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Academic year: 2022

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NATHALIE

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VIENT DE PARAÎTRE :

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JUSTINE DU VAL

NATHALIE

FEMME VIVA

PRESSES DE LA CITÉ PARIS

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La loi du 11 mars 1957 n' autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Alain Grèzes Editions, 1988.

© « Presses de la Cité », 1988, Paris.

Reproduction et traduction, même partielles, inter- dites. Tous droits réservés pour tous pays, y compris

l'U.R.S.S. et les pays scandinaves.

ISBN 2-258-02316-5

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Pour Anne-Marie et François.

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— Il faut occuper le journal !

Les propos de Philippe Tassard provoquèrent de vives réactions. Une voix lança :

— On n'est plus en mai 68 !

Depuis le début de la matinée, chacun propo- sait des solutions face à la vague de licencie- ments qui s'abattait sur le quotidien. Cela ne concernait pas seulement les journalistes. Des secrétaires, des cadres administratifs, avaient rejoint l'assemblée. On apportait des chaises, on poussait les machines à écrire pour s'asseoir.

Nathalie s'était mise un peu à l'écart, près des grandes fenêtres qui donnaient rue de Châ- teaudun. Une petite pluie maussade ruisselait sur les toits de Paris.

— En mai 68, répliqua Philippe Tassard, il y avait entre les travailleurs une véritable solida- rité !

— La solidarité, ça ne se décrète pas ! lui répondit Meissonnier, un journaliste de politi-

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que étrangère. Et, s'il y a ici un manque de solidarité, les organisations syndicales en sont les premières responsables !

Nathalie se pencha pour voir comment allait réagir Tassard qui se trouvait directement visé.

La cravate desserrée, les manches de chemise relevées, Philippe Tassard s'agita sur son siège.

Petit, il ressemblait à un lutin monté sur des ressorts.

— Le débat va devenir politique, et je me suis gardé jusqu'ici de le situer sur ce terrain ! Des commentaires fusèrent de partout.

Nathalie eut un sourire amer. Il était bien connu que Tassard et Meissonnier n'étaient pas du même bord, et ce n'était pas en de pareilles circonstances qu'ils allaient se rencontrer...

— A quoi cela servira d'occuper le journal ? fit Meissonnier. Nous perdons des centaines de lecteurs tous les jours ! Mais personne ne veut faire son autocritique...

Il jeta son stylo en travers de la table. Tassard s'exclama :

— Tu fais le jeu de la direction !

Des applaudissements s'élevèrent parmi les murmures qui emplissaient la salle.

— Nous devons passer au vote ! s'écria quel- qu'un. Cela fait deux heures que nous discutons pour rien ! C'est dingue !

Nathalie, qui à vingt-cinq ans était une des plus jeunes journalistes du quotidien, se

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demanda si elle allait participer au scrutin.

Elle n'avait pas le moral. Comme tous ceux qui se savaient menacés, elle avait déjà ima- giné qu'elle pourrait un jour être obligée de quitter le journal. Ce matin, la crainte était devenue réalité. Le facteur avait apporté la lettre recommandée. Licenciement économique, deux mois de préavis. Nathalie s'était habillée en essayant de réprimer son inquiétude et sa nervosité. Elle avait pris sa vieille R5 et fait le trajet sous la pluie d'avril qui tombait sans arrêt.

Le chômage... En se faufilant dans les embou- teillages, elle avait tenté de chasser ce mot de son esprit mais s'était garée rue de Châteaudun, sans illusions sur son avenir dans le journal.

Où en est-on, ma jolie ? A-t-on déjà voté une motion pour savoir s'il fallait voter ?

Nathalie tourna la tête. Alain l'embrassa sur les deux joues.

Tu fais partie des victimes ? demanda- t-elle.

Alain Barrère était maquettiste au journal.

Agé d'une trentaine d'années, blond et beau garçon, passionné par son métier, il adorait dessiner. Il avait toujours un crayon à la main.

— Non... Pas pour l'instant. Mais il est possible que je sois dans la prochaine charrette ! Toi, tu es sur la liste ?

Exact ! fit Nathalie. Bientôt je pointerai à l'A.N.P.E. !

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Alain eut un petit rire.

— Allons! Tu es une jeune fille pleine de charme et de dynamisme ! Tu vas quitter cet univers insipide où la politique et les chiens écrasés, à force d'être traités de la même manière, finissent par se ressembler...

Il sortit un bloc de sa poche et commença à faire des caricatures de Tassard et Meissonnier.

— Je te rappelle que je n'appartenais ni à la rubrique politique ni à celle des faits divers mais à la rubrique « littéraire », dit Nathalie, insis- tant sur le terme comme pour le rendre plus noble et le distinguer des autres.

— Et alors? demanda Alain. Tu ne vas pas me faire croire que, même avec tout ton talent, la rubrique « littéraire » parvenait à trancher dans la grisaille de ce canard ?

Nathalie ne répondit pas. Le dernier roman sur lequel elle avait écrit un article se déroulait dans une atmosphère de grisaille. La journée était grise. Dans la rue, les gens faisaient grise mine et, dans la salle de rédaction, embrumée par la fumée des cigarettes, Nathalie remarqua combien les vêtements — ceux des hommes en particulier — étaient d'une triste uniformité.

Peut-être pour lutter contre sa propre morosité, elle avait passé en partant un chemisier imprimé aux couleurs vives. Alain, pour sa part, était un des rares à avoir des tenues originales. Il portait un large sweat blanc à empiècement bleu sur un

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jean élimé aux coutures fatiguées.

— Il n'empêche, reprit Nathalie, que je me demande ce que je vais faire...

— Du théâtre, du cinéma, que sais-je? Avec ta silhouette, tu n'as jamais songé poser comme mannequin pour les magazines ?

Nathalie haussa les épaules.

— Mon vieux, j'ai eu ma licence de Lettres Classiques à vingt ans, c'est avec l'idée de faire autre chose que de la figuration.

Alain soupira.

— Le problème avec les femmes d'aujour- d'hui, belles et cultivées, c'est qu'on a des difficultés à trouver des sujets de plaisanterie...

Il réfléchit un instant.

— Peut-être la direction va-t-elle revenir sur un certain nombre de licenciements ?

L'opposition entre Tassard et Meissonnier était devenue de plus en plus dure. Le délégué syndical tenait à son idée d'occupation du journal.

De son côté, Meissonnier, la mèche en bataille, constituait un groupe de journalistes qui devait diffuser un communiqué à la presse.

On faisait passer une corbeille à papier pour recueillir les bulletins de vote mais personne ne semblait s'entendre sur la question qui avait été posée.

— Je ne crois pas qu'ils fassent machine

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arrière, fit Nathalie. Tout a été décidé depuis longtemps. Comme tu le disais, la rubrique littéraire sera confiée à ceux qui font les faits divers. En guise de critique, on se contentera de recopier les « quatrièmes de couverture »... On ira au plus économique, au plus facile... Alain montra son bloc.

— Qu'est-ce que tu en penses ?

Nathalie dissimula en riant son visage dans les mains.

— Ils sont parfaits !

Il avait caricaturé Tassard, le représentant syndical, comme un diable jaillissant d'une boîte et dépliant une large banderole de reven- dications. Meissonnier, en uniforme de mili- taire, montait un cheval famélique.

— Toi, tu n'auras pas à t'inquiéter pour ta reconversion ! Tu pourras porter tes dessins au Canard enchaîné.

Alain prit une autre page.

— Mais je peux également faire des dessins plus sérieux. Tiens, ne bouge pas, je vais faire ton portrait.

— Ce n'est peut-être pas le moment. Et puis, je ne me plais pas tellement aujourd'hui...

Nathalie était sincère. Arrêtée aux feux rouges, elle s'était trouvée dans le rétroviseur ce visage fade des mauvais jours. Alain eut un sourire qui semblait lui pardonner son manque de lucidité.

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— J'aimerais trouver souvent des modèles aussi moches que toi.

Nathalie resta figée de trois quarts tout en suivant le déroulement de la réunion. Alain fit une ébauche à grands traits rapides. Mince, la taille élancée, Nathalie avait une jolie sil- houette que soulignaient sa jupe en lin et son chemisier. En traçant les courbes de son dessin, Alain ne put se retenir d'imaginer ce qui se trouvait en dessous... Il avait d'emblée remar- qué Nathalie lorsqu'elle était entrée au journal, voilà cinq ans déjà. C'était en août. Un job de vacances. A deux mille cinq cents francs par mois, Nathalie avait été engagée pour classer des photos. En l'absence du journaliste litté- raire, on lui avait demandé de rédiger un papier sur un livre qui venait de sortir. Au lieu de se borner, comme c'était souvent le cas dans la profession, à recopier le « prière d'insérer » envoyé par l'éditeur, elle avait fait un véritable article, personnel et fouillé. Alain se souvenait du commentaire d'André Cassaux qui avait alors proposé à Nathalie d'entrer réellement au journal : « Elle a un bon coup de plume, la gamine ! »

— C'est terminé ? Je peux bouger ?

— Attends ! Encore cinq minutes...

La « gamine » avait à peine changé. Elle avait pris, bien sûr, de l'expérience, de l'assu- rance. Elle avait un art tout particulier pour

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réaliser les « interviews » d'auteur. Plusieurs années après son charme était toujours le même : un mélange de candeur et de détermi- nation.

— Voilà... Qu'en dis-tu?

Nathalie observa le dessin.

— Si je suis vraiment comme ça, tu m'en vois très flattée.

Alain se leva.

— Bon... Je ne suis pas sûr qu'il sorte quelque chose de cette assemblée avant le courant de l'après-midi... Si on allait grignoter un petit truc ?

Nathalie prit son imperméable et son sac.

— D'accord. Je remonterai tout à l'heure.

Mais j'ai le sentiment que ma situation person- nelle n'est qu'une petite partie d'un tout autre enjeu...

Ils sortirent de la salle de rédaction. Une petite femme blonde les rattrapa devant l'ascen- seur.

— Nathalie ! Il paraît que tu « sautes » ? Moi aussi... Où vas-tu?

— Faire le point au-dessus d'un croque- monsieur salade. Viens avec nous !

Juliette travaillait au service Documentation du journal. Dans l'ascenseur, elle avoua son découragement.

— Je suis arrivée au journal l'année der- nière... J'ai à peine eu le temps d'organiser mon

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boulot qu'il va falloir que je fasse les petites annonces. Je me demande si je ne vais pas me proposer pour des ménages...

Il pleuvait toujours. Une pluie fine et fraîche.

Nathalie remonta le col de son imperméable et marcha jusqu'à sa voiture pour remettre une pièce de dix francs dans le parcmètre. C'était curieux, depuis cinq ans elle avait fait le trajet jusqu'au journal comme si la rue de Château- dun et l'immeuble du 28 avaient fait partie de sa vie et tout cela aujourd'hui paraissait appartenir à un passé lointain. La brasserie où elle déjeu- nait si souvent ressemblait maintenant à n'im- porte quelle autre.

Nathalie poussa la porte d'entrée et rejoignit Alain et Juliette dans le coin qu'occupaient fréquemment des gens du journal. Elle prit place sur la banquette de moleskine rouge.

— Je suis étonné, dit Alain, par ta sérénité...

Juliette acquiesça.

— Oui. Moi, je n'avais pas un poste très important mais toi, tu commençais à te faire une place ! Vraiment, c'est écœurant...

Nathalie commanda son croque-monsieur et rendit la carte au garçon.

— Où as-tu vu que j'étais sereine ? Non. Je suis déçue. Mais en même temps je prends conscience des limites qu'avaient mes activi- tés... Au journal, la littérature paraissait béné- ficier d'un certain prestige. On maintenait la

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Patrick tenta de la retenir par le bras.

- Laisse-moi ! s'écria Nathalie. Dans la vie, il faut savoir faire des choix !

La porte claqua.

Femme Viva : La collection des femmes qui vivent.

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