dans l'école, Pierre joue différents rôles qui sont de véritables archétypes et les endosse à la perfection. Il en ressort une ambivalence entre des objets d'action opposés ou divergents : Pierrot passe aisément (c'est- à-dire rapidement et sans difficulté apparente bien que cela sous-entende de nombreuses souffrances) du rôle de leader à celui de clown ; de 1 'absent à celui du copain idéal ou du médiateur.

Problème d'identité, peut-être ? Certes, c'est là le noeud gordien de son Désir. Pierrot n'arrive pas à se dire, à exprimer ce qu'il veut parce qu'il s'ignore et reste morcelé. Il ne sait vers quoi, vers qui aller. Il vit une errance, terme qui peut être compris selon une double sémie :

*

Pierrot erre défini ;

il va ça et là, de l 'un à l'autre sans but

*Pierrot erre : il commet des erreurs, se trompe de chemin. Deux réponses étayent ce propos :

dans une discussion avec une collègue qui lui demandait comment il se sentait à l'EREA, Pierrot annonça qu'il souhai~

tait rentrer dans une autre école où il serait inconnu et

"où je serais un autre Pierrot".

à la question souvent posée dans le cadre banal et quotidien:

"Que veux-tu ?", il m'a répond : "J'veux c'que j'veux".

Cette volonté de vouloir, cette errance se sont d'abord traduites par la recherche d'une place. Peut-être l'avez-vous déjà deviné, la place désirée est celle qui voisine le bureau. Dès son entrée en classe, le premier souci est d'installer une table qui collera au bureau et de retirer aux alentours tout ce qui peut empêcher cette jonction.

Cette attitude fréquente n'est pas de son fait; dans ce groupe, Joseph, Laurent, occupent ce même Désir d'où conflit. Il est patent que cette position ne peut qu'être unique. Le Conseil sera là pour permettre de légiférer et de légitimer ce dési r en acte social : Pierrot; à l'un de ces conseils d'octobre 84, demande à ce que cett~ place lui soit réservée. Il s'agit de son premier acte d'organisation de la vie de la classe. Il m'en reste deux souvenirs précis :

*

la discussion a été houleuse et longue. Le thème était cru- cial étant donné l'aspect hautement symbolique de la demande.

*

la décision a été prise à l 'unanimité en faveur de Pierrot. Cela peut paraître étonnant et ne peut s'expliquer que par le feeling des enfants. Tou-; ont senti que Pierre avait besoin de cette place et pas d'une autre. Ils ont pressenti que si cela lui était refusé,. ce serait dangereux pour lui et pour tout le groupe donc pour chacun d'entre eux indi- vidue.llement. La maturation du groupe était bien engagée, sur un mode inconscient .

Tentons maintenant de prendre un peu de recul analytique. La perspectvie proposée n'est pas la seule qui soit envisa- geable, mais elle paraît la plus plausible. Pierre désire

(10)

être lié au bureau par son cordon-ombilical-table. C'est la Désir du Moi-Tout, de la toute puissance, du retour à la vie intra-utérine. Ce bureau semble investi en tant que phantasme du Maître tout-puissant, tout bon.

(Ce choix d'une table peut aussi traduire l'affirmation d'une identité : j'ai une place, donc je suis).

Le passage à la verbalisation qui se traduit par une demande légale et précise au Conseil, montre qu'en même temps, il y a accession au langage, à la Loi. Se met à jour, une véritable blessure narcissique qui perturbe Pierrot et sera présente dans toute sa problématique : déjà l'absence du père s'avère capitale.

PIERROT: LA crise !! !

L'acte principal de Pierre, ce sera ses crises de violence, présentées comme de type hystérique par le médecin scolaire.

Tout au long de son année de 6ème, elles seront fréquentes, bien qu'en constantes diminutions, tant du point de vue de la répétitivité que de la durée. Elles apparaissent toujours dans un moment de fragilisation affective ; ainsi, leur fré- quence peut s'expliquer par la difficulté de l 'enfant à trouver une identité au sein de l'école dans le cadre d'une vie d'interne.

Précédemment, elles existaient (c'est ce qui avait con- duit Pierre à un début de psychothérapie, mais ... ) de manière moins nette, moins outrancïère. Li agression subie par Pierre au se in de l'école, sa souffrance les ont décuplées. Alors, pour les résoudre, "on" tentera de mettre en oeuvre tous les arguments à notre disposition (peu) : de la "baffe" à la mise en isolation, en passant par les médicaments, le discours moralisateur, l'empêchement physique de bouger (un adulte le maintient) ou l'essai de médiation par la parole.

Vendredi 5 octobre 84 ~

Un mois d'école. Pierrot apparaît de plus en plus comme un écorché vif. Il a besoin de rapports directs avec tous, adultes et enfants confondus, de rapports physiques avec ses camarades. Il est hyper-agressi f, saute sur les autres, effectue à leur encontre des gestes menaçants, hurle, crie des insultes. Durant la semaine, les élèves ont regardé dans le cadre de l'internat, un film vidéo : "C1ass 84", interdit au moins de 18 ans. La plupart des petits ( 6e et 5e) se sont identifiés au héros qui pratiquait ce qu'en Héroïc Fantasy on nomme ultra violence. Pendant les récréations, i.a majorité des jeux fait référence à ce. film, Pierrot, particulièrement sensible et attiré par ce domaine, en est l'un des principaux acteurs.

Pendant l 'heure de français, il a un conflit avec l' ins- titutrice à propos de son travail : . refus, il veut sauter par la fenêtre, sort de la classe ... vacarme dans le couloir. Entendant les cris, je sors pour voir, mais n'interviens pas. Je referme la porte, mais Pierre se précipite dans la classe semblant s'y réfugier et apporte une importante perturbation. Un clin d'oeil à ma collègue et je dis à Pierrot :

"D'accord, tu restes ici pour te calme.r , mais tu ne dois pas nous déranger".

Encore quelques hurlements, mais en 5 minutes, tout se calme. Il séjourne ·avec nous un moment, puis, rejoint son groupe.

(11)

- 6 -

(Plus tard, nous apprendrons que le

"piqué une crise" de 2 heures et été médicamenteux).

Récréation : rien à signaler.

11.

soir précédent, il avait que le seul remède avait

Nous remontons en classe pour une heure d'éveil. Comme tous les vendredis, notre activité, c'est le Conseil. Nous installons les chaises en cercle. Discussion entre eux, apparemment calme. Je suis à l'autre bout de la classe. Un coup de poing de Patrice atteind Pierre (Patrice est un enfant dont les carences éma-

nent de l'éducation ou plutôt de l'absence d'éducation : parents souvent absents, père routier, culture unique dans la rue, milieu violent, primaire où les problèmes se règlent par des coups. Patrice a un vocabulaire très limité en étendue, passant systématiquement par l'injure et l'insulte. Hyper-égocentrique:

"je suis unique").

La réaction de Pierre est très violente : il bondit sur Patrice et le frappe ; les tables vole.nt. Alain rattrape le bureau et ce qui est dessus, Laurent aidé de ~ichard tente de les séparer. J'arrive le plus rapidement possible et sépare avec difficultés les deux belligérants. Patrice est calme, mais pour Pierrot, c'est LA CRISE, la seule qui se déroulera en classe durant ces deux années.

Ce n'est pas de la "frime" ! Il h·urle, gigote, menace, bave, rage, pleurniche.. . Je l'emmène dans le couloir et le tiens: la fermeté douce. Je le maintiens pour qu'il ne s'échappe pas, ni ne retourne au combat, mais le laisse bouger dans mes bras ; quelle autre solution adopter ?

Il veut que je le lâche :

- "Lâche-moi, j't'ai rien fait". (i\Jotons que Pierrot utilise systématiquement le tutoiement dans ses crises, alors qu'il vouvoie hat>i tuellement les adultes). Je lui réponds toujours d'une voix douce

"Oui, quand tu seras calme".

Il fait mine de me frapper, ~ais n'agit jamais. Cela dure 10 bonnes minutes dans le couloir, porte ouverte. Le reste du groupe s 1 est installé en conseil' parle de détails concernant la classe, mais suit l'évolution de la situation. Nous rentrons, et j'essaie de le lâcher: échec. Il bondit de nouveau sur Patrice en hurlant. J'ai la chance d'avoir un recul par rapport à mon action, d'être serein : cela me permet de percevoir qu'il est en état second. Il ne se contrôle plus, est hors de lui, souffre physiquement et psychologiquement. La violence est quasiment tournée vers lui-même. Le Conseil s'organise ·; je suis debout, Pierre dans les bras qui grogne et qui pleure ... c'est exténuant !

Ordre du jour :

Pierre demande la parole et on inscrit : - "Rendre le coup de poing à Patrice".

La possibilité de verbaliser le calme un peu. Au bout d'une demi-heure; je peux le lâcher et nous nous asseyons côte à côte: Il me tiendra la main jusqu'à la fin du Conseil.

Ce conflit tiendra lieu d'unique objet de discussion pour une longue durée (un éducateur viendra nous chercher pour le repas). Les échanges so~t âpres, le ton acerbe, le vocabu- laire violent, mais phénomène étonnant, les mômes respectent parfaitement les tours de parole. La décision est d'organiser

(12)

un combat de boxe entre les deux adversaires, le lundi suivant.

Ca m'emmerde, puisqu'il faut dire les choses par leur nom ! Et j 'espère dans ma tête qu'ils vont oublier cela il n'est pas interdit de rêver après de telles séances ! La solution me déplaît intellectuellement. D'accord, il y a eu passage à la parole, mais le conflit n'est pas achevé : l 'as- somption jubilatoire ne s'est pas produite et je crains que le combat ravive les tensions. Mais, c'est le choix du groupe et donc je le respecte.

Pierrot et Patrice sont sortis de la classe côte à côte, sans se frapper, se jetant simplement des regards mauvais et mena- çants.

Lundi : mon désir est d'éluder le problème. Dès leur arrivée, les enfants parlent du combat. Pour m'en décharger, je les ren- voie à eux-mêmes avec des questions

- quand voulez-vous l'organiser ? - Ou ?

- Comment? etc .. .

Les deux belligérants en parlent en riant.

Mardi matin, lorsque j'arrive à l'école, Patrice et Pierre se précipitent. Patrice m'annonce :

- "Ca y est, on s'est battu, c.' est Pierrot qui a gagna".

Aucun témoin n'était présent .; nul ne pourra me préciser si le combat s'est réellement déroulé ou non. Peu i~porte, puisqu'au niveau symbolique, il y a eu réparation.

Si nous posons un regard de type analytique sur le comportement de Pierrot, nous pourrions supputer quelques structures pré-psychotiques. Pierrot a, à la maison ou à l'école, la possibilité de régresser. Le désir de retour au lieu matriciel (lieu sécurisant s'il en est), à la phase

du Moi-tout puissant déjà évoqu~ n'est pas totalement interdit.

Or, c'est cet interdit qui est le fait du Père (absent tant physiquement que par ses substituts psycho-sociaux) qui permet l'accession au langage en forçant le désir à se parler par le biais d'un code précis et symbolisé. Pierre n'a ni le nom du père : interdit qui passe par la verbalisation et permet d'accéder à la Loi, ni les noms du père : les mots.

Sa souffrance, réelle, semble provenir de ce manque.

Pierrot m'aura, entre autre, appris pas ses crises que la résolution du conflit passe par :

, ces aiment, -'" la suppression du public lorsque la crise éclate

spectateurs qui, comme dans les jeux du cirque, appellent le sang;

*

la nécessité du déplacement d'un l ieu à l'aut re de;

sort ir

*

la nécessité du retour à la parole : accepter que la crise existe pour ne pas refuser l'expression de l'enfant, mais refuser que la crise existe et se perpétue pour que l'enfant revienne à lui-même.

Un autre apport se situe au niveau de la prévention: 11 int ernat présente d'énormes difficultés pour des enfants comme Pierrot : il importe donc de connaître l'antériorité

(13)

- 8 - 13. du môme (par exemple, dans ce cas, savoir que Pierrot avait eu une crise le soir précédent), de lui offrir la possibilité d'être extérieur au regard de l'adulte : n'y-a-t ' i l pas eu déplac~ment de la crise dans ma classe parce que je suis -allé voir (chercher ? ) Pierrot dans le couloir ? Peut-être a-t'il différé son acte parce que ma classe était sa classe, son lieu refuge et qu'il escomptait y trouver de l'aide?

La dernière question qui se pose à moi concerne la résolution de la crise par le mode médiat : la verbalisation a eu lieu avec proposition d'un combat de boxe. N'eut-il pas fallu, en tant que garant de la Loi du Père dans le groupe, que j 'aille au bout en assumant totalement l' orga- nisation ou en la refusant (castration symbolique pour un passage à l'âge adulte du groupe ?).

QUELLES RELATIONS AS-TU, PIERROT ?

A la lumière de ce qui précède, il est aisé de deviner leur nature. Il y a eu une évolution énorme entre le début de la 6e et la fin de la 5e. Pourtant, elles restent sur le même mode : principalement binaires, basées sur le :

"J't'aime/J'te hais" avec un contact physique essentiel. J'ai déjà évoqué la relation Patrice/Pierrot : Patrice ne restera qu'un an avec nous ; il sera le compagnon .privi- légié : compagnon de fêtes et de bagarres ; trop proches l'un de l'autre dans leurs itinéraires personnels, ils ne pourront que s'assembler face à l'extérieur et s'entretuer pour la place identique qu'ils auront besoin d'occuper.

Pierre souffre d'une crise d'identité : i l n'en possède pas une en propre, lorsqu'il arrive en 6e, les autres lui servent de repères. D'un côté, i l y a ceux qui sont trop calmes, t~availleurs, discrets : Pierrot s'intéresse peu à eux, sauf dans la cabane (j'en reparlerai), si ce n'est pour les menacer, faire mine de les frapper, jouer au méchant. Il passe rarement à l'.acte, mais jouit d'une réputation de terreur auprès de ces enfants.

Avec les autres camarades, la relation s'effectue sur le mode duel : "Je veux te vouloir".

Le seul désir de Pierre est de phagocyter l'autre, de se l'incorporer pour que l~i-même soit ce modèle phantasmatique et phantasmé qu'il recherche. Rares sont les choix récipro- ques (en 6e notamment) : c'est lui qui mène la barque et tente de décider. Dans la classe-bocal, tout se passe en luttes de pouvoirs.

Trois exemples peuvent éclairer. 1°) Pierrot et Joseph :

Sans entrer dans des détails fastidieux, il convient de présenter Joseph. Arrivé en France à 7 ans depuis Djibouti, il était un véritable enfant sauvage : pas de parole, marche à quatre pattes, se nourrit. comme un animal. .. Peu à peu, il a évolué, mais n'a aucune relation positive : pas de copain fixe, échanges essentiellement conflictuels.

Pierre et lui essayeront souvent de travailler, de s'associer, de s'installer côte à côte, mais bien que la durée de leur

présence conjointe ait augmenté de 2 minutes à un

. ·.·4

(14)

maximum d'une heure consécutive, le couple n'est pas fiable.

Pierre provoque Joseph et l'amène souvent à agir n'importe comment : "T'es pas capable de •.. " : aussi tôt, Joseph accom- plit avec plaisir la bêtise demandée. Leurs échanges passion- nels d'insultes seront parfois exaltants : après deux années de ce régime, ils arriveront à des concours où l'humour n'est pas absent comme ce dessin de Pierrot représentant Joseph en gorille et lui-même en petit poussin (annexe 1). Ce seront des jeux entre eux, mais c'est toujours Joseph qui se lassera le premier. Et Pierrot de se sentir puissant!

2°) Pierrot et Salim

Salim est l'inverse de Joseph. C'est, lorsqu'il le veut, un petit poison : il sait mettre le feu aux poudres d'une manière ~emarquable tout en se débrouillant pour que nul ne ;:>erçoive sa responsabili t§ initiale. Pierre jalouse Salim parce qu'il n'atteint pas la toute puissance dont il rêve et que 1 'autre possède des arguments que lui ne domine pas. Pierrot est trop honnête : lorsqu'il commet une bêtise, il le reconnaît ; s'il joue un tour, cela se lit sur son visage. Salim est impassible et impavide d'où une haine que l'un supporte et attise, et dont l'autre souf- fre tout en l'attisant égalemen"C. Pierrot n'est, dans cette

relation, plus dominant ; cela lui occasionnera de nombreuses colères et crises de tous ordres jusqu'à.. . la chute de Salim pendant une promenade.

Ce jour-là, Salim tomba d'une hauteur de 5 mètres et s'évanouit : pompiers, hôpital. Pierrot, sensible à la bles- sure, à la maladie, fut l'un des plus prompts à porter se- cours ; il alla même jusqu'à dire : "Il est tombé tout seul, c'est pas de ma faute, hein, m'sieur Jaquet ?".

Depuis, leur relation est devenue plus banale, plus sereine. Pourquoi ? Pierrot avait-il pris conscience que Salim aussi était fragile ? Salim s'était-il rendu compte que Pierrot était hyper-sensible ?

3°) Pierrot zt son frère Alain :

Alain est né la même année que mois de janvier. C'est donc lui qui a

Pierre, au début du l'autorité que confie la mère avant de venir en classe, pour les travaux scolaires. A l'internat, ils sont "surveillés" par un autre frère, arrivé à l'EREA deux ans plus tôt.

S'ils se ressemblent physiquement et s'il se rejoignent, socius tribal oblige, dans les conflits de l'extérieur, Pierrot et Alain n'ont pas du tout le même comportement en classe. Pierrot est direct, franc, toujours présent, exprimant sa joie comme sa hargne spontanément. Alain tente de tricher avec lui-même et ni~ les réalités évidentes.

En classe, ils sont comme chien et chat, surtout à leur arrivée, l'un ordonnant à l'autre de travailler, d'être actif ..• avec comme menace récurrente : "Je le dirai à maman"

Autant Pierre semble sensible à cet argument, autant son frère semble n'y attacher aucune importance et joue à celui qui se gausse. Lui essaie de surveiller Pierrot, de la con- vaincre de la bonne manière d'agir : il porte le regard du grand sur son petit frère.

Dans les conflits, ils s'unissent contre l'adversaire d'une manière quasiment systématique : se oroduit une symbiose

(15)

..

- 10 -. 15.

et émane un discours unique et univoque "touche pas à ma famille !".

Il s'agit là, bien entendu, du classique réflexe de défense, réflexe d'autant plus violent que le tissu familial est fragile. Cette réaction instinctive, primaire et primitive est confortée par le. fait qu'ils ne seront jamais capables de dire leur famille, de parler de leur expérience familiale avec un groupe. En relation binaire avec un adulte, oui et souvent ; en groupe, jamais. ?our eux, le Verbe est paroi!

Lorsqu'ils tentent de travailler en binôme, cela dure peu : entre eux s'établit une lutte pour être le leader du couple et ils consacrent une part essentielle de leur temps à comparer leurs mérites respectifs sur un mode négatif:

"toi, tu sais pas dessiner ça"

"t'écris comme un porc"

"tu colles n'importe comment"

- etc ...

L'année de 6e sera la première durant laquelle ils resteront dans le mêrne groupe jusqu'à terme : auparavant, nous le saurons grâce à eux, puis par la voie classique, les accrochages étaient si fréquents qu'on était amené à changer l'un d'eux de classe en cours d'année.

4°) Pierrot et l'adulte

Avec l'adulte, Pierrot souffre de ~hagocytose : il tente d'ingérer ~elui qui s'offre à lui. Par n'importe quel moyen, afin de se l'approprier, de le dominer (?), de dominer sa propre peur de l'adulte en tant qu 'aboutissement et ma- turation d'un individu. Il exprime fréquemment le désir d'une relation duelle, fusionnelle. Cela se traduit par un questionnement important, par le rejet de tout enfant qui approche de lui quand il est pris dans un échange. Il en . découle une forte sensibilité pour le corpus habit uel d'un établissement scolaire : travail bien ou mal fait, notes, lois respectées ou enfreintes, sanctions.

Jamais, en deux années, il ne refusera d'effectuer l 'une des nombreuses punitions que lui donneront les adultes.

Ce qui lui est primordial, c'est qu'eAiste une reconnaissance et une relation quelle qu'en soit la nature:

D'où, on aime bien Pierrot, même (et surtout) lorsqu'on le sanctionne. Le champ de tolérance est. plus large parce qu'inconsciemment, on sait que l'on ne peut pas avoir les mêmes exigences que pour un enfant banal.

Dans les écrits officiels de l 'école : fiches de liaison, documents de synthèses, Pierrot est encouragé, critiqué positivement, les silences restant lourds de sous-entendus:

le plus souvent, volonté de bien faire, de réussir

irrégularité selon l'humeur ; désir d'apprendre ; beaucoup de volonté en français (plus qu'en math);

quête importante;

petit hérisson plein de piquants, mais finit par montrer le bout de son nez;

besoin de se faire remarquer ;

- son c~mportement dépend des spectateurs; etc ...

(16)

Pierrot, de son côté, après avoir phagocyté, puis digéré les adultes, les classe en 2 catégories, selon le mode du plaisir immédiat :

les bons, ceux qu'il aime (ceux qui l'aiment?) pour les- quels il se montrera positif le plus souvent possible

les mauvais, ceux qu'il rejette (qui le rejettent?) telle une matière fécale. Il leur dit parfois : "Je t 'emmerde",

"tu me fais chier" .. .

Un tel manichéisme peut paraître surprenant ; pourtant, ce feeling correspond à une réalité de l'école

- d'une part, des adultes qui laissent tout faire, ferment les yeux, acceptent tout ;

- de l'autre, des adultes qui n'acceptent rien des mômes, répriment à tour de bras, au propre comme au figuré (avec quand même quelques "irréductibles" qui cherchent à, qui tentent de.).

Pierrot en a fait le tour en moins d'un trimestre.

La caractéristique fondamentale de ses relations est le besoin de spectateurs. Il a besoin qu'on le regarde alros, il remue énormément, provoque, hurle, joue... Il veut être reconnu, alors il se mêle de tout : du travail, des conflits, des discussions entre adultes, entre enfants, entre adultes et enfants. Au fur et à mesure de sa présence en classe, il devient la personne-reçovrs.. Il est celui qui aide le plus, prête son matériel, cherche à comprendre les problèmes des copains dont il a une conscience aigüe:

il joue au maître.

Au Conseil (oct. 85, 5ème), nous avons voté une loi:

"Chacun versera un franc par semaine à la coopérative".

Yan a peu d'argent et l'utilise pour téléphoner chez lui car il souffre beaucoup de la séparation. Au Conseil suivant, puis 3.. plusieurs reprises, il sera vivement critiqué parce qu'il es·i: en retard pour payer son dû. Pierrot le justicier viendra à sa rescousse : il payera à sa place alors qu'ils n'ont quasiment aucun contact, expliquera que c'est dur quand on n'a pas d'argent, et que "téléphoner à sa maman, c'est le plus important".

Tout ce qui paraît être l'entité de Pierre n'est que brume évanescente ; si nous nous contentions du premier deg.ré, du premier cri, il apparaît comme volontariste ..• ou totalement primaire •.. Alors, faisons appel aux psys!

Sa première prise en charge avait été un échec ; celle qu'il entreprendra au milieu de son année de 6ème sera du même acabit. Il ne se rend pas à ses rendez-vous sous pré- texte qu'on ne veut pas l'y conduire (c'est à. un quart d'heure de l'école, en marchant· sans se presser), qu'il pleut il profite de ses sorties pour aller ·~faire" les magasins. Il annonce au psychologue qu'il préfère rester en classe parce que c'est le moment où l'on élabore le plan de travail de la semaine (l'année suivante, l'alibi sera le Conseil , puis la recherche par le groupe). Il fait acte de présence:

départ au débu:t de la récréation et retour... avant que nous ne soyons rentrés

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- 12 - 17. Comme mes· relations avec le psychologue sont mauvaises, celui-ci affirmant que Pierrot prend sa thérapie au sérieux, vient régulièrement à ses rendez-vous contre toutes· consta- tations objectives, je n'insiste pas trop pour que le traite-

·ment se poursuive.

Pourtant ! .•.

Pourtant, j'ai la certitude que rien n'est à prendre au pied de la lettre chez Pierrot. La classe, la cabane, les lieux de parole, la fermeté, tout cela me le prouve et me l'apprend. La volonté de Pierrot, c'est la volonté de vou- loir. C'est la volonté d'être, d'avoir la capacité à trouver puis à assumer SON identité, pas du tout celle qu'on veut lui coller à la peau.

Le premier degré est bien loin. Tout paraît trop clair dans ses refus et sa violence primaire ; c'est encore ce c;ui, à la date où j'écris ce texte (Fév. 87), conduit les adultes qui ont Pierre en charge, à expr.imer leur rejet :

"Il n'a rien à faire dans cette éc~le"

"Il faut le réorienter" .••

Pourtant, j'ai partagé le chemineme"t de Pierrot pendant deux ans. Et j'ai la certitude de n'être jamais resté neutre, de l'avoir changé. Mes choix pédagogiques, les choix humains que j'ai conduits pour lui, l'ont profo"démcnt modifié et aidé. C'.est pour cette raisor, que je.tente aujourd'hui d'ob~

jectiver cette relation pu.issamment interrogatric.e.

QUE DIS-TU, QUE VEUX-TU, QUE CONSTRUIS-TU DANS LA CLA.SSE, PIERROT ?

Une école, une classe sont, en théol'ie, de~ lieux où l'on enseigne et où l'on s'instruit. Pour moi, c.e n'est pas suffisant, la formule étant tl"op réductrice. La clas~e

se doit d'être d'abord un lieu où l'on VIT ; il est impossible de travailler efficacement aJ.J sens scolaire du terme, si

·-chacun ne possède pas sa place, sa fonction, si chacun n'a pas un rôle à jouer, une tâche à assume,., si aucune loi n'existe, si la parole est niée. C'est e~col"e le plus crucial pour des mômes "abîmés" comme Pierre. Avant qu'il lui soit possible de construire, il a, à priori, le besoi" de SE CONSTRUIRE. Il en découle que l'aspect scolaire passe

au

.second plan pour Pierrot ; le problème est ailleurs, trop prégnant, situ§ dans le cadre de l'ontogénèse.

L'évoluti6n de ?ierre dans la classe peut, dan; une

·démarche heuristique, se décrire selon 4 aspects Pierrot dan~ l'arêne,

Pierrot, la loi-, l.e..:rncm±,re-,..

Pierrot et l 'espace, les mots de .Pierrot.

1. Pierrot dans l'arêne

Inutile de reprendre tout le cheminement déjà évoqué. La classe n'est pas ce lieu vierge dont d'aucuns rêvP.nt.

L'Imagi~aire y tient une place capitale ; pour Pierrot, c'est évident : pour venir à l ' EREA, dans un internat, il est arraché à la fragile celiule familiale qu'il essaie de préserver oniriquement ; ce pèl"e absent ; cette mère

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am bivalente qui le gronde pour la forme mais le soutient. Il faut capturer le fauve Pierre pour l'amener au centre de dressage ! Alors, dès que les liens sont desserrés, il rugit, hurle : premier jour, crise, Fabrice.

Il a besoin de se situer dans cette nouvelle jungle et c'est una brisure car il est seul sans l'aide maternelle habituelle, avec pour unique secours la violence.

La première histoire qu'il nous raconte, c'est un rêve: Pierrot est un Chevalier qui chevauche de pays en pays sur un dragon ; celui-ci crache du feu sur les portes de prisons d'où s'échappent des petits enfants. J'utilise des mots d'adultes, ceux de Pierrot étaient colorés et limpides. Inutile d'avoir fait une thèse d'onirologie pour comprendre.

2. Pierrot, la loi, le maître :

C'est la deuxième phase : structuration sociale. Il a très vite saisi le fonctionnement du groupe ; il sait que je suis à l'écoute, que j 'entends mais que je me refuse à décider unilatéralement ce qui concerne toute la classe.

Il existe un outil pour cela : le Conseil. Intuitivement, empiriquement, Pierre l'utilise dès qu'il en a besoin

pour les critiques : insultes, non-respect d'une loi, etc ...

- pour ses désirs : sa place, conflit avec Patrice, etc ... Mais, ce n'est pas suffisant, car dès qu'il se retrouve seul, il est en détresse et son recours c'est :noi. Je suis l'intermédiaire, le médiateur entre lui et lui : maître tantôt réel, tantôt imaginaire, substitut du père tant réel _qu' imaginaire, de la mère, du médecin. Dans la classe, il a trouvé une oreille ·et un oeil en plus d'une place. Tout cela, il cherche à se l'approprier de manière définitive:

le lundi matin, n:ius rédigeons nos plans de travail in- dividuel pour la semaine. Au début, tous ont besoin d'une aide personnalisée, de la présence matérielle et sécuri- sante du maître. Puis, chacun gagne peu à peu en autonomie.

~ierrot a des rendez-vous avec son psychologue pendant cette période ; lors de son retour, pour l'aider à repren- dre place dans le groupe (ce qui est toujours difficile

po~r les enfants revenant de psychothérapie), je participe à l'élaboration de son plan de travail. Vient alors son refus des séances de thérapie pour cette raison : "On fait le plan de travail". Mais en réa li té, se subEti tue à son rendez-vous, un moment où il m'intègre à l'él"a.bora- tion de son plan de travail. Peut-être cette thérapeutique pédagogique est-elle plus efficace ?

Jusqu'au terme des deux années, il voudra que je demeure avec lui pour cette séquence, bien que durant les deux der- niers trimestres, mon rôle se borne à une présence passive.

s'il se blesse durant une récréation, il me le montre avant de se rendre à l'infirmerie.

lorsque je sors de la classe, il m'annonce qu'il est res- ponsable du groupe, bien que la loi, connue de tous, soit que chacun est responsable de lui-même.

si je n'ai pas le temos d'aider un élève, Pierre se pro-

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- 14 - 19.

pose ; durant l'année de 5ème, il ira spontanément aider ses camarades, même s'ils n'expriment aucune demande.

Il cherche à jouer avec l 'adulte ; comme je réponds souvent aux enfants dans ce domaine, Pierrot en bénéfic~e : je serai son cheval, son adversaire à la boxe mimée, son co.npagnon dans la capture d'un camarade, son papa ou sa maman qui lui donne la fessée, etc ...

::>ans la classe, il a t rès vite compris que le jeu n'était pas possibl.e, mais il cherche systématiquement la lutte. CAMUS

§crivait : ''La lutte elle-même vers les sommets suffit à rem- plir un coeur d'homme ; il faut imaginer Sisyphe heureux". Pierrot, dans le combat qu'il .nène contre ses démons, à la recherche d'un modèle, se mue aisément en un Sisyphe au coeur trop plein.

Souvent, Pierre refuse à priori de remplir le contrat iJOur lequel il s'est engagé : "Je ferai pas ma pozsie" ; "J'en ai rien à foutre de mon thème, à la place, je dessine".

Dans cette situation, j'essaie d'être ferme : "Tu t'es engagé, tu dois aller jusqu'au bout".

Parfois, il gagne parce qu'il ruse, qu'il profite de mon

inattention ; mais je cède le moins possible tout en ne coupant pas la relation avec lui, ce qui reste primordial.

!)ans son plan, il a prévu de participer à une activité de poésie en petite équipe. Il n'en a pas envie, veut autre chose. Je lui rappelle son engagement et lui précise : "'Non, tu ne peux pas te mettre à un autre travail avant d'avoir achevé la poésie". Cela dure parfois deux heures, pendant lesquelles il demeure en chômage technique, mais je ne cède pas ; cela demande une grande vigilance, une importante dispo- nibilité à son égard, mais offre des résultats probants. Le travail de Pierre devient plus régulier ; l'enfant y prend du plaisir (notes de fin de 6ème) .

Si j'extrapole, je suis obligé d'affirmer que céder devant ce "chantage", c'est non seulement une erreur, mais une faute. Principalement, c'est une erreur au sens où Pi·errot pourra acquérir un champ de pseudo-liberté, où il en profitera pour être inactif. Mais, c'est surtout une faute, parce que, dans le sens moral d'une construction sociale, il y a trahison:

Pierre a signé un contrat· en relation avec le Maître (moi), intermédiaire dont la fonction est de faire respecter le con- trat. Si je cède, c'est moi qui ne respecte pas ma fonction et empêche donc Pierrot de se construire. Plus facile à énoncer qu'à mettre en oeuvre !

3. Pierrot et l 'espace :

Tout au long de cette réflexion, la notion de lieu est pl"ésente : Pierrot dans et hors de la classe, Pierrot collé au bureau, etc... Sur le plan th~orique, les recherches en ethnologie, en anthropologie, en sociologie, nous ont instruits de la primauté du rôle du lieu tant dans les rites initiatiques que dans la socialisation.

Dans la classe, l'outil aidant, ce furent les cabanes ; pendant l'année de 6ème, nous en avions deux: une pour les insultes, l'autre pour le repos. Puis, en 5~me, une seule : une maison- repos (notez au passage le te:--me quasi-médical) . Je ne re- prendrai pas la génèse des cabanes (cf. CHANTIERS du juin

(20)

1985 - Commission Enseignement Spécialisé de l'ICEM : ou l' Educateur n° 3 - 1986/87 - articles collectifs).

Pourtant, si l'on me demandait :

- "Qu'est-ce qui, dans ta pédagogie, a été le plus bénéfique pour Pierre ?"

Je répondrais sans l'ombre d'une hésitation - "La maison-repos !".

Pour toute la classe, la cabane, c'est un "must". ?our Pierrot, c'est une véritable potion magique ! Il en est l'uti- lisateur le plus régulier : là, il peut sans angoisse être Pierre. Cette maison est aux enfants : je n'y entre que ' lorsque j'y suis invité. Les mômes ne l'occupent qu'à deux au maximum, le premier invitant le second. Pierrot s'y rend seul s'il est malade, fatigué, au sortir d'une crise, en un mot : MAL.

Si un conflit éclate hors de la classe (internat, cour, autre classe, réfectoire), fréquemment, il demande à aller se réfu- gier, se régénérer dans la maison. Il dort, lit, écoute de la musiquG, dessine (toujours le même tableau): il en ressort généralement épanoui, calme.

En éveil, lorsqu'il s'y rend, ce n'est jamais seul il invite toujours un compagnon. On pourrait supposer qu'il choisirait uniquement ses copains, ou un adversaire pour semer le trouble. Jamais ! Il invite n'importe qui, respecte complè- tement le lieu comme s'il était magique, se montre très pro- ductif, toujours actif. C'est ainsi que lui et Régis ont com- mencé à travailler ensemble alors qu'ils se détestaient au

point de se détruire leurs affaires respectives. Leur premier travail fut l'appropriation d'un poème de Robert DESNOS

"La fourmi", transformé en duo de mimes, puis en mime en duo. Dans la cabane, Pierrot invite celui qu'il veut aider : Yan, Régis, Kamel , ou celui qu'il vient de déranger, d'agresser comme pour se faire pardonner.

Quelques éclairages sociologiques et analytiques donne- raient certainement des indications intéressantes quant à l'apport de la cabane au niveau de l'inconscient de Pierrot. Ce n •est pas mon propos ; mais je cède brièvement à cette tentation afin de préciser son "grandissement".

Reprendre la th~orie de la double Imago serait utile car une extrapolation est réalisable au niveau spatial. La cabane est à l'intérieur de la classe : impossible de voir ce qui s'y déroule sans entrer par la petite porte qu'on ne peut franchir qu'à 4 pattes (à noter qu'en 5ème, la porte permet- tait quasiment de pénétrer dans la maison sans se baisser ... ). De l'intérieur, grâce au mur de toile légèrement perméable à la lumière, on peut percevoir visuellement et audi tivement la vie de la classe. La cabane est, dans ce sens, une forme de lieu matriciel intra-utérin.

Pour Pierrot, c·est un lieu Bon, qui se situe dans une classe qui, elle, est Mauvaise dans son Imaginaire. Or, la cabane est également la classe : elle symbolise à la fois le BON:

désir de fusion avec la Mère, et le MAUVAIS. La possibilité pour Pierre qui était au stade du Moi tout-puissant de passer du lieu BON pour lui (la cabane) au lieu MAUVAIS qui n'est

pas si mauvais puisqu'il abri te le lieu Bon (la classe qui abrite la cabane), SANS CRISE, naturellement, montre un grand

pas en avant dans sa structuration psychologique.

(21)

- 15 21.

Problème de violence ma classe ! ! ! (2)

"Mo i , j ama i s J'ai une cabane d~r1s

4. Les mots de Pierrot

Voici un rapide regard panoramique sur l'expression di- recte et spontanée je Pierre au cours des deux années.

En annexe, figurent quelques dessins importants à ses yeux. Le premier est le résumé humoristique de sa relation déjà évoquée avec Joseph ; i l a été produit quelques temps après la visite d'une exposition consacrée au racisme.

Les numéros 2 et 3 : représentent LE dessin de Pierre, un dessin qu'il a effectué des dizaines de fois. A l'origine, selon son discours, une toile de son père "accrochée dans :na maison en Ardèche". Pierre va la reproduire 4 à 5 fois par semaine, d'abord pour la po:.ibelle, puis pour sa mère, ensui te pour moi et enfin pour la classe avec affichage. Ce sera tantSt un collage, tantSt une peinture, parfois une lino- gravure, etc ... Les deux qui sont joints sont les deux derniers qu'il a produits. A l 'origine, ne figu;"'ait pas de maison, mais un second palmier et le bateau n'était qu'une barque Puis, cela s'est modifié au fur et à mesure de son évolution et du discours qu'il tenait sur son dessin :

"C'est la barque de papa"

"C'est l 'île de maman"

- "Alain est caché dans le palmier"

"Maintenant, papa a acheté un bateau" ...

"C'est notre maison" etc ....

Le quatrième, c'est celui que Pierre m '.a donné à la f:l'ri des.

deux années que no~s avons passées en commun. Libre à chacun de l'interpréter selon son imagination, au gré de sa lecture ...

Le dernier est joint au texte suivant. Il s'agit d'une pre- mière recherche pC'étique sur le modèle : "J'aime/je n'aime pas". Pier;"'ot ne se contentera pas de ::ette réalisation, mais en produira d'autres, spontanément au gré de son humeur, sur ses différents cahiers et classeurs. Ce modèle est celui du Portrait chinois (si j'étais .. . , je serais ... ) seront ses deux techniques favorites.

·'J'aime, j'aime pas" (Mars 85)

J 'aime mon chien parce qu'il g;"'ogne.

J'aime pas.ma souris parce qu'elle me griffe. Je n'aime pas mettre la main dans mon drap. J'aime P. parce qu'il fait un document avec moi. J'aime ma ~aman.

J'aime mon papa, et ma famille et ma maman.

J'aime pas le tableau parce que, quand je le regarde, il me fait des grimaces.

J'aime ma chaise parce que, quand je monte desus; elle me balance.

Je n'aime caos cette classe que les images qui me sou- rient.

J 'aime pas l'école parce qu'elle me faii peur .

. . . . . . . . . . . . .

.. ..

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

. . . .

.

. . . . . . . . . . . . . . .

·•

(2): Pour de plus amples explications, consulter.lechapître consacré aux cabanes.

(22)

J\/EFCI PiffiROT ! ! !

Enfin, pour terminer, ce portrait chinois, onorrastique dont j'ai relevé un extrait sur son cahier d'essai pour" l'afficher dans la salle en rra.i ?..6:

Si j'étais Pierre, je serais pas Pierrot Si je suis Pierrot (il avait écrit essui Pierre

Si je sui&. Pierre, je sùis pàs Alain -

Q.Jel regret de ne pas avoir relevé la suite.

essuyer ?) je ne suis pas

(du verbe suivre ?)

Il est temps de conclure : tout n'est pas écrit, rra.is 1' essentiel est là, à l'état brut. Vous avez partagé avec rroi une partie du ch~11inement de Pierrot . A.Jjourd'hui, il continue, sans rroi, sa quête, toujours à la recherche DJ WOJELE.

Je ne suis pas forcément optiiniste pour lui, car s'il est séduit par une personne hors-norme (délinquant •.. ), il risque de ne pas être assez fort, assez solide, pour assumer les sanctions inévitables qui pourraient en découler.

!\bus avons beaucou0 appris ensemble, tant il est vrai que l'expérience est un enrichisserœnt réciproque et mutuel. Pour terminer, je voudrais vous conter une de ses crises qui m'a permis de comprendre la destination réelle de la Violence.

Le ;:ionci f qui a cours dans l ' Education et génère 1 '.Angoisse de bien des enseignants et autres éducateurs, c'est que la violence physique ou verbale est directement destinée à l'adulte. Alors, on se gausse de certaines insultes entre enfants, rra.is on es·:: outré du même vocabulaire s'il est untilisé par un enfant à destination d'un adulte ; on craint pour sa voiture, son argent ...

f\bvembre 1985 : Pierrot ne va pas bien. Il traverse une période difficile. Crise sur crise.

A la récreation de l'après-midi, un conflit éclate avec Salim. flppararrment banal. l\bus rrontons en éveil. Travail au choix organisé par le biais du plan de travail. RAS. 2ortie.

Je pressens un risque et descends en même temps que les enfants pour attirer l'attention des éducateurs. Je rerronte en classe. Q..ielques instants ••• Cris et hurlernents. U1 coup d'oeil dans la cour : Pierrot pour- suit en vain Salim ; jets de pierres. ceux éducateurs s'approchent. Je descends les rejoindre. 01 ne sera pas trop de trois !

2chérra classique. Je réussis à attraper Pierre, dans mes bras ..• comre d'habitude. D'abord, éloigner le public qui, trop souvent, attise le feu. J' hurle : "Œ?gagez ! '' d'une :ranière prérrédi tée ; tout le monde rre croira en colère ! Puis, on emmène Pierrot dans le bureau de l'éducateur principal.

Je le lâche. Il continue à hurler, renverse tout ; reprise dans les bras et je m'assieds. Arrive le direc- teur qui tente de passer par le discours, un tantinet rroralisateur : peine perdue ; Pierrot n'est plus en phase avec les rrots.

La crise durera près d'une heure ; il se calmera dans mes bras, viendra travailler en classe avec rroi, m'aidera à ranger et à porter mes affaires jusqu'à rra. voiture.

t>Je.is, entre temps, a eu lieu L'EVENEfVENT "Kapital" .•• J'en profite d'ailleurs, foin des querelles pédagogiques, pour vous l'offir en partage et dégustation !!!

Lorsque je suis assis, Pierrot dans les bras, gigotant et vociférant, un instant de calme : i l se penche vers le sol, rarra.sse un badge auquel je tiens, que je portais ce jour-là et que ses rrouverœnts ont arraché. Il me le tend, grogne :

- "Tiens, ton badge, remets-le, t'y tiens trop",

et m'octroie quelques instants pour que je le raccroche ! Ensuite, la crise reprend, rroins violente, rra.is i l faudra un bon quart d'heure avant qu'elle ne s'achève.

Intellectuellement, j 'étais persuadé, contrairement à nombre de mes collègues que la rra.jeure partie de la violencè des enfants ne nous est jarra.is destinée. La violence est surtout autorrutilation, n'en dé-

plaise au corrmun des enseignants.

IVerci Pierrot, de me l'avoir prouvé

Serge JAQtJET et le circuit Violen.ée

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