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Les investissements des multinationales de l'automobile dans le Tiers Monde

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Academic year: 2022

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Rémy Prud'homme

Les investissements des multinationales de l'automobile dans le Tiers Monde

In: Revue d'économie industrielle. Vol. 29. 3e trimestre 1984. pp. 62-77.

Abstract

Auto multinationales do no invest in developing countries just to benefit from low wages. As a matter of fact, production costs are higher in developing countries, where economies of scale cannot be reaped. The political will of developing countries is the major determinant of these investments. Integration (import-substitution) strategies have generally failed, except in Brazil. They are increasingly substituted or complemented with compensation strategies, that make more economic sense.

Résumé

Les multinationales de l'automobile n'investissent pas dans le Tiers-Monde pour y bénéficier de faibles coûts de main-d'oeuvre.

Les coûts de production, qui ne bénéficient pas d'économies d'échelle, y sont plus élevés. C'est la volonté politique des gouvernements de ces pays qui est la cause de ces investissements. Aux stratégies d'intégration (de substitution des importations), qui ont échoué partout, sauf au Brésil, se substituent ou s'ajoutent de plus en plus des stratégies de compensation, qui sont préférables pour toutes les parties.

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Prud'homme Rémy. Les investissements des multinationales de l'automobile dans le Tiers Monde. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 29. 3e trimestre 1984. pp. 62-77.

doi : 10.3406/rei.1984.2123

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1984_num_29_1_2123

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Les investissements des multinationales de l'automobile dans le tiers-monde

Rémy PRUD'HOMME*

Professeur à l'université de Paris XII

I. — INTRODUCTION

Les multinationales de l'automobile ont beaucoup investi, et continuent d'investir, dans les pays du Tiers-Monde (définis ici comme les pays où le PNB par habitant était en 1980 inférieur à 4 500 $ et quatre pays pétroliers, ce qui inclut tous les pays d'Afrique, d'Amérique Latine, d'Asie — sauf le Japon — et quatre pays d'Europe : la Grèce, le Portugal, la Yougoslavie et la Turquie).

Pourquoi ? Certains théoriciens (Vernon, 1966) ont suggéré que l'automobile est un produit « mûr », que la localisation de sa production est déterminée par des considérations de coûts de production, et donc que les bas salaires des pays du Tiers-Monde attirent les investissements des multinationales. En fait, le secteur de l'automobile est souvent donné comme un exemple de ces thèses.

La réalité, cependant, est plus complexe, et sensiblement différente. Avant d'en examiner certains aspects, il n'est pas inutile de rappeler brièvement quel ques caractéristiques du secteur étudié. Les unes concernent le produit, les autres les producteurs.

Le produit est d'abord diversifié. Le vocable automobile désigne aussi bien la voiture particulière légère que le camion lourd ; les conditions de la production de ces différents véhicules varient sensiblement. L'automobile est aussi un pro duit complexe. On estime que 4 000 à 5 000 pièces différentes concourent à la fabrication d'une automobile. Il est extrêmement important de bien distinguer les opérations de montage (ou d'assemblage) des opérations de fabrication de pièces.

Les premières retiennent d'avantage l'attention, parce qu'elles sont le fait de grandes entreprises, opérant dans de grandes usines, et qu'elles entraînent l'ensemble. Mais les secondes sont plus importantes, en termes de valeur ajoutée ou d'emplois. Troisièmement, l'automobile est un produit en évolution rapide, surtout depuis dix ans. Les émissions de polluants ont été divisées par dix durant cette période, et la consommation de carburant par deux. Des matériaux nou veaux sont apparus. Des nouvelles techniques de production ont été mises en place. La fabrication du produit, enfin, demande, en dépit des énormes investi ssements nécessaires, beaucoup de main-d'œuvre. On estime qu'il faut (avec les

(*) Ce texte a bénéficié des commentaires de Richard DARBERA, chargé de recherche au CNRS, ra ttaché à l'université de Paris XII, ainsi que des critiques formulées par trois lecteurs anonymes.

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Illustration non autorisée à la diffusion

techniques de production en usage dans les pays développés) environ 200 heures de travail, 42.000 francs de capital (et 7.000 francs de matières premières) pour fabriquer une automobile. La part du travail dans la valeur ajoutée varie avec le prix du travail et celui du capital, mais on peut calculer qu'elle est avec les prix en vigueur dans les pays développés d'environ 70 °/o.

Les producteurs, c'est-à-dire les multinationales de l'automobile, ont trois caractéristiques principales. Tout d'abord, elles dominent la scène. Le tableau I présente les plus importantes d'entre elles ; ce sont des multinationales en ce sens qu'elles vendent et qu'elles produisent dans tout le monde. On notera que ces multinationales sont toutes originaires de sept pays seulement, qu'on appellera ici les « Sept Grands » : les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Elles possèdent la technologie. Elles contrôlent la production, dans leur pays ou ailleurs : une vingtaine de multinationales assurent

TABLEAU I : Multinationales de l'automobile, 1980

Entreprise Ford GM

Toyota Nissan Volkswagen Audi - NSU Renault (a) Peugeot-Citroën Fiat-Lancia Alfa-Roméo (b) Toyo-Kogyo Mitsubishi Chrysler (c) Honda Daimler-Benz British-Leyland (d) Isuzu

Suzuki BMW Volvo Saab-Scania

Pays d'origine

US US Japon Japon France RFA France Italie Japon Japon Japon US RFA R.Uni Japon Japon Suède RFA Suède Autres firmes

(dont : firmes des pays industriels économies planifiées)

TOTAL

Production (en milliers d'automobiles)

6,712 4,183 3,800 3,118 2,531 2,388 2,019 1,790 1,121 1,105 1,009 957 707 597 472 469 330 311 105 6,268 (2,627) 39,992

Part du total mondial

16,8 10,5 9,5 7,8 6,3 6,0 5,0 4,5 2,8 2,8 2,5 2,4 1,8 1,5 1,1 0,8 1,2 0,8 0,3 15,7 (6,6) 100,0

Part de la production de la firme en dehors de son pays

d'origine (en %) 29 55

35 28 18 12 25 11 12

34 11

Source : d'après UNCTC (1982), p. 67 et estimation de l'auteur pour le total mondial.

Notes : (a) y compris AMC

(b) non compris SEAT (Espagne) où Fiat avait une participation minoritaire jusqu'en 1981.

(c) non compris les productions de Chrysler Europe, comptées sous Peugeot-Citroën ; mais y compris Chrysler Brésil (racheté par Volkswagen en 1981).

(d) en comptant la production de B-L en Belgique comme de la production.

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Illustration non autorisée à la diffusion

84 °7o de la production automobile mondiale, et 93 % de la production en dehors des pays communistes. Deuxièmement, ces multinationales ont un pouvoir de négociation élevé. Le tableau II compare le « poids » de certaines multinational es, tel que l'exprime leur chiffre d'affaires, et le « poids » de certains gouverne

ments du Tiers-Monde, tel que le mesure le volume des dépenses budgétaires. Les ordres de grandeur sont les mêmes. Troisièmement, et ce point n'est pas le moins important, les multinationales de l'automobile sont en concurrence. Le secteur est oligopolistique, mais pas cartélisé. En fait, la concurrence est acharnée, les profits sont faibles, les décès (ou les absorptions) fréquents. Cette concurrence qui porte sur les produits, la vente et les coûts, s'intensifie actuellement, et boule verse la technologie des produits et de la production. On ne cherchera pas ici, à analyser ces bouleversements, ni leurs conséquences en matière d'emploi, d'investissements, de relations avec les fournisseurs, etc., qui sont considérab les, mais qui concernent surtout les pays développés où se situe l'essentiel des marchés et des usines.

On se limitera, plus modestement, au phénomène de l'investissement des mul tinationales de l'automobile dans le Tiers-Monde. On essaiera d'abord de préci ser ce phénomène (Sect. II). Puis, cherchant à l'expliquer, on analysera le rôle

TABLEA U II : Le poids des multinationales de l'automobile et des pays du Tiers-Monde, 1981

GM (b) Ford (c) Fiat

VW Daimler-Benz Renault Nissan Toyota Peugeot Mitsubishi Chrysler Volvo Honda

British-Leyland Toyo-Kogyo Saab-Scania

Ventes des nationales (a) (en milliards de $)

62,7 38,2 19,6 16,8 16,3 16,2 16,2 15,7 13,4 12,4 12,0 9,5 7,5 5,8 5,4 3,2

Mexique (1980) Brésil

Inde Venezuela Indonésie (1980) Turquie (1980) Afrique du Sud Argentine Malaisie Corée

Maroc (1980) Thaïlande Pérou

Colombie (1980) Kenya

Dépenses des gouvernements (d) (en milliards de $)

30,6 23,1 22,8 19,8 18,3 14,6 13,9 12,3 10,7 9,6 6,2 6,1 4,6 4,5 2,0

Sources : Fortune, 23 août 1982 et International Financial Statistics, Mars 1983 Notes : (a) Ventes des groupes, et non seulement de leurs divisions automobile.

(b) Non compris GM of Canada (8,7 milliards de $).

(c) Non compris Ford Motor UK (6,2) ni Ford Werke, d'Allemagne (4,7).

(d) Données non disponibles pour le Nigeria, la Yougoslavie, l'Egypte, l'Iran, la Chine ; les dix gouverne ments les plus « lourds » sont classés par ordre d'importance ; les autres gouvernements sont donnés à titre d'exemple.

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des coûts de production (Sect. Ill) et la politique des pays hôtes (Sect. IV). On s'interrogera ensuite sur l'avenir des investissements automobiles dans le Tiers- Monde (Sect. V) avant de conclure (Sect. VI). La thèse principale est que ces investissements ne s'expliquent pas par le souci des multinationales de réduire leurs coûts, mais par la volonté des pays du Tiers-Monde de développer une industrie automobile, et que ces investissements résultent de négociations. La thèse accessoire que le contenu de ces négociations, et donc la nature des investi

ssements des multinationales de l'automobile dans le tiers-monde, évoluent rapi dement, et pour de bonnes raisons : à un effort d'intégration se substitue (et par fois s'ajoute) un effort de compensation.

IL — L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE

Dans l'industrie automobile, l'investissement à l'étranger n'est pas un phéno mène nouveau. Dans les années 1920, les trois grandes firmes américaines (Ford, G. M. et Chrysler) investissaient en Europe. Elles investissaient aussi en Améri que Latine dans des usines de montage. Plusieurs firmes européennes suivirent cet exemple. Dans le Tiers-Monde, qui ne s'appelait pas encore ainsi, le phéno mène restait très limité. Il ne s'agissait que d'usines de montage ; et les quantités d'automobiles montées étaient très faibles. L'usage de l'automobile était très peu répandu, et la plupart des automobiles utilisées étaient importées des pays déve loppés. En 1950, on ne comptait guère que 4 millions de véhicules sur les routes de l'ensemble des pays du Tiers-Monde. C'est dans les années cinquante que s'amorce le mouvement d'investissement dans l'industrie automobile dans le Tiers-Monde.

Ce mouvement a été engendré ou entraîné par les multinationales. Presque toutes les grandes usines qui ont été créées — usines d'assemblage plus ou moins intégrées, c'est-à-dire fabriquant plus ou moins de pièces — l'ont été avec l'expertise et plus généralement les capitaux des multinationales. Il n'y a que quat re pays à avoir, en partie, essayé de se passer de multinationales : l'Inde, la Youg oslavie, la Corée et la Chine. En Inde, ce sont des entreprises indiennes qui ont produit, sous licence, des voitures et des camions de conception allemande, anglaise et italienne ; elles ont maintenant acquis la maîtrise de la technologie (mais celle-ci est malheureusement dépassée, sauf en ce qui concerne les camions, domaine où les entreprises indiennes ont su investir et innover). En Corée, ce sont aussi des entreprises nationales qui ont monté des modèles étrangers, et aussi conçu un modèle coréen, la Pony ; mais beaucoup des éléments de la Pony sont fabriqués sous licence ; et G. M. détient 50 % du capital de Sachan, l'une des trois firmes coréennes. Partout ailleurs, les nombreuses entreprises de montage qui se sont créées ont presque toujours été des filiales, souvent à 100 %, de multi nationales.

L'exemple le plus frappant est sans doute celui du Brésil. En 1957, les multinat ionales furent invitées à s'implanter au Brésil ; sept firmes (Volkswagen, G. M., Ford, Simca, Mercedes, Scania et International Harvester) acceptèrent ; trois autres (Toyota, Volvo et Fiat) vinrent plus tard. Au Mexique les négociations auront lieu en 1962, et cinq multinationales (Chrysler, Ford, G. M., Datsun, c'est-à-dire Nissan, et Volkswagen) s'implantèrent, ultérieurement rejointes par Renault.

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Il faut noter, cependant, qu'à côté des grandes usines de montage, et dans les cas les plus importants, des usines (ou des départements) qui fabriquent les pièces nobles comme les moteurs ou les transmissions, on a créé des usines de pièces détachées — qui fournissent les précédentes. Ces entreprises sont parfois des filiales des multinationales, parfois des filiales des producteurs de pièces des pays développés (qui sont eux-mêmes de petites multinationales), le plus souvent con trôlées par des capitalistes locaux.

Le résultat de tous ces investissements est que la production automobile dans le Tiers-Monde, qui était négligeable en 1960, représente actuellement environ 8 °/o de la production mondiale. La notion de « production automobile » n'est pas très précise ; on l'a défini en termes « d'équivalent voitures particulières » (E.V. P.), en faisant l'hypothèse de chaque véhicule utilitaire produit égale deux E.V. P., et en multipliant, pays par pays, la production ainsi calculée par le taux de contenu local de cette production. Les résultats de cette estimation apparais sent au tableau III.

TABLEAU III : production automobile dans le Tiers-Monde, 1980 Production dans :

Monde Sept Grands

Autres pays développés

Pays industrialisés à économie nifiée

Tiers-Monde dont : Europe

Amérique Latine Afrique

Asie Brésil Chine Mexique Argentine Afrique du Sud Yougoslavie Corée Inde

Autres pays

En milliers d'E.V.P.

49,493 38.327 3.957 3.105 4.079 2.195 341 1.179 364 1.322 422 406 267 327 247 167 779 142

En % du total mondial

100 77 8 6 8

— —

— —

— — _ —

— —

— —

En % du total Tiers-Monde

— —

100 8 54 9 29 32 10 10 7 8 6 4 19 3

Source : calculs de l'auteur, à partir de nombreuses sources, et en particulier du Répertoire Mondial de la Chambre Syndicale des Constructeurs Automobiles. Soit v¡ le nombre de voitures particulières produites ou assemblées dans le pays i, Uj, le nombre de véhicules utilitaires, \¡ le taux de contenu local, et pj la production en équivalent voiture par ticulière ; on a pj = X¡ (vj + 2 u¡). On notera que le total monde exprimé en EVP diffère du total monde du tableau

I, exprimé en nombre de véhicules.

Ce tableau montre que, si la part du Tiers-Monde a beaucoup augmenté, elle reste faible. Il montre que la part de l'Amérique Latine dans le Tiers-Monde est importante et que le Brésil, la Chine, le Mexique, l'Argentine, l'Afrique du Sud, la Yougoslavie, la Corée et l'Inde représentent 80 °/o de la production du Tiers- Monde. Si l'on tient compte du fait que la Chine, la Yougoslavie, la Corée et l'Inde ont développé leur industrie automobile sans recours important au capital des multinationales, on voit que les investissements des multinationales de l'aut omobile se sont principalement dirigées vers l'Amérique Latine.

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Toutes les multinationales n'ont pas eu la même attitude vis-à-vis des investi ssements à l'étranger ainsi que le suggère la dernière colonne du Tableau I. Le contraste entre les mutinationales américaines et japonaises est ici frappant. Les premières ont beaucoup investi dans les pays du Tiers-Monde (ainsi que dans les pays développés) même si Chrysler au temps de ses difficultés, a vendu ses usines étrangères. Les secondes, qui produisaient dans de bonnes conditions à domicile, ont peu investi à l'étranger. Certaines, comme Nissan ou Honda, ont investi plus que d'autres, comme Toyota. Toutes s'efforcent actuellement de rattraper leur retard : Mitsubishi en Corée, Suzuki en Inde, à Taïwan. Les firmes européennes sont dans une position intermédiaire.

III. — LE RÔLE DES COÛTS DE PRODUCTION

Les investissements des multinationales de l'automobile dans le Tiers-Monde s'expliquent-ils par les coûts de production ? Les théories des coûts comparatifs, ou du cycle de la vie des produits, font jouer un rôle explicatif clé aux coûts de production. Les coûts de production devraient en principe être bien moins élevés dans les pays du Tiers-Monde, puisque le coût du capital n'y est pas plus élevé, et que le coût de la main-d'œuvre y est bien plus faible. Le capital, en effet, est généralement apporté par la multinationale qui investit, et est indépendant de la localisation. De plus, les investissements dans l'automobile dans le Tiers-Monde ont assez parfois bénéficié de subvention de la part du pays hôte, qui ont abaissé le coût du capital. En ce qui concerne le coût de la main-d'œuvre, le tableau IV montre bien l'ampleur des différences, aux taux de change en vigueur. Si l'on reprend les chiffres cités à la section I, on peut construire le tableau V, qui repré sente les coûts théoriques en fonction du coût de la main-d'œuvre, pour trois pays hypothétiques A, B, C. Le pays A est un pays développé, comme les Etats- Unis, où le coût de la main-d'œuvre pour les entreprises est d'environ 143 francs

TABLEAU IV : Salaires horaires (a), différents pays, 1980

Etats-Unis Japon Allemagne France Italie

Royaume-Uni Suède

Brésil Mexique Corée Taïwan Grèce Portugal Venezuela

Dans l'industrie autombile (en $ 1980)

(b) (c)

16,1 15,3 6,9 10,3 8,5 8,0 12,7 4,3 2,4 1,4 1,7 n.d.

n.d.

n.d.

16,1 16,1 6,9 10,3 8,3 8,8 12,3 3,2 4,9 n.d.

n.d n.d 3,2 6,3

Dans l'industrie (en $ 1980)

(b) 9,9 5,6 12,3

9,2 8,2 12,5 7,3

2,9 1,7 1,1 1,3 3,1 2,0 3,4

Notes : (a) Incluant les rémunérations indirectes, du type contributions à la Sécurité sociale, et les vacances, bonus, etc.. Les données ont été converties en $ aux taux de change en vigueur en 1980, qui ont beaucoup changé depuis cette date.

Sources : (b) Documents non publiés du US Department of Labor, Bureau of Labor, Statistics, Office of Productiv ity and Technology, (c) Données internes communiquées par une multinationale.

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TABLEAU V : Coûts théoriques de la production d'une automobile (trois pays hypothétiques, 1980 - en francs)

Facteurs de production Capital (en francs)

Main-d'œuvre (en heures) Coût main-d'œuvre (en F/h) Coût des facteurs :

Matières premières Capital

Main-d'œuvre Total

A 42.000

200 143

7.000 8.400 28.600 44.000

B 42.000

200 50

7.000 8.400 10.000 25.400

C 42.000

200 20

7.000 8.400 4.000 19.400

Sources et Notes : Estimations de l'auteur. Le coût du capital est calculé comme l'amortissement, estimé à 10 % et le coût d'opportunité du capital, estimé aussi à 10 %.

l'heure. Le pays B est un pays comme l'Espagne, le pays C un pays comme le Brés il ou la Corée. On voit que le coût de production théorique dans le pays C repré sente seulement 43 %, soit moins de la moitié, du coût de production en A.

En pratique, cependant, tous les experts s'accordent à dire qu'en réalité le coût de la production d'une automobile dans un pays du Tiers-Monde est plus élevé que le coût de la production du même véhicule dans le pays d'origine de la multi nationale. Le surcoût varie selon les pays et les époques, mais il est rarement infé rieur à 30 °/o. Des surcoûts de 80 ou 100 % ne sont pas rares ainsi que le montre le tableau VI. Comment expliquer ce paradoxe ?

Une première raison tient à la productivité du travail. Même si l'usine du pays C était la même que l'usine du pays A, il faudrait pour produire la même auto-

TABLEA U VI : Coûts de production de véhicules identiques, pays développés et pays en voie de développement

Pays Corée Taïwan Philippines Indonésie Thaïlande Malaisie

Modèle Mitsubishi Lancia

Ford Mark IV Nissan Sunny Toyota Corolla

VW Passat Fiat 131 Holden Gemini Toyota Corolla

VW Golf Toyota Corolla

Fiat 131

Année 1980 1980 1980 1977 1977 1977 1977 1978 1978 1977 1977

Rapport de prix (a) 1,19

1,40 1,19 1,52 1,78 2,88 2,11 2,06 1,87 1,45 1,47

Note : (a) Prix du véhicule dans le pays en voie de développement divisé par le prix du même véhicule dans son pays d'origine.

Source : Mitsubishi Research Institute.

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mobile en C beaucoup plus de 200 heures de travail. Mais en réalité les usines de A et de C ne seront pas les mêmes. Celles de A seront beaucoup plus grosses.

Elles produiront plus d'automobiles par an, réalisant ainsi des économies d'échelle qui font que beaucoup moins de capital et moins de main-d'œuvre sont nécessaires pour produire une automobile en A qu'en C. Ce phénomène des éco nomies d'échelles est capital dans l'industrie automobile. Il a été très étudié (Maxcy, 1978). Le gain d'échelle varie avec les différentes étapes de la product ion. Il n'est pas considérable pour l'assemblage, qui requiert beaucoup de main- d'œuvre ; l'optimum technique est cependant du côté de 200.000 unités par an. Il en va de même pour les opérations de finition des pièces. Pour le moulage et le forgeage, l'optimum est plus élevé, et les gains d'échelles plus importants. Pour les pressage, où il s'agit d'amortir les coûteuses presses, c'est 400.000 unités qu'il faut produire si l'on veut produire bon marché. La production de la plupart des pays du Tiers-Monde est inférieure à ces chiffres, et elle est répartie entre bon nombre de modèles différents. Dans beaucoup de cas, les séries annuelles ne dépassent pas 20.000 ou 30.000 unités. Il faut voir là la cause principale des coûts élevés de production dans les pays du Tiers-Monde. Elle est souvent renforcée par l'obligation faite aux multinationales de se fournir localement en pièces qui sont aussi plus coûteuses, à la fois parce qu'elles ne bénéficient pas non plus d'économies d'échelles, et parce que leurs producteurs abusent de leur position de monopoleur. En fait, le coût est à la fois fonction du taux de contenu local, et de la quantité produite.

Coûts unitaires = 100 pour une production de 50.000 unités 100

90 80 70 60 50

Assemblage

Finition des pièces Forgeage et moulage

Pressage

^ Production 100.000 200.000 300.000 400.000 annuelle FIGURE I : Les économies d'échelle dans l'industrie automobile

II convient de noter que les économies d'échelle sont beaucoup moins mar quées dans le cas des véhicules utilitaires (camions, autobus) que dans celui des voitures particulières.

Il semble établi également que l'influence des économies d'échelle est en train de diminuer. Les usines robotisées sont d'abord des usines flexibles, capables de

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passer rapidement d'un modèle à un autre, sans nécessairement produire un très grand nombre d'unités de chaque modèle. Mais ces usines, qui sont les usines de demain dans les pays développés sont les usines d'après-demain dans les pays du Tiers-Monde. La portée de cette évolution est nulle pour l'analyse du passé, et faible pour l'analyse du futur.

Il apparaît donc que ce ne sont pas des considérations de coût qui motivent les investissements des multinationales de l'automobile dans les pays du Tiers- Monde.

IV. — LA POLITIQUE DES PAYS HOTES

Les multinationales de l'automobile préféreraient investir et produire dans leur pays, ou dans d'autres grands pays développés, plutôt que dans le Tiers-Monde.

Mais les pays du Tiers-Monde ne leur laissent pas ce choix. Ce sont eux, par leurs politiques, qui amènent les multinationales à investir. La démarche de ces pays est facile à comprendre.

Tout d'abord, ils ne peuvent pas se passer d'automobiles. Les inconvénients de l'automobile ont été souvent décrits et analysés : elle crée des embouteillages, elle consomme de l'énergie, elle rejette des polluants, elle cause des accidents, elle matérialise les différences de revenus. Notons d'abord que ces inconvénients (à l'exception du dernier) sont surtout le fait des véhicules utilitaires. Même si on les prend en compte, la supériorité technologique de l'automobile sur les autres moyens de transport pour la plupart des déplacements est telle que tous les pays du Tiers-Monde ont besoin d'automobiles et en particulier de véhicules utilitai res, et que ce besoin est facilement transformé en demande solvable. Le parc aug mente, et il est passé de 4 millions de véhicules en 1950 à 9 millions en 1960, 24 millions en 1970 et 52 millions en 1980. La plupart des pays du Tiers-Monde ont donc cherché à fabriquer chez eux au moins une partie des véhicules qu'il achè tent. Ils ont réservé leur marché aux multinationales qui acceptaient de venir pro duire chez eux.

La politique d'implantation suivie par les pays hôtes passe généralement par trois phases. Dans un premier temps, le pays hôte invite les multinationales à créer une usine de montage à l'abri de solides barrières douanières. La valeur ajoutée par le montage est d'environ 20 °/o du prix des véhicules. On trouve de telles usines dans presque tous les pays du Tiers-Monde à l'exception des plus petits.

Le pays hôte comprend vite que les véhicules ainsi « fabriqués localement » coûtent cher en devises, et, dans une deuxième phase, s'efforce d'élever le con tenu local des véhicules fabriqués. Il passe des lois ou négocie des accords avec les multinationales à cet effet. Tantôt, le contenu local est défini en poids (Vene zuela), tantôt il est défini en valeur (Mexique, Brésil) ; il peut du reste l'être de deux façons : aux prix pratiqués dans le pays hôte (Mexique) ou aux prix prati qués dans le pays d'origine de la multinationale (Brésil) ; il y a aussi des pays qui promulguent la liste des pièces qui devront être achetées localement. Cette phase d'augmentation du contenu local et délicate. Si le chiffre prescrit est trop élevé, cela entraînera une augmentation des coûts, qui diminuera le marché, ce qui aug mentera encore les coûts, et empêchera l'industrie automobile de se développer.

La figure 2 explicite le phénomène. Soit D la demande au temps t et D' la

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demande au temps t\ Soit C la famille de courbes de coûts en fonction des quant ités produites ; toutes les économies d'échelle sont atteintes lorsque les quantités produites sont Q ; Co correspond à un contenu local nul (c'est le coût des import ations), Ci à un contenu local rj plus élevé (par exemple, 30 %), C2 à un contenu local r2 plus élevé (par exemple, 60 %).

Coûts et prix ^

D c2 \ Ci ^^

Co

D'

i M

1\

■ i'1

Q2 QlQoQ'lQ'2 " Quantités

FIGURE 2 : La dynamique de l'augmentation du contenu local dans l'industrie automobile

On voit qu'en t, en l'absence de protectionnisme, le pays importerait Qq. Avec un contenu local rj il va fabriquer Qj, et avec un contenu local r2, Q2. Si la demande ne change pas, l'élévation du contenu local de rj à r2 entraînera une diminution de la production de Qj à Q2. Si la demande au contraire augmente et passe de D en D', il sera possible de produire Q't avec le contenu local x\ ou Q'2 avec le contenu local sans réduire la production, à condition que cette augmentat ion du contenu local ne soit pas trop rapide par rapport à l'augmentation de la demande.

Les multinationales sont généralement opposées à l'élévation des taux de con tenu locaux, qui entraînent pour elles une réduction de leurs exportations de piè ces, et des investissements nouveaux dans le pays hôte. Mais le pays hôte en fait généralement une condition de la présence dans le pays. Tous les gouvernements n'ont pas su négocier ces augmentations de contenu local avec un bonheur égal.

On peut citer ici le contraste entre le cas du Brésil et celui du Mexique. Au Brésil, un gouvernement fort a, dès le départ, imposé un calendrier précis de « brésilia- nisation », et a su le faire respecter. Les firmes qui sont venues en 1957 s'enga geaient à ce que le taux de contenu local soit de 90 % en 1960 ; ce taux a été atteint en 1961 . Au Mexique au contraire, en dépit d'au moins quatre décrets pré sidentiels, les multinationales ont traîné les pieds et en 1980, le taux de contenu local ne dépassait guère 60 °/o .

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Dans une troisième phase, qui n'est pas atteinte dans beaucoup de pays, le pays hôte s'efforce de pousser les multinationales à exporter une partie des véhicules produits sur son sol. Là encore, les multinationales sont extrêmement réticentes.

En 1973, le Président de Volkswagen déclarait à Sao-Paulo : « Nous ne ménage rons pas nos efforts (pour pénétrer les marchés extérieurs) mais il faut considérer que ces efforts ont des limites clairement définies : ils ne doivent pas nuire aux intérêts des autres usines Volkswagen en Europe » (Jornal da Tarde, 17/11/73, cité par Mirow, 1978. p. 225). Dans le cas du Brésil, pourtant, en jouant habil ement de la carotte des exemptions fiscales et du bâton des menaces de non- autorisation d'extension des installations, les gouvernements ont réussi à con vaincre les multinationales d'exporter des véhicules — plus de 110.000 en

1980 — vers d'autres pays, notamment dans le Tiers-Monde. Là encore, c'est la politique du pays hôte qui est le facteur moteur des investissements des multinat ionales.

Dire que le rôle moteur a été joué par la volonté politique des pays du Tiers- Monde d'attirer des investissements n'est pas dire que les multinationales sont restées passives, et ont accepté sans broncher les conditions qui leur étaient offer tes. Elles ont au contraire fait leur possible pour modifier ces conditions dans le sens de leurs intérêts. Elles ont donné des pots de vin, fait intervenir le gouverne ment de leur pays d'origine. On peut citer le cas de l'ambassadeur des Etats-Unis au Mexique visitant l'usine Ford dans ce pays au moment où le gouvernement mexicain hésitait à donner à Ford l'autorisation de produire ; celui du Japon évo quant, toujours au Mexique, ses achats de riz au moment où Nissan demandait l'autorisation de s'installer ; la façon dont Fiat, qui n'avait pas répondu au pre mier appel d'offre, s'implanta au Brésil ; ou encore le refus par G. M. du plan coréen qui prévoyait le retrait de Sachan de la production d'automobiles. Mais tout cela n'infirme pas l'affirmation du rôle primordial de la volonté politique des pays du Tiers-Monde.

V. — DANS L'AVENIR DES INVESTISSEMENTS AUTOMOBILES DES MULTINATIONALES DANS LE TIERS-MONDE

Ce chemin en trois étapes, qu'a si bien réussi le Brésil va-t-il être parcouru par les autres pays du Tiers-Monde ? A peu près certainement pas. Va-t-on voir des pays se lancer seuls, sans intervention des multinationales, à la manière de la Corée ? C'est tout aussi improbable. Il est extrêmement difficile, avec ou sans multinationales, de devenir un producteur complet d'automobiles. Il faut d'abord un large marché, qui existe dans très peu de pays. Il faut une sophistica tion technologique, qui est encore plus rare.

Il ne s'ensuit pourtant pas du tout que le flot des investissements des multina tionales de l'automobile dans le Tiers-Monde va se tarir. Mais il va prendre une

autre forme. La demande de véhicules dans le Tiers-Monde va continuer d'aug menter. Elle pourrait être de 9 millions (dont 4 millions de véhicules industriels)

en 1990, et 17 millions (dont 7 millions de véhicules industriels) en 2000. Les pays du Tiers-Monde continueront de vouloir que se localise chez eux une partie au moins de cette production. Mais leur politique pour y parvenir va sans doute changer. Au lieu de se battre sur des taux de contenu local, ils vont se battre sur

des taux de compensation.

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Illustration non autorisée à la diffusion

TABLEAU VII : Quelques projets d'investissements de multinationales dans le Tiers-Monde, 1983

Multi nationales Renault (a)

G.M. (b) Peugeot (c)

G.M. (c)

G.M. (d) Ford (d) Volkswagen (d)

Nissan (d) Renault (d)

Pays Portugal

Brésil Tunisie

Tunisie

Mexique (d) Mexique Mexique Mexique Mexique

Montant (millions de francs)

250

110

Production annuelle 65.000 voitures

200.000 moteurs 80.000 transmissions 80.000 boîtes de vitesses 250.000 moteurs

400.000 jeux de chambres de pistons

400.000 volants moteurs 400.000 tuyaux d'échappé - ment

7.000.000 bougies

300.000 systèmes électriques 500.000 disques

d'embrayage 400.000 moteurs 400.000 moteurs 300.000 moteurs 250.000 radiateurs 450.000 moteurs 300-400.000 moteurs 300.400.000 suspensions

Date du début de la production

1983 ( 1985

( 1985

1982 1983 1982 1989 1983 1984 1983 Sources : (a) Chambre Syndicale des Constructeurs Automobiles

(b) Sinclair, 1982, p. 46

(c) Maghreb-Développement, Oct. Nov. 1982, p. 18 (d) S.P.P., 1982, p. 152

Ce mouvement est déjà engagé. Ce que les pays du Tiers-Monde exigent des multinationales qui veulent produire et vendre sur leur territoire, c'est qu'elles importent un certain pourcentage du montant des exportations de pièces néces saires à leur production, qu'elles « compensent » les pertes en devises du pays hôte. Le Mexique a montré la voie. Il alloue à chacune des multinationales qui opèrent sur son territoire un budget en devises qui doit être, à terme, au moins équilibré. A chaque peso de pièces importées devra correspondre un peso de piè ces exportées. L'objectif n'est plus de fabriquer des véhicules intégralement mexicains (avec un contenu local égal à 1) ; il est de fabriquer des véhicules qui ne coûtent rien en devises au Mexique. Le Mexique deviendra donc exportateur et importateur de pièces. En termes de localisation de la valeur ajoutée, le résultat sera le même. A la limite, dans cette optique nouvelle, on pourrait imaginer qu'un pays renonce complètement à assembler le moindre véhicule et importe toutes ces automobiles, en échange d'une usine de moteurs dont les produits seraient intégralement exportés.

La supériorité de cette formule, c'est qu'elle permet de bénéficier des écono mies d'échelles. Les usines que les multinationales vont implanter dans le cadre

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de ces accords de compensation vont être des usines de taille optimale. Bien entendu, ces usines exporteront une large partie de leur production. Le Mexique, où chacune des cinq multinationales va produire 400.000 moteurs, n'est évidem ment pas en mesure d'absorber 2.000.000 de moteurs par an. Le gain réalisé (relativement au modèle antérieur, où la production se faisant dans des usines de taille sub-optimale) sera partagé entre les multinationales et les pays du Tiers- Monde, en fonction des rapports de force relatifs. Déjà, de nombreux investiss ements de ce type sont engagés. Le tableau VII en indique quelques uns.

L'évolution engagée est intéressante à plus d'un titre. Pour les multinationales de l'automobile elle implique une intégration au niveau mondial de leur product ion. Les véhicules de demain seront assemblés dans le pays A, avec des pièces provenant des pays B, C, D. Le choix de ce qui sera fait en A plutôt qu'en B dépendra des coûts de production des différentes pièces dans les différents pays, et des résultats de négociations entre les multinationales et les pays — y compris les pays des multinationales. Pour les pays hôtes, cette évolution marquera la fin d'un rêve nationaliste souvent coûteux, mais un gain économique. Pour ceux-ci et pour ceux-là, une interdépendance accrue. La multinationale qui recevra une partie importante de ses moteurs du pays A sera fragilisée par la fragilité de A.

De la même façon, le pays qui produira pour la multinationale X sera plus dépen dant du sort de X.

VI. — CONCLUSION

Le cas de l'automobile met en évidence l'importance de la variable politique économique dans les investissements internationaux. Les théories économiques qui négligent cette variable ont un pouvoir explicatif faible. Dans un monde gou verné par les seules lois de l'économie, les multinationales de l'automobile n'investiraient guère dans le Tiers-Monde, où les coûts sont généralement plus élevés. C'est la volonté de ces pays d'attirer vers eux une partie de la valeur ajou tée par la production, volonté traduite dans leurs politiques économiques, qui explique les investissements des multinationales. Les pays du Tiers-Monde ont en quelque sorte échangé leurs marchés contre des investissements. Ce qui a freiné le mouvement des biens, a accéléré celui des capitaux.

Le cas de l'Irlande offre une sorte de vérification empirique de cette affirma tion (même si l'Irlande n'est pas à proprement parler un pays du Tiers-Monde).

L'Irlande avait obligé les multinationales à produire sur son sol. Mais la signa ture du traité anglo-irlandais de libre-échange en 1965, qui donnait aux firmes britanniques le choix entre exporter vers ou produire en Irlande, amena ces fi rmes à se retirer de la production. L'adhésion au marché commun, en 1973, qui donne la même possibilité aux autres firmes européennes est en train d'avoir le même effet.

La localisation des investissements automobiles résulte donc des décisions pro tectionnistes des gouvernements. Le phénomène n'est pas nouveau, ni propre au Tiers-Monde. Les deux plus puissantes industries automobiles du monde se sont ainsi développées à l'abri de solides barrières douanières : l'industrie américaine au début du siècle, et l'industrie japonaise à partir des années cinquante. Les multinationales de l'automobile, en dépit de leur puissance, ne peuvent que se couler dans les moules que préparent les gouvernements. Lorsque ceux-ci le veu-

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lent, comme ce fut le cas au Japon, ou dans une assez large mesure en Corée, les multinationales restent à la porte, et se contentent de vendre leur technologie.

Ce type de développement s'est fait à un coût économique, à un coût en res sources. Beaucoup de pays du Tiers-Monde ont payé les automobiles qu'ils utili sent plus cher (qu'ils ne l'auraient fait si ils les avaient importées), parce que la production de ces automobiles ne bénéficiaient pas des économies d'échelle qui caractérisent cette industrie. Ceux qui, comme le Brésil, ont réussi à développer une industrie complète et efficace n'ont sans doute pas lieu de le regretter. Pour ceux qui n'ont pas réussi, et ils sont nombreux, le bila» est sans doute négatif. La protection des industries naissantes ne se justifie que lorsque le nouveau né est viable.

Le changement engagé, qui consiste à augmenter les taux de compensation et non plus les taux de contenu local, procède de la même volonté politique de déve loppement de l'industrie locale. Il passe aussi par des négociations entre multinat ionales et gouvernements. Il devrait aussi permettre aux pays du Tiers-Monde d'accroître leur part de la valeur ajoutée par l'industrie automobile mondiale.

Paradoxalement, cette forme de protectionnisme débouche sur un accroissement des flux de marchandises. Elle devrait aussi se faire sans coût économique supplé mentaire, puisque les usines qui seront localisées dans les pays du Tiers-Monde seront assez grandes pour bénéficier des économies d'échelle.

Le cas de l'automobile, cependant, est sans doute très particulier. Le cas des investissements des multinationales de l'automobile dans le Tiers-Monde ne peut pas sans danger être généralisé.

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