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Texte de la décision COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE. Chambre 1-1 ARRÊT AU FOND DU 11 JUIN 2019 L.V N 2019/

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Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND DU 11 JUIN 2019 L.V

N° 2019/

Rôle N° RG 17/16463 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBEMY

[W] [J]

[Y] [C] épouse [J]

C/

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DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée le :

à :Pierre-yves IMPERATORE Me Virginie ROSENFELD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04110.

APPELANTS

Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [Y] [C] épouse [J]

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née le [Date naissance 3] 1942 à ALGERIE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhone,

qui élit domicile en ses bureaux, [Adresse 5],

représentée par Me Virginie ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Odile GIROD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président, Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

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qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2019,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , faisant fonction de Président, et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] ont souscrit au cours du mois de juin 2012, une déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune ( ISF), dont le montant des droits dus s'est élevé à la somme de 140.565 €.

L'article 4 de la loi n°2012-de la loi de finances rectificatives du 16 août 2012 a instauré, à la charge des personnes redevables de l'ISF au titre de l'année 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune ( CEF) pour la seule année 2012.

Sur ce fondement, M. et Mme [J] se sont acquittés des droits mis à leur charge au titre de la CEF à hauteur de 194.915 € au cours du mois de novembre 2012.

Par réclamation contentieuse du 22 décembre 2014, les époux [J] ont sollicité la restitution de la CEF invoquant son caractère confiscatoire qui serait contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ( CESDH).

Cette réclamation ayant fait l'objet d'une décision de rejet, M. et Mme [J] ont, par acte d'huissier en date du 25 juin

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2015, fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de:

- saisir pour avis la Cour de cassation de la question de la compatibilité de la CEF avec l'article 1er du premier protocole additionnel de la CESDH,

- en tout état de cause prononcer la décharge des droits mis à leur charge au titre de la CEF 2012.

Par jugement contradictoire en date du 13 mars 2017, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- déclaré régulié le prélèvement de l'impôt à hauteur de 194.915 € perçu le 06 décembre 2012 par l'administration fiscale au titre de la CEF,

- confirmé la décision de rejet de l'administration fiscale du 29 avril 2015, - débouté M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge de M. et Mme [J].

Par déclaration en date du 29 août 2017, M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2017, M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J]

demandent à la cour de:

- déclarer M. et Mme [J] recevables et bien fondés dans leur appel,

Y faisant droit,

- infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée,

Statuant à nouveau,

- prononcer la décharge des droits mis à la charge de M. et Mme [J] à hauteur de 194.915 € au titre de la CEF 2012, - condamner l'Etat à payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils rappellent que pour la CEF, il s'agissait pour le législateur de rétablir au titre de l'ISF établi pour l'année 2012, un barème de calcul similaire à celui qui était applicable en 2011, que toutefois contrairement aux impositions des années antérieures qui étaient limitées par les dispositifs anti-confiscatoires du plafonnement et/ou du boulier fiscal, le rétablissement de l'ancien barème de 2012 n'était assorti d'aucun dispositif de plafonnement visant à limiter le niveau global des impositions en fonction des revenus, qu'ils ont ainsi dû s'acquitter de la somme de 194.915 € au titre de la CEF, portant l'imposition annuelle de leur patrimoine à 299.480 € alors que leur avis

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d'impôt sur les revenus de 2011 faisait apparaître un revenu fiscal de référence de 101.066 €.

Ils soutiennent que le plafonnement des impositions en fonction des revenus est un impératif résultant de la CEDH et plus particulièrement l'article 1er du premier protocole additionnel:

- s'il résulte évidemment de ces stipulations que les biens privés ne peuvent évidemment pas bénéficier d'une protection absolue contre toute ingérence, particulièrement eu égard au principe de nécessité de l'impôt, la cour européenne des droits de l'homme n'en rappelle pas moins régulièrement que la loi fiscale reste soumise à un contrôle de proportionnalité,

- la matière fiscale n'échappe donc pas à tout contrôle de la cour, qui vérifie que l'article 1er a fait l'objet d'une application correcte, qu'une imposition doit être considérée comme une violation dudit article si celle-ci conduit à une réelle confiscation d'une partie des biens du contribuable,

- le caractère excessif, attentatoire ou confiscatoire d'une imposition se mesure nécessairement à l'aune des revenus dont dispose celui qui la supporte,

- s'agissant de l'ISF, la cour européenne des droits de l'homme a pu estimer qu'il n'y avait pas violation de l'article 1er du premier protocole dans la mesure où, précisément le requérant avait pu bénéficier d'une mesure de plafonnement de l'ISF en fonction de ses revenus, ce qui signifie, a contrario, qu'en l'absence de toute mesure de limitation fondée sur des critères objectifs, il est évident que la France encourt, pour la CEF, une condamnation.

Ils font valoir qu'ils ont subi une spoliation effective que le premier juge aurait dû sanctionner dès lors que l'impôt mis à leur charge au titre de leur patrimoine a représenté près de trois fois le montant de leurs revenus 2011, de sorte qu'il n'a pu qu'entraîner une ponction sur leur patrimoine.

Ils considèrent que la validation du Conseil Constitutionnel de l'absence de plafonnement de la CEF dans une décision du 09 août 2012, n'est que de pure opportunité et ne permet pas d'écarter le grief d'inconventionnalité invoqué dans le cadre du présent appel:

- le caractère 'exceptionnel' d'une spoliation n'est pas retenu par la CEDH comme un élément de nature à justifier une atteinte au droit de propriété,

- le Conseil Constitutionnel, dans sa décision, fait référence à la possibilité de payer l'ISF 2012 par voie

d'imputation d'un droit de restitution ( ' bouclier fiscal') constaté au titre des impositions payées en 2010 et 2011, par rapport aux revenus de 2010, pour limiter l'importance de la charge financière subie,

- or, ils n'ont bénéficié d'aucune créance au titre du bouclier fiscal au cas d'espèce, de sorte que cet argument, à le supposer bien fondé, est inopérant, d'autant ce droit à restitution ne peut être regardé comme un élément de revenu qui devrait pris en compte comme une faculté contributive pour déterminer si cette imposition constitue ou non une charge excessive de l'année considérée.

Ils ajoutent que la jurisprudence de la Cour de cassation leur donne raison eu égard aux faits de l'espèce:

- elle estime que le caractère confiscatoire de l'ISF doit être apprécié en rapprochant son montant de celui des

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revenus nets perçus par les contribuables au titre de l'année antérieure, ce qui est le cas en l'occurrence, la CEF acquittée par eux dépassant largement le montant de leurs revenus perçus en 2011,

- l'analyse du tribunal qui s'attache à leur achat de parts sociales de la société HOLDING [J] devra être purement et simplement écartée par la cour, un tel achat ne contredisant en rien le fait qu'ils ont subi une imposition sur leur patrimoine bien supérieure aux revenus perçus au cours de l'année 2011,

- la variation du patrimoine déclaré au cours d'une année sur l'autre est certes plus importante car elle englobe également des revenus latents, susceptibles d'être réalisés par le contribuable et qui correspondent à la hausse de la valeur des biens qu'il détient,

- la prise en compte de ces revenus latents pour apprécier la capacité contributive est mal fondée, puisque lesdits revenus ne sont pas disponibles et présente donc un caractère hypothétique, outre que cela reviendrait à taxer ces revenus deux fois,

- le Conseil constitutionnel a pourtant tranché cette question, estimant que les revenus latents n'ont pas à être inclus dans les revenus pris en compte pour le plafonnement de l'ISF.

Le Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, dans ses conclusions signifiées par RPVA le 10 janvier 2018, demande à la cour de:

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en tout point,

- débouter les intéressés de l'ensemble de leurs prétentions d'appel et déclarer l'imposition fondée, - déclarer régulier le prélèvement de l'impôt à hauteur de 194.915 € perçu le 06 décembre 2012 par l'administration fiscale au titre de la CEF,

- confirmer la décision de rejet du 29 avril 2015 signifiée par l'administration fiscale à M. et Mme [J], - les condamner en outre à tous les dépens de l'instance,

- déclarer infondée la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et accorder à l'administration fiscale une indemnité de 2.000 € au titre dudit article,

- dire en toute hypothèse que les frais entraînés par la constitution d'avocat resteront à leur charge et que l'administration ne saurait supporter d'autres frais que ceux prévus par l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales.

Sur l'absence de plafonnement de l'imposition dans le cadre de la CEF, il formule les observations suivantes:

1. Sur la compétence reconnue à l'Etat en matière de politique fiscale et de modalités d'imposition:

- la CEF correspond à l'application, sur le montant du patrimoine déclaré au titre de l'ISF 2012, d'un barème progressif au taux marginal de 1,80% mais cotisation due est néanmoins déduite du montant de l'ISF dû pour le même exercice,

- la loi du 16 août 2012 n'a pas prévu de système de plafonnement dans les modalités de calcul de la CEF à

acquitter pour l'année, tout en maintenant la restitution sur les trop perçus d'impôt au titre du bouclier fiscal pour

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l'année 2011,

- l'impôt établi par la législation française est encadré par l'article 1er du protocole additionnel de la CESDH qui pose comme principe que toute imposition fiscale constitue une ingérence dans le droit de propriété garanti par cet article puisqu'il prive la personne d'un élément de propriété

- la CEDH reconnaît cependant régulièrement qu'une telle ingérence se justifie par cet article qui prévoit

expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions, sous réserve que cette ingérence ménage un juste équilibre entre l'intérêt général de la communauté et les impératifs de protection des droits individuels,

- la CEDH refuse expressément de se prononcer sur la charge financière excessive qui porte sur les contribuables et reconnaît à ce titre la compétence des juridictions internes, s'agissant notamment de la mise en place ou non d'un mécanisme de plafonnement de l'impôt par l'Etat, ce qui ne constitue pas une violation de l'article invoqué par les appelants,

- la Cour de cassation s'est d'ailleurs prononcée sur la compatibilité des modalités d'imposition prévues par la législation française et cet article,

2.Sur le respect de la proportionnalité dans les modalités d'imposition au titre de la CEF,

- l'absence de plafonnement dans le calcul du montant de la CEF ne suffit pas à caractériser un manque de proportionnalité, que le plafonnement par rapport au revenu ne s'impose pas par principe à un impôt qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine et que la détermination du montant de cet impôt se fait par principe indépendamment du niveau de revenu,

- l'article 4 de la loi du 16 août 2012 respecte donc le principe de la proportionnalité dans les modalités d'imposition au titre de la CEF.

Il conteste la spoliation sur leur patrimoine alléguée par les appelants pour les motifs suivants:

- l'assiette de l'impôt sur le revenu est détachable de l'assiette de l'ISF dont relève la CEF:

* les appelants ne justifient pas de l'appauvrissement de leur patrimoine, qui au contraire, a connu suite à un certain nombre d'acquisitions de parts sociales une croissance importante qui a porté sa valeur brute à 24.480.000

€,

* aucune ponction sur le patrimoine des appelants n'a donc été réalisée ou ne s'est avérée nécessaire dans l'acquittement du paiement de la CEF, le patrimoine des appelants ayant au contraire augmenté entre le 31 août 2012 et le 18 septembre 2012,

* le Conseil Constitutionnel a clairement indiqué que la CEF relève de l'ISF et porte sur l'imposition du patrimoine et non sur l'imposition du revenu, avec pour conséquence qu'il faut relever la valeur totale du patrimoine des époux [J] et rapporter le montant de la CEF à celui-ci et que l'infériorité du montant du revenu net de frais professionnel est sans incidence sur la légalité du montant acquittée au titre de la CEF,

* les appelants ne peuvent utilement contester l'estimation de croissance de leur patrimoine telle qu'établie par l'administration, les consorts [J] opérant une confusion entre l'enrichissement patrimonial tel que mesuré par les services fiscaux et d'éventuels revenus latents qui sont sans rapport avec l'imposition litigieuse,

* la jurisprudence précise que les biens appartenant au contribuable doivent être inclus dans l'estimation du

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patrimoine même s'ils ne produisent aucun revenu et qu'il convient de prendre en compte les gains de cessions de valeurs mobilières,

- la CEF respecte les critères objectifs et rationnels poursuivis par le législateur dans le cadre de ses prérogatives:

* le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 09 août 2012, a validé l'absence de plafonnement de la CEF,

* il ne s'agit nullement d'une validation de pure opportunité comme le prétendent les appelants; le Conseil

Constitutionnel a rappelé la compétence conférée au législateur en matière d'élaboration de la loi fiscale, que celui- ci doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonctions des buts qu'il se propose, ce qui a été constaté en l'espèce, les modalités prévues par la loi n'étant manifestement pas inappropriées à l'objectif visé.

Il ajoute que la circonstance selon laquelle les époux [J] n'ont bénéficié d'aucun droit à restitution sur leurs impôts prélevées par l'administration fiscale pour l'année 2011 implique qu'ils ne remplissaient pas les conditions prévues par la loi de finances rectificative du 16 août 2012, ce qui n'a aucune incidence sur la légalité du prélèvement de la CEF acquittée par les appelants au titre de l'ISF pour l'année 2012.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 26 mars 2019.

MOTIFS

L'article 4 de la loi de finances rectificatives n°2012-958 du 16 août 2012 a instauré, à la charge des personnes redevables de l'ISF au titre de l'année 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune ( CEF) pour la seule année 2012.

L'exposé des motifs dudit article énonce qu'il s' agit de ' contribuer au redressement des finances publiques et en particulier à l'atteinte de l'objectif de déficit public pour 2012 qui participe à la crédibilité internationale de la France, tout en cherchant à faire contribuer davantage les contribuables les plus fortunés de façon à assurer une répartition équitable de la charge fiscale supplémentaire que suppose ce redressement'.

Il est constant que M. et Mme [J], qui ont souscrit au cours du mois de juin 2012, une déclaration d'ISF, ont dû s'acquitter des droits mis à leur charge au titre de la CEF pour cette année 2012 à hauteur de 194.915 €.

Ces derniers sollicitent la décharge de cette imposition, invoquant l'absence de plafonnement en fonction des revenus et de respect du principe de proportionnalité, au mépris de l'article 1er du premier protocole additionnel

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de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Ils estiment qu'ils ont subi une spoliation effective de leur patrimoine qui doit être sanctionnée.

L'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales dispose que:

' Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.'

La Cour européenne des Droits de l'Homme ( la CEDH) a ainsi pu rappeler que l'imposition fiscale constituait en principe une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de cet article, dès lors qu'elle prive la personne concernée d'un élément de sa propriété, à savoir les sommes que celle-ci doit payer mais qu'une telle ingérence se justifie conformément au deuxième alinéa de cet article qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement des impôts ou d'autres contributions.

Par une décision du 04 janvier 2008, régulièrement reconduite, la CEDH a précisé que toute ingérence, y compris celle résultant d'une mesure tendant à assurer le paiement des impôts, doit ménager un 'juste équilibre' entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la protection des droits fondamentaux de l'individu.

Il doit donc y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi, avec pour conséquence que l'obligation financière née du prélèvement des impôts ou de contributions peut léser la garantie consacrée par l'article 1er susvisé si elle impose à la personne ou à l'entité une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à leur situation financière.

Il convient par ailleurs de rappeler que la CEDH reconnaît la compétence de l'Etat et des juridictions internes en matière de politique fiscale et de modalités d'imposition, refusant de se prononcer sur la charge financière excessive qui repose sur les contribuables, admettant la compétence des Etats contractants qu'elle qualifie d'étendue, puisque ces derniers disposent d'une marge d'appréciation étendue quant à la réalisation des conditions posées par l'article 1er susvisé, tout particulièrement en matière de politique fiscale.

Il s'ensuit et comme l'a retenu à juste titre le premier juge que l'absence de plafonnement d'un impôt ou d'une contribution n'est pas a priori contraire aux dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel et ne peut donc être considérée comme telle que si cette imposition ne respecte pas le ' juste équilibre' et conduit à une réelle confiscation du patrimoine du contribuable.

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Il en est de même pour le non respect du principe de proportionnalité allégué, compte tenu non seulement de la compétence étatique reconnue en la matière mais aussi du fait que l'absence de plafonnement ne suffit à caractériser un manque de proportionnalité par rapport au niveau des revenus, s'agissant d'un impôt qui a pour objet de saisir la capacité contributive que constitue le patrimoine.

Au demeurant, dans sa décision n°2012-654 du 09 août 2012, le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la constitution l'article 4 de la loi du 16 août 2012 instituant la CEF, rejetant le moyen relatif à la rupture d'égalité devant la chose publique pour absence de plafonnement, en retenant que:

- le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis et que la CEF combinée avec l'ISF pour l'année 2012, ne faisait pas peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits,

- la loi de finances rectificatives met en oeuvre de manière non renouvelable la création de la CEF exigible au titre de la seule année 2012.

Les appelants soutiennent avoir subi, compte tenu du montant des droits mis à leur charge au titre de la CEF, une spoliation effective, aux motifs que l'impôt mis à leur charge au titre du patrimoine, à savoir ISF et CEF a

représenté en 2012 une somme de 299.480 €, soit près de trois fois le montant de leurs revenus 2011. Ils en tirent pour conséquence que cette imposition n'a pu qu'entraîner une ponction sur leur patrimoine.

Un impôt présente un caractère excessif s'il conduit à une absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable, à l'aliénation forcée d'une partie de leur patrimoine ou à une diminution de celui-ci dans sa composition. Il s'agit en d'autres termes d'un prélèvement équivalent en une expropriation déguisée.

Comme le souligne à juste titre l'administration fiscale, les époux [J] ne sont pas en mesure de justifier avoir été contraints de céder une partie de leur patrimoine pour s'acquitter de la CEF, d'autant qu'ils ont acquis des parts sociales au sein de la Holding [J] par acte sous seing privé en date du 31 août 2012, enregistré au SIE d'Antibes pour un montant total de 474.429, de sorte que leur patrimoine a connu au cours de l'année au titre de laquelle la CEF leur a été réclamée, une croissance qui a porté sa valeur brute à 26.480.000 €, ladite acquisition ayant ainsi été à l'origine d'une augmentation dudit patrimoine et donc de la révélation de ressources qui n'ont pas été absorbées par le paiement de la CEF.

Contrairement aux affirmations des époux [J], les règles d'assiette de l'ISF dont relève la CEF sont non seulement détachées de celles du revenu mais de surcroît n'établissement aucune distinction selon que les biens, droits ou valeurs appartenant au contribuable au moment du fait générateur soient productifs ou non de revenus. Il en résulte que les biens appartenant au contribuable doivent être inclus dans l'estimation de leur patrimoine même s'ils ne produisent aucun revenu, de sorte que c'est à juste titre que l'administration prend en compte les gains de cessions de valeurs mobilières pour évaluer les capacités contributives des appelants, le fait qu'ils n'apportent que

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des revenus latents étant sans incidence.

Enfin, la circonstance que les appelants n'aient bénéficié d'aucun droit à restitution sur leurs impôts prélevés pour l'année 2011 signifie uniquement qu'ils ne remplissaient les conditions prévues par la loi du 16 août 2012 à ce titre, mais ne remet pas en cause la légalité du prélèvement opéré au titre de la CEF, qui n'a , au regard des développements qui précèdent, ni crée une charge excessive ni porté atteinte à leur situation financière.

En l'absence de démonstration d'une spoliation effective de leur patrimoine, M. et Mme [J] seront déboutés de leur demande de décharge des droits mis à leur charge au titre de la CEF 2012.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, Vu l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déboute M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] des fins de leur recours et confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] à payer à M. le Directeur Régional des Finances Publiques de

Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

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Condamne M. [W] [J] et Mme [Y] [C] épouse [J] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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