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Voyage d étude en Espagne des élèves-ingénieurs civils des forêts

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Voyage d’étude en Espagne des élèves-ingénieurs civils des forêts

André Dinard

To cite this version:

André Dinard. Voyage d’étude en Espagne des élèves-ingénieurs civils des forêts. Revue forestière

française, AgroParisTech, 1970, 22 (2), pp.185-190. �10.4267/2042/20360�. �hal-03385754�

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chronique internationale

VOYAGE D'ÉTUDE EN ESPAGNE

DES ÉLÈVES-INGÉNIEURS CIVILS DES FORÊTS

Les 25 Elèves-Ingénieurs Civils des Forêts du Centre de Nancy de I'E .N .G .R .E.F. ont effectué un voyage d'étude du 27 avril au 11 mai 1969 en zone méditerranéenne.

Ce voyage avait pour thème principal le reboisement . Après une première partie française qui comportait la visite de reboisements dans le Ventoux, les Basses-Alpes, l'Esterel, les Maures et les Alpilles, une seconde partie comportait la visite de travaux forestiers en Espagne dans

les provinces de Huesca, Saragosse, Lerida et Gérone.

Nous nous proposons de donner quelques indications sur les conditions de la politique du re- boisement en Espagne et d'illustrer cette politique par les exemples qui ont été présentés au cours de ce voyage.

Les travaux des forestiers espagnols ont pris une remarquable ampleur dans le domaine du reboisement en particulier, depuis une vingtaine d'années.

L'Administration forestière, réorganisée par décret du 28 novembre 1968, est dirigée par la Direction générale des forêts, de la chasse et de la pêche fluviale » et comprend essen- tiellement deux sous-directions : la « Sous-direction générale des forêts soumises » qui est chargée des forêts de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements publics, la >> Sous- direction générale de la défense du patrimoine forestier » qui est chargée de la défense des forêts en général (maladies, incendies . . .), de l'inventaire forestier, des études techniques géné- rales et de l'application de la législation forestière . Dépendent également de la Direction gé- nérale les organismes autonomes suivants : le >< Patrimonio Forestal del Estado le >> Ser- vice de la pêche continentale, de la chasse et des parcs nationaux », l' >< Institut forestier des recherches et expériences ».

Le Patrimonio Forestal del Estado est chargé de la gestion des forêts de l'Etat et des travaux (reboisement, R .T .M .) qui lui sont confiés par la Direction générale . Son régime administratif lui confère une certaine autonomie financière et lui permet de racheter des terrains, de passer facilement des contrats pour l'exécution des travaux avec les collectivités locales ; il peut ainsi disposer de terrains pour le reboisement en particulier : il plante, exploite et se rembourse des fiais qu'il a exposés à la vente des produits.

Le P .F .E . est divisé en chefferies régionales qui comprennent plusieurs divisions dirigeant elles-mêmes des brigades d'intervention.

A côté du P .F .E ., l'administration forestière ordinaire est représentée par les districts forestiers (Distritos Forestales) qui dépendent de la . Sous-direction générale des forêts soumises et qui sont chargés de la gestion des forêts classées d'intérêt public (à l'exception des forêts de l'Etat) et en particulier de celles des collectivités locales . Ils sont également chargés d'or- ganiser des travaux de reboisement de surface inférieure à 50 ha effectués pour le compte des collectivités, des établissements publics et d'apporter l'aide de I'Etat aux reboisements privés.

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Cette aide de l'Etat au reboisement privé tend à se développer sous forme de prêts et de subventions accordées par la Banque du Crédit Agricole pour la création de reboisement, pour des travaux de régénération et d'entretien, pour la création de pare-feu et de voies de desserte et pour l'établissement de plan de gestion . Cette politique du crédit tend à favoriser le reboisement en essences à croissance rapide

Cette nécessité d'intensifier les reboisements tant publics que privés est imposée par la situa- tion de la production forestière du pays qui est insuffisante pour faire face à la consomma- tion qui augmente rapidement.

La superficie du domaine forestier espagnol était estimée à 26 818 100 ha en 1963, avec 7,6 mil- lions d'ha de forêts produisant régulièrement des bois d'oeuvre et d'industrie (le reste étant constitué de forêts claires, maquis, broussailles, nappes de sparte . . .) dont 4,6 millions d'ha en conifères et 3 millions en feuillus.

A signaler que l'inventaire forestier est en cours par un service spécialisé et que la carte forestière de l'Espagne au 1/400 000 a été publiée en 1966.

La production est essentiellement alimentée par les Pins (69,2 °/o) en 1963 : P. pinaster (32 °/o), P . sylvestres (15 °/o), P . halepensis (7,8 °/o), P . laricio (5,2 °/o), P . insignis (4,4 °/o) . Parmi les feuillus, les essences les plus importantes au point de vue production sont : les eucalyptus (E . globulus et E . camaldulensis), le châtaignier, le hêtre, les peupliers et le chêne rouvre.

La situation de la production par rapport à la consommation a été publiée en 1967 suivant le tableau ci-après, où les quantités sont exprimées en million de mètres cubes de bois ronds équivalents.

Consommation

°/o du déficit Années Production de l'Industrie

du bois

Déficit de production

1950 2,5 3,7 1,2 48

1960 3,7 5,5 1,8 49

1963

Prévisions

4,4 7,1 2,7 61

1975 7,2 11,6 4,4 61

Les importations pendant les mêmes années n'ont cessé d'augmenter . Elles sont passées de 1950 à 1963 d'un total de 327,7 milliers de mètres cubes en équivalent de bois rond à 1 858 mè- tres cubes en 1963 . Les importations les plus importantes concernent les bois de pâte et les bois de construction dont l'évolution a été ia suivante, en milliers de mètres cubes de B .R.

équivalents

Bois de pâte Bois de construction

1950 269,6 23,1

1960 561,1 234,5

1963 794,2 951,5

Le déficit existant et à prévoir ont amené à rechercher une augmentation de la production en augmentant celle des peuplements existants par une meilleure exploitation et des pratiques de sylviculture améliorant et intensifiant les régénérations (naturelles ou artificielles) dans les peuplements forestiers qui sont peu denses en général . L'augmentation des surfaces reboi- sées, avec des essences à croissance rapide, est aussi un moyen d'accroître la production et de chercher à ralentir l'augmentation des importations.

Mais le reboisement n'a pas seulement un but de production, il a aussi un but de protection pour la conservation des sols et des ressources en eau . La mise en valeur par l'irrigation en particulier des meilleures terres des vallées entraîne l'abandon des terres les plus pauvres par une agriculture marginale et un pâturage extensif . Il importe donc de protéger contre l'éro- sion les bassins versants dominant les zones de mise en valeur . Le reboisement est le moyen adopté pour atteindre ce but . Ainsi doivent, dans la majorité des cas, se trouver concilier les buts de protection et de production . En zone montagneuse et particulièrement sur le versant pyrénéen, le reboisement, associé à d'importants travaux de correction torrentielle (décrits par A . Poncet dans la R .F .F . d'octobre 1965) aura essentiellement un but de protection.

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Chronique internationale

L'administration forestière s'est attelée à cette tâche de reboisement avec méthode et persé- vérance et grâce à l'organisation efficace des services et â la compétence du corps forestier, un remarquable effort a été fait depuis 1940 dans ce domaine.

Avant 1940, l'Espagne n'avait presque pas de reboisement. En 1964, elle possédait 2 millions d'ha de reboisement public et environ 400 .000 ha de reboisement privé . De 792 ha en 1940, la surface reboisée par an a atteint 100 000 ha en 1953 . En 1964, la surface reboisée a été de presque 116 000 ha :

P . F. E . : 94 300

Districts 9 675

Privé : 12 000

En 1966 le P .F .E . a reboisé 87 000 ha sur de nouveaux périmètres et 24 000 ha pour compléter des périmètres existants . Les principales essences utilisées ont été :

Pinus pinaster 27 852 ha Pinus sylvestris 12 900 ha Pinus halepensis 12 198 ha Pinus Iaricio (Autriche) 8 198 ha Pinus laricio (Espagne) 5 615 ha Pinus insignis 7 235 ha Pinus canariensis 791 ha

Cupressus 870 ha

Eucalyptus 8 728 ha

Populus 555 ha

Le reste étant des résineux divers et du châtaignier.

Plantation de Pin d'Alep sur le bassin de Rio-Seco PHOTO RAMABLAVELO

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Le coût moyen par hectare de ces reboisements a été le suivant :

Résineux 7600 pesetas

Peuplier 18000 pesetas

Eucalyptus 10500 pesetas

le coût variant avec le prix de la main-d'oeuvre suivant les régions et avec les techniques mises en oeuvre.

Les techniques de pépinières sont très élaborées et les techniques de plantation sont en continuelle évolution comme nous le verrons plus loin.

Cette même année 1966, le P .F .E . a réalisé pour la correction torrentielle un cubage de 108 000 mètres cubes d'ouvrages en béton, 1 i 200 mètres cubes en maçonnerie, 2 300 mètres cubes en pierres sèches et 1 900 mètres cubes en gabions.

La lutte contre les incendies est aussi une préoccupation importante de l'Administration fo- restière . De 1961 à 1967, 320 000 ha ont été affectés par le feu et 76 000 ha rien qu'en l'année 1967 Un service de défense de la forêt contre l'incendie est rattaché à la « Sous-direction générale de la défense du patrimoine forestier « . En 1967, il a créé 204 km de piste d'accès, 71 tours de guet et équipé 241 équipes en matériel de télécommunications . Dans la création des reboisements et l'équipement des forêts, en zones de danger d'incendie, la construction des pare-feu fait partie de l'investissement au même titre que les voies de desserte.

Au cours du voyage d'étude, il a été possible de voir des aspects de ces différents travaux dans la Direction régionale du P .F .E . de l'Ebre grâce à l'obligeance de M . l'Ingénieur en Chef FANLO, Directeur régional, et à ses collaborateurs.

Les affluents pyrénéens de l'Ebre fournissent des ressources en eau qui sont d'une importance vitale pour la mise en valeur de la vallée de l'Ebre . Une véritable politique de l'eau a été ins- taurée pour exploiter intensivement ces ressources par création de barrages de retenue et de canaux pour l'irrigation et de barrages pour la production d'énergie électrique . Les forestiers apportent une remarquable contribution à cette politique en luttant contre l'érosion qui se développe sur les roches meubles du tertiaire souvent mises à nu, érosion favorisée par l'action des pluies violentes du climat à caractère méditerranéen . Des chantiers concernant cette activité ont été visités : barrages de correction torrentielle et endiguement de cônes de déjection dans les régions de Canfranc et Viella et dans les vallées du Ribergozana et du Flamisell : barrages de sédimentation et reboisement de protection sur le bassin-versant du barrage de Yesa (400 millions de m 3 permettant l'irrigation de 100 000 ha) sur l'Aragon et dans la région de Pobla de Segur protection de berges par épis et rectification du lit mineur sur l'Aragon et le Ribergozana.

La visite de la belle et moderne station de Capdella, dans la riante vallée du Flamisell, montra que la pisciculture était aussi une façon d'exploiter ces ressources en eau en favorisant le tourisme pour la pêche à la truite.

Dans la région de Jaca et, au Sud de l'Ebre dans la région de Montalban, la politique de reboisement du Patrimonio Forestal del Estado fut illustrée par les exemples de la vallée pilote de Galcipollera et des périmètres du Rio Seco et de Martin del Rio . Grâce à une législation adaptée et à un financement régulier, les terres pauvres, peu à peu abandonnées, sont rache- tées ou mises sous contrat pour créer des périmètres de reboisement . Les sols dégradés et la rigueur du climat méditerranéen semi-aride à tendance continentale (5 mois d'été secs et chauds, 2 mois de saison froide) nécessitent des techniques très élaborées de pépinières, de prépa- ration du sol et de plantation . La technique de production de plants cernés destinés à la plan- tation à racines nues a été présentée aux pépinières de Javierregay et du Rio Seco . La préparation du terrain sur sols à roches-mères de marnes ou de grès a été examinée sur les périmètres des bassins-versants de Yesa (270 000 ha) et du Rio Seco (3 500 ha) où les plan- tations de Pin d'Alep et de Pins Noirs sont effectuées à la densité de 2 000 plants à l'hectare sur banquettes de 1 m de large ouvertes actuellement au bull-dozer à 3 m de distance suivant la pente . Le pin d'Alep est mis en place en sachet de polyéthylène à l'âge de six mois, le Pin noir d'Autriche à racines nues après 2 ans de pépinière avec deux cernages chaque année sans repiquage . Jusqu'à ces dernières années, les banquettes étaient ouvertes à la charrue, puis nivelées et sous-solées avec des machines simples et robustes adaptées à la traction bovine.

Ces machines, maintenant abandonnées par suite du manque de main-d'oeuvre (désertion des campagnes au profit de l'agriculture intensive et des industries des vallées) pour conduire les attelages, ont été présentées au Centre forestier de Montalban . Dans le périmètre de reboi- sement de la commune de Martin del Rio une démonstration de création de bourrelets isohypses de 40 cm de haut, sur sol profond du carbonifère, couvert d'une pelouse, a été exécutée par

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Pépinière centrale sur le Rio-Seco, présentée par M . l'Ingénieur en

chef FANLO PHOTO DINARD

une puissante charrue bi-socs réversible portée par un tracteur à chenilles de 120 CV . Les plants à racines nues sont mis en place par un ouvrier assis sur l'axe de la charrue, qui pré- sente le plant sur la première bande de terre pendant que la deuxième bande est retournée.

Les trois facteurs déterminants pour le choix des espèces sont : le sol, le climat et l'exposition.

Le taux moyen d'accroissement des plantations n'est pas encore précisé, mais on l'estime à 5 m 3 par hectare et par an.

Sur l'emprise domaniale des berges de rivières dont la protection a été effectuée, par rectifi- cation du lit au bull-dozer et création de bourrelets et épis, le Patrimonio Forestal assure la mise en valeur des surfaces récupérées par la culture du Peuplier avec des crânes espagnols (Campeador et Bianco) et italiens (1214 surtout) . La densité de plantations qui parait la plus intéressante est de 4 sur 6 pour l'obtention de bois de déroulage, indispensable pour l'in- dustrie de l'emballage en particulier . Grâce à l'irrigation qui apporte des éléments fins sur des sols souvent grossiers au départ et quand la nappe est trop profonde, grâce aux engrais et à des élagages très étudiés, on compte sur des rendements de 15 m3/ha/an sur 15 ans.

Les dépenses de l'ordre de 555 pesetas/ha pour la correction des lits, l'irrigation et la planta- tion seront amorties à la première récolte, ce qui justifie les investissements faits sur ces sols qui seraient restés improductifs après une simple correction du lit . De telles plantations ont été visitées sur l'Aragon, le Rio Martin et le Ribergozana.

Dans la région de Gérone, sous un climat tout à fait différent, du type méditerranéen humide, le périmètre de Galcederra a permis de voir un chantier de reboisement nouvellement ouvert par le P .F .E . sur 500 ha (la surface doit être portée à 6000 ha par achats de terrains privés) pour une plantation de Pin maritime sur banquettes ouvertes au bull-dozer dans un maquis dense sur schistes décomposés . Le rendement du tracteur est de 120 mètres de terrasse à l'heure pour un coût de 55 pesetas . Les gradins sont travaillés ensuite au rooter à trois dents et les plants à racines nues seront mis en place sur deux lignes en quinconce, un sur le remblai et un à 1 mètre en arrière, sur le sol en place . Les gradins sont aussi rappro- chés que le permet la pente qui est de l'ordre de 40 0/o . La densité de plantation sera de l'ordre de 2 000 plants à l'hectare .

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Un peu plus au Nord, a eu lieu la visite du chantier de fixation des dunes de Ampurias dont le but est de protéger des cultures et les ruines du temple romain sitées à proximité . C'est un bel exemple, très didactique, des travaux à réaliser dans ce domaine sur un site particu- lièrement fréquenté par les touristes.

Dans la province de Huesca, le Docteur-Ingénieur des Forêts, Chef du « Distrito Forestal » de Huesca, Monsieur Pena URMENETA, a bien voulu nous présenter un exemple de ses tra- vaux dans la forêt de la commune de Jaca, dite a forêt de Oroel », de 1 760 ha, à base de Pin sylvestre : plan d'aménagement, voies forestières, enrichissement, lutte contre l'incendie, équipement touristique . Cet exemple permit aussi de comprendre comment se coordonnaient les actions du P .F .E . et du « service ordinaire » de la « Sous-direction générale des forêts sou- mises ».

Les Elèves-Ingénieurs du Centre de Nancy tireront un enseignement utile de la visite des travaux importants qui furent commentés avec une haute compétence . Ils n'oublieront pas non plus le chaleureux accueil qui leur fut réservé et ils se rappelleront toujours avec plaisir l'hospitalité forestière et l'amicale ambiance des réceptions de Jaca, Javier et Montalban.

Novembre 1969

BIBLIOGRAPHIE

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I N F O R M A T 1 O N S

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Ce dernier comprend deux Divisions : celle du Commerce et des Industries forestières dirigée par M . Vakomies (Canadien) et la Division des Ressources forestières dirigée par M . R .G . Fontaine (Fran- çais).

Le Directeur du Département est M . B .K . Steenberg (Suédois) ; il est assisté de M . Jack Westoby (Britannique) comme Directeur des opérations et de la coordination des programmes et de M . Louis Huguet (Français) comme Directeur du Bureau des Opérations .

André DINARD

Conservateur des Eaux et Forêts

"Outre-Mer"

E . N . G . R . E . F, 14, nie Girardet

54 - NANCY

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